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    L'Amiral Bigorneau
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  • Lun 1 Jan - 1:10
    Les lourdes bottes de l'Amiral cognaient contre les marches tandis que tintaient ses innombrables breloques et autres accessoires inutiles. Suturée avec vaguement plus de précision que la plaie massive qui ornait l'abdomen du Limier, celle de Bigorneau semblait quant à elle avoir été recouverte de baume mais c'était néanmoins d'un pas fort claudiquant qu'il avait parcouru la distance le séparant du cerbère républicain. Son manteau n'était que posé sur ses épaules et son torse dénudé arborait l'ensemble des marques laissées par la précédente altercation. Sifflotant malgré la douleur lancinante, le pirate fou apparut donc le sourire aux lèvres, certes boitillant mais muni surtout d'une assiette de victuaille.

    "Bien l'bonjour, l'endormi. Tu n'ronfles pas des masses, madame (ou monsieur) doit être comblé."

    Il y avait dans le ton du Fléau des Océans une tranquillité imprégnée de sympathique qui ne laissait nullement présager, pour qui n'avait pas été témoin de leurs déboires communs, d'un quelconque différend entre les deux guerriers que tout opposait. L'Amiral étant tout de même lourdement amoché par la précédente altercation, il râlait gentiment à chacun de ses pas et s'attira donc la sollicitude de l'une de ses consœurs qui s'empressa, par affection pour lui, de se relever de la caisse qui lui servait d'assise afin de venir l'aider à se déplacer. Refusant amicalement d'un simple geste de sa main libre, Bigorneau se dirigea tout doucement vers le tabouret de fortune et vint s'assoir relativement près du loup. L'inspectant avec attention, Bigorneau s'assura de la survie de ce dernier et lorsqu'un léger mouvement de tête vint prouver la conscience de son vis-à-vis, le pirate hocha la tête et reprit :

    "Tu nous auras donné du fil à retordre, fiston. T'es jeune, t'es fringant, plutôt belle gueule..."

    Jeune... tout était relatif. C'était du haut de ses cinq siècles que se le permettait tout de même ce bon vieux Bigorneau. Les sirènes friponnes ricanèrent suite aux réflexions avec lesquelles elles semblaient s'accorder. Si la chose pouvait sembler flatteuse en vue des jolis minois des demoiselles, il ne fallait pas oublier néanmoins qu'elles étaient avant tout anthropophages et qu'elles ne s'intéressaient pas nécessairement aux hommes pour les mêmes raisons que le commun des mortels. Suite aux réactions de ses favorites, Bigorneau pouffa un peu à son tour puis enchaîna :

    "...Sacrément hargneux, surtout. C'est tes maîtres qui t'ont appris à mordre comme ça ? Ils ont fait du bon boulot."

    Silence. Le Limier ne se prêtait pas au jeu, de toute évidence. Était-il seulement assez éveillé pour comprendre sa situation ? Bigorneau se pencha légèrement en avant, se risquant à s'autoriser une proximité dangereuse avec son vis-à-vis, mais cette position légèrement plus avancée lui permit d'apercevoir le reflet luisant des iris de l'homme-bête. S'il était terriblement affaibli, le fauve était encore en état de grogner. Satisfait par cette perspective, l'Amiral recula sur son siège de fortune et refila l'auge à l'une de ses amies.

    "Je suis pas tout à fait sûr qu'on puisse le libérer, dans l'immédiat. Tu sais me l'nourrir, ma douce Galièdre ? Après tout ce qu'il a vécu, 'faudrait pas qu'il crève de faim, ce serait idiot."

    La concernée gloussa puis porta un regard empli de gourmandise sur l'assiette bien chaude qu'avaient préparé le cambusier pour l'occasion. Elle huma le délicat fumet qui émanait de la viande en sauce et y touilla un peu la cuillère rouillée qui s'y trouvait, avant de s'agenouiller à quelques pas du loup à peine conscient.

    "Ouvre grand et souffle, c'est très chaud !"

    L'Amiral s'amusa un peu du spectacle, puis reprit paisiblement :

    "Parle-moi de toi, Limier. Je n'parle pas au chien de garde, mais à l'homme. Qui es-tu réellement, fils ?"
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  • Lun 1 Jan - 1:56
    Journal du Limier
    Mers du sud, de retour des terres du Kaizoku
    Dans l'antre sombre et humide de la cale, le prisonnier d'Elusie, trône dans un silence éloquent, un regard farouchement haineux planté dans l'essence même de l'Amiral Bigorneau. Le pirate, dans un déhanché boitillant, s'approche, drapé de ses atours excentriques, traînant derrière lui l'odeur de la mer et des intrigues ténébreuses.

    "..."

    Immobile et silencieux, Seraphin demeurait tel une une statue antique, érodée par le temps et les tempêtes, mais jamais brisée. Son regard, tel un glaive tranchant, se détourne avec un mépris manifeste, comme si dédaigner l'Amiral était une forme d'art en soi.

    "..."

    La douleur, vive et insidieuse, tisse ses lianes autour de son être, mais à l'instar de son homologue des mers, il restait de marbre, puisant dans tout ce que pouvait offrir la résilience humaine. Et lorsque la sirène s'avance, portant à sa bouche l'offrande qui comblerait sa faim, le loup restait immobile.

    "..."

    Ce n'est que lorsque l'Amiral pris une nouvelle fois la parole qu'un sourire fin et pernicieux se dessinait sur les lèvres du Prévot.

    "Parle-moi de toi, Limier. Je n'parle pas au chien de garde, mais à l'homme. Qui es-tu réellement, fils ?"

    Et dans un mouvement brusque, déchaînant la fureur et la sauvagerie, le Cerbère d'Elusie laissa éclater son essence véritable. Laissant sa machoîre fondre sur la main tendue de la sirène avec une allure féline, ses dents, aiguisées comme des lames de rasoir, trouvèrent leur chemin dans la chair tendre de la sirène, arrachant un morceau de vie de la base de son pouce dans un acte de rébellion pure et sous le braillement éloquent de celle qui venait d'être dépossédée d'un volume de chair.

    Le sang, tel un nectar interdit, coule alors sur les lèvres du molosse tandis que ses crocs lupins stimulés pour l'occasion, tels des poignards d'ivoire, tenaient entre ses canines le doux met fraîchement arraché, le tout dessinant un tableau macabre et fascinant.

    Avec une véhémence presque théâtrale, il avala le morceau de carne, la tragédie de sa condition se dévoilant dans ce geste primal. Puis, d'une voix chargée de mépris et d'un sarcasme mordant, il répondait enfin à l'Amiral :

    "Ce n'est point la bête mais l'homme que vous désirez ?
    Malencontreusement, je n'en vois pas un seul ici."

    Ces mots, tranchants comme le vent d'hiver, sont un défi, une proclamation de son âme indomptable, une affirmation que même dans les profondeurs de l'abîme, l'esprit du loup reste souverain face aux guppies.


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  • Lun 1 Jan - 2:46


    Précisément comme un chien acculé qui ne grognait ni ne montrait les crocs et gencives avant la frappe, Séraphin ouvrit brusquement sa gueule pour se ruer en avant, mordant dans la main supposée le nourrir. La pauvre Galièdre, délestée d'une partie de sa main, allait donc sombrer dans la caricature du parfait pirate en se voyant remettre l'insigne honneur de porter un crochet prosthétique en guise de remplacement pour ses doigts fins. Sous le regard impassible de l'Amiral, la pauvre sirène se mit à se débattre en poussant un cri suraigu tandis que les grognements lupins de l'homme-bête se faisaient toujours plus monstrueux.

    Les autres demoiselles s'activèrent pour venir en aide à la blessée et l'assiette brûlante tomba inévitablement au sol mais il était déjà trop tard. La main partiellement arrachée, Galièdre se retira en pleurant comme une madeleine son membre perdu et alla se planquer dans les jupons des autres harpies qui s'empressèrent d'ausculter la plaie profonde de la pauvrette, avant d'accorder au monstre qui leur servait de Capitaine un regard interloqué. Allait-il sévir suite à cet inadmissible affront ? Loin de là, l'Amiral soupira à nouveau et prit son visage entre ses mains avec une frustration lisible, avant de jurer dans sa barbe :

    "Aïe aïe aïe. Grave erreur, louveteau."

    Galièdre, roulée en boule comme une enfant dans les bras de ses sœurs, leva ses yeux larmoyants vers l'Amiral qui se leva tout en lenteur, ce en fixant intensément le loup qui l'injuriait par sa bestiale audace. La douleur et la crainte de la sirène cédèrent leur place pour laisser la haine pure faire son entrée. D'un ton sifflant, la sirène vociféra après avoir poussé entre ses crochets de serpent un feulement félin :

    "Tuez-le, Amiral ! Tuez-le !"

    Le concerné leva l'une de ses mains d'un air impérieux, puis répondit finalement d'un ton absent :

    "Du calme, mesdames. Allez vous occuper de soigner Galièdre et laissez-moi avec lui. On va discuter."

    "Je vous ai demandé de le TUER, Amiral !"


    Dans un mouvement tout bonnement surhumain de par sa vitesse extraordinaire, ce bon vieux Bigorneau pourtant boiteux et affaibli donna à tous l'impression de s'être littéralement téléporté et il se planta juste devant la sirène apeurée, avant de hurler avec une autorité qui ne paraissait permettre aucune forme de remise en question :

    "Et MOI, je t'ai dit de déguerpir, Galièdre. HORS DE MA VUE."

    Toutes se turent, à l'exception de la blessée qui sanglotait furtivement tout en remontant l'escalier quatre à quatre. Les rayons du soleil transparaissaient par la trappe menant à la cale, trahissant ainsi le temps que Séraphin avait passé à voguer sur les flots de l'inconscience. Il était seul, loin de tout, à la merci d'un Bigorneau qui n'était pas connu pour sa clémence. Rapprochant sa chaise du Limier en la traînant bruyamment sur les planches, l'Amiral émit quelques bruits disgracieux avec sa bouche et posa son cul sur l'assise, non sans accorder un regard en coin à l'auge dont le contenu avait été déversé par terre.

    "C'est con. On s'est donné du mal pour te préparer ça. Le cuisto' va faire la gueule."

    Le loup aux babines couvertes de sang et de viande mâchouillée ne semblait pas désolé. L'Amiral effectua une moue un peu dépitée, haussa les épaules et reprit tranquillement :

    "Tu sais ce qu'il y a là-dedans, non ? Tu as dû le sentir, avec ta vilaine truffe."

    Bigorneau se pencha pour ramasser l'un des cubes de viande grise que ses hommes avait pris soin de faire bouillir, puis il pressa la chair cuite entre son pouce et son index.

    "Le cambusier est anthropophage. Cannibale, même. C'est un hybride, une sorte de homard un peu bizarre, mais mes gars l'apprécient et moi aussi. On n'refuse pas la cuisine de l'un des miens."

    Jetant ce qu'il avait récolté au sol après l'avoir un peu inspecté, il ajouta en plongeant son regard dans celui de son vis-à-vis :

    "Je voulais te faire le coup de t'offrir l'équipage de l'autre navire en guise de pitance mais à en juger par ce que tu viens de faire, c'est une limite éthique que tu as déjà franchi. C'est moins... saisissant, du coup."

    Tapotant ses genoux à plusieurs reprises, il conclut enfin :

    "Limier, hein ? J'ai même cru entendre... d'Elusie, si j'me gourre pas ? Tu coûtes cher, mais la rançon s'accompagnerait de beaucoup d'emmerdes. J'envisage actuellement de te faire disparaître en te refourguant à l'un des gars de ma flotte. Un esclavagiste, qui sait mater les gars un peu costauds comme toi. Si t'as une autre idée, lucrative pour moi et plus agréable pour toi, n'hésite pas."

    Silence, encore une fois. Cela commençait devenir agaçant.

    " 'va vraiment falloir commencer à causer, jeune. Ma patience a des limites."
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  • Lun 1 Jan - 4:19
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    Dans l'antre sombre de la cale, Seraphin gît, une ombre meurtrie et révoltée. Face aux menaces de l'ensorceleuse-à-palmes et aux palabres de son Capitaine, le Limier laisse échapper son grognement, un murmure guttural qui se mêle aux vagues lugubres, créant une symphonie macabre. La bile se mélange au sang sur sa mâchoire, formant une fresque vivante de sa rage contenue.

    L'atmosphère est saturée d'une tension palpable, exacerbée par les révélations cannibales de l'Amiral. Un dégoût viscéral étreint le Limier, ses sens éveillés par la trahison de la viande qu'il a failli ingérer. Les visages des marins, notamment celui du nain intrépide, surgissent dans son esprit, telles des apparitions spectrales, évoquant un souvenir amer.

    Confronté à l'idée naïve d'une rançon basée sur son nom, Seraphin éclate d'un rire sardonique. Son hilarité, profonde et moqueuse, résonne contre les parois humides de la cale, un écho de dérision. "Ah, l'ironie du sort... Né dans les ténèbres du Razkaal, fruit d'une criminelle, mon nom n'évoque que l'indifférence dans les cœurs de la République. Vous rêvez de richesses, mais dans ma réalité, mon existence n'est qu'un pion insignifiant. La seule personne que je peux rapprocher d'une famille ne voit en moi qu'un simple outil. Vous aurez plus de facilité à devenir Président que de gagner la moindre pièce d'or en me rançonnant." déclare-t-il, sa voix empreinte d'une amertume poignante qui laissait imaginer la dimension réelle de ses mots.

    Son rire s'éteint, remplacé par un soupir lourd, tandis qu'il fixe l'Amiral avec un regard empli de mépris. "Cependant, sachez ceci : si nul ne lèvera le petit doigt pour me sauver, les Limiers, eux, ne connaissent ni pitié ni repos, à l'heure qu'il est, l'escadron qui était censé m'accueillir avec l'elfe  vaurien se demande bien où je suis passé.... Ils traqueront l'ombre qui a osé s'attaquer à l'un des leurs, telle la fureur de l'océan déchaîné. Trouvez les plus farouches requins parmi vos paires, ils ne valent pas un sou en face des Limiers qui écumeront les mers pour mettre sur une pique la tête de celui qui a cru sage d'attaquer un représentant de la République. Cette promesse, fruit d'une réalité aussi limpide qu'implacable, je vous la fais" profère-t-il avec une assurance glaciale avant de terminer prestement sa déclaration : "Et tentez donc de mettre une laisse à un Limier, et vous comprendrez dans la douleur la différence entre un chien et un loup."

    La déclaration faite, Seraphin s'affaisse, la tête lourde, son regard toujours fixé sur l'Amiral. Capturé, torturé, ces épreuves, jadis partagées avec son oncle, sont devenues pour lui un rituel cruel, un chemin vers l'apogée de sa condition de Limier, de Prévot. Ses aspirations personnelles éclipsées, il ne voit aucune valeur dans sa propre existence, un chien de chasse perdu dans l'immensité de ses tourments. Peut-être est-ce dans cette résignation totale que réside sa quête ultime de liberté, un rêve éthéré dans l'obscurité de sa cage.


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  • Lun 1 Jan - 5:20
    Pesant le poids des mots de son interlocuteur qui crachait son venin en salve ininterrompue, Bigorneau se contentait de croiser les bras en se grattant le bout de la barbe. Il était assez générique pour un otage d'affirmer que sa vie n'avait aucune valeur lorsqu'il se trouvait face à des brigands dont les valeurs individuelles se rapprochaient encore d'un schéma éthique convenable, mais c'était un choix stratégique autrement plus pauvre en présence d'étrangers qui, de leur propre aveux, s'affirmaient adeptes du cannibalisme. Le Limier, de toute évidence, ne jouait pas cette carte une libération basée sur la morale, mais bien sur la crainte des retombées que réservaient la République aux malandrins qui avaient l'audace de s'en prendre aux représentants de l'ordre établi. Bigorneau, malheureusement pour Séraphin, avait roulé sa bosse un petit peu trop longtemps pour être impressionné par ce genre de chantage.

    "Des menaces, donc... Tactique intéressante. Joli coup."

    Lorsque l'agression verbale dont il fut victime trouva enfin sa conclusion, Bigorneau demeura muet un instant puis se redressa pour tendre sa paume ouverte en direction du plancher qui se mit à craqueler lorsque la magie de son maître se fit sentir. Les runes permettant de manier la Ginette s'activèrent les unes après les autres et dans un énième tremblement s'accompagnant des nombreux bruissements fantomatiques du bois tordu, quelques gouttes d'eau salée traversèrent les interstices des planches, entrant en apesanteur dans la pièce les unes après les autres. Au fil de longues secondes de silence, elles se démultiplièrent et vinrent progressivement former dans la main de l'Amiral une bulle d'eau conséquente qui vint croître lentement pour former au creux de sa paume une bulle aux dimensions importantes.

    Une bulle parfaitement à la taille d'une tête humaine.

    Avec vivacité, Bigorneau poussa dans un élan de sauvagerie la sphère en avant et cette dernière engloba aussitôt le visage de Séraphin, enfermant son crâne dans une prison aqueuse qui le contraignit inévitablement à retenir son souffle pour ne pas se noyer. L'Amiral s'éloigna d'un pas, empêchant ainsi le captif de jouer de ses crocs pour offrir au pirate le même traitement qu'à la pauvre Galièdre. Le forban contourna la caissette qui lui avait servi d'assise et se mit à faire les cent pas dans la pièce puis il claqua finalement des doigts, comme si une idée venait tout juste de se frayer un chemin jusqu'à sa vieille caboche, il reprit alors le fil de ses pensées oralement :

    "Il y a toutefois dans ton discours un point que je peine à comprendre... Tu dis porter le poids de ton nom mais ne bénéficier en contrepartie d'aucun des privilèges auxquels on viendrait tout naturellement l'associer. Pourquoi diantre tiens-tu tant à défendre cette fichue République qui se sert de toi sans jamais rien t'offrir en retour ? Tu donnes tout pour elle, de ton sang à tes larmes et pour gagner quoi, au final ? Une miche de pain, une médaille, une salutation d'un quelconque Sénateur grabataire ?"

    Incapable de répondre du fait de sa condition bien peu enviable, le Limier ne pouvait qu'observer au travers du voile aquatique le visage déformé de l'aliéné qui feignait de réfléchir face à lui en prenant un malin plaisir à faire languir sa proie. Une main portée contre son poitrail blessé, Bigorneau bomba le torse et ajouta ensuite :

    "Les Limiers sont coriaces, je l'admets. Tu noteras cependant que cela fait plus d'un demi-millénaire que j'arpente les océans en infligeant au premier gaillard qui s'oppose à moi un sort similaire au tien et pourtant..."

    Il tendit les bras sur les côtés, offrit à Séraphin un sourire un peu idiot puis bondit sur place pour faire claquer ses talons l'un contre l'autre, avant d'atterrir puis de conclure d'un ton moqueur :

    "...Je suis toujours là !"

    Sautillant tel un véritable bouffon jusqu'au pauvre lycanthrope qui devait désormais peiner à garder le peu d'oxygène qu'avait bien voulu lui accorder Bigorneau, le Fléau fit jouer ses doigts dans les airs comme un affreux pianiste et la bulle d'eau fut enfin décrochée de Séraphin, lui autorisant à retrouver un soupçon d'air salvateur. L'Amiral jongla par magie avec l'orbe aquatique, la faisant passer comme une balle le long de ses bras tendus sans quitter des yeux son interlocuteur.

    "Je sais bien que la torture ne fonctionne pas sur vous. Pas beaucoup, en tout cas. On vous dresse pour vous faire oublier ce que cela signifie d'être un homme. On fait de vous des armes, en anéantissant vos consciences. On te prive d'absolument tout ce qui te définit et on t'enterre dans une prison où nul ne peut te retrouver. Belle exemple de civilisation, Séraphin, je suis fichtrement cruel en comparaison !"

    Un éclat de rire aussi sadique qu'ironique lui échappa et la bulle fut projetée une seconde fois vers le Limier, l'enfermant à nouveau en un rien de temps pour le ramener à cet état de détresse instinctive dans laquelle chaque être vivant se plongeait contre son gré lorsque la respiration devenait impossible. S'approchant un peu du loup encagé, Bigorneau leva un index en l'air et lança :

    "Sache que je ne te tourmente pas pour te faire cracher quoi que ce soit ! On est pas au Razkaal, ici !"

    Sans le moindre signe annonciateur d'un assaut, il envoya subitement sa botte en avant pour écraser les orteils du lycanthrope, ce dans l'espoir de lui arracher un cri qui l'aurait forcé à s'avaler une bonne rasade d'eau salée. Le Limier, contre toute attente, tenait bon malgré la douleur. Un peu déçu, Bigorneau haussa les épaules et claqua des doigts, l'orbe maintenue en place par magie céda et perdit toute substance pour retomber à terre dans un fracas liquide, cela rendit alors son souffle à Séraphin.

    "Ca, c'était pour avoir traité Aric de vaurien et pour avoir boulotté la main de l'une de mes favorites. Elle faisait des miracles, avec ses paluches..."

    Petit silence, puis Bigorneau fit volte-face et gifla violemment le cerbère :

    "Je parle bien sûr de son habileté au sabre, andouille. T'es dégoutant."

    Enfin, Bigorneau retourna s'assoir sur cette même caissette qu'il avait quitté un peu plus tôt. Penché en avant, les coudes sur les genoux, il dévisageait le pauvre guerrier qui reprenait à peine possession de ses facultés pulmonaires.

    "Maintenant qu'on a mis tes bêtises de côté et que je t'ai bien tapé sur les doigts, on peut repartir sur des bases saines..."

    Souriant et aimable, il n'en demeurait pas moins inquiétant :

    "Si je te mets en laisse, ce n'est pas pour te garder. Il serait plutôt question de te vendre au plus offrant et quoi que tu en dises, j'obtiendrais de toi un sacré bon prix ! Si ce n'est pas via ta réputation, ce sera pour tes aptitudes et tes compétences bien particulières qu'on t'achètera. Combattant d'arène, chien de garde, mineur... Tu es un véritable homme à tout faire, avec des gros bras comme ça ! J'accepte cette idée avec joie, je te l'ai déjà dit; mais je suis convaincu mon cher Séraphin qu'on peut faire bien mieux que ça, tous les deux !"

    Se ruant en avant à la vitesse d'une murène filant pour frapper sa cible, Bigorneau perdit subitement son sourire et une grimace haineuse s'installa à la place :

    "Fais-moi une offre, Séraphin. Je l'exige. Pense à ta foutue vie et pas à tes devoirs. Tu es un HOMME, pas un Limier. Tu dois vivre pour toi, pas pour cette République de pacotille ni pour les nobliaux grassouillets qui la gouvernent ! "
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    Dans les abysses de cette cale obscure, où la pénombre dessine les contours d'un monde sans pitié, le d'Elusie, demeure impassible face à la cruauté insidieuse de l'Amiral. Chaque assaut de l'asphyxie, dont l'Amiral semblait s'être fait un art, s'abat sur lui tel un écho lointain des tortures endurées. Mais parmi les afflictions qui ont jalonné son éducation, le Limier reconnaissait que l'asphyxie se distingue par sa perfidie. Elle transcende la douleur physique habituelle des exercices de torture pour devenir un duel psychologique ; un combat silencieux entre l'instinct primaire de survie et la force de l'esprit. C'est une bataille entre l'urgence de respirer et la détermination à résister, un défi où c'est l'esprit doit triompher du corps.

    Echauffé par le coup de pompe du tortionnaire mollusque qui lui fit s'envoyer une rasade d'eau au goulot, Séraphin tente de hurler sa révolte, mais ses cris ne sont que des bulles muettes dans l'océan de sa souffrance. Il affronte, avec une résilience forgée dans les flammes de l'enfer, les questions lancinantes que lui pose l'Amiral. Des questions qu'il se pose lui-même, dans le silence de son cœur torturé.

    Lorsque la tyrannie liquide de l'Amiral se dissipe, le libéré secoue dès lors sa chevelure grise comme un animal sauvage libéré de ses chaînes, éclaboussant les ténèbres de gouttes d'eau salée. Reprenant son souffle, il plante son regard, tel un poignard, dans celui de son geôlier. Sa voix, profonde et résonnante, brise le silence : "Tu ne saisis rien, Bigorneau. Tu ignores ma réelle nature, mes véritables intention en ce monde, le feu qui consume mon âme. Mon unique allégeance est à ma soif de ruine, à mon aspiration à réduire l'ordre établi en poussière."

    Le jeune loup semblait avoir les dents longues. Avec une vérité crue et sans détour, il révélait son cœur obscur, ses ambitions de désolation qui englobaient toute forme, toute chose, toute société, bien au-delà des limites marines. "Nous nous ressemblons, toi et moi, mais ma quête à moi, ne connaît quant à elle aucune frontière. Je ne me contenterai pas des mers."

    Dans un murmure presque complotiste, il expose la réponse que l'Amiral semblait attendre : "Et si tu veux une offre, en voilà une : Dans ma vision apocalyptique, tu seras l'apothéose, le dernier chapitre de ma dévastation. Toi, Bigorneau, et ta flotte serez les derniers vestiges d'un monde que j'aurai anéanti. Voilà mon offre ultime : un rôle de choix dans la fin de toutes choses."

    Ses yeux reflètent une détermination glaciaire, le reflet d'une âme qui a longtemps fréquenté les abysses et qui, à présent, ne redoute plus la profondeur de ses propres ténèbres. C'était à se demander si ses démons, au demeurant silencieux, n'avaient pas été absorbés par leur hôte : orgueil, conspiration, faim, obsession... Il était devenu l'avatar même de leur essence, des pêchés qu'ils représentaient.

    "Dans l'océan déchaîné de notre destin, même le pirate le plus féroce ne trouve qu'un radeau de vanité sur les vagues de l'inéluctable. Lorsque le maelström de ma colère engloutira ce monde, ton trône de sel et d'écume ne sera qu'une épave oubliée dans l'abysse de mon ire."

    ... concluait-il, d'une voix inhumaine qui prenait le timbre d'un grondement guttural, profond et terrifiant, semblable au murmure d'un esprit ancien et malveillant. Dans cette maxime démoniaque, son visage restait lui impassible, mais ses yeux brillaient d'une lueur sombre et menaçante, ajoutant une dimension dénaturée à sa présence. Chaque mot était chargé d'une force et d'une intensité qui trahissaient une nature presque surnaturelle. Aujourd'hui, le titan c'était lui.

    Dans le théâtre de l'existence, même les plus grands monstres se voient offrir un rôle de choix dans l'acte final ; une apogée où la destruction devient l'ultime révélation de notre vraie nature.


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  • Lun 1 Jan - 17:42
    Le rictus malfaisant s'étirait à mesure que le loup furieux dévoilait la part d'ombre qui ternissait la médaille. Bras croisés, il se tenait droit sur son assise, ce afin de s'éviter l'infortune d'un coup de croc porté en traître par le Limier que la faim tiraillant n'affaiblirait sans doute qu'un temps. Les maigres et humides cordages constituant les liens de la bête faisaient à peine office de décorations et si Bigorneau savait pertinemment que le lycanthrope risquait de briser ces derniers au moindre coup de sang, il avait comme à son habitude un certain goût du risque couplé à une envie tout à fait idiote de voir jusqu'où pouvait aller le cerbère pour prouver que le collier de la Nation Bleue n'était pas assez serré pour étrangler son désir de liberté.

    "Bien, on avance, on avance."

    Malgré la souffrance, en dépit de toutes ses craintes et du poison insidieux que le pirate s'évertuait à faire s'écouler dans l'esprit de son vis-à-vis, le loup exténué conservait une rage de vaincre à toute épreuve. Si l'Amiral avait été un peu plus émotif, la scène ô combien théâtrale à laquelle il assistait maintenant lui aurait sans doute arraché une larmichette. Bravoure, hargne et haine de l'adversité, tant de qualités dont jouissaient d'ailleurs les plus féroces pirates. Ce petit loup avait décidément manqué sa vocation en choisissant de se contenter des maigres rations qu'acceptait de lui jeter ses maîtres en guise de tribut. Mais l'avait-il seulement effectué ce choix ? Commençait-il à révéler ses plus ardents désirs ?

    L'offre demandée par l'Amiral finit par arriver. Avec un intérêt doublement renouvelé, le pirate hochait la tête énergiquement comme pour encourager son vis-à-vis à continuer sur cette lancée qui lui plaisait au plus haut point. Fougue et panache, volonté tenace et projets plus fous encore que ceux des forbans des mers eux-mêmes, ce Séraphin était une véritable perle, née par magie au creux de l'huitre pourrie qu'était la République ! Sacrément bien tournée cette menace prophétique, en plus ! Bigorneau se dressa abruptement, repoussant dans un raclement aigu la caissette qui lui servait de fauteuil et avec une vigueur certaine, le capitaine de la Ginette se mit à applaudir la performance.

    "Bravo ! Bravo Séraphin ! Enfin, on commence à mettre le doigt sur ce que les truies bleues ont tant tenu à maquiller. L'homme, le vrai, le juste, je l'ai devant moi."

    L'Amiral ne l'aurait jamais admis de vive voix, mais il avait toutefois ressenti lorsque la voix de son interlocuteur s'était une fois encore imprégnée d'échos monstrueux une crainte instinctive qui avait participé à le pousser à se relever, ce afin de reprendre pleinement l'ascendant sur la conversation. L'espace d'un instant, il s'était vu lui-même dévoré par le violent ouragan que lui annonçait le loup enragé.

    "Alors nous en avons terminé. Je n'ai qu'une hâte, pouvoir être aux premières loges de tes machinations ainsi que de cette affaire de... maelström, d'ire et d'épave, quoi que tu entendes par là."

    Un rire narquois résonna dans la cale trempée, puis Bigorneau conclut :

    "J'écris une légende, Séraphin, et tu as dans cette histoire une place particulière. Il s'agira d'un conte extraordinaire que les marins transmettront à leurs petits bulots. A travers le temps, nous...

    "RENEGATE EN APPROCHE, AMIRAL !"

    La voix rocailleuse de l'un des marins monstrueux parvint à l'Amiral qui fit brusquement volte-face en laissant son sourire disparaître pour céder place à une expression d'angoisse. Il demeura immobile un instant puis porta avec lenteur une main à son sabre tandis que s'installait une nouvelle vague de tension. Après un court moment, sa vieille carcasse fut secouée par un énième rire et il tangua pour se retourner vers Séraphin, tout en pointant de son index la trappe menant à l'extérieur :

    "Je t'ai eu. La Renégate fait partie de ma flotte. T'as cru que la cavalerie arrivait pour toi, avoue ?"

    Il se risqua à ébouriffer les cheveux trempés d'eau salée du militaire, puis s'éloigna de lui en ajustant le col de sa veste. Portant ses doigts à sa gueule, il siffla et aussitôt, deux tritons patibulaires postés en haut descendirent les marches qui les séparaient de la pièce pendant que Bigorneau, à l'inverse, les remontait en boitillant :

    "Je reviens dans deux minutes, fils. Sois sage et ne provoque pas mes compagnons, ils n'ont pas ma gentillesse."

    Bigorneau disparut puis, au dessus de lui, Séraphin put entendre la voix étouffée par la distance de l'Amiral :

    "Saumâtre ! Comment vas-tu, mon ami ?"
    HO HO HO !
    HO HO HO !
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  • Lun 1 Jan - 19:35



    Accroché à la rambarde de la proue de son navire, Saumâtre observait l'horizon d'un air satisfait. Sentant contre lui les nombreux embruns marins qui venaient s'échouer sur sa peau écailleuse, le terrible triton laissait des soupirs de satisfaction quitter sa gueule atroce. Derrière lui, l'ensemble des Arpenteurs se démenaient pour faire avancer la Renégate à vitesse maximale. Ils avaient reçu les signaux de l'Amiral. Un symbole simple mais suffisamment fort pour que l'équipage du navire pirate fasse le nécessaire pour rejoindre le dirigeant de la flotte innommable (pas parce qu'elle était terrible, mais car ces imbéciles n'avaient toujours pas trouvé de nom). Hurlant dans son dos, ce fut finalement le marin en vigie qui tira le capitaine sanguine de ses pensées.

    - CAPITAINNNNE, GINETTE EN VUUUUEEEE
    - ENFIN! Allez les gars, on se bouge, faudrait pas faire attendre notre cher amiral!!

    Dans un cri commun, les pirates redoublèrent alors d'efforts. Les voiles furent de nouveau réorientées pour assurer une avancée des plus rapides, tandis que la barre était déplacée par Syrtes pour permettre une meilleure progression. Saumâtre le sentait, le signal de son amiral signifiait qu'un gros poisson avait été capturé. Ou qu'une bataille intense se préparait. Dans les deux cas, le triton était ravi de pouvoir y participer.

    Quelques longues minutes plus tard, alors que le soleil venait faire reluire les flaques d'eau siégeant ici et là sur le pont de la Renégate, Saumâtre terminait de replacer son tricorne alors qu'il préparait son coutelas et son arbalète de main, rangeant cette dernière dans l'étui prévu sur son épaule. La mer appelait. Bigorneau appelait. Dans tous les cas, le sel marin venait imprégner les sens du triton d'une excitation certaine. Une fois arrivé au niveau de la Ginette, la frégate de Saumâtre s'approcha doucement, faisant retentir les cloches caractéristiques d'une approche amicale. Aucun pavillon n'avait été dressé particulièrement, au cas où. Mais, aux rires des marins et aux insultes qui transvasaient de manière grivoise entre les deux équipages, il n'était pas difficile de comprendre qu'ils étaient alliés. Bientôt, une lourde planche fut placée entre les rambardes des deux ponts tandis que la Renégate terminait de relever ses voiles sombres. D'un pas assuré, Saumâtre fut le premier à emprunter la passerelle de bois ricanant aux éclats en apercevant la tête toute bleutée de Bigorneau.

    - AHYO AMIRAL! Alors, on m'a fait signe de ramener ma magnifique gueule?
    - Magnifique, magnifique, ça dépend de si t'es dans l'ombre ou pas.
    - T'es juste dégoutée que je sois plus charismatique que toi Nautalis, mais t'en fais pas, t'es belle quand même.

    Un nouveau rire s'échappant de la gueule du pirate esclavagiste tandis qu'il observe le pont et le reste du navire. S'il ne pouvait déterminer ce qu'il s'était passé exactement, le capitaine s'y connaissait suffisamment pour savoir qu'il y avait eu embrouille. Après tout, l'amiral ne l'aurait pas non plus fait venir si c'était juste pour des échanges amicaux entre lui et le reste de son équipage.

    - Alors chef, c'est quoi notre prise du jour? Une noblasse? Un marchand émérite? La mère de ces fils de pute du conseil d'Aquaria? Dites moi tout, ou mieux, montrez moi!

    Il emboita alors le pas à son supérieur, descendant avec lui doucement dans la cale du navire impitoyable. Rapidement, la luminosité présente à l'extérieur laissa place à une pénombre seulement percée par quelques fines lanternes et la lueur perçante aux travers des planches et de la grille de charge. Une à une, les marches étaient dévalées par le duo néfaste tandis que Saumâtre cessait de bouger, humectant l'air quelques instants.

    - Ca sent le chien. Le chien mouillé. Tu m'as pas chopé un hybride quand même? Ca se vend mal en ce moment.

    Puis, continuant à descendre, l'odeur de canidé se mua peu à peu en une douce odeur de sang qui étira un sourire particulièrement carnassier sur son visage aux traits monstrueux. Puis, ce sourire se mua en une grimace affreuse lorsqu'il aperçut le pauvre type attaché au fond de la cale.

    - Et beh, c'est ça qu'vous avez chopé? C'est quoi? Un elfe, un lycan, un ange? Hum. Il s'approcha doucement, accompagné par Bigorneau tout en gardant pour lui une distance respectable, se penchant juste pour voir le visage du prisonnier. Alors mon chou, on apprécie l'hospitalité de l'Amiral? Tu verras, c'est un vrai plaisir comparé à mon propre navire. Mais tu l'apprécieras, j'ai pleins d'histoires sympa à raconter. Nan j'déconne ça sera affreux. Moi c'est Saumâtre, ravi de faire ta connaissance mon grand.

    Toujours se montrer sous son meilleur jour, c'était important.
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  • Mar 2 Jan - 0:03
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    Dans cette antre puante, sombre et humide de la cale où la mort empeste aussi bien le bois dégarni que l'air pestilentiel, le ligoté et meurtri subissait le déferlement de paroles et de provocations de l'Amiral Bigorneau. L'aura menaçante de l'élémentaire, avec ses traits bestiaux et ses mouvements erratiques, amplifiait l'atmosphère oppressante de la scène.

    "..."

    Alors que le tortionnaire quittait temporairement la pièce, le Limier, dans un élan désespéré, repris sa quête de libertér. Ses yeux parcouraient fébrilement la cale à la recherche d'un objet tranchant, d'une échappatoire, mais en vain. Il aurait pu faire pousser ses griffes, mais l'espace entre ses poignes et les cordes était trop exigu pour opérer. Rien à portée donc, pas de moyen de rompre ses liens, si ce n'est la force brute. Puisant dans sa rage et sa détermination pour briser ses entraves, son sang s'échauffait et ses muscles commençaient à se contracter. Mais avant qu'il ne puisse collecter ses capacités, l'Amiral réapparut, accompagné d'un nouveau bourreau, le redoutable Saumâtre.

    "..."

    La présence intimidante du nouveau venu Capitaine avec ses traits cruels évoquant une créature des abysses, ajoutait une couche supplémentaire à l'atmosphère déjà suffocante. Le triton, incarnation vivante de l'horreur marine, se mouvait avec une aisance déconcertante, exacerbant la sensation d'oppression qui étreignait le Limier.

    "..."

    La douleur physique infligée par Bigorneau, bien qu'intense, ne pouvait égaler la souffrance psychologique que Seraphin s'appliqué lui-même, confronté à sa propre impuissance. Chaque asphyxie, chaque écrasement de pied, chaque injure, chaque traitement ne faisait que résonner dans son esprit tel un rappel brutal de sa vulnérabilité, un combat pour le maintien de sa valeur en tant qu'homme aussi primitif qu'effrayant. Car plus que son corps, c'est son honneur qu'ils souillaient de par leurs mots, leurs gestes et leur existence même. C'était bel et bien le comble pour le cerbère que de devoir subir les affronts de ses propres proies. La nécessité de se libérer n'était alors plus une question de survie, mais de préservation de son essence même : l'agresseur se devait d'être lui, personne d'autre.

    Epris de nouveau d'une furie extrême, à la limite du divin, c'est avec une force nouvelle qu'il se réappliquait à libérer ses liens, et qu'importe si ses tortionnaires étaient témoins, et c'est bien ce dernier point qui coupa net une nouvelle fois le Limier dans sa quête. Du doigt de l'Amiral, s'abattait sur le nobliau un nouveau jaillissement aqueux, celui-ci se confondant avec un véritablement geyser à l'inverse de la petite écume qui l'avait privé de vue le temps d'un instant lors du précédent baroud. C'en était trop pour la victime, son enveloppe de fierté déjà fêlée se décomposait encore plus sous le coup de telles humiliations dégradantes.

    "VOUS CRÉVEREZ !
    TOI ET BANDE DE POISSONS POURIS, JE VOUS ARRACHERAI LES TRIPES DE MES CROCS AVANT DE SÉPARER VOTRE TÊTE DE VOTRE CORPS ET DE VOUS ENCULER LA TRACHÉE !"

    Dans ce tourbillon de courroux et de désespoir, un brin de lumière ressurgit des ténèbres mêmes de son for intéieur : un murmure, celui de Phantasme qui s'exprimait pour la première fois depuis l'inconscience du loup.

    "የቹፕጎፕ ልክፏቹ, la gemme..."

    ... gémissait à grand-peine celle que peinait à refaire surface.

    Seraphin, rappelé à l'existence d'une possible issue reconnectait alors son esprit à la réalité. Il reprenait conscience de cette gemme des curiosités dissimulée dans une sous-couture de son pantalon, un artefact qui, profitant de pouvoirs aléatoires et mystérieux pouvait se révéler salvateur. Sans attendre, le d'Elusie ferma les yeux pour mobiliser sa concentration et son mana dans le caillou qu'il sentait au contact de sa peau. La gemme répondit dès lors, s'illuminant au travers du textile en lambeaux, l'enveloppant en un instant dans un toile de ténèbres.

    Ses mirettes toujours voilés, c'est sous la sensation d'un alizé lui caressant la joue qu'il reprenait contact avec le chatoiement des rayons du soleil. La gemme l'avait transportait hors de sa prison physique et le projetant au sommet du mât de vigie où il pouvait discerner en contrebas la masse de monstres marins en train de s'affairer sur la Ginette. Non loin, un second vaisseau avait fait son apparition : la "Renégate" du Capitaine Saumâtre.

    Libéré mais toujours vulnérable, c'est sans attendre d'être détecté de nouveau que son enveloppe physique se désagrégeait dans l'espace, sous l'effet du voile d'invisibilité dont il se drapa, puisant dans ses enchantements de vengeur des ombres.

    Manteau des ombres
    Invisibilité - Palier 1

    Invisible aux yeux des aigrefins des mers, Seraphin observait avec une acuité nouvelle. La situation était un échiquier complexe, chaque mouvement potentiel chargé de risques mortels. La présence de deux fois plus de scélérats ajoutait une couche de contrariété à la complexité déjà accrue de l'évasion. Usant de ses facultés furtives, le loup-perché analysait chaque détail, chaque souffle de vent, chaque vague contre la coque du navire.

    Dans ce ballet silencieux, séquestré, invisible et pourtant plus présent que jamais, il planifiait sa contre-attaque, sachant très bien qu'il ne tarderait pas à entendre les monstres en contrebas déclamer sa fraîche dérobade. Désarmé, épuisé, les enjeux étaient pourtant clairs : survie, vengeance, liberté. Dans cet univers où la mort rôdait à chaque recoin, le Limier se tenait, prêt à défier son destin de nouveau et lutter encore une fois contre les chaînes invisibles de la fatalité.

    Tumulte et trombes en haute-mer [Ouvert] - Page 2 Signas

    Utilisation de la Gemme des Curiosités :
    Résultat = 3, Vous téléporte à l'endroit de votre choix (votre personnage doit connaître ou avoir vu ce lieu) [Effet instantané]


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  • Mar 2 Jan - 1:55
    Accueillant à bras ouverts son compagnon issu des profondeurs, l'Amiral tâcha de se montrer sous son plus beau jour malgré les multiples cicatrices qui parsemaient sa vieille carcasse bleutée. La soirée n'avait pas été de tout repos, mais se retrouver face à un allié de taille emplissait Bigorneau d'une joie renouvelée après le chaos de la nuit passée. Boitant doucement jusqu'au dirigeant des Arpenteurs, l'Amiral adressa à quelques têtes connues des salutations chaleureuses et fit même à plusieurs des tritons exilés l'honneur d'offrir des franches poignées de main tout en demandant furtivement des nouvelles de leurs proches. Un peu d'humanité et de sympathie pour les siens ne faisait pas de mal, quand on préparait l'avènement d'une révolution pirate en construisant planche par planche une flotte massive. Reportant enfin son attention sur Saumâtre, l'Amiral fit non de la tête et répondit avec entrain :

    "Nan mon grand, ni aquarien ni marchand j'en ai peur. Par contre, avec ton histoire de noblasse, tu chauffes. Suis-moi."

    Faisant volte-face pour retourner à la trappe, il vint tout de même s'immobiliser sur le pont à mi-parcours et lança tant pour son équipage que pour celui de son compère :

    "Oh. Vu qu'on vient de fracasser un navire commercial, on a quelques vivres et merveilles en réserve. N'hésitez pas à vous restaurer si la pêche a été moins bonne chez vous que chez nous. Par contre..."

    Il pointa son index vers les forbans et balaya l'ensemble des ponts avec autorité :

    "...Des emmerdes sont en route, alors je vous veux tous opérationnels. Si l'un d'entre vous est trop bourré pour se battre, il mourra heureux mais mourra tout d'même. Compris ?"

    Hochements de tête et confirmations verbales. Le message était passé mais Bigorneau sentait déjà le vent qui tournait. Se trimballer un Limier dans sa cale n'était pas une aubaine mais une belle occasion de s'attirer des problèmes et l'Amiral, malgré sa folie furieuse, savait pertinemment qu'un malheur tel que lui n'arrivait jamais seul. L'idéal aurait sans doute été de se débarrasser du loup et de disparaître dans les tréfonds mais Bigorneau, trop joueur et trop cupide pour son propre bien, ne l'entendait pas de cette oreille. Ce fut donc avec joie couplée à une absence totale d'esprit d'anticipation qu'il saisit amicalement l'épaule de Saumâtre pour l'emmener avec lui à l'étage inférieur.

    Les narines de requin ne son camarade ne tardèrent pas à capter les remugles du canidé enragé qui se débattait en dessous d'eux et lorsqu'une première réflexion de la part de Saumâtre se fit entendre, Bigorneau rétorqua aussi sec :

    "Non, non, non. C'est bien un clébard, mais sa mère n'avait pas l'goût des poils drus et des truffes humides. Autrement plus précieux, autrement plus rare en mer..."

    En procédant par élimination, la vérité devenait évidente. Bigorneau croisa les bras lorsque Saumâtre fit la découverte du prisonnier et il laissa le triton ausculter le captif d'un regard curieux. Pourquoi s'évertuer à tout lui expliquer ? Son camarade était après tout un véritable expert en matière de vente de bonhommes. Les affaires, ça le connaissait. L'être né des abysses s'introduit avec dédain et moquerie, comme à son habitude, mais cela ne parut plaire qu'à moitié au loup blessé qui, comme était coutume, leur offrit le cadeau de tympans bien éprouvés et d'un égo effleuré par les injures. Retenant un éclat de rire mauvais, Bigorneau en rajouta une couche :

    "Fais gaffe, il mord en plus d'aboyer. Fort, avec ça."

    Les bras se décroisèrent et les doigts sertis de bagues dorées de l'Amiral se déposèrent sur ses hanches. S'il avait fait appel à Saumâtre, c'était avant tout par embarras. Il s'apprêta à faire part des détails techniques de cette prise extraordinaire qu'il venait de faire quand soudain, le Limier animé d'une force nouvelle se remit à s'agiter furieusement pour se détacher de ses liens. Soupirant de lassitude, Bigorneau tendit alors sa paume en direction du malheureux et l'aspergea copieusement en projetant droit sur son visage un jet d'eau salée propulsé avec une importante pression :

    "Vas-tu cesser ? Les adultes parlent, Séraphin !"

    La cascade magique vint s'interrompre finalement mais ce fut avec stupeur que Bigorneau constata que le chiot, non content d'avoir refusé de retourner à la niche, avait fait usage d'un sort d'un nouveau genre et qu'il était en train de se volatiliser sous les yeux des deux pirates incrédules, disparaissant ainsi en un éclair pour ne laisser derrière lui que les cordages ensanglantés qui avaient fait office de liens pour lui. A deux doigts de mordre dans son chapeau, l'Amiral excédé par les petits tours du captif réfractaire à l'idée de se montrer docile grogna de déplaisir puis, après avoir soufflé longuement, il laissa ses bras retomber le long de son corps et lança à Saumâtre :

    "J'en ai ma claque, Saumâtre. Il m'énerve, il m'énerve, il m'énerve. Bon, explication rapide avant qu'on parte à sa recherche : c'est un Limier qui trimballait Aric jusqu'au Razkaal. Séraphin d'Élusie, qu'il s'appelle ! Pas n'importe qui, du coup. Je suis tombé sur son navire, que j'ai bien sûr pris d'assaut. Bref, bagarre et victoire -évidemment- suite à quoi je m'dis..."

    Il claqua des doigts pour appuyer son propos, avant d'enchaîner :

    "Bigorneau, vieille carne, tu sais qui saurait quoi faire d'un foutu Limier qui grimpe aux murs et qui peut te fendre le crâne à l'arc à plus d'un demi-kilomètre ? Saumâtre, bien sûr ! Du coup ni une ni deux, on part à ta recherche. Fort heureusement, t'es dans le coin et on se rassemble. La suite, ben..."

    Nouveau regard dépité aux cordes déliées, énième soupir fatigué :

    "...ben tu viens d'en être témoin, mon vieux. Filou qu'il est, ce petit imbécile doit être en train de se planquer dans les cordages du Grand Mât, voir même de s'accrocher comme une moule à la coque de ton vaisseau ou du mien. Il est insupportable, Saumâtre. C'est bien simple, je-n'en-PEUX-PLUS. Allez on remonte, 'faut informer tout l'monde."

    S'aidant de l'épaule de son gros costaud d'allié, Bigorneau retourna à l'air libre en compagnie de son ami, avant de fureter aux quatre coins des deux ponts à la recherche du loup infiltré. Mettant une main en visière au dessus de ses yeux, il releva même la tête pour inspecter les postes de vigie mais, le soleil ne participant nullement à l'effort collectif, il peina à ajuster ses mirettes à l'éclatante lueur de l'astre qui l'aveuglait. Pestant contre lui-même, il tapa une fois du talon pour attirer l'attention de ses hommes et beugla :

    "Naufrageurs et Arpenteurs, sur l'pied de guerre ! L'invité de marque s'est téléporté soit dans le coin, soit à la flotte. On dresse un périmètre et on me le retrouve ! Tout le monde lève son cul de son tabouret, au pas d'course ! Je le veux devant moi d'ici cinq minutes, avec ou sans ses mains !"

    D'un pas décidé, il se mit lui-même à chercher le captif, sabre en main et prêt à en découdre. Ce fut alors que s'amorçait la traque du Limier qu'il aperçut au loin, tout à fait en bordure d'horizon, la silhouette de ce qui ressemblait à s'y méprendre à l'un des fameux navires de combat qu'avait évoqué plutôt le loup enragé. Un coup de longue-vue fut suffisant pour établir la véracité de l'hypothèse et, non sans maugréer dans sa barbe, Bigorneau pesta :

    "Et voilà les fameuses emmerdes qui arrivent..."

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  • Mar 2 Jan - 23:09
    « Alors ?
    - Toujours rien.
    - Pas son genre...
    - Qu'est-ce qu'on fait ? Il semblerait que ça soit vous le visage des opérations pour cette fois.
    - On attend encore un peu. Commencez à préparer un navire, armez-le, et des hommes. Ne lambinez pas sur le nombre.
    - Très bien. »

    Une formalité sans fioritures selon Kieran. Ramener le Fléau Rouge dans leurs geôles. Le Drakyn, couvert d'une cape noire partiellement déchirée recouvrant son armure anthracite abîmée par le temps et les guerres, était enraciné sur le ponton. Immobilisé comme une statue de bronze de deux mètres quarante, scrutant l'horizon patiemment, attendant que son ami revienne avec son navire. L'inquiétude commence à prendre une place conséquente dans son esprit, imaginant tout et n'importe quoi. Il sait que Seraphin n'est pas sans ressource et qu'il faut bien beaucoup pour tenter de le nuire. Mais les océans ont leurs armes, et pour avoir entendu le Titan Kaiyo de ses propres oreilles, il en a parfaitement conscience. Le soleil fait un mouvement dans le ciel, le temps s'égraine et toujours rien.

    La statue fit un mouvement, et ses pas lourds résonnent dans une direction.

    Proche d'un navire de liaison, des troupes avaient commencé à s'agglutiner, la plupart dans les préparatifs du vaisseau. Il lève une main dans la direction du Timonier qui prenait soin de lire la carte pour le saluer.

    « Vous arriverez à retrouver sa trace ?
    - Sans le moindre problème. Par ici... Et on garde le cap en prenant le large. Par là-bas. Qu'il me dit en pointant la carte avec son compas.
    - Bien, dites au second de mettre le moins de choses possibles. Le bateau doit rester léger. Et sans valeurs.
    - Où voulez-vous en venir.
    - Il y a que mon dernier passage à Kaizoku m'a vacciné sur mes interactions avec les pirates. J'en garde quand même un bon souvenir et du respect pour la plupart d'entre eux.
    - Ah, vu comme ça...
    - Préparez tout le monde, on lève l'ancre dès que le navire est prêt.
    - Une intuition ?
    - Non, de l'inquiétude. J'ai perdu trop de frères d'armes. D'ailleurs, changez le pavillon. Les couleurs d'un navire du Sekai feront largement l'affaire, dissimulez les armes sous des nappes. »

    Il avise alors le bateau en silence. Celui qu'il prend régulièrement lorsqu'il quitte la Forteresse pour ses permissions ou ses missions à l'extérieur. Le Croc. Construit à partir de bois massif par des plaques d'acier renforcé noire, le navire offre une protection robuste contre les attaques ennemies. Sa coque élégamment profilée glisse silencieusement sur les vagues. Les voiles en toile sont teintées d'une nuance sombre, parfaitement adaptée à la discrétion en haute mer. Elles sont également conçues pour capter les vents les plus légers, offrant une vitesse impressionnante. Des balistes armées de carreaux pour gros gibiers marins sont dispatchées de chaque côté, avec des munitions spécifiques. Un lance-projetile à la corde et à la proue et la poupe du navire, comprenant des munitions qu'on peut brûler à la graisse animale ou de l'huile soigneusement enfermées dans des caisses. La figure de proue représente une créature mythique des profondeurs, une anguille monstrueuse sculptée dans un bloc massif en métal renforcé. Ce machin a déjà éperonné quelques bâtiments.

    Rapide, agile, et résistant. Une belle voiture des eaux qui a servi de carrosse jusqu'à présent. Maintenant, il part en mission pour récupérer un camarade. Pas de marchandises, pas de pognons, et des vivres pour tenir l'allée retour. Lorsque les préparatifs sont prêts, le second commence à hurler des ordres, et Kieran encapuche ses cornes et ajuste ses armes. Portecendres à la taille, un bouclier au bras gauche, il avance vers la passerelle et entre dans le quartier de commandement dans lequel le Timonier ajuste les coordonnées avant le départ. L'escadron lourdement armé commence à le talonner dans un concert de bruits de pas ordonnés. Archers, Hallebardiers, Fantassins au bouclier, Artilleurs, Éclaireurs, et des Assassins spécialisés du Razkaal.

    L'océan commence à être houleux, le ciel s'obscurcit, mais la météo n'est pas une menace dans l'esprit du Drakyn. Le Croc se désamarre et commence à prendre le large.

    « Courage ou Dégage, Kieran. » Qu'il se murmure.

    Rejoignant le pont, Kieran avait retrouvé des allures Reikois plutôt que le teint habituellement placide qu'il affiche. Les traits durs, regardant les marins expérimentés à bord, ajustant constamment l'orientation des voiles pour tirer le meilleur parti des vents changeants, optimisant ainsi la vitesse du navire. Les éléments de la coque profilée réduisent également la traînée, minimisent le tangage et les roulis, permettant au navire de couper à travers les vagues avec une fluidité singulière.

    Il prend enfin de la vitesse.

    ****
    **

    Le navire continue sa progression silencieuse à travers les eaux sombres, mais une tension supplémentaire envahit l'atmosphère à mesure que l'équipage remarque les débris flottants d'un vaisseau allié détruit sur leur itinéraire. Les restes brisés de bois et de métal dérivent sur les vagues tumultueuses, témoignages muets des ravages récents. Kieran sort de ses quartiers, intrigués par les messes basses. Son regard s'agrandit lorsqu'il se perd dans l'épave pulvérisé dont les morceaux frappent contre la coque. Après une observation attentive, le Drakyn émet des ordres pour rechercher des survivants et des indices sur la cause de la catastrophe. Mais, hélas, rien.

    « Sera...
    - Navires en vue !! Crie le vigie.
    - Longue vue. Et ralentissez le navire. » Qu'il ordonne.

    Une longue vue arrive à ses mains une seconde après. À l'horizon obscur, la silhouette de deux navires émerge de la brume mystique. Les troupes d'un calme en marbre commencent à se positionner un peu partout sur le pont. De sa longue vue, Kieran avait du mal à imaginer que deux navires au loin soient une bonne rencontre. Il s'approche du Capitaine, les traits durs, mais avec une idée en tête.

    « Si vous deviez évaluer vos capacités de manœuvre ?
    - J'me débrouille, chef.
    - Vous êtes ?
    - Harvey Dutch, m'sieur. Le Croc m'appartient depuis toujours.
    - Sur la carte, il y a un récif pas très loin de notre position, foncez.
    - A vos ordres. »

    A ce moment précis, Kieran avait le sentiment d'être face au reste du monde. Seul, face à l'océan. Seul, face à l'ennemi. Le navire changement brutalement de direction, capte le vent, gonfle ses voiles et pourfend les vagues. En réduisant la distance, peut-être qu'il aurait une vue plus globales des deux bâtiments. Qui sait, peut-être que le cauchemar est moins grave qu'il y paraît.
    HO HO HO !
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    Capitaine Saumâtre
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  • Mer 3 Jan - 0:58


    Saumâtre avait tout simplement lâché un bon "quoi?" quand l'énergumène qui était attaché venait de disparaître devant lui. Un peu confus, l'esclavagiste se tourna vers Bigorneau tandis que ce dernier râlait à propos du captif. Etirant un large sourire qui dévoila un peu plus les rangées de dents de la créature maritime, le capitaine de la Renégate emboita le pas à son amiral tandis qu'ils remontaient tous les deux sur le pont de Ginette. L'ordre avait été donné, la situation était devenue aussi critique que tendue. Quelque part, le bougre qui venait de se volatiliser se terrait via on ne sait quel moyen. Mais l'amiral semblait aussi persuadé qu'il était encore là qu'il sembla accroché par quelque chose à l'horizon. Et, très vite, la vigie de la Renégate confirma les craintes du capitaine pirate.

    - NAVIRE! IL FONCE VERS NOUS!!!
    - Bah alors Amiral, on m'avait pas dit que notre captif avait des petits copains. Il se retourna et hurla à la vigie. ON A UN PAVILLON?
    - NEGATIF CHEF, SANS BANNIERE
    - Alors on les fume. Je retourne sur la Renégate Amiral, je vais aller à leur rencontre.

    Un signe de tête, puis le triton enjambe le ponton avec précipitation pour rejoindre le pont de son propre navire. L'instant d'après, la Renégate déploie ses voiles pour se dégager de l'impitoyable. Aboyant ses ordres, le cruel esclavagiste répartissait ses hommes avec férocité tandis que la cloche du navire se mettait à tinter. A ses côtés, Syrtes complémentait chacune de ses indications en s'assurant que chacun se trouvait à sa place et informait les autres marins de ce qu'ils faisaient. Se déplaçant au niveau de la barre et relevant la tête, Saumâtre hurla de nouveau à l'attention de la vigie.

    - SON CAP A NOTRE RAFIOT?
    - IL SE DETOURNE CAPITAINE, IL PREND LA TANGEANTE.
    - Oh non il l'a prend pas ce petit con. Ylsio, aligne nous s'il te plait.
    - On aura pas le vent cap'
    - On l'aura.

    S'exécutant, l'équipage manœuvra et bientôt la Renégate avait la proue dirigée vers le nouvel arrivant. Si ce dernier était bien trop loin, et prenait une direction qui ne jouait pas leur rencontre, le triton étira un nouveau sourire alors qu'il canalisait sa magie pour la relâcher d'un seul coup au niveau des voiles. Et une grande bourrasque de vent vint s'ajouter aux voiles pour les tendre soudainement, propulsant la Renégate en avant tandis qu'un vent magique la prenait en poupe.

    Bientôt, la frégate pirate avait navigué bien trop de nœuds pour permettre une fuite efficace au nouvel arrivant. Naturellement, ce dernier pouvait suivre sa course, que la Renégate commençait d'ailleurs à prendre tandis que Saumâtre forçait la direction du navire pour se mettre en parallèle des intrus. Oh, ils auraient pu appartenir à n'importe quel nation. Peut être même être des pirates. Mais... La chasse avait été lancée. Et le triton adorait cela.

    - Les Artilleurs! En place! Les autres, préparez-vous. Mais, surtout... Levez la pavillon...

    Et ainsi, l'étendard des Arpenteurs se mit à flotter dans l'air marin. Une déclaration simple. Unanime. Mais accompagné d'un drapeau de mat rouge clair. Le sang coulerait s'ils luttaient, mais il se montrerait clément s'ils se rendaient. S'approchant de la rambarde tribord, qui faisait à présent presque "face" au vaisseau adverse. Scrutant à l'aide d'une longue vue ce dernier, le triton hurla soudainement de nouveaux ordres.

    - RESTEZ PLANQUES DERRIERE LES PROTECTIONS, ILS ONT DES BALISTES. ISMAL, NOVRA, VOUS PRENEZ LES NOTRES ET VOUS ESSAYEZ DE LES EMPECHER DE TIRER!
    - RECU CAPITAINE !!!

    L'affrontement se mettant en place, tandis que les vagues venaient s'écraser lourdement sur la coque des deux navires. Syrtes s'approcha alors rapidement du triton, gesticulant des tentacules tandis qu'elle laissait échapper de sa voix râpeuse quelques mots au capitaine.

    - Je sais parfaitement vers où on va. Mais s'ils veulent prendre le risque de passer par le fond, je pense qu'on s'amusera tous.

    Un sourire carnassier qu'elle partagea, tandis qu'elle repartait vers la barre pour transmettre de nouvelles directives. Puis, lorsqu'enfin le triton estima le moment arrivé, il se tourna vers le renfoncement qui menait au pont intermédiaire.

    - Allez y.

    Dans un silence lourd, les sabords tribord s'ouvrirent tous dans un seul mouvement, révélant des bouche d'acier aussi cylindrique que menaçantes. Et le sourire de Saumâtre se mit à grandir encore plus.

    - FEU!

    Et c'est dans un grondement apocalyptique, que les canons de la Renégate se mirent à cracher leurs flammes, projetant des boulets directement en direction du navire qui avait eu l'audace de venir arrêter leur pique-nique maritime.

    La bataille ne faisait que commencer, mais déjà le triton jubilait tandis que l'odeur de la fumée venait emplir ses narines.


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  • Mer 3 Jan - 2:42
    Journal du Limier
    Mers du sud, de retour des terres du Kaizoku
    À l'aube naissante, où l'horizon se teintait d'un rose timide, Seraphin, invisible, se fondait dans l'ombre éthérée du navire pirate. Tel un spectre corbeau, il scrutait les mouvements des marins avec la motivation d'un prédateur, ses yeux de loup éclairés par l'éclat argenté de la lune déclinante. Lorsqu'un cri s'élève, tranchant le silence matinal comme un éclair dans un ciel sombre, "NAVIRE! IL FONCE VERS NOUS!!!", l'évadé tourne son regard vers l'horizon embrumé. Sa vue augmentée, d'une précision surnaturelle, capte des petits points lointains, flous, s'affairant sur un navire aux formes familières. Là, un des points plus épais que les autres, immobile, se distinguait par sa teinte sombre et bleutée, faisant l'écho d'une brise d'espoir dans l'esprit de Seraphin. Une pensée fugace, presque chuchotée, traverse alors son esprit : "Il est venu..."

    En contrebas, face à l'urgence, le Capitaine Saumâtre s'empresse vers son propre navire. Seraphin, dans un éclair d'opportunisme, stimule son sang lupin afin de revêtir sa forme lupine bipède, pour que, avec la grâce d'une ombre, il vienne lacérer des cordages de la grande voile de la Ginette, pas suffisamment pour les couper sur le moment, mais assez pour que lorsqu'une tension vienne s'appliquer, la voile lâche. Son geste, bien que rapide et silencieux, ne parviendrait certainement pas à entraver le navire comme espéré du fait de la dépendance limitée de la Ginette au vent, mais ça, il ne l'avait pas en tête à ce moment-là. Le Limier, profitant de son agilité animale décanilla sur la barre de flèche de la Ginette pour bondir sur celle du navire voisin dessinant des arabesques aériennes pour atteindre en silence l'espar Renégate, un instant avant que celle-ci ne se désolidarise du bâtiment amiral.

    A présent sur le navire en mouvement, l'alizé naissant caressait les voiles de la Ginette, courbant ses formes sous la forme d'une vague grâcieuse qui transporta ineluctablement le regard de Seraphin sur le matelos monstreux placé en vigie qui observait les mouvement du Croc au loin. Toujours indiscernable et profitant du brouha ambiant, c'est d'un plongeon que la griffe du Cerbère vint surriner la sentinelle, pris à la gorge pour bercer son trépas qu'il trouva avec un mutisme propre aux méthodes sicaires Razkaaliennes.

    "Une autre âme envoyée dans les abysses. Si seulement tu pouvais être aussi efficace dans toutes tes entreprises..."

    ... raillait Cabale qui refaisait également surface.

    "Montre-leur, Seraphin. Montre-leur la terreur que même les démons craignent. Fais couler le sang et répands la désolation, que le monde tremble devant ta furie infernale."

    ... encourageait quant à elle Phantasme, plus favorable au sort de son hôte.

    Sans pouvoir attaquer de front ses opposants des abysses, le Limier se devait jouer un jeu plus subtile, il se devait d'être un manipulateur dansant sur un échiquier de cordages et de voiles.

    Ainsi, dans la lignée des précédents, ses mouvements s’enchaînaient avec une précision chorégraphique. Comme une danse macabre, de ses serres encore sanguinolentes du liquide de vie du feu la vigie qui s'était vu dépossédé de son arbalète et munitions, le nobliau sectionne les cordages de la voile principale de la Renégate qui lui semble les plus vitales, cherchant à paralyser le navire qui avait, malheureusement, déjà parcouru une distance déplorable vers le Croc qui se faisait inéluctablement de plus en plus proche.

    Si les élancements de douleurs n'épargnaient point encore le d'Elusie, ce dernier laissait tout de même échapper un sourire furtif, trahissant son plaisir coupable d'être acteur dans ce théâtre de rouge et de bleu. Et si les marins en contrebas n'allaient certainement pas lambiner après avoir exprimé leur confusion, sentant que les fils de leur destinée sont manipulés par une main invisible, il était inenvisageable pour le forçat de rester, même invisible, sur les lieux mêmes de son méfait.

    Continuant son périple spectral, se mouvant avec la discrétion d'un fantôme, guettant chaque mouvement du Croc, il décanillait d'une nouvelle acrobatie, cette fois-ci vers le mât arrière, préférant avoir une vue d'ensemble de la situation, prêt à saisir la moindre ouverture pour renverser le cours de ce jeu périlleux.

    Tumulte et trombes en haute-mer [Ouvert] - Page 2 Signas

    Résumé  :
    - En devenant conscient de l'arrivée du Croc, Seraphin, toujours invisible, se transforme en Loup-Garou et, de ses griffes, entame deux des cordes principales de la grande voile de la Ginette, de sorte à ce que, lorsqu'une pression se fera ressentir, les cordes lâchent, et la voile avec.
    - Suivant Saumâtre, il parcourt la barre-de-flèche pour sauter sur celle de la Renégade (Agilité P1), un poil avant que cette dernière ne se désolidarise de la Ginette.
    - Avec une autre acrobatie, il rejoint la sentinelle ennemie sur la vigie pour la tuer silencieusement et récupérer son arbalète et son couteau.
    - Alors, il reprend son activité de coupage de cordes, tentant de faire lâcher la grande voile de la Renégade avant de rejoindre le mât arrière d'une nouvelle pirouette pour fuir le lieu du crime.

    Santé physique  - ▰▰▰▰▰▰ - Une blessure au bassin pansé, écorchures pansés, côtes fêlées.

    Santé mentale   - ▰▰▰▰▰▰ - Concentré.

    Pouvoirs :
    - Vue augmentée (Palier 1) active
    - Invisibilité (Palier 1) active
    - Équipement spécial - "Combinaison de Spectre" actif
    - Agilité et précision augmentée (Palier 1) *3 pour les acrobaties.
    - P1  * 13 / ∞
    - P2 * 3 / 10

    (Consommation du combat précédent divisé par 2)


    Disclaimer : Ouvert à tout dans mes RPs :
    torture, blessure, infirmité, supplice psychologique, mort etc...

    Liens :
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  • Mer 3 Jan - 3:37
    Rétractant la longue-vue télescopique dont il s'était muni, Bigorneau n'eut même pas besoin de donner des directives à l'esclavagiste en chef que déjà, ce dernier s'élançait en vociférant ses ordres. Arpenteurs et Naufrageurs se serrèrent la main avant de se quitter, sachant qu'ils se retrouveraient dans quelques instants sur un nouveau champ de bataille où ils auraient le plaisir de combattre côte à côte. Grommelant encore dans sa barbe, l'Amiral suivit du regard son jeune allié tandis que ce dernier s'éloignait et le gratifia d'une remarque avant son départ :

    "Un malheur n'arrive jamais seul, Saumâtre. Une prise d'une telle valeur ne s'obtient pas sans effort !"

    Saumâtre bondit et traversa les planches dressées entre les deux vaisseaux pirates, suivi de près par ses très nombreux hommes qui parcouraient ponts et coques avec l'aisance surhumaine propre aux créatures des tréfonds. Observant le dos de son frère d'arme qui hurlait avec ferveur en préparant l'amorce du nouvel assaut, Bigorneau laissa les siens se charger des derniers préparatifs et lorsqu'enfin les deux navires furent séparés, l'Amiral fit volte-face et empoigna la rembarde de l'escalier qui le menait à son gaillard d'arrière. Une fois à la barre, il insuffla sa magie dans le réseau runique qui parcourait la Ginette et murmura à son seul véritable amour :

    "Allez ma belle, on va faire un massacre."

    Comme si l'embarcation maudite avait compris l'ordre de son créateur, le bois qui la composait vint une fois encore se distordre dans un craquement profond et l'eau salée, tout autour du navire immense, se mit à entrer en ébullition. Amorçant son inéluctable descente, le bateau saturé par la magie de son capitaine s'enfonça lentement dans l'océan et lorsque les vaguelettes commencèrent à déborder sur le pont principal, les Naufrageurs qui cherchaient toujours activement Séraphin abandonnèrent la tâche en cours pour venir s'accrocher aux points d'attache qui leur étaient dédiés. L'un des tritons, déjà en position et paré pour l'immersion, tourna la tête et hurla à l'Amiral :

    "Et pour le loup ?"

    Bigorneau leva la tête avec une certaine nonchalance, inspectant les cordages et les voilures de son vaisseau malgré l'éclatante lumière du soleil puis, avec un joyeux sourire aux lèvres, il rétorqua d'une voix puissante :

    "S'il est encore parmi nous, il ferait mieux de se boucher le nez."

    Afin de ne pas perdre trop de terrain sur la Renégate, les pirates avaient tendus et orientés les voiles le temps des premières manœuvres mais lorsque la surface des eaux commença dangereusement à s'approcher des voilures, il fut logiquement établi qu'elles devaient être hissées de moitié. Magiques par nature, elles n'en devenaient pas transparentes pour autant et constituaient donc pour les forbans qui attaquaient depuis les abysses un obstacle réduisant le champ de vision des membres de l'équipage, chose avec laquelle ils avaient tous appris à composer au fil du temps. Les protocoles habituelles étaient déjà entamés et alors qu'un Bigorneau bien confiant se mettait à fredonner un air agréable, un brusque craquement se fit entendre à l'avant de l'embarcation, ce qui le tira aussitôt à ses rêveries.

    Blessé par une accroche qui venait de céder sous la pression, un marin hurlait à la mort en tenant sa main ensanglantée pour minimiser les dommages causés par sa plaie. Bigorneau fronça les sourcils, releva la tête vers les voilures et découvrit alors non sans frustration que Séraphin, s'il ne s'était pas manifesté avec sa verve venimeuse et coutumière, avait tout de même laissé sur son passage un cadeau de départ. Les crocs de l'Amiral se serrèrent et il frappa instinctivement sur la barre qu'il tenait puis, dans une série de claquements cinglants, d'autres cordes lâchèrent et la voile du Grand Mât s'écroula lentement. Si le commun des mortels négligeait souvent le poids et la vitesse que pouvaient prendre une immense voilure lancée à contrevent, les marins chevronnés savaient tous comme ces dernières pouvaient se faire dangereuses lorsqu'elles voletaient à l'abandon.

    Frappant contre le mat pour glisser dans les filets en un amas de toile, la voile énorme s'écrasa sur le pont en diagonale, rendant ainsi le pont difficilement praticable et empêchant surtout l'immersion complète qu'avait prévu BIgorneau. Manquant de peu de s'ouvrir le crâne en se cognant le front contre sa propre barre, l'Amiral laissa échapper un râle d'agacement puis se redressa pour beugler à ses hommes :

    "Jetez-moi ce putain de poids mort à la flotte et que ça saute ! On reste en immersion partielle tant qu'on en est pas débarrassés !"

    Interrompue dans sa progression, Ginette craquela de plus belle et le niveau de l'eau sur le pont baissa quand l'excédent traversa les planches démolies du navire. D'une impulsion mentale, Bigorneau verrouilla la direction de son embarcation et se posta sur la droite du gaillard pour observer avec attention les prémices de l'affrontement entre l'intrus et le vaisseau de son confrère pirate. Les hommes de l'Amiral s'affairaient à replier grossièrement la voilure sur elle-même mais ses dimensions couplées à l'urgence rendaient l'exercice particulièrement complexe, ralentissant donc leur progression d'une façon que l'Amiral n'avait pas anticipé.

    Un coup de tonnerre résonna alors au loin. Bigorneau ne comprit pas immédiatement ce dont il venait d'être témoin et lorsqu'il se pencha un peu plus contre la rembarde, il plissa les yeux pour détailler ce qui ressemblait à s'y méprendre à un nuage de fumée. La détonation monstrueuse fut suivie par une autre, puis une autre et lorsque l'orage devint symphonie, l'Amiral comprit enfin ce qui se tramait au large :

    "Des canons, Saumâtre ? Petite enflure écailleuse... où es-tu allé chiper ça ?"

    Un sourire béat aux lèvres, Bigorneau pivota lorsque l'un de ses gars l'approcha pour le tenir au courant de l'avancée des manœuvres.

    "Amiral ! Le pont est propre, on peut repartir vers le bas."

    A nouveau sérieux et en pleine possession de ses moyens, Bigorneau hocha la tête en guise de confirmation et décrivit du poignet un moulinet, pour ensuite retourner à la barre non sans empressement :

    "Retour à vos postes... On plonge. Comme d'habitude quand on bosse avec la Renégate, les scores seront donnés à la fin du combat. L'équipage qui fait le moins gros carnage paye le coup à l'autre ! A l'attaque, messieurs dames !"

    Un hurlement rageur se fit entendre aux quatre coins du pont et Bigorneau, une seconde fois, amorça la descente. Bien vite, seuls les trois mâts dépassèrent des flots ensauvagés comme trois sinistres ailerons de requin. Les Limiers n'auraient pas la moindre idée de ce qui s'apprêtait à les frapper.

    A cette pensée, le Fléau des Océans jubila intérieurement.

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  • Mar 9 Jan - 13:54
    En avant, toute.

    Enfin, peut-être pas tout à fait.

    « Ils foncent droit sur nous, Capitaine !! » crie le vigie.

    Il ne faudra pas longtemps au Drakyn, ni même d'utiliser sa vue développée pour apercevoir qu'un des deux navires hisse ses voiles dans sa direction. Si la suspicion était d'abord une première approche pacifique, les hurlements pirates et les ordres crachés à ses boucaniers écartent tout de suite l'hypothèse. L'apparition du pavillon vient clouer leurs espoirs. Le Capitaine du Croc lance également des ordres, et tous les matelots se mettent au turbin afin d'ajuster les voiles pour prendre de la vitesse. Rapidement, Kieran se rapproche de ses hommes limiers. Le regard dur, et la pensée vers son ami. Pour lui, il était probablement mort, en tout cas disparu, et cette simple donnée lui suffisait pour passer à la vitesse supérieure.

    « Messieurs, aujourd'hui vous incarnez le courroux du Razkaal, honorez-le. »

    Pas de rugissements, pas de hurlement de motivation, seulement des regards obscurs mêlant prédation et témérité, et un hochement de tête qui répond positivement. Rapidement, les nappes sont levées, et les balistes dévoilées. Les lance-boulets à l'avant et à l'arrière du navire commencent déjà à tendre leur corde comme de géants lance-pierres. Le vigie hurle vers le pont.

    « ILS ARRIVENT BIENTÔT À PORTÉE DE TIR !!
    - Que faisons-nous, Limier ?! Rugit le capitaine, tenant la barre en gardant un regard vers le récif.
    - Ils s'alignent vers nous, on va devoir les recevoir.
    - Bien reçu... »

    Un grand coup de gouvernail, le navire se redresse. Faisant tomber sa cape, Kieran met en exergue tout ce que la puissance d'un Drakyn Reikois peut dégager au premier regard. Dégainant Portecendres et commençant à poster ses hommes proches des balistes, en binôme, des archers à l'arrière pour garder une constante sur les tirs. Les boulets en terre cuite sont désormais imbibés d'huile avant d'être allumés et orientés vers le navire ennemi. Mais le bruit de multiples portillons dégueulant des énormes tubes en acier vient alerter le Limier.

    « DES CANONS, À TERRE !!! »

    La salve sonne comme le fracas de plusieurs coups de tonnerre frappant un même arbre. À plat ventre, Kieran peut également entendre les infinités de fractures du bois, la coque de bordée entièrement bombardée par des impitoyables boulets brûlants par la détonation. Pas le temps de s'arrêter sur d'éventuels blessés, le Capitaine hurlant sur des hommes procédant directement à des réparations de fortune pour maintenir le Croc à flot ; d'immenses trous béants faisant déjà entrer une grande quantité d'eau à l'intérieur. Se relevant rapidement, impassible à la situation, il s'approche de l'avant du bateau avant de cracher un flux de flammes sur le projectile, avant de retendre la corde dans leur direction. Calibrant le lancé, il observe sur le pont que beaucoup de ses camarades ont essuyé des tirs... Et qu'ils ne reverront plus le ponton du Razkaal. Les rescapés, sur leur baliste, dont quelques-unes sont désormais hors service, tendent leurs immenses carreaux.

    « TIREZ ! » qu'il rugit, le torse gonflé.

    Les archers derrière, une véritable pluie de traits mortels fend le ciel avant de retomber à toute vitesse sur la mâture, les voiles et le pont, tandis que les carreaux des balistes tirent tout droit sur la coque bordée. Puis, le boulet en terre cuite, embrasé d'une flamme ardente trace un odieux arc de cercle dans les airs, suivi d'un deuxième depuis l'autre arme, avant de tomber lourdement sur le pont dans une large déflagration. Le Croc, dans leur enfer, impossible de prendre connaissance du second navire qui embrasse les fonds marins pour mieux frapper.

    Kieran avait conscience d'un sérieux problème : s'ils réduisent la distance, la portée des canons sera plus puissante et les dégâts encore plus grands. Fuir, c'est leur tourner le dos et s'offrir un châtiment d'autant plus douloureux.

    Que vont-ils devenir ? Le Dragon de la Forteresse n'a en tout cas pas encore dit son dernier mot.

    Le Croc, sur le point de se faire croquer.
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