Le voyage à dos d'Oni était peut-être le pire moyen de transport qu'il ait été donné à l'hybride d'expérimenter mais à cheval donné on ne regarde pas les dents comme on dit, et ce canasson tout bleu là avait réussi l'exploit de tous leur sauver la vie.
Lardon manquait presque sa réception en atterrissant sur le plancher des vaches, enfin de Puantrus, il accusait un très léger malaise peut-être lié au mal des transports à dos de Kahl, ou alors était-ce ces bois maléfiques qui le désorientait.
Malgré tout, à peine chacun avaient-ils posé pied à terre, et juste après la fanfaronnade du géant, le paranoïaque cochon se lançait dans un bilan de santé de ses coéquipiers, le personnel médical spécialisé en tête de liste, l'homme semblait indemne et sain puis la précieuse télépathe était aussi classée dans les miraculés.
Avant de pouvoir s'intéresser au chasseur du groupe, un arbre chuta avec fracas derrière eux, l'Oni évacuait une rage inconnue en bastonnant les plus solides représentant de la flore à coups de poings. Grognant, rageant, jurant, Kahl se déchaînait comme s'il voyait en ces arbres qu'il frappait ses pires ennemis.
Si Lars avait eu l'espace d'une seconde l'intention d'essayer de le calmer, il se ravisait prudemment pour laisser le géant expulser sa colère. Il n'avait pas le gabarit ni l'autorité d'Alasker, le grand patron des Dévoreurs, et ne connaissait absolument rien du caractère de leur sauveur inopiné, et le porcin n'avait aucune envie de recevoir de telles mandales sur le groin si l'ogre décidait de rediriger sa rancœur sur celui qui l'interpellerait.
Dimitri profitait de la diversion de l'excité azur pour s'inspecter comme un grand et rassurer le groupe qu'il n'avait non plus aucun symptômes suspects.

Quand enfin il se calmait, l'Oni revenait près du groupe avec un air penaud, comme s'il venait de perdre son plus joli bijoux aux dés, il ressemblait à un homme abattu par la fatalité, et annonçait qu'il était infecté, jetant un désagréable frisson sur la plupart des membres du groupe, tout au moins pour le cochon.

Étonnamment, Ellana était la première à réagir, peut-être ressentait-elle un sentiment de culpabilité d'avoir été sauvée au détriment de la santé du guerrier dentu, celui-ci bien sûr était prompt également à lui faire passer son empathie en lui répondant avec le bon goût bien connu des Dévoreurs en matière de boutade salace.
Pendant que Dimitri suggérait à la télépathe du groupe de transmettre en haut-lieu les éléments les plus important de leur progression, Lardon se rapprochait de l'elfe et du géant qui avait maintenant ses bas aux chevilles.

- Vu la façon dont le corbeau est mort en quelques secondes, le remède qu'ils nous ont donné doit ralentir la progression des symptômes. Réfléchissait à voix haute l'hybride. Cela ne va pas te laisser beaucoup de temps mais comme cette saloperie est magique, nous pourrons certainement encore ralentir son développement.

S'adressant d'abord à l'infecté, Lardon échangeait un regard avec l'elfe qui examinait la zone noirâtre de son épiderme. Celle-ci mentionnait qu'elle ne décelait aucune boursouflures et que les étapes de la maladie seraient certainement identiques à celles qu'ils avaient pu constater chez le volatile.

- Tu as raison. Accordait-il à Ellana en relevant le groin vers Kahl. Si on le prend en exemple, tu en es au premier stade, la douleur. Il suffisait de regarder l'expression qu'avait le géant sur le visage pour comprendre que l'altération de la couleur de sa peau était accompagnée d'une autre affliction sensitive. Ensuite viendra une forme de paralysie, c'est probablement ce qui a fait chuter le corbeau au sol. Sa mort est certainement survenue au moment où il a commencé à se boursoufler, et le décharnement est arrivé à la toute fin. Le temps est compté mais cela signifie que tant que tu ne commence pas à gonfler tu n'es pas à l'article de la mort.

L'hybride parlait d'un ton posé et confiant, comme s'il savait de quoi il parlait, des années de pratique aux infirmeries militaires l'avait rendu rompu à l'exercice et il usait très régulièrement de cette feinte lorsqu'il échangeait avec des patients afin de les rassurer un minimum car en vérité, Lardon manquait cruellement d'informations, même après avoir assisté en direct à l'infection du corbeau.
"Probablement", supposition, "certainement", hypothèse. Il n'avait aucune idée si la maladie allait se comporter de la même façon avec l'Oni qu'avec le piaf. L'affliction allait-elle d'abord se répandre dans tout son corps avant de passer au stade suivant ou bien suivre ses étapes de contamination indépendamment de sa propagation dans l'organisme ? Fallait-il tout de suite couper les jambes de Kahl pour sauver ce qu'il lui restait de sain ou bien le mal était-il déjà ancré dans la moindre parcelle de son corps ?
Au moins l'elfe, à défaut de gamberger inutilement comme le porcin, s'attelait déjà à la tâche pour soigner Kahl.

- On va combiner nos efforts, soigner la dégradation des tissus, enfin.. ta chair, afin de retarder le plus possible l'évolution des symptômes suivants. Il faudra nous prévenir si tu sens que cela se propage ou si tu as du mal à bouger tes jambes, on se relaiera à trois. Lardon approchait du géant, venant poser sa main ganté d'une tape légère sur son épaulière, le geste se voulait amical mais comme ils n'étaient pas vraiment des amis, il avait une certaine retenue.

Tandis qu'Ellana usait de sa magie, Lardon activait furtivement la sienne, celle lui permettant de voir et contrôler les émotions d'autrui et jaugeait l'Oni d'un regard. Quand il l'utilisait, les émotions que ressentait les personnes avaient chacune des couleurs propres et prenaient une forme différente à chaque individu, pour Kahl, c'était comme une blizzard tourbillonnant aux teintes entremêlées avec cependant une prédominance très nette ; la colère. C'était presque à se demander comment il lui était possible d'être aussi "calme d'apparence" à l'instant alors qu'une telle tempête de ressentiment soufflait en lui. Peut-être des restes du débordement de tout à l'heure ?

- En tout cas, garde la tête heu.. froide. Tentait d'humour le cochon. On te laissera pas tomber, et puis le voyage serait moins gai sans ta grande gueule. En parlant, Lardon influait avec douceur sur la colère de Kahl afin de la réduire petit à petit. Ses paroles pouvait faciliter les choses puisqu'à bien des égards les mots étaient vecteur d'émotion. Avec de la chance, cela ferait mouche et permettrait de calmer ce ressentiment en particulier de quelques crans, le but n'était pas de l'effacer, ce qui au vu de la tornade de fureur serait une tâche monstrueusement ardue, mais au moins que l'Oni ne se laisse plus emporter comme la crise de plus tôt. Par contre, pas de coup d'tête amical ni de câlin avant qu'on soit sortit d'ici, histoire d'être sûr que tu nous refile pas ta grippette.

Les conditions de contagion étaient aussi inconnues. Était-ce déjà compromis d'avoir ne serait-ce qu'un contact physique avec lui ? Quand est-ce que ses expirations allaient être porteuse de germes ?
Tandis que l'agent des FMR acquiesçait à la suggestion de DImitri à propos des arbres détruits et allait récupérer quelques copaux et morceaux d'écorce, le chasseur se rapprochait et partageait ses inquiétudes, expliquant que le bois maudit où ils se trouvaient semblait avoir plus d'un mauvais tour dans sa poche.

- Je dois avouer que j'ai perdu le moindre repère durant notre fuite, mais il est évident que tu ais raison sur les intentions de cette forêt. Elle ne veux pas de nous et elle ne veut surtout pas que nous progression vers l'intérieur. Supposait le porcin. Tu pourrais avoir bien plus raison que tu ne le pense quand tu parlais de "cœur". Il y en a peut-être bien un, littéral ou métaphorique, en tout cas quelque chose qui doit être protégé, par un champ de fleur toxique par exemple. Il l'observait ensuite avec sa boussole, en voilà un objet bien utile qui pourrait être salvateur à leur problématique de d'orientation. On va encore se reposer sur toi pour nous guider et je suis d'accord sur ce point reste à savoir quelle sera la direction que nous choisiront.

Cette décision là allait devoir être unanime puisqu'ils avaient un léger répit pour y réfléchir cette fois.
Lardon acquiesçait finalement à la dernière remarque de Dimitri, une remarque aussi véridique qu'elle était décourageante.

- La Directrice Kaelinn avait été clair là dessus, leur moitié de remède n'allait pas nous protéger de tout. Et en m'avançant un peu je dirais même que c'est sûrement grâce à lui que notre groupe compte encore six membres. Les chances sont minces, oui, mais elles ne sont pas nulles pour autant. Je pense même que, avant qu'il ne soit trop tard, une infection pourrait être soignée par les mages restés au camp. S'il n'y avait véritablement aucun moyen d'être guéri une fois contaminé ce serait vraiment une mission suicide et la Directrice n'aurait pas envoyé à la mort jusqu'à la Griffe elle-même.

L'hybride invoquait la logique, la sienne, à vrai dire il n'avait pas la confirmation que les plus puissants mages des FMR se tenaient prêt à agir pour sauver les rescapés qui sortiraient de cette forêt pestiférée, mais cela lui semblait logique et il s'y raccrochait.

- On devrait aussi en profiter pour partager ce qu'on sait faire, nos atouts, si on doit élaborer une stratégie dans l'urgence ce serait malin de connaître nos points forts. On sait tous maintenant que notre grand bastonneur peut devenir très grand et est très fort. Pour ma part, comme dit, je pourrais ralentir la maladie et vous régénérer la couenne si ce sont des petites choses. Par contre si vous vous faites trouer le bide, j'ai tout ce qu'il faut pour vous recoudre comme des tapis donc ça sera "à l'ancienne". Dit-il en tapotant son petit sac médical. Et je pourrais même faire ça sans vous toucher, je pratique la télékinésie mais je pourrais jamais soulever qui que ce soit comme notre bourrin. Je peux également manipuler la terre sur une petite zone mais ici, ce serait peut-être dangereux, comme Dimitri l'a dit, elle est peut-être imprégnée et je ne sais pas ce qu'il se passerait, c'est un risque que je ne compte pas prendre à moins d'y être forcé. Et vous ? Passant son regard sur chacun de ses coéquipiers.

Résumé:

Au milieu d'une jungle mystérieuse, perclue de maladies, parasites et autres calamités inhérentes à un territoire sauvage en milieu tropical, un monstre d'airain et de rage riait.
Ses éclats de rire, loin d'être simplement causés par une surcharge nerveuse, trouvaient leur origine dans un amusement véritable, bien qu'inattendu : l'apparence de son nouvel ennemi attitré.
Le roi papillon -puisque tel était son qualificatif- agitait ses énormes ailes dont les dessins complexes formaient le plus laid des visages, tandis que son corps gigantesque, terminé par un dard non moins imposant, suintait d'un venin ou d'un suc quelconque, aspergeant les herbes alentours d'un mélange aussi malodorant que peu ragoûtant.
"-Et celui-ci a l'air de faire à peu près le même poids." Avait déclaré le géant, sitôt leurs nouveaux adversaires arrivés. Une référence grossière de plus, destinée aux Serres et à leurs proches, mais dont l'aspect ras-de-pâquerettes ne pouvait échapper au plus parfait des inconnus.
C’était une façon comme une autre d’annoncer à son adversaire qu’il ne provoquait pas la moindre crainte, pour Alasker. L’insecte voltigeait lourdement et sa taille démesurée le rendait difficile à rater, contrairement à ses semblables modèles réduits. Que cela soit dû à un excès de confiance ou à une connaissance parfaite de ses propres capacités, cela semblait impossible à déduire, mais la brute poursuivait bel et bien le combat dans le rire et la provocation, méprisant ouvertement la bête face à lui tout en prenant soin de maintenir suffisamment de distance entre sa propre carcasse et l’abomination pour éviter une mort particulièrement ridicule.

La chose fondit sur lui, dard en avant, parodiant ainsi la méthode de chasse d’un oiseau de proie. Alasker l’esquiva d’un bond trop rapide pour un géant de sa taille. A l’atterrissage, son épaule gauche heurta un arbre aux racines enfoncées dans la boue. Le végétal, coupé en deux par la force de l’impact, bascula sur le côté. Le roi papillon s’éleva de nouveau dans les airs, préparant sa prochaine attaque.
Alasker avait vaguement conscience d’une présence alliée à ses côtés. Ou plutôt, de deux présences mais d’une seule conscience. Une micro-meute, semblable à celle que lui et son loup composaient, enfermée dans une enveloppe aussi menue que l’insecte face à eux était démesuré. Alasker se demanda un instant si son ailier partageait son hilarité, si la grotesque créature paraissait unanimement ridicule aux yeux du groupe. Sans doute pas. Nahr, Eisyleij, et même quelques Serres sans problèmes dans la caboche s’accordaient tous à dire que les pics de son humour restaient bien souvent inatteignables pour les autres mortels.
Durant un court instant, le géant en vint presque à regretter l’absence de ses Dévoreurs. Seule la plus grosse brute de la bande, Kahl, avait trouvé le moyen d’être sélectionnée pour rejoindre une escouade d’exploration. Si Alasker ne doutait pas que l'opiniâtre -et bleuâtre- Oni saurait faire la fierté des porteurs de l’armure cramoisie d’une manière ou d’une autre, le fait qu’il n’ait pas été affecté à la même équipe que lui-même le dérangeait un peu…Enfin, non. Ce n’était pas le bon mot. Ça l'inquiétait. Bien plus que n’importe quelle foutue vermine géante. Bien canalisé, bien dirigé, Kahl était un bon élément. Mais son irascibilité naturelle, exacerbée par les louanges de sable d’or et la malédiction pesant sur ses épaules restaient susceptibles de causer quelques regrettables pertes. Celle d’une escouade d’exploration, par exemple.

Des projectiles divers -et même réfrigérés, pour certains- fusèrent en direction de la bête dans un sifflement de mauvaise augure, ramenant le loup comme l'homme à l’instant présent. Dans les airs, plus loin, quelque chose se plaignait. Si un papillon géant pouvait hurler, Alasker était assez persuadé que celui qui se voyait contraint d’encaisser la colère de Deydreus et d’Usha l’aurait fait. Il ne doutait pas de leur réussite. Les nouveaux atouts de son frère aux canines trop longues reposaient certes sur de la damnée magie mais demeuraient indiscutablement efficaces. Bientôt, la reine papillon tomberait. Laissant son roi veuf.

Et Alasker s’en serait terriblement voulu d’abandonner un être si laid au chagrin de la perte de l’être aimé.

Tout sourire, le géant d’airain rassembla ses forces. Ses mains gantées serrèrent sa hache si fort que l’indestructible bronze la composant se mit à grincer. Puis il frappa, de haut en bas, avec assez de force pour que la boue qu’ils piétinaient tous vienne asperger les environs. Pour que les branches des arbres alentour craquent et tombent. Et pour qu’une onde de choc aussi effilée qu’une lame ne vienne trancher l’air lui-même, avant de fondre sur la démesurée vermine ayant eu le malheur de faire de lui son adversaire.

résumé: