Extirpant ses pieds nus d'un amas d'immondes substances sanguinolentes et d'une bonne portion de mixture blanche qui chuintaient et protestaient dans de visqueux couinements, la silhouette massive de l'Oni apparut, faisant face au groupuscule sans mot dire. L'air passablement hagard, le géant azuré dont les bras pendaient lamentablement paraissait éteint et sa gueule cauchemardesque n'était point déformée en un rictus plein de malice, chose suffisamment rare pour être noté. L'orientation de ses iris noyés dans l'obscurité n'était visible que grâce à de timides reflets mais c'était bien assez pour déceler que les mouvements de ces derniers, habituellement si vifs et frénétiques, semblaient bizarrement lents et mesurés.

Kahl, ou du moins l'entité qui y ressemblait comme deux gouttes d'eau, balaya l'assemblée d'un coup d'œil pour ensuite jeter à ses mains griffues un regard plus appuyé tout en affichant une expression de claire surprise, accompagnée d'une belle note de confusion. Sans prêter la moindre attention à l'assistance qui l'observait dans son plus simple appareil, le colosse cornu s'inspecta entièrement, cherchant à inspecter son enveloppe afin d'y trouver sans doute la trace d'une quelconque blessure ou tout du moins un quelconque élément de réponse face à l'étrangeté de son actuelle situation. Après un bref reniflement, il marmonna enfin :

"Hmm... Bizarre."

Visiblement tout aussi incrédule que les autres représentants impériaux qui lui faisaient face, Kahl porta une main à son visage en signe de réflexion et la seconde à sa hanche, puis se mit à analyser l'inquiétante pièce dans laquelle il se trouvait, offrant ainsi à l'assistance le (dé)plaisir de pouvoir l'observer sous toutes les coutures alors qu'il tournait sur lui-même, trop occupé qu'il était à enquêter pour pouvoir s'inquiéter de problèmes aussi superflus que la pudeur, à laquelle il avait de toute manière toujours été étranger. Sous les regards médusés des arrivants, il se gratta ainsi la pointe du menton pendant de longues secondes de silence empli de tension, avant d'enfin leur accorder une attention qu'ils méritaient amplement.

"Dites-voir les gars, vous n'auriez pas vu mes compagnons, par hasard ?"

Toujours aussi surpris, il secoua légèrement la tête, réalisant que sa crinière blanche ainsi que la pointe de l'une de ses oreilles étaient prises dans ce qui semblait être une toile, ou quelque chose qui s'en rapprochait d'une façon ou d'une autre. Coinçant un peu de la dégoutante matière entre son pouce et son index, il s'en dégagea rapidement avant de s'ébrouer une seconde fois pour se débarrasser du reste. Cela fait, il tapota ses paumes l'une contre l'autre pour tenter sans grand succès de chasser les gluants résidus qui s'y étaient collés puis, tout en affichant une grimace mêlant agacement et stupeur, il posa ses deux poings sur ses hanches et reprit son discours.

"C'est-à-dire que j'étais dans une forêt tueuse avec une p'tite elfette, un grand brun et un cochon, pas plus tard qu'il y a vingt secondes. Et là... beh... j'suis devant vous. J'y ai probablement été transporté, mais je n'saurais vous dire comment. Oh tiens, Tulkas est là. Tout va comme tu veux, grand ? Messieurs dames, mes salutations."

Puis, tout en abaissant momentanément les yeux, il se remémora un détail important, qu'il ne manqua pas de faire remarquer après un bref éclat de rire :

"Ah oui... visiblement, les arbres ont aussi décidé de me voler ma culotte  au passage. Curieuses traditions que celles des Titans, hein ?"

Malgré la bizarrerie évidente de la situation, "Kahl" ne semblait pas le moins du monde hostile.

Résumé:

A force de se concentrer sur ses cibles et d'ignorer l'environnement alentour, Ellana n'avait pas vu les arbres encore plus énormes qui s'apprêtaient empoigner toutes personnes étant sur leur chemin. Elle fut donc capturée tout comme le chercheur et la télépathe qui eux étaient plus tétanisés par la peur que préoccupés au combat. Une fois attrapée, l'elfe perdit la jambière qu'elle portait jusqu'ici. L'armure tomba lourdement au sol alors qu'Ellana s'élevait dans les airs. A peine dans leur "main" d'écorces, elle tenta de les frapper, les étirer, ou du bout d'une flèche, de les planter. Mais ces monstres-là étaient beaucoup plus résistants que les petits arbrisseaux qu'ils affrontaient précédemment. Des arbrisseaux qui étaient d'ailleurs toujours présents. Voilà qu'il fallait attaquer sur deux plateaux et réagir de partout.

Se débattre ne servait à rien, et elle ne put éviter le châtiment qui l'attendait. Dans une synchronisation décalée, les géants enlaçaient leur victime pour les insérer sur leur propre tronc. Par quelle magie pouvait-elle être... fixée, imprégnée dans ce bois ? Il n'y avait aucun effet collant, elle était juste en train de fusionner avec. S'enfonçant dans ces écorces, Ellana hurlait de douleur suivit par ses camarades prisonniers, elle tentait d'étouffer ses cris en serrant les dents comparé à la télépathe qui "chantait" de plus bel. Les racines s’immisçaient à travers sa peau, la perçant et se faufilant à travers la multitude de plaie. Grand les dieux étaient, les racines ne passaient pas par les orifices naturels, seulement à travers la chair percée et sanguinolente.

Elle ne se laissait pas abattre par la douleur et tenta le tout pour le tout en utilisant ses pouvoirs. Une téléportation aurait été certes inutile puisqu'elle était en train de fusionner avec l'arbre, ça n'aurait fait que les déplacer ensemble, au lieu de s'échapper. Du moins c'est la théorie qu'elle se faisait et qu'elle ne voulait pas risquer.
Elle tenta de faire subir à ce monstre ce qu'elle était en train de subir, de manière inverse : Ses ombres à elle, s’immisçaient entre les écorces pour tenter d'atteindre son cœur, si seulement il en avait un. Ses filaments de ténèbres s'épaississaient au cœur du tronc vide en espérant trouver une source et la détruire. Entre temps, Ellana sentait les racines prendre en largeur moindrement qu'elles s'enfonçaient en elle. Elles brûlaient tellement. Ses jambes en étaient déjà remplies, ses avants bras en pullulaient et son cou commençait à les subir.
Dans un nouvel élan de respiration à travers cette douleurs, elle invoqua des piques noirs qui sortirent de terre d'un seul coup en supposant que cela pouvait l'abîmer ou le déraciner.
Puis la douleur reprit, l'empêchant d'agir librement.

La douleur et l'immobilisation l'empêchaient maintenant de bouger. Après avoir tenté ses interactions offensives, elle jeta un œil à ses compères. Elle voulu ordonner de s'occuper des plus faibles et qu'elle finirait par se débrouiller d'une manière ou d'une autre. Elle invita également à ne pas utiliser la force, subissant déjà énormément de sensations et sachant qu'ils commençaient à fusionner avec. Mais tout ce qu'elle put sortir n'était que de bribes de phrases, coupé par des soupirs de souffrance. Si sa situation ne s'améliorait pas, l'elfe s'essaierait de fusionner avec l'ombre environnante, pour ne faire qu'un avec celle-ci et donc échapper à sa prise. Mais ce fut le dernier essai, sentant potentiellement que les racines prenaient de l'ampleur moindrement qu'elle utilisait ses pouvoirs. Il ne lui restait qu'à gémir de douleur.

Les racines qui se faufilaient, craquaient. Elles étaient lentes mais leur progression ne cessait pas. Les autres membres subissait ce même courroux, la télépathe ne criait déjà plus, s'était-elle évanouie ? Ellana ne pouvait pas la voir, son hôte faisait dos aux autres semblables. La souffrance ascendante lui faisait manquer d'air, ou alors, est-ce que les racines atteignaient ses poumons ? Quelle horrible imagination. Même sauvée, qu'est-ce qui dirait qu'elle s'en extirpe saine et sauve.

Si elle devait vivre encore sous cette agonie, elle risquerait de ne pas tenir plus longtemps et finirait sûrement par imiter la télépathe en perdant connaissance.

Résumé:

Les choses devenaient sacrément épineuses, au sens propre comme au figuré. Riant aux éclats, le barbare avait comme à son habitude laissé parler son fauve intérieur et s'était déjà frontalement au beau milieu des arbres animés par la corruption, mais sa fierté de lion et son égo démesuré l'avaient naturellement poussé à croire que chacun de ses coups suffisait à venir à bout de l'un des opposants. Il ne réalisa que trop tard, en entendant les cris de ses compagnons capturés par les monstres de bois, à quel point il s'était fourvoyé sur l'efficacité de ses propres capacités. Ce fut d'abord sa fidèle porteuse d'armure qu'il aperçut. Lorsqu'elle fut soulevée de terre comme une vulgaire poupée de chiffon en laissant tomber derrière elle la précieuse jambière, le monstre sentit un élan de colère monter en lui et vociféra, loin de se douter que les arbres vivants avaient bien peu de chance de le comprendre :

"Lâche l'elfette, l'affreux ! J'm'en vais faire du petit bois avec tes racines"


L'empêchant d'agir malgré toute sa bonne volonté, l'un des adversaires colossaux qu'il n'avait que partiellement blessé fut prompt à agir et le fouetta avec brutalité en usant de l'une de ses puissantes racines. Du fait de sa malédiction, Kahl sentit la douleur cinglante qui grimpa au centuple et ne put qu'esquisser un mouvement de recul. Sa rage prit cependant bien vite le dessus sur le pic de souffrance et il s'engagea de plus belle dans l'affrontement avec l'entité surnaturelle, à laquelle il administra une salve de coups de poings de sa main libre, tout en fracassant le reste à coup de massue dans de grands moulinets sauvages.

Ce premier adversaire écarté de sa route, Kahl pivota à nouveau et réalisa cette fois-ci que la vétérinaire était loin d'être la seule captive des maudites créatures. Connaissant parfaitement ses responsabilités et la nécessité de ramener sains et saufs le plus de camarades possibles, il se résolut à faire un choix rapide, en prenant en compte le rôle de chacun de ses alliés victimes des monstres. La télépathe l'avait agacé en lui faisant la leçon, ce qui la plaçait naturellement tout en bas de la liste. Certes, cela ne reflétait ni l'importance ni la fiabilité de ses compétences, mais c'était bien assez selon les standards particuliers du barbare. Le chercheur n'avait rien fait de mal, mais rien de bien non plus. En prime, sa tête d'andouille ne lui revenait pas. Il ne restait donc que la petite elfe qui avait au moins eu le mérite d'essayer de lui venir en aide lorsqu'il avait été infecté et qui s'était empressé de ramasser sa pièce d'armure lorsqu'elle l'avait vu tomber.

Se considérant lui-même comme l'élément le plus essentiel à la survie du groupe, il reconnut donc en cela un certain discernement de la part de la petite maitresse des ombres. Elle savait qui elle devait protéger et avec qui elle devait se ranger pour survivre, en plus de savoir se défendre à peu près convenablement, malgré la posture difficile dans laquelle elle venait de se retrouver. Ces considérations établies, Kahl décida d'agir et envoya donc un violent coup de coude dans le simulacre de museau de l'une des engeances forestières, avant de cavaler à toute allure jusqu'au Tréant immense qui transportait sa camarade. L'Ogre vit les racines pénétrer la peau de la demoiselle et malgré son clair manque de connaissances sur le plan médical, il se douta sans trop de mal qu'il valait mieux éviter de la laisser se faire ainsi perforer plus que de raison par l'ennemi.

Ellana tentait tant bien que mal d'articuler des conseils mais la souffrance n'aidant pas, elle ne parvenait pas réellement à formuler ses intentions avec clarté. Kahl n'était déjà pas très fin par défaut, mais il le devenait encore bien moins lorsqu'il était assailli de toutes parts et que ses alliés du moment peinaient autant à s'exprimer convenablement.

"J'ai rien compris ma grande ! Mais t'en fais pas va, mon idée était sûrement la meilleure que la tienne à la base !"

L'Ogre s'apprêta à bondir sur l'arbre qui portait Ellana mais, réalisant qu'elle était en train de laisser exploser dans un flux sauvage se magie obscure, il estima qu'il n'était pas tout à fait indiqué d'intervenir dans l'immédiat et se stoppa net, car il risquait de subir les retombées d'un tir allié, chose qu'il ne pouvait pas particulièrement se permettre en vue de la gravité de la situation et des assauts omnidirectionnels que ses compagnons et lui subissaient déjà. Décidément, la scène devenait chaotique et s'il était très friand de batailles cauchemardesques, il préférait être à l'origine des carnages que de s'en retrouver victime, surtout par inaction. Inspirant à pleins poumons, il beugla à l'elfe :

"Oh ! Du calme dis ! J'te laisse te démerder pour l'instant, tu m'appelleras quand t'auras fini de faire n'importe quoi ! Je vais m'occuper de l'autre incapable !"

Avec tout ce bazar, il n'avait même pas encore eu le temps de récupérer sa jambière perdue. Ce n'était pas tout à fait raisonnable de s'en soucier dans l'immédiat, mais Kahl avait de toute manière toujours agi à l'instinct. S'abaissant en faisant fi du danger, il ramassa l'objet perdu et subit aussitôt une attaque vengeresse. Une racine énorme fusa latéralement vers lui mais sa fichue carapace l'alourdissant, il ne fut pas assez rapide pour l'esquiver, ce qui vint le contraindre à accueillir cette dernière à coup de corne. Les pointes bleues qui ornaient son crâne s'empalèrent solidement dans le bois animé et Kahl, aussi choqué que n'importe qui par ce retournement de situation, fut traîné par les mouvements erratiques du fouet végétal auquel il était désormais accroché bien malgré lui !

"Ce n'était pas prévu ça ! Par les bourses de l'Empereur, je m'envooooooooole..."

Jeté dans les airs et secoué dans tous les sens, le géant azuré qui hurlait de stupeur finit tout de même par concentrer sa magie dans le bras qui tenait sa massue et, d'un coup bien placé, il broya la racine, ce qui le projeta dans une toute autre direction, mais eut au moins le mérite de le libérer de l'emprise de la bête immonde. (en plus de lui octroyer un nouveau couvre-chef à la fois original et pittoresque)

Effectuant plusieurs spirales dans les airs, l'Ogre parvint finalement à se stabiliser et découvrit que, par chance, il avait été propulsé droit sur l'arbre qui transportait le chercheur de leur équipe. Se remémorant à la hâte les cœurs luisants des plus petits Tréants, il laissa un sourire de crocodile apparaître sur son faciès ignoble et concentra une fois encore sa magie pour frapper en plein dans le point supposément vital de la bête de bois. Etait-ce une bonne idée que d'user d'une telle puissance destructrice pour tenter d'effectuer des dégâts aussi précisément localisés, ce en pleine chute libre ? Probablement pas.

Cela ne l'empêcherait pas d'essayer.

Fonçant tel un carreau de baliste sur sa proie, le géant du Nord lâcha au vol sa massue en bronze céleste ainsi que sa jambière chérie et vociféra :

"J'arrive bonhomme ! Prend garde, ça va sacrément secouer !"

Son projet était simple : tomber sur l'arbre, s'y agripper et l'éviscérer à la force de ses poings pour le couper littéralement en deux dans le sens de la longueur. De là, il aurait sans doute un bel aperçu du cœur, qu'il n'aurait plus qu'à écraser à grands coups de poings.

Résumé: