Une compagnie de mercenaire très attendue

Le 1er janvier de l’an 2

C’est une sensation bizarre de revenir au Shoumei. Cette terre qui était auparavant un véritable havre de paix avec des gens très pieux, respectant la loi est devenu un immense piège ou des gens innombrables sont morts et des milliers de personnes rêvent de quitter. L’arrivé des Titans m’a pris complètement par surprise et cela fait de nombreux mois que nous les combattons un peu partout.

C’est alors que le Reike est devenu un Empire, réalisant son véritable potentiel. Prenant les terres du Nord, il s’est également tourné vers Maël qui est devenu sa base avancée. De nombreuses troupes sont arrivées, dont des unités de mercenaires. C’est d’ailleurs avec une de ces dernières, venant de la République, que j’ai rendez-vous. Ils ont un nom bizarre, les spectres si j’ai bien compris.

Ils viennent d’arriver dans la cité, après avoir voyagé dans une caravelle rapide, escortant par la même occasion des riches réfugiés, comme quoi cette nation n’oublie jamais quel est son intérêt économique. Je suis d’ailleurs déçu que cette puissante entité se contente de protéger son territoire et ne nous aide pas à lutter contre les Titans.

Ce sont les soldats Reikois qui payent le plus lourd tribu, si on exclut le peuple Shouméens qui semble incapable de la moindre résistance. J’ai dans tous les cas, j'ai prévu une large salle, pour qu’ils puissent tous être confortablement assis. Je dois prendre le nom de chacun, leurs spécialités, bref tout ce qu’il faut pour leur verser un salaire décent. Il faudra également répondre à leurs différentes questions, les forces armées de l’Empire peuvent être déroutantes pour les étrangers.

Heureusement, je connais bien la mentalité Républicaines et je suis certain de pouvoir gérer l’affaire. Il faut absolument qu’ils soient convenablement traités, nous avons besoin d’eux ici si nous voulons remporter cette guerre et je les attends donc, avec un grand sourire.

- C'est ici ?
- Je crois...
- Tu devrais y aller seule, Capricieuse. Je suis sûr que tu ferais un job acceptable, même si tu manques de charme. Évite juste de chanter.
- Ne t'inquiète pas, je t'ai uniquement demandé de m'accompagner pour le spectacle. Tu ne devrais pas être étonné que je t'ai demandé à toi, Maître...

Le grand homme aux cheveux rouge et à la cape couleur chocolat sur son uniforme noir aux liserés bleu-roi soupira d'une façon on ne pouvait plus théâtrale. Son visage aux traits fins avait l'air de s'installer à peine dans la vingtaine, et il couvait son accompagnatrice du regard comme un jeune coq orgueilleux mais ses yeux noisette luisait d'amusement et de complicité. Le cigare qu'il avait au coin du bec rougeoya un instant lorsqu'il inspira pour éviter qu'il ne s'éteigne encore, souffla la fumée par les naseaux avec un on ne savait trop quoi de dragon satisfait.

- J'aurais bien bu un coup avec les autres. C'est vraiment un fardeau d'être si bon. Je comprends que tu préfères me le laisser.

La jeune femme lui lança un regard en coin qui en disait long, mais moins que le sourire mordant qui l'accompagnait alors que sa voix inhumainement mélodieuse laissait échapper l'air de rien.

- Je pense que c'est plus sage que tu me laisses parler, Ô grand mage. Les Reikois pourraient ne pas comprendre pourquoi tes chevilles ne passent plus les portes.

Un regard de connivence qui n'appartenait qu'à eux. La jeune femme en uniforme noir et bleu-roi renforcé d'un plastron argenté lui chipa son cigare pour en tirer une longue bouffée, puis elle prit les devant. Sans cape, sa longue chevelure blanche était tressée et descendait jusqu'au creux de ses rein, au niveau d'un impressionnant ceinturon soutenant une sacoche de cuir, une paire de menottes, une chaine, une pelote de corde de soie, une outre et une toute petite clepsydre dans une sphère de métal qui pouvait donc rester à la verticale même lorsqu'elle marchait.

L'homme gardait par réflexe la main sur le pommeau de son épée, sous sa cape, l'autre s'occupant principalement des portes, de remettre sa flamboyante chevelure en place ou de son cigare. Les seules lames qu'elle semblait avoir étaient deux étrange dagues courbes attachées à ses cuisses. Et tous les deux portaient à la ceinture un masque de métal pour le moins inquiétant. Celui du jeune homme était particulièrement massif et austère, surmonté d'un bandeau faisant penser à la couronne d'un roi. Celui de la femme aux yeux bleu était constitué de lames de métal ondoyante et entrecroisées allant du blanc au gris bleuté et formant un entrelacs déstabilisant sur lequel on ne savait plus où poser le regard.

Mais lorsqu'ils arrivèrent dans la salle où l'administrateur Reikois leur avait donné rendez-vous - accompagnés par un quelconque assistant ou aide de camp - quelle ne fut pas la surprise de la grande femme aux cheveux blancs... Et celle de son compagnon en la voyant avancer en ouvrant les bras, un rire cristallin emplissant l'atmosphère.

- Tagar ? Tagar Reys ? C'est bien vous ? ça fait quoi ? Un an ? " Elle vint directement juste qu'à lui pour lui donner une accolade pleine d'affection, trop longue pour une simple connaissance d'affaire. " Je suis vraiment heureuse que vous vous soyez bien remis. Je ne savais pas ou envoyer de lettre. " lui souffla-t-elle plus bas à l'oreille avait de le relacher.
- J'en conclus que vous vous connaissez ?

Un sourcil de l'homme aux cheveux rouge s'était froncé et sa voix était descendu d'un ton, affirmant sans manière sa présence déjà charismatique.

- Nous nous sommes rencontré quelques fois en République. Nous nous étions rencontré pour une traque.

L'explication semble rasséréner le jeune homme en uniforme, qui n'en reste pas moins droit et le torse bombé... Mais ça fait surtout partie de sa nature.

- Je manque à tous mes devoirs. Tagar, je vous présente Le Roitelet, Elzéar Lorrane. Un des frères Limiers avec lesquels je suis venue et un très bon ami. El', Tagar Reys, Contrôleur Royal Reikois et héros Républicain. Il fait parti de ceux qui ont combattus lors de l'attaque de la fête nationale et c'est un fin gourmet.

La grande main du Limier vint se tendre sous le nez de Tagar, l'air bien plus affable.

- Enchanté.

Alors j’étais en train d’inspecter un lourd livre de compte, mon activité préférée, j’entends une douce et merveilleuse voix que je reconnais fort bien. Je suis quand même déstabilisé quand je vois une femme habillée et armée comme une véritable guerrière se diriger rapidement vers moi et me faire une accolade qui ressemble plus à un câlin.

Arrive alors une réaction typique que je déteste, je commence à rougir. Heureusement, elle se détache et j’arrive à reprendre contenance. Arrive alors un genre de bellâtre, qui doit sans doute pouvoir me couper en deux d’un simple coup d’épée et sans effort. Il se met directement à nous questionner, chose que je déteste également, je ne sais pas pourquoi, mais il semble très antipathique.

Ce sentiment est sans aucun doute réciproque, jusqu’à ce que la jeune femme lui dise que j’ai combattu, alors son comportement change. Tous les soldats sont vraiment pareils ! Mais je ne veux pas créer de problème, alors je lui serre la main, même si je n’en pense pas moins. Une fois les formalités effectuées, je demande à Rowena :

Je suis également content de vous revoir. Si vous avez un peu de temps dans la journée, je serai ravi de vous raconter les nombreuses choses qui se sont passé. Je connais un fabuleux restaurant en bord de mer. Il y a eu beaucoup de changement.

Redevenant professionnel, je leur dis à tous les deux :

L’empire du Reike, souhaite, par ma voix, vous remercier de votre aide. Les combats sont extrêmement rudes et je ne doute que votre expertise soit très appréciée. Nous vous avons choisi comme lieu de casernement, un ancien palais au sud de la ville dont l’ancien propriétaire c’est réfugié en République.

Je sors ensuite une liasse de feuillets et je leur tends :

Vu votre précédente affectation, je n’ai pas mis des noms, mais seulement des numéros, si vous souhaitez rester anonyme. Vous avez ici le montant de votre solde, payé en pièces rékoise et échangeable sur tout le territoire de la République.

J’attends leurs éventuelles observations avant de récupérer un double des documents paraphés et signés.

Elle avait oublié à quel point il rougissait facilement. Voir ce visage tout pâle rosir quelques instants lui rappelle des souvenirs et Rowena sourit encore plus. Elle s'était vraiment inquiété pour lui au printemps précédent et y avait repensé bien des fois. Il devait être marié d'ailleurs depuis le temps !

Mais le voilà qui cloisonne correctement leur entretien professionnel... Après qu'Elzéar se soit copieusement raclé la gorge, tirant sur son cigare en se postant au côté de la jeune femme qui ne semblait pas voir son manège. Rowena s'était contenté d'accepté l'invitation d'un hochement de tête avant de s'installer à table pour lire tout ce que l'administrateur leur demanderait de signer. De toute façon , ça ne pourrait pas être pire que les papiers républicains en trois exemplaires.

- C'est tout naturel. " lui sourit-elle lorsqu'il la remercia au nom du Reike. Puis, lorsqu'elle eu parcouru les liste, elle ajouta les pseudonymes de chaque Limier et agent du SCAR qui faisait parti de leur groupe. " En réalité, nous venons vous faire une proposition. La République nous a envoyé pour mesurer et surveiller la menace que représentent les évènements de Shoumëi. On nous a donné toute latitude pour coopérer avec vous, mais nous sommes toujours sous juridiction Républicaine. Notre groupe est également constitué de combattants et de mages habitués à enquêtés sur des magies interdites et des phénomènes très sombres, tout particulièrement les effets de corruptions et les magies antiques.

Toute légèreté avait quitté les traits de la jeune femme. D'un sérieux tout professionnel, elle continua, réexpliquant au besoin tout ce que Tagar aurait du mal à comprendre et répondant à toute question administrative supplémentaire.

- L'avantage c'est que nous pouvons participer aux combats, agir directement sur le terrain et rapporter des informations de première main. Nous pouvons être un double atout et nous vous proposons de travailler directement avec vos chercheurs pour partager toutes les découvertes concernant cette menace et maximiser nos chances. Comme preuve de bonne fois, nous vous proposons une copie de l'ensemble des rapports que nous enverrons à la République. Qu'en dites-vous ?

Cela me fait plaisir de voir la jeune femme acceptée d’un hochement de tête mon invitation et elle m’indique un peu sa manière de voir les choses. Je comprends que la République rechigne à laisser partir sans contrepartie, mais je lui indique en souriant d’un air contrit :

Je comprends fort bien ce que vous dites, mais je n’ai pas vraiment mon mot à dire. Je me contente de la partie financière, pour le reste, il faudrait voir le capitaine Gorka.

Quand on parle du loup, on voit l’orc de trois mètres aussi imposant qu’une montagne arriver. Ce dernier semble content de me voir et me crie :

J’arrive maître Tagar !

Je ne sais pas pourquoi il m’appelle comme cela, mais je ne suis pas du genre à contrarier une personne qui peut m’arracher la tête en éternuant. Il arrive donc à notre niveau et je lui explique :

Les personnes ici présentes font partie d’un groupe de soldats républicains. Ils sont là pour nous aider et nous donnerons une copie de tout ce qu’ils trouveront. En échange, ils devront bénéficier d’une grande liberté.

Je vois l’humanoïde réfléchir, puis au bout de quelques secondes, il me demande :

Est-ce qu’ils sont aussi balèzes que vous ?

Je le regarde un petit moment sans comprendre puis je lui sors :

Ha, ça.

Comme les deux gardiens de prison ne vont pas comprendre, je leur explique :

C’est arrivé lors d’une expédition, deux géants nous avaient cernés à l’extérieur de la ville et j’ai alors créer une immense boule de métal, afin de leur briser les deux jambes pour que nous puissions les vaincre, c’est tout.

Je me retourne ensuite vers le capitaine et je lui dis avec assurance :

Ils représentent l’élite de leur nation, ce masque en est la preuve et sont tous beaucoup plus fort que moi.

Mon interlocuteur semble satisfait car il me dit :

Alors c’est d’accord !

Sur ces dernières paroles, il sort et j’informe les deux soldats :

Avez-vous d’autres questions ou remarques ?

Quand Tagar explique ce qui s'est passé, la bouille du grand Limier aux cheveux rouge s'égaye et il bombe le torse mine de rien. Métal contre métal... Rowena le fusilla du coin de l'oeil mais seul un sourire féroce lui répondit. Non, il ne se lancerait pas dans un défi, déjà parce qu'ils étaient dans un contexte professionnel et après parce que de toute façon, personne ne lui arrivait à la cheville en matière de contrôle du métal. Il avait ça dans le sang... Et ce n'était pas une façon de parler puisque le bellâtre était un élémentaire de métal.

L'orc qui était apparu comme une tornade avait de quoi impressionné. Rarement la sirène avait levé la tête aussi haut pour regarder le visage de quelqu'un, mais au moins il était bonhomme et ne se fit pas prier. On sentait le côté "tous bras sont bons à prendre" sur lequel le général comme l'administrateur semblaient d'accord.

Pendant un moment, ils discutèrent encore l'accès aux bibliothèques, un lieu pour pouvoir faire leurs reluisantes et signer leur accord pour savoir comment ils se placeraient hiérarchiquement sur le champ de bataille. Puis l'Orc reparti et ils n'avaient plus grand chose à argumenter. Ils signèrent ce qu'il convenait avec Tagar et sortirent dès que le contrôleur eu glissé à Rowena l'heure et l'endroit de leur rendez-vous, pour annoncer à leurs compagnons qu'ils allaient pouvoir profiter d'un palais pendant leur séjour ! ... Bon, pas tout seuls, mais c'était quand même un cadre agréable.

Plus tard dans la journée, après s'être rafraichie mais toujours dans son uniforme de combat quoi qu'allégé de presque tout ce qu'elle avait à la ceinture, la jeune femme était ressorti pour retrouver le reikois. Pour trouver l'endroit, elle avait erré, découvrant la ville changée en fourmilière militaire... et pourtant, les commerces et surtout les lieux de détentes semblaient plus nombreux et bondés que jamais. Pendant leurs permissions, les soldats avaient besoin d'oublier ce qu'il y avait là-bas, derrière les murailles... et qui pouvait les dévorer en un instant. Aussi ne s'étonna-t-elle pas du nombre de gargotes, de restaurants ou de bateaux qui délivraient toutes sortes de denrées et d'objets de toutes sortes.

En voyant le jeune homme aux cheveux blancs, elle le salua de la main avant d'arriver à sa hauteur.

- J'espère ne pas vous avoir fait trop attendre ?

Il faut encore quelques minutes de discussion pour peaufiner les différents détails, mais finalement, nous arrivons à un accord satisfaisant pour les deux parties. Je n’ai plus qu’à indiquer à ma jolie interlocutrice à voix basse, ne voulant pas le bellâtre puisse penser qu’il est invité :

Je vous propose de me rejoindre au phare d’argent, à huit heures.

C’est un des établissements les plus classes de la ville et l’avantage avec toutes ces églises partout, c’est que l’on sait en permanence l’heure qu’il est. Je rentre donc chez moi, avec un bon bain servis par mes serviteurs Shoumeiens, je revêts une tenue bien propre et légèrement plus luxueuse de celle de ce midi. Je compte bien profiter de cet instant, les sorties sont bien trop rares par ici.

D’habitude, je reste enfermé à la caserne, travaillant sans relâche à former du personnel ou a traiter les affaires urgentes, sans compter les expéditions un peu partout pour retrouver les livres de compte que les nobles ont laissés dans leurs résidences lors de leurs fuites vers la République. J’arrive ainsi avec plusieurs minutes d’avance et je peux voir approcher mon invité qui ressemble beaucoup à une guerrière, sans ses bouts de métal partout. Arrivé à ma hauteur, elle me demande si je l’ai attendu et je lui réponds avec un large sourire :

Absolument pas, je viens d’arriver.

C’est faux, bien entendu, mais il s’agit d’une ruse classique. Je lui ouvre donc la porte du restaurant, notre table étant déjà réservée, puis je l’aide à s’asseoir avant de faire de même. Je peux enfin lui dire :

Je suis très heureux que vous ayez accepté mon invitation et que ni vous, ni moi, ne soyons en service.

Le service arrive avec les cartes et je pense bon de lui préciser :

Je me souviens, lors de notre premier dîner, que vous aviez pris du poisson. Je vous invite à nouveau d’ailleurs. Concernant notre dernier repas et la nourriture de l’hôpital, je préfère ne plus y penser, elle était horrible.

Mais je me souviens de son corps chaud allongé contre le mien et ce souvenir me fait légèrement rougir.

En arrivant, elle remarque le changement de vêtements... Et l'écart plus visible que jamais entre elle et lui. Ce n'était pas que son uniforme lui allait mal, bien au contraire. Mais bien que le tissus soit coupé à la perfection, il restait un vêtement militaire taillé pour le combat, pas pour mettre en valeur la grâce féminine de sa porteuse. Son égo en prend un petit coup, mais elle se contente de plaisanter.

- Vous êtes très élégant ! C'est drôle, lorsqu'on se rencontre je suis toujours en tenue de travail. Un jour il faudra que je vous invite à une soirée pour être à la hauteur de votre style. Un concert privé vous plairait je pense.

Et pour couronner le tout, il avait gardé ses manières impeccables, lui tenant la chaise et la porte comme s'ils avaient été dans le meilleur monde.

- ça me fait plaisir de vous retrouver. Vraiment. Je n'allais pas rater une occasion pareille... Surtout que je crois me souvenir de votre goût très sûr en matière de gastronomie... Pour un reikois. " ajouta-t-elle avec un sourire taquin.

En matière d'art en général d'ailleurs. Ils avaient bien discuté ce soir là... Ils avaient aussi discuté lors de leur dernière entrevue mais pas de la même façon. Elle pensais sincèrement ce qu'elle lui avait dit en partant d'ailleurs.

- Je me souviens, lors de notre premier dîner, que vous aviez pris du poisson.
- Oui. J'aime beaucoup les produits de la mer. Je les ai découvert tard, mais ça doit être gravé dans ma nature.

Elle rit au souvenir de cette époque. Le pauvre pouvait à peine manger tout seul et il fallait voir ce qu'ils lui avaient servit. Sa remarque était innocente, mais elle serait surement incomprise, le reikois ne sachant toujours pas qu'il n'avait pas affaire à une humaine, mais à une sirène.

- Plus la nourriture est mauvaise, plus les patients ont envie de partir vite. C'est un secret de médecine républicaine. " Elle rit encore, prenant quelques instants pour parcourir la carte. Tout avait l'air délicieux et était fait à partir des poissons de la baie. Un nombre de crustacés et de coquillages impressionnant trônaient au menu... Et elle réalisa enfin, marquant un temps d'arrêt.

Son regard bleuté remonta de la carte pour regarder Tagar en face, un sourire doux et reconnaissant illuminant littéralement ses traits. Une expression calme et intimiste loin de la joie expansive de leurs retrouvailles du matin.

- C'est pour ça que vous avez choisis un restaurant sur le port. Vous vous êtes souvenu que j'avais pris du poisson. Je vous remercie. C'est très prévenant de votre part. J'apprécie. " Elle referma sa carte, décidée. " C'est vrai que nous avions passé une belle soirée... J'espère que votre mère se porte bien, d'ailleurs ? Elle et votre femme doivent être terrifiées à l'idée de vous savoir si loin.

Je souris devant sa remarque et quand elle me propose de nous revoir, je lui annonce avec un grand sourire :

C’est une merveilleuse idée, je suis prêt à aller en République quand vous le souhaitez.

J’avais raison concernant le poisson, il s’agit bien d’un plat qu’elle affectionne et je garde cette information bien présente dans mon esprit. J’ai droit à un nouveau compliment et je lui dis toujours en souriant :

Vous avez un véritable soutien pour moi, quand j’ai été blessé. Si je peux un jour vous rendre la pareille, dites-le-moi et je vous aiderai, quelle que soit la distance ou les difficultés.

Elle me demande ensuite comment va ma mère et je lui réponds en souriant :

Ma mère se porte bien, elle est restée à Ikuza à l’abri et se bat comme une lionne pour sauver sa fortune.

Le serveur arrive à ce moment-là et nous propose de commencer les festivités par un petit vin rosé. Au moment où il est servi et que je le goûte pour vérifier qu’il n’est pas bouchonné, la guerrière me pose une question et complètement pris par surprise j’avale de travers. Il me faut quelques secondes pour tousser et reprendre mon souffle et je m’en excuse :

Désolé, je ne m'y attendais pas.

Pour avoir le temps de me remettre, je fais signe à l’employer de nous servir et j’indique à la jeune femme :

Il est excellent.

Puis je retourne sur le sujet principal :

Je ne suis pas marié, j’ai été fiancé pendant quelques mois, mais cela n’a pas duré. Je suis donc tranquille, de ce côté-là. Et pour vous ? Votre mari doit être très fier de vous. Vous continuez à protéger le Sekai entier des monstres et c’est une des tâches les plus nobles qui existe.

Elle remercia une fois de plus le noble reikois lorsqu'il lui promis son aide si un jour elle avait besoin de lui et lui promis de même, de faire son possible pour le sortir d'affaire quand il en aurait besoin.

- Alors c'est pour ça que vous vous entendez si bien avec les Républicain ? " le taquina-t-elle encore lorsqu'il ajouta que sa mère se battait pour garder sa fortune.

Elle avait la langue plus aiguisée qu'à leur dernière rencontre... Sans doute passait-elle trop de temps avec ses collègues les plus caustiques. Mais elle trouvait mignon le lien qui unissait cet homme à sa mère. Même dans un monde qui tirait sur sa fin et était en proie au plus grand chaos, il avait toujours cette chaleur quand il parlait d'elle. Même de ce que d'aucuns auraient considéré comme des défauts.

- Tagar ?! Vous voulez de l'eau ? Quelque chose ? " lui demanda-t-elle lorsqu'il se noya à demi en goutant le vin. Elle lui tendit sa serviette tout en faisant signe au serveur que tout allait bien.

- Oh... " Alors il n'était pas marié... Le pauvre. Ses fiançailles avaient donc été rompues depuis son acte de bravoure en République. " Je suis désolée. Après ce pèlerinage au temple et... Elle a du faire quelque chose de vraiment atroce pour... " mais elle s'arrêta secouant la tête avec légèreté. " Pardonnez-moi c'est totalement déplacé.

Elle porta son verre à ses lèvres pour en prendre une gorgée après avoir trinquer, souhaitant à son camarade le meilleur... Et une longue-looongue vie malgré les temps troublés. Puis son expression légère s'était brusquement faite un peu nostalgique.

- Il me semble que je vous avais dit à l'époque qu'aucun mari ne m'attendait à la maison et c'est toujours le cas. " Puis son sourire revint... avec une touche de rose sur ses pommettes. " Mais j'avoue que depuis quelques mois, j'ai accepté d'essayer de... d'honorer un unique partenaire. Je suppose qu'on peut dire que j'ai... un compagnon... Et oui, il est fier de moi.

Après tant de temps, il était étrange de parler de lui ainsi à des gens qu'ils ne connaissaient pas tout deux. Il était aussi étrange de se sentir limiter dans ses actions face à un homme qui lui avait servit d'oreiller pour une sieste alors qu'il était nu, pour lequel elle avait eu du désir et pour lequel elle en avait encore. Elle avait déjà eu des partenaires suivis, mais la plupart étaient aussi libertins qu'elle... Et les autres n'avaient pas durer bien longtemps. Mais même quand elle pensait à eux, elle n'éprouvait en rien ce qu'elle ressentait aujourd'hui pour son fameux compagnon. Mêler ainsi les affaires du corps et du cœur n'était finalement pas aussi aisé qu'elle l'avait toujours prôné.

- Nous verrons si cela durera. " ajouta-t-elle en une pudique humilité. " Venir ici était aussi son idée. Si je n'avais pas demandé la création d'une compagnie spéciale, il aurait été capable de venir tout seul se mettre à votre service.

Et il aurait même été capable de faire le trajet à la nage jusqu'à Sancta lorsque la perspective de comprendre davantage le Razkaal était apparu en l'entité de Xo'Rath... Mais heureusement, elle avait eut gain de cause cette fois là.

Le serveur revint avec les entrées. Elle avait parié sur un assortiment de coquillages frais composés de différentes sortes d'huitre, de couteaux et de palourdes.

- Mais dites moi plutôt ce qui s'est passé avant que la fin du monde ne nous tombe dessus. J'ai entendu de curieuses rumeurs sur ce qu'il s'était passé au palais royal du Reike au printemps dernier. Je n'ai pas tout compris, mais avec votre position vous avez du être pris à parti.

La blague de la jeune femme sur ma Mère me fait beaucoup rire, mais je retrouve vite mon calme quand elle me parle de Mirari et je lui dis simplement :

Elle n’a rien fait de mal, j’ai juste pensé que mes sentiments étaient partagés. Je me suis juste trop emballé, c’est un de mes petits défauts.

Mais le pire reste à venir, car mon interlocutrice a une relation sérieuse ! J’avoue avoir du mal à rester impassible, car j’avais plein de projets en tête pour ce soir, après tout, on s’est embrassé une fois, c’est notre troisième diners et je pensais que j’aurais peut-être le droit, avec de la chance, à un autre baiser. Tout vient de voler en éclats en moins d’une seconde et je suis sûr que c’est à cause de ce bellâtre de cette après-midi ! Et cela doit vraiment être du sérieux, car elle a accompagné ici, ce qui ressemble le plus à l’enfer sur le Sekai. Par les Astres, j’ai encore raté ma chance. Je suis tiré de mes sombres pensées par la guerrière qui me demande ce qu’il s’est passé avant l’arrivé des Titans et je lui réponds bien volontiers, content de changer de sujet de conversation :

La Reine a été victime d’un attentat par une morte-vivante très puissante. J’ai été réquisitionné par la responsable de l’enquête, car on avait volé une grosse somme au Palais à ce moment-là, mais ce n’était qu’une fausse piste. L’important, c’est que j’étais présent ce jour-là et que j’ai rencontré la liche. Elle s’est enfuie en tuant une de mes compagnons. De retour au Palais, l’Empereur n’a pas apprécié notre échec et à brûler, frappé et emprisonné la moitié des enquêteurs. Pour ma part, j’ai seulement perdu toute ma fortune personnelle, ce qui est un moindre mal, donc je vais bien.

À ce moment, arrive le serveur et je lui indique :

Pour moi, ce sera un saumon aux échalotes et fines herbes, et pour vous ?

J’attends qu’elle commande avant de reprendre notre conversation :

J’avoue que la venue des Titans m’a pris complètement pris par surprise ! La République a bien su tirer son épingle du jeu, d’ailleurs, avez-vous participé à l’invasion de l’île des Pirates ?

- Non. Vous êtes bien renseignée, elle n'est pas encore assurée. " balaie la jeune femme d'un revers de mains lorsqu'il parle Kaizoku.

Elle n'est absolument pas fière du comportement républicain sur ce coup là mais elle ne peut pas leur en vouloir non plus. Les pirates faisaient des ravages sur côtes et ce qu'elle avait participé à découvrir sur l'horreur de la fête nationale n'avait pas adoucie l'opinion des puissant envers les habitants de l'île libre... Mais le commanditaire n'en était pas moins républicain et l'enquête secrète l'avait prouvé... et s'en était chargé. Elle ne l'avouerait pour rien au monde - surtout parce que cela faisait parti des données confidentielles qu'elle préservait - mais l'idée que les politiques se soient servit de tout ça pour orienter l'armée vers Kaizoku au lieu de s'occuper avant tout des monstres qui avaient émergés et des titants à Shoumei lui restait en travers de la gorge...

... Mais pas autant que ce que son hôte lui avait dit une seconde plus tôt.

- Mais attendez... Il vous a enlevé vos possessions ? Juste... Comme ça, sur un coup de tête ? Votre domaine, vos richesses ? Tout ?

Elle était proprement horrifiée et scandalisée. Voilà pourquoi les républicains avaient refusé l'avènement d'un nouveau monarque ! Voilà pourquoi il était si important de garder les pouvoirs séparés et de limiter les débordements d'égos... Non mais vraiment ! S'en prendre aux fruit d'un labeur durement gagné.

- Comment peut-il justifier une punition aussi arbitraire et sévère sur un simple échec ?! Des mutilations, des emprisonnements et la ruine. C'est un dirigeant ou un tirant ?

Elle n'avait pas mesuré son ton ni ses mots et quelques regards en coins commençaient à les observer d'un air allant de la circonspection à l'agressivité contenue.

Mon interlocutrice n’a malheureusement pas participé à la prise de l’île aux Pirates, ce qui est bien dommage. J’aurais bien voulu savoir comment cette dernière, c’est déroulé, le modèle économique de la République ayant eu sans doute des difficultés à intégrer l’administration de Kaizoku. Je suppose qu’il va falloir que je trouve des renseignements ailleurs.
Concernant ce qu’il s’est passé avec l’Empereur, ma situation semble l’avoir passablement énervé et je vois que certaines personnes regardent dans notre direction. En plus, si on l’aurait sans doute applaudi dans d’autres endroits de la ville, ce restaurant est fréquenté principalement par des Reikois. Je décide donc de la calmer, en lui mettant ma main sur la sienne et en lui disant d’une voix calme :

Calmez-vous, tout va bien.

Une fois qu’elle s’est reprise, je lui souris gentiment et lui annonce :

J’apprécie beaucoup votre sollicitude, mais elle risque de vous attirer des ennuis, surtout ici. Pour ma part, j’ai dû verser une grosse amende qui m’a mis sur la paille. Mais je n’ai que ma paye de contrôleur, le reste des biens, y compris la demeure familiale appartiennent à ma Mère et n'ont pas été touché.

Une fois que je suis sûr qu’elle s’est entièrement calmée, j’enlève ma main et je lui précise à voix basse :

Vous vous attendiez à quoi d’un guerrier qui a provoqué une guerre civile et l’a gagné au prix de très nombreux morts dans mon pays ?

Je ne lui parle pas des gardes royaux qui ont été suppliciés aux murs du Palais pendant des jours, cela ne risquera que d’aggraver les choses. Je lui indique donc rapidement :

Ce n’était pas vraiment une question. L’important est que j’ai été pris dans ce sac de nœuds et que maintenant, je ferais plus attention. Mais assez parlé de moi, comment avez-vous rencontré l’élu de votre cœur ?

Autant changé de sujet et par la même occasion connaître le nom de mon rival de bisous.

Comprenant qu'elle avait haussé le ton de trop, la sirène choquée gardait les traits sévères mais souffla un coup.

- Pas tout de même. Étant donné vos états de services et votre dévouement, je trouve ça... révoltant. " grommela-t-elle à voix basse, penché vers la victime même de cet acte barbare. Sans y penser vraiment, elle avait pris la main qu'il avait posé sur la sienne en un mouvement de sympathie et de connivence. " C'est un juste... "

Au moins, il est lucide concernant l'homme qu'il sert... Et elle comprend encore moins, délaissant les doigts de son hôte pour reprendre deux bonne gorgées de vin rien que pour se calmer. Elle le fusille du regard. Vraiment ! Comment les reikois peuvent-ils accepter de servir un homme aussi mauvais ?! Un belliciste qui puni injustement ses plus proches vassaux. Ses collaborateurs les plus convaincus. Elle se souvenait du reike comme d'une terre dure qui récompense la force et la débrouillardise, mais pas comme une terre d'injustice.

Remâchant la nouvelle, elle secoua la tête lorsqu'il coupa court à la discussion. Oui... Mieux valait éviter le sujet visiblement. Elle s'éclaircit la gorge et prend le temps de placer un faible, mais parfaitement audible pour son compagnon :

- Si un jour le Reike vous prend plus que ce que vous acceptez de donner, sachez que les Ironsouls ne cracheront jamais sur un trésorier de votre calibre.

Et une troisième rasade fit passer la moutarde qui lui montait au nez.

- L'élu de... Hein ... Oui... Hmmm... " euh... ? Il voulait vraiment parler de ça ? Ne voulait pas paraitre malpolie ou indélicate, elle ne le lui fit pas remarqué, mais c'était tout de même surprenant. " Nous nous connaissons depuis très longtemps à vrai dire. Des amis de longue date. Il a été mon mentor quand je suis entrée au Razkaal il y a quoi... dix ans ? A peu près. Une relation avec un collègue n'est pas quelque chose de franchement encouragé dans notre milieu mais les choses ont simplement... changées il y a peu de temps.

En y repensant, son expression avait de nouveau changée pour un sourire naturel.

- Je ne suis pas sûre que vous vous entendriez bien. Il peut être assez caustique quand on a pas l'habitude " sourit-elle, un peu dépitée. " Vous avez surement ce genre de proches dans votre entourage. Un cœur en or caché derrière un monceau de ronces et d'épines acérées.

Je rougis quand elle me serre la main, mais heureusement, cela ne dure pas. De toute façon, je ne me fais aucune illusion, elle m’a annoncé qu’elle était pratiquement fiancée et c’est le genre de chose qui est sacré pour moi. Je dois faire définitivement une croix dessus. Elle m’indique ensuite que les Ironsouls pourront m’embaucher et je lui réponds en souriant, à voix basse pour n’être entendu que d’elle :

J’apprécie votre proposition et si un jour, les choses deviennent trop dangereuses, je m’en souviendrais.

Avec un Empereur comme Tensai qui frappe, mutile et exécute à tour de bras, on ne sait jamais. Parfois, il vaut mieux se mettre au vert et attendre que l’orage passe que rester au milieu de la tempête et se prendre une vague géante en pleine poire. J’en apprends ensuite plus sur son bellâtre, un gars sûrement super musclé, mais qui a un extérieur peu avenant. En plus, il a profité de son ascendance sur cette pauvre jeune fille innocente pour la faire tomber amoureuse de lui !

Quand elle m’indique que j’ai sûrement ce genre d’individu dans mon entourage, j’ai envie de lui répondre deux choses, la première est que je n’ai aucun pervers narcissique dans mon cercle d'ami et la deuxième, c’est que les ronces, moi, je les coupe dans mon jardin. Toutefois, je ne peux pas le dire à une personne que j’apprécie autant alors je me contente d’un neutre :

Il a sûrement des qualités pour que vous l’appréciiez autant.

Bien sûr, je n’en pense pas un mot. Heureusement pour moi, les plats arrivent pile à ce moment, me fournissant une excuse pour ne pas approfondir la question. C’est donc après avoir fait honneur au saumon que je lui demande :

J’espère que les membres de votre famille n’ont pas trop souffert de l’attaque des Titans.

Je sais que la République a été victime d’attaques, qui, même si elles sont repoussées font chaque jour des victimes.