Choix et conséquences [PV Isolde]

Les montagnes du nord.

L’ultime frontière du Sekaï, marquant la fin de toute civilisation. Leurs silhouettes imposantes se découpaient contre le ciel, leurs sommets enneigés brillant sous la lumière d’ un soleil qui, bien éclatant, n’apportant ni chaleur, ni réconfort.

Le froid était extrême, comme le racontaient les histoires des aventuriers venant dépenser leur solde dans les tavernes. Ce genre de froid polaire qui s'infiltre dans les moindres recoins, capable de geler jusqu’à l’âme des pauvres hères qui oseraient s'aventurer dans ces terres hostiles. Le vent soufflait avec force, emportant avec lui de fines particules de neige qui tourbillonnaient dans les airs, réduisant tant la visibilité que la dextérité.

Cette neige … Elle recouvrait tout d'un épais manteau blanc, formant dunes et crêtes avant d’être sculptées par le vent. Immaculée et vierge de toute empreinte, elle était le seul témoin de la pureté et de la solitude de ces contrées.

Solitude ? Pas tout à fait. Car malgré ces conditions extrêmes, les montagnes du nord abritaient les créatures les plus dangereuses et redoutables du Sekai.

Au loin, parmi les escarpements, une explosion de lumière bleutée déchira soudainement l'obscurité environnante, violant soudainement de son éclat le blanc pur de la neige et le sombre des rochers.

Koraki, l'ancienne Vice-Présidente de la République, émergea, méconnaissable et épuisée. De la superbe et la beauté qu’elle s'était évertuée à entretenir des années durant, il ne restait plus rien. Gravement blessée après son enlèvement par l'Avatar de Kaiyo suite à la bataille de Liberty, ses vêtements autrefois élégants et prestigieux n’étaient à présent plus que déchirures et souillures. Son visage apparaissait pâle et marqué par la fatigue, ses yeux autrefois vifs désormais ternes et emplis d'une détresse profonde.

Elle se traînait misérablement à travers le paysage hostile des montagnes du nord, la neige jusqu'à mi-cuisse rendant chaque mouvement douloureux et laborieux. Ses mains écorchées et ensanglantées s'agrippaient aux rochers tranchants, utilisant chaque once de force qui lui restait pour se propulser à travers l’épaisseur liliale, marquant ses paumes d’entailles sans cesse plus profondes. Chaque souffle était un effort, chaque pas était une torture, mais sa volonté de survie semblait inébranlable.

Ou alors n’était-ce simplement qu’un désespoir profond qui la faisait avancer par seul reflexe ? Elle ne savait même pas vers où elle se dirigeait.

La neige autour d'elle se maculait de traînées de sang, marquant le chemin pénible de sa progression. Les quelques rochers fournissaient à peine un abri contre les éléments déchaînés et le froid polaire qui régnait sur ces terres inhospitalières.

La peur et la désolation s’affichait dans chaque regard qu'elle jetait autour d'elle, cherchant désespérément une échappatoire, un signe de vie, un espoir de salut.

Mais tout ce qu’elle put voir, c’était cette wyverne de glace fendre les airs silencieusement. Ses écailles scintillant d'un bleu cristallin, ses ailes puissantes battant lentement, ses yeux d'un bleu profond, aussi tranchants que des saphirs, observent attentivement la femme aux lambeaux rouges.
Elle plane silencieusement, son ombre imposante se déplaçant sur la neige immaculée, se rapprochant de plus en plus de sa proie. Ses griffes acérées, recouvertes d'une couche de givre, se tenaient prêtes à se refermer sur son corps amoindrie

Epuisée, terrifiée, la panique s'empare d'elle, son cœur battant la chamade, rythmant la vague de terreur qui la submergeait. Elle tente désespérément de se lever et de s'éloigner de la redoutable créature, mais ses blessures la font d’autant plus souffrir que la précipitation de ses mouvements la font chuter au sol.

La wyverne, sentant la peur de sa proie, pousse un cri perçant et menaçant, résonnant dans les montagnes glacées. Elle accélère sa descente, son regard fixé sur l’ancienne politicienne.

L’hybride retient sa respiration, voyant la mort qu’elle avait tant cherché à éviter fondre sur elle avec une précision mortelle.

Choix et conséquences

Feat Koraki

Depuis qu'elle était revenue en liche de Shoumei, Isolde était restée cloîtrée dans les souterrains de la ville de Kyouji. Elle avait tout donné pour son travail au sein de la cellule prostitution de la pègre. Les affaires étaient florissantes et elle appréciait son nouveau métier et les tâches qui lui étaient octroyées. Seulement, le baron lui avait fait une promesse et elle comptait lui rappeler qu'il se devait de l'honorer.
Les tourments liés à sa récente transformation continuaient d'œuvrer sournoisement. Elle sentait l'appel de son maître, celui qui l'avait ramenée d'entre les morts. Elle se sentait parfois absente, continuant d'accomplir ses actions mais l'esprit absent, comme si elle se voyait faire de l'extérieur. Une sensation étrange qui ne s'atténuait pas, au contraire, les effets semblaient s'intensifier. La brune au teint pâle ressentait un profond mal-être, qu'elle désirait dissimuler en se retrouvant seule, en essayant de comprendre ce qui lui arrivait et méditer sur sa condition.
Le prince déchu lui avait promis une demeure, un endroit à elle où elle pouvait pratiquer sa sombre magie à l’abri des regards indiscrets.

Elle souhaitait un coin reculé. Il s'agissait de l'ancienne demeure d'un couple qui œuvrait pour la pègre, ils perdirent la vie au cours d'une mission et le baron récupéra leurs biens pour le compte de la pègre. Il décida alors d'offrir cette modeste maison à la Danse-Mort. Elle laissa temporairement la gestion de sa cellule à un être de confiance de la pègre, l'orc qu'elle considérait comme son bras droit et son allié. Elle l'estimait tout à fait capable de maintenir l'ordre et la rentabilité de la maison close durant son absence. Il possédait l'expérience de la gestion des affaires criminelles et cela allait le changer des falsifications, où il s'ennuyait.
Elle partit en sachant que sa cellule était entre de bonnes mains. Elle avait besoin de prendre le temps nécessaire pour guérir du mal qui la rongeait intérieurement. Elle se demandait si ce temps d’absence aura des conséquences sur l’équilibre de son établissement, mais peu à peu elle chassa ses pensées, en se concentrant sur la poursuite de ses intérêts personnels. C’était ce qui primait sur le reste, ce pourquoi elle en était arrivée là.

Depuis quelques jours dans les terres du Nord, la liche avait pris possession de ce lieu, elle n’avait pas encore eu le temps de décorer selon ses goûts et faire en sorte d’en faire son nid personnel. Elle savourait la quiétude des lieux, enfermée seule dans cette petite maison faite de bois et presque abandonnée.
Non loin de son habitation, un étang sombre se logeait parmi les lointains pics rocheux. Ses eaux tranquilles et envoûtantes reflétaient la grisaille du ciel. Dans cette région, les teintes de gris et de blanc se fondaient dans un environnement austère, les rares autres tons offraient quelques notes de vert et de marron, symboles d'une faible végétation. Le printemps gagnait tout de même un peu de terrain, délaissant par endroit l'épaisse couche neigeuse. Mais la poudreuse recouvrait toujours autant le paysage dès lors qu'elle avançait vers les montagnes.

L'ambiance paraissait sauvage et inhospitalière, une quête avait entraîné la liche à l'extérieur de son domaine isolé. De grands sapins se dressaient en bordure de son chemin, camouflant sa vue et l'horizon gris. Et ses empreintes laissaient des traces dans la neige. Elle gravit une colline, se retournant pour observer les rives escarpées de l'étang qui menait à sa demeure en contrebas.
Elle recherchait un individu afin qu'il lui servît de cobaye dans ses expériences de nécromancie. Elle était à la recherche d'une personne spécifique avec de hauts potentiels guerriers ou bien possédant une magie puissante. Elle souhaitait rechercher les effets de ses sortilèges et ses rituels sur un être aux caractéristiques développées. Cela occupait son esprit de parfaire sa magie, en cherchant de nouvelles pratiques de nécromancie, ou des sortilèges de domination psychique. Tout était profitable pour explorer les secrets de la magie noire.
Il y avait quelques individus isolés dans les terres du nord, des rebelles ou des dissidents, d'anciens guerriers ou des voyageurs solitaires. Elle les traquait, afin de les capturer et de les emmener dans son sanctuaire, afin de servir ses expériences occultes. Elle s'aventurait dans ces terres gelées à la recherche de sa nouvelle proie.

Elle l’aperçut avançant péniblement dans la neige, la personne semblait être en grosse difficulté. La neige immaculée laissait se dessiner de longues traînées vermillon, preuves de ses profondes blessures. La cible parfaite, comme un cadeau tombé dans la poudreuse. Enfin, cela aurait pu être le cas, si l’étrangère n’était pas déjà pourchassée par une wyverne. En effet, la présence de la créature était menaçante, ses écailles bleutées luisant sous la pâle lumière de cette journée printanière. Les yeux bleus et perçants de la créature scrutaient intensément l’inconnue dans la neige, paniquée et à bout de force. Son ombre se déplaçait dangereusement vers elle, laissant la terreur l’étreindre peu à peu. Les griffes de la créature, semblables à de farouches lames de glace se rapprochaient d’elle.
Isolde détaillait la scène, dissimulée derrière une mince forêt de pins, cherchant la possibilité d’intervenir. Elle avait marché de longues heures et pas de proies à l’horizon. Elle n’avait pas la moindre envie de laisser cette wyverne de malheur lui voler son butin sous le nez. Par chance, la bête semblait bien jeune, ses mouvements étaient moins assurés, moins précis qu’une wyverne adulte et expérimentée. Elle jouait de la peur et de la faiblesse de sa proie. Si la mage noire lui faisait suffisamment peur, sûr qu’elle pouvait la contraindre à s’éloigner. Inutile de la défier dans un combat périlleux, seulement la faire fuir de manière à prendre la femme et l’extirper de là.

Même jeune, elle restait une créature redoutable, qui ne fallait pas prendre la légère. La liche invoqua son catalyseur pour faire venir sa goule, loyale servante de la nécromancienne.

- « Tu t’occuperas de prendre la femme et la porter jusqu’à la maison, lorsque j’aurais fait fuir la wyverne. » indiqua-t-elle en murmurant à la goule.

Elle contrôlait les mouvements de ses créations par la pensée, mais la goule était un être plus évolué qu’un simple mort-vivant, elle comprenait les ordres simples et agissait avec davantage de dextérité.
Isolde canalisa sa magie, elle plaça ses mains devant elle et laissa ses doigts fins s’entremêler à l’air environnant pour stimuler sa magie élémentaire. Une aura ténébreuse commença à tournoyer autour de ses paumes, se contorsionnant dans l’air. Les yeux de la liche se gorgèrent de ténèbres, semblables aux flammes ardents du néant. Les flammes de la mage reflétaient toute la noirceur de son âme. Elle sortit doucement de sa cachette, avançant de manière silencieuse vers la créature. Puis d’un geste vif, elle propulsa ses mains en avant, libérant une déferlante de flammes noires animées de chaos et de destruction. Elles furent projetées sur la wyverne de glace avec fureur, leur chaleur s’écrasant sur la bête de givre et la brûlant avec ardeur. Ses cris perçants de douleur mêlée à la détresse retentirent et firent écho dans les montagnes. Son regard bleu glacial s’emplit de peur et d’étonnement. Elle hurla alors qu’une nouvelle vague de chaleur ténébreuse et ardente fondait vers elle. La créature hésita un moment, mais son instinct de survie dû à sa faible expérience prit le dessus. Elle battit des ailes à la hâte, s’éloignant avec de nouveaux cris stridents. Elle fuyait les flammes noires de la nécromancienne. Toutefois, il n’était pas écarté qu’elle revînt, il ne fallait pas traîner. Surtout que les bruits et les échos pouvaient attirer d’autres dangereuses créatures.

La goule appliqua les ordres et alla ramasser la femme étendue dans la neige, elle la positionna comme un sac de provisions et se mit à courir en fendant la neige, Isolde sur ses talons.
Arrivée à destination, la Danse-Mort ordonna à Morana de déposer l’inconnue allongée sur la table du salon et attaquer solidement à l’aide de cordes, ses poignets et ses chevilles.

- « Elle a l’air presque inconsciente. Verse lui un peu d’eau dans la bouche et maintiens son visage. » Morana s’exécuta. La goule positionna ses mains aux griffes acérées sur les joues de la femme et maintenait sa tête droite. Isolde lui balança le reste du verre d’eau au visage, pour la faire revenir à elle. « Qui es-tu ? Que faisais-tu seule et blessée dans la neige ? Es-tu avec un groupe ? Parle ! » lança avec froideur la nécromancienne. Elle restait méfiante évidemment avec cette étrangère. Elle ignorait qui elle était, ne connaissant pas le visage de la femme républicaine. Elle comprendrait cela dit rapidement, si cette dernière lui offrait son véritable nom.
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, la femme attachée put apercevoir la silhouette d’Isolde, le visage terrifiant de la goule au-dessus d’elle, ainsi que la pièce où elle reposait, plutôt vide pour le moment, poussiéreuse et sale.

La fiche de Morana, la goule:

A travers les vastes étendues enneigées, Koraki se précipitait à travers le paysage gelé, sa course laborieuse entravée par la neige épaisse qui s'accumulait sous ses pieds. Chaque souffle brûlant dans ses poumons lui rappelait la menace imminente qui la poursuivait de près. La wyrm de glace, massive et aux yeux froids comme la glace, fondait sur elle avec une détermination féroce.

Le vent glacial sifflait dans ses oreilles tandis qu'elle courait, sa cape battant derrière elle tel un drapeau de détresse dans le blizzard tourbillonnant. Malgré la fatigue qui pesait sur ses membres et l'angoisse qui serrait son cœur, Koraki s'efforçait de maintenir sa vitesse, sachant que chaque instant comptait dans cette course pour sa survie.

Le vol lourd de la wyrm résonnait derrière elle, de plus en plus proches à chaque foulée. Elle pouvait sentir le souffle glacé de la créature sur sa nuque, une sensation qui lui glaçait le sang. Malgré la terreur qui la saisissait, la Vice-Présidente refusait de se rendre. Elle puisait dans les dernières réserves de sa force, se laissant guider par l'instinct de survie pur et simple. Chaque pas la rapprochait de l'incertain, mais elle refusait de se laisser vaincre sans se battre jusqu'au bout. Elle refusait de se résigner à sa propre fin. Malgré la terreur qui la saisissait, malgré la sensation glaciale de la mort qui semblait planer au-dessus d'elle, elle refusait de s'abandonner à son destin funeste. Toute sa vie, elle avait été habituée au pouvoir, à la domination, et elle ne pouvait pas accepter d'être réduite à une simple proie dans ce monde impitoyable.

Tsss … A qui voudrait-elle faire croire cela ?

Même elle n’y croyait plus. Il n’y avait plus d’espoir. Elle n’avait aucune chance de s’en sortir. Même ici, elle arrivait encore à se mentir, à se persuader qu’elle était plus puissante, plus importante, plus résiliente qu’elle ne l’était en réalité.

La wyrm s'approchait inexorablement, ses serres acérées prêtes à s'abattre sur sa proie sans défense. La rage bouillonnait en elle alors qu'elle trébuchait sur un obstacle invisible dans la neige, la jetant au sol.

Ca y est, c’était fini.

Et pourtant elle tentait de se relever, chancelante, ses membres endoloris criant leur douleur à chaque mouvement. Un dernier regard en arrière et elle vit la mort fondre sur elle. Elle ferma les yeux, tandis qu’une larme unique vint glisser sur sa joue.

C’est là qu’ elle sentit une force sombre et mystérieuse émaner de l'obscurité environnante. Un feu ténébreux, aussi terrifiant que fascinant, jaillit soudain de nulle part, frappant la wyrm de plein fouet et la repoussant violemment.

Le choc de l'impact la projeta au sol, son corps épuisé ne pouvant plus supporter le poids de la lutte. Dans un dernier sursaut de conscience, Koraki tourna son regard vers la scène qui se déroulait devant elle, mais ses forces l'abandonnèrent alors qu'elle sombrait dans l'inconscience. Le monde autour d'elle se fondit dans l'obscurité, le bruit assourdissant de la bataille se dissipant dans le lointain alors qu'elle plongeait dans un sommeil profond, emportée par les ténèbres de l'inconscience.

L'eau froide vint lui frapper son visage, la tirant brusquement de son sommeil comateux. Ses paupières s'alourdirent sous l'effet du poids de la confusion et de la douleur. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle réalisa qu'elle était allongée sur une table dans une pièce inconnue, éclairée par une lumière faible et vacillante.

Sa première réaction fut de tenter de se lever, mais lorsqu'elle essaya de bouger, elle se rendit compte que ses membres étaient solidement attachés aux extrémités de la table. Des cordes serrées enserraient ses poignets et ses chevilles, entravant tout mouvement.

La panique l'envahit alors qu'elle sentait ses poumons se serrer sous l'emprise de la terreur. Elle lutta de toutes ses forces contre les liens qui la retenaient captive, mais en vain. Les cordes ne montrèrent aucun signe de faiblesse, refusant de céder à ses efforts désespérés.

Alors qu'elle se débattait, aveuglée par la peur, elle ne remarqua pas immédiatement la présence des deux individus qui se tenaient près d'elle. L'un d'eux lui posait des questions, mais elle était trop absorbée par sa propre lutte pour y prêter attention. Sa respiration s'accéléra, ses pensées se mêlèrent dans un tourbillon chaotique d'angoisse et de confusion.

Et puis, comme si la tension était devenue trop grande à supporter, quelque chose se brisa en elle. Les transformations magiques qu'elle maintenait sur son corps vacillèrent, révélant alternativement sa forme avienne et sa forme humaine factice. Des spasmes secouèrent son corps alors qu'elle perdait le contrôle sur son apparence, son identité même semblant se dissoudre dans le chaos de son esprit tourmenté.

- LIBEREZ-MOI ! Ordonna t-elle d’une voix qui suivit la même logique, alternant entre celle, agréable et presque sensuelle de la politicienne, et celle nasillarde et perfide du corvidé monstrueux. - Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous pouvez être sûr que … , continua t-elle, semblant ne pas prendre conscience que, dans cette situation bien précise, elle n’était clairement pas la personne apte à proférer des menaces …

Choix et conséquences

Feat Koraki

Isolde se tenait près de la captive, elle observait calmement les réactions de cette dernière. Ses yeux émeraudes observaient attentivement ses mouvements, ses gestes. Imperturbable, elle fixait cette femme attachée sur la table de son salon. Lorsqu’elle tenta de se lever, Isolde commanda mentalement à Morana de la tenir tranquille. Mais la proie semblait bien agitée et se débattait avec fougue. La nécromancienne ne montrait aucun signe d’inquiétude, elle resta silencieuse un moment. Puis un mince sourire, aussi glacial que curieux, se dessina sur les lèvres sombres de la mage.

- « Je crains ne pas pouvoir te laisser partir aussi facilement... » dit-elle avec calme, bien qu’une lueur de curiosité apparût dans ses prunelles.

Elle désirait percer les secrets de cette inconnue et pourquoi celle-ci s’était retrouvée en si fâcheuse posture, perdue et esseulée dans la neige. Aussi, son identité. Elle s’apprêtait à lui poser une nouvelle fois la question, lorsqu’une drôle de métamorphose opéra sous ses yeux. Elle semblait perdre le contrôle sur sa métamorphose. Elle détenait alors une magie intéressante, mais qui faiblissait sous son état de choc physique et émotionnel. Une aubaine pour la liche, qui voyait déjà tout ce qu’elle pouvait faire avec cette nouvelle cible de choix. Tandis qu’elle scrutait les spasmes de sa prisonnière, celle-ci oscillait entre sa forme humaine et sa forme hybride. Celle d’un oiseau imposant, de type corvidé.

- « Intéressant. » se contenta-t-elle de dire, faiblement, plus pour elle-même que pour être réellement entendue.

Elle voyait à présent en sa captive une douce opportunité. Elle avait l’occasion d’étudier de près un hybride, de tester sa sombre magie. La liche se rapprocha doucement de la table, tandis que Morana resserrait fortement son étreinte, son visage morbide et émacié penché sur la femme-corbeau. La Danse-Mort observait les transformations non contrôlées, s’amusant de la voir passer d’une forme à l’autre. La victime semblait être profondément troublée, son état altéré. Elle passa son doigt délicatement sur les plumes sombres de l’hybride et la regarda comme une bête de foire. Mais bien plus qu’une curiosité, c’était une chance d’explorer de nouvelles pratiques occultes. De disséquer éventuellement l’hybride, pour tester des formes de nécromancie sur ce corps déformé. Isolde appréciait pousser toujours plus loin les limites de ses sinistres arcanes. Elle s’était isolée en ces lieux pour pratiquer en secret ses expériences. Elle avait bien l’intention d’en profiter.

Ignorant dans un premier temps les demandes de la captive, la mage commençait à établir des plans dans son esprit, un mode opératoire. Tandis que la femme se mêlait à ce sinistre corbeau, se débattant avec sa propre identité, Isolde envisageait les sorts à utiliser sur cet être aussi fascinant que dérangeant.
La proie se permettait de vociférer des menaces et la nécromancienne n’appréciait pas tellement le ton employé.

- « Mon petit oiseau, tu n’es pas en mesure de me menacer. Morana, scalpel je te prie. » ordonna-elle, avec un sérieux surjoué. Elle appréciait la saveur de la mise en scène, en jouant les apprenties chirurgiennes.

La brune au teint pâle voyait déjà les possibilités magiques qui s’offraient à elle. Elle mettait beaucoup de passion dans son art obscur. Pourtant, le petit oiseau n’avait pas l’air de vouloir coopérer. Elle piaffait sans cesse, exigeant telle ou telle chose.

- « Impossible de se concentrer avec un tel raffut ! Hum. » Isolde canalisa rapidement sa magie et insuffla une première vague d’attaque psychique sur la prisonnière. « Hybride, joli hybride au psychisme si faible… » La mage attendit éventuellement que sa proie pût encaisser ce premier choc, avant d’en envoyer un second, plus férocement dosé. Elle n’utilisait pas sa pleine puissance, les dégâts causés sur un hybride étaient déjà bien impactant. « Je ne souhaite pas tester les limites de ta résistance mentale, mais si je n’ai pas le choix... » dit-elle, alors qu’elle commandait simultanément Morana. La goule vint perforer le thorax de l’hybride avec le scalpel. Une entaille profonde, qui fit gicler le liquide carmin de la femme-corbeau, sans être létal.

Puis la nécromancienne observa la réaction de son jouet sur la table. Elle aimait tant procéder ainsi, attaquer le corps et l’esprit d’un individu pour en recueillir les réactions. Voir de quoi il était fait, ce qu’il se passait en effectuant telle action. Comme des leviers à actionner et attendre de contempler les effets.

- « J’ai très envie d’explorer les recoins de ton être… Fascinant petit oiseau. Si tu es bien gentille, je pourrais même faire de toi une amie pour Morana. Tu sais, elle s’ennuie parfois… Qu’en dis-tu ? » dit-elle, dans un sourire aussi macabre que cruel. Dans une promesse dissimulée, elle lui jurait de la tuer et d’en faire un mort-vivant à son service. Mais pas avant d’avoir exploré diverses pistes et selon la coopération, forcée ou non, de l’hybride.

La douleur fulgurante de l’attaque psychique envahit son corps, heurtant son esprit avec une force dédoublée et menaçant de la plonger à nouveau dans l'abîme du coma. Son être tout entier est agité par cette intrusion brutale, ses pensées tourbillonnant dans un tumulte chaotique. Pourtant, même dans cet état de vulnérabilité, elle refuse de céder. Avec une volonté de fer, elle lutte pour maintenir sa conscience éveillée, refusant de succomber à l'obscurité qui menace de l'engloutir.

Malgré la douleur lancinante et la confusion qui l'assaillent, elle parvient à rassembler ses pensées, animée par sa rage intérieure devenue une force motrice. Quelques coups d'œil autour d’elle lui montre que le seul échappatoire qui pourrait s’offrir à elle serait, à nouveau et comme cela avait toujours été, sa parole. Elle n'est pas en position de force, ses blessures et son isolement la rendent vulnérable face à son adversaire et elle est à deux doigts de se voir réduite à l’état de cadavre servant les volontés d’une autre.

Mais même dans ces moments de désespoir, elle refuse de se laisser abattre.

Elle devra la jouer serré pour s'en sortir.

Avec une détermination farouche, elle commence à élaborer un plan, cherchant les failles qu’elle pourrait utiliser. Mais pour l’heure, la clé de sa survie réside dans sa capacité à garder son sang-froid.

Aussi subit-elle le scalpel avec un calme apparent, son visage restant impassible alors que la lame s'enfonce dans son thorax. Son corps réagit peu, protégé par une constitution hybride qui réduit sa sensibilité à la douleur physique. Pourtant, même si l’outil perce sa chair, son esprit demeure ailleurs, concentré sur la récupération de la précédente attaque mentale.

La nécromancienne, croyant avoir le dessus, semble ignorer la nature particulière des hybrides corbeaux. Ces êtres, que les Titans eux-mêmes, pourtant habitués à créer toutes sortes de monstruosité, ont honnis, possèdent une adaptabilité exceptionnelle, capable de retourner n'importe quelle situation à leur avantage. La tortionnaire, malgré sa connaissance approfondie de la biologie des hybrides, semble avoir sous-estimé cette capacité d'adaptation.

Alors que la lame pénètre plus profondément dans son corps, Koraki reste impassible, sa détermination intérieure demeurant intacte. Elle sait qu'elle devra utiliser toutes ses ressources, physiques et mentales, pour se libérer de cet assaut.

Retrouvant peu à peu un semblant de calme, les tourments de sa métamorphose chaotique s'apaise lentement. Les contours de son corps reprennent leur forme factice, dissimulant habilement les traits disgracieux de son ascendance corvidée.

Malgré la fureur qui gronde toujours en elle, Koraki parvient à réfréner ses émotions, au moins en apparence. Elle tourne son regard vers Isolde, l'expression de son visage mêlant toujours une colère contenue à une détermination farouche. Ses yeux, bien que toujours brûlants d'une intensité indomptable, tentent de communiquer une certaine mesure, un contrôle de soi qu'elle s'efforce de maintenir malgré les circonstances.

- Oui, vous pourriez faire cela et je serais à votre service. Elle sent son propre sang couler le long de sa plaie, se confondant avec la couleur de sa robe en lambeaux. Une servante efficace, zélée et puissante. Bien efficace, zélée et puissante que Morana. Vous serez gagnante, assurément.

A mesure qu’elle parlait, elle tacha de contrôler sa voix, de la rendre moins arrogante, moins virale. Elle se doutait bien, au vue de ce qu’il venait de se passer, que la femme qui la maintenait captive n’apprécierait pas ce genre de ton.

Mettant ainsi son égo de côté, elle continua, du ton le plus neutre possible :

- Dommage que ce soit une erreur. Vivante, je vous serais bien plus utile.

Balançant son regard autour d'elle, elle prit enfin le temps d'explorer la pièce dans laquelle elle était enfermée. La cabane reculée était plongée dans une semi-obscurité, seule la lueur vacillante des bougies dispersées dans la pièce éclairant faiblement les murs tapissés de parchemins et de grimoires anciens. Des étagères surchargées de fioles contenant des substances mystérieuses s'étiraient le long des murs, tandis que des tables de travail encombrées de matériel de laboratoire occupaient le centre de la pièce.

Une odeur âcre de poussière et de produits chimiques imprégnait l'air, ajoutant à l'atmosphère oppressante qui régnait dans la cabane. Koraki se demandait ce que sa tortionnaire, cette nécromancienne, pouvait bien chercher à découvrir dans ce lieu reculé. Était-elle une scientifique en plus d'être une adepte de la magie noire ? Cherchait-elle à percer de nouveaux mystères impies à l'abri des regards indiscrets ?

Rien n'était sûr, mais elle ne pouvait se permettre de rester passive. Elle devait tirer profit de chaque indice, de chaque détail, pour trouver un moyen de s'échapper de ce sinistre endroit et de reprendre le contrôle de sa destinée.

Il fallait tenter le tout pour le tout.

- Vous maîtrisez les mêmes arcanes que moi, mais j’ai un avantage indéniable sur vous : le Livre des Morts.

Le Livre des Morts, un artéfact d'une puissance incommensurable dont les pages jaunies révèlent les sombres secrets de la nécromancie. Obtenue par Koraki au prix de ses ailes, cette relique mystérieuse est l'objet de fascination et de crainte pour tous ceux qui en ont entendu parler. Et elle n’a aucun doute qu’Isolde en fasse partie.

On dit que le livre renferme toutes les connaissances interdites de la magie noire, des rituels de résurrection aux incantations permettant d’ invoquer les esprits des défunts. Certains prétendent même qu'il contient les secrets pour vaincre la mort elle-même, offrant à ceux qui maîtrisent son pouvoir une immortalité sinistre et ténébreuse. C’est d’ailleurs pour cette information précise que l’ancienne Vice-Présidente l’a acquis.

Légende ou réalité, il n’appartenait qu’à Isolde de décider si elle voulait connaître la réponse.

Choix et conséquences

Feat Koraki

Par sa nature, l’hybride résistait bien à la douleur physique et ce n’était pas tant de ce côté que la liche pouvait l’effrayer. L’inconnue se montrait résiliente et semblait retrouver peu à peu le sens de la réflexion. Aussi, elle se savait dans une fâcheuse posture et négocier pour sa survie restait une nécessité. Isolde marcha lentement autour de la table, en fixant cette étrange créature, elle souhaitait déceler ses failles, comprendre ses motivations. Découvrir ce qui l’animait ou la terrifiait, sonder son âme.

La nécromancienne fut toutefois captivée par la mention du Livre des Morts. Elle avait entendu beaucoup de légendes au sujet de ce précieux et ancien grimoire. Il s’agissait d’un ouvrage très réputé et prisé par les mages noirs confirmés et les nécromants. Il renfermait des secrets inestimables, des recherches de toute une vie… Elle se rapprocha donc de la table, son regard émeraude brillant d’une lueur de curiosité, elle détaillait les traits de la femme qui avait repris son apparence trompeuse.

- « Le Livre des Morts dis-tu... » se contenta-t-elle de dire pour le moment, murmurant plus pour elle-même.

L’étudiante qu’elle était avait passé tant d’heures et tant de nuits à feuilleter des ouvrages précieux, traitant de nécromancie et de magie occulte. Elle connaissait le prestige de ce livre et tout ce qu’il impliquait. Elle effleura du bout des doigts la peau marquée de la femme corbeau, se demandant si elle disait la vérité, si elle possédait réellement ce livre sacré. Elle devait prendre cette information avec recul, ne pas se laisser submerger. Elle balaya le corps de sa proie de son regard émeraude, puis passa sur sa plaie lentement, avec une tendresse macabre. Ses doigts fins effleurèrent la chair ouverte, captivée par le liquide carmin qui coulait de la blessure. Elle plongea ses doigts dans le sang, les laissant se teinter de cette essence, avant de les porter doucement à ses lèvres. Le goût métallique gagna sa langue et elle s’en délecta, il emplit sa bouche et la liche en savourait chaque goutte.

- « Tu es une bien étrange créature, petit oiseau… Ton sang me serait précieux, tout comme les effets de ta transformation. » dit-elle, alors qu’elle finissait de boire le sang de l’hybride. Isolde ordonna à Morana se desserrer son étreinte, permettant à l’étrangère de respirer plus convenablement. « Parle-moi du Livre des Morts, donne-moi des détails à son sujet. Comment l’as-tu obtenu et surtout où est-il à présent ? » demanda-t-elle fermement.

Sa soif de connaissance restait évidemment présente, mais elle ne l’aveuglait pas. Elle gardait en tête ses objectifs. Après tout, elle avait déjà réussi à dompter la mort et aller au-delà. Toutefois, sa fascination demeurait et elle avait envie d’en savoir toujours plus à propos des sombres arcanes, de dominer entièrement la Mort.
Elle se pencha sur le corps de l’hybride, si elle devait s’engager dans une alliance, elle devait en savoir davantage sur elle. Il y avait beaucoup à découvrir sur la nature de ses pouvoirs et sur son passé.

- « Qui es-tu réellement ? Nous allons devoir collaborer si tu souhaites te sortir de cette situation. Je suis certaine que nous pouvons travailler ensemble, tu as besoin de moi et de mon pouvoir, c’est indéniable. » Elle ne pouvait rien faire tant qu’elle ne savait pas si elle constituait une menace ou plutôt une belle opportunité. « Parle, tu n’as rien à perdre ! » Elle observa intensément l’hybride, décidée à lui faire entendre raison, à découvrir son identité. Les hybrides corbeau restaient des espèces rares et mystérieuses, dotées de capacités hors du commun selon la mage. « Dis-moi quelles sont tes intentions futures, que comptes-tu faire avec le Livre des Morts ? Livre moi tes secrets… Et je t’aiderai à te remettre sur pieds. Je t’accompagnerai sur la voie de l’occulte. »

Koraki, toujours attachée à cette maudite table, inspire profondément lorsque la goule servante desserre ses liens, permettant à sa poitrine de se soulever librement. Ce simple geste, pourtant anodin, achève d'apporter un semblant de calme à son esprit tourmenté. Elle a réussi à éveiller la curiosité de sa geôlière, mais cela ne la tire pas d'affaire pour autant. Sa situation reste aussi critique que précaire. La nécromancienne qui la toise semble prête à négocier, mais il suffirait d'une seule envie, d'une seule folie, pour que l'hybride perde la vie.

Ainsi, le calme de l'ancienne Vice-Présidente n'est rien de plus qu'apparent. Son esprit, toujours alerte, continue d'analyser la situation et les rares possibilités qui s'offrent à elle. Chaque respiration est mesurée, chaque pensée, un calcul.

Cependant, comme dit précédemment, la mage noire semble ouverte à la négociation, une opportunité que Koraki ne peut se permettre d'ignorer. S'il y a bien une chose dans laquelle elle a toujours excellé, c'est l'art du compromis, fondement même de la politique. Avec une habileté maîtrisée, elle commence à peser ses mots, cherchant à s'assurer que chaque phrase, chaque inflexion de voix, puisse incliner la balance en sa faveur.

Oh, elle le sait bien qu'elle marche sur une corde raide. Mais c'est dans ces moments de tension extrême que ses talents de négociatrice brillent le plus. Elle sent que chaque seconde compte, que chaque mot peut être une arme ou un bouclier, et elle est déterminée à tirer le meilleur parti de cette fragile trêve.

Tout d'abord, assouvir sa curiosité.

- Je n'ai pas besoin de vous le décrire, commence t-elle. Je devine que vous avez longtemps étudiés les textes qui le citait, aussi vous savez tout aussi bien que moi à quoi il ressemble. Un simple livre de cuir noir, orné de symboles, aux pages jaunies par le temps, remplies d'écritures à l'encre sombre, décrivant en détail des rituels, des incantations, et des secrets qui transcendent la simple compréhension des mortels. Mais vous savez ce qui n'a jamais été traités dans les anciens textes ?

Détournant son regard d'Isolde, elle le plante devant elle, observant le plafond sombre et les poutres craquelées, un léger sourire feint aux lèvres.

- Et bien ... Je vais vous le rêveler. Ce grimoire ne se contente pas de contenir des connaissances : il est imprégné de magie noire, attirant inexorablement le malheur à ceux qui s'aventurent trop profondément dans ses arcanes. Beaucoup ont été tentés par ses promesses de pouvoir et de savoir absolus, mais peu ont survécu à son étude sans perdre une part de leur âme ou leur santé mentale. Le livre semble presque ... Vivant.

Une lueur de fascination sincère, presque folle, brille dans ses yeux. Pour elle, ce grimoire représente l'apothéose de décennies de recherches acharnées, une quête de connaissances qui a consommé une grande partie de sa vie. Elle sait que le prix à payer pour l'acquérir a été exorbitant, bien plus terrifiant que tous les supplices que la nécromancienne pourrait lui infliger.

- J'y ais perdue tant mes ailes que ce qui restait de mon intégrité pour l'obtenir. Mais contre la promesse de la Vie Eternelle et du pouvoir absolu de dompter la Mort, il n'y a pas de compromis possible.

Replongeant à nouveau ses yeux d'or dans ceux de sa tortionnaire, elle complète :

- Mais ca, vous le savez tout autant que moi, n'est-ce pas ? Vous êtes aussi de ces femmes qui rejettent la fatalité.

Aussitôt, une vague de panique la submergea lorsque Isolde posa la fatidique question de son identité. Un éclair de terreur traversa ses yeux, un moment fugace mais impossible à dissimuler. Elle savait que sa geôlière avait forcément remarqué cette réaction. Partager cette information serait bien trop dangereux. Même si Isolde venait de lui offrir son aide et son enseignement, rien ne garantissait qu’elle ne changerait pas totalement d’avis en apprenant la véritable nature de Koraki.

Après tout, une Vice-Présidente de la République restait une marchandise aussi précieuse qu’un livre millénaire. De nombreux individus seraient prêts à payer des fortunes pour obtenir les secrets d’État enfouis dans son esprit. La nécromancienne pourrait très bien faire partie de ces individus, attirée par la promesse de pouvoir et de connaissance.

Elle inspira profondément, essayant de reprendre le contrôle de ses émotions. Elle devait trouver un moyen de détourner la question, de gagner du temps, tout en paraissant sincère et coopérative. La tension dans la pièce était palpable, chaque seconde semblant s’étirer indéfiniment alors qu’elle cherchait une réponse qui pourrait la sauver.

Avec une calme feinte, Koraki esquissa un léger sourire et répondit d'une voix maîtrisée, espérant que sa ruse suffirait à éloigner les soupçons d'Isolde, au moins pour l'instant.

- "Je n'ai rien à perdre" ? Bien sûr que si. Ma vie. Elle est entre vos mains, actuellement. Or, c'est mon bien le plus précieux. Cependant, moi je détiens un objet de grande convoitise. Si nous ne traitons pas pour autant à égalité, l'avantage étant de votre côté, au moins traitons nous tout de même. Et cela durera jusqu'à ce que l'une d'entre-nous cède.

Cependant, toujours concéder une demie-victoire à l'adversaire qui disposait d'un avantage aussi certain.

- J'ai été beaucoup de chose : une catin, une maquerelle, une reine de la pègre ... Une Sorcière.

Elle s'arrêta là, pour le moment. La dernière information était déjà très risquée. Il fallait attendre, voir comment la mage noire allait réagir et, s'il le fallait, alors elle tenterais le tout pour le tout. Elle espérait simplement que ces quelques détails suffirait à attiser un peu plus sa curiosité, d'autant plus que cela révélait un nombre considérable de talent qui pourraient se révéler utiles.

Choix et conséquences

Feat Koraki

La fascination se lisait dans le regard émeraude d’Isolde, elle écoutait les mots de l’hybride et la magie opérait en elle, se crispant légèrement en se penchant vers celle qui était toujours attachée.

- « Presque vivant… » répéta-t-elle de façon presque inaudible. « Mon esprit et mon âme ont déjà traversé diverses épreuves, ils pourront le supporter. » Tant de connaissances inédites et prohibées dans ce grimoire obscur, Isolde rêvait de pouvoir mettre la main dessus et lire son contenu sombre et impie. « Mais tu ne m’as pas répondue… Où se trouve-t-il à cet instant ? Je comprends que tu sois réticente à l’idée de m’offrir cette information cruciale… mais j’ai besoin d’un gage de confiance. Je veux être certaine d’avoir l’occasion de l’avoir entre mes mains. Dis le moi ! »

Le ton se faisait plus pressant, plus autoritaire la Danse-Mort n’était plus seulement curieuse, elle le voulait plus que tout à présent, elle le désirait. Le nécromant qui avait en partie pris possession de son esprit grattait dans ses pensées. Le livre ancien l’intéressait lui aussi, il pressait la liche, il forçait sa volonté. Si bien que les ongles acérés vinrent se planter dans les bras de sa captive, sans qu’elle ne s’en aperçût. Seulement après quelques instants, elle desserra son étreinte et contempla le liquide carmin s’écouler le long de ses doigts. Son regard était avide et en même temps suppliant, elle la fixait férocement, l’implorant et l’intimidant tout à la fois.

- « Je me moque des risques… Il faut que je le voie, il faut que je le lise. »

Un mince sourire teinté d’une douce folie se dessina sur ses traits. La nécromancienne se redressait, venant enfouir ses doigts dans la chevelure terne et sale de sa goule. Elle les peigna sans délicatesse, les yeux dans le vide, songeant aux pouvoirs sans précédent qu’elle pouvait amasser. Cette promesse semblait bien trop grande pour l’ignorer.

La parole suivante de l’hybride étira davantage son sourire. La nécromancienne pouvait affirmer qu’elle avait su maîtriser la mort, la dompter en devenant une créature à mi chemin entre la vie et la mort. Elle avait su défier son destin et celui de tous les êtres humains, en rejetant le côté inévitable de la mort. Elle ne s’était pas soumise à cet ordre, elle avait au contraire prouvé sa capacité à repousser les limites de son existence humaine et refuser cette fatalité.

Sa prisonnière ne voulait pas lui révéler son identité, cette idée semblait la mettre terriblement mal à l’aise. Ce qui bien entendu renforçait la volonté de savoir de la mage noire.

- « Une reine de la pègre ? Intéressant… » Cela ne pouvait pas être au Reike, Isolde en aurait forcément entendu parler. Ni au Shoumei, il s’agissait certainement de la République. Autant tenter le tout pour le tout. « De la pègre républicaine, c’est bien cela ? » dit-elle avec assurance, en observant la réaction de son vis-à-vis pour en avoir le cœur net. Elle serait rapidement fixée. En ce qui concernait les sorcières, la liche restait dans le flou suite à ses mots, s’étant isolée et ignorant donc les allusions de l’hybride. « Une sorcière ? Dis m’en plus. J’accepte de te détacher et t’aider de mon mieux… Tu commences à devenir très intéressante, je ne peux le nier. » ajouta-t-elle, en la fixant dans les yeux. Morana détacha un peu plus les liens, sous les ordres de sa maîtresse, son visage hideux et émacié devant celui de sa captive.
« Toutefois, je ne t’accorde pas ma confiance à la légère, ne me trahis pas et montre ta bonne foi si tu souhaites que je te vienne en aide. Et parle-moi de tes pouvoirs, sorcière. » ajouta-t-elle.

Koraki frissonna de plaisir lorsque Moranna desserra légèrement les liens qui la retenaient captive à cette table inconfortable. Bien qu’elle ne soit pas encore totalement libérée, c’était un début prometteur. Cette petite marque de clémence signifiait que ses paroles avaient su éveiller la curiosité de sa geôlière, offrant ainsi une lueur d’espoir au milieu de sa captivité.

Cependant, elle n’était pas dupe. Elle savait bien que cette liberté partielle n’était rien de plus qu’une carotte tendue par Isolde, une tentative de manipulation pour la tester ou pour la rendre plus coopérative. Cette subtilité n’échappa pas à l'ancienne politicienne, bien au fait de ce genre de mouvement, mais elle savait également qu’elle n’avait pas d’autre choix que de se plier à ce jeu. Accepter la requête de la nécromancienne était le seul moyen de survivre et peut-être de retourner la situation en sa faveur plus tard.

Le léger soulagement de ses muscles tendus, maintenant moins entravés, apporta un semblant de calme à son esprit agité. Elle respirait plus facilement, chaque inspiration nourrissant sa détermination à jouer ce jeu jusqu’au bout. Koraki jeta un coup d’œil prudent vers Isolde, essayant de lire dans ses yeux ce que la nécromancienne pouvait bien préparer. Elle devait rester vigilante, ne rien laisser au hasard.

L’apparence de détente que Koraki affichait n’était qu’une façade soigneusement entretenue. C'est ainsi que de cette voix toujours aussi faussement calme, elle reprit :

- Pour l'heure, le Livre des Morts est hors de notre portée à toutes les deux. Il est saignement caché dans l'un des coffres de la Banques des Chaines.

Autant dire qu'il était tout bonnement impossible de s'en saisir dans l'immédiat. Surtout que, vu que la Vice-Présidente était officiellement déclarée morte et qu'elle ignorait combien de temps c'était écoulé depuis la Bataille de Liberty, ses affaires avaient peut-être déjà étés vendues aux enchères ou mis sous clé ailleurs.

Oh, elle ne doutait pas de sa capacité à le récupérer. Elle avait encore des contacts qui lui devait quelques services. Ce n'était qu'une simple question de temps.

Cependant, elle ne put dissimuler une lueur d'étonnement naitre dans son regard lorsque sa geôlière déduisit avec une facilité déconcertante son appartenance républicaine. L'intelligence et la perspicacité dont faisait preuve Isolde étaient remarquables, bien au-delà des capacités des geôliers habituels.

Pour la première fois depuis longtemps, une inquiétude réelle s'insinua en elle. Manipuler cette femme s'avérerait plus dangereux que prévu. Une adversaire dotée d'une telle perspicacité pourrait facilement déjouer ses plans, voire retourner ses propres stratagèmes contre elle.

Aussitôt, elle sentit le poids des attentes et des suspicions peser sur elle. Les yeux perçants de la nécromancienne ne la quittaient pas, attendant une réponse satisfaisante. Elle savait qu’elle n’avait plus le choix, qu’elle devait enfin révéler son véritable visage. Les chaînes lâches lui donnaient une illusion de liberté, mais l’angoisse montante rappelait que cette pseudo-liberation n’était qu’une précaution temporaire.

Son cœur battait à tout rompre tandis qu’elle prenait une profonde inspiration, ses pensées tourbillonnant autour de ce moment décisif. La situation était critique, son esprit calculait chaque possibilité, chaque mot qui pourrait la sauver ou la condamner.

- Très bien, murmura-t-elle finalement, levant un regard fatigué mais déterminé vers Isolde. Vous voulez savoir qui je suis réellement? Je suis bien plus que cette femme brisée et puante que vous voyez devant vous.

Elle fit une pause, sa voix devenant plus assurée malgré la fatigue évidente.

- Jadis, j’avais mes appartements dans le palais municipal de Courage. J’ai par la suite forgé la destinée de la République aux côtés de sa Présidente, lorsque mes appartements étaient ceux que j'occupais à la Maison-Bleue. Vous serez amplement capable de deviner mon nom avec ces infos.

Un silence lourd s’abattit sur la pièce. Cette révélation était à la fois une arme et un aveu de faiblesse. "Koraki Exousia", une femme de pouvoir et d’influence, réduite à cette ombre d’elle-même, cette simple phrase contenait toute la tragédie de sa chute. Mais dans ce moment, elle ne pouvait qu’espérer que cette vérité brute et sans fard serait suffisante pour piquer l’intérêt de la géôlière et lui offrir ce qu'elle attendait d'elle pour obtenir son soutien et lui donner une chance, aussi mince soit-elle, de regagner un semblant de contrôle sur son destin.

- Quant à mes pouvoirs, j'aimerais vous en faire la démonstration ... Quand je serais en état. Un acte vaut mieux que mille mots, parait-il.

Et c'était la politicienne qui disait cela ...[/b]

Choix et conséquences

Feat Koraki

Le Livre des Morts n’était pas à la disposition de sa captive et de ce fait, elle ne pouvait que croire en sa parole. Espérer que cette hybride qui tardait pour délier sa langue ne lui fît pas d’entourloupes et qu’elle pût tenir sa promesse. Isolde n’était pas la plus loyale et la plus dévouée des partenaires, pourtant elle possédait une aisance commerciale dû à ses anciennes activités. Elle savait y faire et surtout, elle reconnaissait le pouvoir d’un pacte et d’une affaire équitable. Elle ne trahissait pas par fierté ou envie, si le marché lui était profitable et que les accords restaient inchangés. Mais il en était peut-être autrement pour cette étrangère. De toute façon, la mage ne possédait pas de nombreux choix. Soit, accéder à sa requête, l’aider en l’échange d’une récompense qui ne viendrait sans doute jamais. Ou bien la laisser dans sa misère, bon, elle pouvait tout aussi bien la tuer… Mais elle décida de lui accorder le bénéfice du doute, la laisser s’exprimer et voir où allait mener cette discussion qui s’éternisait.

Toutefois, après quelques instants de réflexion, l’hybride ouvrit à nouveau les lèvres. La nécromancienne l’observait, avide de connaître les détails de sa vie passée, de son identité et de sa difficulté à libérer quelques secrets… Et là, la brune au teint pâle laissa une brève expression de surprise étirer son visage. Elle ne s’était pas attendue à cela, l’ex vice-présidente de la République et Maire de la ville de Courage.

- « Koraki Exousia… Ton nom ne m’est pas inconnu, mais j’ignorais tout de ton apparence. En tant qu’humble reikoise, tu comprends bien que je ne suis pas dans les petits papiers des hauts placés de la nation. » Même si cela ne restait qu’à moitié vrai, mais peu importait, là n’était pas la question. Elle continuait de la tutoyer, apprendre sa véritable identité n’allait pas changer le cours de leur conversation. Il fallait toutefois avouer que l’enjeu n’en était que plus excitant. « Je vais t’aider, Koraki la sorcière. Rien que pour avoir berné les bonnes âmes républicaines, tu mérites que je te prête assistance. » dit-elle en ricanant.

Elle s’en moquait bien, de la politique et de leurs histoires. Pour autant, elle semblait avoir réalisé un véritable coup de maître entre ses alliances politiques, sa gestion de la pègre républicaine dans l’ombre et ses affinités avec les sorcières de l’Assemblée… Une femme à multiples couvertures, de talent, un peu comme elle au final. Peut-être pour cela qu’elle se sentait prête à l’aider.

- « Reste allongée, non pas parce que tu es ma prisonnière ou mon cobaye… mais les sortilèges permettant de retrouver tes forces et te sortir de cette situation sont puissants. Ne bouge pas, le temps que je me prépare. »

La liche ordonna à Morana de lui apporter bougies et onguent. Elle recouvra partiellement le corps de l’hybride de ce dernier, avant de disposer les bougies noires autour d’elle. Puis elle s’empara de sa lame, afin de graver plusieurs symboles runiques sur sa peau. Un rituel qu’elle avait déjà exercé, lors de précédentes expériences. Il ne s’agissait pas d’un retour à la vie, vu qu’elle n’était pas morte. Mais son passage dans un autre royaume avait altéré ses fonctions et diminué sa vitalité. En récitant les bonnes formules occultes, il était possible pour la nécromancienne de la remettre sur pieds.

Elle passa ses mains sur les membres supérieurs de Koraki, puis sur son thorax, son cœur et son cou, avant de terminer sa course sur son crâne. En même temps, elle récita des mots incompréhensibles pour les non-initiés. La sorcière en comprenait peut-être le sens. Les yeux de la mage se gorgèrent d’encre et le mana pulsa de ses mains pour venir heurter l’essence de la républicaine. Les bougies s’éteignirent alors qu’un souffle froid glissa dans la pièce, le rituel avait fonctionné. Isolde débarrassa la sorcière de ses derniers liens, puis l’assista pour la remettre sur ses jambes.

- « Comment te sens-tu ? » Elle attendit éventuellement une réponse, avant de poursuivre. « Je suis curieuse de connaître tes talents. Mais tu es libre à présent, je garde cette satisfaction pour moi. Je suis certaine que d’une manière ou d’une autre, nous nous retrouverons. » était-ce une promesse ou une menace, difficile à dire. Aucune sincère émotion ne se reflétait dans le regard émeraude de la mage, alors qu’elle scrutait son vis-à-vis.

Désormais libérée des fers qui l'avaient maintenue captive pendant des heures interminables, la Sorcière se tenait là, épuisée mais debout, devant son ancienne geôlière. Isolde avait travaillé avec une précision presque chirurgicale, ses doigts dansant au-dessus des plaies ouvertes, tricotant la chair déchirée avec une magie sombre et familière. La Républicaine avait crut reconnaitre quelque uns des mots susurrée par la reikoise, sans pour autant réussir à déterminer leur véritable sens. Peut-être un vocabulaire dont elle n'avait que des synonymes ? Peut-être à cause de l'accent ? Qu'importe. Les blessures qui marquaient son corps se refermaient, une à une, tandis que la fatigue accumulée, ce poids écrasant qui l'avait alourdie à chaque pas, s'évaporait doucement. Chaque souffle qu'elle prenait devenait plus léger, chaque muscle se relâchait sous l'effet apaisant de la magie qui rétablissait un semblant de normalité en elle.

L'ancienne politicienne était restée immobile, suivant les injonctions d'Isolde, même si son esprit vacillait entre gratitude et méfiance. Elle n'était plus la maîtresse de la situation, se devant d'accorder sa confiance à cette étrangère qui, après l'avoir sauvé, l'avait emprisonné, avant de finalement la relâcher. Elle n'était plus non plus la maitresse de son propre destin. Elle n'en avait pour ainsi dire plus. Elle avait toujours pensée que la gouvernance était la finalité, mais cela n'était plus un objectif atteignable, à présent. Pour la première fois de sa vie, elle se sentait ...

Vide.

Une fois que la dernière blessure fut refermée, Koraki sentit un poids immense se lever de ses épaules. Un monde entier qui l'avait oppressée jusqu'ici s'était finalement retiré. Elle ferma les yeux, absorbant le calme retrouvé, un luxe qu'elle n'avait plus connu depuis des années. Mais alors que la paix la pénétrait, une larme solitaire trahit sa fierté, glissant silencieusement sur sa joue. Elle la sentit, chaude contre sa peau froide, mais elle n'eut pas la force de l'essuyer. C'était comme si tout son être se résignait à cet instant de vulnérabilité, un moment où même elle, dans toute son arrogance, ne pouvait plus prétendre à l'invincibilité.

Dans un souffle à peine audible, elle murmura un simple "merci". Un mot si fragile, presque brisé, mais sincère.

Elle trouva une étrange forme de réconfort dans cette reconnaissance, même si elle savait que cet instant de paix ne durerait pas. Pas pour elle. Pas dans ce monde.

Enveloppée d' un silence lourd de résignation, elle se leva lentement, acceptant les mains tendues de la nécromancienne, se laissant guider avec une docilité bien étrangère. Les doigts de sa nouvelle alliée, froids mais sûrs, lui apportèrent un soutien inattendu alors qu'elle se redressait sur des jambes encore chancelantes. Sans un mot, elle se dirigea vers le miroir qu'elle avait repéré plus tôt, attirée par le besoin pressant de se confronter à son propre reflet.

Devant la glace ternie, elle s'arrêta, hésitante. L’image qui lui renvoyait ne ressemblait en rien à la femme qu'elle avait été autrefois. Elle observa, le cœur serré, les marques indélébiles des semaines passées loin de toute civilisation. Des traits autrefois fins et soignés, il n'y avait désormais plus que des cicatrices creusés par la faim et la fatigue. Ses lèvres, autrefois teintées d'un rouge vif, étaient maintenant gercées et pâles. Ses yeux, jadis perçants, étaient enfoncés dans leurs orbites, ternes et fatigués. Quant à ses cheveux, ils étaient maintenant sales, emmêlés, et dépourvus de tout éclat.

Koraki n'avait plus rien de la superbe qu'elle avait connue, rien de la majesté qui avait été son quotidien pendant une décennie. Ce qu'elle voyait dans ce miroir n'était plus qu'une ombre de celle qu'elle avait été. Une vulgaire vagabonde, voilà tout ce qu'elle était devenue. Un souffle tremblant s'échappa de ses lèvres alors qu'elle fermait les yeux.

Elle s’efforça de faire le deuil de son ancienne vie, mais l’amertume de la déchéance était un goût qu'elle peinait à avaler. Passer de l'une des femmes les plus puissantes du monde à cette créature brisée dans le miroir… C’était plus qu’un choc, c’était une plaie béante dans son âme, une blessure qui ne se refermerait jamais vraiment.

Que lui restait-il maintenant, sinon la douleur de ce contraste cruel entre ce qu’elle avait été et ce qu’elle était devenue ? Elle se força à rouvrir les yeux, à affronter à nouveau cette image qu'elle haïssait déjà. Il n’y avait plus de place pour l’illusion, plus de place pour les rêves de grandeur passée. La réalité était là, implacable, et elle devait l'accepter si elle voulait survivre.

- Je suis votre obligée. Ce que je vous ais promis, je vous l'accorderais. Peu importe le temps que cela prendra. Je ne sais juste pas comment je vais réussir à récupérer mes biens. La République ne m'accordera plus aucun soutien, à présent. Et pour répondre à la question posée : Je me sens ... Je ne saurais le dire. Hier encore je commandais au destin de toute une nation et aujourd'hui, je suis là, perdue je ne sais où, sans influence, sans pouvoir, sans bût. Et je ne sais qu'en penser.