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- Le Chant des Ronces -
Lune - Myriem - Ellana - Ersa - Alaric
INTRODUCTION
Le Sekaï, dans son infinie beauté qu'éclipsait malheureusement une bien tumultueuse histoire, était avant tout une terre animée par une diversité extraordinaire. Pour qui s'improvisait explorateur, l'existence semblait revêtir chaque jour un tout nouveau visage. Tantôt faite d'aventures, parfois de cauchemars insondables, la vie de ceux qui arpentaient les sentiers de ce monde aussi somptueux que dangereux était faite d'innombrables surprises.
Certains trouvaient sur leur route des trésors insoupçonnés et d'autres se confrontaient à chaque instant aux dangers les plus insurmontables qu'avaient laissé derrière eux les monstrueux façonneurs de cet univers. La noirceur laissée sur Terre par les Titans croissait de jour en jour, et la rudesse de cette existence harassante paraissait pensée pour pousser les valeureux à abandonner le dernier espoir d'un avenir paisible.
Héros, tortionnaires ou simples âmes errantes voguant sur les flots sauvages d'un destin cruel, chacun faisait face un jour ou l'autre à un ennemi aussi inaliénable que retors :
La solitude.
Si pour certains cette dernière se montrait salvatrice, puisqu'elle offrait l'occasion de jouir d'un peu de cette paix à la fois éphémère et si difficile à dénicher en ces temps troublés; les plus sages savaient toutefois qu'elle n'était pas synonyme de sureté.
Le monde extérieur recelait de nombreux adversaires, mais pouvait-on seulement se prémunir de la venue des monstres, bien plus fourbes et perfides, qui se nichaient dans les toiles nées de nos esprits ?
Les pensées supposément silencieuses pouvaient sembler parfois terriblement bruyantes.
Cela, vous ne le saviez que trop bien.
TOUR 1
La solitude n'est pas toujours simplement définie par l'absence de pairs. Certains d'entre vous sont même plutôt bien entourés. Qu'il s'agisse de votre famille, de vos amis ou de vos confidents, vous jouissez peut être aujourd'hui de la réconfortante chaleur offerte par la présence de vos proches. Vous faites pourtant face à un défi qui ne semble regarder que vous et qui vous isole peu à peu du reste du monde. Peut-être avez-vous, au contraire des premiers, choisi de vous distancer un peu d'une civilisation souvent trop étouffante à votre goût ?
Ces voix, que sont-elles ? A qui, ou à quoi appartiennent-elles ?
Avez-vous besoin d'un peu de repos bien mérité à l'écart de tout, surtout après ces folles aventures que vous avez mené au quotidien ? Une chose est sûre : vous avez mal au crâne. Concentrez-vous sur autre chose.
Un bain chaud... une partie de chasse... un peu de lecture... s'occuper d'un enfant qui n'a que vous...
Vous êtes parvenu à trouver un moyen de vous ressourcer mais vous ressentez malgré le maigre plaisir que vous offre ce moment tranquille un inconfort grimpant. Il y a un poids sur vos épaules, une fiévreuse froideur dans vos muscles curieusement tendus, une sécheresse douloureuse dans votre gorge ainsi qu'une irrépressible envie de vous abandonner à un sommeil réparateur.
Votre esprit est embrumé, vos pensées semblent habitées par des voix qui ne sont pas les vôtres. Lorsque vous faites l'erreur de vous concentrer par mégarde sur ces sonorités fantomatiques, vous découvrez avec stupeur qu'elles se muent en un chant lancinant dont il vous semble impossible de percevoir et comprendre les obscures paroles. Parfois, vous vous y perdez durant de longues minutes.
Vous en êtes peut-être venu à marmonner cette mélodie curieuse, comme si la matérialiser par votre voix pouvait l'exorciser. C'est peine perdue. Dés que vous y accordez un peu trop d'attention, une montée d'angoisse subite vous prend aux tripes et les voix se taisent en se tapissant dans l'ombre de réflexions plus pressantes, mais elles reviennent toujours plus fortes à chaque moment d'égarement. Cette migraine devient insupportable.
Est-ce que cela a commencé hier, avant-hier, il y a une semaine ou un mois ?
Avez-vous seulement tenté d'en parler à quiconque ?
Est-ce la folie qui vous guette ?
Vous n'êtes pas sans savoir que votre esprit et votre corps ne font qu'un et qu'on ne peut porter seul le poids d'un monde. Abandonnez-vous à la fatigue.
Dormez, aventuriers. Vous en avez rudement besoin.
OBJECTIFS
-Contez-nous votre journée. Comment composez-vous avec ces voix qui parasitent vos pensées ? Depuis combien de temps êtes-vous touchés par ce mal étrange ? Quoi qu'il arrive, vos tourments s'achèvent enfin. Au terme de ce jour, vous vous endormirez.
Pas de deadline pour ce premier tour.
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Le corbeau béhémoth lâche immédiatement le cadavre de grue qu'il tenait dans son bec quand il entend le hurlement, et avec une précipitation presque paniquée il accoure aux côtés de la petite fae. Il s’enroule autour d’elle, ses plumes l’abritent, il est inquiet. Elle se recroqueville en son creux, ses pétales fanent, comme sa résolution. La tête de l’immense Gardien de Jais dodeline de droite à gauche face à l’incompréhension qui meurtrit son coeur de bête, il ne conçoit pas la cause possible du malaise du petit être. Elle en prend pourtant soin, elle ne manque plus de rien.
Lune est roulée en boule, ronde comme l’astre dont elle a volé le nom, ses jambes repliées contre son ventre et ses fragiles mains grippées sur ses tempes, elle appuie de ses paumes sur son crâne comme pour y rentrer ses mains, elle souhaite fouiller dans ses pensées, attraper le parasite qui y habite et le déchirer, le déchiqueter, le découper, le dépecer, le d-
Ça recommence. Encore. Encore et encore. Là ça recommence, elle ne peut se demander si elle l’a bien entendu, sa voix intérieure se perds dans les autres, mais pas les siennes, celles qu’elle entend, mais qui ne viennent pas d’elle, celles qui parlent plus fort qu’elle, celles qui l’espionnent, celles qui l’observent. Elle n’en peut plus, Lune est fatiguée. Elle est découragée, sa volonté minée par le harcèlement répétitif des derniers jours, de la dernière semaine, elle ne sait pas depuis combien de temps ça dure, ou plutôt elle a su mais ne sait plus, une chose de plus qui du fil amoindri de sa raison funambuliste est tombé dans les méandres de l’épuisement.
Le gain de leur chasse est gâché, ni le Corbeau préoccupé ni la fae accablée n’y prêtent la moindre importance et le corps de la grue gît inutile sur le sol, nourrissant les quelques charognards opportunistes bien avisés de venir profiter de ce banquet généreux.
Lune pleure. Ses larmes chaudes hydratent la terre craquelée, elles nourriront peut-être des graines survivantes du cataclysme. De son chagrin ne germe cependant que l’anxiété de son compagnon impuissant. La culpabilité du mouron de son ami vient s’ajouter au fardeau déjà trop lourd que la fae porte en elle. Elle avait cru y échapper, elle avait cru s’en exempter, mais l’évidence fatidique l’a rattrapé. La Solitude.
Elle se sent coupable de se sentir seule en présence de celui qui lui consacre ses journées. La boule au ventre, la gorge nouée, ses yeux auscultent le sol tant elle n’ose pas lever le regard, elle reste à terre tant elle n’ose pas relever son corps. Comment affronter le dévouement inefficace de Crow? Comment lui avouer qu’elle ressent à nouveau le poids de l’esseulement? Si l’animal pouvait comprendre, elle se refuse à imaginer le mal que ça lui ferait.
Et pourtant, et pourtant le vide est là, cette sensation de manque plus forte que tout qui l’obnubile, qui l’empêche de se concentrer le jour et de dormir la nuit, cette sensation d’aigre douceur qui teinte les petits moments de joie et magnifie les instants de peine.
Et ça recommence.
Le pire ce sont les voix. Des voix qui lui chuchotent une terrible litanie aux oreilles, des voix qu’elle croyait avoir chassé depuis longtemps, des voix que la présence de Crow avait fait taire.
”Allez-vous en. Je n’ai plus besoin de vous, allez-vous en allez-vous en ALLEZ-VOUS EN!”
Elle s’acharne, Lune frappe le sol de ses mains, esquintant sa peau labile contre la terre desséchée, elle commence à saigner à force de taper du poing, à la vue de son sang le corbeau interpose son bec entre sa petite main et la terre.
”Pourquoi ça recommence Crow? Dis-moi, dis moi pourquoi ça recommence??”
Malheureusement ça ne sert à rien, elle a beau l’implorer, l’animal ne comprend pas même la raison de son désarroi, pas plus qu’il ne saisi la substance de sa question. Seul lui importe l’écarlate éclat de ses mains, le rouge sur le blanc. Elle enfouit son visage dans le noir de ses plumes, étouffant ses sanglots hoquetants dans la douceur de ses pennes. C’est là toute l’ironie du duo, le b.a.-ba de sa souffrance, la présence même de Crow et son incapacité à la comprendre met en relief la solitude de Lune. Il en a toujours été ainsi et elle ne l’a que rarement mal vécu, mais cette semaine, avec les voix de la folie qui refont surface après presqu’un siècle de silence, avec la lassitude de l’abattement et l’érosion de son esprit, sa tête est plus vulnérable encore que son corps déjà bien chétif.
”Crow…” Sa voix termine la voyelle en trémolo, imitant le son de ses lamentations. ”On s’en va.”
À l’entente d’une des commandes qu’il a appris à reconnaître, le Gardien saisit sa protégée dans ses serres et prend son envol. Ils naviguent ainsi les nuages, laissant les occasionnelles larmes de la fae s’improviser en gouttes de bruine quand elles dévalent de ses joues, jusqu’à un repaire des environs, un plateau rocheux sur une falaise dont le nid providentiel leur fourni gîte et couvert.
Ici, emmitouflée dans le corps de son veilleur, sereinement allongée dans le cocon de son protecteur, la petite fae s’abandonne aux murmures qui cisaillent sa conscience, sa raison achève de s’écrouler lorsque la fatigue l’emporte et elle ferme ses yeux pour la première fois depuis trois nuits.
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"Hé ! "Protesta l'homme qui avait manqué de perdre l'équilibre en titubant.
La petite jument le sentait mou sous sa brosse. Cela ne lui ressemblait pas. Il était resté là, plusieurs minutes plongé dans ses songes, alors que d'ordinaire, il était plus passionné, toujours content de lui lustrer le poil. Mais là non, il était ailleurs. Elle garda sa tête dans sa direction, l'étudiant. Il avait une mine étrange, presque inquiétante.
Alaric n'était pas en forme et ce n'était pas peu dire. Sa monture, de plus en plus agacée. Elle montra les dents, les claquant non loin de l'épaule droite de l'humain. Alaric recula juste à temps, manquant de tomber le cul dans la paille de la stalle. La tête de Petite-Baie tourna juste assez pour qu'elle lui dévoile un regard noir de reproches. Après s'être redressé, l'humain soupira et passa ses deux mains sur son visage. Bordel, voilà que cela recommençait… cela n'en finirait donc jamais ? Si ce n'était pas à Kyouji, ça venait d'où ? Et surtout, depuis combien de temps avait-il commencé à subir cela ? Bon sang, il n'arrivait pas à savoir où et quand... Depuis quand bordel !
Il inspira lentement et se calma. À chaque problème, il y avait une solution, pensa-t-il doucement. Le souci était qu'il n'avait encore rien trouvé de pertinent, ayant manqué à de nombreuses reprises de se perdre dans des hypothèses de plus en plus farfelues les unes des autres. Ne pas savoir l'origine de la source de ces voix, qui n'avaient été que rumeurs ou pensées parasites, du mieux l'avait-il cru au départ, avait pris petit à petit de l'ampleur… à un point que son travail en pâtissait quelque peu.
Au début, il avait cru à une réémergence de la malveillante vieillarde, qu'il n'avait pas réussi à stopper dans la province du Mont Kazan. Mais nulle trace de sa sale magie dans les parages. Ses tâches du quotidien peut-être ? Il s'y était comme réfugié ces derniers temps, cela, il l'admettait, mais pour occuper son esprit à autre chose que ce sourd malaise qui allait croissant dans son esprit et finissait par lui peser, à un point d'entendre une mélodie qui avait pris de plus en plus forme... Il ne se rappelait pas l'avoir entendu dans la bouche d'une quelconque personne. Au détour d'une des allées de la bibliothèque, quand il y avait mis les pieds y a un moment déjà ? Quand il se baladait dans les rues marchandes de Kyouji ? Il ne se le rappelait pas...Et d'y songer encore et encore, à s'en donner mal au crâne. Et quand il s'était mis à la marmonner, comme pour la chasser hors de sa tête, là, les choses prirent une évolution à laquelle il ne s'était pas du tout attendu… Là, la pression de l'angoisse était montée à un point qu'il avait cherché d'abord à prendre l'air, avant de finalement aller s'occuper de bosser dans les écuries pour se défouler un peu physiquement
Etait-ce une fuite ? Pas vraiment.
Petite Baie renâcla son agacement. Alaric passa encore une fois la main à son visage... Il était en train de perdre les pédales. Voilà ce qui lui arrivait. Quoi d'autre ? Entre les titans, les dissensions des clans, tous les morts que cela avait engendrés...TOUT ! Ses angoisses avaient refait surface après avoir croisé la route de cette sale garce de Murmureuse. Elle l'aura fait chier jusqu'au bout celle-là ! Et elle avait réussi à le toucher au plus tréfonds de lui-même !
"Ca te dit une petite ration de picotin "
La jument dressa ses oreilles en avant, guettant avec plaisir l'arrivée d'une ration d'avoine supplémentaire. Là, elle était d'accord ! Alaric la flatta l'encolure, alla chercher avec un seau ce qu'il avait "promis", et en profita au passage pour choper une flasque d'alcool fort qu'il avait planquée par loin. La jument le regarda d'un drôle d'air.
"Oui, je sais... mais là, j'en ai vraiment besoin. Et puis... tu ne pourrais pas comprendre. "
La bouteille calée sous son bras, il versa l'avoine dans la mangeoire de Petite-Baie, s'assura qu'elle avait de l'eau claire, rangea le seau et la brosse, et s'assit à côté d'elle en se laissant tomber le derrière dans la paille. Il ouvrit sa flasque et but une bonne grosse rasade. Grimaçant de la force éthylique qui passait dans sa bouche puis dans sa gorge, il baissa la tête en fermant les yeux, comme pour faire le vide dans sa tête et à nouveau, il se sentit envahir par tout ce poids dans son esprit... Cette fois, c'était décidé… Il se bourrera la gueule...
L'alcool qu'il ingéra en moins d'une heure renforça la fatigue qui n'attendait que le bon moment pour s'imposer à lui. La migraine martelait à son esprit. L'alcool ou alors ces maudites voix ? Oh et puis merde.... Il céda, se laissant emporter dans la vague qui l'emporta dans les sentiers du sommeil.
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Une nuit d'hiver de l'An 4
Only for a moment, and the moment's gone
All my dreams pass before my eyes, a curiosity
Dust in the wind
All they are is dust in the wind....
Une nuit d'hiver presque comme les autres.
Cette nuit encore je n'ai presque pas dormi. Par le passé j'avais dans mes pensées un démon aux yeux glacier qui me poursuivait, j'avais cru pouvoir l'effacer en partie tout du moins. Je n'avais plus la crainte de le voir surgir dans ma chambre mais... Il y avait eu Benedictus...
J'étais meurtrie dans mon âme et dans mon corps dorénavant, j'avais sacrifié une partie de mon être pour je ne savais trop quoi en réalité, aveuglée par ma foi en un avenir meilleur, désireuse de voir les créateurs remodeler ce qui devait l'être mais en tenant compte de nous, pauvres brebis égarées à leurs yeux. Je suis encore allongée, la nuit n'est pas terminée loin s'en faut mais le sommeil est parti.
Je finis par me lever et aller vérifier dans la chambre d'à côté que tout va bien, je perçois son aura sa présence mais va-t-il bien? Mon fils dort-il paisiblement loin du tumulte de mes pensées? J'ouvre la porte et avance doucement pour rejoindre son lit, il a bientôt deux ans, le temps défile si vite finalement. Je repousse une mèche de cheveux blancs et caresse sa joue avant de déposer un baiser sur son front. Alors que je me baisse, cela vrille ma tête, mon esprit, les voix, elles sont là, elles ne me quittent jamais et me surprennent chaque fois que je baisse ma garde. Elles murmurent, et semblent grignoter mon esprit, ce qu'il reste de sain en lui.
Je me relève, ferme les yeux, fronçant les sourcils et massant mes tempes comme si ce geste futile pouvait servir à quelque chose. Je soupire et quitte sa chambre. Je suis en robe de nuit et j'enfile mes chaussons et sans bruit alors que le Manoir dort encore je sors par la porte de derrière, celle qui mène à l'arrière cour et à la rivière à une centaine de mètres de là. La neige a recouvert le sol depuis quelques semaines déjà, il souffle un vent froid mais si mon corps frémit à son contact il me donne l'impression d'être vivante.
Je marche, le bruit de mes pas résonne dans le silence de la nuit, la neige crisse et s'affaisse, je laisse mes empreintes derrière moi et rapidement j'arrive devant la rivière.
All we do crumbles to the ground though we refuse to see
Dust in the wind
All we are is dust in the wind...
Elles murmurent insidieuses et m'empêchent de réfléchir, je suis incapable d'être efficace aux chantiers depuis mon retour, personne ne me dit rien, personne ne me demande rien. Il me manque un oeil, j'ai un bandeau pour cacher l'orbite vide. Et personne ne m'en parle, sauf ces voix qui sont mes compagnes.
Je suis devant la rivière, pas encore gelée pour sa part, l'eau coule doucement, ici on peut y entrer, s'y baigner quand il fait beau et bon, le niveau est haut déjà, et elle m'appelle, sombre, puissante, l'eau c'est mon élément après tout. Je quitte mes chaussons et frissonne quand mes pieds s'enfoncent dans la neige poudreuse, il fait froid mais je crois que je ne m'en rends pas compte. Je laisse tomber ma robe de chambre et j'avance vers l'eau. Quand je nage, je ne pense à rien d'ordinaire, peut-être que cela va m'aider?
Je ressens un choc violent quand mes pieds pénètrent dans l'eau glacée, je manque une respiration mais cela ne m'arrête pas. Je crois que je refuse à mon esprit de contrôler mes actes, seule la folie guide mes pas. Ma chemise de nuit rapidement est une gêne, mouillée, elle colle à ma peau mais cela ne change rien, j'avance inexorablement vers l'eau sombre et glaciale.
Leading you down into my core
Where I've become so numb without a soul my spirit sleeping somewhere cold...
Le froid aurait du me tétaniser, me ramener à la raison mais au contraire il m'engourdit, alors je me laisse tomber dans l'eau, m'immergeant d'un coup. Mon coeur marque un raté, il n'apprécie pas le traitement, mon corps est glacé presque instantanément mais normalement les réflexes et l'instinct de survie nous dicte de nous débattre, de lutter contre le froid, de s'extraire mais je sens au fond de moi que cet engourdissement assourdit les voix qui hantent mon esprit.
Je me sens bien, je ne manquerai presque à personne, mon fils à un père de substitution, Wan me sert de père et s'occupera de mon fils je le sais bien. J'ai toujours été d'une grande naïveté et emplie de désirs et d'envies toutes humaines et niaises, l'amour, je le voulais. Mais... J'ai cru avoir trouvé une âme proche de la mienne, les mêmes aspirations, les mêmes idéaux, le même combat pour Shoumeï. J'ai pensé que c'était peut-être le bon quand nous nous sommes embrassés devant ce maudit autel, son corps chaud près du mien, ses bras m'enlaçant, me protégeant, je voulais y croire... Mais quand j'ai rouvert les y... mon oeil après l'éveil de l'entité, il n'était plus là, il avait quitté Benedictus, sans un mot... Même lui le démon des rocheuses n'était pas resté pour moi... Et les voix qui me raillaient, qui me remerciaient encore...
Le poids de ma chemise de nuit m'entrainait vers le fond et comme je refusais de me débattre je coulais, emportée par le courant, je finis par me retrouver sous l'eau. Avais-je peur? Non, mon esprit se relachait enfin, les voix étaient étouffées par l'eau au dessus de ma tête. Je me sentis sourire, j'allais pouvoir dormir sans rien entendre, prendre un peu de repos, enfin...
To lose the child, the faith
To end all the innocence
To be someone like me...
Mon corps engourdi sombre, mes pensées sont calmes, plus rien ne vient obscurcir mon jugement. Et pourtant, un réflexe stupide, humain m'étreint, j'ouvre la bouche, j'ai besoin d'air, mais je suis sous l'eau, et la panique monte en moi. Je me débats, je bouge, je cherche mais je n'y vois rien, surface, sol, le prisme étroit de ma vision ainsi que ma peur m'empêchent de comprendre.
Et pourtant je ne veux pas mourir, je veux juste que les voix se taisent, ce n'est pas la même chose non? Je sens qu'on m'attrape, qu'on me saisit et on m'extirpe de l'eau. Il est là, pour moi, mon père de coeur, Wan, élémentaire d'eau millénaire qui me regarde avec peur, la peur de me perdre? Il ne me juge pas, il m'entraine sur le bord, sur la berge et me tire plus loin dans la neige. Mon corps est glacé, mes mains, mes pieds et mes lèvres bleuis par le froid mortel. Il use de sa magie et fait partir toute trace d'eau de la surface de mon corps et de mon vêtement. Je suis glacée mais sèche. Il m'emmitoufle dans ma robe de chambre et me laisse assise au sol un instant.
Je lève un regard apeuré vers lui et murmure.
- Je ne supporte plus les voix dans ma tête.
- Je sais mon enfant, je l'ai compris.
- Je veux le silence.
il ne dit rien, et c'est ça qui cloche, si lui ne parle pas, après un court instant de répit, je l'entends de nouveau dans mon esprit cette maudite mélopée qui va finir de me rendre folle et personne ne comprend vraiment. Il m'aide à rentrer, me prépare un bain chaud et me couche, je m'endors enfin pour quelques heures qui sait.
CENDRES
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Le chant des Ronces
Le ciel était parsemé d’étoiles, la vision préférée d’Ersa surtout quand le moral n’était pas au beau fixe. Elle était assise près d’un feu de camp, le refrain qui devenait incessant de cet orchestre de voix rongeait la résistance qui lui restait. Cela lui rappelait le chasseur qui parlait de plusieurs voix en même temps, mais lui cela sonnait plus harmonieux, enfin dans ses souvenirs. Les migraines n’avaient pas cessé avec leurs réunifications, enfin si, un moment. Assez courts, tellement qu’elle n’eut pas le temps de s’habituer à leurs absences. C’étaient les voix qui avaient pris le plus d’ampleur dernièrement, elle subissait toujours un bruissement en fond sonore tapi dans son esprit. Elle ferma les yeux, essayant de faire le vide dans son esprit pour essayer de rejoindre ce qu’elle appelait son palais mental, l’endroit ou avait été retenu Nora pendant si longtemps. L’endroit ou elle était retenue à chaque fois que Nora avait pris le contrôle. À la base, le hall représentait une salle symétrique avec une rangée de portes de chaque côté. Avant que Nora ne fasse son émergence, un côté était éclairé à la lumière des torches et l’autre non. Une série de portes était solide, entretenue, l’autre était griffé, marqué par les coups de rage de la louve. Après leur retrouvaille, toutes les torches étaient maintenant allumées. Les marques étaient toujours présentes.
Depuis leurs réunifications, la salle avait changé d’apparence. Le sol était maintenant poussiéreux, parsemé de petit tas de débris, une porte était apparue sur le mur du fond. Ersa n’avait jamais réussi à l’ouvrir. Elle entendait juste que les voix venaient de l’autre côté de cette porte. Comme toutes les lézardes qui parcouraient le mur naissait de l’encadrement de cette porte. Elle symbolisait la chute de son mental, le délabrement de son esprit. Encore une fois, elle voulait essayer d’ouvrir cette porte. Sa main frôla la poignée ronde de laiton avant de s’en saisir. Comme à chaque fois, Ersa n’eut le droit qu’a une vision. Celle de se retrouver devant l’albinos, celui qui avait fait d’elle sa poupée, qui avait retourné Nora contre le groupe. Son regard se posa dans celui du Lycan géant pour y voir toute la rage bestiale et l’amusement qu’il ressentait à la manipuler. D’un grognement, la naine tomba à genoux sans pouvoir se retenir les voix luis hurlaient dessus.
- Vous êtes seules! Seules faces a l'arrivé de l'alpha.
Un autre hurlement se fit entendre derrière, plus familier, celui de Nora. Ersa fut éjecté de ses propres pensées et frissonna près du feu. Nora était à côté d’elle et lui déposa sa cape faite dans la peau du fameux Albinos sur les épaules.
- T’as encore voulu toucher à cette porte.
- Il y a quelque chose implanté dans notre esprit, quelque chose qui nous attaque de l’intérieur. Tu n’as pas envie de savoir ce que c’est ?
- Si, mais ce n’est pas la solution, il doit y en avoir une autre.
Ersa se plongea dans le silence, ses yeux émeraude reflétaient le feu plus intensément qu’à l’accoutumé, sûrement dû aux larmes qu’elle retenait. Elle avait l’impression de toucher le fond. Comme à chaque nouvel essai, une migraine vint tambouriner à ses tempes et pour tout arranger Nora se mis a fredonner cette comptine horrible qui la suivait depuis trop longtemps maintenant.
- Putain Nora, si tu veux chanter ça, casse-toi. Je peux plus l’entendre.
- J’ai bien une solution pour que tout passe, mais tu nous as traînées dans un endroit où il n’y a personne.
Ersa frissonna à cette phrase, elle se doutait de ce que voulait dire sa sœur, la réunification des deux esprits avait aussi réuni une grande partie de leurs souvenirs. Et c’était ce sous-entendu qu’avait eu le plus de mal à digérer Ersa sur les libertés de sa sœur. Nora s'était assise à côté de sa sœur en sortant un cigare de son étui métallique. Les deux rousses s’étaient perdu dans leurs pensées quelques instants.
- Tu as pensé à lui demander ?
Ersa sursauta à cette question. Bien sûr qu’elle y avait pensé, mais comment lui dire.
- Évidement. Je me vois bien me pointer après ce qu’il a fait pour nous. Lui dire si tu t’ennui, j’ai encore un mystère à résoudre. Déjà que les médecins me voient comme une schizophrène, car je me clone pour me parler. Et en fait, depuis que l’on s’est vu, j’ai des voix qui me parlent. J’ai l’impression qu’elles me comprennent. Qu’elles me disent quoi faire. Qu’elles me montrent ce que je ferais aux gens qui m’entourent. J'ai déjà eu de la chance qu'il ne s'est pas enfui quand je lui ai avoué mon histoire, donc si j'i retourne avec ça, je pense qu'il battra un reccord de vitesse.
Nora haussa les épaules en expulsant la fumée lentement.
- Mouais pas faux. Tu sais moi aussi, je les entends pleureur, je fais les mêmes rêves. Je vois ces héros mourir. Moi aussi, j’ai le goût du sang dans la bouche à notre réveil.
Elle passa son regard des flammes hypnotisant au regard émeraude de sa sœur.
- Quelque chose ne va pas, je le sais. Je le sens. Mais pour le moment, on as aucune putain de piste pour repartir.
Ersa se mit à sourire tristement. À chacune de leur discussion sur ce sujet, se frottaient deux façons bien différentes de gérer. La tristesse d’Ersa face à la colère de Nora. Elle attrapa le cigare de la main de sa jumelle et le porta à ses lèvres. Elle sentit la fumée chaude envahir sa bouche et suivre le chemin de ses poumons, calmant ses nerfs, attaquant sa gorge. Nora sortit un autre cigare de son étui et signa pour faire apparaître la flasque qu’Ersa avait traînée pendant des années. Elle dévissa le bouchon pour boire une gorgée avant de la tendre à l’ancienne alcoolique.
- Tiens, par contre c’est pas ton jus de pomme habituel.
- Tu sais que je ne bois plus pour ça.
- C’est pas une flasque à deux qui va nous démonter. Et puis ça en fera plus pour moi.
Ersa attrapa la flasque et la porta à ses lèvres. Elle espérait ne pas regretter ce geste. Cela faisait bientôt un an qu’elle n’avait bu qu’un peu de bière. L’alcool incendia le passage qu’avait attaqué le tabac. Elle toussa en rendant la flasque à Nora. Elle l’attrapa pour en redescendre une gorgée. Ersa s’allongea pour regarder les étoiles, bientôt suivit de sa sœur. Elle finirait la flasque et peut être une autre bouteille si Nora avait prévu le coup, et elle l’avait prévu. La fumée de leur cigare s’élevait et se mélangeait à celle du feu de camp. Elles espéraient qu’être loin de tout, que l’idée d’aller chasser le lendemain aller repousser les cauchemars pour au moins les laisser dormir un peu. Au moins, si l’idée ne suffisait pas, Ersa pourrait retrouver le brouillard d’alcool qu’elle avait tant côtoyer.
crédits : 342
Quelque chose.
Quelque chose ne tournait pas rond depuis déjà quelques temps. A ce jour, elle ne saurait dire quand est-ce que cela a véritablement commencé, mais cela pèse sur son cœur depuis que les morts hantent ses cauchemars. Un mal-être qui ne s'exprime que par un vide incompréhensible, qui refuse d'être dit et qui est incapable à crier, même si le cœur est meurtri, décidé à être tût, la colère et l'isolement l'accentuant, la vétérinaire qui le porte, s'est finalement faite à vivre avec.
Un son.
Un son résonna au loin, comme l'appel mortel d'une bête qui se tapissait dans les montagnes gelées, peut être même au delà, là ou la forêt s'étendait vers les horizons morts. Il était bien tard et l'elfe surveillait le paysage, s'attendant à trouver une silhouette, responsable de son insomnie. Incapable d'avoir l'esprit tranquille. Au clair du croissant de lune, traînant sur les remparts de Cœur-Ébène, Ellana observait l'étendue de neige et attendait cette chose qui la guettait, car étrangement, elle avait la vague impression que c'était après elle qu'on en avait. Cela faisait bien plusieurs semaines qu'elle avait repéré ce bruit, faisant son apparition de temps à autre, mais ce soir c'était un murmure incessant qui l’accueillait.
Un murmure.
Maintenant qu'elle y prêtait attention, qu'elle l'écoutait, finalement il était évident que c'était un murmure qui se glissait dans son oreille et non vers le paysage. Ce qui semblait être un écho dangereux, annonciateur de mort était beaucoup plus proche que ce qu'elle ne pensait réellement. Au lieu de chercher au loin un mal qui n'existait pas, voilà qu'elle posa son attention sur elle-même. Ce murmure la terrifiait, elle ne savait dire pourquoi, à entendre cette promesse incompréhensible, l'effroi la traversait telle une ombre mauvaise, l'étreignant de griffes sombres, prêtes à la broyer moindrement qu'elle tendait un peu trop l'oreille. Elle n'était pas en sécurité ici, elle devait rentrer. Le souffle court, elle avait beau avancer, les remparts semblaient s'allonger de plus en plus, éloignant la porte qu'elle souhaitait atteindre pour rentrer dans la forteresse. Aucune illusion ou quelconque mauvais tour, seule l'angoisse était à l'origine de ses maux. Il valait mieux ne plus penser à ce chant.
Un chant.
Oui c'était un chant. Refermant soudainement la porte derrière elle, reprenant ses esprits en oubliant la voix qu'elle écoutait, la peur se tapissait lorsque la boucle cauchemardesque était laissée tranquille. Restant immobile, comme craignant de bouger, Ellana prit un temps à se rendre compte que, le monstre qu'elle craignait d'éveiller par sa présence, était en réalité dans sa tête et qu'y prêter trop d'attention lui faisait ouvrir un œil.
Un soldat qui passait par ce couloir qu'elle obstruait, l'extirpa de sa rêverie éveillée et lui rappela, par sa présence, qu'elle avait des jambes et qu'elle était capable de courir. C'est donc dans un élan incompréhensible que, celui qui était de garde, fut témoin de la course soudaine de la blondinette qui repartit pour gagner sa chambre. Si pour la plupart des baladeurs nocturnes, cette nuit était une énième soirée tranquille, pour l'une d'entre eux, ce fut la pire. Mais ça, qui pouvait le savoir ? L'elfe était seule avec ses tourments.
Dans sa course, les larmes aux yeux, en proie à la terreur, Ellana se concentra malgré elle sur ce chant qui s’accélérait et s'intensifiait. Il n'était plus un murmure qu'on pouvait simplement ignorer, il en était presque un cri qui résonnait comme un rituel, un sacrifice qui cognait aux portes mentales de la vétérinaire. Un chant maudit comme...
Le Chant des Ronces.
Non impossible.
Elle avait atteint sa chambre. Si elle aurait put se penser à l'abri des menaces folles qui la poursuivait dans la forteresse, le cœur battant la chamade, ce fut à cette idée qui résonna comme une révélation qui mit la puce l'oreille concernant son état. Était-il possible ? Non, c'était un conte que l'on racontait aux enfants qui n'étaient pas sages, ça ne pouvait pas être réel, tout comme ce cauchemar éveillé. Rien n'était réel dans ses impressions. Elle devenait déraisonnable. Lorsque la nuit se faisait tard et qu'on laissait place à l'imagination dans l'obscurité, même ce genre de sornette se révélait envisageable. Hors, Ellana ne pouvait se permettre de se laisser aller autant aux émotions et à la naïveté. Elle était sûrement excessivement fatiguée au vu des dernières nuits qu'elle avait passées. Après tout, une fois dans sa chambre, lorsque l'épuisement avait remplacé la terreur, le cauchemar n'était plus, lui permettant ainsi de gagner tranquillement les bras de Morphée. N'est-ce pas ?
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- Le Chant des Ronces -
Lune - Myriem - Ellana - Ersa - Alaric
TOUR 2 - LUEURVos paupières vous paraissent terriblement lourdes.
Lorsque vous êtes enfin parvenus à vous libérer de cette torture que sont devenues les voix qui vous assaillent, le silence qui a suivi s'est imposé comme une véritable délivrance. Vos muscles se détendent, votre souffle se fait plus lent et profond. Une chaleur s'empare de votre corps tout entier et se fait enivrante.
Cette plénitude tant désirée est pourtant de courte durée car bien vite, la douceur apaisante cède place à l'étouffement. Vous ressentez sur votre poitrine une pression telle que l'air ne vous parvient plus et vous finissez inévitablement, dans une inspiration instinctive et terriblement difficile, par ouvrir les yeux en vous redressant brusquement. Une angoissante pensée s'impose alors à vous :
Vous n'êtes plus là où vous vous êtes assoupi, vous en avez l'intime conviction.
Il n'y a ici ni son ni lumière. Vous ne percevez pas le frémissement du vent et n'entendez pas le cri d'un quelconque animal nocturne. Le vide s'étend à l'infini, tant et si bien que vous en venez à vous demander si on ne vous a pas ôté la vue. Il est dur de se mouvoir dans une obscurité aussi absolue et insondable, mais vous parvenez sans doute à vous relever en embrassant votre seul sens paraissant encore fiable : le toucher. Le sol est trop lisse, trop impeccablement parfait et d'une tiédeur curieuse.
Durant un court moment qui vous semble dilaté dans le temps du fait de l'absence de tout repère, vous tentez de trouver dans ces ténèbres une issue quelconque et vous découvrez avec effroi qu'il n'y a en ce lieu mystérieux pas le moindre signe d'une échappatoire.
Subitement, la lumière renaît.
A une quinzaine de mètres de vous, une lanterne fébrile vient tout juste de s'allumer. Soutenue par deux cordelettes qui remontent pour se fixer jusqu'à un point imperceptible, elles font doucement danser l'objet qu'elles supportent dans un léger grincement. Cette invitée inattendue vous offre une once d'espoir bienvenue dans cette sépulcrale noirceur, mais s'accompagne inévitablement de doutes ou d'inquiétudes, peut-être un peu des deux.
Vous approchez de la lueur et celle-ci paraît répondre à votre arrivée en intensifiant sa flamme. Vous discernez enfin ce qu'elle révèle. Une petite silhouette munie de nombreux fusains est accroupie sous le halo jaunâtre et semble griffonner vigoureusement sur une pile de papiers déposés autour d'elle. Un enfant ? Voilà un rêve original. Ce n'est qu'en détaillant avec un peu plus d'attention le petit dessinateur en herbe que vous découvrez non sans surprise que vous reconnaissez ce dernier.
Cet enfant, c'est vous.
Lorsqu'il vous entend arriver, il tourne la tête et vous sourit avant d'entamer une conversation le plus naturellement du monde :
"C'est quoi tes trois animaux favoris ? Je vais te dessiner celui que je préfère."
Qu'il est curieux de s'entendre soi-même et d'être ainsi ramené en arrière. Sans attendre de réponse, l'étrange petit doppelgänger se remet à gribouiller sans perdre de son entrain, tout en marmonnant une douce chansonnette d'un air guilleret.
Vous jureriez avoir entendu cette mélodie quelque part.
Ce rêve n'a rien de normal.
OBJECTIFS
-Donner trois noms d'animaux à l'enfant. Vous n'avez pas l'obligation de lui répondre à haute voix, mais vous devez au moins songer à ces trois animaux.
-Questionner l'enfant. Choisissez vos mots judicieusement.
-Vos pensées vous appartiennent encore.
Vous avez jusqu'au 18/01 pour ce tour.
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Dans ce court instant de marche, qui lui semblait être une éternité, elle se demanda si la mort ne l'avait pas attrapé dans son sommeil, et que le repos éternel était finalement une errance perpétuelle. Mais non, l'idée lui traversa à peine l'esprit que le grincement d'un son métallique se fit entendre, une lanterne s'illuminant timidement, se mouvait dans un couinement de par son manche qui pivotait au rythme de son balancement, la vieille lampe invitait l'elfe somnolente à la rejoindre, gagnant en brillance lorsque ses pas se rapprochèrent d'elle. Bien que sa présence lumineuse était rassurante, un brin de crainte s'éveilla enfin dans l'âme d'Ellana, comme l'ombre d'une peur qui n'osait s'affirmer sans avoir la confirmation d'un réel danger. C'est donc en quête de réponse qu'elle continua dans la même direction.
Arrivée à hauteur de ce petit soleil enfermé dans cette boîte de verre et de métal, lorsque la blondinette curieuse voulut frôler cette curiosité, elle se rendit soudainement compte de la présence de ce petit être qui griffonnait sur une table. Assise par terre, l'on n'aurait su dire si cette enfant venait tout juste d'apparaître en un clignement, ou si elle avait toujours était là, tapie dans l'ombre.
Lorsque la fillette releva son regard sur sa nouvelle invitée, découvrant ses grandes perles brunes, Ellana prit conscience de qui elle était, comme si la vue de ses yeux révélait son entière silhouette, sa personnalité, le souvenir.
Un soupir de surprise, retenu, comme si l'expirer la ferait s'enfuir. La vétérinaire faisait face à son reflet, plus jeune certes, mais c'était elle. Un songe du passé enfermé à dessiner dans l'obscurité, dans une bulle solitaire dont il ne se savait pas prisonnier. Était-ce une opportunité de lui excuser ce qu'elle ne s'était jamais pardonné ? Une porte vers un lien du passé, ou plutôt vers son propre cœur, attendant des mots qui n'arrivaient à être prononcés ? Dans cette hésitation silencieuse, incapable de s'exprimer, la fillette prit cette initiative innocente avec tant de facilité.
"C'est quoi tes trois animaux favoris ? Je vais te dessiner celui que je préfère."
L'insouciance de son enfance la fit sourire, qu'elle faisait face à un réel fantôme du passé ou à une vulgaire imitation, Ellana se prit au jeu. Après tout, hésitant maintenant sur la réalité de son rêve, elle se laissa aller à l'invitation et s'assit en tailleur face à l'enfant avant de prendre le temps de lui répondre.
"Eh bien, je suppose qu'on a toujours les mêmes goûts ? Alors je te répondrais la fouine, la pie-grièche et... hmm... La panthère, noire."
Elle regarda sa petite jumelle reposer ses yeux sur son dessin, comme ignorant sa réponse, poussant une curieuse chansonnette qui résonna en un étrange écho. Rappelant un moment de l'enfance qu'on ne saurait réellement se remémorer. Elle laissa un silence, ne voulant distraire l'artiste concentrée sur son œuvre, bien consciente que, plus jeune, elle ne supportait pas d'être dérangée quand elle était seule avec elle-même.
Elle voulait lui parler, et pourtant, elle ne savait que dire. Les émotions ne voulaient sortir et en même temps, cette enfant était si précieuse et ingénue, pourquoi lui parler de choses qu'elle ne connaissait pas encore, qu'elle ne comprendrait pas forcément. Alors elle se mit à lui adresser la parole comme à une enfant ordinaire, se souciant de sa présence.
"Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu attends quelque chose ? Tu es là, toute seule, depuis longtemps ?"
Se faisant patiente, l'elfe attendrait que la petite prenne le temps de répondre, que ce soit durant son œuvre ou à la fin de celle-ci. Désireuse de voir ce qu'elle aurait réalisé.
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Le chant des ronces
Le sommeil qui n’était plus réparateur depuis longtemps, cette fois fut encore pire. Pas de rêves, pas de cauchemars, juste enfermer dans un océan de bruit. Des voix allant du murmure au hurlement, soufflant le chaud et le froid, la solitude et la foule en même temps. Les deux parties d’Ersa n’arrivaient pas à s’en défaire, toujours plus attiré vers le fond de cet abîme. Puis d’un coup, le silence, comme arrivées dans l’œil du cyclone. Ersa essaya de se détendre, mais elle avait un mauvais pressentiment. Le dernier moment calme qu’elle se rappelait était le jour de leur séparation, la fois où Nora avait tenté de la noyer.
Cette pensée traversa à peine son esprit qu’elle avait l’impression de ressentir les effets. Elle ressentait les pattes de la louve sur sa poitrine, la maintenant sous l’eau et l’empêchant de respirer. C’était à la fois irréel, car Nora partageait son esprit et les sensations, à la fois réelles, car l’étouffement n’était pas qu’une impression. Comme trop, souvent, ses derniers mois, le réveil fut brutal, la sueur coulait dans son dos. Elle se frotta les yeux devant ce monde sans lumière, que se passait il ? Il ne faisait jamais noir dans son monde, jamais l’obscurité ne l’avait surprise et là, elle avait tout simplement l’impression d’avoir perdu la vue. La panique s’empara d’elle quand ses doigts effleurèrent le sol, ce sol trop lisse pour être naturelle, comme si elle se trouvait dans une cage de verre. Elle se releva lentement, tâtant l’espace devant elle pour essayer de trouver quelque chose.
Rien
Elle commença à avancer, la louve se faisait pressante dans son esprit, ce sentiment d’impuissance la rendait nerveuse. Était-ce encore une épreuve du chasseur ? Pourquoi la torturait-il cette fois-ci ? Elle accéléra le pas, se mettant à courir dans cette bulle de néant, ses bottes ne faisaient aucun bruit, même ses flèches ne produisaient aucun bruissement dans son carquois. Qu’est-ce qui clochait avec elle ? Elle avait l’impression d’être devenu folle.
Un grincement.
Ersa s’était retourné, sortant presque instinctivement son arc et une flèche de son carquois. La corde avait commencé à se tendre sous ses doigts, mais elle stoppa son geste, ce n’était qu’une lumière au loin pour le moment. Enfin, quelque chose qui s’annonçait bien, elle l’espérait. Ses pieds s’activèrent presque tous seul, par la volonté de Nora, allongeant ses foulées, passant à la course pour rejoindre cette lumière avant qu’elle ne disparaisse. Son ouïe ne détectait toujours aucun son, comme si on lui avait bouché les oreilles à la ouate, qu’on lui avait juste laissée un trou d’aiguille dans le couvercle de sa boite pour qu’elle puisse respirer et voir la lumière passer. Sa respiration devenait haletante, elle ne prenait pas de précaution a part maintenir sa flèche prête à encocher. Même si avec le soulèvement de sa poitrine empêcherait une visée correcte. La vision que lui offrit la petite lanterne flottante la fit se figer. Une enfant dans ce néant, la chasseuse essaya de se pencher pour voir ce que la petite était en train de dessiner quand elle leva la tête. Ersa recula d’un pas en se reconnaissant.
Elle rangea sa flèche et remit son arc sur son épaule pour essayer de ne pas l’effrayer. Ersa s’approcha pour s’accroupir près de la table de l’enfant.
- Pourquoi cette question, si tu est vraiment moi tu devrais le savoir non ? Mais si cela peut te faire plaisir c'est le renard, le hibou et la hyène.
Trois animaux, trois chasseurs, a leurs façon. Elle pencha la tête, ne comprenant pas tout, comme si cette position aidait les idées à s’écouler dans le bon sens.
- Dis-moi, qu’est ce que tu fais là ? Seule à dessiner dans le noir.
Elle lui sourit presque tendrement.
- Si tu veux, je peux me joindre à toi, que nous le fassions toutes les deux.
La naine posa son bras sur la table, essayant de sentir le bois sur sa peau pour vraiment voir si elle était folle.
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Mais avant de se réveiller, fallait-il dormir....
Quelque chose commençait à l'oppresser au niveau de la poitrine. Au début, on ne s'en rendait pas immédiatement compte, jusqu'à ce que le corps quémandait à retrouver son souffle. Lentement, son esprit s'éveillait à cette alarme asphyxiante. La première pensée fut que sa jument s'amusait à l'écraser contre le mur... Il voulut l'injurier, mais point d'air ne sortit. Dans un soubresaut soudain, il se réveilla, avalant une bonne quantité d'air. Il se redressa vivement, clignant plusieurs fois des yeux. Les ténèbres, il n'y avait que les ténèbres. Rien d'autre... pas de lumière, pas de son... hormis celle de sa respiration sifflante, d'une angoisse dévorante. Bordel… Pourquoi il faisait aussi noir ? Et où était-il ? Il tâta autour de lui, et manqua de s'inquiéter encore plus. Où était la paille du box de Petite-Baie ? Sous ses paumes, le sol était étrange, lisse et tiède… étrangement tiède. Rêvait-il ? Non, pas avec ce mal de crâne qui tambourinait dans sa tête... le début de la gueule de bois... Était-il mort ?
Il essaya de ne pas paniquer. À tâtons, il essaya de voir comment avancer dans cet environnement irréel. Lentement, mais sûrement, il essaya de se convaincre qu'il y avait une sortie pas loin. Mais comment la cerner alors qu'il n'y avait rien ? Les ténèbres, l'absence de son, hormis le rythme rapide de sa propre respiration, il n'y avait rien... Allait-il finir par tourner en rond ? Ne pas paniquer...
Il s'arrêta et chercha à inspirer plus longuement. Ne pas paniquer… Ce ne serait que perte de temps. Puis, une lueur apparut, là-bas, droit devant lui. Il se mit à genoux, fixant ce phare d'espoir qui venait de nulle part. Une petite lanterne suspendue à deux fines cordes se prolongeant dans ce voile de noirceur... comme si elles étaient un lien sortant du néant pour apporter cette petite lueur. Comment était-ce possible ? Alaric se remit debout, hésitant à se rapprocher.... Une lanterne dans la nuit... qui attirait les malheureuses victimes d'un prédateur embusqué... Il hésita, avant de discerner un enfant sous le champ de lumière qui repoussait le néant environnant. Le gosse était concentré à griffonner quelque chose sur des papiers éparpillés tout autour de lui. Le mage, un peu intrigué, fit quelques pas en avant et stoppa, totalement effaré par ce qu'il voyait. Le gosse là... C'était lui !
Non, décidément... il était comme.... Comme dans un rêve. Ou alors pas du tout. Il porta ses deux mains à son visage en soupirant. Foutu gueule de bois.... Bon, au point où il en était, autant avancer non ? Il se rapprocha donc de lui-même quand il était encore tout jeunot.
Merci à Ersa pour l'image
Le gosse leva sa tête, et fit un large sourire. Comme s'il connaissait sa version d'adulte, il lui parla, avec une voix venue du temps de sa propre enfance :
"C'est quoi tes trois animaux favoris ? Je vais te dessiner celui que je préfère."
Alaric ne sut comment répondre sur le coup.
"Euh.... Si tu es moi et que moi je suis toi.... "Aux démons ses tentatives d'explications ! Il avait trop la gueule de bois pour réfléchir convenablement ! "J'aime bien le cheval, la gerbille et le poisson des sables."
Il ne put s'empêcher de sourire, se remémorant le plaisir qu'il avait à observer certains de ces trois animaux... Il se rembrunit en se rappelant qu'enfant, il avait été bien innocent de la dureté de la vie, qu'il n'était pas en âge de prendre des décisions qui lui auraient pourri la vie.... Est ce que la présence de cet enfant était un retour possible en arrière pour échapper à ses angoisses ? Ou alors, pour se culpabiliser sur la voie qu'il avait pris depuis qu'il avait quitté son enfance ? Il chassa ces sales pensées et s'accroupit à côté du jeune "Alaric"
"Alors, qu'est ce que tu préfères toi ? Je peux t'aider à le dessiner si tu veux. "
Et cette mélodie qu'il entendait... d'où elle venait... elle lui disait quelque chose.
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Le sommeil salvateur a fini par m'emporter après ces événements facheux, c'est ainsi que Wan m'en a parlé avant de me border comme l'enfant que je ne suis plus mais que je semble être à ses yeux. Mon père de substitution s'inquiète pour moi je le sais comme tous au Manoir depuis mon retour de Benedictus mais ils ne comprennent pas ce que je vis, ce que sont ses voix dans mon esprit et maintenant cette musique qui l'emplit.
Can't get out of this hole I'm in
It's like the walls are closin' in
You can't help me, no one can
I can feel these curtains closin'
I go to open 'em
But something pulls 'em closed again
Les voix se sont finalement tues et le sommeil m'a emporté. Combien de temps ai-je dormi? Je n'en sais rien mais quand j'ouvre les yeux quelque chose me dérange, je ne suis pas dans mon lit douillet, je ne sens pas la présence réconfortante de mon ange gardien ni celle de mon fils qui dort dans son lit dans la chambre d'à côté.
Je suis...
Dans le noir? Dehors? Mais il y avait des étoiles j'en aurais mis ma main à couper ce soir non?
Et il neigeait aussi.
J'ai manqué une respiration et cela me rappela ce que j'avais tenté de faire quelques heures auparavant, allais-je le revivre? Cette sensation terrible qui fait qu'on manque d'air, que cela nous brûle, on ouvre la bouche, on veut hurler sa douleur, en vain on cherche une goulée d'air qui refuse de venir? Mais je ne sens pas l'eau qui glisse et s'insinue dans ma gorge et obstrue mes voies respiratoires... Non je respire, ce fut douloureux mais il n'y a rien, je suis au sol... Il est lisse, pas une aspérité, rien... Et il est doux en un même temps, cela n'est en rien normal c'est ce que me susurre mon esprit malade.
Non c'est différent il n'y a juste rien, le noir, le vide, est-ce la fin? En ai-je fini en réalité avec la vie et au bout c'est une absence de tout? Je n'ai probablement pas mérité de rejoindre le royaume des gardiens pour me retrouver ici, seule avec pour seule compagnie... un son... non une mélodie... pas de voix, rien... Personne pour me parler cette fois-ci, c'est à la fois apaisant et totalement effrayant. Vouée à vivre dans une solitude éternelle?
Je tourne sur moi même et je réalise que je suis habillée. Je ne suis plus vêtue de ma robe de nuit non, je suis en tenue de voyage, quel est ce délire? On ne meurt pas dans la tenue qu'on arborait? Peut-être ne suis-je donc pas encore morte et que la vie n'a pas quitté mon corps? Par un réflexe stupide, je pose mes mains sur mes joues, elles sont tièdes, comme d'ordinaire.
Je me dirigeais vers cette lumière, source d'espoir, source de vie aussi peut-être? Elle flottait accrochée à rien, brillait sans avoir de flamme réelle, ce n'était pas naturel mais ce n'était que le début de mes surprises. J'avançais méfiante d'abord et mue par une impulsion soudaine ou une peur irraisonnée aussi peut-être je rejoignis ce halo salvateur.
Narrow streets of cobblestone
'Neath the halo of a street lamp,
I turned my collar to the cold and damp
When my eyes were stabbed by the flash of a neon light,
That split the night and touched the sound of silence
Et c'est la que je la vois... Cette lumière qui nimbe son environnement proche d'un doux halo. Sortie des tréfonds des ténèbres qui m'entourent, je l'aperçois, tel un guide dans l'obscurité.
Je m'agenouillais près d'elle, près de moi, fascinée, émerveillée par ce prodige. Oubliées mes craintes ou mes appréhensions, je fus plongée instantanément dans le passé, dans la douceur des traits de ce visage enfantin qui avait été le mien. Je souriais, mon regard brillait d'innocence et de joie. J'étais vêtue d'une robe sombre comme à l'accoutumée bien entendu, mes longs cheveux noirs étaient tressés sagement... Oui aucun doute possible, par un miracle inconnue je me faisais face, confrontée à mon image passée.
Je ne dis rien au début ce fut elle qui brisa le silence et sa question me surprit, elle était moi, elle connaissait la réponse c'était pourtant évident non? Néanmoins, dans cet étrange endroit, bercée d'une mélopée envoutante de nouveau.
Je regarde les feuilles qui l'entourent, qui m'entourent et je souris avant de répondre d'une voix douce.
- Des animaux dis-tu? Eh bien c'est simple, il y a ce chien que nous n'avons jamais eu et dont j'ai toujours envie. Il y a ensuite le cheval, compagnon tout aussi fidèle et tellement royal dans son port. Et enfin, cet animal fascinant, doux et joueur que nous adorions observer vivre, la loutre. Mais cela tu le savais déjà non?
Que va-t-elle dessiner et pourquoi cette question? Je suis à ses côtés pour la regarder faire mais une question me turlupine.
- Que fais-tu seule en ce lieu? Pourquoi n'es-tu pas avec tes parents au chaud dans ta chambre, entourée de ceux qui t'aiment? T'es-tu perdue?
Living behind my own illusion
Lost all my dignity
Living inside my own confusion
Et encore cette chanson, les voix et méloppées seront-elles dorénavent ma destinée?
CENDRES
crédits : 2720
L e répit de Morphée n’est qu’une vaste moquerie trompeuse, Lune le saisit d’amblée en s’enfonçant dans la vase de cette duperie railleuse. Nulle paix ni quiétude ne l’attend, seul l’inquiétude la prend. Elle vient enserrer de ses noirâtres veinules les courbes de son coeur, l’âcre circule et l’embourbe de froideur, elle peine à respirer, la petite fae se crispe, ses poumons crient, elle gémit, mais l’air failli. Recroquevillée sur elle-même, lorsqu’elle ouvre son corps en même temps que ses yeux, l’émergence est cruelle de rudesse, la fae reconnait cette sensation de malaise intense et cela réveille en elle une immense détresse. Cette impression de manque, comme une brisure dans son âme, la sensation est glauque, elle fissure Lune de part en part de façon viscérale, la fae se tord au sol, incapable de se relever, sur le moment tout est trop brutal, tout est trop rapide.
Pourquoi ne voit-elle plus rien?
D’ordinaire les maux qui accompagnent l’éloignement à son Gardien sont progressif, mais en l’absence de Crow elle ressent d’un seul coup la pleine puissance de ce passif phénoménal, son estomac remonte, la salive lui vient soudainement au palais, elle ouvre sa bouche pour se plaindre mais rien n’y paraît, seul un son liquide accompagne la bile qui se répand au sol, suivie d’une sensation de faiblesse dans ce moment valétudinaire qui vient tordre son faciès. Le noir extraordinaire qui l’entoure finit d’achever son sens de l’équilibre fléchissant, elle tombe au sol, éreintée et blémissante. Le souffle de Lune est court, haletant, défaite au sol elle inspire un temps et tente de se redresser une nouvelle fois, mais tout son corps proteste et son esprit est en émoi. Incapable de contrôler cette pulsion terrifique, elle n’a nulle maîtrise sur ses convulsions erratiques. Elle sait qu’au tournant de ses pensées l’attend une vérité qu’elle n’a nullement envie de confronter: ce déchirement qu’elle ressent. La petite fae ouvre grand ses yeux au noir absolu, mais à ses prunelles d’encre ne répondent qu’un océan nocturne au parfait surréel. Elle prend alors conscience de son environnement, comme si le malaise précédent l’en avait empêché jusqu’à présent, et c’est une toute nouvelle émotion qui naît pour remplacer la détresse: la panique.
Plongée dans une nappe d’ombre impénétrable, la fae se rend compte qu’elle est incapable de discerner même son propre corps. Elle saisit ses doigts pour s’assurer de sa propre présence, et elle relève ensuite la douce chaleur du sol, partiellement rassurante contre le ton froid de la pénombre mais tout aussi étrange que le reste de ce monde. C’est après avoir saisit sa nouvelle condition qu’elle entend quelque chose de remarquable, à défaut d’être affable: le silence.
Le silence.
Une chappe de plomb sur ses oreilles.
Est-ce là le don de son sommeil?
Malchance.
Le mutisme est immaculé
Il n’y a plus aucun son, seul le souffle assourdissant de sa respiration,
Lune est terrifiée par la rareté des sons, et un d’entre eux retient son attention.
Un battement plus que familier:
La pulsation de son coeur.
Frappant dans sa poitrine au rythme de sa torpeur,
son palpitant en cognant ses tempes égrène les heures,
fait traîner les secondes en longeur.
Tétanisée dans le noir absolu, Lune se sent complètement perdue, elle ne comprend pas ce qui lui arrive, elle se sent pareille à une proie des forêts, prise au piège en plein hiver en dehors de son terrier, à la mercie du premier Loup venu et de sa faim inassouvie. Avant même que le choc de sa cécité puis du silence inaltéré ne puisse être avalé, la fae vient à une troisième réalisation, un fait qu’elle sait depuis son arrivée ici mais qu’elle avait alors trop peur de conscientiser, comme si le formuler dans ses pensées aurait forgé la vérité: Crow n’est pas là.
”Crow?”
La petite fae, toujours plaquée contre le sol, tente de se relever malgré son équilibre encore précaire, l’absence de son Corbeau est maintenant claire, elle n’entend pas le bruissement de ses plumes ou les caquètements dont il a coutume, ni la danse du vent sur ses ailes ni son imposant souffle auprès d’elle.
”Crow? Crow?!? Crow où es-tu??”
Normalement son compagnon jamais ne la quitte, surtout depuis le cataclysme, mais sa disparition subite éveille en Lune de vieux traumatismes.
”CROW! CROW!!!”
Elle hurle, sa voix se tord sous la peur, peur viscérale d’avoir perdu son âme soeur, peur de ne plus revoir l’être le plus cher à son coeur, peur d’être seule pour affronter les horreurs. L’intensité de cette frayeur prend pourtant racine ailleurs, dans une crainte encore plus profonde mais qu’elle n’ose avouer tant l’idée lui est immonde. Refusant donc de céder à l’introspection, Lune s’emmure dans le déni de sa raison et tente une fois de plus de se redresser, son corps est encore tout secoué, elle tremble mais elle parvient à se hisser à quatre pattes, cette fois c’est l’horreur qui noue son estomac et lui arrache un nouveau vomissement. Frissonnante, elle serre les dents sous l’acidité qui envahit sa bouche et ses sanglots éclatent, et malgré toute sa volonté elle n’arrive pas à contenir ses pitoyables gémissements.
Le temps défile sans qu’elle n’en prenne réellement la mesure, elle ne comprend ni où elle est ni ce qui lui arrive, elle se sait juste perdue, une petite chose fragile, frêle et sans allure. Lune se relève enfin, rassemblant ses forces pour se hisser sur ses jambes chétives elle ose quelques pas dans le noir total en se concentrant pour ne pas chuter. Dans la pénombre sans forme et le silence trop parfait, ses oreilles lui jouent des tours, elle croit entendre des bruissements, des indices d’une présence aux alentours, des susurrements. Bientôt les hallucinations se morphent en mots, et les mots se fondent en phrases, les voix que Lune perçoit sont réminiscentes d’un âge où elle était toute seule, hantée par la solitude.
Lune sursaute, elle se retourne et tente d’ouvrir plus grand encore ses yeux mouillés pour discerner l’origine de la moquerie, mais ses prunelles ne rencontrent qu’un noir aussi profond qu’elle.
”Non… Non il ne ferait pas ça!” L’obscurité ravive sa panique comme les gerbes d’un brasier consume les pins argentés.
”Non, non non ce n’est pas vrai! CE N’EST PAS VRAI! PAS VRAI! C’EST PAS VRAI! C’EST PAS MOI!” Lune hurle à l’encontre de l’invisible, elle tente de fuir, ses jambes maladroites peinent à aligner les pas et sa course dératée la rend risible.
Elle continue de noyer son désespoir dans la fuite malgré sa peur, la petite terrorisée ne tarde pas à apercevoir la lueur fortuite au bout du tunnel, marquant la fin de sa frayeur. Enfin c’est ce qu’elle croit, car en approchant une nouvelle pensée la tétanise et la stoppe net dans ses mouvements. Elle qui a peur des ombres omniprésentes voit maintenant dans cette lumière une vulnérabilité primaire, la torpeur d’être vue sans pouvoir voir, d’être observée sous cette lanterne par ce qui se cacherait tapis dans le noir. Soudain elle est pressée de fuir l’objet étrange mais l’alternative de retourner dans la pénombre totale ne l’enchante pas et elle accepte l’échange. Un pas. Elle tremble, la peur la paralyse. Puis l’autre. Un petit pieds devant l’autre. Elle approche du cercle éclairé par la lampe, et alors qu’elle s’en rapproche l’intensité de la lueur semble progressivement s’accroître, rassurant la petite fae qu’elle ne commet pas d’erreur en faisant confiance à la lumière envoûtante. Elle continue d’avancer.
Apercevoir les contours d’une silhouette à l’orée de l’obscurité lui fait l’effet d’une douche froide. Elle est seule, sans Crow, vulnérable en l’absence du passereau. Lune est figée, toute son attention observe avec angoisse les formes vagues de cette masse noire qui gesticule dans l’ombre, elle discerne de petits mouvements, mais ne parvient pas à voir ni couleur ni traits. Après un moment incertain dans cet espace intemporel, la fae finit par ravaler son épouvante, apprêtant un semblant de courage pour écarter sa peur irrationnelle, elle brave son anxiété étouffante et fait un pas de plus. Quoi que ce soit qui se cache dans le clair-obscur, s’il en avait après elle le mal aurait déjà été fait.
Une enfant.
Lune sourit naïvement alors que le frisson dans son dos témoigne de son soulagement, ce n’est qu’une enfant. Qu’est-ce qu’elle fait donc ici? Une question qu’elle n’ose encore poser, elle ne se permet pas de troubler le silence de l’enfant. Un pas de plus.
Le pas de trop.
Ces cheveux noirs argentés.
Cette robe crème élaborée.
Ces ailes d’une fine légèreté.
Les yeux de Lune s’écarquillent devant l’impossible vérité.
”Non…” murmure-t’elle comme une plainte chuchotée. Pitié. Un pas de plus. L’enfant dessine sur des papiers éparpillés. Tout… tout mais pas ça, je t’en supplie soit tout sauf ça
L’enfant se retourne vers Lune.
Lune regarde ces petits yeux pêche. Ces lèvres rosées et cette peau fraîche. Ce minois charmeur qui dévisage l’abomination qu’elle est devenue.
Non…
L’enfant prend la parole:
”C’est quoi tes trois animaux favoris? Je vais te dessiner celui que je préfère.” et elle parcours de ses doigts sa palette en chantonnant une mélodie d’une voix fluette, un sourire joueur comme un Renard alors qu'elle se remet à son oeuvre d'art.
Sa voix fluette. À eux. À Lune. La fae avance une main tremblante vers la gamine, tendant des doigts hésitants vers les ailes translucides, la représentation est trop exacte, trop précise, le toucher des appendices membranés la rend livide, une plaie qu’elle croyait cicatrisée se rouvre dans son coeur et déchire son moral comme l’a fait l’abandon de son âme soeur. Lune observe le contraste flagrant entre sa main à l’horrible pâleur surnaturelle et la douceur de la peau de son alter-égo juvénile. Ce corps, ce corps qu’elle avait et qu’elle a saccagé. Regarde Lune, regarde ce que tu lui as fait. La fae retire subitement sa main comme si elle s’était brûlée contre l’enfant en osant effleurer du bout des doigts son éphémère beauté, ses yeux noirs regardent ses propres mains écaillées et sa peau fanée et un sentiment de profonde culpabilité l’envahit. Elle se sent seule responsable de l’horreur qui attend cette innocente âme égarée, elle s’accuse des maux qui la tourmenteront, des mots qui l’affecteront. Une boule au ventre l’écrase, lui coupe le souffle, ses jambes cèdent sous son poids devenu soudain trop lourd, elle s’agenouille au sol devant elle-même. La bouche de Lune se tord alors qu’elle se sent dégoûtée d’elle-même. Elle pleurs du mal qu’elle s’inflige à elle-même.
crédits : 382
- Le Chant des Ronces -
Lune - Myriem - Ellana - Ersa - Alaric
TOUR 3 - ABYSSESSatisfait par la réponse que vous lui avez offerte d'une manière ou d'une autre, l'enfant pivote pour vous regarder et vous offre un sourire pour le moins étrange. En l'observant d'aussi près, vous réalisez subitement quelque chose que vous n'aviez pas pu percevoir jusqu'à présent. Lorsque le petit être s'immobilise pour vous faire face, il se fige entièrement. Vous ne distinguez dans son visage aucun soubresaut, pas une seule mèche rebelle voletant à la suite de son geste. Vous n'apercevez même pas l'infime mouvement de poitrine normalement occasionné par la respiration d'un être vivant.
A bien y songer, vous trouvez désormais qu'il ne vous ressemble pas du tout. Ses traits viennent-ils tout juste de se déformer, ou avez-vous simplement voulu croire qu'ils étaient les vôtres jusqu'à maintenant ?
Vous fixant toujours avec ce regard anormalement figé, l'enfant mystérieux aux faux airs de statue de cire se met à griffonner sur l'une des pages blanches, ce avec une vivacité et une frénésie inquiétantes. Son regard ne s'abaisse jamais mais la page se couvre de noir à mesure qu'il progresse. Le fusain griffe le papier dans un son de frottement strident qui semble envelopper à lui seul l'entièreté de cette salle sans frontière. La main cesse enfin de s'agiter et l'enfant vous offre un sourire glaçant, un rictus que jamais la frimousse d'un bambin ne devrait pouvoir esquisser. Dans un murmure qui se réverbère jusqu'aux confins de votre crâne, il vous lance :
Lune : "A quoi te servent tes larmes ? Le protecteur qu'invoquent tes lamentations n'est plus là. Tu es seule, aussi seule et pitoyable que tu l'as toujours été.
Myriem : "Je me terre sous cette lanterne parce que la chaleur n'existe plus."
Ellana : "Je t'attendais toi. Tu as pris ton temps pour venir mais je ne suis pas surprise. Tu n'as jamais sû où aller."
Ersa : "Trop longtemps. Heureusement, la grande Chasse commence enfin."
Alaric : "Je préfère que tu me laisses faire. Tu sais bien que les choses tournent toujours au drame, quand tu essaies d'aider."
Pinçant son dessin entre deux de ses doigts, il le tend dans votre direction pour vous montrer le résultat et vous découvrez alors avec surprise qu'il ne s'agit nullement d'une représentation de l'un des animaux dont vous lui avez communiqué le nom, mais plutôt d'un abject portrait de vous-même. Vous apparaissez sur cette grossière caricature distordu, et vos traits tirés à l'extrême sont défigurés par un cri d'effroi. Vous semblez faire face à la mort. Fascinés par ce dessin aussi effroyable qu'aberrant de réalisme, vous constatez dans un frisson que la petite main qui tient le papier s'est métamorphosée en un monstrueux assortiment de griffes aussi noires que la nuit.
Face à votre confusion, votre interlocuteur se met alors à rire aux éclats, mais le son qui émane de sa gorge n'a rien d'humain et parvient à vos oreilles comme l'insupportable raclement d'une lame passée contre de l'acier.
Sa seconde dextre abandonne son instrument pour venir épouser la surface sèche et rugueuse du croquis. Lorsque l'un des doigts de l'étrange entité vient caresser la représentation qu'elle a fait de vous, vous ressentez au passage de ses doigts la désagréable sensation d'un contact glacial transposé du dessin jusqu'à votre peau.
L'index et le majeur de l'enfant s'allongent et noircissent encore davantage sous vos yeux tandis que ses ongles se font plus épais et crochus. Vous percevez avec un dégoût grimpant la piqure de ses serres luisantes qui explorent votre cou, puis qui s'attardent à la pointe de votre menton. Les griffes d'ébène quittent prestement la feuille et soudain, la voix indescriptible de la bête résonne dans les ténèbres :
"Tu es à moi, maintenant."
Deux ongles taillés en pointe s'enfoncent dans le papier, juste là où se situent vos orbites. Une sensation effroyable vous parvient, déchirant vos yeux dans un froissement immonde qui semble se réverbérer jusqu'aux méandres de votre tête. La douleur irradie tout, annihilant le lien entre vous et vos sens tout en vous faisant perdre pied avec la réalité de ce monde inconnu. Vos jambes et votre corps vous trahissent et cessent de vous soutenir. Vous tombez à la renverse, mais l'impact supposément inéluctable de votre crâne frappant contre le sol ne vient jamais. Vous perdez la notion du temps, de l'espace, des dimensions ainsi que de ce que vous êtes. Vous tournez, encore et toujours, dans cet endroit qui n'en est pas vraiment un et qui paraît dénué de bordure ou de logique.
La souffrance s'apaise enfin et disparaît comme si elle n'avait été qu'un mirage, laissant ainsi le champ libre à des sensations moins fulgurantes et plus subtiles. Vous découvrez avec soulagement qu'une brise légère vous chatouille le visage et que vous êtes allongé dans l'herbe.
Vos paupières s'ouvrent et la vue vous revient. L'enfant monstrueux ne vous a pas réellement aveuglé. Vos mains caressent la surface végétale qui recouvre le sol humide et de par les picotements sur vos paumes, vous prenez sans peine conscience de votre situation. Vous entendez au loin des piaillements de créatures rendues invisibles par l'obscurité. Lever les yeux au ciel n'a rien de rassurant, car vous n'apercevez dans la toile noire vous surplombant pas la moindre trace d'un astre quelconque. Ce rêve est bien trop vivide pour n'être que fantaisie. Vous jouissez au moins de l'espoir offert par l'une de vos rares certitudes : vous n'est pas mort.
Pas encore, tout du moins.
C'est lorsque vous vous redressez que vous faites la découverte de votre environnement, qui n'est autre qu'une immense et silencieuse forêt parsemée d'arbres au feuillage automnal. Malgré l'épaisse nappe de brouillard dans lequel est baigné cet endroit, vous distinguez la quantité anormalement élevée de ronces qui paraissent s'étendre partout, dévorant le paysage et lui conférant une curieuse apparence de sauvage purgatoire.
Parmi vous, ceux qui arpentent la nature régulièrement et en connaissent les particularités décèlent sans mal la bizarrerie de ces plantes. Les ronces, peu importe le biome dans lequel elles évoluent, n'ont jamais un comportement aussi invasif. Vous les voyez pourtant s'étendre jusqu'à la cime des arbres et enserrer jusqu'aux plus petits branchages.
L'un d'entre vous marmonne, grogne ou gémit. Ce son attire votre attention et vous comprenez que vous n'êtes pas seul. D'autres sont assis là, tout comme vous; et se remettent difficilement de l'expérience qu'ils ont vécu. Rassemblés en ce lieu mystique, vous avez été amenés ici par une force qui vous dépasse.
Malgré vos évidentes différences, vous partagez tous une sensation inexplicable : celle de ne plus être tout à fait vous-même. Sans pouvoir explicitement mettre des mots sur cet étrange sentiment, vous avez la nette impression de partager votre corps avec quelque chose d'autre.
Il y a parmi vous quelqu'un qui ne connait cela que trop bien et qui parvient à identifier avec une certaine précision la nature de ce qui se trame.
Ersa, toi qui n'a connu durant ton existence que la dualité entre femme et bête, tu ressens cette intrusion comme l'arrivée d'un nouveau-venu en ton for intérieur. Plus faible et discret que la louve que tu côtoies depuis ta naissance, ce passager clandestin est niché en toi et tout comme la chasseuse dont tu renies si souvent les instincts. Lorsque tu tentes d'établir le contact avec ton animalité, tu constates non sans surprise un amoindrissement de la force de votre lien. Le fauve se tait, au profit de cet étranger qui ne demande qu'à voir le jour.
Vous vous observez les uns les autres, vous vous découvrez mutuellement. Une méfiance s'installe. Comment pourrait-il en être autrement, après l'horreur de ce que vous venez de subir ? Vous n'avez toutefois peut-être pas le luxe de la prudence. Pour survivre, il faut toujours aller de l'avant. Une question vous taraude tout de même...
Ces gens sont-ils réels, ou ne sont-ils que le fruit d'une nouvelle illusion ?
OBJECTIFS ET REGLES
Objectifs :
-Echangez. Prenez conscience de votre environnement. Accorderez vous votre confiance aux autres ?
-Qu'est-ce qui est entré en vous ?
Règles générales :
-3 actions majeures ou utilisation de pouvoir par tour.
Modificateurs :
-Lune : Incapacité à établir le moindre lien avec Crow.
-Ersa : Incapacité à établir le moindre lien avec Nora, Incapacité à user de tes facultés de lycanthrope.
Vous avez jusqu'au 23/01 pour ce tour.
crédits : 342
"Je t'attendais toi. Tu as pris ton temps pour venir mais je ne suis pas surprise. Tu n'as jamais sû où aller."
Les mots résonnèrent et traversèrent le cœur de la guerrière comme si elle venait de subir un coup de poignard. En guise de réponse, ne voulant se laisser blessée d'une telle manière, Ellana commença à laisser son sang bouillir au quart de tour, manquant de répondre à l'offensive, mais tout semblait au ralenti et les mots ne sortaient pas, sa colère macérait sans pouvoir exploser. Elle se fit, malgré elle, témoin de ce qu'il s'ensuivit. La gamine, ou la Chose, lui tendit son œuvre, et la spectatrice ne put que baisser son regard sur la feuille.
Si ce portrait était bien cauchemardesque, autant de par son réalisme déstabilisant que sa distorsion effrayante, il n'était pas moins qu'un simple dessin qui paraissait bien banale à côté de la main monstrueuse qui le tenait. A vrai dire, tout paraissait anormal, de l'interlocuteur changeant, à son rire glacial jusqu'à sa... Magie noire. L'elfette se sentait comme victime de vaudou, semblable à une petite poupée manipulable. Le doppelgänger s'amusait à faire comprendre à sa victime qu'elle était à sa merci, passant ses griffes sur le portrait, se délectant de la réaction d'effroi d'Ellana qui ressentait comme si elle était cette feuille frêle. Ce petit manège qui paraît durer une éternité, se finalise lorsque, les doigts immondes, transpercèrent la feuille au niveau des yeux du dessin.
Reculant soudainement, se levant dans une précipitation maladroite, Ellana se maintint les yeux en hurlant de douleur, une souffrance qu'elle crut reconnaître, similaire à ce qu'elle avait vécue à la Peste Obscure. Elle ne put revenir à elle ou même se remettre du choc pour tenter d'assimiler la douleur, qu'elle tomba en arrière, sûrement dû à sa précipitation ou dans la panique. Son corps céda pour s'écraser... contre aucune surface. Seulement pour sombrer de nouveau dans le vide, n'entendant qu'un rire machiavélique au loin.
de 2:03 à 3:02 seulement
"Si tu ressens de la douleur et du chagrin.
Ne pleure plus, ils seront repartis demain.
Écoutes les voix des profondeurs.
Et cherches les ronces cachées en ton cœur.
Prend gare aux fantômes du passé,
Sournois, ils pourraient bien t'emporter.
Souviens-toi de prendre la bonne direction.
Fais confiance à l'immanent et à l’abandon.
Traverse les épines à t'en faire saigner.
Mais n'oublies surtout pas de t'éveiller."
Plongée maintenant dans le néant, poussée par le monstre, voilà que la comptine pour faire fuir le chant des ronces, résonnait dans l'esprit de l'elfe qui sombrait malgré elle. Bien connue des jeunes enfants pour repousser les cauchemars et apaiser leurs nuits tourmentées par cette terrible légende, le poème se devait d'être récité dans un murmure rythmé pour taire l'appel du Chant des Ronces. Mais maintenant qu'elle se faisait aspiré par l'obscurité, les tréfonds, il était trop tard pour échapper à quoique ce soit.
La douleur n'est plus. Elle est tût par l'herbe humide qui frôle la peau de ses joues, à la brise qui passa sur ses cils, Ellana hésita à ouvrir les yeux pour découvrir qu'elle serait finalement aveugle. Passant sa main sur ses paupières, ce fut rassurée qu'elle n'y décela pas de fleurs ayant éclot dans ses orbites. (Ce qui aurait été possible !) Lorsqu'elle décida enfin d'ouvrir les yeux en se redressant, elle put découvrir d'un œil nouveau, le paysage inconnu qui se dévoilait à elle. Une forêt dense aux multiples végétations bien étranges, mais surtout aux broussailles épineuses bien trop présentes. Des ronces. Voilà que leur présence font écho à la soldate. Sa terreur de la veille de son assoupissement, ce qu'elle avait rêvée... Ou vécue ? La notion de réalité est impossible à décrire, mais ce dont elle est sûre, c'est que d'une manière ou d'une autre, elle était prisonnière d'une légende urbaine. C'est donc par croyance qu'elle se mit à répéter la comptine, comme une enfant voulant échapper à un cauchemar, peut être que cette formule miracle la sauverait.
Ne pleure plus, ils seront repartis demain."
Alors qu'elle s'enfonçait dans le bois d'un pas incertain, guettant l'environnement dans la solitude... Enfin. Solitude, pas vraiment. Plus vraiment. Il y a comme une présence qui lui colle à la peau et qui la suit, ou plutôt qui ne la quitte pas. Est-ce une sensation d'être observé ? Difficile à dire. C'est comme si elle se dédoublait, ou... Ses réflexions ne peuvent se développer. S'il y avait bien le soupçon d'une entité dans les parages, elle s'était manifesté oralement. Non loin de l'oreille pointue, des voix s'élevaient discrètement, une tonalité de discussion normale, qui ne cherchait pas forcément à se cacher. Curieuse mais surtout inquiète, la soldate entreprit d'approcher et d'épier le duo qui se faisait entendre. Elle continua son poème, maintenant d'une voix presque inaudible.
Et cherches les ronces cachées en ton cœur."
Eloignant certaines ronces, elle s'approcha des voix jusqu'à se dissimuler derrière l'arbre le plus proche. Elle épia les silhouettes, c'était un homme et une femme. Un humain et une naine à vrai dire... Une naine, rousse. Elle reconnaissait cette femme ! Oui, une collègue du RSAF qu'elle avait déjà croisé lors de nombreux rapports ou à Luxuriance. Si aux premiers abords, une connaissance pouvait être rassurante, Ellana se rappela bien vite de l'expérience qu'elle venait d'avoir avec un fantôme du passé et...
Sournois, ils pourraient bien t'emporter."
C'était un piège, une illusion ! Ellana n'était pas dupe ! Le Chant des Ronces était donc bien réel et se jouait d'elle ! Pourquoi faire apparaître une simple connaissance et un inconnu ? Hm, il serait trop évident de voir des âmes importantes de sa vie. Si le cauchemar dans lequel elle avançait était sournois, il serait bien pensé de choisir des visages peu connus. Cette déduction la fit amener sa main au manche de son épée, par automatisme, et étrangement, elle n'avait pas prit conscience jusqu'ici qu'elle était si bien armée. Tant mieux ! Elle combattrait ainsi toutes menaces, autant réelles que fictives, qu'importe !
Elle sortie de sa cachette, pour se diriger d'un pas rapide vers les deux personnes. Dégainant son épée, elle s'écria.
"Tu ne m'auras pas deux fois ! C'est moi qui vais te transpercer les yeux ! A toi et à toutes les personnes que tu décideras à prendre l'apparence !"
Levant la lame bien haut, celle-ci ne put se rabaisser sur sa petite cible. Interrompu par l'humain, son poignet ayant été intercepté, Ellana fut bien forcé de se rendre compte qu'elle s'était précipitée mais surtout, qu'aux mots de l'inconnu, qu'elle agissait comme un animal sauvage apeuré. Retirant brusquement son bras, l'elfe revisita son geste. Incapable de prendre le risque de blesser réellement une personne ou un spectre, perdue dans les décisions et ne sachant vraiment comment réagir, l'hystérique ne trouva pas meilleure solution que de s'asséner des gifles.
"RÉVEILLES TOI, RÉVEILLES TOI, RÉVEILLES TOIII !"
Interpellé par une voix extérieure ou seulement intérieure, elle finirait par comprendre, une fois les joues rougies, que la violence, envers autrui ou elle-même, ne servirait à rien. C'est dans un soupir de frustration et d'angoisse qu'elle prit conscience qu'elle était bloquée dans une situation dont elle n'avait aucun contrôle. Elle regarda ceux qu'elle venait d'agresser, dépourvue d'animosité et seulement perdue, à la recherche d'une expression d'un quelconque indice sur leurs intentions. Puis elle détourna ses yeux, comme parlant à elle-même.
"Si on est vraiment dans le Chant des Ronces, c'est la fin."
crédits : 402
Le chant des ronces
Ersa recula d’un pas quand l’enfant se mit à bouger telle une statue de cire. Dans son geste, l’image qu’elle avait de l’enfant fut complétement perturbée, comme lorsque l’on admirait une photo à travers une loupe. Les traits de l’enfant n’étaient plus les siens, mais l’avait-il seulement été à un moment. Sa main se figea, légèrement tremblante sur le pommeau de son glaive.
Son regard vert, qui ne bougeait pas, ne cillait pas et ne brillait pas non plus, ne quittait pas la silhouette de la chasseuse. La lame commença à glisser dans un léger bruit dans son fourreau quand le petit être se mit à dessiner tel un fou. Le bruit qui aurait du être quasiment inaudible tellement la naine y était habitué, montait jusqu’à lui serrer la tête comme un étau. Elle porta les mains à ses tempes, essayant de les masser pour calmer la douleur, puis plus rien. Ce silence qui reprenait son droit d’être tout aussi pesant que le bruit. Ersa se concentra à nouveau sur le bambin monstrueux pendant que Nora faisait les cent pas intérieurement. Ce sourire la fit frissonner, puis la douleur reprit sa place dans ses tempes au son de cette voix.
- Quelle grande chasse ? Qu’est-elle mon rôle ?
Son regard eut du mal à rester sûr cet être étrange qui lui tendait son dessin. Il lui fallut un moment pour réagir, autant a cette image morbide qu’aux griffes nouvelle qui serraient la feuille. Ersa se plia en deux faces à ce rire qui retournait son esprit et la força presque à poser le genou à terre. Son regard emplit de colère ne lâchait pas la créature qui lui faisait face, la douleur pulsait dans ses tempes. On aurait dit un tambour de guerre annonçant la colère de la louve. Elle regarda attentivement chacun de ses gestes, essayant de deviner son prochain tour, de prévenir une attaque, de savoir si elle ne devait pas lui sauter au cou tout de suite pour la déchirer en deux. Mais le doigt qui effleura son portrait fit bien plus que ça, la peau de sa joue réagit d’autant, ressentant cette horrible caresse et l’esprit d’Ersa se bloqua. Elle n’arrivait plus à réfléchir à autre chose qu’à cette sensation et sa colère n’arrivait plus à l’atteindre.
Elle resta figée pendant le manège de l’autre, ressentant ses sensations étranges, dérangeante jusqu’à ce que la voix reprenne, Ersa commença à dégainer son arme, mais la douleur qui explosa dans ses yeux stoppèrent son mouvement. Elle lâcha la poignée de son arme qui resta dans son fourreau, pour appliquer la paume de ses mains sur ses yeux. Elle hurla à l’unisson avec Nora, de douleur, de rage. Le cri intérieur de sa deuxième voix se changea en rugissement, le rugissement d’une louve souffrante. Son corps lâcha sous ce cri et cette douleur, son esprit sombra avant d’atteindre le sol.
Soudain, son visage frémit, comme sous la caresse d’un être cher. Ses mains se mirent à ressentir une autre caresse, une sensation bien connue de la chasseuse, l’herbe qui se faufilait entre ses doigts. Elle hésita un instant à ouvrir les yeux, mais quelque chose n’allait pas. Elle se redressa d’un coup réalisant ce vide qui était en elle. Ses yeux passèrent rapidement sur la forêt aux alentours sans vraiment prêter attention aux détails. Elle plaça ses mains au sol pour faire apparaître un cercle de glace qui reflétait son image. Elle eut envie de hurler ce que lui renvoyait son miroir improvisé. Ses cheveux courts, ses yeux verts, bien que rougis. Aucune trace du physique de la louve, ni les tresses, ni son œil d’or. Elle frappa le cercle de glace pour le briser et regarda tout autour d’elle, les yeux presque embués à l’idée de la perdre. Elle sortit son arc pour se concentrer sur cette plume noire au reflet irréel.
- Quels sont vos projets pour moi ? Pourquoi me tourmenter encore ? Qu’est-ce que je n’ai pas su faire pour vous déplaire à nouveau ?
Tant de questions qu’elle marmonnait pendant que son regard se posa sur la nature qui était assez étrange, sans regarder le voile noir qui la surplombait.
Une pointe d’espoir l’avait envahi en apercevant une silhouette allongée au bord de ce que sa vision pouvait réellement définir. Sans se relever, sans vérifier, et même sans se dire que la silhouette était trop grande pour Nora, trop petite pour la louve et surtout les cheveux courts et brun n’allait pas à celle qu’elle cherchait. Elle se redressa pour parcourir les quelques mètres la séparant du corps, se jetant à genoux à ses côtés pour le retourner et découvrir son identité. Elle se figea en découvrant les traits du mage qui l’avait aidé quelques mois plus tôt. Elle s'était assie sur ses talons pour redresser légerèrement le mage, le posant sur ses jambes, la tête contre le bas de son ventre.
- Si j’avais su, je vous aurais réellement appelé. Je n’en serais peut-être pas là.
Elle attendit un peu le temps qu’il se réveille et qu’il se rende compte de la situation. Elle ne voulait pas le brusquer. Est-ce qu’il avait un lien avec le chasseur ? Est-ce qu’il était réel ? S’il voulait vraiment la tourmenter, pourquoi lui ? Pourquoi pas un autre ? Elle souffla avant de se décider à enfin analyser ce qui l’entourait. Une forêt qui était autant attaquée par les ronces que son pauvre esprit. En regardant le ciel, elle fut parcourue d’un frisson, elle se perdit un instant dans ce voile sombre. Une sensation désagréable piqua ses tempes, comme un écho incomplet de ce que lui avait toujours fait ressentir la louve. Était-ce Nora ? Ou autre chose de pire ? Alaric commença à gesticuler, elle son esprit se concentra sur lui se rendant compte que sa main passait ses cheveux bruns. C'était peut être autant pour le réveiller que pour s'assurer qu'il soit réel.
Elle souriait, dissimulant sa détresse et sa peine derrière ce masque au joue légèrement rougissantes de cette proximité, pour qu’il puisse au moins avoir quelques secondes de répit dans ce qui avait tout l’air d’être une mauvaise épreuve à passer. Elle passa sa main sur son ceinturon pour en retirer sa gourde et en boire une gorgée pour chasser le reste de l’odeur de l’alcool s’il l’avait suivi jusque-là.
- Bonjour, ce n’est pas un endroit pour dormir.
Elle lui tendit la gourde avant de l’aider à se relever. Elle se doutait qu’il n’aime pas trop rester dans cette position.
- Je suis désolé, je ne comprends pas trop ce qu’il se passe, mais suite à notre rencontre, est ce que vous vous êtes renseigner sur ma malédiction ?
Elle détourna le regard, ne sachant pas comment aborder le sujet.
- J’ai de nouveau perdu ma louve, depuis que je suis dans cette forêt en fait. Il y avait ce gosse horrible, son dessin et puis la forêt. Je ne sais pas comment expliquer, mais Nora a disparu et le pire, c’est que je sens qu’il y a comme quelque chose d’autre qui gratte dans ma…
La chasseuse se tourna en entendant une lame sortir de son fourreau, un bruit reconnaissable pour une oreille entraînée. Elle vit une de ses collègues foncé sur elle, l’épée au clair. La phrase qui suivit résonnait étrangement avec ce qu’avait vécu la rousse. L’épée se lève et Ersa dégaina son glaive pour se défendre, sans résultat, car jamais la lame de sa collègue ne descendit. Alaric s’était interposé. Le comportement de l’elfe changea du tout au tout, passant de l’agressivité à la pénitence. Se donnant des gifles en hurlant. Ersa attendit qu’elle se calme pour faire un pas en avant, cherchant si elle avait entendu son nom quelque part. Évidement, ce jour ou elle avait repris confiance en celle qu’elle venait de perdre, le jour ou Nora avait découvert autre chose que la chasse.
- Riz… Non, Ellana, c’est ça ? Tu as participé à la mission de la peste obscur si je ne me trompe pas ?
Ersa passa son regard de l’elfe au mage, ne sachant toujours pas si prendre avec les gens.
- Si j’ai tout compris à ce que tu disais, toi aussi, tu t’es rencontré enfant ? Et toi aussi, tu t’es fait…
Ersa déglutie au souvenir de la douleur, aux souvenirs du hurlement de Nora, son dernier son. Elle écouta les mots de l’elfe en réfléchissant si elle avait déjà entendu ses termes.
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