Dénivelées magiques [Feat Neera]

Dénivelées magiques

Les jours passaient et j’étais pris par mes différentes obligations, ce qui me laissait peu de temps pour moi-même et pour me plonger dans la dernière discussion que j’avais eu avec une certaine ancienne officière de la GAR. Les missions s’enchaînaient depuis que la corruption de l’Arbre monde ne faisait que croître, rendant les menaces magiques de plus en plus importantes mais surtout aléatoires. Allez savoir quand le chien du voisin allait revenir avec des crocs empoisonnés après une balade trop loin en forêt, ou quand un singe venu de la forêt s’était mis à dérober nourriture et biens grâce à un pouvoir de téléportation. Ce qui n’annonçait rien de bon pour la suite, si jamais la corruption continuait à s’étendre et à toucher d’autres organismes. Parfois je me posais la question de savoir si ce n’était pas au final notre rôle à nous, les Effraies, d’enquêter et de tenter de résoudre la corruption de l’arbre magique. Bien sûr, seuls nous ne pourrons pas faire grand chose, il faudrait certainement la coopération des autres Nations, si jamais cela était faisable. Mais notre rôle après tout était de combattre les menaces magiques qui pesaient sur la République. Et faire barrage à quelques singes étranges ou des chiens malveillants n’étaient qu’un traitement symptomatique de la maladie magique qui se répandait sur les terres du Sekai.

C’était un sujet que je comptais aborder plus tard avec mes supérieurs. Mais pour se faire je devais devenir plus fort. Faire progresser ma magie, et progresser dans la hiérarchie des Effraies pour que ma parole ait plus de poids. En parlant de faire progresser mes capacités magiques, c’était la raison pour laquelle j’avais fait le voyage jusqu’à Courage pour discuter avec Ruby Draglame. Ses paroles pourtant m’avaient faites profondément réfléchir. Entre ses conseils de recourir à des magies physiques, ou encore d’apprendre à maîtriser d’autres éléments avaient creuser un certain doute en moi. Etait-ce le seul moyen de devenir plus fort, de pouvoir tenir tête aux Grands de ce monde ? J’avais toujours excellé dans la magie de foudre, et je commençais à m’entraîner à maîtriser d’autres types de magie. Mais je n’avais jamais réussi à saisir les magies d’autres éléments, et les magies physiques s’avéraient compliquées à maîtriser, pour moi. Bien plus que les autres types de magies. Je pouvais le sentir dans mes veines. Je n’étais pas comme mon père à ce niveau-là. Mais une question me taraudait l’esprit, concernant la maîtrise d’autres éléments. Je m’étais empressé d’avoir un contrôle parfait sur ma magie de foudre, mais qu’en était-il des autres éléments. Je doutais pouvoir un jour les maîtriser, ça aussi je pouvais le sentir en moi. Mais peut-être…peut-être que je pouvais apprendre d’eux. Peut-être que je pourrais entrevoir de nouvelles possibilités grâce à eux. Et pour cela, je savais ce que je devais faire.

Je pris une petite feuille et une plume pour écrire une lettre à ma chère professeure de l’Académie MAGIC. Une enseignante qui était réputée pour sa maîtrise des éléments et de la magie. Une enseignante qui m’avait permise de mieux apprivoiser ce pouvoir, que j’avais ensuite perfectionné par moi-même. Une enseignante qui allait peut-être m’aider à voir plus clair dans tout ce débacle de pensées. Prenant une grande inspiration, je commençai à laisser l’encre imprégner la lettre avec mon message.

“Chère Professeure Storm,

Cela fait quelques années que j’ai quitté l’Académie, mais je vous remercie encore une fois pour vos enseignements et la patience que vous avez accordé au jeune élémentaire que j'étais.
Si je vous écris aujourd’hui toutefois ce n’est pas par nostalgie, mais pour …discuter. Je sais que votre temps peut être précieux, mais malgré mes années à l’Académie je pense avoir encore besoin de guidance au sujet de la magie.

Accepteriez-vous de m’accorder de votre temps pour m’éclairer ? Et si possible, dans un endroit où nous aurions de l’espace sans craindre le désordre et d’abîmer notre entourage si besoin…

Bien à vous Professeure,

Fulgurys.”

Il n’y avait que peu de doutes sur la dernière partie de ma lettre, bien que simpliste. Je voulais voir sa maîtrise des éléments de mes yeux, et découvrir pourquoi tant de personnes jugeaient cela nécessaire d’en maîtriser plusieurs en étant un mage. Même si je n’étais pas fait pour appeler la force de plusieurs éléments, cela m’apprendrait certainement d’autres choses. Et puis, c’était aussi l’occasion de discuter de magie avec Neera Storm, ce qui était toujours un sujet fort intéressant. Pliant la lettre, je la fis livrer à bon port en espérant une réponse rapide. Je ne savais pas à quel moment j’allais de nouveau devoir m’absenter pour des missions parfois plus farfelues les unes que les autres.

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D’un pas tranquille, vêtue de mon habituelle tenue en tissu avec mon couvre-chef en chapeau de riz, je me dirigeai vers le lieu de rendez-vous pour rencontrer l’estimée Professeure de l’Académie MAGIC. Les bras croisés dans le dos comme à mon habitude pour ne pas les laisser balan, même si j’avais abordé le sujet je me demandais encore comment j’allais amener ma demande d’aujourd’hui. Ce n’était pas la peur qui me faisait hésiter, même si je ne pouvais pas nier être un brin nerveux même si impatient. Mais c’était bien l’incertitude de la juste formulation qui tapissait mon coeur et alourdissait ma langue. Mais nous n’y étions pas encore. Arrivant en vue de la mage des éléments, je me fendis d’un petit sourire avec une inclinaison de la tête pour la saluer.

-Professeur Storm, merci de bien vouloir m’accorder de votre temps.

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Quand la lettre était arrivée sur son bureau, Neera avait eu une expression un peu surprise sur son visage. Ce n’était pas tous les jours qu’elle recevait une missive d’un ancien élève, un étudiant particulièrement assidu pour ce qui concernait sa maîtrise de la foudre. Fulgurys avait été attentif pour l’ensemble de son cursus évidemment – il fallait bien ça pour réussir ses sept années à Magic – mais maîtriser les arcanes électriques lui avait particulièrement tenu à cœur, et c’était donc essentiellement ça dont se rappelait la professeure. A l’époque, cela le satisfaisait pleinement, mais désormais, les choses semblaient avoir changé. Le Républicain s’intéressait à la magie, et, à en croire le sous-entendu qu’il avait mis dans son message, il ne voulait pas d’une discussion somme toute théorique : non, il voulait pratiquer, essayer des choses, ce qui attisait en partie la curiosité de la jeune femme. Magic était un lieu à part, parfait pour accueillir des visiteurs qui voulaient réaliser quelques expérimentations, et elle présente, il n’y avait aucun risque que la magie élémentaire de son protégé ne cause des dommages. La demi-titan pouvait donc bien le recevoir et au moins écouter sa demande. Il ne lui avait par conséquent pas fallu longtemps pour trouver un peu de papier, une plume et de l'encre : comme son homologue, sa lettre avait été concise, courtoise et claire.

“Cher Fulgurys,

Ce sera avec plaisir que je prendrai de vos nouvelles et que je vous écouterai concernant la magie. Nous pourrons en parler en long et en large, et bien sûr, nous pourrons également la déployer comme il se doit sur le terrain de l'Université. Venez me retrouver à l’Académie, je serai disponible dans l’après-midi aux dates suivantes.

Amicalement vôtre,

Neera Storm.

Sa lettre était succincte mais y avait-il besoin de faire plus ? Inutile de raconter sa vie puisque leur relation avait été jusque-là celle d’un professeur et d’un étudiant. Au pire des cas, ils se confieraient plus une fois l’un l’autre durant leur entrevue. Quoi qu’il en soit, une fois qu'elle avait obtenu une seconde réponse, la magicienne avait pris les devants et lui avait calé un rendez-vous de deux heures après ses cours, en début d’après-midi. Peut-être qu’ils finiraient leur rencontre plus tôt, mais la maîtresse de la foudre savait bien que le temps défilait rapidement quand on s’entraînait à la magie. Il suffisait qu’on octroyât quelques conseils, qu’on refît quelques tentatives et ajustements pour oublier que l’heure tournait et qu’ils avaient des obligations. Non, autant être large. C’était mieux ainsi.

Puisque la diviniste ne savait pas non plus quelle serait la demande de Fulgurys, elle avait prévu de passer du temps à l’extérieur. Mais, dans un premier temps, il fallait qu’elle discernât pourquoi il venait la voir, quels étaient ses objectifs, et ce qu’il voulait vraiment. Sans ça, elle resterait dans le flou, et la belle ne pourrait pas lui proposer quelque chose sur mesure. Enfin… Si c’était seulement possible. Peut-être s’arrêterait juste à une conversation polie et courtoise. Elle n’en savait rien, en vrai, et cela aiguisait donc particulièrement sa curiosité. Lorsque vint l’heure d’aller accueillir l’élémentaire, la professeure sortit tout naturellement d’un des bâtiments du campus pour se diriger vers l’entrée de l’Académie, là où son invité devait l’attendre. Elle aperçut bientôt le jeune homme, qui grâce à sa nature, n’avait pas tellement changé depuis la dernière fois qu’elle l’avait vu. Comme elle, le temps n’avait pas d’emprise sur cette créature faite de magie, et Neera s’amusa à remarquer leurs ressemblances physiques, au moins en ce qui concernait leurs chevelures et leurs pupille argentées. Pour le reste, ils avaient la même taille, fait qui était cette fois dû aux origines de la semi-titanide. En temps normal, sans doute aurait-elle été plus menue et plus petite, si elle avait été un élémentaire. Mais c’était des détails – et c'était quelque chose qui ne la chagrinait pas tellement, la sang-mêlée n’avait jamais regretté d’être grande. La jeune femme se reconcentra donc sur l’essentiel et un sourire apparut sur ses lèvres.

- Fulgurys, déclare-t-elle en lui rendant son salut. Je suis enchantée de vous revoir. Comment vous portez-vous ?

C’était des questions d’usage, mais qui valaient bien la peine d’être posées.

- Depuis combien de temps avez-vous quitté l’Académie déjà ? Et qu’êtes-vous devenu ? Ce n’est pas tous les jours que je vois un de mes anciens étudiants… Mais rassurez-vous, lui lance-t-elle avec un air espiègle, je n’ai pas particulièrement de mauvais souvenirs à votre égard. Vous étiez plutôt appliqué, si je ne me trompe pas.

D’un geste amical, la belle lui propose de marcher à ses côtés. Elle sait naturellement où elle se dirige, mais son pas est tranquille, ce qui laisse le temps à son vis-à-vis de répondre à ses questions.

- Comme vous me l’avez demandé, nous allons travailler à l’air libre, dans une cour extérieure, un peu en périphérie du campus. Nous serons plus éloignés des bâtiments où se donne des cours magistraux, mais ainsi, ils n’entendront rien, et nous, de notre côté, nous serons tranquilles. De plus, heureusement, le temps est avec nous, lâche Neera en observant le ciel bleu au-dessus d’eux. Mais avant que nous passions aux modalités pratiques, j’aurais besoin d’en savoir plus sur la nature de votre visite exactement. Que voulez-vous savoir exactement ? Vous me parliez de magie, mais vous avez été assez à l’essentiel, dans votre missive. Voulez-vous développer votre besoin ? Qu’attendez-vous de moi en particulier ? Que recherchez-vous ?

Dénivelées magiques

Peu de temps s’était écoulé depuis la lettre que j’avais envoyé, et la réponse n’avait pas trop tardé à arriver, comme je m’y attendais. Aussi succincte que ma demande, la maîtresse des éléments m’avait rapidement fait part de ses disponibilités pour qu’on puisse se rejoindre. Et je ne pus empêcher un sourire rêveur d’étirer mes lèvres à la mention du terrain de l’Université. Etait-ce un des terrains sur lesquels on emmenait les élèves parfois s’entraîner à la pratique de certaines magies ? Ou était-ce un autre que je ne connaissais pas encore et que j’allais découvrir, en dépit des sept années que j’avais passées à l’Académie. Il y avait encore tant de choses à propos de cette école de magie que je ne connaissais pas encore, que j’avais envie d’explorer. Malheureusement, la vie était ainsi faite qu’il n’était possible de succomber à ses passions et envies que trop peu souvent à mon goût. Prenant à nouveau une lettre et une plume avec quelques gouttes d’encres à sa pointe, je répondis brièvement mais toujours avec courtoisie à la Professeure Storm pour convenir de la date, puis l’envoyai avec l’impatience du jour à venir.

Et même si j’eus l’impression que l’attente fut interminable, le jour de la rencontre arriva rapidement. Lorsque je vis la Professeure au loin, un fin sourire se posa sur mon visage. La peau mâte de celle-ci contrastait drastiquement avec la couleur de ses cheveux et des yeux, qui revêtaient la même teinte que les miens. Je me rappelle les premières fois avoir pensé qu’elle était peut-être une élémentaire, elle aussi, peut-être même du même élément que moi. Et même si je n’avais jamais eu confirmation ou infirmation, j’avais fini par abandonner cette idée. Etait-ce à cause de sa taille, de sa maîtrise si complète de nombreux éléments ? Ou était-ce encore autre chose, de plus primaire ? Je n’avais pas la réponse, et je n’avais jamais osé poser la question non plus. Au final, cela ne revêtait qu’une importance toute relative. Lorsqu’elle me salua en retour; je hochai la tête en guise de politesse avant de lui offrir un sourire avant de répondre. Des questions qui me ramenaient bien des années en arrière, mais avec un sentiment de nostalgie qui n’était pas désagréable. Levant les yeux en frottant mon menton, je finis par répliquer.

-Ca va bien, merci, et j’espère que vous aussi ? Puis après une légère pause. Hum…combien de temps ? Je dirais que cela fait déjà au moins une dizaine d’années. Même si ça semble ne dater que d’hier, haha.

Ses souvenirs de ma période en tant qu’étudiant me firent sourire. En effet, la maîtrise de la magie de foudre m’avait tenu à coeur pendant ces années, et c’était exactement la raison pour laquelle je m’étais inscrit à ses cours.

-Vous avez raison sur ce point. Je tenais beaucoup à perfectionner cet élément dont la magie m’anime et m’a donné vie, en quelque sorte. J’ai toujours eu beaucoup de facilité à produire cette magie, mais je manquais d’éducation dans la manière de l’utiliser. Vous m’avez bien aidé pour cela. Et après avoir quitté l’Académie, je n’ai pas arrêté de m’entraîner pour autant, fis-je avec un regard tout aussi espiègle à mon ancienne enseignante. C’était bien nécessaire pour rejoindre les Officiers Républicains par la suite. Et dites-moi de votre côté, vous ne vous êtes pas trop ennuyée ces dernières années ? Des perles rares ont pointé le bout de leur nez ? Demandai-je avec sourire.

Elle se retourna et d’un geste, elle m’invita à la rejoindre, et je ne tardai pas à lui emboîter le pas. De ses dires, et mes quelques connaissances des lieux corroboraient ces derniers, nos pas nous menaient à l’écart des cours, des yeux et des oreilles des élèves de l’Académie. Je me laissai un instant perdre dans la contemplation des bâtiments aux alentours tout en écoutant les remarques de Neera. A l’évocation du temps, je relevai d’un index mon chapeau pour regarder le ciel bleu presque sans nuage, avant de hocher la tête. Même si je n’étais pas absolument certain que le ciel bleu était gage d’une absence d’intempéries dans les instants à venir. Les questions de la demoiselle étaient légitimes, au vu du peu d’information que j’avais laissé paraître dans ma lettre, et je m’attendais à ce qu’elle me les pose. Lorsque nous arrivâmes à bon port, je m’arrêtai et me retourner vers elle avec un regard un brin plus sérieux.

-Pour ne rien vous cacher, mon travail en tant que soldat consiste à lutter contre les crimes et menaces magiques. C’est dans cela que je me spécialise, si l’on puit dire. Mais je suis conscient que je finirai par atteindre un stade où j’aurai à me confronter à des êtres magiques de plus en plus…menaçants. Je suis donc allé demander conseil à une ancienne soldat qui m’a conseillé notamment d’apprendre à user d’un autre élément.

Mon regard se fit un peu plus sombre et je baissai les yeux sur une de mes mains. Dans le creux de celle-ci j’avais laissé ma magie manifester quelques étincelles inoffensives, avant de les réprimer. Je n’allais pas mentir, ces paroles m’avaient quelque peu touchées.

-Je sais que certains élémentaires arrivent à maîtriser d’autres éléments, mais je ne pense pas que cela soit mon cas. Toutefois, je ne renonce pas pour autant à progresser dans ma manière d’utiliser ma magie, et je suis venu vous voir…car vous êtes la mage que je connais qui connaît et maîtrise le plus de magie élémentaires. J’ai bien des questions à vous poser à ce sujet…mais si je vous ai demandé cet espace, c’est parce que je veux l’éprouver par moi-même. Le voir de mes yeux, et le sentir dans ma chair. Alors peut-être pourrais-je franchir un nouveau palier.

Bien évidemment, ce palier n’incluait pas la maîtrise d’autres éléments. Etait-ce parce que mon sang d’élémentaire de foudre était trop “pur”, trop présent ? C’était mon hypothèse, mais encore une fois il m’était impossible de la vérifier réellement. Alors je devais apprendre d’une autre manière. Je devais grandir d’une autre manière. Si je voulais continuer à progresser, je ne pouvais pas juste ignorer les autres éléments sous prétexte que je ne pouvais les maîtriser. Relevant un regard plus déterminé, mais toujours calme et posé, je plongeai mes yeux sans pupilles dans ceux de mon ancienne mentor avant de déclarer de but en blanc.

-J’aimerais qu’on s’affronte avec nos magies élémentaires…si cela vous va, s’il-vous-plaît. Et je vous prie de ne pas me ménager dans le nombre de magie que vous utiliser.

Ma requête pouvait paraître un peu loufoque, et à certains égards même dangereuse. Mais je faisais entièrement confiance à la “Tornade” pour parfaitement encadrer cet affrontement. Nous étions par ailleurs tous les deux bien assez grands et compétents pour maîtriser pleinement nos sorts, et leur puissance. L’espace en plein air et à l’écart de toute construction n’était qu’une précaution supplémentaire, guidée par nature prudente et prévenante.

Une dizaine d’années, déjà. Le temps passe vite, Neera le sait bien, mais cela lui fait parfois drôle de savoir que ses anciens élèves ont quitté l’école depuis aussi longtemps. Enfin, certains ont quitté l’Académie depuis plus d’un siècle et sont toujours vivants. Alors une décennie, ça peut aussi être vu comme une période assez courte, finalement. Fulgurys, lui, semble être exactement le même que quand il a été diplômé de Magic, en apparence du moins. Certainement a-t-il eu le temps de compiler un peu d’expérience, à Liberty ou ailleurs.

- Je me porte le mieux possible, merci. Un sourire vient rapidement orner ses lèvres. Oui, je me rappelle. Vous aviez des solides prédispositions pour la foudre, mais au départ, vous la maniez de manière assez brutale. Ce que je peux concevoir, en soi. La foudre est un élément très rapide, qui est dès lors difficile à maîtriser, et sans les bonnes astuces, il peut être difficile de faire autre chose que de lancer des projectiles électriques. Neera plie un peu son bras gauche et au centre de sa paume, un arc électrique vient se créer entre son pouce et son annulaire. Même pour moi, quand j’étais enfant et puis adolescente, il m’a fallu un peu de temps pour en faire quelque chose de plus fin, de plus beau. En tout cas, reprit la professeure avec un ton détendu, je suis contente de savoir que vous vous êtes entrainés et que vous n'avez pas perdu la main. Ca pourrait même nous aider pour nos rencontres d’aujourd’hui. Quant à ce qui me concerne… Non, je me suis pas ennuyée. Encore moins depuis deux ans, je n’ai fait qu’enchainer les péripéties les unes après les autres. Je ne comprends pas celui qui dit qu’il s’ennuie. Croisant les bras derrière son dos, Neera répond à la dernière question de Fulgurys. Quant aux perles rares… Il y a beaucoup d’étudiants prometteurs, mais ça ne veut pas dire que j’ai des prodiges tous les ans. Enfin, je m’occupe du mieux que je peux de mes étudiants, en tout cas.

D’un geste, elle l’invite à le suivre et la jeune femme n’hésite pas à interroger son invité sur les raisons de sa venue et de sa lettre. L’élémentaire lui révèle alors que son métier se concentre beaucoup sur les crimes et les menaces magiques, et qu’il redoute d’atteindre ses limites. Un peu intriguée, la diviniste ne peut s’empêcher de poser une question :

- Vous connaissez peut-être l’officier Dosian en ce cas ? J’ai collaboré avec lui dans le cadre d’une petite affaire, il y a un peu plus d’un an. C’est peut-être votre collègue. D’une mine songeuse, l’élémentaliste se concentre ensuite sur les dernières paroles de son interlocuteur. Maîtriser un deuxième élément ne peut vous faire de mal. Cela vous offre plus de polyvalence, plus de liberté, plus de puissance. Mais vous n’êtes pas sans savoir que des éléments, il y en a beaucoup. Sur lequel avez-vous porté votre dévolu ? Ou voulez-vous que nous fassions le point là-dessus, peut-être ? Sur lequel pourrait être le plus propice ? Peut-être faudrait-il réfléchir lequel vous serait le plus utile dans le cadre de votre vie professionnelle…

Laissant son homologue réagir, une mine plutôt compréhensive apparait sur ses traits quand l’homme à ses côtés avoue qu’il n’a pas de facilités particulières pour apprendre une deuxième magie élémentaire.

- C’est le cas de beaucoup de gens, vous savez. Pour la majorité des membres du Sekai, c’est déjà beaucoup d’apprendre un élément. Alors plusieurs… Nous ne sommes qu’une poignée d’individus à avoir des dons particuliers parmi les millions d’âme qui peuplent le Sekai.

Et effectivement, la plupart des habitants lambda ne maîtrisait que les aspects basiques des différentes magies de ce monde. Même les guerriers du Reike n’arrivaient pas à atteindre les niveaux de ses généraux et de certains hauts-gradés de l’armée.

- Durant cet apprentissage, votre détermination sera votre meilleure arme. Une vérité qu’il fallait parfois rappeler pour continuer à motiver les troupes. Quand Fulgurys admet enfin qu’il a demandé de l’espace pour s’entrainer directement, Neera hoche simplement la tête : elle s’y attendait. Nous verrons si vous arrivez à débloquer une quelconque capacité avec votre nouvel élément. Sinon, je vous ferai moi-même des démonstrations avec ma magie – même basiques, afin que vous essayiez de le reproduire, ici ou chez vous.

Son compatriote révèle néanmoins le fond de sa pensée, le véritable motif de sa demande, et la jeune femme ne peut s’empêcher d’avoir un visage un peu décontenancé.

- Vous voulez un affrontement, répète-t-elle. Avec moi. Ce n’est pas tous les jours qu’on propose un duel à la Tornade, et cette dernière dévisage son ancien étudiant attentivement pour voir s’il est sérieux. Dans le même temps, elle cherche à se rappeler de ses compétences, ses forces et ses faiblesses, pour voir s’il peut effectivement lui tenir tête. Ce n’est pas la méthode que j’aurais choisie, mais… oui, cela peut se faire. D’une certaine manière, ça nous permettra de vous faire passer à la vitesse supérieure. De moins réfléchir et d’agir à l’instinct pour développer une autre capacité. Toutefois, je dois vous prévenir que rien ne nous garantit une réussite avec cette méthode. D’ailleurs, si vous vous concentrez trop sur votre foudre, vous pourrez ne pas trouver le déclic pour manipuler un autre élément. Ne perdez jamais ça de vue durant notre affrontement.

Le duo est d’ailleurs arrivé à la cour extérieure dont elle avait parlé, et la jeune femme s’arrête, alors qu’elle réfléchit aux modalités pratiques de leur combat.

- Etablissons des règles. Premièrement, si nous apercevons un étudiant qui s’aventure imprudemment sur le terrain, nous arrêtons tout. Deuxièmement, interdiction de viser les bâtiments de l’Université. Troisièmement, si l’un de nous veut arrêter, qu’il le dise sans vergogne et sans honte. Enfin, nos coups ne chercheront jamais à nous blesser gravement, mais pour que cet entrainement porte du fruit, il ne nous faudra pas nous ménager non plus. Vous êtes d’accord ?

Un silence, un sourire un peu sérieux et concentré, et puis une invitation.

- Si c’est le cas, allons nous placer au centre du terrain. Je vous laisse utiliser vos pouvoirs en premier comme bon vous semble.

Dénivelées magiques

Le temps passait vite pour des entités qui n’étaient pas limités à une longévité d’une centaine d’années. Ce qui ne jouait pas forcément en notre faveur. Cela faisait maintenant une dizaine d’années que j’avais quitté l’Académie, et même si je n’avais pas chômé au niveau professionnel, je n’avais pas énormément avancé non plus côté magie. Bien évidemment, j’avais continué à perfectionner ma magie de la foudre après être sortie de l’Académie, mais je n’avais pas eu le temps de développer d’autres magies. Du moins, ce n’était pas tout à fait exact à vrai dire. Avec un sourire, je me tournai vers la Professeure lorsqu’elle mentionna le fait que j’avais toujours eu des prédispositions pour mon élément, mais que la finesse restait à travailler à l’époque. Ce qui était entièrement vrai, ce que je confirmai en acquiesçant de la tête. Mon sourire s'élargit encore lorsqu’elle mentionna ses multiples péripéties des deux dernières années. L’ennui ne faisait visiblement pas parti de son quotidien, et je pouvais aisément comprendre ce sentiment.

-Haha, peut-être qu’un jour pourrons nous discuter de toutes ces péripéties. Ceux qui s'ennuient sont ceux qui le désirent. Le Sekaï n’est pas un endroit où on peut prétendre n’avoir rien à faire.

Nous continuâmes à marcher, et je suivis la Tornade les bras dans le dos alors que la discussion continuait. D’une mine songeuse, elle évoqua le nom d’un officier qu’elle soupçonnait être mon collègue, et c’était fort possible, mais Dosian ne sonnait aucune cloche dans mon esprit. Et quand bien même, s’il était bien mon collègue, j’avais tout intérêt à feindre l’ignorance.

-J’avoue ne pas avoir retenu le nom de tous mes collègues, même après tout ce temps, mais celui-ci ne me dit rien pour autant, dis-je d’une mine songeuse. Peut-être travaille-t-il dans une autre unité…

Ce qui était fort probable, que ce soit dans le cadre des Officiers Républicains que dans celui de l’unité d’élite secrète des Effraies. Puis le sujet finit par dériver sur l’objet principal de ma visite. Il semblait néanmoins que je m’étais mal fait comprendre. Certes, il aurait été bien intéressant pour moi de pouvoir maîtriser un autre élément, mais ma venue ne concernait pas l’acquisition d’un nouveau pouvoir élémentaire. J’avais essayé à de nombreuses reprises de faire appel à ma magie pour convoquer autre chose que des éclairs et de l’électricité, mais en vain. Même lors de mes études à MAGIC et malgré les excellents professeurs que j’avais eu, mes timides essais s’étaient soldés par des échecs. Bien évidemment, à l’époque j’étais bien plus intéressé par la maîtrise de ma magie de prédilection, mais même après les portes des autres éléments m’étaient restées fermées. Bien évidemment, la capacité à maîtriser plusieurs puissances de la nature n’était pas donnée à tous, mais j’avais fini par comprendre que dans mon cas la détermination ne m’aiderait pas. J’avais eu par la suite quelques discussions avec mes parents qui avaient fini par cristalliser mon opinion sur le sujet.

-A vrai dire Professeur Storm, je pense -et je le sens au fond de moi- qu’il m’est impossible de créer autre chose que des éclairs. Il est déjà intuitivement difficile et rare pour un élémentaire de maîtriser une autre magie élémentaire que la sienne. Mais en ce qui me concerne, mes essais, mes échecs et le fait que de la lignée de mes parents aucun de mes ancêtres n’ait jamais pu maîtriser autre force de la nature que celle de la magie qui nous a vu naître me conforte dans cette idée.

Alors elle devait certainement se demander pourquoi j’étais venu la voir, elle spécifiquement, et pourquoi je désirais l’affronter dans un combat de magie. Si je me pensais réellement incapable de trouver ma voie dans un autre pouvoir élémentaire, alors cette entrevue pouvait paraître vide de sens. Mais la réalité était en fait toute autre.

-En réalité, j’aimerais observer de près votre maîtrise des éléments, et me mesurer à elle. Je sais que je n’obtiendrais pas la polyvalence que vous offre vos pouvoirs. Mais j’espère grâce à cela voir comment je pourrais mieux me servir de ma propre magie pour m’en approcher au mieux, et peut-être développer de nouvelles magies pour combler mes lacunes.

Il était là le réel but de cette manœuvre. Je ne m’attendais pas à avoir un déclic et pouvoir subitement générer des tornades ou des trombes d’eau. Mais si je pouvais comprendre la manière dont elle utilise ses différents éléments, je pourrais en tirer de nombreux enseignements pour savoir ce qu’il me manquait. M’inspirer des autres éléments à travers le mien pour pouvoir nourrir mon art magique. Et peut-être, qui savait, aurais-je en effet une révélation durant cet entraînement.
Alors que nous continuions à marcher vers le terrain qui nous servirait d’entraînement, Neera établit quelques règles qui serviraient à éviter au maximum les dégâts qu’on pourrait causer notamment aux structures et aux malheureux qui risquaient de passer tout en y allant plus ou moins sérieusement. Le but n’était bien évidemment pas de blesser des élèves ou d’endommager ce patrimoine culturel et magique qu’était l’Académie. Ou même de nous blesser mutuellement. Avec un sourire, j’acquiesçai.

-Naturellement, professeur Storm.

Et sur ces quelques règles, elle me laissa commencer les hostilités. Ce qui était bien évidemment plus compliqué à faire qu’à dire, maintenant que je me tenais face à la célèbre Tornade. Je promenai un regard sur l’étendue du terrain pour me familiariser avec les limites de ce dernier, puis me tournai vers mon adversaire du jour qui se tenait à quelques pas de là. Pendant une ou deux secondes, je ne bougeai pas. Je cherchais inconsciemment une faille chez mon adversaire pour l’exploiter et la mettre en difficulté. Mais je me rendis rapidement compte que je n’en trouverais aucune en restant planté là à ne rien faire. Prenant alors une grande inspiration, je me décidai à me lancer en écartant les bras. Laissant ma magie s’exprimer, mes yeux s’illuminèrent avec des éclairs et mes mains furent rapidement recouvert de magie électrique, crépitant dans l’air.

Puis une main vers le ciel et l’autre vers le sol, toujours entourées d’énergie électrique, je décrivis des demi-cercle avec mes mains, formant un cercle devant moi lorsque les traînées électriques se rejoignirent. De ce cercle se formèrent une dizaine de sphères, puis ces dernières se transformèrent en petits projectiles électriques qui fusèrent vers la professeur en décrivant toutes des trajectoires différentes. Le but étant de l’assaillir de plusieurs côtés, de sa droite, de sa gauche mais aussi par en haut. La foudre était un élément plus offensif que défensif, même si avec un peu de maîtrise il était possible d’ériger des protections électriques efficaces. Mais j’attendais de voir la réaction de la professeure. C’était un entraînement, mais aussi un stage d’observation, en quête d’inspiration après tout.

Résumé des actions:

Fulgurys dit des sages paroles en affirmant que ceux qui s’ennuient sont ceux qui le désirent. En effet, ce monde est tellement riche, tellement vaste, tellement remplis de dangers et de beauté à la fois qu’il est difficile de s’ennuyer, même pour des êtres plurimillénaires. Genryusai lui-même, du haut de ses sept mille ans, a toujours cette flamme intérieure qui force le respect, et l’élémentaire comme la demi-titan ne peuvent espérer que suivre son exemple, au moins pour ce point-là. Mais ni l’Effraie, ni la Tornade n’ont une personnalité qui se prête à la nostalgie et à la paresse, aussi les voilà à se promener dans Magic en vue de trouver un terrain adapté à leur entrainement. Apparemment, le Républicain ne connaît pas l’officier Dosian, ce qui n’est pas bien grave, aux yeux de Neera : elle acquiesce donc simplement de la tête en entendant la réponse de son élève.

- Si vous le rencontrez un jour, vous saurez au moins que je le juge compétent, sourit-elle, avec un ton léger et un ton détendu.

Là n’est pas leur sujet principal, cependant, et la conversation continue sur la présence du membre de l’ordre en ces lieux. Apparemment, la fille de Lothab s’est fourvoyée sur le motif de sa visite, et elle l’écoute sans l’interrompre, un intérêt non feint sur le visage. Hum… Donc son ancien étudiant ne veut pas développer particulièrement un second pouvoir élémentaire. Enfin, plutôt, ce n’est pas qu’il ne le veut pas, c’est qu’il ne le peut pas, comme si sa race faisait obstacle à ce genre de compétences. Alors, au lieu de s’acharner sur ce type de pouvoirs en particulier, Fulgurys souhaite affronter sa professeure pour parfaire les facultés qu’il possède déjà, voire peut-être en débloquer d’autres. Qu’il s’agisse des arcanes obscures ou d’une magie de type soutien n’a visiblement pas d’importance. Qui sait, peut-être pourrait-il même débloquer une ou deux compétences physiques, s’il est mis en véritable situation de danger, et que son instinct de survie le pousse à s’en tirer.

- Je vois, finit par déclarer Neera. Effectivement, je n’avais pas tout compris, c’était bien de faire une mise au point. Comme je l’ai dit alors, je vous laisserai en partie voir ma magie – comment je l’invoque et comment je la déploie, afin que vous puissiez l’observer. Ca peut aussi servir à l’entrainement, à l’amélioration de votre magie. Mais il y aura aussi une partie plus… brutale, car nos compétences se déploient, s’affinent, et s’améliorent quand on est dans des situations extrêmes. Un petit sourire vient naturellement naître sur son visage. Evidemment, je ne chercherai pas à vous tuer, mais sachant que vous êtes un homme accompli et que vous n’êtes pas sans ressources, je ne vous ménagerai pas comme mes étudiants de première année. Dans votre cas, ce serait du gâchis et une perte de temps.

La jeune femme n’est pas surprise quand Fulgurys accepte les différentes conditions qu’elle propose. Ce sont des règles, somme toute, assez élémentaires, ils peuvent donc vite passer aux choses sérieuses et c’est de bonne grâce qu’elle lui laisse commencer les hostilités. La seule liberté que prend Neera, c’est s’éloigner de quelques mètres de l’Effraie, afin de leur laisser de l’espace pour déployer tranquillement leurs pouvoirs. Puis, elle attend.

Une douce brise printanière vient secouer ses cheveux blancs alors qu’elle observe son adversaire. Si elle ne prétend pas être une experte en la matière, l’enseignante a toutefois l’impression que Fulgurys est assez serein malgré la réputation de la magicienne. Il est venu en connaissance de cause, sans prétention, mais avec la volonté de s’améliorer et cela est louable. Dépasser ses limites est toujours quelque chose qu’elle a encouragé, et elle espère secrètement être le témoin de son évolution magique.

Immobile, la semi-titanide voit l’élémentaire de foudre l’observer un instant, comme s’il cherchait une faille dans sa position. Un guerrier digne de ce nom verrait sans doute mille faiblesses dans la position et l’attitude nonchalante de Neera. Il faut dire qu’elle n’a aucune protection véritable, comme on peut en trouver chez des miliciens républicains ou chez les soldats du Reike : elle est l’archétype même d’une magicienne, et surtout d’une noble qui n’a jamais connu la guerre. Fulgurys n’a donc que l’embarras du choix concernant son approche, d’autant qu’elle n’a érigé aucune protection autour d’elle. Un instant, rien ne se passe, puis son ancien protégé prend une grande inspiration et ouvre les bras. De la foudre vient crépiter dans ses mains, ses yeux s’illuminent d’une couleur phosphorescente, et le combat commence.

Levant une main au ciel, et pointant son autre paume vers le sol, Fulgurys crée un cercle de magie pure autour de lui. De cette première création surgissent différentes sphères, qui, bientôt, changent d’aspect pour devenir des projectiles coupants. Le principe, c’est qu’il n’y en a pas un, deux, ou trois. Non, il y en a bien plus, que l’élémentaire a disposé un peu partout, et pendant une seconde encore, Neera peut profiter de ce spectacle scintillant. Déjà, elle sourit, car elle sait que ça va être à son tour d’entrer en scène. Et quand les « flèches » électriques foncent dans sa direction, ses yeux s’illuminent d’une lueur surnaturelle. Plusieurs parois de terre, somme toute sommaires, mais suffisamment résistantes pour annuler cette première offensive, lui permettent de tester ses propres réflexes. Il ne s’agit pas là d’un mur de terre qui l’entoure complètement, en en faisant un bouclier impénétrable, et qui protège tous ses angles morts. Non, Neera s’amuse à exercer un jeu plus difficile : celui d’invoquer des petites protections de quelques centimètres qui disparaissent dès qu’elles sont heurtées par un projectile, et qu’elle doit donc réinvoquer à l’envi. Ce sont des invocations qui consomment somme toutes assez peu de mana, mais qui nécessitent, par contre, beaucoup de réactivité et de vitesse de la part de son créateur. Elle doit d’ailleurs les enchainer pour bloquer les attaques de Fulgurys, et si ce dernier lui envoie une autre salve simultanée, Neera montera aussi la difficulté d’un cran en créant tout autour d’elle plusieurs parois simultanées, annulant ainsi leur première passe d’arme.

- C’est un statut quo, lance-t-elle d’un ton affable. A mon tour.

Cette fois, ce sont des boules d’eau qu’elle crée sur leur terrain de jeu, mais celles-ci n’attaquent pas directement le gardien de la paix. Au contraire, après avoir créé plusieurs sphères aquatiques, ces dernières se relient brusquement entre elle par des jets d’eau assez souple, de sorte que c’est une véritable toile d’araignée qui se compose sous les yeux de Fulgurys. Puis, la création élémentaire, qui est assez large pour englober un homme, se jette justement sur son rival du jour, dans l’optique de bloquer ses mouvements. Tout ne réside en effet pas dans l’attaque : il faut savoir se défendre, réagir, esquiver, et si on a un élément conducteur en face de celui qu’on maîtrise, il faut savoir trouver une solution à temps pour ne pas empirer les choses.

Neera sera cependant bonne joueuse, puisque la toile qu’elle a créée n’enserre pas directement Fulgurys : elle l’englobe sur deux bons mètres et les fils d’eau commencent tout juste à se rapprocher de lui, pour tenter de l’enfermer tel un lasso.

- Cherche vite à la détruire, souffle la Tornade dans un murmure.

C’est que si sa création d’eau se referme effectivement sur lui, lui qui est un être de foudre, ce ne sera pas très agréable pour son protégé.

Pendant que son adversaire se démène, Neera étend le bras et un pic de glace assez gros commence à se former devant elle. Quand il sera suffisamment grand, elle le lancera sur l’homme qui lui fait face. Il aura donc deux dangers à prendre en compte : la toile, et puis sa création de glace, qui fera au moins la taille d’un demi-homme, pour être une menace suffisamment conséquente.

Résumé:

Dénivelées magiques

Neera était en effet la seconde personne à me parler du dénommé Dosian, et elle n’était visiblement pas la seule à le juger compétent dans son domaine. Ce qui me faisait penser qu’il serait bon que je mette un visage sur ce nom et que j’apprenne davantage à son sujet. Peut-être même tenter de l’attirer chez les Effraies, s’il n’en était pas déjà un membre ? Mais cette distraction fut de courte durée, et la discussion s’orienta rapidement de nouveau vers la raison de notre entrevue. Mes quelques mots semblèrent préciser la vision que j’avais de cet entraînement aux yeux de la demi-titanide, et le but que je cherchais derrière ce dernier. Je notai avec une pointe d’amusement et de curiosité lorsqu’elle mentionna qu’elle me laisserait observer “une partie” de sa magie, sous-entendant certainement par-là quelques limites. Ma curiosité innée ne put s’empêcher de me questionner sur les raisons, mais par discrétion je préférai ne pas relever ce dernier point. La seconde partie était toutefois bien intéressante, alors que l’enseignante de l’Académie me prévenait de son intention de ne pas me ménager. Et à cette mention, je hochai la tête alors que mon sourire ne faisait que s’élargir davantage.

-J’espère bien que vous ne me ménagerez pas, professeure. Mes excuses si je fais de même.

Le but n’était en effet pas de nous entretuer, mais avoir un aperçu en temps réel des capacités de combat de la célèbre Tornade faisait presque bouillir mon sang. J’avais de mon côté envie de donner le meilleur de moi-même pour tenter de pousser l’experte dans ses retranchements. Mais je devais aussi garder en tête que ce n’était pas un simple affrontement, et que je n’étais pas là pour simplement témoigner de la puissance de ma mentor. J’étais aussi là pour en apprendre plus sur sa manière de combattre, de déployer sa magie, pour tenter de m’améliorer, d’apprendre encore un peu de l’incroyable mage qu’elle était. Et c’est ainsi que quelques instants plus tard, l’affrontement commençait. Les projectiles de foudre que j’avais créé fusèrent vers la mage, et celle-ci les regarda venir vers elle avec intérêt. Je m’attendais à ce qu’elle les contre facilement, certes, mais ce qu’elle fit démontrait parfaitement son niveau et sa maîtrise. Loin d’ériger une protection uniforme autour d’elle, elle créa des petits pans de terre directement aux points d’impacts pour se protéger. Cela demandait une réactivité et une maîtrise exceptionnelle. Et ce qui était d’autant plus impressionnant, c’était qu’elle pouvait le faire avec l’élément terre qui, de mémoire, n’était pas son élément de prédilection comme le suggérait son surnom. Je ne m’étais jamais essayé à cet exercice, mais je ne maîtrisais que la foudre alors qu’elle pouvait certainement le faire avec tous les éléments qu’elle utilisait.

Mon sang continuait à frémir de plaisir et d’anticipation face à cet affrontement tandis que je laissais mes sens s’étendre. Tandis qu’elle contrait chacun des projectiles, j’essayais de comprendre comment elle faisait surgir sa magie, de la sentir. Et c’est ainsi que cette première joute magique se conclut, sur un “match nul” si l’on pouvait dire. Mais il était évident que la semi-titanide appréciait elle aussi le déroulé de cet affrontement. C’était maintenant à son tour de lancer les hostilités, et cette fois-ci elle choisit de partir sur l’élément aqueux. Un choix intéressant qui me montrait quelque part les limites de mon incapacité à contrôler d’autres éléments. La polyvalence d’un mage qui contrôlait plusieurs forces de la nature lui permettait de jouer plus facilement avec les difficultés et faiblesses de son adversaire. Profitant pour observer sa magie, je ne me laissai pas subjuguer pour autant. Les sphères aqueuses finirent par se rejoindre pour former un filet d’eau qui fonçait sur moi pour m’emprisonner. Une stratégie fort intéressant face à un élémentaire de foudre qui risquait fort de se faire bobo avec sa propre magie si utilisée imprudemment.

Mais je n’étais plus un jeune élémentaire insouciant et inexpérimenté. Je m’étais longuement entraîné et je savais ce qui me restait à faire. Face à un élément conducteur, il ne fallait pas simplement décharger sa magie inconsidérément, ou j’allais me faire plus de mal que de bien, même si mon immunité partielle à la foudre me protégerait. Non, il fallait concentrer sa magie et la relâcher brusquement. La compresser en un concentré d’énergie qui vaporiserait l’eau au contact. Alors que le piège aqueux se dirigeait vers moi, je levai la paume devant moi et concentrai ma magie à l’intérieur de celle-ci. Des éclairs commencèrent à crépiter, et au moment où le filet allait se refermer dans mon dos, je visai une des parties de la technique et libérai une puissante décharge électrique qui vaporisa l’endroit visée. Au moment où ma foudre avait touché l’eau, j’avais eu l’impression de ressentir dans ma peau le courant de ma magie parcourir le liquide. Le reste du filet retomba comme une flaque d’eau au sol sans me toucher, parcouru encore de quelques arcs électriques. C’était la première fois que je ressentais cela…Etait ce le fait que je laissais pour une fois libre court à ma magie tout en observant et essayant de comprendre celle de quelqu’un d’autre ? Un sentiment étrange commençait à me parcourir. Mais visiblement la Tornade n’en avait pas fini avec moi. C’était au tour d’un gros bloc de glace de se former et de foncer vers moi.

Je n’avais aucun répit. Mais ce n’était pas plus mal. Concentrant ma magie sur le bout de mes deux doigts, j’y créai un concentré de foudre allongée qui aurait pu ressembler à une lame. Et d’un geste vif, je tranchai le bloc de glace en deux dans une gerbe d’électricité pour laisser les deux parties détachées s’écraser de part et d’autres de ma personne, créant un petit nuage d’air frais à mes pieds. Et une fois de plus, lorsque ma magie rentra en contact avec la glace, j’eus l’impression de pouvoir sentir la glace sous forme de courant électriques dans ma peau. Je tentai de m'agripper à cette sensation, et souris à la demi-millénaire.

-Je sens que je commence à saisir quelque chose…!

Mais le combat n’était pas fini. Et je désirais passer à la vitesse supérieure. Intensifiant ma magie, mes cheveux se soulevèrent à leur tour pour être parcouru d’arcs électriques tandis que les éclairs s’échappant de mes yeux et de mes membres s’intensifiaient. Je levai un bras au ciel, et des éclairs répondirent à l’appel de ma magie dans les nuages. Une volumineuse colonne électrique descendit du ciel pour s’abattre sur l’enseignante d’Université. J’avais réglé la puissance de cette décharge certes impressionnante mais dans le but de paralyser ma cible. Même si son réel but était en réalité d’attirer l’attention de la dame vers le ciel. Tandis que de mon pied, je laissai s’échapper une traînée fulgurante qui se faufila sur le sol vers la mage élémentaliste pour ensuite en faire surgir des arcs électriques pour l’assaillir par le bas.

-Allez-y Professeure, montrez-moi toute l'étendue de votre puissance, murmurai-je pour moi-même.

Résumé des actions:

Selon ses souvenirs, Fulgurys avait toujours eu l’esprit ouvert et surtout il n’avait jamais ménagé ses efforts pour améliorer ses compétences ou ses notes. Neera ne fut donc pas surprise lorsque l’homme l’invita à ne pas lui faire de cadeaux, et lorsqu’il s’excusa d’ailleurs d’agir de la même façon. D’un geste, la semi-titan lui assurera qu’elle n’en tirerait pas ombrage : s’ils voulaient tous les deux « s’amuser » et progresser, ils devaient en passer par là.

En l’occurrence, le plus dur, pour son ancien étudiant, serait de ne pas perdre de vue son objectif. Dans l’action, il serait facile de se concentrer uniquement sur la défense ou uniquement sur l’attaque ; l’élémentaire pourrait aussi très bien se perdre dans l’enchainement de ses techniques en recourant à sa magie innée, et puis se rendre compte que, en fait, il n’avait pas réussi à débloquer de nouvelles facultés magiques. Neera, a contrario, n’avait pas ce souci et pouvait juste se concentrer sur les répliques à envoyer à son adversaire.

Quand la fille de Lothab créa sa prison aqueuse, elle se permit de jeter un regard curieux à l’Effraie, alors que, dans son autre paume, une boule de glace de plus en plus grande se formait jusqu’à s’affiner et devenir un pic acéré. Certains de ses ouailles ne savaient pas forcément comment réagir à la toile liquide : quelques-uns cherchaient à reculer pour éviter le piège magique, mais la plupart n’étant pas des guerriers hors pairs, alors ils finissaient par être ligoté assez vite. D’autres cherchaient à contrer sa création, mais ils ne mettaient pas assez de puissance pour la détruire à un endroit précis. Certains encore voulaient annihiler le filet d’eau dans son ensemble, mais ils n’arrivaient pas à lancer correctement un sort de zone et échouaient à accomplir leur objectifs. Enfin, ceux qui réussissait habilement à éviter la toile d’eau ne s’attendaient pas à devoir gérer une autre attaque élémentaire, matérialisée ici par la glace que la belle invoquait dans sa main.

Fulgurys, cependant, était d’une autre trempe. Peut-être parce que l’expérience gagnée loin des terrains de l’Académie lui avait permis de gagner en maturité et d’analyser encore plus vite les situations de combat réel ? Il aurait été pleinement en droit de paniquer : Neera n’y avait pas été de main morte en choisissant un élément conducteur. La magicienne était donc agréablement surprise quand elle le vit garder son calme et condenser ses pouvoirs, de sorte qu’il vaporisa d’un seul coup une partie de sa toile, coupant en deux le guet apens aquatique, qui, dès lors, retomba au sol sans être plus un danger pour lui.

C’était bien.
Mais la Tornade n’allait pas le laisser se reposer si vite.

Un sourire approbateur sur le visage, elle ne prononce pas un mot, pourtant son expression dit tout.

« Esquive ça si tu le peux. »

Et le pic file, il vole presque, comme si Fulgurys était un aimant et que la glace était inexorablement attirée par l’élémentaire. Contrairement à ses attentes, Neera voit son vis-à-vis ne pas chercher à esquiver son attaque. Non, cette fois, il crée une lame électrique qui vient trancher en deux l’objet pointu, le rendant totalement inoffensif, et elle laisse échapper un sifflement discret.

Il a de bons réflexes.

- Si vous avez une piste, c’est qu’on tient le bon bout, lui lance-t-elle. Continuons !

Fulgurys ne va pas se le faire redire deux fois, naturellement. La jeune femme l’aperçoit d’ailleurs canaliser à nouveau ses pouvoirs. Symptôme de sa race, les éclairs parcourent à la fois ses cheveux et ses pupilles immaculées : cela crée même de l’énergie statique qui soulève quelque peu sa chevelure. Neera connaît bien ce phénomène pour l’avoir maintes fois connu et quand sa pupille lève le bras au ciel, elle devine sans mal quelle sera sa prochaine action. Déjà ses propres yeux s’illuminent en réaction, alors qu’un bouclier d’air, semblable à un dôme, ne se forme au même moment que l’éclair ne tombe.

La création électrique crée un bruit terrible pour quiconque est proche de leur terrain de jeu. Il est fulgurant, si bien que n’importe quel froussard ou néophyte doit prendre ses jambes à son cou et fuir cette zone de l’Académie. La Tornade, cependant, est toujours debout, l’attaque de Fulgurys ayant rencontré un mur élémentaire de résistance égale à son offensive, et le dôme aussi bien que l’éclair se sont donc respectivement détruits. Mais Neera n’a pas le temps de réagir qu’elle voit se précipiter sur elle des arcs électriques depuis le sol, d’autant plus camouflés par un peu de poussière qui est en train de retomber au sol. Elle écarquille légèrement les yeux de surprise, et l’instant d’après, la traînée atteint sa cible.

Ou presque. Les arcs électriques se précipitent sur sa position, oui, mais quand ils y arrivent, ils ne rencontrent que du vide avant de s’évanouir dans la nature.

Un léger rire répond alors à l’élémentaire.

- Bravo, sans mes capacités de vol, je me serais fait avoir !

Et effectivement, Neera se tient à un ou deux mètres au-dessus du sol. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est suffisant pour avoir esquivé son attaque, et bonne joueuse, l’élémentaliste vient placer ses deux mains derrière son dos tout en félicitant son élève.

- Je n’aurais pas pu stopper tes arcs électriques, autrement. Ou alors j’aurais dû prévoir une protection plus rapprochée autour de moi, en plus de mon dôme d’air : dans ce cas-là, j’aurais réellement été protégée, mais ça implique une prudence extrême et on ne sait généralement pas ce que notre adversaire va déployer dans un combat magique.

Pointant son index vers Fulgurys, Neera poursuit :

- Si vous le pouvez, essayez de ne pas lever ton bras pour encore mieux surprendre vos ennemis. Ca ne leur donnera ainsi aucune idée de votre attaque. Vous voyez ? Comme ceci.

Et de manière un peu fourbe, il est vrai, Fulgurys aura le temps de sentir l’air devenir subitement électrique avant qu’un éclair ne lui tombe dessus. Mais l’Effraie est vif. Qu’il esquive ou qu’il contre, il ne devrait pas être hors circuit pour autant. D’ailleurs, si le membre de l’ordre se décide à bouger, il aura l’agréable surprise de voir d’autres éclairs s’enchainer pour le forcer à se concentrer sur ces offensives aériennes.

Puis, au moment le plus impromptu, viendra un flash destiné à l’éblouir quelques brèves secondes, suite à quoi, il sentira le sol se dérober sous ses pieds.

C’était cela, la force des élémentalistes : maîtriser l’environnement par de multiples sortilèges, de sorte qu’ils pouvaient prendre l’ascendant sur des troupes comme sur des solides adversaires. Mais, a contrario, ces mêmes mages étaient souvent vulnérables au corps à corps et aux attaques physiques : la demi-titan ne faisait pas exception et pouvait donc être tuée d’un claquement doigt par un guerrier suffisamment agile et véloce.

Dans le cas de Fulgurys, il est tombé dans un trou qui est suffisamment large pour englober sa personne, mais pas très profond non plus, de sorte qu’en levant les bras, il saura y sortir sans difficultés.

Mais, un sourire sur les lèvres, Neera ne compte pas le laisser souffler tranquillement avant sa prochaine attaque élémentaire.

- Dépêchez-vous le taquine-t-elle, alors que des flammes semblent poindre au bout de ses doigts, ou vous aurez bientôt chaud aux fesses.

Résumé:

Dénivelées magiques

La magie déferlait et les coups s’échangeaient sans répit. Jusqu’à présent, j’avais réussi à repousser efficacement les attaques de mon adversaire, même s’il était évident que je devais faire davantage attention que mon vis-à-vis au vu de la polyvalence de ses compétences. Elle pouvait jongler entre les différents éléments, ce qui lui donnait un avantage stratégique considérable, et je commençais tout juste à m’en apercevoir. Cela ne voulait pas dire que je m’avouais vaincu, cela voulait simplement dire que j’allais devoir redoubler d’efforts de mon côté pour pouvoir effleurer des résultats à peu près similaires. Mais au fur et à mesure des minutes qui s’écoulaient, je commençais à sentir que mon blocage par rapport à la magie commençait à s’amenuiser. Bien évidemment, j’étais certain que je ne pouvais toujours pas maîtriser d’autres éléments, mais je commençais à entrevoir d’autres possibilités. Etait-ce parce que notre combat faisait rugir la magie dans l’air, ou parce que je n’étais plus obnubilé par le fait de parfaire ma maîtrise de la foudre que je commençais à sentir l’énergie qui m’entourait ? Sûrement un peu des deux. Et comme me le faisait remarquer mon ancienne tutrice, c’était probablement qu’il fallait continuer dans cette direction.

Lorsque je levai le bras, je me rendis immédiatement compte de mon erreur. L’attaque se formait à peine que mon adversaire faisait déjà intervenir sa magie pour former un dôme d’air, ses yeux brillants même à la lueur du jour. La foudre frappa, grondant de sa terrible voix contre la protection de mon adversaire sans parvenir à l’outre-passer. Mais ce n’était en réalité qu’une diversion, et les éclairs qui fonçaient sur la semi-titanide depuis le sol réussirent presque à la prendre au dépourvu. Mais au dernier moment, elle s’envola. Ses pieds décolèrent simplement du sol alors qu’elle s’élevait dans les airs sans forcer. Et cette fois-ci, alors que je n’étais pas du tout en contact avec elle, je pouvais presque sentir la magie la maintenant au-dessus du sol. J’avais vu des gens voler bien des fois auparavant, me demandant toujours distraitement comment ils y parvenaient sans jamais y prêter réellement attention. Aujourd’hui était un jour différent. Et alors que la maîtresse des éléments rigolait et me félicitait pour ma réactivité et mon ingéniosité, je souris et lui rendis les compliments.

-Je ne suis pas le seul à féliciter ici. Je vous savais forte, mais je n’imaginais pas que vous ayez de tels réflexes.

Mais je ne pouvais pas vraiment dire que j’étais totalement surpris non plus. Je me doutais que sa réputation et sa place à MAGIC n’était pas usurpée, je n’avais juste pas encore réalisé à quel point. Mais ce n’était pas plus mal. Mais alors qu’elle me faisait la même remarque que j’étais faite un peu plus tôt sur ce bras levé au ciel, je sentis mes poils se hérisser. Je m’étais relâché, et un éclair fondait du ciel vers moi sans qu’elle ait fait le moindre mouvement pour le déclencher. Une démonstration qui dénotait de sa maîtrise légendaire. Mais je n’avais pas le temps d’admirer la technique. Concentrant ma magie dans mon bras, j’eus tout juste le temps d’ériger une protection sur ce dernier pour amortir le choc. La surprise et la vitesse de son attaque avait eu raison de moi, mais ma réactivité et mon immunité électrique m’aidèrent à échapper à des dégâts certains. Des éclairs successifs me frappèrent, mais je tins bon en gardant ma propre foudre autour de mon bras pour atténuer l’attaque de la Tornade. Grâce à cela, je ne ressentis que quelques picotements désagréables qui accompagnèrent les étincelles qui dévalaient mon corps paresseusement.

Sauf que c’était loin d’être fini. Pendant que je me faisais harceler par des éclairs venus du ciel et dont j’avais à peine réussis à me protéger, un flash lumineux m’aveugla subitement. Par réflexe, je couvris mes yeux pour faire barrage à la lumière mais un poil trop tard. Ma rétine était imprégnée de ce fond blanc et légèrement rouge absolument désagréable comme si j’avais tenté de regarder le soleil quelques secondes de trop. Les larmes en moins. Mais tout comme mon attaque provenant du ciel un peu plus tôt, ce n’était qu’une diversion. Je le sentis arriver, mais j’étais loin d’être habitué à ces sensations et je ne compris que trop tard que le sol était en train de s’ouvrir sous mes pieds. Quelques brefs tremblements, plus tard et c’était la chute dans le vide. Sentant littéralement le sol se dérober sous mes pieds, mon coeur rata un battement et la panique s’empara de mon corps alors que je tombais à la renverse.

Mais dans un réflexe totalement inattendu et incongru, avant que je ne touche le sol, ma magie s’activa en désespoir de cause et…je flottais maintenant à quelques centimètres du sol seulement, complètement à l’horizontal. Des éclairs s’échappaient de tout mon corps, léchant les parois du trou dans lequel j’avais commencé à m’enfoncer, mais qui n’était pas bien profond au final. Je restai immobilisé quelques secondes dans cette position incongrue, le temps de réaliser que j’étais en train de léviter. De voler même. Dans la panique et dans ces circonstances extrêmes, j’avais inconsciemment invoqué ma magie pour que celle-ci me porte et m’empêche de tomber. Le flux d’électricité et de magie était encore hésitant, inconstant, parce que tout cela était nouveau pour moi. Mais je regardai mes mains parcouru de courant, et je souris. Au loin, la voix de l’Enseignante de MAGIC retentit, me prévenant de me dépêcher si je ne voulais pas avoir les poils roussis. Et avec un sourire de plus en plus grand, je pris une profonde respiration avant de reprendre le contrôle du flux de magie. C’était à mon tour de passer à l’attaque. Créant un énorme javelot de foudre entre mes mains, je lançai dans le ciel pour qu’il forme une cloche en direction de la semi-titanide. Puis j’en profitai pour sortir du trou en volant et en me dirigeant droit vers la demoiselle tout en restant près du sol.

-J’ai bien cru que j’allais mourir ! Mais visiblement, ça m’a bien aidé, terminai-je en montrant mon corps flottant entouré de petites étincelles.

Puis d’un claquement de doigt, le javelot qui se trouvait dans le ciel et qui commençait à redescendre en direction de la belle aux cheveux d’argent se divisa en une multitude de pointes électriques qui pleuvaient sur la zone. Je continuais à voler à ras du sol en rentrant à mon tour dans la zone. Mais je ne craignais pas mes propres flèches électriques. La division avait suffisamment atténué la puissance du javelot initial pour qu’ils me laissent indemne même si je me faisais toucher, sans pour autant perdre toute leur puissance. Profitant de la distraction qui arrivait par le ciel, je profitai pour tenter de passer dans un angle mort de la demoiselle en créant un autre javelot électrique entre mes mains. Une fois sorti du champ de vision de la Dame, je lui lançai un énième javelot électrique pour tenter de la toucher par derrière.

Résumé des actions:

Lorsque l’élémentaire la complimente à son tour, Neera se contente de sourire, acceptant avec simplicité les compliments qui lui sont faits. Oui, elle est puissante, et elle a quelques réflexes, mais ce n’est rien qui puisse se comparer avec la vitesse des guerriers, tels qu’on les retrouve au Reike. Et puis, sans sa magie, elle ne serait pas grand-chose : il lui resteraient ses qualités naturelles, comme la pédagogie, ses talents d’artiste, sa richesse et son intégration à Magic mais ce ne serait pas non plus tout à fait la même chose.

Toujours est-il que la jeune femme ne donne pas tellement de répit à son ancien étudiant. C’est que, tant qu’il est concentré, il faut battre le fer quand il est chaud ; de plus, en le prenant potentiellement de court, cela pourra réveiller des réactions surprenantes, qui ne se produiraient pas en d’autres circonstances. Ainsi, la foudre s’abat sur Fulgurys, mais l’Effraie a heureusement une immunité qui diminue considérablement les dégâts. Il réussit également à dresser une protection qui réduit l’impact de ses attaques électriques, de sorte qu’il ne devient pas K.O. après quelques foudroiements, comme Neera l’a déjà vu avec quelques étudiants par le passé. C’est aussi en cela que le gardien de la paix a des réserves que les plus jeunes n’ont pas, et la semi-titanide apprécie franchement sa persévérance.

Mais il faut l’acculer encore plus pour réveiller de nouvelles capacités. Le surprendre, continuer à le prendre de court, à le coincer pour que son corps trouve la force nécessaire pour s’en sortir. Et contre toute-attente, cela marche. Quand le sol se dérobe sous les pieds de l’élémentaire, la professeure le voit avoir une expression affolée pendant un instant, sans pouvoir se préserver de la chute imminente qui l’attend. Il ne se cassera rien – à moins qu’il ne chute très très mal – mais l’homme ne sait pas que le trou derrière lui est peu profond et il n’y a rien de plus désagréable que de chuter dans le vide. C’est alors que sa silhouette s’immobilise, comme s’il se stabilisait juste au-dessus de la cavité que l’enseignante avait créé de sa main. Peut-être que Fulgurys ne se rend pas bien compte de ce qu’il se passe, mais la fille de Lothab a tout le temps, elle, de prendre note du phénomène et un premier sourire victorieux naît sur ses lèvres. Il a trouvé le déclic. Maintenant, il n’y a plus qu’à l’aider à se familiariser avec cette nouvelle faculté et la magicienne a déjà quelques idées en tête pour atteindre cet objectif. La première est plus raisonnable, la deuxième est plus… disons, plus brutale, mais peut-être plus rapide aussi, s’il n’arrivait pas à décoller du sol. L’élémentaliste allait tester la première, puis elle verrait si la seconde était nécessaire ou non. Parce que quand même. Fulgurys allait sans doute avoir la peur de sa vie si elle l’élevait sur un monticule de terre de manière abrupte, pour ensuite dissoudre sa création et le précipiter sans ménagement dans le vide. La première méthode, pour sa part, consistait à lui faire apprivoiser ses capacités de vol petit à petit.

Mais avant cela, c’était à lui de passer à l’attaque. Neera le voit lancer naturellement un projectile conséquent dans les airs, et elle le suit bien une seconde des yeux, mais c’est plus fort qu’elle : elle ramène son regard sur le Républicain pour constater qu’il se maintient en l’air à ras-du-sol. Hum, c’est un bon début.

- Nous avons là la preuve que notre entrainement porte ses fruits, sourit-elle. Félicitation, c’est toujours plus facile à dire qu’à faire, de débloquer une compétence en plein combat, peu importe combien on le désire. Mais ce n’est pas assez, il faut encore que vous vous imprégnez de cette magie pour la reproduire à volonté.

Ses yeux pétillent en disant cela et son interlocuteur se rendra forcément compte que l’enseignante s’amuse énormément à cet exercice à deux. Mais il est peut-être temps de s’intéresser à ce fameux javelot qui redescend vers eux – spécialement vers elle –, car la magicienne l’a dédaigné trop longtemps. Puisqu’elle a renoncé à ensevelir son élève dans les flammes, elle peut bien changer son fusil d’épaule, et la demoiselle lève le bras alors que des flammes suffisamment puissantes apparaissent dans sa main pour anéantir la création de son adversaire.

Mais la jeune femme ne peut s’empêcher d’hausser un sourcil en voyant le javelot se briser pour devenir une multitude de petits projectiles. Certes, ceux-ci sont de facto moins puissants, mais leur force de frappe combinée tous ensemble, cela doit être bien désagréable. Puis, Neera ayant déjà proposé sa riposte, elle est un peu prise au dépourvu : sa boule de feu est inefficace contre tant de flèches magiques, et elle est n’est donc plus du doute adaptée à la situation dans laquelle ils se trouvent.

- Mais moi aussi je peux changer ma magie comme bon me semble, murmure-t-elle presque pour elle-même.

Joignant le geste à la parole, la flamme dans sa main s’éteint comme si elle était fauchée par la brise ambiante, et à la place, c’est des filaments d’ombrent qui se créent autour de professeure de Magic. Il n’y en a sans doute pas assez pour combler toutes les flèches de Fulgurys, mais il y en a assez pour en bloquer suffisamment, et si Neera grimace lorsque certains éléments trouvent leur cible, il s’agit de piqûre qui viennent surtout entraver quelques peu ses mouvements. Rien de bien néfaste, surtout que depuis, elle est revenue au sol, mais tout occupée à contrer cette attaque, elle se demande (un cran trop tard) où est passé son opposant.

La réponse, elle l’obtient quand elle perçoit un mouvement dans son dos, peut-être plus mû par l’instinct qu’autre chose. Son corps étant légèrement atteint par les décharges électriques, c’est davantage sa magie qui répond : une barrière de flammes la protège en dernière minute, mais, si elle est bien faite, elle n’est cependant guère solide. Cela n’empêchera donc pas le javelot de la briser et de venir heurter la Tornade, bien que le trait électrique ait légèrement perdu en intensité. Heureusement pour la belle, l’Effraie n’a naturellement pas visé un point vital, comme le cou, par exemple, qui aurait bien pu l’envoyer dans les vapes, mais son dos reste touché, et la jeune femme fait quelques pas en titubant. Ah, les éclairs, ça fait toujours assez mal, et la demi-titan ne peut s’empêcher de ricaner.

- Bien visé, fait-elle en se retournant vers Fulgurys, vous avez bien dosé vos coups et votre magie. Ses yeux s’illuminent alors qu’une brise l’enveloppe, elle et son élève, pour venir soigner leurs blessures légères ou leurs égratignures. Quelques soins seront les bienvenus. Sur un ton plus détendu, la noble ajoute : J’ai souvent tendance à oublier que la foudre, ça fait toujours mal là où ça touche. Ca me fera une bonne piqûre de rappel, blague-t-elle.

Passant les mains dans son dos, la diviniste ne réplique pas directement en lançant un autre sort. Cela leur fera un petit temps mort, et puis, Neera veut profiter que le jeune homme lévite encore pour le faire encore aller plus loin dans la maîtrise de cette magie.

- Osez encore aller plus haut, ne restez pas à ras-du-sol. Apprenez à vous tourner avec la magie mais aussi à accélérer avec elle. L’enseignante joint, comme souvent, le geste à la parole, et l’amie d’Inâna monte d’un mètre, puis de deux, et enfin trois. Enfin, elle s’arrête et invite d’un geste de la main son protégé à faire de même. Si vous apprenez à vous affranchir de la peur du vide en toutes circonstances, cela vous fera un solide atout pour votre métier d’officier républicain. Elle ne croit pas si bien dire, puisque cela pourra potentiellement l’aider à aller dans des zones inaccessibles. Ce qui est sûr, c’est que la jeune femme le laisse tester sa magie, puis quand elle le voit s’élever un peu, son sourire devient plus malicieux. Encore, ce n’est pas assez. Voyons voir si vous arrivez à me suivre ! lui lance-t-elle.

Et sans lui laisser l’occasion de répondre, la professeure monte de palier en palier, sans lui dire jusqu’où elle compte s’arrêter. D’abord, elle s’arrête à dix mètres, ensuite à vingt, puis à trente, enfin à quarante. Arrive alors le dernier niveau qui marque la limite des capacités des deux magiciens. Ils sont désormais à une cinquantaine de mètres au-dessus du sol. Là-bas, l’air se fait déjà plus rare, mais ça fait aussi partie de l’apprentissage : se rendre compte que l’oxygène n’est pas le même partout et que cela peut impacter son corps en conséquence.

A chaque palier, Neera aura attendu tranquillement Fulgurys, avant d’élever la barre un peu plus haut. Ferme, mais pas moins encourageante, elle essaiera de le mettre à l’aise autant que possible, tout en exigeant qu’il repousse rapidement ses limites.

- Alors ? La vue depuis cette hauteur n’est-elle pas magnifique ?

Le vent balaie ses cheveux immaculés alors que Neera contemple Liberty et l’Université d’un œil bienveillant. Mais elle est habituée à cet exercice depuis des années, voire depuis des siècles, et elle n’a jamais eu peur de vide. L’élémentaire, pour sa part, pourra bien avoir le vertige, dans un premier temps, mais c’est bien pour ne pas trop le brusquer qu’elle a agi progressivement, en le faisant monter palier par palier. Il devrait donc s’habituer… A moins qu’elle ne lui en ait trop demandé.

- Maintenant que vous êtes parvenus à cette hauteur, vous devriez pouvoir utiliser le vol en tout temps et en toute heure. Cela permet de s’affranchir de nos peurs, parfois rationnelles, du reste. Il m’a semblé que vous forcer à aller si haut pourrait vous être bénéfique sur le court et moyen terme.

Cela étant dit, Neera ne lui propose pas directement de revenir au sol. Au contraire, après avoir laissé son compatriote répondre, elle reprend la parole dans le plus grand des calmes, ce qui montrera à Fulgurys qu’elle avait cette idée depuis que la demoiselle a commencé à s’élever dans le ciel.

- On continue notre duel dans les airs ? C’est une autre manière de combattre, mais cela serait aussi intéressant que vous le maîtrisiez.

Résumé:

Dénivelées magiques

Même si je n’avais pas pu le voir, absorbé par ma propre surprise et la découverte de ce nouveau pouvoir, dès lors que j’avais commencé à voler un sourire victorieux était apparu sur le visage de mon ancienne enseignante. Un sourire qui reflétait l’essence même de la raison pour laquelle elle avait été choisie pour être Professeur à l’Académie. Quant à moi, c’étaient dans ces moments-là que je désirais le plus ardemment repousser mes limites. Je n’eus pas le temps de voir ce sourire sur les lèvres de la Tornade que j’envoyais déjà le javelot électrique dans le ciel tandis que je tentais de me faufiler dans le dos de l’enseignante. Mon habilité au vol était encore hésitante, alors je restais près du sol pour éviter de perdre l’équilibre et rompre mon attaque. A quelques moments, je chancelai et je me rattrapai en faisant quelques pas à la course avant de reprendre mon vol. Mais l’Enseignante avait les yeux rivés sur moi, et non pas sur le javelot de foudre qui fendait l’air pour aller à sa rencontre. Et dans les paroles qu’elle prononça, sa joie était sincère quant à ma nouvelle trouvaille. Mais on pouvait entendre dans ces derniers mots poindre le retour de son aura de Professeure, donnant une nouvelle fois une leçon à son élève.

Comme quoi, elle n’avait pas usurpé sa vocation d’enseignante, car celle-ci était vite revenue à la charge. Ou peut-être ceci était devenu presque une seconde nature chez la Dame, après tant d’années à transmettre son art. Toutefois, elle sembla se rappeler un peu tard qu’il y avait un projectile fait d’une magie crépitante qui se dirigeait vers elle. Elle s’en rendit compte toutefois bien assez tôt pour transformer les flammes qu’elle avait préparé pour moi en une défense s’érigeant vers le ciel. Lorsque je claquai des doigts pour transformer ce projectile en une multitude d’autres plus petits, les flammes lumineuses se transformèrent en une nuée ombrageuse en toute hâte. Mais trop rapidement pour que cette défense soit parfaite. Certains des projectiles parvinrent à traverser la défense de la belle, l’égratinant. Mais là encore ce n’était qu’une diversion, et elle ne s’en rendit compte que trop tard qu’une lance de foudre se dirigeait dans son dos. Bien évidemment, le but n’était pas de la blesser grièvement, ainsi j’évitai tout point vital. Mais ses incroyables réflexes se montrèrent une nouvelle fois alors qu’elle créa in extremis une défense enflammée pour amortir mon attaque. Lorsque celle-ci toucha la Tornade, elle tituba un peu sous le choc avant de se retourner vers moi et de ricaner. Ses compliments s’accompagnèrent d’une brise rafraîchissante qui vint dissiper les douleurs musculaires que j’avais reçu suite à l’éclair un peu plus tôt, et j’imaginais que c’était la même chose pour la magicienne des éléments. Ces soins signaient indéniablement une pause dans notre petit affrontement, et l’intensité de l’orage dans mes yeux diminua un peu tandis que je lévitais à quelques centimètres du sol à peine.

-Malgré ma résistance, je dois avouer en effet que ce n’est pas le plus agréable de recevoir des coup de jus. Merci pour les soins par ailleurs.

Mais avec son ton habituelle de professeure, elle m’invita à embrasser pleinement cette nouvelle magie et à me familiariser avec. En la dirigeant de manière à pouvoir me mouvoir dans les airs comme je le ferais sur le sol. Mais la tâche s’avérait plus compliquée qu’il n’y paraissait. J’étais habitué à me mouvoir grâce à mes muscles. J’avais appris à marcher, à courir, et contrôler mon corps ne me demandait en réalité aucun effort, aucune pensée. Je désirais marcher, lever le bras, et mon corps m’obéissait sans que je n’ai à produire le moindre effort pour se faire. Mais voler ne faisait appel à aucun muscle, vu que je n’avais pas d’ailes. La Tornade s’était élevée à quelques mètres au-dessus du sol, me tendant la main pour que je la rejoigne, mais je ne savais pas comment faire. Je levai les mains devant moi, observant les petits arcs électriques et ma magie qui me permettait de léviter sans savoir quoi faire. Je m’étais propulsé instinctivement avec la magie, mais maintenant qu’il s’agissait de me mouvoir librement dans les airs, cela s’avérait plus compliqué que prévu.

-Ca a l’air facile, dit comme ça…

Je supposais qu’il fallait juste mettre la main sur l’astuce. Comment avait-elle dit déjà ? Me tourner avec la magie…m’élever avec elle. Au final, il ne s’agissait peut-être que de contrôler la magie qui m’entourait, ma propre magie comme je maîtrisais mes éclairs. En fermant les yeux, je me concentrai sur la magie que j’avais instinctivement invoqué pour léviter. Je la sentais autour de moi, maintenant il suffisait juste que je la dirige, que je me dirige avec. En suivant le courant de celle-ci, en prenant le contrôle de cette dernière comme je le faisais avec mes éclairs. En prenant une grande inspiration, je me lançai. Je laissai la magie me guider à travers le ciel, m’élevant timidement en tournoyant sur moi-même pour rejoindre la Tornade dans le ciel.

-J’y arrive !

J’avais l’impression d’être de retour à l’époque où j’étais un petit enfant élémentaire découvrant sa magie élémentaire. L’excitation et le sentiment de joie indescriptible que je ressentais était aussi profond et authentique qu’à cette époque-là. Mais alors que je la rejoignais, elle s’éleva encore dans le ciel, encore et toujours plus haut, m’invitant à conquérir le ciel. Et plus le temps passait, et plus je prenais de l’assurance dans mon vol. Plus je me rapprochais du ciel, et mieux je me sentais. Ce qui ne devait pas beaucoup m’étonner, étant donné que l’effet opposé se produisait lorsque je me trouvais plus profondément sous terre. Et nous montâmes encore et encore, de plus en plus haut alors que je rigolais de bon coeur en découvrant cette sensation singulière mais si plaisante de me retrouver dans le ciel. Et alors que j’avais gardé les yeux tournés vers la Dame aux cheveux d’argent, nous nous retournâmes pour contempler la vue depuis cette hauteur. Et il fallait le dire, les bâtiments, la nature et l’Université étaient tout bonnement incroyable vu du ciel…

-C’est magnifique, Professeure Storm…Si magnifique. Je pense que je pourrais profiter de cette vue toute la jou…

Et au milieu de mes derniers mots, je chutai. La vue époustouflante de la ville depuis le ciel et mon émerveillement m’avait fait commettre une erreur de débutant : perdre le contrôle sur sa magie à cause de la distraction. Et alors que je chutais je sentais le vent fouetter mon visage et mon coeur au bord des lèvres, la panique commença à étreindre mes poumons à court d’oxygène car l’air ne pénétrait plus dans ces derniers. Et merde ! Nous étions à plusieurs dizaines de mètres dans le ciel, si je n’arrivais pas à me rattraper…eh bien il n’y avait pas beaucoup d’issues possibles ! Je tentai de faire appel à ma magie, mais la panique rendait celle-ci erratique, et mon corps produisait des éclairs dans tous les sens sans ralentir ma chute. Et mon corps se rapprochait de plus en plus du sol. Une fois de plus, je m'astreins au calme, et les éclairs qui s’échappaient sporadiquement de tous les pores de ma peau finirent par se calmer tandis que je concentrais la magie autour de mon corps pour me soutenir dans les airs. A une vingtaine de mètres du sol, je finis enfin par reprendre le contrôle de mon vol et me stabilisai dans le ciel. J’y étais parvenu ! Il fallait que je m’habitue à cette sensation pour que ça devienne comme une seconde nature, comme respirer ou marcher. Je tâchai de rejoindre Neera dans le ciel et me mettre à nouveau à son niveau. Et face à ses paroles, je souris une nouvelle fois.

-Merci Professeure, je vous en suis grandement reconnaissant pour m’avoir poussé dans mes retranchements sans me ménager.

Mais lorsqu’elle me proposa avec calme et détermination de poursuivre notre affrontement dans le ciel, je sus à son ton que c’était ce qu’elle avait prévu depuis le début. La leçon n’était donc pas finie. Je ricannai et reculai de quelques mètres.

-Très bien Professeure, allons-y. Mais il risque d’être de courte durée…

Ma mana n’était pas infini, et bien qu’il me restait un peu, je n’allais pas pouvoir lancer beaucoup d’autres grosses attaques. Mes yeux s’illuminèrent à nouveau alors que je me mis en mouvement. Utilisant mes nouvelles capacités de vol, je tentai de tourner autour de Tornade en lui envoyant plusieurs petits décharges électriques. Je tentais de ne pas trop en faire pour l’instant pour m’habituer à la sensation de voler tout en utilisant la magie.

Résumé des actions:

Quand Fulgurys la remercie pour les soins reçus, Neera hoche la tête de manière imperceptible, comme pour dire que cela est naturel, puis, la jeune femme prend le temps d’observer son élève léviter au-dessus du sol. Sa démarche est hésitante et cela se remarque fort, mais il arrive déjà à se maintenir au-dessus du sol et cela démontre une certaine prouesse de sa part. La plupart sont désarçonnés après avoir débloqué une telle compétence et rejoignent tout de suite la terre ferme dès lors que leur sentiment d’insécurité prend le dessus. L’élémentaire, plus mâture, ne semble pas avoir peur de continuer à déployer sa magie, ce qui souligne sa volonté de fer. Tant qu’il lui restera une réserve de mana, il essaiera de débloquer ses pouvoirs le plus possible.

« Si tous mes élèves pouvaient être aussi persévérants, cela me ferait des vacances… »

Cela étant dit, la diviniste ne va pas y aller de main morte avec lui. Il n’est plus question de combattre, mais d’apprivoiser ses nouvelles facultés. Et pour cela, autant le faire marcher sur la corde raide afin que l’Effraie n’ait jamais peur de l’utiliser quelles que soient les missions qui lui seront assignées. Cependant, Neera se rend vite compte que son protégé ne sait pas comment la rejoindre et un sourire compréhensif apparaît sur ses traits.

- Ce n’est pas difficile quand on a découvert comment faire, l’encourage la demi-titan. Regardez le point vers lequel vous voulez vous élancer. Par exemple, regardez-moi. Puis stimulez votre mana – pas beaucoup, juste un peu pour prendre votre élan. C’est votre magie qui vous servira de jambes pour vous déplacer d’un point A à un point B. Imaginez que vous êtes une feuille, qu’elle est le vent qui vous déplace. Imaginez que vous êtes un grain de sable au fin fond de l’océan et que c’est le courant marin qui vous porte. Sentez la magie autour de vous, mais, au lieu d’en subir les caprices, comme la feuille qui est détachée de son arbre, maîtrisez-la et dirigez-la. Influez sur les courants magiques autour de vous. Si ça peut vous aider, imaginez encore un chemin devant vous qu’il vous suffit de suivre. Une fois que vous aurez compris comment faire le premier mouvement, vous vous déplacerez alors intuitivement…

Reste à savoir si Fulgurys va suivre. Mais c’est bien le cas, et le membre des forces de l’ordre pousse un cri qui arrache un sourire à Neera. Tout comme le Républicain a l’impression d’être redevenu un petit enfant, elle aussi a l’impression de voir un gamin qui déballe un cadeau. Mais ce sentiment de victoire, la jeune femme l’a également connu par le passé lorsqu’elle a réussi, il y a longtemps, à s’élever dans les airs, ou lorsqu’elle a encore réussi à débloquer une autre magie élémentaire. Exaltation, fierté, envie de dépasser ses limites : tout cela crée un nectar enivrant, et elle comprend donc les émotions qui traversent le gardien de la paix.

- Vous avez fait la plus dur étape, lui lance la Tornade. Le reste sera plus facile !

Et heureusement, l’élémentaire ne se refuse pas à conquérir les cieux. Doucement, étape par étape, il prend de l’altitude, et si sa progression est au départ hésitante, l’homme devient de plus en plus assuré après quelques minutes d’entrainement. Neera veille à être proche de lui au départ, pour lui donner de l’assurance, puis elle le précède en augmentant la distance qui les sépare. Pour sa plus grande surprise, son étudiant finit même par rire : un rire frais, simple, et franc, qui démontre sa joie de vivre.

- Je ne pensais pas que ceci vous rendrait si joyeux, lui lance-t-elle d’une voix complice. Ca fait plaisir à voir ! Vous ne me faites ni crise d’angoisse, ni crise de larmes, vous êtes motivé pour vous dépasser, vous vous lancez à l’eau même si vous ne savez pas comment vous y prendre au départ… Dites-moi, puis-je vous donner pour modèle à mes élèves ? lance la jeune femme d’une voix malicieuse.

Enfin, ils arrivent en haut, et Neera, bien sûr, ne peut s’empêcher de lui présenter Magic ainsi que la ville de Liberty qui est sous leurs pieds. C’est aussi une forme de test : est-ce qu’il saura se maintenir dans les airs, maintenant qu’il ne se concentre plus sur son ascension. Et la réponse est…

… plutôt négative, en fait.

Habituée à ce genre d’exercices, l’élémentaliste n’est qu’à demi-surprise que son compatriote chute dans la vide. Il est rare que ça n’arrive pas les premières fois – et elle dit ça en connaissance de cause, elle-même a cru se tuer la première fois que ça lui était arrivé. Enivrée par sa soif d’aller le plus haut possible, elle avait volé, volé, volé et puis… un moment d’inattention, une réflexion malheureuse, un « Je suis allée bien haut » avait mis fin à sa concentration. La seule chose, c’est qu’elle était toute seule à ce moment-là ; que Fulgurys, lui, n’avait aucune chance de mourir tant qu’elle serait là.

Déployant de manière conséquente sa magie, pour qu’elle puisse combler la distance qui la sépare progressivement de son protégé, des filaments d’eau, pareils à des serpentins, viennent s’enrouler autour de sa main pendant que l’autre extrémité se jette vers le bas, en direction du jeune homme. Mais Neera ne tarde pas à plisser les yeux. Il est en panique – ce qu’elle ne lui reproche pas – mais à cause de cela, l’Effraie crée des éclairs dans tout le sens. S’ils touchent sa corde aquatique, cela va l’électrocuter de manière assez conséquente – en l’envoyant possiblement dans les vapes – et la semi-titanide est assez maligne pour savoir que le courant remontera jusqu’à elle.

- Tant pis pour l’eau, fait-elle en faisant disparaître sa création, on va partir sur autre chose.

L’idée est de rester là encore sur un serpentin, au détail près que ce sera de l’air pur, mais la Tornade n’a pas le temps de l’attraper que, brusquement, le Républicain ne se stabilise dans les airs.

- Eh bien, voilà qui est encore mieux, murmure-t-elle pour elle-même.

La belle avait prévu de descendre un peu et de l’attraper avec sa corde démesurée ; au besoin, elle avait même imaginé créé un coussin hors-norme qui amortirait le choc de la chute, mais c’était encore mieux que Fulgurys se soit rattrapé de lui-même, finalement. A partir du moment où il avait dépassé ce stade, il aurait des réflexes suffisants pour sauver sa peau, qu’il soit à cinquante ou à cent mètres de hauteur.

- J’espère quand même que cette chute n’était pas trop éprouvante, répondit-elle avec un sourire contrit. C’est toujours un risque, que je ne vous avais pas précisé car je ne voulais pas que ça vous bloque et vous empêche de monter. Cela dit, on passe tous par là, si ça peut vous rassurer, poursuivit la professeure. Du regard, elle désigne la création enroulée autour de sa main, ainsi que le serpentin qui avait eu pour but de s’enrouler autour de la taille de l’élémentaire. Je comptais vous rattraper mais vous avez fait le travail à ma place. Vous pouvez être fier de vous, Fulgurys, tout le monde n’arrive pas à faire ce que vous avez fait en quelques heures seulement.

Ses compliments, bien que paisibles, étaient sincères, et Neera lui propose enfin de faire une petite passe d’arme dans les airs. La maîtresse des éléments peut néanmoins comprendre qu’il n’ait plus beaucoup de réserve, et elle lui propose une contrepartie.

- Nous ne ferons rien de bien méchant, mais ça vous permettra de comprendre comment voler tout en utilisant d’autres sorts.

Fulgurys obtempère et il tourne donc autour de Neera tout en lui envoyant des décharges électriques légères. Neera y répond en créant ponctuellement des petites barrières qui neutralisent ses attaques, et c’est à son tour d’invoquer ses propres pouvoirs pour lui lancer quelques projectiles enflammés. Ceux-ci ne sont guère offensifs : l’idée n’est pas de le mettre à mal, juste d’améliorer encore ses réactions.

- Créez des barrières, ne vous focalisez pas sur vos pieds ou sur l’altitude. Il faut que le vol devienne pour vous une attitude presque passive. Les prochains jours, d’ailleurs, je vous conseille de beaucoup voler pour vous habituer à l’utiliser ; jusqu’à ce que ça puisse devenir intuitif dès que vous y pensez.

Qui avait dit qu’elle ne pouvait pas donner des devoirs d’abord ? Elle n’était pas professeure pour rien, après tout !

- Le désavantage, de cette compétence, c’est que votre corps physique n’est pas mis à contribution. Le mana est énergivore, mais vous devrez quand même vous forcer à poursuivre votre entrainement physique. Pour moi, ce n’est pas important, je ne suis pas une guerrière. Mais pour vous…

Pour lui, ce serait différent, et Fulgurys comprendrait où elle veut en venir. Dans tous les cas, Neera ne fait ici rien d’extravagant, prenant soin de ne pas surmener son vis-à-vis, et elle sonne la fin de l’exercice en levant simplement une main.

- Arrêtons-nous là et revenons à terre. Ca nous permettra de faire une petite pause et de voir comment vous vous sentez. Je vous préviens, une fois au sol, vous risquez de voir un peu le monde tourner, tellement vous vous serez concentré sur le fait de voler, sourit la professeure.

Naturellement, la magicienne descend à ses côtés, juste au cas où, puis elle lui laisse un petit temps mort le temps de souffler. Neera l’observe, mais de façon bienveillante, et elle ne tarde pas à le sonder.

- Le vol, c’est une chose, et je dirais même que c’est un très bon début. Voulez-vous qu’on s’arrête là ? Ou bien pensez-vous que vous avez encore d’énergie pour dépasser vos limites ?

L’idée n’était pas de trop en faire en une journée, et un instant songeuse, l’enseignante finit par reprendre.

- La contemplation aussi, ça peut donner des idées. Et si vous restiez là pendant que j’utilisais moi-même ma magie ? Pas de façon défensive ou offensive, bien sûr. Juste pour le plaisir de faire des créations élémentaires. Ca vous permettra de réfléchir et peut-être d’avoir des idées ? Et si vous choisissiez ce que vous voudriez voir, par exemple ? L’idée lui plaît, d’être mise au défi par un de ses étudiants. Essayez de me trouver quelque chose qui pourrait me mettre au pied du mur ! le taquine-t-elle.

Dénivelées magiques

L’exercice avait parfaitement bien commencé, et comme à son habitude, la Professeure de l’Académie avait pris en main l’apprentissage de cette nouvelle capacité qui s’était débloquée au cours du combat. Voler était certes quelque chose d’assez enivrant à bien des égards, cela restait une capacité fort dangereuse, et je pouvais m’estimer heureux de me trouver en présence d’une experte en magie pleine de ressources pour m’accompagner dans cette découverte. Mi-sérieuse, mi-espiègle, elle m’invita à monter toujours plus haut, dépasser petit à petit mes limites et à explorer ce qu’il était possible de faire avec cette capacité. Un exercice qui aurait pu être dangereux si je m’étais retrouvé seul, mais sa présence était rassurante et je savais que si je venais à perdre le contrôle, elle serait là pour me rattraper. Et c’est exactement ce qui se produit quelques instants après que cette pensée m’ait traversé l’esprit. Trop émerveillé par la beauté de Liberty qui s’étendait devant mes yeux vu du ciel, j’avais perdu de vue la concentration que je devais garder sur une magie que je contrôlais à peine. Et c’est ainsi que la chute commença.

Alors que je tentais de me débattre face la panique qui commençait à pointer le bout de son nez, je vis la Tornade se ruer à ma suite pour tenter de me rattraper. Des filets d’eau commencèrent à se former autour des mains de l’experte en magie élémentaire, prête à les lancer pour me rattraper. Toutefois les éclairs de désespoir qui s’échappaient de mon corps de manière erratique dissuadèrent la Dame de poursuivre son entreprise, au risque de se faire elle-même électrocriser. Il fallait que je parvienne à me calmer pour éviter une catastrophe. Et fort heureusement, quelques instants plus tard, j’avais repris le contrôle de ma chute libre et je volais à nouveau dans le ciel sans lancer des arcs électriques partout. Après cette petite escapade dangereuse et imprévue, je revins au niveau de la Professeure avec un sourire.

]b]-C’aurait été un honneur d’être présenté en tant que modèle à vos élèves, mais après ça, je ne pense pas que ce soit toujours justifié.[/b]

Consciencieuse et prévenante, la demoiselle Storm s’approcha pour savoir comment j’allais après cette chute. A vrai dire, je n’allais pas nier la frayeur qui m’avait étreint en me sentant tomber sans arriver à reprendre le contrôle. C’était une sensation terrifiante. Mon coeur battait encore bien trop vite, même si l’épisode était fini. Mais je pris une grande inspiration et d’un hochement de tête je répondis à la Professeure.

-Plus de peur que de mal en réalité. Mais on peut dire que ça va. Je vous remercie de vous être ruée à mon secours. Malgré ma panique, je sais que je ne risquais rien avec vous à mes côtés.

En témoignaient les courants d’airs densifiés qui tournaient autour de ses mains en remplacement des filets d’eau. Comme convenu par la suite, j’acceptai la proposition de Neera de poursuivre nos échanges dans les airs pour tenter de m’habituer à la sensation de voler et de faire une autre tâche en même temps. Ma mana n’étant pas infini, j’avais décidé d’opter pour des sortes de petite envergure qui ne risquaient pas de poser une quelconque difficulté à la Dame, mais là n’était pas le but. Le maintien du vol pendant cet exercice s’avéra relativement simple. Mais lorsque ce fut à son tour de m’attaquer avec de petites sphères enflammées, mon équilibre magique s’en retrouva rapidement perturbé. Je parvins à bloquer les boules qui ne me visaient pas vraiment tout en continuant à voler, mais je “titubais” dans les airs en se faisant. Je tentais de suivre les conseils de Tornade, et de me focaliser sur ma défense plutôt que sur le vol, en tentant de le rendre aussi naturel que de marcher ou de respirer. Mais l’exercice n’était pas évident pour autant.

Comme elle le fit remarquer si bien, j’étais un guerrier, un guerrier mage certes, mais un guerrier tout de même. De ce fait, j'avais l’habitude d’utiliser mon corps et j’étais tenu de continuer à l’entretenir. Voler quant à lui ne dépendait pas du tout de mon physique mais de ma magie, et dépensait un autre type d’énergie. Il allait falloir que je m’entraîne à voler sans délaisser pour autant le reste de mon entraînement. Perché à plusieurs dizaines de mètres du sol, la Belle Dame me proposa de faire une pause de mon côté, et de l’observer utiliser sa magie. Et je n’allais pas mentir, j’avais rarement utilisé autant ma magie, couplé au fait d’apprendre une nouvelle magie sur le tas et m’y entraîner était actuellement épuisant.

-J’aurais bien relevé le défi de surpasser mes limites, mais je pense que je vais me contenter de me maintenir en l’air et vous regarder utiliser votre magie. On peut dire que j’arrive à court de jus, haha.

Pour illustrer mes propos, je fis apparaître quelques faibles étincelles entre mes doigts avant de sourire d’un air presque désolé. Toutefois, ce qu’elle me proposait était assez intéressant. La challenger sur son utilisation des éléments pendant que je regardais moi-même. La question n’était pas facile en soit, mais bien évidemment, j’étais curieux de voir quelque chose que je ne serais naturellement pas susceptible de faire moi-même. Grattant mon menton, à l’endroit où ma barbe n’apparaîtrait jamais si je devais en croire les lois de la génétique, je réfléchis à cette proposition en me demandant ce qui serait sympa à voir et à réaliser en même temps. Et une idée me vint alors en tête.

-Seriez-vous capable de créer plusieurs animaux à la fois, composés chacun de plusieurs éléments et de pouvoir les faire bouger en même temps ?

Cela demandait plusieurs capacités à utiliser simultanément. J’étais pour ma part capable de créer une forme animale à ma magie que je pouvais contrôler à ma guise. Mais jusqu’à présent je n’avais encore jamais essayé d’en créer plusieurs simultanément. Et cela représentait déjà une certaine dextérité magique, mais je pensais être capable de le faire avec un peu de concentration (et une mana bien remplie). Mais en plus de cela y mélanger plusieurs éléments ? Qu’allait-elle répondre à cela. J’avais hâte d’observer ses prouesses magiques.

Un léger rire s’échappa des lèvres de la Tornade suite au commentaire de Fulgurys. Certes, l’homme avait perdu le contrôle et n’avait donc plus été capable de voler pendant de longues secondes, mais il s’en sortait mieux que la plupart.

- Peu de mes élèves arrivent à la limite des cinquante mètres vous savez ? La plupart s’arrête à la moitié… au moins. Sinon, ils s’arrêtent avant. Ils n’ont pas confiance, même si je les accompagne et que je suis là. Bien sûr, je ne peux leur en tenir rigueur, mais c’est pour souligner à quel point vous avez été au bout de vous-même aujourd’hui, et rien que pour cela, vous pouvez être fier de vous.

La professeure hocha ensuite la tête quand son élève lui assura qu’il y avait plus de peur que de mal. Il ne semblait pas trop estomaqué, et c’était tant mieux. Peut-être qu’à cet égard, son intégration dans les forces de l’ordre lui permettait d’avoir davantage la tête froide. Quoi qu’il en soit, elle lui proposa des exercices plus simples, mais qui lui permettrait de mieux comprendre les subtilités de sa nouvelle faculté. Attaquer dans les airs lui convenait assez bien ; se défendre, en revanche, était déjà plus difficile pour l’homme de foudre. Dans l’absolu, ce n’était pas bien grave : on ne pouvait pas devenir parfait en un jour. Il faudrait que Fulgurys s’exerçât plus tard, quand il aurait le temps, sans dédaigner sa forme physique. Pour l’heure, il valait mieux s’arrêter là, ou en tout cas lui proposer une pause, pendant laquelle l’Effraie se reposerait un peu.

Et pour ça, rien de tel que lui faire voir un spectacle avec la magie de la Tornade. Elle était sans doute l’une des rares magiciennes à s’être autant diversifiée dans les éléments du Sekai : par conséquent, elle pouvait utiliser son mana de bien des façons. La seule limite, peut-être, était son imagination.

- Créer plusieurs animaux à la fois ? Hum, oui, je suppose. Cela doit être faisable. Je vais prendre de la hauteur pour faire mes créations sans entrave.

Joignant le geste à la parole, la belle aux cheveux d’argent s’éloigna un peu, mais pas trop non plus pour que Fulgurys restât dans son champ de vision. Cela permettrait par ailleurs qu’il la vît bien à l’œuvre. Mais bien qu’elle essayât de rester à proximité, pour faire ce qu’il lui avait demandé, elle devait se vider l’esprit et faire fi de sa présence. Après tout, ça ne restait pas simple d’invoquer les six éléments en même temps : concrètement, c’était énergivore et ça demandait une concentration sans faille. Sa seule chance à elle, c’est que la magie coulait naturellement dans ses veines, plus grâce aux gènes de son père que ceux de sa mère. Il était temps de voir si ses caractéristiques semi-titanides pouvait lui permettre de réaliser une prouesse magique.

Partant d’abord sur l’élément lumineux, c’est des champas qui naquirent de la main de Neera. Ces lapins à corne étaient des créatures relativement petites, elle pouvait donc les créer sans guère de difficultés, et cela pompait peu son mana, même en prenant le temps de dessiner quelques-uns de leur trait. D’un autre geste, des wyrmelins, ces créatures qu’on trouvait souvent à proximité des grands endroits magiques, vinrent se mêler aux premiers animaux pour former un joli contraste d’ombres et de lumière. Ca demandait un travail un peu plus consistant pour dessiner leurs tentacules et leurs nageoires, mais là encore, ça restait faisable. Puis vinrent les hypo, ces animaux marins qui étaient totalement inoffensifs, mais redoutablement beau par leurs couleurs chatoyantes. Faisant honneur à leur environnement naturel, Neera les modela dans un léger tourbillon d’eau, et elle s’amusa même à venir en faire virevolter un autour de Fulgurys. Puis, ce fut un renard et ses petits qu’elle éleva de terre, en maintenant naturellement toutes ses autres créations. De sa glace, elle dessina un aigle qui s’envola dans les cieux, de son feu, elle façonna encore un petit diablotin qui battait lentement des ailes. Restait encore à déployer ses deux derniers éléments, et pour cela, elle pouvait se permettre de plus grandes largesse. Un seedra d’air (bien moins longs que les originaux de trente mètres) vint serpenter ainsi soudainement sur leur terrain de jeu, et pour mettre une touche finale à ce spectacle, Neera chercha à dessiner un kirin, ces chevaux de foudre qui vivaient dans les montagnes de la République. Ce serait moins impression qu’un véritable animal de son espèce, mais celui-là, Fulgurys saurait le toucher sans problème, et c’est pourquoi elle fit avancer sa dernière création vers son compagnon du jour.

- Alors, ce ballet vous plait ?

Car on pouvait dire que c’en était vraiment un finalement, avec toutes les espèces qu’elle avait façonnée de sa main. Naturellement, ce n’était pas tant dessiner leurs silhouettes qui était difficile – cela tout le monde pouvait le faire – c’était plutôt affiner leurs traits pour que ces invocations élémentaires soient un temps soit peu réalistes.

- Sinon, je peux aussi faire ça.

Dissolvant d’un geste ses éléments qui partirent dès lors en poussière, Neera se concentra encore sur les flux de magie qui dormait en elle. Puis, elle leva les deux bras, paumes ouvertes vers le ciel.

La magie était certes limitée par nos compétences, mais elle l’était aussi par notre imagination.
Et si on brisait les barrières qu’on se mettait inconsciemment…
Alors cela pouvait donner quelque chose d’éblouissant.

La première chose que Fulgurys aperçut, ce fut des plumes de différentes couleurs. Intrigué, peut-être, par cette douce apparition, il lui suffit de lever la tête pour faire face à une scène incongrue. Au-dessus de la Tornade, six oiseaux élémentaires volaient au-dessus d’elles dans un spectacle rempli d’harmonie. Voletant en cercle, à différents niveaux, le feu, l’eau, l’air, la foudre, l’ombre et la lumière s’entremêlaient paisiblement. En l’état, ce qui avait été pénible et demandant, ce n’était pas de les contrôler, c’était plutôt de les façonner tous en même temps.

- C’est face à de telles choses que je me réjouis d’avoir choisi la magie des éléments, sourit Neera.

Enfin, elle considéra un peu plus l’élémentaire. S’était-il apaisé maintenant ?

- Avez-vous eu le temps de souffler un peu ? Et si nous en restions là pour aujourd’hui ? C’est peut-être un beau final, sourit Neera, en observant l’Effraie d’Acier.

Maintenant, peut-être qu’il découvrirait, avec un peu plus d’introspection, une autre compétence. Pour faire sa démonstration, Neera avait du canaliser beaucoup de son mana, et peut-être avait-ce attiré son attention.

Dénivelées magiques

Les compliments de la demi-titanide m’allaient droit au coeur, et je les acceptais avec un sourire et un hochement de tête, ne sachant quoi répondre d’autre. J’avais, pendant un instant, l’impression d’être retourné sur les bancs de l’Académie dans l’un de ses cours, et une sensation de nostalgie accentua encore un peu plus le sourire qui étirait mes lèvres. J’étais maintenant un adulte accompli dans son métier, et même si la présence de l’élémentaliste de renom ne m’intimidait plus autant, elle restait un personnage des plus impressionnants. Je m’étais souvent demandé l’âge et les origines de cette dernière, non seulement par rapport à sa grande maîtrise de la magie mais aussi de par l’aura qu’elle dégageait. Je n’avais toutefois jamais osé laissé cette question franchir la porte de mes lèvres, et aujourd’hui ne ferait pas exception. Elle représentait un mystère pour beaucoup d’entre nous, et c’était un mystère que je n’étais pas encore prêt à percer.

-Merci pour ces compliments, Professeure Storm, répondis-je humblement.

Quittant mes pensées nostalgiques et vagabondes, je me recentrai sur le sujet du moment : la démonstration de la Tornade. Et quoi de mieux pour tester ses capacités qu’un bestiaire de créatures faites de magie élémentaire. Une tâche qui ne laissa pas pensive la mage très longtemps. La Tornade releva le défi sans paraître le moins du monde impressionnée, et c’est avec simplicité qu’elle entama sa démonstration. Le premier élément auquel elle fit appel fut celui de la lumière, créant ces petits lapins cornus connus sous le nom de Champa. Une première apparition amusante, et qui prédisait déjà ce qui allait se passer ensuite. D’une manière assez ironique, les champas qui avaient généralement une robe plutôt sombre étaient ici faits de lumière, tandis que les wyrmelins -ces êtres mi-insectes mi-anguilles qui étaient naturellement un peu lumineux- vinrent les rejoindre drapés d’ombre. Le spectacle était déjà fort intéressant en l’état, mais ce n’était pas fini. S’en suivirent des hypos faits d’eau, naturellement, qui commencèrent à nager dans les airs comme s’ils se retrouvaient dans l’océan, avec une beauté qui semblait si naturelle. Ce n’étaient que de petits êtres magiques jusqu’à présent, mais c’était déjà une démonstration impressionnante de ses capacités élémentaires. S’en suivirent des renards de terre, des aigles de glace chatoyants, reflétant la lumière de l’astre, un seedra aérien et, pour finir, un kirin fait de foudre. Le clou du spectacle. Et contrôlant à la perfection sa création, cette dernière s’approcha de moi.

Avec un sourire absolument enchanté, je laissai mes doigts glisser sur la robe électrique de la création magique représentant un des grands symboles de cet élément. Me laissant même entraîner dans la fantaisie du moment, je suivis le kirin en volant, laissant mes doigts accroché à sa crinière magique tandis qu’il s’envolait rejoindre ses congénères. Je me mêlai brièvement à ce ballet incongru, avec un air émerveillé sur le visage, avant de m’éloigner à nouveau. Puis toutes les formes animalières différentes finirent par se dissoudre, et d’un geste la poussière de magie se rassembla sous la forme d’un cortège d’oiseaux élémentaires de toutes sortes, volant en cercle dans le ciel. Leurs plumes faites d’éléments différents traînaient jusqu’à se mêler avec l’oiseau suivant, créant un mélange tant de couleurs que d’éléments qui était absolument magnifique. Et après quelques instants ainsi, le spectacle finit par s’évanouir dans la nature. Les mots qui suivirent me firent légèrement redescendre sur terre, tout en gardant la merveille du moment intact.

-Je peux amplement comprendre ce choix. C’est une magie autant efficace que belle et pleine de possibilités. Je n’aurai pas le loisir de faire la même, mais la prochaine fois qu’on se verra je tâcherai d’avoir progressé dans le domaine de la magie. Ca ne sera sûrement pas aussi impressionnant par contre, haha.

Après cette petite démonstration, malgré mon souffle coupé devant ce spectacle, j’avais en effet pu récupérer un peu en observant ce spectacle. Pas suffisamment pour reprendre l’entraînement bien évidemment, mais suffisamment pour ne plus avoir à dissimuler des tremblements de fatigue. Qui plus est, des petits visages avaient commencé à poindre à travers les fenêtres ou au coin des bâtiments. Des visages curieux qui essayaient d’être discrets dans leurs tentatives d’observation de cette petite démonstration de la renommée Tornade. Ils avaient certainement été attirés par les éclats de magie dans la cour. Je ne pouvais pas leur en vouloir, il y a quelques années j’aurais fait la même chose si j’avais appris que Professeure Storm était en train de se battre non loin. Mais avec l’arrivée des étudiants sur la place et dans les alentours, l’un des accords que l’on s’était fixé venait d’être rompu, mettant fin dans tous les cas à cette petite joute. Avec un sourire, j’inclinai la tête face à Neera.

-En effet, je pense qu’il est bon qu’on s’arrête ici. Merci pour tout Professeure Neera, cela m’a été très instructif. Être face à une mage d’une telle envergure m’a permis d’un peu mieux comprendre l’essence, et je ne doute pas que cela me permettra de progresser par la suite. J’ai l’impression d’avoir franchi un blocage, dis-je d’une voix plus faible en regardant mes mains tournés vers le ciel, parcourues d’un léger courant électrique. Je vous dois beaucoup, encore une fois, dis-je en m’inclinant légèrement en guise de salut. A bientôt, Professeure Storm.

Et sur ces paroles, en attendant son retour, je fis mine de m’en aller. Je connaissais l’Académie suffisamment bien pour ne pas avoir besoin d’être escorté, sauf si la Tornade empruntait elle aussi le même chemin. Mais après avoir fait quelques pas, je m’arrêtai et finis par me retourner.

-Si jamais vous avez besoin d’une aide quelconque qui rentre dans le périmètre de mes compétences, je serai heureux de vous rendre ce service, dis-je avec une certaine intensité. N’hésitez surtout pas, terminai-je avec un sourire et un nouvel hochement de tête.

C’était une promesse lourde de sens, même si elle n’en mesurait peut-être pas toute l’ampleur actuellement. Mais en tant qu’Effraie, s’il y avait quelque chose que j’étais en mesure de faire pour venir en aide d’une quelconque manière à cette chère Professeure, je le ferais sans hésiter. Suite à cela, je remis en place le chapeau de riz que je portais habituellement, dissimulant mon visage aux plus curieux avant de me retourner une nouvelle fois et de m’en aller définitivement.

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