Après un long périple en mer, avec de nombreux butins volés, il arrivait à l’équipage de rentrer au port, et de dépenser l’argent qu’ils avaient durement gagné. Poser un premier pied sur le quai faisait toujours une drôle de sensation, car l’esprit tanguait toujours tandis que le monde restait parfaitement stable sous les pieds de chacun. Ils s’étaient arrêtés à Mael, une ville en territoire Reikoise, ville détruite par les titans, qui gardait encore de fortes tensions. Les pirates avaient laissé le bateau à quai, après l’avoir délicieusement camouflé de sorte d’aucun pourrait penser qu’il s’agissait bel et bien de pirates. Si on leur demandait, ils étaient marchands itinérants. L’équipage n’avait absolument aucun ordre de rester ensemble, la seule chose était qu’il fallait que chacun soit de retour le lendemain à midi, et si possible de ne pas vomir sur le pont du bateau à cause d’une nuit un peu trop arrosé la veille. Kirig lui, en bon Capitaine, les avait salués brièvement avant de prendre son chemin dans les rues de Mael. Les rues avaient été défigurés, mais certains points intéressants existaient toujours. Par exemple, les tavernes.

Ne les connaissant pas bien, après tout ils venaient très rarement ici, Kirig en prit une au hasard et prit une bouffée d’air remplie d’alcool. Parfois, le drakyn était particulièrement tenté de prendre ce type de poison, mais l’idée de perdre Vann dans un moment de détresse lui coupait toute envie. Le Capitaine s’installa sur une table, et observa le reste de la salle, commandant un lait de chèvre et un repas complet, faisant sonner les pièces d’or. Il était facile, pour ceux qui étaient du métier, de savoir que Kirig n'était pas un citoyen semblable aux autres, même quand il cachait ses attributs drakyns comme il avait fait là. L’humeur générale positive le contamina très vite, et une fois sa boisson et sa nourriture à portée de main, il se fit plaisir. La solitude aussi lui avait particulièrement manqué. Kirig n’avait rien contre le fait d’être constamment auprès de son équipage en mer, mais une fois sur la terre ferme, il désirait ardemment un peu de solitude. Du moins, autant qu’il pouvait l’être avec Vann.

Sur une autre table, le Capitaine aperçu une partie de cartes, qui a vu de nez ressemblait à une escroquerie. Kirig connaissait bien la routine, il suffisait d’avoir un complice, de le faire gagner quelques fois, cédant quelques pièces d’or. Après cela, un étranger un peu trop innocent finissait par intégrer la partie, et se faisait dépouiller jusqu’au moindre sous. C’était particulièrement efficace contre les nobles qui n’avaient pas l’habitude d’être noble. Ils manquaient parfois de manière et surtout s’abaissait à jouer à des jeux avec les paysans dans l’espoir de gagner. Kirig préférait la piraterie à ces petites entourloupes de loin, mais voir les visages déconfis des escroqués lui ramenait toujours un petit sourire aux lèvres. Les idiots. C’était un petit spectacle qui s’offrait devant lui alors qu’il mangeait et buvait, se remplissant le ventre comme jamais, se délectant des mets de la terre ferme.

Après quelques heures cependant, la mer lui manquait. Kirig avait tendance à s’ennuyer un peu trop sur la terre ferme, quand les vents et les marées ne dictaient pas sa journée. Le personnel débarrassa sa table, et il entendit brièvement les cris de déception de la victime des escroqueries. Il sortit une carte lourdement annotée de petits points pour décrire quelques îles non marquées, et commença à réfléchir à la prochaine route qu’il prendrait.

Sa concentration et ses pensées furent seulement interrompus lorsqu’une des victimes d’escroquerie sorti une dague pour la planter dans une carte. Oui, c’était un moment qui arrivait très souvent à Kirig aussi : la victime se rebellait en voyant qu’elle avait été finalement manipulée, et essayait de régler cela à la dure. Les bagarres de taverne commençaient très souvent à ce moment-là, et avec une trentaine de personnes éméchées, dégénéraient tout le temps. Kirig rangea sa carte, attendant patiemment que la seconde partie du spectacle commence. Le premier coup de poing envoya valser un des hommes contre le mur, puis le complice asséna un coup à la victime, et voilà que d’autres commençaient à les rejoindre. Ce fut tellement prévisible que le Capitaine éclata de rire, amusé par le comportement général des citoyens de la terre ferme, avec leurs subtilités rekoises et shoumeïennes. Cela ne sembla pas plaire à l’un des autres clients de la taverne, qui ne manqua pas de le menacer du bout d’une dague.

Un tantinet surpris, quoi que toujours amusé, le drakyn haussa un sourcil, avant de donner un bon coup de pied sur les parties génitales de son agresseur, tombant en arrière. Se sachant dans la bataille quoi qu’il en décidât à présent, Kirig sortit son sabre et mis un coup de pied dans un tabouret pour freiner la course d’un nouvel agresseur. Il renversa sa table pour écraser le pied d’un autre, puis donna un coup de pommeau dans la figure d’un dernier. Cependant, le Capitaine ne vit pas arriver un autre agresseur qui avait profité de l’agitation pour se glisser près de lui, et tenter de lui assener un coup de dague dans les côtes… CENDRES

Les hommes en état d’ébriété tombaient dans une sorte de comportement animal primaire, ils devenaient parfaitement honnêtes sur leurs désirs et leurs aspirations : se défouler, lâcher cette rage qui les maintenait au corps, à cause de leur vie pathétique et vide. Kirig n’avait pas besoin de boire pour être franc. Son existence, et sa place en ce monde, ses désirs, il les voyait bien sans avoir à consommer un quelconque poison. Lorsque l’ivrogne curieusement rapide malgré son état, lui asséna un coup au niveau des côtes, il serra les dents, pendant devoir sentir le tranchant mordant de la lame, puisqu’il n’avait pas le temps se parer cette attaque. Un éclair rouge lui sauva cependant d’une blessure agaçante, les cheveux rouges dansant comme un diable pour se débarrasser de la nuisance. Kirig n’eut pas le temps d’en voir plus, un autre homme décida de tenter sa chance, mais cette fois le drakyn profita de son élan pour le pousser sur le côté, le faisant valdinguer et s’écraser sur une table plus loin.

A sa gauche, il manqua de peu un autre ivrogne chargeant avec une chope de bière au-dessus de sa tête. Il ne finit cependant pas sa course. Stoppé dans son élan tandis quand son corps se changea en pierre, son visage n’offrait plus qu’une grimace horrifiée. Le jeu devenait plus sérieux d’un coup, car Kirig n’avait plus l’impression d’être la personne la plus puissante de la pièce, la sensation de perte de contrôle lui fit grincer des dents. Un autre subit le même sort, et ce fut assez pour que les ennemis restants prennent leurs distances. Ce pouvoir ne venait pas de Kirig, bien qu’on aurait pu aisément le lui attribuer de part les rumeurs générales courant à propos du Démon des Mers. Mais le démon n’était pas lui à ce moment-là, c’était la plus petite forme dans son dos, riant et faisant virevolter ses éventails, heureux du désordre qu’elle avait causé. Elle avait fait cracher le sang de ceux qui s’étaient approchés un peu trop près, et avait sauvée Kirig d’une blessure ennuyeuse. La tension restait incroyablement haute pour une taverne du quartier, alors que les autres clients en état d’ébriété ne savaient plus vraiment si leur petite bagarre de taverne ne se transformerait pas en mort certaine s’ils tentaient d’attaquer le curieux duo.

Puisque plus personne ne semblait oser les attaquer, Kirig pensa qu’il était préférable de partir avant que la garde n’arrive. Si personne ne les avait appelés, le raffut avait très certainement attiré leur attention. Il jeta un regard vers la forme, les cheveux en tresse tombant sur son dos, ondulant comme un océan de sang, semblant bien entretenus. Elle ne venait pas de cette partie de la ville, c’était certain, le duo en général semblait particulièrement sortir du lot, pour des raisons différentes. « Assez traîné, partons. » Dit-il. Le drakyn saisit la forme par le bras, et, gardant le reste de la taverne dans son regard il ne manqua pas de voler une bourse de pièces d’or à un homme inconscient. Il se précipita vers la porte de sortie. Il prit sa route jusqu’à une ruelle plus sombre, jetant un œil pour apercevoir quelques gardes. Après quelques minutes de marche rapide, se faufilant dans les rues, il s’arrêta enfin. Kirig tendit l’oreille afin de ne pas être pris au dépourvu si quelqu’un avait décidé de prendre une petite revanche, mais son regard se tourna vers la forme responsable sans aucun doute de l’annihilation les ivrognes. Elle les avait écrasés comme des cafards, s’en était amusée aussi. Une créature à ne pas sous-estimer. Vann semblait particulièrement suspicieux, et pour cause, un changement d’humeur et la forme pouvait très probablement le tuer aussi.

« Joli tour à la taverne… » Commença-t-il, passant une main dans ses propres cheveux pour les réordonner. L’air plus frais de la ville changeait de l’odeur de l’alcool séché sur les tables. « Moi qui avais voulu faire profil bas pour une nuit tranquille, me voilà bien embêté. » Continua-t-il, son ton de voix se lamentant faussement, un sourire en coin sur son visage. « Tu connais un coin sympa pour passer la nuit ? Tu me dois bien ça, non ? En plus, j’ai de quoi payer. » Il secoua la bourse volée. Bien sûr, dans le pire des cas, Kirig pouvait rentrer au bateau et dormir là-bas, mais dormir sur la terre ferme était particulièrement agréable après si longtemps dans la mer. Tu joues avec le feu. Mais le drakyn voulait jouer avec la chevelure écarlate, encore plus s’il y avait un danger à en crever. C’était sa nature de pirate, probablement. CENDRES

On ne pouvait pas dire que la prise avait plût au complice de Kirig. Se dressant de tout son long comme un paon à qui on aurait ébouriffé les plumes, il était difficile de croire que ce fut la même personne prenant plaisir à transformer autrui en pierre, se battant avec férocité et une admirable cruauté. En y repensant, le drakyn se rappela avoir pris quelques coups d’éventails lors de leur fuite, mais rien de bien méchant, quelques bleus tout au plus. Il ne sentait pas encore la moindre douleur, l’adrénaline anesthésiant son corps et gardant ses sens parfaitement éveillés. Le regard noir de la forme le fixait comme si elle allait le tuer, mais aucune action ne fut entreprise. Au lieu de cela, le paon sortit son arme la plus tranchante à cet instant : les mots. Kirig n’avait pas l’habitude d’un discours aussi soutenu, il devait avouer. Les nobles qui conversaient généralement avec lui le faisaient par l’intermédiaires de sous-fifres, ou, ayant conscience du manque de patience pour les jolis mots, tout en sous-estimant l’intelligence des pirates pour ceux plus compliqués, adaptaient leur langage. Il n’y avait rien de tout cela chez le paon, et c’était assez attirant si Kirig se devait être parfaitement honnête.

La chevelure rouge cruelle n’avait qu’une envie : remettre à sa place le pirate qui avait osé mettre sa main poisseuse sur son poignet délicat alors qu’il avait été sauvé. Le paon restait fier malgré le fait d’être plus petit et plus faible physiquement que le drakyn. Pendant quelques secondes, Kirig entretint l’idée de le plaquer contre le mur pour lui faire une démonstration de force, ce qui lui aurait très certainement arraché un petit cri de surprise, mais il se résigna. Ce qui l’intéressait à ce moment précis, c’était de pouvoir trouver un endroit sympathique pour passer la nuit, avec ou sans sa compagnie, et surtout d’en apprendre plus. Ce genre de pouvoir ne courrait pas non plus les rues, et s’il était possible de l’avoir comme allié, ou à défaut, de le trahir pour le tuer sans qu’il ne s’en aperçoive avant que cela soit trop tard… Cela valait la peine de lui faire un peu de lèche. Kirig recula alors un peu, avant de courber son dos très légèrement. Il adapta son langage à la personne à qui il parlait, non sans sentir un peu de bile monter dans sa gorge. « Pardonnez-moi, j’aurai dû me douter que la douceur de votre peau mettait en valeur vos origines nobles. »

Ces mascarades lui donnaient des envies de meurtre. Mais ce n’était pas un animal, il était capable de se contenir un peu, non ? Peut-être lâcher les politesses un peu plus tard… Sa voix était ferme mais docile, se redressant, avant de jeter un regard autour. « Merci de m’avoir sauvé d’une blessure certaine. Je ferais de mon mieux pour vous repayer cette aide, mais je me vois dans une situation épineuse, étant donné que nous sommes très certainement pourchassés par la garde. Cette assistance nous serait profitable à tous les deux. » C’était en vérité à cause du zèle de son interlocuteur qu’ils s’étaient retrouvés dans cette situation. Sans pétrification, cela aurait certainement fini comme n’importe quel combat de bar, avec des gens assommés, des alcooliques, et aucun souvenir le lendemain. Mais cela, Kirig le garda pour lui. Il entendit des bruits de pas faire écho quelques rues plus tard, et fixa le paon pour une réponse.
CENDRES

Apparemment la situation n’avait pas l’air d’angoisser son interlocuteur, et de même, il ne semblait pas réellement ennuyé par le traitement que lui avait réservé Kirig. Son petit rire gracieux fit éruption, le paon lui expliquant qu’il n’était pas du tout noble, et qu’il n’avait simplement pas aimé être traité tel un bagage. Bien sûr, le drakyn traitait ses bagages beaucoup plus durement, mais il n’en dit rien. Kirig doutait largement de ses mots, car si lui-même ne parlait pas totalement comme un grouillot de la taverne, il restait dans ce qu’on appelait les basses classes. Clairement, l’autre avait reçu une éducation digne de ce nom quelque part qui n’était pas sur un bateau pirate après avoir été vendu comme esclave. Mais ce n’était pas le moment de penser à ça, car les pas avançaient vite vers leur rue, et Kirig n’avait aucune intention de rester ici. C’était particulièrement dangereux. Tout ce qu’il voulait, c’était faire profil bas pour une soirée – légitime défense exclue – les semaines en mer tirant sur ses muscles, et ses jambes ne répondant pas tout à fait encore au sol qui ne tanguait plus. Le Capitaine aurait peut-être pu en vouloir à la chevelure rouge de lui avoir volé cette possibilité, mais ce n’était pas vraiment le cas.  Cependant il fallait à présent partir, Kirig n’ayant aucune envie de passer sa soirée à se faire courser par la garde.

Avant qu’il ne puisse faire la moindre action pour fuir les pas, une main délicate se referma sur son poignet. Kirig eut l’impression pendant quelques instants de se retrouver dans une violente tempête en pleine mer, tandis que sa vue se brouillait de couleurs incompréhensibles. Son premier réflexe fut de s’accrocher à la première chose qu’il trouva sans lâcher sa bourse. Il agrippa un fauteuil particulièrement luxueux, tandis que ses jambes se dérobaient sous lui, ne sachant plus si elles se trouvaient en mer ou sur la terre. Son estomac lui fit remonter la bile acide brûlante dans la gorge, qu’il ravala autant qu’il pu pour ne pas vomir par terre devant le paon. Après s’être remis du voyage, Kirig lança un regard au mage qui s’élançait derrière un paravent, un kimono d’intérieur prêt à être porté. Le paon demanda la bourse du pirate, et il ne put s’empêcher de ricaner. Les richous avaient beau être riches, ils restaient aussi pingres que le malfrat de base. Cependant, le troc était très intéressant : un lit confortable, une chambre luxueuse, et une forme particulièrement attirante derrière le paravent. Inaccessible au premier abord peut-être, mais Kirig aimait un challenge. Si tenté que ce ne fut pas un piège, le fait d’être dans sa demeure était un signe qu’ils allaient dans une délicieuse direction.

Se redressant, le drakyn déposa les pièces d’or sur la table du paon, prenant bien soin d’en conserver quelques-unes dans sa poche, écoutant le reste de ses instructions. Un sourire jouant sur ses lèvres alors qu’il observait l’ombre derrière le paravent à nouveau, Kirig commença à défaire ses habits. D’abord il fit tomber son arme dans un bruit sourd, puis défit son haut, laissant tous ses vêtements sur le sol nonchalamment. Bien que pratique pour le voyage en mer, il était sans surprise que le tissu et le cuir avait passé trop longtemps sur son corps au soleil pour sentir bon, même si lui y était tout à fait habitué. C’était comme cela que les hommes comme lui sentaient, et le pirate n’avait aucune honte face à ce fait, mais cette odeur était très certainement difficile pour quelqu’un qui avait grandi dans le luxe. Une petite manie de noble, de se doucher tous les jours pour sentir bon, une perte de temps pour quelqu’un qui n’avait ni argent ni société à lécher. Enfin, Kirig joua le jeu, même s’il ne put s’empêcher d’y mettre un peu de piquant. « D’habitude, quand je me déshabille, je connais déjà le nom de la personne qui me voit à poil. »

Kirig défit ses cheveux, nattes incluses, les laissant tomber devant ses yeux avant de les reprendre dans ses mains pour les passer derrière ses cornes. Les nattes avaient donné un aspect ondulé à certaines parties de sa chevelure, le tout était globalement très emmêlé. Ils étaient évidemment sales comme le paon avait dit, et se serait mentir que de dire qu’il ne rêvait pas d’entrer dans la baignoire pour tremper un peu dans l’eau douce. Ses mains finirent enfin par s’occuper de son pantalon, le laissant tomber par terre après avoir défait sa ceinture, et se délestant finalement de son sous-vêtement. Nu, il ne put s’empêcher de sentir ce sentiment d’envie au creux de ses reins, son sang irrigant quelque peu la partie inférieure de son corps, l’imagination de la suite si alléchante qu’il s’en humectait les lèvres. « Et ensuite ? » L’eau de la baignoire lui offrait aussi un moyen de se défendre au cas où, tout en gardant son hôte dans l’ignorance de ses capacités de combat. CENDRES

Au moment où Kirig énonça ses mots, la figure apparue depuis le paravent, dans un peignoir couleur jais parsemé de magnifiques motifs argentés. Le vêtement mettait en valeur sa silhouette fine, de longues jambes, des fesses rondes qui tiendraient entre ses mains, et une peau contrastant délicieusement avec l’obscurité du kimono. Son chignon improvisé laissait sa nuque exposée, un endroit si fragile qui donnait envie de le dévorer. Bien sûr, le désir de Kirig fut perçu immédiatement par son hôte, mais encore une fois, celui-ci n’avait aucune honte de son apparence. Cela sembla lui plaire, et le drakyn lui offrit un sourire en coin sur sa propre bouche. Apparemment, il ne saurait pas son nom, mais ce n’était pas très grave, les noms n’étaient qu’un simple masque comme un autre, et ils avaient évidemment très largement dépassé ce stade. ‘Le paon’, cela lui allait bien. Kirig regarda le fier oiseau se retourner, offrant une jolie vue sur son arrière train, pour récupérer un manteau rouge, lui expliquant ce qu’ils feraient bientôt.

Apparemment, le paon semblait quelque peu angoissé à l’idée que Kirig ne vienne fouiller ou voler son argent, mais ce n’était pas pour cela qu’il s’était retrouvé ici. Amusé par ses dernières phrases, le drakyn répondit d’un ton provocateur. « Quel dommage, je n’étais pas contre quelques spectateurs. » Histoire de secouer un peu ses délicates plumes. Il le laissa s’approcher de lui, ramasser ses affaires, touchant la crasse de ses habits tandis que Kirig n’avait qu’à l’observer. Si proche. Un seul mouvement et il pouvait l’avoir, l’acquérir comme on acquérait une couronne de bronze céleste, volé à un roi ancien sans nom ni peuple. Il observa sa nuque délicate, la désirant comme un fruit défendu. La question qui fit alors éruption alors le prit presque par surprise, et il tenta de s’ancrer dans le réel, ne baissant pas trop sa garde tout de même. Un masque qui n’avait rien à voir avec le moment ou l’ambiance actuel reprit quelque peu sa place, sa voix se fit plate, tandis qu’il regardait au loin. « Une livraison de marchandise. » C’était techniquement vrai, mais le Capitaine garderait la nature de celle-ci secrète. Cela n’avait aucune importance après tout et ce n’était pas le moment de parler de cela.

Spoiler:

Peut-être le paon refuserait de le toucher sans un bain cependant. Kirig était prêt à être torturé de la sorte, patientant de longues minutes, si à la fin il avait enfin l’extase de se confondre dans ce corps délicieux.
CENDRES

Le rire le prit de court pour sûr, freinant l’ardeur qui s’était amenuisé en lui. Ouvrant les yeux grands pour observer le paon se reculer, un sourire toujours jouant sur ses lèvres, Kirig se sentait un peu nigaud s’il fallait être honnête. Mais son orgueil blessé et la frustration du plaisir nié lui fit froncer les sourcils. Le drakyn n’était apparemment pas aussi enclin à jouer au jeu. Se sentant devenir mou, il retira sa main de son entre jambe, croisant les bras plutôt d’un air légèrement défensif. « Elles ne sont pas aussi distinguées que toi. » Son ton était légèrement empoisonné, le mot sorti comme une insulte, un défaut. Après tout, il n’aimait pas les petits nobliaux, et ce visage d’ange méritait d’être remis à sa place violemment pour son affront. Cependant, le joli corps se dirigea près de l’eau pour finir les préparations du bain, l’invitant dedans. Cela calma quelque peu sa rancœur, l'espoir de la belle carotte en vue à nouveau, et Kirig décroisa les bras pour se diriger près du bain particulièrement chaud sans regarder le paon.

Il suspecta l’usage de la magie, tandis qu’il trempa ses doigts dedans, avant de s’y inviter complètement. Le drakyn y mit les deux pieds dedans, avant de s’abaisser, s’asseyant finalement contre le rebord, ses muscles fondant sous la chaleur de l’eau, apaisant le reste de sa frustration. « Hmmm… » Souffla-t-il. Oui, il pouvait attendre et jouer le jeu ici, surtout s’il était massé et frotté. Kirig ferma les yeux, laissant son imagination une nouvelle fois l’emmener sur ses fantasmes. Peut-être que le paon pourrait venir aussi, son corps nu dévoilé mais quelque peu caché sous l’eau et le savon, à cheval sur les cuisses du drakyn qui aurait tout le plaisir à le toucher. Il imagina le paon le masser délicatement, frottant sa crasse dans tout ses recoins, du dernier cheveu jusqu’à son bassin, qui avait définitivement besoin d’un peu de polissage par ses soins. Ce fut assez pour réparer les dommages que le rire moqueur avait causé sur son ardeur, mais cette fois-ci il était probablement moins facile de voir l’état dans lequel il se trouvait. Kirig reposa sa nuque sur le rebord, se laissant dans une posture totalement vulnérable, il avait décidé de prendre le risque.

L’eau réagissant doucement sous ses doigts immergés lui donnait un sentiment de sécurité particulièrement puissant, car d’un coup rapide il pouvait probablement projeter l’eau dans les yeux de son hôte à une pression particulièrement douloureuse. Si le paon avait eu les yeux crevés, son corps parfait n’aurait plus été aussi angélique, et Kirig se serait senti probablement moins réticent à le profaner sans son accord. C’était un sentiment étrange, un mélange d’aversion et d’attraction : aimer ce corps, haïr la pseudo noblesse qu’il représentait, cette pureté de façade cachant un être en réalité aussi horrible que lui. Cette dichotomie était elle-même source d’attirance, car s’il ne pouvait pas l’avoir par charme, alors il le voulait définitivement par haine. Dans tous les cas, le drakyn souhaitait le faire crier et le posséder de toute part au terme de cette rencontre. CENDRES

Le paon avait très probablement raison. Il était vrai que Kirig aurait été un peu moins enjoué à l’idée d’avoir le bel oiseau s’il n’était pas si difficile à acquérir. Mais ce n’était pas pour cela qu’il ne se plaindrait pas un petit peu de son petit jeu. La belle lui promit des monts et merveilles, ou plutôt, comme elle disait, l’Expérience avec un grand ‘E’. Avec une longue attente, mais pour un climax intense, à condition qu’il soit propre. Le paon lui raconta à quel point il était nécessaire de faire sa toilette pour marchander avec les puissants. Cela le peinait à admettre, mais les rares fois où cela avait pu être le cas, Kirig avait mis l’accent sur son hygiène générale afin de ne conclure un marché. Sortir du lot, c’était aussi parfois dépenser beaucoup d’argent dans le soin, car ces nobliaux ne voyaient que la caste et l’apparence. Mais ils savaient généralement aussi qu’il ne fallait pas critiquer de trop l’esthétique du pirate, sous peine d’être liquidé. Capitaine Klaus avait généralement mis un point d’honneur à lui apprendre ce fait : garder une apparence soignée face aux puissants, mais ne pas les laisser penser qu’ils avaient affaire à autre chose que de redoutables hommes prêts à tout, et assoiffés de sang. Leur faire peur.

Mais le paon ne voyait certainement pas Kirig comme un possible prédateur. Il le voyait comme un petit jouet d’une nuit, un de ces moins que rien que l’oiseau pouvait récupérer, amener, faire danser comme une poupée, puis laisser s’en aller. Et le contrat était explicite pour tous les deux, car Kirig lui-même ne cherchait qu’un partenaire de danse, alors c’était parfaitement honnête. Derrière lui, le drakyn entendit une bassine d’eau, puis sa chevelure s’alourdir, quelques gouttes tièdes coulant sur son visage. La vue absente, il avait le plaisir de sentir toutes les sensations sur son corps. Le paon lui annonça que ce soir, il était d’humeur cajoleuse, et un sourire étira les lèvres de Kirig. Après quelques secondes, il commença à sentir l’odeur agréable du savon, puis sentit les mains de son hôte dans ses cheveux, massant avec délicatesse sa tête. Le drakyn laissa échapper un nouveau soupir de plaisir, rouvrant les yeux pour regarder le feu crépiter, son regard finalement attiré par un objet luisant sur une commode non loin. C’était un masque abimé, probablement invendable en l’état, mais ressemblant à un objet jadis de très bonne facture et très cher.

Le drakyn oublia ses pulsions primaires tandis qu’il observait le masque. Cela lui disait quelque chose, mais il était bien incapable de savoir quoi. Si c’était une secte, ce serait décevant, mais pas si surprenant. Mais l’état abimé de l’objet, qui semblait avoir été frappé par la foudre ou brûlé, laissait plutôt penser à un masque de guerre. Avait-il été soldat, ou quelque chose comme ça ? Considérant ses aptitudes magiques, ce ne serait en réalité pas si surprenant. Le paon ferait très certainement un très bon espion en l’état. Ce serait surprenant s’il ne travaillait pas déjà pour l’une des deux grandes puissances. Se redressant un peu pour avoir une meilleure vue, Kirig se racla la gorge. « C’est un bel objet sur la commode, dommage qu’il soit abimé. » Après une pause, il se remit contre le rebord de la cuve dans un soupir d’aise. « Je n’aurai jamais imaginé quelqu’un avec autant d’amour propre exposer un objet aussi esquinté. Un souvenir cher ? » Peut-être une vengeance particulièrement exaltante, si Kirig devait deviner.
CENDRES

Une fois les cheveux shampouinés, Kirig sentit les mains de son hôte le rincer avec délicatesse. Il prit enfin un peigne pour les passer dans ses cheveux, mettant une lotion pour démêler le reste des nœuds. La sensation du peigne glissant dans sa tignasse était plutôt agréable. Le cadre général était incroyablement relaxant et reposant, d’une façon que le drakyn n’était pas sûr d’avoir un jour vécu par le passé. Lorsque son hôte lui demanda ce qui lui faisait dire que le masque était exposé, la réponse de Kirig sortit de façon lente, la relaxation ayant pris possession de son corps. « Ne l’est-il pas ? » Ses yeux restaient fermés, attentifs aux bruits environnant de l’eau, du feu, et du souffle du paon tandis qu’il séchait ses cheveux, probablement à l’aide de la magie. La chaleur était très agréable cela dit, et une nouvelle fois, le drakyn poussa un petit soupir de plaisance. Le paon prit le temps de lui répondre après cela, mettant la distinction que le masque était en réalité déposé. Kirig n’était pas certain de comprendre réellement ce que cela changeait à l’état en question, mais la suite de sa phrase le laissa songeur.

Quand son hôte lui fit cambrer la tête vers l’arrière en attrapant ses cornes, Kirig se laissa faire comme une poupée, son corps totalement dénué de résistance, comme s’il n’était plus que de la gélatine. Doucement, le drakyn sentit son cou s’arquer en arrière, et il ouvrit les yeux pour voir le paon. Il était parfaitement vulnérable dans cette position, sa gorge à l’air, il aurait été très simple de le poignarder. Le paon fit ce que Kirig prit comme un compliment, avant d’effleurer ses lèvres avec son nez, pour finalement l’embrasser. Oui, ses lèvres étaient aussi douces qu’il l’avait imaginé, et le drakyn se délecta de leur douceur. Il ne pouvait que rêver de savoir ce que cela lui ferait sentir un peu plus bas. Le paon nota avec plaisir que l’eau du bain était toujours claire, et Kirig ne put s’empêcher de lever une main humide pour caresser la joue de son hôte. Le désir flamboyant à nouveau faiblement au creux de ses reins, il prit la parole dans un ton intime. « Il y a assez de place pour deux après tout… Et j’ai peut-être besoin d’un peu de nettoyage. » Oh il avait tellement envie de pouvoir l’apprécier dans le bain.

De pouvoir le toucher, de sentir sa peau humide sous ses doigts, en écoutant le feu crépiter, dans une chambre au luxe comparable à celui d’un prince. Était-ce comme cela que vivaient les nobles et les princes ? Tous les jours avec dans le creux de leur bras, un joyau torride qui leur faisait tourner la tête d’envie et de plaisir. Kirig chercha ses lèvres avec les siennes, voulant engager dans un baiser un peu plus profond pour souligner son désir. Il tentait de faire preuve de patience, même si ses fantasmes commençaient à nouveau à éveiller sa virilité. CENDRES