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Vrai Homme du Reike
Alasker Crudelis
Messages : 217
crédits : 2706
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Info personnage
Race: Loup-Garou
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: B
Ses gars n'étaient pas des médecins. Le rafistoleur de la bande avait rendu l'âme bien avant qu'il ne tombe, alors ils avaient dû faire avec les moyens du bord lorsque le crâne de leur champion s'était ouvert comme un fruit trop mûr, ses deux faces seulement maintenue en place par des mains géantes et crispées par la douleur impossible d'une dislocation crânienne.
En pénétrant dans le cuir chevelu, le clou avait émis un “clac” retentissant que ses mâchoires avaient imitées en se refermant brutalement. Ils s'y étaient mis à six pour le maintenir en place, le temps de loger l'autre.
Alasker s'était réveillé huit heures après. Son organisme surnaturel avait déjà refermé la brisure, ressoudé les deux parties de son énorme gueule en assimilant à jamais en elle l'acier des clous plantés dedans. Il était resté aveugle d'un œil pendant un mois, incapable de sentir quoique ce soit, un goût, une odeur, la brise moite de la jungle, pendant plus d'un mois.
Dans son état, lui qui avait toujours été leur champion, s'était retrouvé bien incapable de les sortir de l'enfer végétal.
Alors, ils avaient eu besoin d'une guide.
***
“-Je déteste cette jungle.” Gronda Iratus en s'efforçant de chasser ses plus désagréables souvenirs de son esprit courroucé.
Derrière-lui, quelques soldats de la légion du Courroux s'efforçaient de suivre la cadence du duo de tête. Il pouvait les entendre jurer et souffler, même à soixante pieds de distances. Leurs armures d'aciers et leurs solerets pointus dérapaient dans la boue et s'accrochaient volontiers aux lianes et plantes grimpantes bordant la route que le Géant d'airain et son accompagnateur du moment traçaient pour eux.
La Salvatrice dans ses mains, son fer gluant de sèves, il découpait les bosquets qui ne se couchaient pas simplement dans son sillage. A travers les fentes de son casque, son regard d’encre s’efforçait de ne voir que les obstacles, sans chercher à découvrir le moindre repère. C’était peine perdue ici.
Retrouver la tanière de leur invitée aurait été impossible. Il fallait la trouver, tout simplement. L'inverse nécessitait cartes, points de repères et toutes ces joyeusetés lui ayant singulièrement manqué, jadis.
Mais les autochtones de la Jungle de Sang étaient connus pour leur discrétion. Comment découvrir la tanière de l'une d'entre-elle, spécifiquement ? La question valait la peine d'être posée, quand bien même sa réponse -celle d'Iratus- s'avérait d'une étonnante simplicité.
Il suffisait de faire en sorte d'attirer son attention pour qu'Elle les trouve.
En pénétrant dans son territoire, par exemple. Plutôt que simplement marcher laborieusement à travers ce dernier, en retournant terres et végétaux. En traçant un sillon plutôt qu'en laissant des empreintes.
Ils étaient pressés, et la créature recherchée n'avait jamais fait preuve d'une grande timidité, jusqu’à maintenant.
“-Ne tire pas ta lame trop vite, frère.” Les crocs du loup se découvrirent dans un rictus sauvage. Plus le temps avançait et plus il se surprenait à cracher des paroles apaisantes plutôt que des cris de guerres. Funeste don qu'était l'expérience. Impitoyable, elle rongeait petit à petit les plaisirs de la chasse pour mieux aiguiser l'instinct de survie. “Elle est beaucoup de choses, mais pas notre ennemie.”
Tulkas avait tenu à l'accompagner. A croire que présider la vermine Shoumeïenne ne lui plaisait qu'à mi-temps. Il ne pouvait pas vraiment lui jeter la pierre pour ça. Assis sur un trône toute la journée, à écouter doléances et autres piaillements de chiots galeux tout en étant forcé d'afficher le masque de marbre du dirigeant pour espérer continuer à faire régner un semblant d'ordre parmi ces abrutis -que le Reike avait déjà pourtant sauvé deux fois- le Serre Pourpre en lui devait sentir l'écume lui monter aux lèvres.
Un guerrier -du moins Alasker l'espérait- demeurait un guerrier. Qu'importe le titre, le temps, l'enjeu.
L'appel du sang ne quittait jamais vraiment ceux l'ayant un jour fait couler pour vivre…ou pour se sentir en vie, dans le cas de Tulkas.
Une exclamation provenant de l'arrière-garde interrompit leur progression. Il se retourna et profita de cet arrêt momentané pour décrocher une branche de sumac coincée dans sa genouillère. Un instant de flottement plus tard, et les gueulards reprenaient de plus belle.
“-Bordel.” Gronda le berserker en revenant sur ses pas.
La crise actuelle concernait la faune et la flore d'un domaine Reikois. Tout naturellement, des enquêteurs du RSAF avaient été dépêchés ici et là dans le but de découvrir et répertorier les propriétés des roses de sang au sein de l'enfer tropical qu'était la jungle.
Et bien entendu, chaque expédition de moyenne à grande envergure se devait d'embarquer un ou plusieurs de ces petits génies.
Contre toute attente, le Géant d'airain lui-même entretenait de bonnes relations avec le RSAF, en général. Mais tous les chercheurs et dresseurs de l'organisation souterraine ne partageaient pas le courage comme le phrasé de Lars Petitgroin.
Et les guerriers de la légion du Loup pouvaient se montrer un tantinet territoriaux, lors d'opérations conjointes.
“-Taisez-vous ou c’est moi qui vous fait taire.” La menace, proférée d'une voix sourde, stoppa la zizanie. Les guerriers s’interrompirent immédiatement, de même que le chercheur avec qui ils semblaient en conflit. Simplement armé d’une pince et d’une sacoche d’où s’échappait un fumet indescriptible, le scientifique, dans un profond soupir agacé, arracha des mains de l’une des brutes la pelle que cette dernière lui avait subtilisée. Un rapide coup d’oeil en direction du bosquet de plantes aux pétales écarlates suffit au Tovyr à comprendre l’origine de la discorde.
“-Sir Crudelis.” Commença le génie à la main verte avant que l’ombre dudit Sir ne le recouvre.
“-Nous ne prenons pas d’échantillon ici, chercheur Aynthaïr.” Déjà, les deux sous-fifres du scientifique en chef rattaché à sa cohorte s’approchaient pour observer la scène. Ils paraissaient si fragiles, avec leurs robes et leurs masques, leurs sacs et leurs bocaux. La tâche de les considérer comme une menace était impossible, celle de ne simplement pas les voir telles des proies : plus qu’ardue. Une part de lui, cette chose qui lapait encore et toujours le sang coulant de son cerveau constamment infecté par la rage, voulait plonger son museau entre leurs côtes entrouvertes et trop faiblement protégées pour y broyer coeurs et poumons.
Et il n’était pas certain de renoncer à ce plaisir simple, si par défiance ces intrus osaient une fois encore ralentir leur marche.
“-Vous êtes des observateurs. Vous ne prenez aucune décision sans m’informer moi ou Tulkas au préalable.” Ils le regardaient comme des chiots regardent un ours. Le duo de sous-fifre se rapprochait de leur chef, incapables d’abandonner leurs habitudes de lèche-botte malgré la crainte qu’il exerçait sur eux. En quoi donc pourrait se transformer cette crainte, si d’une pression le loup retirait son heaume pour laisser son visage dévoré par les tics nerveux et la crasse de la jungle à la lumière du jour de cette trop humide fin de matinée? “Troublez encore une fois notre avancée et je vous renverrai au campement.”
A une demi-journée de là, le campement était actuellement gardé par ses Dévoreurs…Et si Les Chercheurs couinaient déjà en compagnie des brutes régulières de sa légion, ils risquaient fort de ne pas apprécier la compagnie de Kirk et de sa collection d’oreilles.
La menace fit mouche -si tant est que l’exploit de terroriser davantage le trio de petit génie était seulement possible- et les guerriers dans son dos jappèrent quelques ricanements pareillement pitoyables aux couinements des chercheurs. Il se détourna, sans rien ajouter. Puis braqua l’encre de ses yeux dans l’un des innombrables murs végétaux encerclant le couloir qu’ils s’étaient forés.
A l’Ouest, près d’un arbre au tronc dévoré par des plantes grimpantes aux grappes de baies aussi rouges que ne l’était l’hémorragique boue de cet enfer de lianes. Quelque chose avait bougé. Et le vent trop chaud qui couchait parfois les herbes hautes pour dévoiler les épines se cachant entre les brins portait avec lui une odeur de mort. Celle d’un prédateur. D’un serpent.
Il aurait souri si ses lèvres agitées de spasmes le lui avaient permis. A la place, l’Enragé se contenta de reprendre sa place, à l’avant… Pour continuer son œuvre.
En pénétrant dans le cuir chevelu, le clou avait émis un “clac” retentissant que ses mâchoires avaient imitées en se refermant brutalement. Ils s'y étaient mis à six pour le maintenir en place, le temps de loger l'autre.
Alasker s'était réveillé huit heures après. Son organisme surnaturel avait déjà refermé la brisure, ressoudé les deux parties de son énorme gueule en assimilant à jamais en elle l'acier des clous plantés dedans. Il était resté aveugle d'un œil pendant un mois, incapable de sentir quoique ce soit, un goût, une odeur, la brise moite de la jungle, pendant plus d'un mois.
Dans son état, lui qui avait toujours été leur champion, s'était retrouvé bien incapable de les sortir de l'enfer végétal.
Alors, ils avaient eu besoin d'une guide.
***
“-Je déteste cette jungle.” Gronda Iratus en s'efforçant de chasser ses plus désagréables souvenirs de son esprit courroucé.
Derrière-lui, quelques soldats de la légion du Courroux s'efforçaient de suivre la cadence du duo de tête. Il pouvait les entendre jurer et souffler, même à soixante pieds de distances. Leurs armures d'aciers et leurs solerets pointus dérapaient dans la boue et s'accrochaient volontiers aux lianes et plantes grimpantes bordant la route que le Géant d'airain et son accompagnateur du moment traçaient pour eux.
La Salvatrice dans ses mains, son fer gluant de sèves, il découpait les bosquets qui ne se couchaient pas simplement dans son sillage. A travers les fentes de son casque, son regard d’encre s’efforçait de ne voir que les obstacles, sans chercher à découvrir le moindre repère. C’était peine perdue ici.
Retrouver la tanière de leur invitée aurait été impossible. Il fallait la trouver, tout simplement. L'inverse nécessitait cartes, points de repères et toutes ces joyeusetés lui ayant singulièrement manqué, jadis.
Mais les autochtones de la Jungle de Sang étaient connus pour leur discrétion. Comment découvrir la tanière de l'une d'entre-elle, spécifiquement ? La question valait la peine d'être posée, quand bien même sa réponse -celle d'Iratus- s'avérait d'une étonnante simplicité.
Il suffisait de faire en sorte d'attirer son attention pour qu'Elle les trouve.
En pénétrant dans son territoire, par exemple. Plutôt que simplement marcher laborieusement à travers ce dernier, en retournant terres et végétaux. En traçant un sillon plutôt qu'en laissant des empreintes.
Ils étaient pressés, et la créature recherchée n'avait jamais fait preuve d'une grande timidité, jusqu’à maintenant.
“-Ne tire pas ta lame trop vite, frère.” Les crocs du loup se découvrirent dans un rictus sauvage. Plus le temps avançait et plus il se surprenait à cracher des paroles apaisantes plutôt que des cris de guerres. Funeste don qu'était l'expérience. Impitoyable, elle rongeait petit à petit les plaisirs de la chasse pour mieux aiguiser l'instinct de survie. “Elle est beaucoup de choses, mais pas notre ennemie.”
Tulkas avait tenu à l'accompagner. A croire que présider la vermine Shoumeïenne ne lui plaisait qu'à mi-temps. Il ne pouvait pas vraiment lui jeter la pierre pour ça. Assis sur un trône toute la journée, à écouter doléances et autres piaillements de chiots galeux tout en étant forcé d'afficher le masque de marbre du dirigeant pour espérer continuer à faire régner un semblant d'ordre parmi ces abrutis -que le Reike avait déjà pourtant sauvé deux fois- le Serre Pourpre en lui devait sentir l'écume lui monter aux lèvres.
Un guerrier -du moins Alasker l'espérait- demeurait un guerrier. Qu'importe le titre, le temps, l'enjeu.
L'appel du sang ne quittait jamais vraiment ceux l'ayant un jour fait couler pour vivre…ou pour se sentir en vie, dans le cas de Tulkas.
Une exclamation provenant de l'arrière-garde interrompit leur progression. Il se retourna et profita de cet arrêt momentané pour décrocher une branche de sumac coincée dans sa genouillère. Un instant de flottement plus tard, et les gueulards reprenaient de plus belle.
“-Bordel.” Gronda le berserker en revenant sur ses pas.
La crise actuelle concernait la faune et la flore d'un domaine Reikois. Tout naturellement, des enquêteurs du RSAF avaient été dépêchés ici et là dans le but de découvrir et répertorier les propriétés des roses de sang au sein de l'enfer tropical qu'était la jungle.
Et bien entendu, chaque expédition de moyenne à grande envergure se devait d'embarquer un ou plusieurs de ces petits génies.
Contre toute attente, le Géant d'airain lui-même entretenait de bonnes relations avec le RSAF, en général. Mais tous les chercheurs et dresseurs de l'organisation souterraine ne partageaient pas le courage comme le phrasé de Lars Petitgroin.
Et les guerriers de la légion du Loup pouvaient se montrer un tantinet territoriaux, lors d'opérations conjointes.
“-Taisez-vous ou c’est moi qui vous fait taire.” La menace, proférée d'une voix sourde, stoppa la zizanie. Les guerriers s’interrompirent immédiatement, de même que le chercheur avec qui ils semblaient en conflit. Simplement armé d’une pince et d’une sacoche d’où s’échappait un fumet indescriptible, le scientifique, dans un profond soupir agacé, arracha des mains de l’une des brutes la pelle que cette dernière lui avait subtilisée. Un rapide coup d’oeil en direction du bosquet de plantes aux pétales écarlates suffit au Tovyr à comprendre l’origine de la discorde.
“-Sir Crudelis.” Commença le génie à la main verte avant que l’ombre dudit Sir ne le recouvre.
“-Nous ne prenons pas d’échantillon ici, chercheur Aynthaïr.” Déjà, les deux sous-fifres du scientifique en chef rattaché à sa cohorte s’approchaient pour observer la scène. Ils paraissaient si fragiles, avec leurs robes et leurs masques, leurs sacs et leurs bocaux. La tâche de les considérer comme une menace était impossible, celle de ne simplement pas les voir telles des proies : plus qu’ardue. Une part de lui, cette chose qui lapait encore et toujours le sang coulant de son cerveau constamment infecté par la rage, voulait plonger son museau entre leurs côtes entrouvertes et trop faiblement protégées pour y broyer coeurs et poumons.
Et il n’était pas certain de renoncer à ce plaisir simple, si par défiance ces intrus osaient une fois encore ralentir leur marche.
“-Vous êtes des observateurs. Vous ne prenez aucune décision sans m’informer moi ou Tulkas au préalable.” Ils le regardaient comme des chiots regardent un ours. Le duo de sous-fifre se rapprochait de leur chef, incapables d’abandonner leurs habitudes de lèche-botte malgré la crainte qu’il exerçait sur eux. En quoi donc pourrait se transformer cette crainte, si d’une pression le loup retirait son heaume pour laisser son visage dévoré par les tics nerveux et la crasse de la jungle à la lumière du jour de cette trop humide fin de matinée? “Troublez encore une fois notre avancée et je vous renverrai au campement.”
A une demi-journée de là, le campement était actuellement gardé par ses Dévoreurs…Et si Les Chercheurs couinaient déjà en compagnie des brutes régulières de sa légion, ils risquaient fort de ne pas apprécier la compagnie de Kirk et de sa collection d’oreilles.
La menace fit mouche -si tant est que l’exploit de terroriser davantage le trio de petit génie était seulement possible- et les guerriers dans son dos jappèrent quelques ricanements pareillement pitoyables aux couinements des chercheurs. Il se détourna, sans rien ajouter. Puis braqua l’encre de ses yeux dans l’un des innombrables murs végétaux encerclant le couloir qu’ils s’étaient forés.
A l’Ouest, près d’un arbre au tronc dévoré par des plantes grimpantes aux grappes de baies aussi rouges que ne l’était l’hémorragique boue de cet enfer de lianes. Quelque chose avait bougé. Et le vent trop chaud qui couchait parfois les herbes hautes pour dévoiler les épines se cachant entre les brins portait avec lui une odeur de mort. Celle d’un prédateur. D’un serpent.
Il aurait souri si ses lèvres agitées de spasmes le lui avaient permis. A la place, l’Enragé se contenta de reprendre sa place, à l’avant… Pour continuer son œuvre.
Citoyen du Reike
Tulkas
Messages : 159
crédits : -259
crédits : -259
Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal mauvais
Rang: B
- Merci de m’avoir laissé t’accompagner, Iratus. Tu n’as pas idée à quel point je – Par la carcasse de –
Le bruit sourd de l’acier amorti par un lit de boue sanglante se fit entendre, accompagné d’une litanie injurieuse dans la langue, pourtant poétique, du désert. Un florilège d’insultes, dirigées contre les titans, pour avoir posé cette tumeur verdoyante à la surface du monde. Dirigées contre lui-même, qui avait sauté à la gorge de la première opportunité de quitter pendant quelques jours le trône de Maël, dirigées contre la jungle de sang elle-même, qui se refusait de se plier à sa volonté.
Son poing s’écrasa dans la terre, avant qu’il ne se redresse en lançant un « Bordel. » de ponctuation, s’essuyant la paume contre le flancart lamellaire de son armure d’acier nu. Attrapant entre la pince de son index et de son pouce le cadavre d’une liane qui s’était accrochée à son gorgerin, qu’il désangla pour laisser s’écouler la boue qu’il retenait prisonnière. C’est alors qu’un soupire lui échappa et qu’il se surprit à sourire.
Cela faisait maintenant bien trop longtemps, en vérité, qu’il n’avait plus vécu comme un soldat. Oh, bien entendu qu’il s’était réjoui de disposer à sa volonté des aménagements luxueux du palais fortifié de Maël. Il faut dire que l’ancien intendant ne s’était pas privé de rendre sa charge aussi confortable que possible ; de merveilleux meubles taillés dans du bois d’ébène aussi beau qu’il était onéreux, des chaises confortables, rembourrées de plumes d’oies importées tout droit de Liberty, de grands lits molletonnés aussi doux et moelleux que la poitrine d’une jeune femme, de grands bains de marbre divin, chauffé grâce à la merveille d’ingénierie qu’étaient les bains à la Melornoise. Tout avait été parfait, et quand bien même le trône du protectorat lui était parfois inconfortable, il avait trouvé du réconfort et du plaisir à retomber dans ses travers les plus vils.
Il s’en était lassé. Comme toute drogue, comme tout excès, l’accoutumance arrive bien assez vite, trop vite diraient certains, et l’extase devient anodine, courante, habituelle. On finit par la dégueuler et souhaiter à un retour à un mode de vie plus primitif, plus primal. A retrouver la saveur si amère de la survie, où l’on se réjouit du premier morceau de viande fraiche ; fut-elle celle d’un lézard ou d’un oiseau. Et à condition d’avoir assez soif, on en arrive même à apprécier le gout de l’eau stagnante.
Iratus avait, encore une fois, prouvé aux yeux de son homologue la profondeur de sa sagesse. Cette sagesse guerrière, violente et brutale, cette sagesse acquise au fil de l’expérience, qui avait été la seule à pouvoir apprivoiser la sauvagerie intrinsèque du Loup d’Airain. Un guerrier doit rester un guerrier, même quand on le drape de velours et de soies, qu’on le consulte aussi bien pour déterminer l’avenir d’une cité que pour savoir à qui doit revenir le droit de reconstruire le district des Marches Auryiennes. Et parfois, parfois, un guerrier oublie à quel point sa main est forte quand elle est enroulée autour de la poignée d’une épée. Et c’est cette plongée, dans la luxuriance d’une tumeur verdoyante à la gueule du Sekaï que Tulkas se rappelait sa force, renouait avec ses racines, renouait avec la bête sauvage qui tambourinait dans sa poitrine en exigeant d’à nouveau goûter au défi.
Puis, il tourna le visage vers un mouvement, le bruissement de quelques feuilles qui fit se tendre ses oreilles. Instinctivement, le luteni abaissa son centre de gravité en pliant les jambes, prêt à bondir, comme un tigre qui n’attends qu’une opportunité pour se jeter à la gorge de sa proie. C’est alors que le bronze divin de la Salvatrice fends la verdure, révélant la stature toute d’acier carmin et d’airain de son maître. Tulkas sent alors la tension de ses muscles disparaître, et c’est avec une agilité gracieuse qu’il se redresse pour observer Iratus qui revient de l’arrière.
- Alors ? Ce sont encore les chercheurs qui s’arrêtent sur la moindre vigne-de-sang en espérant y trouver une de ces fameuses roses ?
Peinant à dissimuler un sourire en coin de bouche, Tulkas observe un instant Iratus qui lui-même semble ne pas être dans son élément. Voilà une demi-journée entière qu’ils marchaient, tranchant un sillon de sève, de spores et d’écorces sur leurs chemins. Tout ça pour, d’après Iratus, signaler leurs présences aux habitants de la jungle. Tulkas leva les yeux vers l’épaisse canopée de la jungle en inspirant un peu, l’air y était épais, gorgé d’eau et d’odeurs sucrées de décomposition de fruits tombés sur le lit de la forêt et de la boue qui tachait son armure.
- Loin de moi l’idée de contredire ton instinct, Iratus, mais ne penses-tu pas que signaler notre présence ainsi ne risque pas d’attirer bien plus que ton amie ? Je doute que la jungle ne soit habitée que par des – attends.
Un bruissement attire son attention et écartant les bras du corps, s’arquant sur ses jambes, le Lion de Taïsen montre instinctivement les crocs. Quelque chose approche.
Le bruit sourd de l’acier amorti par un lit de boue sanglante se fit entendre, accompagné d’une litanie injurieuse dans la langue, pourtant poétique, du désert. Un florilège d’insultes, dirigées contre les titans, pour avoir posé cette tumeur verdoyante à la surface du monde. Dirigées contre lui-même, qui avait sauté à la gorge de la première opportunité de quitter pendant quelques jours le trône de Maël, dirigées contre la jungle de sang elle-même, qui se refusait de se plier à sa volonté.
Son poing s’écrasa dans la terre, avant qu’il ne se redresse en lançant un « Bordel. » de ponctuation, s’essuyant la paume contre le flancart lamellaire de son armure d’acier nu. Attrapant entre la pince de son index et de son pouce le cadavre d’une liane qui s’était accrochée à son gorgerin, qu’il désangla pour laisser s’écouler la boue qu’il retenait prisonnière. C’est alors qu’un soupire lui échappa et qu’il se surprit à sourire.
Cela faisait maintenant bien trop longtemps, en vérité, qu’il n’avait plus vécu comme un soldat. Oh, bien entendu qu’il s’était réjoui de disposer à sa volonté des aménagements luxueux du palais fortifié de Maël. Il faut dire que l’ancien intendant ne s’était pas privé de rendre sa charge aussi confortable que possible ; de merveilleux meubles taillés dans du bois d’ébène aussi beau qu’il était onéreux, des chaises confortables, rembourrées de plumes d’oies importées tout droit de Liberty, de grands lits molletonnés aussi doux et moelleux que la poitrine d’une jeune femme, de grands bains de marbre divin, chauffé grâce à la merveille d’ingénierie qu’étaient les bains à la Melornoise. Tout avait été parfait, et quand bien même le trône du protectorat lui était parfois inconfortable, il avait trouvé du réconfort et du plaisir à retomber dans ses travers les plus vils.
Mais…
Il s’en était lassé. Comme toute drogue, comme tout excès, l’accoutumance arrive bien assez vite, trop vite diraient certains, et l’extase devient anodine, courante, habituelle. On finit par la dégueuler et souhaiter à un retour à un mode de vie plus primitif, plus primal. A retrouver la saveur si amère de la survie, où l’on se réjouit du premier morceau de viande fraiche ; fut-elle celle d’un lézard ou d’un oiseau. Et à condition d’avoir assez soif, on en arrive même à apprécier le gout de l’eau stagnante.
Iratus avait, encore une fois, prouvé aux yeux de son homologue la profondeur de sa sagesse. Cette sagesse guerrière, violente et brutale, cette sagesse acquise au fil de l’expérience, qui avait été la seule à pouvoir apprivoiser la sauvagerie intrinsèque du Loup d’Airain. Un guerrier doit rester un guerrier, même quand on le drape de velours et de soies, qu’on le consulte aussi bien pour déterminer l’avenir d’une cité que pour savoir à qui doit revenir le droit de reconstruire le district des Marches Auryiennes. Et parfois, parfois, un guerrier oublie à quel point sa main est forte quand elle est enroulée autour de la poignée d’une épée. Et c’est cette plongée, dans la luxuriance d’une tumeur verdoyante à la gueule du Sekaï que Tulkas se rappelait sa force, renouait avec ses racines, renouait avec la bête sauvage qui tambourinait dans sa poitrine en exigeant d’à nouveau goûter au défi.
Et la Jungle de Sang était l’amante parfaite avec qui danser et se remémorer qui il était.
Qui il est.
Qui il est.
Puis, il tourna le visage vers un mouvement, le bruissement de quelques feuilles qui fit se tendre ses oreilles. Instinctivement, le luteni abaissa son centre de gravité en pliant les jambes, prêt à bondir, comme un tigre qui n’attends qu’une opportunité pour se jeter à la gorge de sa proie. C’est alors que le bronze divin de la Salvatrice fends la verdure, révélant la stature toute d’acier carmin et d’airain de son maître. Tulkas sent alors la tension de ses muscles disparaître, et c’est avec une agilité gracieuse qu’il se redresse pour observer Iratus qui revient de l’arrière.
- Alors ? Ce sont encore les chercheurs qui s’arrêtent sur la moindre vigne-de-sang en espérant y trouver une de ces fameuses roses ?
Peinant à dissimuler un sourire en coin de bouche, Tulkas observe un instant Iratus qui lui-même semble ne pas être dans son élément. Voilà une demi-journée entière qu’ils marchaient, tranchant un sillon de sève, de spores et d’écorces sur leurs chemins. Tout ça pour, d’après Iratus, signaler leurs présences aux habitants de la jungle. Tulkas leva les yeux vers l’épaisse canopée de la jungle en inspirant un peu, l’air y était épais, gorgé d’eau et d’odeurs sucrées de décomposition de fruits tombés sur le lit de la forêt et de la boue qui tachait son armure.
- Loin de moi l’idée de contredire ton instinct, Iratus, mais ne penses-tu pas que signaler notre présence ainsi ne risque pas d’attirer bien plus que ton amie ? Je doute que la jungle ne soit habitée que par des – attends.
Un bruissement attire son attention et écartant les bras du corps, s’arquant sur ses jambes, le Lion de Taïsen montre instinctivement les crocs. Quelque chose approche.
- Ud rea, ud sura rea -
Affilié au Reike
Sita
Messages : 3
crédits : 402
crédits : 402
Info personnage
Race: Sirène
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Neutre mauvais
Rang: D
Sous l’épaisse canopée de la jungle, la lumière perçait à peine à travers les entrelacs de feuilles et de branches—ne laissant que des traînés de soleil pâle frémir sur la terre humide. Rouge, la terre. Rouge, comme la lune, ces derniers temps. C’était la première fois qu’elle assistait à ce phénomène, mais pas la première fois que cela arrivait. La chose avait fait parler dans sa tribu et les anciens les avaient rassemblés pour leur raconter. Dans le temple, la peau tendue de Zyanya, – Chaman morte trois générations plus tôt – racontait l’histoire de la première lune de sang : on l’avait gravé dans sa peau, entre ses deux omoplates. Cette lune, c’était un avertissement. Un appel au sacrifice : le souffle de la terre en colère et la promesse d’une violence inéluctable, mais surtout, celle d’une purification. Sita ne la craignait pas. Elle n’était pas là pour juger. Non, elle était là pour nourrir les légendes, et pour elle, tout ça n’était que vérité. La chose avait éveillé chez elle autant de curiosité que l’envie de marquer sa propre peau de cet événement. Elle s’en ferait la messagère, pour les générations futures. “Le temps des fruits est révolu” avaient annoncé les anciens, “il est maintenant l'heure de récolter le sang”. Et ainsi, on avait vu fleurir les premières roses…
La chaleur était étouffante, ce jour-ci, et la jungle, plus vivante que jamais. Dans l’ombre, Sita observait. Immobile, à peine un souffle dans l’air, elle attendait. Deux billes jaunes perçaient dans l’obscurité, captant chaque mouvement, chaque souffle. En contrebas, le groupe qui venait de poser pied sur son territoire avait captivé son attention—mais elle ne s’était pas encore décidée à se montrer. Pas encore. Leur comportement avait éveillé sa curiosité. En général, les Hommes d’Au-Delà prenaient soin de camoufler leur passage et transpiraient autant la crainte que l’appréhension. Ils avançaient à travers la jungle sans la moindre idée d’où aller, ni de comment se comporter. Mais pas ce groupe-ci. Non. Eux semblaient, étonnamment, savoir exactement ce qu’ils faisaient. Elle avait repéré leur sillon, plus tôt—cette ligne perturbant le calme de la jungle. Sa jungle.
Elle la connaissait : elle en était l’âme et la peau—connaissait la vérité de la terre et le parfum de la pluie. Et ici, elle n’avait pas besoin de se cacher : c’était son domaine. Son royaume.
Sita avait attendu. Un murmure des esprits dans le creux de sa nuque, la caresse du Soleil sur sa peau gravée—le moindre signe pour la guider. Et aujourd’hui, les signes étaient là. Au devant de la lisière de l’ombre, en tête de peloton, menant la voie. Et ils avaient pris une forme familière...
Elle le reconnut avant même de l’avoir vu clairement, sa silhouette à peine discernée parmi les ombres des bananiers et des arbres étrangleurs. Il était là, gigantesque, son armure rouge : comme le sang, comme la terre, comme la lune. Sa voix éventra la tranquillité de la jungle et les menaces qu’il éructa à l’encontre de ses hommes la firent sourire. “Alasker”. Elle l’avait susurré du bout des lèvres, sa voix un sifflement doux, serpentin, glissant entre les mailles du silence comme une caresse effilée. Alors, seulement, elle avait décidé d’aller à leur rencontre.
Il ne lui restait qu’à suivre le sillon qu'ils avaient tracé pour elle dans le sol boueux où la terre saignait encore.
Lorsqu’elle émergea, ce fut devant eux. Sans voile, sans fard. Juste sa crinière sombre pour s’enrouler autour de ses épaules et envelopper ses seins. Juste ses tatouages pour l’habiller. Sa nudité n’était ni honteuse, ni provocante : c’était une simple affirmation, une réclamation sauvage d’un corps qui n’a nul besoin d’être dompté par des vêtements pour pleinement exister.
Et une queue lourde, pleine d’écailles dorées, comme une brise chaude, se faufila entre leurs jambes, pour venir se tasser sous l’indigène, à la place de ses jambes.
— Je t’ai attendu. Sa tête dodelina en direction du loup. Longtemps. Un sourire s’étira sur ses lèvres, pour lui signifier qu’elle n’était pas mécontente de le revoir—contredisant ses salutations matinées de reproches.
Tout à coup, la jungle sembla respirer avec elle. Les souvenirs lui revenaient, limpides. Elle se souvenait du parfum de son sang – qui l’avait inexorablement attirée – mêlé à celui de la pluie. Du regard presque éteint du loup et de l’image douloureuse (ou appétissante) de sa cervelle exposée. Elle s’en souvenait comme si c’était hier. Et elle le dévisagea sans la moindre forme de pudeur. Il n’avait pas changé, pas vraiment : toujours plus bête qu’homme—et c’était certainement pour cette raison que Sita s’était laissé approcher, autrefois. Mais il était plus vieux. Avait l’air plus mûr : dégageait une force plus tranquille… Il avait l'air plus abîmé, aussi. Probablement aurait-il de nouvelles histoires à lui raconter. A l'époque, lorsqu’il l’avait rencontré dans la jungle, il avait certainement cru trouver en elle une corde pour le tirer hors de cet enfer. C'était sans réaliser qu’il avait été pour elle un pont, un lien vers le monde extérieur et le Sien. Elle y avait songé, souvent—s’était demandée si ce Monde, elle n’avait pas envie de le découvrir d’elle-même...
Une lueur d’amusement s’éveilla dans le fond du regard de Sita lorsqu’elle posa les yeux sur le crâne d’acier qu’il portait.
— On dirait que tu as le crâne plus dur qu’avant.
La Naga parlait avec lenteur ; ses mots se faufilant entre ses lèvres comme du poison, piquant l’air comme des éclats de verre. Elle n’avait jamais douté qu'il finirait par revenir : avait toujours fait confiance aux Astres. Puis, elle détourna le regard, et ses os semblèrent rouler sous sa peau. Ses prunelles se posèrent, curieuses, sur l’homme à ses côtés. Elle s’attarda un moment sur ses épaules sculptées dans la pierre et sur la tension contrôlée de sa mâchoire. Un guerrier. Un prédateur ? Peut-être. Un qui portait sur lui les cicatrices et les stigmates de sa propre arrogance. Une bête dans un costume trop raffiné, jugea-t-elle. Si elle n’en eut pas peur, Sita savait reconnaître les signes du danger rôdant sous la surface.
— Et lui ? Qui est-il ? La question roula sur une langue trop fine, glissant comme du sable fin.
Elle le jaugea, un moment. Alasker, Sita le connaissait. Il était différent. Mais celui-là… ? Son ami, visiblement. Un homme d’honneur, sans doute. Mais un homme tout de même. Et elle savait qu’il n’était jamais bon de sous-estimer les hommes… Son regard quitta le gladiateur pour se poser finalement sur les trois autres qui les accompagnaient. Plus frêles, plus chétifs. Moins impressionnants que leur deux camarades.
— Qu’est-ce que tu me ramènes là, Alasker ?
Les trois troufions du RSAF avaient déjà fait trois pas en arrière depuis qu’elle était arrivée et un frisson de plaisir parcourut ses veines à cette réalisation. Son corps s’était tendu, comme une corde prête à lâcher.
Mais elle n’était pas là pour chasser.
Non, elle était là, parce qu’Il l’avait appelé.
— Vous êtes ici pour les Roses de Sang ? Une pause. Sa langue était venue caresser l’intérieur de sa joue. Vous n’êtes pas les premiers à vous aventurer jusque dans les profondeurs de la Jungle pour ces roses...
Un sourire éloquent tordit ses lèvres. Et le parfum du venin s'en échappa.
La chaleur était étouffante, ce jour-ci, et la jungle, plus vivante que jamais. Dans l’ombre, Sita observait. Immobile, à peine un souffle dans l’air, elle attendait. Deux billes jaunes perçaient dans l’obscurité, captant chaque mouvement, chaque souffle. En contrebas, le groupe qui venait de poser pied sur son territoire avait captivé son attention—mais elle ne s’était pas encore décidée à se montrer. Pas encore. Leur comportement avait éveillé sa curiosité. En général, les Hommes d’Au-Delà prenaient soin de camoufler leur passage et transpiraient autant la crainte que l’appréhension. Ils avançaient à travers la jungle sans la moindre idée d’où aller, ni de comment se comporter. Mais pas ce groupe-ci. Non. Eux semblaient, étonnamment, savoir exactement ce qu’ils faisaient. Elle avait repéré leur sillon, plus tôt—cette ligne perturbant le calme de la jungle. Sa jungle.
Elle la connaissait : elle en était l’âme et la peau—connaissait la vérité de la terre et le parfum de la pluie. Et ici, elle n’avait pas besoin de se cacher : c’était son domaine. Son royaume.
Sita avait attendu. Un murmure des esprits dans le creux de sa nuque, la caresse du Soleil sur sa peau gravée—le moindre signe pour la guider. Et aujourd’hui, les signes étaient là. Au devant de la lisière de l’ombre, en tête de peloton, menant la voie. Et ils avaient pris une forme familière...
Elle le reconnut avant même de l’avoir vu clairement, sa silhouette à peine discernée parmi les ombres des bananiers et des arbres étrangleurs. Il était là, gigantesque, son armure rouge : comme le sang, comme la terre, comme la lune. Sa voix éventra la tranquillité de la jungle et les menaces qu’il éructa à l’encontre de ses hommes la firent sourire. “Alasker”. Elle l’avait susurré du bout des lèvres, sa voix un sifflement doux, serpentin, glissant entre les mailles du silence comme une caresse effilée. Alors, seulement, elle avait décidé d’aller à leur rencontre.
Il ne lui restait qu’à suivre le sillon qu'ils avaient tracé pour elle dans le sol boueux où la terre saignait encore.
Lorsqu’elle émergea, ce fut devant eux. Sans voile, sans fard. Juste sa crinière sombre pour s’enrouler autour de ses épaules et envelopper ses seins. Juste ses tatouages pour l’habiller. Sa nudité n’était ni honteuse, ni provocante : c’était une simple affirmation, une réclamation sauvage d’un corps qui n’a nul besoin d’être dompté par des vêtements pour pleinement exister.
Et une queue lourde, pleine d’écailles dorées, comme une brise chaude, se faufila entre leurs jambes, pour venir se tasser sous l’indigène, à la place de ses jambes.
— Je t’ai attendu. Sa tête dodelina en direction du loup. Longtemps. Un sourire s’étira sur ses lèvres, pour lui signifier qu’elle n’était pas mécontente de le revoir—contredisant ses salutations matinées de reproches.
Tout à coup, la jungle sembla respirer avec elle. Les souvenirs lui revenaient, limpides. Elle se souvenait du parfum de son sang – qui l’avait inexorablement attirée – mêlé à celui de la pluie. Du regard presque éteint du loup et de l’image douloureuse (ou appétissante) de sa cervelle exposée. Elle s’en souvenait comme si c’était hier. Et elle le dévisagea sans la moindre forme de pudeur. Il n’avait pas changé, pas vraiment : toujours plus bête qu’homme—et c’était certainement pour cette raison que Sita s’était laissé approcher, autrefois. Mais il était plus vieux. Avait l’air plus mûr : dégageait une force plus tranquille… Il avait l'air plus abîmé, aussi. Probablement aurait-il de nouvelles histoires à lui raconter. A l'époque, lorsqu’il l’avait rencontré dans la jungle, il avait certainement cru trouver en elle une corde pour le tirer hors de cet enfer. C'était sans réaliser qu’il avait été pour elle un pont, un lien vers le monde extérieur et le Sien. Elle y avait songé, souvent—s’était demandée si ce Monde, elle n’avait pas envie de le découvrir d’elle-même...
Une lueur d’amusement s’éveilla dans le fond du regard de Sita lorsqu’elle posa les yeux sur le crâne d’acier qu’il portait.
— On dirait que tu as le crâne plus dur qu’avant.
La Naga parlait avec lenteur ; ses mots se faufilant entre ses lèvres comme du poison, piquant l’air comme des éclats de verre. Elle n’avait jamais douté qu'il finirait par revenir : avait toujours fait confiance aux Astres. Puis, elle détourna le regard, et ses os semblèrent rouler sous sa peau. Ses prunelles se posèrent, curieuses, sur l’homme à ses côtés. Elle s’attarda un moment sur ses épaules sculptées dans la pierre et sur la tension contrôlée de sa mâchoire. Un guerrier. Un prédateur ? Peut-être. Un qui portait sur lui les cicatrices et les stigmates de sa propre arrogance. Une bête dans un costume trop raffiné, jugea-t-elle. Si elle n’en eut pas peur, Sita savait reconnaître les signes du danger rôdant sous la surface.
— Et lui ? Qui est-il ? La question roula sur une langue trop fine, glissant comme du sable fin.
Elle le jaugea, un moment. Alasker, Sita le connaissait. Il était différent. Mais celui-là… ? Son ami, visiblement. Un homme d’honneur, sans doute. Mais un homme tout de même. Et elle savait qu’il n’était jamais bon de sous-estimer les hommes… Son regard quitta le gladiateur pour se poser finalement sur les trois autres qui les accompagnaient. Plus frêles, plus chétifs. Moins impressionnants que leur deux camarades.
— Qu’est-ce que tu me ramènes là, Alasker ?
Les trois troufions du RSAF avaient déjà fait trois pas en arrière depuis qu’elle était arrivée et un frisson de plaisir parcourut ses veines à cette réalisation. Son corps s’était tendu, comme une corde prête à lâcher.
Mais elle n’était pas là pour chasser.
Non, elle était là, parce qu’Il l’avait appelé.
— Vous êtes ici pour les Roses de Sang ? Une pause. Sa langue était venue caresser l’intérieur de sa joue. Vous n’êtes pas les premiers à vous aventurer jusque dans les profondeurs de la Jungle pour ces roses...
Un sourire éloquent tordit ses lèvres. Et le parfum du venin s'en échappa.
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