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Quelque chose n’était vraiment pas claire dans toute cette histoire. Pourtant, rien ne semblait sortir de l’ordinaire alors que je contemplais les environs ainsi que mes compagnons. La cité, à cette heure de la nuit, était pour ainsi dire presque dépourvue de vie dans certaines ruelles. Aussi, nos pas résonnaient sur le pavé. Mes homologues, quant à eux, restaient silencieux et, tout comme moi, ils jetaient des coups d’oies successifs aux alentours. En soi, leur attitude ne sortait pas de l’ordinaire. Vraisemblablement, même si ma disparition semblait les avoir inquiétés, le fait de me retrouver ainsi sur la plage ne les avait pas fait réagir plus que cela. Etait-ce moi qui me faisais des idées ? Bonne question. Du fait de ma fatigue, il est vrai que je pouvais commettre une erreur ou me montrer négligente. Cependant, j’avais pour habitude de faire confiance à mon instinct et celui-ci susurrait à mon oreille que mon réveil sur cette berge était tout sauf anodin. Mais, si tel était le cas, comment pourrais-je le prouver ? Comment pourrais-je démontrer qu’il y avait anguille sous roche ? Je l’ignorais. Je ne disposais pas des capacités qui auraient pu me permettre de faire la lumière sur cette affaire. Peut-être me fallait-il consulter une tierce personne ? C’était une idée, mais attendre risquait de dissiper les preuves reliées à mon malaise non ? Je n’en savais rien mais cela me tracassait.
Fronçant les sourcils du fait des considérations qui agitaient mon esprit, je manquais sursauter en entendant un craquement pour le moins sinistre. Qu’est-ce…. Quoi ? Automatiquement, je dirigeais mon regard vers la source de ce soudain vacarme, soit à mes pieds.
« C’EST QUOI CE PUTAIN DE BORDEL ? »
Par réflexe, je fis quelque pas en arrière alors que je voyais le sol tout entier se fracturer dans ce qui semblait être un tremblement de terre. Pourtant, si j’exceptais le craquement que j’avais perçu, tout le reste était silencieux. Ce n’était pas normal ! Un tel bouleversement de l’environnement, surtout de cette nature, aurait dû occasionner davantage de bruit ! Ce n’était à n’y rien comprendre. Par automatisme, j’essayais de continuer à reculer rapidement pour échapper à ce glissement de terrain pour le moins soudain…glissement qui était provoqué, je n’arrivais pas à y croire, par des serres pour le moins gigantesque. Mais putain ! C’était quoi ce merdier ? Ne désirant guère demander mon reste et étant quelque peu effrayée du fait de ce phénomène qui n’avait rien de naturel, j’essayais tant bien que mal de prendre les jambes à mon coup afin de sauver mon existence. Le reste m’importait peu. Au vu de la situation, me soucier de mes homologues ou de leur survie était le cadet de mes soucis. Pour l’heure, il fallait que je me mette rapidement en sécurité auquel cas je risquais fortement d’y passer. Le reste atteindrait plus tard, même si une part de mon esprit ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur l’auteur de cette singularité qui, de toute évidence, était magique. Courant, malgré les tremblements qui agitaient le sol, j’espérais naïvement m’en sortir lorsque soudainement, le sol se déroba sous mes pieds et que je tombais soudainement dans le vide.
Le premier réflexe de mon esprit apeuré fut aussitôt de chercher un endroit auquel s’agripper. Une racine, un pavé, une canalisation. Quelque chose quoi ! Hélas, alors que mes yeux étaient écarquillés d’horreur, je constatais qu’il n’y avait rien. Ma seconde réaction, quant à elle, fut bien plus primaire et inutile. J’hurlais à tout berzingue. J’hurlais à m’en faire péter les cordes vocales, ce qui étant donné mon timbre de voix ô combien particulier aurait sans nul doute percé les tympans de la moindre personne entendant ce cri, s’apparentant au cri d’un spectre terrorisé. Du fait de l’épouvante que je ressentais, une seule considération occupait mon esprit : j’allais mourir. Cette pensée ô combien insupportable ne cessait de m’accompagner à chaque moment de cette chute qui me semblait interminable. Mon trépas était imminent. J’allais crever d’une manière totalement absurde sans avoir la possibilité même de pouvoir défendre mon existence. J’allais clamser toute seule, loin de ma famille ou de ce qu’il en restait et loin de Melorn. J’allais disparaitre sans pouvoir honorer une dernière fois la mémoire de mes compagnons de la XIII Legio. J’étais foutue. J’allais avaler les pissenlits par la racine et personne ne s’en soucierait. Je n’aurais ni tombe, ni sépulture. Aucune entité sur cette terre n’aurait conscience de ma disparition. Je serais morte dans l’indifférence générale sans avoir même le droit d’accomplir mon devoir, de racheter mes fautes ou de me venger de ce putain d’usur… Toutes ces pensées gravitaient en moi et provoquèrent différente réactions physiologiques. En effet, mon corps tout entier était saisit de tremblent. Pire encore, j’avais la tête qui tournait du fait du vertige, alors que je ne voyais rien si ce n’était le noir complet. Et encore, c’était sans compter ce poids que j’avais sur l’estomac. Mon cœur, quant à lui, battait la chamade, quoi que ce fût un euphémisme de dire cela. Je l’entendais battre à tout rompre à mes oreilles et m’étonnait même que celui-ci n’était pas encore lâché. Je crus même sentir du liquide couler le long de mes cuisses… J’étais tout simplement tétanisée.
Puis soudainement, mon environnement entier changea. Etait-ce la fin ? Mon corps allait-il finir par épouser le sol ? Mes entrailles et ma cervelle allaient-elles s’éclater au sol dans une gigantesque gerbe de sang ? Je ne savais pas et préférais ne pas le savoir. Aussi, je fermais les yeux et attendais, non sans frémir, le moment où ma carcasse se briserait sur un rocher…le moment où la douleur s’emparerait soudainement de mon être avant que je ne disparaisse. Curieusement rien ne vint. Ou plutôt si. Mes sens furent assaillis par des impressions aussi diverses que contradictoires qui me poussèrent à ouvrir les yeux à nouveau et à regarder frénétiquement les alentours. Pourtant, du fait de la panique que je ressentais, rien de ce que j’apercevais ne faisait sens. Le haut était en bas et le bas était en haut. Ce n’était à n’y rien comprendre ! Hélas ! L’heure n’était certainement pas à la compréhension mais à la survie.
En effet, pour l’heure, peu m’importait l’endroit où je me trouvais où ces caractéristiques. Un seul détail m’importait. Un détail crucial quand on y réfléchissait deux minutes. Je ne parvenais pas à respirer ! J’étais en train d’étouffer. Par réflexe, j’essayais de porter les mains à ma gorge. Sans grand succès. Je ne comprenais pas pourquoi mais je ne parvenais pas à bouger. C’était comme si mon corps était le prisonnier d’une gangue gélatineuse dont la particularité était à la fois d’être chaude et humide. N’étant guère en mesure de me mouvoir et au regard de l’urgence de la situation, je me débattais comme jamais. JE VOULAIS RESPIRER. Je désirais ardemment quitter cette prison. Je souhaitais m’évader de cet endroit qui, à l’évidence, était le responsable de mon état. J’essayais tant bien que mal de m’agiter dans tous les sens. Je tentais, aussi vain cela soit-il, de respirer… de faire en sorte que de l’air pénétrât Malheureusement, celui-ci était inexistant ou impossible à inhaler. J’avais littéralement l’impression qu’une étreinte invisible enserrait ma gorge, qu’elle était responsable de cette absence d’oxygène dans mes poumons alors que je savais qu’il n’en était rien. J’avais conscience que ce n’était que ce n’était que la conséquence de mes efforts et non la cause. Mais, j’avais bien trop peur pour m’en rendre compte. Mes yeux étaient écarquillé de terreur et mes mains tremblantes tentaient de se défaire de cette gangue par l’entremise de mes ongles, sans grand succès. Du fait de l’absence d’air, mon corps en vint à se tordre ou plutôt à convulser dans ce qui s’apparentait très concrètement à une dernière tentative pour survivre. Ma poitrine tentait, elle aussi, de se soulever… de me pousser à inspirer…de me forcer à transporter cet air absent jusqu’à mes poumons. Hélas ! Rien n’y fit. J’allais mourir asphyxier. Le désespoir m’envahit une fois de plus à cette pensée. Ma vision se rétrécissait au fur et à mesure, mes mouvements ralentirent. Mes lèvres quelque peu bleuis murmurèrent silencieusement un dernier appel à l’aide…. J’étais foutu…Il n’y avait plus rien à fa…
Soudainement, sans que je ne comprisse ce qui se passait, un liquide chaud m’éclaboussât et un afflux d’air sembla me caresser le visage. Par automatisme autant qu’intuitivement, j’haletais soudainement. Mes poumons se gonflèrent désespérément d’oxygène. La sensation était pour le moins douloureuse, je devais le reconnaitre. Chaque inspiration, effectivement, semblait brûler mes voies respiratoires. Au moins, j’étais en vie ! Pendant de longues secondes, je respirais profondément même si ironiquement, je manquais m’étouffer à nouveau en inhalant, par inadvertance, ce mystérieux liquide qui m’avait, pour ainsi dire, réveillé. Toussant quelque peu au point que mon corps en vint à se pencher, je clignais plusieurs fois des yeux pour comprendre ce qui se passait bien que je remerciais le ciel que d’être encore en vie. Chaque bouffée d’air était un mélange de soulagement et de douleur mais j’existais encore ! Je n’étais pas morte ! Ou du moins pas encore, alors que je contemplais ce qui constituait mon environnement. Ce fut en effet non sans stupeur que je notais que mon corps était en plein milieu d’un océan d’ossements qui semblait s’agiter du fait de ce qui paraissait être une lutte si j’en croyais mon ouïe. On se battait non loin d’ici. Etait-ce l’armée reikoise ? Je n’aurais su le dire. Mais j’étais bien contente d’avoir survécu à cette chute ainsi qu’à cette asphyxie. Cependant, même le fait d’être encore parmi les vivants, je ne désirais guère demeurer ici plus longtemps. Il fallait que je sorte d’ici ! Je n’avais pas ma place en ces lieux qui empestaient la mort et la charogne ! Pour ma plus grande surprise, d’autres fissures apparurent tout autour de moi et permirent à la lumière de faire son entrée ce qui m’offrit l’occasion d’entrapercevoir l’endroit dans lequel je me trouvais à savoir les Pins Argentés.
Comment ? Pourquoi ? Ces questions n’avaient pas d’importance car soudainement une multitude de souvenirs se bousculèrent dans ma tête et manquèrent de me donner la migraine. Hélas, étant bien en peine de pouvoir me mouvoir, je ne pus me saisir le visage par réflexe, bien que ce ne fut pas l’envie qui me manquait. Je me souvenais de tout ! De l’artefact. Du Chant des Ronces. De l’Entité. De mes alliés. De Ronchon. De Trésor. Du masque de guerre Melornois. Tout me revenait en mémoire ! Absolument tout ! Mais du coup….cela voulait donc dire que nous n’avions jamais rejoint la réalité. Que cette foutue créature nous avait encore piégé en nous projetant dans une illusion ! Malgré tous nos efforts, elle était encore envie ! Et au vu du nombre d’ossements qui se trouvaient tout autour de moi, sans compter le sang, nous étions sans doute dans ses entrailles ! Je comprenais mieux pourquoi j’avais du mal à me mouvoir… Toute cette viscosité constituait en soi une belle gangue en elle-même. Quoi qu’il en soit, cette saloperie avait tenté de nous digérer ! Malheureusement, pour une raison qui m’échappait elle n’y était pas parvenue. Etait-ce dû aux bruits de lutte que j’entendais à l’extérieur ? Probablement. Après tout, si notre adversaire avait besoin de se concentrer un minimum pour user de ses prédispositions, l’on pouvait décemment croire que l’attaquer et le blesser briserait cette chimère qu’il avait savamment conceptualisée pour nous. Car oui, je peinais à croire d’être la seule à me retrouver en ces lieux même si je ne savais guère où se situaient mes alliés dans cette mer putride et nauséabonde. En vérité, l’heure n’était pas à me soucier de la survie ou non des personnes qui m’accompagnaient mais plutôt à m’intéresser à la manière qui me permettrait de quitter cet endroit pour de bon.
Le ciel ou plutôt la mystérieuse personne attaquant l’entité répondit à mes sollicitations car un autre craquement sinistre retentit au dessus de ma tête et qu’une serre lacéra profondément la chair constituant ma prison au point de me permettre de percevoir avec plus de clarté l’extérieur ainsi que la lumière de la lune. Ce soudain déchirement de la paroi stomacale de mon geôlier eut un effet inattendu et quelque peu désagréable. En effet, du fait de cette blessure, le contenu de l’estomac de ce dernier eut pour effet de se déverser au sol dans une vague immonde. Moi y compris. Quelque peu surprise, j’essayais par instinct, étant donné tous ces remous de conserver ma tête à la surface de cette marée de sang pour ne pas me noyer mais hélas, je fus bien en peine d’y parvenir et manquais d’être assommé par la cage thoracique de ce qui devait être un nain de son vivant. Le monde, tout autour de moi, se métamorphosa en une sorte de tourbillon de sang et d’ossements qui se déversa vers la seule sortie possible : cette cicatrice béante. Je fus ballotée dans tous les sens jusqu’à ce qu’enfin j’atterris sur un sol dur et rugueux. ENFIN, j’avais retrouvé le plancher des vaches. Pourtant, telle ne fut pas ma première réflexion sur le moment. En effet, pendant un court instant, j’essayais de m’extirper alors que j’haletais et que je plissais le nez de ce charnier. Car oui ! Tout autour de moi, le paysage était un cauchemar sans fin. L’on aurait cru qu’une mer rouge, composée des restes blanchis de celles et ceux qui n’avaient pas eu la chance de survivre, s’étendait à perte de vue.
Bien évidemment, je tentais d’enlever les quelques viscères qui gênaient ma vision et qui étaient notamment présente dans ma chevelure. Sans grand succès. Tout ce que je parvins à faire c’est à étaler plus de sang sur mon visage et sur mes mèches de cheveux qui était tout sauf blonds désormais. Maugréant dans ma barbe, je manquais de tomber lorsqu’en voulant me redresser ma main traversa une cage thoracique et entra en contact avec ce qui devait être des viscères. C’était bonnement répugnant. Pourtant, malgré l’horreur, un sentiment de satisfaction m’envahit : j’étais en vie ! Prenant une brève inspiration, malgré l’odeur persistante de sang et chair putréfiée, je me relevais et scrutais les alentours à la recherche de mes compagnons. Quelle ne furent pas ma surprise et ma stupeur, lorsque mon regard se porta vers une créature dépourvue de visage et mesurant probablement dans les 8 mètres. C’était donc ça qui nous avait attaqué ? C’était cette chose le responsable de nos tourments ? Mais qui était-il ? Qu’est ce qu’il était ? Je n’en savais rien ! En revanche, je pus, en même temps, identifier la personne responsable de mon évasion. Il s’agissait d’un corbeau aux proportions gigantesques. J’ignorais pourquoi notre Némésis avait attiré son ire mais je remerciais silencieusement cet animal de nous avoir tiré de ce mauvais pas. Celui-ci ne semblait d’ailleurs pas avoir dit son dernier mot car il s’évertua à l’attaquer jusqu’à ce qu’il soit neutralisé par un revers de main de l’entité. J’ignorais si ce mystérieux allié était en vie mais je n’avais guère envie d’aller le vérifier. Il fallait abattre cette créature même si j’ignorais comment. Fort heureusement, je n’étais pas seule comme je le constatais. En effet, que ce fût l’humain, Myriem, les jumelles, la gamine et même Luven, nous étions tous là. Ensemble, nous avions une chance de nous en sortir, de triompher de cette créature même si, pour être tout à fait franche, j’ignorais comment me rendre utile face à un tel ennemi. J’avais pour habitude d’affronter des êtres mortelles pas des géants dont la nature même échappait à ma compréhension !
D’ailleurs en parlant de Trésor, je me rendis compte que je le connaissais finalement. Même si nous n’avions jamais combattu dans la même légion, je savais ce qu’il avait enduré. Je n’ignorais pas les épreuves qu’il avait du surmonter même si je ne me serais jamais attendu à recroiser ce membre de XVIe Legio dans l’estomac d’une telle monstruosité. Comment avait-il atterri dans cet endroit ? Je l’ignorais mais je comptais bien l’interroger à ce sujet si du moins je survivais au combat qui s’annonçait. Ce qui n’était pas certain…surtout lorsque l’on tenait compte des révélations de mon compatriote. Effectivement, celui-ci nous révéla que l’ennemi qui n’avait eu de cesse de nous tourmenter était en réalité un rejeton des Titans né de la guerre. Si j’exceptais le point commun qui me liait pour ainsi dire à cette créature, j’ignorais si je devais me réjouir d’avoir eu raison ou non. Il est vrai que j’avais estimé que cet engeance avait un lien avec le conflit récent au regard de son masque. Ceci dit, je ne m’attendais certainement pas à devoir affronter l’un des héritiers des fossoyeurs de l’empire elfique. Comment le pouvais-je après tout ? J’avais supposé que cette monstruosité dépassait mon entendement mais…là cela défiait toute forme de compréhension, du moins à mon sens. Étant donné mes prédispositions, j’avais conscience que je n’étais qu’un insecte que cette abomination pouvait tuer d’un revers de la main.
Est-ce que cela me terrifiait ? Oui. Est-ce que cela me donnait envie de fuir ? Aucunement. Même si j’estimais ne pas être en mesure de l’affronter, je me refusais à battre en retraite. Il fallait tuer cette créature afin de stopper la source du mal qu’elle générait. Il fallait l’arrêter une bonne fois pour toutes tant qu’elle était vulnérable. Même si soyons honnêtes, je ne savais pas comment procéder. Je n’étais qu’une esclave de guerre. Certes, l’art du conflit me passionnait mais il s’agissait de considérations tactiques mettant en scène deux armées. Là, on parlait d’abattre un être issu des titans ! Merde ! Lui cramer la gueule ne suffirait pas. Etait-il seulement inflammable ? Probablement mais je doutais qu’une boule de feu pût suffire à l’égratigner…quant à une flèche n’en parlons même pas. Pourtant, il devait bien avoir un point faible…même si j’ignorais lequel à l’inverse de Luven qui sût nous renseigner en partie à ce sujet.
D’après lui, cette exécration titanique avait, grâce à sa magie, contenu toute son identité à l’intérieur de son visage, soit de ce masque. Pour quelles raisons ? Tout simplement pour se dissocier de sa propre identité et devenir ainsi quasiment immortel. En soi, c’était malin. Il est vrai qu’il était impossible de détruire un concept, une idée ou un être dont l’identité n’existait tout simplement pas. Pour autant, cela ne rendait pas cette créature vivante. Elle se situait pour ainsi dire entre deux plans d’existence. Jusqu’à présent, j’ignorais que mener une telle existence, si tant est que l’on pût la qualifier ainsi, fût possible. J’en vins presque à m’interroger sur les possibilités offertes par une telle vie. Etait-il possible d’entrer en contact avec les défunts ? Après tout, cette monstruosité était capable d’interagir avec nous autres mortels… En d’autres circonstances, je me serais sans doute appesanti sur un tel sujet plus longuement, mais là, ce n’était ni l’heure ni le moment. Cette insanité ne répondrait pas à mes questions et constituais une menace pour nos vies, mais aussi pour l’Empire et pour ma cité d’origine. Il fallait l’abattre. Aussi, je compris rapidement le sous-entendu de Luven. Le seul moyen de tuer cette créature était de lui rendre son identité dans un premier temps…et pour cela il fallait déposer ce masque melornois sur son visage afin de le rendre mortel à nouveau. Bien que l’idée fût logique au vu des faits qu’il nous avait présenté, j’en vins toutefois à m’interroger sur le déroulé des opérations. Comment allions-nous l’atteindre ? Ce putain de truc devait facilement faire 8 mètres ! Nous n’allions pas l’escalader tout de même ! A moins que nous n’ayons recours au corbeau géant de toute à l’heure ? Encore fallait-il qu’il soit encore en état de voler et qu’il acceptât de coopérer ce qui au demeurant, paraissait compromis. C’était un putain d’animal ! Pas un être conscient !
Malheureusement, je ne pus interroger l’elfe sur ses intentions car celui-ci après m’avoir souri d’une manière que je ne connaissais hélas, que trop bien, s’élança en avant pour se diriger vers la créature. Ce rictus me paralysa sur place et me poussa à tendre aussitôt la main droite dans sa direction dans l’espoir de l’arrêter.
« Non ! » laissais-je échapper de mes lèvres.
Je savais ce qu’il faisait. Cette expression. Ce visage. C’était celui que les hommes avaient au combat lorsqu’ils se savaient condamnés. Lorsqu’ils savaient qu’ils fallait tenter pour le tout alors que la bataille qu’ils s’apprêtaient à mener était tout simplement désespérée. C’était tout simplement l’air qu’avait affiché certains hommes de la XIII Legio avant de mourir lors de la Chute d’Ikusa. C’était un mélange de démence, de hargne, de rage mais aussi d’insulte fait à la mort car au lieu d’en avoir peur, nous rions d’elle-même et la provoquions en allant au devant d’elle pour la mettre au défi de nous cueillir. Ce visage…son visage me transperçait le cœur et me poussait à vouloir l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard…avant qu’il ne commette l’irréparable. Hélas ! J’en étais bien incapable. J’avais conscience qu’il s’agissait d’un combat qu’il avait choisi de mener jusqu’au bout. Contrairement à lui…contrairement aux autres, je m’étais retrouvée face à cette créature par inadvertance. Je n’avais pas mon mot à dire à ce sujet. Libre à chacun de décider de sa mort…et pourtant ma respiration se coupa alors que je regardais son corps être propulsée dans airs après que cette abomination, en proie à une immense douleur comme en attestait le hurlement qu’elle poussa, ait fait usage de son mana pour générer une explosion…inaudible ? Bien que l’absence de bruit me tracassa, je demeurais focalisée sur le corps de l’elfe qui avait été propulsé au sol comme si de rien n’était. Si seulement j’avais agi… si seulement je l’avais empêché de commettre l’irréparable. Etait-il mort ? Je l’ignorais. Il était bien trop loin pour que je pusse le savoir. Aussi, tentais-je, dans un premier temps de le rejoindre. Malheureusement, avancer parmi toutes ses viscères était une véritable épreuve. Faire le moindre pas m’imposait un effort physique auquel je ne m’attendais pas, tant mes jambes s’enfonçait à chaque fois profondément dans les entrailles et restes blanchis des victimes de la créature.
Je fus d’ailleurs à nouveau surprise, alors que je broyais sous mon pied ce qui s’apparentait être un bassin, de l’absence de bruit. Je n’entendais plus rien. J’avais beau tendre l’oreille. Pas un son ne parvenait à moi, excepté celui de mon propre cœur qui battait la chamade. Pire encore, la réalité semblait se déformer sous mes yeux. En effet, quelques uns des cadavres m’entourant ainsi que certains viscères s’envolait peu à peu dans les airs…comme si la zone entière était désormais sous le contrôle de cette abomination. Pour ainsi dire, cette démonstration de puissance me mît mal à l’aise et me poussa à devoir jouer des coudes et des épaules pour me frayer un chemin tant certains de ces éléments constituaient un obstacle. J’essayais, aussi bien que faire se peut, de traverser ce véritable fleuve de la mort jusqu’à ce qu’une bille de glace m’atteignit. Cet élément, pour le moins étrange au regard de la situation, me poussa à diriger la tête vers son origine. C’est là que je vis l’une des jumelles. Celle-ci fit quelque chose puis chercha à parler ou à crier, je n’aurais su le dire, sans qu’aucun son n’en sorte. Presque immédiatement des rayons luminescents en provenance des sphères ténébreuses générées par notre ennemi frappèrent la position de la rousse, qui parvint, in extremis à éviter les tirs…
Cette information, ô combien précieuse, me fît grimacer. Il ne manquait plus que cela. Nous étions d’un côté dans l’incapacité d’interagir les uns avec les autres mais en plus, cette entité ciblerait à l’aide de ses sphères la moindre source de bruit afin de l’anéantir. C’était pour ainsi dire charmant. Comment allions-nous pouvoir l’affronter sans nous concerter ? Je l’ignorais même si je commençais à avoir une petite idée sur la manière d’atteindre cette abomination. Peut-être pouvais-je me servir du décor pour parvenir jusqu’à lui ? C’était une idée. Ceci dit, encore fallait-il que cela fût utile. Or pour l’heure, avant de pouvoir songer à la tuer, il nous fallait encore la rendre mortelle en déposant le masque sur ce qui lui faisait office de visage. Fort heureusement, ce détail fut rapidement réglée par Myriem qui s’élança à toute vitesse, masque à la main, sous mes yeux ébahis, vers la créature et à grimper jusqu’à son visage et à insérer cet objet que Luven avait cherché à protéger tout au long du Chant des Ronces.
Alors que ce séide des Titans retrouvait son visage, je parvins, je ne sais comment à l’identifier. Elle se prénommait Lamentation. Celle-ci, bien trop choquée par le changement procurée par le retour de son identité, se met à hurler. Instinctivement, je mets mes mains sur mes oreilles qui se courbent tant mes tympans sont agressés par ce son ô combien disgracieux. Hélas ! Cette plainte étant générée par magie, je me surpris à avoir le vertige et à avoir la nausée au point que j’en vins à m’agenouiller au sol, à poser mes mains sur celui-ci et à déverser le contenu de mon estomac, ou le peu qu’il en restait. Nettoyant ma bouche d’un revers de la main et crachant au sol, je me relevais tant bien que mal et constatais que je saignais du nez. Pire encore j’avais la migraine du siècle et l’impression qu’un dragon enragé logeait désormais dans mon crâne. C’était douloureux mais supportable….ou du moins je me faisais violence pour ignorer cette souffrance. Je ne pouvais pas céder. Pas maintenant. Je ne pouvais pas faillir. Il fallait que j’avance…que je réagisse… que je fasse payer à cette saloperie le mal qu’elle nous avait fait et les souvenirs qu’elle avait fait resurgir en moi-même si j’ignorais encore comment.
Ironiquement, alors que je levais mes yeux fiévreux vers ma prochaine cible, la solution me fût apportée par Myriem. La baronne usa de son mana pour générer une gigantesque faux faite d’eau dans le but évident de lui découper le thorax de bas en haut et donc de le tuer. Malheureusement, malgré la puissance du coup porté par cette dernière, la créature tint bon, bien que devant la violence du coup porté, celle-ci s’effondra et tomba en arrière…m’offrant la vision du reste de ses viscères. Il s’agissait de l’endroit par lequel nous étions sortis…mais plus encore il s’agissait de son point faible ! Si son épiderme résistait à la magie comme me poussait à le croire la démonstration de la shoumeienne, ce n’était peut-être pas le cas pour l’intérieur de son corps. Après tous, que ce fût ses organes, ses poumons, son cœur, sa trachée, sa langue et son cerveau, si tant est que ce fossoyeurs ambulant fût affublé de tous cela, aucun de ces éléments ne devait être protégé à l’intérieur de son corps… si du moins ce pseudo démiurge était constitué de la même façon que n’importe quel être vivant. Pour autant, même si j’ignorais cette information, il me fallait bien agir en conséquence. Aussi, au lieu de m’acharner sur sa peau qui tenait plus, à mon sens d’une carapace que d’un véritable épiderme, je comptais bien le faire cuire de l’intérieur. Aussi, m’approchais-je de lui avec cette intention jusqu’à ce que, soudainement, le sol sous mes pieds se dérobât à nouveau.
Comme les ossements qui m’entouraient ainsi que les divers monceaux d’organe putréfiés, cette putain de saloperie de créature avait décidé d’user de sa magie pour soulever, mes compagnons et moi-même, dans les airs….sans doute dans l’intention évidente d’utiliser ces sphères ténébreuses pour nous tuer. Après tout, nous étions désormais des cibles faciles. Nous étions pour ainsi dire presque incapables de nous mouvoir correctement. Lamentation n’aurait dès lors aucun mal à nous éliminer….ce que je comptais bien empêcher même si ce que j’apprêtais à réaliser tenait plus du pari fou plus qu’autre chose. Mais quel autre choix avais-je ? Aucun. Encore une fois, mon existence se trouvait à la croisée des chemins entre une mort certaine et sur une survie plus qu’improbable…. Face à une telle entité, j’aurais certes pût laisser le désespoir m’envahir et personne ne m’aurait blâmé tant je n’étais pas faite pour affronter ce genre de menace. Pourtant, même si j’étais toujours quelque peu terrorisée, une indicible vindicte à l’égard de cette saloperie avait pris le pas sur toute autre forme de sentiments. Je voulais détruire cette créature. Je voulais lui faire morde la poussière.
Tel un feu indomptable cette haine brûlait en moi et était alimenté par les souvenirs que ce séide des Titans avait cru bon, malgré lui, de me faire ressasser en m’invoquant dans le Chant des Ronces. Mes poings serrés tremblaient de rage alors que mes yeux fusillaient ce dernier. J’en avais plus qu’assez d’être son pion. J’en avais plus qu’assez de voir des compagnons d’armes mourir parce que j’étais tout bonnement impuissante, parce que ma vie n’était qu’une putain de succession de mauvais choix. J’en avais assez d’être le jouet du destin et de n’avoir guère eu mon mot à dire au cours de ce foutu cauchemar. J’étais à bout et je comptais bien le lui faire comprendre. Ainsi, alors que je toisais du regard ce représentant des fossoyeurs de l’empire elfique, j’insufflais un maximum de mana à mes membres supérieurs et convoquais un gigantesque torrent de flammes qui alla s’engouffrer dans la plaie béante de ma cible et qui comptait bien, non seulement remonter le long de son anatomie mais aussi tout réduire en cendres. Je laissais mon courroux prendre le contrôle de mon être au point que j’en vins à perdre pied en ne régulant plus l’afflux de mana qui me servait à alimenter ce torrent de feu. Peu m’importât que je me brulasse ou que j’y laissasse mes mains. Je n’avais qu’un seul objectif : tuer une bonne fois pour toute cette créature quitte à en payer le prix ou mourir en essayant.
- Résumé:
- Résumé :
- Vae arrive pas à trouver ce qui cloque dans cette Ikusa alternative
- Vae fait la connaissance avec le gouffre de AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH et manque faire une crise cardiaque
- Vae comprend mieux ce que les victimes de Darth Vader ressentent en étant étouffé, sauf que elle c’est dans un putain d’intestin
- Vae arrive enfin à respirer grâce à l’intervention de Crow mais se retrouve expulser du ventre de la créature comme si elle avait pris des putains de laxatifs
- Vae devint la représentante de Dios et Charnier Numéro 5
- Vae regarde un peu tout ce qui se passe car elle est un peu perdue et surtout car elle sait pas quoi faire
- Vae se retrouve à faire pigeon vole, pète un plomb et décider de napalmer l’intérieur de la bestiole car merde à la fin
Utilisation des pouvoirs
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crédits : 338
- Le Chant des Ronces -
Résiliente - Myriem - Vaesidia - Ersa - Alaric
TOUR FINAL - L'AUBE
Lamentation se meurt.
Allongé sur un tapis composé de ses propres viscères, carbonisé jusqu'aux os, l'immense enfant bâtard de Titans destructeurs se sait condamné à faire le deuil de sa propre personne. Eternellement incapable de pleinement comprendre ce qu'il est ou de donner du sens à son aberrante genèse, l'engeance née de la Guerre s'éteint pendant que les doigts effilés de ses énormes dextres semblables à des arachnides se replient sur eux-mêmes. Au contraire des nobles Archontes, divines créations, son corps n'est point transporté jusqu'aux confins d'un autre monde. Il se fait dévorer par la ruine.
Lamentation pourrit et flétrit, se liquéfiant tandis que son abdomen perforé de toutes parts vomit dans un immonde gargouillement une montagne d'ossements encore passablement contenus au cœur de son enveloppe trop grande pour sembler réelle. Contre son dos fracturé, des morceaux de chair fondue s'extirpent maladroitement, fissurant ses muscles dorsaux pour venir faire naître une paire d'ailes multicolores et translucides qui ne se déploient qu'à peine avant de se dessécher pour chuter à leur tour et ne devenir que poussière.
Le Monstre, enfermé sous cette forme chrysalidaire qu'est la sienne, était visiblement à deux doigts d'atteindre une nouvelle étape de son évolution. Dévoreur de songes et de souvenirs, il allait bientôt devenir capable de se repaître du tissu de la réalité et ainsi de défaire la besogne de ses propres géniteurs en se repaissant du monde et de sa substance. Un diabolique glouton, dont la faim jamais n'aurait été assouvi et qui, sans doute, serait parvenu au fil des âges à avaler le Sekaï lui-même. Ce sinistre projet, anéanti dans l'œuf par nos valeureux survivants, ne verra donc jamais le jour.
Les aventuriers, essoufflés et couverts des entrailles de leur colossale victime; retombent lourdement au sol en même tant que les charognes flottantes. Epuisés, ils toussent, crachent ou extraient le peu de bile qui reste dans leurs tripes. Les trous noirs formés dans l'air décélèrent, perdent en intensité obscure puis disparaissent pour de bon et les sons des Pins Argentés, les uns après les autres, refont surface. La lune orangée reprend sa teinte d'antan et les choses, progressivement, rentrent dans l'ordre établi.
C'est Luven qui se redresse le premier, puis qui tend une main à Vaesidia pour l'aider à faire de même. Une fois debout, aux côtés de celle qu'il a connu autrefois et qu'il pensait ne jamais revoir, il lui jette un regard prolongé dans lequel se lit un curieux mélange de mélancolie, de sollicitude et d'incompréhension. Elle n'est pas tout à fait celle qu'il a côtoyé, mais il n'est plus tout à fait l'elfe d'antan non plus. Ils ont changés, ils ont tous deux été transformés par l'aube sinistre qu'a connu leur monde. Luven s'écarte, enjambant à grande peine des piles de corps sans vie puis, comme par un signe du destin, il capte au milieu des décombres un reflet lumineux et s'y aventure pour venir trouver au cœur des ruines un artefact ayant plus de valeur que tout.
Sanglé à des lanières de cuir, une pierre azur brille, animée par une faible lueur. Accroupi, l'elfe balaie quelques ossements et vient récupérer le mystérieux objet pour découvrir non sans stupeur qu'il s'agit de l'œil arcanique de son ami, Amadeus Stormsong, alias Ronchon. Le guerrier melornois éclate en sanglots et porte l'objet à son torse, déchiré par la douleur d'avoir perdu un tel héros, rendu fou de rage par l'injustice de son sort. Serrant l'instrument magique contre lui, Luven se relève enfin pour jeter un œil à la dépouille immense qui s'aplatit à mesure qu'elle devient de plus en plus liquide.
Le lien mental entre captifs et tortionnaire se brise pour de bon lorsque l'âme de Lamentation passe de l'autre côté et c'est là que les survivants, tous ensemble, sont confrontés une dernière fois au poids des pouvoirs malfaisants de l'abominable créature. Toutes les histoires qu'elle a englouti, toutes les personnes qu'elle a dévoré jusqu'à les effacer de la surface de ce monde et des autres, tout leur revient. L'espace d'un instant, ils prennent conscience de l'entièreté des victimes, une à une. Essuyer le chagrin de plusieurs milliers d'âmes n'est pas chose aisée...
Ils subissent la vision d'un homme et d'une femme affairés à empiler des rondins. La demoiselle se fige brusquement, laisse choir tout ce qu'elle porte puis prend son visage à deux mains tout en s'effondrant. Son cri déchirant alerte son compagnon qui, à son tour, tombe à genoux lorsque sa mémoire lui revient. Ils ont perdu leur fils, il y a des années de cela; mais ne s'en souvenaient pas. Ailleurs dans le Sekaï, un noble reikois ouvre calmement la fenêtre de son balcon, puis s'y jette sans même regarder en arrière lorsque l'existence de ses trois petites filles lui reviennent. Un père éploré se tranche la gorge, écrasé par la honte d'avoir omis si longtemps l'existence de sa progéniture, une autre mère s'empoisonne sciemment en implorant le pardon de sa fille._
A Magic, une cellule entière de chercheurs sont pris d'affolement. Des ordres sont beuglés aux quatre coins d'une chambre d'étude et des laborantins bondissent vers les bibliothèques pour farfouiller dans les écrits. Des écrits anonymes de l'un des pères de l'arcano-technologie moderne retrouvent leur digne auteur alors que des souvenirs affluent chez les experts de l'Académie. Amadeus Stormsong, l'un des plus grands scientifiques de la République connu pour son côté un peu ronchon, retrouvera sa place dans les livres d'histoire.
Dans une taverne miteuse, un vieux soulard dont la notoriété ne tient qu'aux coups qu'il a mené dans sa jeunesse lève brusquement la tête de l'assiette dans laquelle il s'est endormi. La trogne couverte de haricots, il se remémore subitement l'existence de sa partenaire de larcin, une hybride féline, voleuse talentueuse et espiègle comme pas deux. "Elle s'appelait Myrtille, Myrtille Brinsylvestre !" Personne ne prête attention aux jérémiades de vieil alcoolique de service et même si tout le monde se fiche de ses états d'âme, on accepte de lever son verre à la tournée faite en l'honneur de cette "Myrtille Machinchose..."
Dans l'un des baraquements des officiers Républicains, un souvenir jaillit d'un coup parmi les hommes attablés autour d'une bonne vieille partie de carte. "J'viens de vivre un truc bizarre, les gars..." balance un Bertrand médusé par ce qui lui arrive. Un autre, tout aussi confus, lance en abandonnant de stupeur sa main gagnante. "Y'a pas... 'tendez. Ca vous dit un truc... Clara...". Un autre reprend, la mine sombre : "Clara de Montastel." Ils annulent la partie, reprennent leurs armes et filent jusqu'au bureau de leur capitaine. Une inflexible et audacieuse combattante refait surface dans les rapports.
Au Reike, le jeune héritier d'un clan de Drakyn se réveille en sursaut en cette fin de nuit. Déboussolé, il reprend connaissance de l'existence de l'ancienne dirigeante de leur Horde, sa propre mère. Zamira Hamaadi, guerrière la plus sauvage que la tribu n'ait jamais connu, retrouvera au petit matin les louanges qu'elle a injustement perdu.
Ailleurs au sein de la nation de l'Empereur Dragon, une maison de nobles avait connu l'une des histoires les plus farfelues de tous les temps. La maison Crind'pouliche, depuis plusieurs années, avait littéralement perdu son nom. Nul n'avait su d'où provenait cette obscure malédiction et personne n'était capable de retracer l'histoire du manoir, ni les raisons initiales de son existence. La fille d'Alfonzio Crind'pouliche, seule âme encore assez vaillante pour vouloir élucider ce mystère, fond en larmes lorsque les souvenirs de son géniteur, excentrique mais infiniment valeureux, lui reviennent.
En Shoumeï, un pèlerinage de moines survivant tant bien que mal parmi les ruines s'interrompt brusquement lorsque le plus ancien de la troupe s'immobilise, violemment frappé par un afflux de souvenirs. Le prêtre Casseus El'Ahyldar, angélique porteur de la parole divine, vient tout juste de refaire surface dans la mémoire des fidèles. Ils s'arrêtent au beau milieu d'une plaine déserte et prient pour le salut de son âme._
Des lances sont braquées sur le visage d'Ellana qui, difficilement, s'est sortie d'une obscure torpeur. Les hommes de la patrouille de Vaesidia découvrent tout juste une membre du FMR affiliée aux Serres Pourpres. Des directives sont rugies par les reikois qui, en proie à la confusion, ne savent ni expliquer cette étrange manifestation ni comment y faire face. La janissaire Inviere a disparu et à sa place se trouve la jeune elfe esseulée, perdue, porteuse de souvenirs incompréhensibles issus d'un univers diabolique qui n'aurait jamais dû voir le jour._
Lamentation s'est entièrement liquéfié, devenant après une poignée de minutes un simple amas de bouillie dont l'ébullition s'interrompt enfin. Des crânes flottent à la surface de cette étendue purulente et les survivants, meurtris et endeuillés du fait de souvenirs qui ne sont même pas les leurs; s'observent un instant sans mot dire. Qu'y a-t-il à faire, désormais ? Que dire, face à tant de cauchemars ? Était ce salvateur que de libérer toutes ces mémoires effacées, était ce un crime ? Nul ne sait s'exprimer à ce sujet avec conviction.
"Je vais... partir. Je retourne à Melorn, je pense."
La voix de Luven n'a jamais paru si distante. Il devrait célébrer sa victoire sur le Tisseur Obscur, il devrait rugir après avoir accompli le dessein de son Ordre. Il n'a envie de rien, il ne sait pas comment agir. Trop effaré pour pleurer, l'elfe semble n'être qu'un mirage, à peine l'ombre de lui-même. L'oeil d'Amadeus en main, il quitte les décombres pourrissant, ce d'une démarche aussi mécanique que sinistre. Pas un au revoir, pas un adieu, pas même une promesse._
Les survivants pansent leurs plaies, échangent peut être quelques mots. La tension devenue commune au sein de la Forêt des Murmures a été troquée pour la sépulcrale aura d'un bosquet entaché par la mort et la désolation. Trop éplorés ou épuisés pour y prêter attention, la plupart des combattants ne perçoivent même pas les dizaines de rongeurs, de volatiles et d'autres habitants des Pins Argentés qui s'accumulent tout autour du champ de bataille.
Se détachant des ténèbres, une silhouette féminine à peine perceptible foule la pile d'ossements dans un furtif craquement. L'étrange entité, camouflée par un manteau de brume et d'étoiles imaginaires, lève son illusion pour apparaître aux yeux de tous. C'est une femme, pale comme la lune, trop grande pour n'être qu'humaine. Sa chevelure brune et lisse se perd dans la noirceur de son épais manteau à col de plumes. Au bas du dos de la figure diabolique, on aperçoit une longue queue terminée en crochet qui danse allègrement au gré des mouvements de l'étrangère.
Ses paupières s'ouvrent pour révéler deux iris violacés, chacun illuminés par des vortex dépeignant des univers oubliés ou créés de toutes pièces. La créature anormalement élégante n'est pas une inconnue pour tous et parmi les breloques portées par Ersa, une plume lumineuse vient frémir brièvement. Elle reconnaît celui chez qui elle a cru voir, un beau jour, son Chasseur. Le Démon des Songes croise le regard de Nora puis continue à progresser vers l'autre jumelle avec douceur, ce pour enfin la prendre dans ses bras afin de lui offrir l'embrassade la plus chaude qui soit.
"Je croyais t'avoir perdue. Fort heureusement, j'ai eu raison d'avoir foi en toi."
Il explore les souvenirs de la traqueuse impériale, s'aventurant dans son esprit pour comprendre toute l'horreur de sa condition. L'ordre naturel des rêves a été bouleversé et le Prince, d'une façon tout à fait atypique pour lui, sent monter en lui une rage sourde. C'est injuste, indigne, si loin de l'utopie qu'il souhaite construire pour ses rêveurs. Le Diable au parfum envoutant, contre toute attente, laisse quelques larmes d'encre perler sur ses joues de porcelaine puis murmure à l'oreille de la naine :
"Je peux vous ramener chez vous... ou ailleurs, si vous le désirez. Vous méritez tous de connaître une nuit de douceur, loin de tous ces... tourments."
C'est terminé.
OBJECTIFS ET REGLES
Objectifs :
-Vivre.
-Accepter ou non l'offre de Rêve.
Règles générales :
-...
Modificateurs :
-...
Corruption :
-...
Tour final, merci à tous.
- Précisions::
-Le Tisseur Obscur, nommé Lamentation, n'est plus. Vous avez vaincu la corruption du Chant des Ronces, anéanti la Forêt des Murmures et libéré d'innombrables souvenirs retenus prisonniers.
-Comment allez vous vivre avec le poids d'avoir fait renaître tant de souffrance ?
crédits : 2476
Le prédateur des plaines dévastées s’abat sur sa proie, fendant les cieux pour fondre sur le gibier insouciant. Crow le perfore de son bec en le clouant dans la terre meuble, agrippant ensuite son butin de ses pattes arrières avant de s’envoler de nouveau aussi vite qu’il n’ait brutalement atterrit. Le béhémoth déploie ses ailes de toutes son envergures et fuse aussi vite que possible entre les nuages et les rayons timides du soleil hivernal, il est d’ordinaire plus serein pendant ses chasses, mais cette fois le sens d’urgence le presse pour une raison tout à fait valable.
Lorsque ses sens de voyageur céleste lui disent qu’il est enfin arrivé, il repasse en dessous des cumulus et inspecte les terres de désolation en dessous de lui, il ne tarde pas à trouver le lit de rivière familier, les formes des bois calcinés encore lisibles dans la topologie, l’indice du sentier qui était encore présent il y a cinq ans, et le monticule des ruines un peu plus loin. Un amas de gravats abandonnés que le monde avait simplement détruit sans le moindre remord, mais pour lequel le coeur animal de Crow portait toujours une affection surnaturelle que même lui ne comprend pas. Pourquoi est-il autant attaché à ce lieu? Il ne saurait le dire, il n’y a pourtant plus rien ici. Plus rien aujourd’hui ci ce n’est son plus grand trésor qu’il a déposé il y a quelques jours. Le Gardien de Jais réduit son altitude et se rapproche des pierres détruites et des restants de la Tour des Cieri, ça et là, des poutres ressortent des pavés fracturés comme des reliques de l’ossature de la bâtisse, comme pour rappeler qu’un jour ici s’était dressé un clocher, maison de souvenirs, de drames, d’amour et de tristesse. Crow se pose lourdement au sol et enjambe le terrain accidenté pour parvenir jusqu’en haut du tas de pierres éclatées, et au milieu du mélange déprimant de gris de poussière et de brun terne, une petite masse blanchâtre repose immobile contre les pavés.
En Shoumeï, terres teintées par la plus vile noirceur, il ne reste de pureté que dans de rares créations bienheureuses et immaculées, dans le soleil qui baigne de sa bonté astrale les plaines malgré l’absence de plantes à faire pousser, dans les flocons de neige qui tombent doucement en cristaux fractals. Pour Crow la chose la plus pure qui soit se tient sous ses grands yeux noirs, dans la forme de cette blancheur duveteuse qui se soulève doucement au rythme faible d’une respiration. Sa protégée dors en silence, son visage se tordant cependant en grimaces endolories qui inquiètent le corvidé depuis plusieurs jours. Comme toute chose que le Shoumeï a un jour touché, comme les rayons solaires qui ont rasé Bénédictus, comme la neige empoisonnée par la corruption irradiante quand elle touche le sol, la peau de Lune est tachée elle aussi. Le sang séché sur son corps rompt l’harmonie de son être et le Corbeau doit souffrir son état avec elle, la petite est à peine consciente depuis trop longtemps, son état ne s’aggrave pas mais le Gardien impuissant ne saurait dire s’il s’améliore. Le prédateur noir déchiqute le cadavre du sanglier qu’il vient d’apporter et fait couler la viande crue au fond de son bec, avalant la chair pour la broyer dans son estomac à coups de mouvements gastrique.
”M…i…em”
L’animal baisse ses yeux et incline sa tête vers la fragile petite chose, son état fiévreux et les va et vient de sa conscience au cours de ces derniers jours sont une chose, mais le mot inconnu du vocabulaire usuel que le Gardien reconnait l’intrigue d’autant plus quand la gamine n’a eu de cesse de le prononcer dans sa léthargie. Les pupilles d’encre du corvidé regardent la larme perler au coin des yeux fermés de Lune, et quelque chose tiraille le coeur animal du béhémoth, un instinct primal vient le pousser à envelopper son trésor de ses ailes, à récolter cette larme sur le bout d’une serre précautionneuse et à forger un cocon de ses rémiges autour de cette fleur fanée. Crow ne caquète pas, il ne glousse ni ne râle ni ne claque, son silence observe la même tristesse que ses yeux prédateurs qui en cet instant se font compatissants.
Lune émerge, sa conscience s’échoue, sur la berge, les couleurs à ses joues. Elle ouvre ses grandes abîmes d’encre, son âme touche la surface, son esprit mouille l’ancre, son corps est de glace. La fae au teint sélénite ne bouge pas d’un pouce, elle ne voit même pas le ciel, seulement une voûte nocturne parfaite et apaisante. Le frémissement des vents dans les vexilles arrache un sourire aigre-doux sous la reconnaissance de la jeune fille pour son gardien, il a veillé sur elle une fois de plus, mais le savoir ne suffit à calmer sa détresse pesante. Ses paupières se closent et conduisent les gouttes de son chagrin aux confins de ses cils tragédiens, elle ne parvient pas à se souvenir, elle ne se rappelle plus de rien. Elle sait que l’espace d’un instant ça lui était revenu, puis le noir. Le Chant des Ronces, Alaric, Erza… l’elfe revêche, la femme en M... Lune est persuadée qu’elle existe, ce n’était pas un rêve et les stigmates de son corps mutilé en sont la preuve irréfutable, cette femme n’est pas une version onirique de Solare et pourtant le souvenir de son nom lui résiste. En quelques heures elle lui avait donné plus d’amour qu’elle n’en avait jamais eu et avait enveloppé son coeur dans une chaleur ineffable.
Et elle, elle n'arrive plus à se souvenir de son nom.
Crow regarde Lune, tant qu’il est à ses côtés, il ne pourra jamais rien lui arriver.
Lune regarde Crow, son corps lancinant hurle mais au moins les voix se sont tues.
Retour à la réalité, et elle ne s’est jamais sentie aussi seule.
crédits : 5249
Nos actes désespérés conjugués ont réussi ce qui nous semblait impossible, nous sommes venus à bout de l'horreur qu'était Lamentation. Un être contre nature, un être voué à détruire. Si j'avais encore un semblant de croyance il y a quelques mois, Benedictus et maintenant cette hideuse enfant des titans avaient fini de me convaincre que mon éducation, ce sur quoi ma vie entière était basée, n'était qu'un ramassis de conneries. Je m'étais voilée la face des années durant, continuant envers et surtout contre toute logique, et j'avais défendu la foi qui était la mienne auprès des détracteurs mais... Les titans avaient beau avoir été des créateurs un jour, ils n'étaient plus que les ombres qui déchiraient le Sékaï, ceux qui semaient doute, chaos et mort. J'en avais fini, j'étais définitivement détournée de mes idéaux anciens, en moi maintenant il y avait un vide immense à combler.
Par chance en un sens, dans ce trou béant de mes convictions, de mon style de vie, de ma culture il y avait une graine. Une petite graine qui ne demandait qu'à grandir, une graine que je protégeais maintenant chèrement et fièrement, elle était née de ma véritable rencontre avce l'Arbre Monde. Je l'avais vu enfant, j'avais remercié le vénérable de ses bienfaits lors de mes visites à Benedictus mais maintenant qu'il souffrait, qu'il était corrompu je savais combien il était précieux et il était celui pour lequel je devais me battre. Nul besoin de dogme, de prêtre, d'écrits saints pour sentir qu'en lui reposait l'espoir de notre monde. De fervente diviniste, la guerre et les horreurs m'avaient façonnés et le chant des ronces et Lamentations avaient balayé mes dernières croyances, ils m'avaient libéré.
Mais d'un autre côté si j'étais libre de de ces croyance, j'étais empêtrée, engluée par autre chose de sournois, insidieux qui en moi s'immisçait et qui vrillait ma tête de douleurs. Depuis la perte enfin le sacrifice de mon œil, je ressentais des violentes migraines et je percevais les battements de mon cœur dans l'orbite vide ce qui n'était pas sensé ni possible, c'était une réaction "fantôme" mais la douleur n'en était pas moins présente. Et la révélation de tous ces gens oubliés au cours du temps, des déchirements que certains auront senti après des années à avoir jusqu'à oublié un père, une mère, un frère, une sœur, un enfant... Tout revenait et c'était de notre faute, de notre responsabilité.
Reprenant pied doucement, je réalisais que je ne voyais plus Lune ni son protecteur géant, en réalité j'avais vu qu'il l'emportait mais mon esprit s'était dit que c'était une bonne chose, qu'il allait revenir avec elle une fois que notre adversaire aurait été défait. N'écoutant guère les autres mon regard scrutait le ciel en vain. Je finis par tourner sur moi même, perdue, pourquoi? Pourquoi n'était-elle pas là? J'avais cru, j'avais senti, elle avait besoin de moi et moi d'elle, ce que j'avais éprouvé pour Lune était sincère, je ne savais pas feindre les sentiments et elle m'avait touché, attendrie et sans hésiter je lui avais offert l'amour dont elle manquait parce que j'en avais à offrir et....
- Lune ?
Je laissais mes dons de senseurs scruter autour de moi, elle s'éloignait, je la percevais mais je sentais que son empreinte diminuait.. Panique, peur, angoisse de la séparation non voulue, je sentais tout cela monter en moi et je hurlais finalement son nom de longues secondes durant, avec force, vigueur, celle du désespoir, la perdre maintenant? Au moment où nous aurions pu souffler? Je continuais de hurler à m'en déchirer la voix mais rien ne me répondit et mes dons me disaient qu'elle s'éloignait.
Le regard embué de larmes de tristesse mais aussi de colère je me concentrais sur le moment présent, il fallait que je la retrouve que je la cherche, avant de perdre sa trace avant qu'elle ne disparaisse de ma vie, amour éphémère qui me laisserait une profonde plaie béante dans mon cœur déjà en lambeaux.
Je regardais mes compagnons d'infortune et lâchais un absurde.
- Elle est partie.
Ils le savaient tous, ils l'avaient vu eux aussi. Je déglutissais avec peine et je réalisais que Luven partait vers Melorn, soit... ce n'était pas ma route... J'allais partir vers l'est comme Crow, en suivant cette direction on finirait par sortir des Pins Argentés, si j'étais mauvaise à me repérer dans une forêt, une fois que nous atteindrions une route extérieure, je savais m'orienter, les routes du Shoumei avaient toutes des symboles gravés dans des arbres anciens ou des roches qui indiquaient assez régulièrement l'endroit où nous nous trouvions et je connaissais la région.
Je reniflais d'une manière peu noble mais je n'en avais cure pour le coup. Posant mon regard sur les autres je dis simplement.
- Mes terres sont au Sud Est de la Ville de Mael et mes chantiers navals sur la côte. Vous tous serez toujours les bienvenus chez moi. Je dois partir vers l'Est... Elle est partie par là...
J'avoue après tout cela partir seule m'effrayait un peu même si je me sentais capable de détruire tous ceux qui croiseraient ma route, emplie d'une colère animée par la tristesse qui n'avait de cesse de grossir.
- Si certains veulent partir dans cette direction, je... je veux bien de la compagnie.
Je n'ajoutais rien de plus, j'esquissais un sourire triste, que dire de plus? J'allais partir...
Je regardais l'étrange créature qui nous avait rejoint et j'ajoutais.
- Je ne sais qui vous êtes mais je vais décliner votre offre, merci de l'avoir formulée mais je dois chercher cette enfant.
CENDRES
crédits : 647
D'un coup, Alaric ressentit le poids énorme des milliers d'esprits ingurgités par Lamentation. Ce fut d'une rare violence, soudaine et percutante, sur le plan psychique. La pression fut immense, au point qu'il crut se faire étirer dans tous les sens, au point que la trame de son esprit manqua de rompre. À chaque fraction de seconde qui passait, c'était l'image d'un être à part, unique, que le désespoir et la tristesse avaient fini par vaincre, pour que s'en repaisse Lamentation. L'humain crut hurler, mais rien ne sortit de sa gorge. Il était là, demeurant avachi sur le sol forestier, les mains portées à ses tempes, en bien vaine protection.
Durant leur lutte commune contre Lamentation, des visions terrifiantes et d'horreurs les avaient assaillis. Des souvenirs douloureux avaient été ramenés à la surface et des doutes insidieux plantés dans leur cœur. La pression émotionnelle avait été intense. Et maintenant, alors que tout était terminé, il y avait eu ce dernier élan, ce tranchant vengeur, qui broyait l'intérieur de l'esprit d'Alaric. Non ! Il ne cédera pas, pas après tout ce qu'il avait surmonté ! Nepascédernepascédernepascédernepascéder !
D'un coup, le calme revint. Un étrange silence envahit l'intérieur de son crâne. Ce fut apaisant, mais permit le retour d'un brouillard épais d'hébétude. Le chemin pour revenir à la raison fut erratique et que par trop pénible. Lamentation n'était plus. Elle était vaincue. Alors, il put se laisser aller. Suivre ce courant de perdition, juste quelques secondes... juste pour se reposer, pour ne plus penser à rien... à rien que le vide...
La voix d'une de ses compagnes d'infortune le ramena violemment à la réalité. Il tressaillit, pris d'une crainte étrange et indescriptible... ou était-ce une rémanence d'autre chose ? Il tourna lentement la tête vers l'origine de la voix, ses yeux trouvant enfin un point d'ancrage dans ce qui devait être la réalité. Il se remit péniblement debout, essayant de fuir cette lourde torpeur qui voulait voiler ce qui lui restait d'esprit. Il devait se concentrer... Il était dans les Pins Argentés... réellement ? Y était-il en vrai ? Ou était-ce encore un sale jeu de l'Entité qui voulait le voir s'accrocher à un vain espoir de survie ? Le temps que son esprit refasse surface, il reconnut les êtres présents. Il y avait Myriem, les jumelles, Vaesidia qui s'élançait dans le sillage de Luven. Il y avait une autre personne, plus jeune... Une fae, se rappela-t-il alors. Était-elle partie ? Ou était-ce que le fruit de son imagination ? La jeune femme brune et borgne parla. Il entendait ses mots, mais ne se raccrochait guère à leur sens. L'Est... Oui, il était aux Pins Argentés. L'Empire était à l'Est.
Il leva quelques instants son regard vitreux vers les cieux. Le firmament familier était toujours là. Il reconnut passivement quelques constellations qui lui indiquaient de manière rudimentaire la direction à prendre. Rejoindre une caserne ou un avant-poste, voilà ce qu'il avait à faire. Réalité ou voile irréel... Il devait se concentrer sur l'instant. Une étincelle demeurait dans le tréfonds de ses tourments. Elle ne s'était pas éteinte. Elle survivait et tenait à le rester. Cette frêle flammèche frôla même un rappel d'une incertitude une fois qu'il retrouvera une unité militaire reikoise. Elle se tut. Là, il devait juste survivre et rentrer...
Il se releva péniblement. Ses compagnes parlaient encore. Il porta mollement son attention sur la tourbe putride qu'avait été Lamentation. Toutes ces âmes... tous ces corps qui se mêlaient à elle, pendant que les charognards terminaient de dévorer ses restes...
Il écarta légèrement ses bras. Ses mains tremblaient alors qu'il essaya de se concentrer pour appeler la magie à lui.
"Que les étoiles soient vos guides, âmes meurtries... puissiez-vous vous élever vers la lumière des astres pour trouver le repos..." murmura-t-il.
Le sol vibra, engloutissant lentement les restes osseux des victimes de Lamentation, pour leur offrir une dernière sépulture... Après, presque machinalement, il se mit en marche, prenant comme Myriem la voie de l'Est. Il passa devant un être étrange, qu'il crut voir, mais sur lequel il ne prêta aucune attention. Ce dernier avait fait une bien étrange proposition... qu'il n'avait pas écouté. Etait-il seulement réel ? N'était-il pas un reste hallucinatoire de leur confrontation acvec Lamantation ? Comment le savoir quand il était ailleurs, dans la brume de perdition de son propre esprit ?
crédits : 358
Tour 25
Tout s'était passé si vite, les naines étaient passées de flottant dans les air au sol en un instant. L'esprit combatif maintenu en état par la rage ancestrale de leur race a pris dans la boue et le sang malmené par des siècles d'histoire qui n'était pas la leurs.
Ils avaient vaincu, le monstre pourri sait, se liquéfiant comme le béhémot de la peste Obscur. Ersa se retourne, tombée sur le ventre lourdement, avant de s'asseoir en tentant de reprendre son souffle. Nora restée sur le dos à regarder la lune qui reprenait une couleur normale. Les innombrables histoires qui revenaient leur broyant la tête. Même si cela ne touchait pas plus que cela Nora, c'était le nombre qui était douloureux pour elle. Comment imaginer que ce qui n'était encore qu'une bête sauvage il y a un an, qui ne faisait les choses que par instinct ou parce que cela doit être fait puisse éprouver du remords, de la culpabilité ? Même si elle avait découvert la mort d'un proche, il n'y a pas si longtemps.
Pour Ersa c'était plus dur à mettre de côté, une partie de sa vie n'était que culpabilité. De ne pas avoir été assez forte, pas avoir pu les sauver, d'avoir fait les mauvais choix. Trop de tourment pour elle. Elle devait maintenant accepter la douleur qu'ils avaient libérée sur le monde et les vies gâchés par leurs actes. Même si c'était pour sauver leur vie, même en sauvant les prochains où le monde, cela n'allégeait pas le fardeau sur ses épaules.
Elle s'accrocha à deux autres noms, retrouvés. Qu'elle murmura plus pour elle qu'autre chose. Comme si les prononcer leur offrait un poids supplémentaire.
- Casseus El' Ahydan. Amadeus Stormsong. Merci.
A ses mots, c'est Nora qui réagit, se relevant d'un bond, imité par Ersa. La louve se dirigea vers sa sœur, l'étreignit quelques secondes avant de reculer. Et de lui frapper la mâchoire. La chasseuse retomba sur les fesses, plaquant sa main sur son visage douloureux.
- Toi et tes sacrifices. Un jour, tu y resteras vraiment et qu'auras ta gagné ? Rien. La vie s'est savoir survivre pour voir le prochain combat. Mourir, mais en combattant, pas en sacrifiant inutilement.
Ersa se mit à sourire, puis à rire.
- Aïe ! Drôle de façon de dire que tu m'aimes frangines.
La fatigue prenait l'ascendant sur le reste, l'indifférence de Nora face à tous cela dirigeait peut-être aussi un peu la chasseuse. Quelque chose qui les détachées de la situation, comme si elle était irréelle. La louve cracha au sol avant de s 'éloigner d'Ersa.
Puis dans la continuité des apparitions, c'est une femme qui apparut. La main de la chasseuse se posa sur son arc instinctivement. Elle crut reconnaître une partie de la créature, puis l'archère sentit le frémissement de cette plume qui la suivait partout depuis leur rencontre. Cette plume qui l'avait déjà sauvée. Et qui aujourd'hui, lui confirmait que le cauchemar était bel et bien fini. Elle se laissa prendre dans les bras, rendant l'étreinte comme elle put. Des larmes s'échappèrent sur les joues de la rouquine. Laissant le surplus d'émotions couler et laissant le Chasseur explorer son esprit.
- Moi aussi, je pensais t'avoir perdu, t'avoir déçu.
Celui qui n'était pas son chasseur leur fit une proposition, mais encore une fois, il, enfin elle, aujourd'hui, était encore là pour elle. L'esprit de la naine parcourut toutes les possibilités, enfin surtout les tavernes ou elles pourraient se soûler jusqu'à oublier. Le berceau y fit une brève apparition, son ancienne chambre aux meubles brisés sans qu'elle ne sache pourquoi.
- N'importe où, peut être, loin d'ici.
Elle se redressa, quittant la protection de rêve. Voyant le spectacle que lui offrait Myriem et Alaric, elle se ravisa. Elle essuya ses larmes, essayant de faire un sourire malgré les traces du culpabilité et de fatigue. Il fallait qu'elle tienne encore. Au moins pour eux. Après, quand elle sera seule sous les moqueries de sa sœur, là, elle pourra lâcher, pleurer, boire.
Pour le moment, il fallait endosser à nouveau la cape de la chasseuse, tout laisser de côté pour que les autres s'en tirent.
- En fait, nulle part. Mon travail n'est pas fini. On doit les aider à sortir de là, retrouver Lune si on peut.
Elle commença à se diriger vers Nora, avant de faire demi-tour pour reprendre la démone dans ses bras. Nora s'approcha comprenant l'identité de la femme.
- Merci, encore. Je serais toujours à vous.
- Nous le saurons.
Cette fois, la chasseuse s'éloigna de la démone. Et dans un sourire plus franc.
- Si un jour, je pourrais te rendre la pareille n'hésite jamais.
La naine s'était tourné vers Nora.
- La route sera dangereuse, tu viens ?
Dans un hochement de tête, la louve suivit et les jumelles se placèrent de chaque côté des humains, allumant un cigare pour espérer que le cauchemar, comme le tabac, finirait par partir en fumée.
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