La trahison engendre la trahison.

Des choix malheureux, hasardeux, j'en ai déjà fait une quantité qui sort de l'ordinaire. Mais pourtant j'ai toujours cru faire de mon mieux, mais ne dit-on pas que le mieux est l'ennemi du bien? Et j'en suis l'exemple parfait pour le coup de ce problème d'intention et de réalité des faits. Rongée par la culpabilité j'avais connu des affres et des tourments que nul en ce monde ne peut imaginer, Savoir est bien le seul à en connaitre la teneur et cela restera probablement entre nos quatre yeux, enfin façon de parler.

J'avais pu reprendre le cours de ma vie à mon retour et puis surtout des changements avaient pu naître de ces épreuves. A Melorn nous avions porté la voix des Veilleurs de l'Aurore avec mon acolyte atypique, un démon, une hérésie pour l'ancienne diviniste que j'étais dans le fond mais cela montrait à quel point j'avais changé. Nous avions donc obtenu une aide des melornois pour nous enseigner comment réaliser des dômes magiques pour protéger les cultures du village des Veilleurs, un futur havre de paix, la pierre centrale d'un édifice que nous espérions plus grand, plus vaste.

Et avec cela un autre changement arriva, le Reike dans sa grande mansuétude a nommé un nouvel Intendant, rien ne peut être pire que l'ancien en réalité aussi j'ai bon espoir qu'il puisse faire bouger les choses même s'il reste un soldat jusqu'au bout des ongles. J'ai croisé la route de Tulkas à Melorn et je peux reconnaître son efficacité mais pour le reste avec les gens de Shoumeï j'avais des doutes qu'il put comprendre notre façon de penser. Et c'est là que la lumière a pointé le bout de son nez à mon sens, le Reike, probablement sous l'impulsion de Zéphyr et peut-être même de Cyradil, qu'en savais-je a émis l'idée que les shoumeiens avaient besoin d'un porte parole, de quelqu'un les connaissant, de tisser un lien avec cette administration guerrière qui n'était pas notre et je fus choisie. J'étais honorée en un sens et déçue d'un autre côté, j'aurais tellement du devenir Intendante de la blanche cité, j'aurais eu les coudées franches pour aider mes compatriotes ainsi mais... c'était une pierre à l'édifice de demain, du renouveau.

En ville une rumeur montait, des enfants avaient disparu et ce n'était pas normal, pour l'heure les gardes n'avaient pas trouvé la moindre trace de ces pauvres ères. Des enfants issus du peuple, de ceux dont on ne s'occupait que trop peu mais qui manquaient tout aussi cruellement à leurs proches ou leurs connaissances, certains n'avaient même pas de famille et vivaient dans la rue ou à l'hospice que je gérais depuis des années, hospice et hopital de fortune.

Finalement alors que je revenais des chantiers pour aller m'enquérir des affaires courantes à Mael, je rejoignis mon bureau dans l'ancienne Académie. Je venais de me changer pour adopter une tenue de ville au lieu de celle du chantier naval, plus rustique et pratique et chaude aussi. Je lisais des rapports avec attention quand un garde entra dans mon bureau. Sans frapper, la politesse parfois laissait à désirer mais à leurs yeux je n'étais pas militaire et ils avaient prédominance sur moi.

Je ne relevais pas la tête alors qu'il commençait à parler, restant mutique et concentrée sur ma tâche. Il recommença sans plus de réussite et comprit, ce n'était pas sa première fois à ce bougre de Loren Gorad, Nylsark Reikois en poste à Mael depuis quelques mois. Il ressortit du bureau et frappa à la porte, je l'invitais donc à entrer et je relevais la tête vers lui en arborant un vrai sourire.

- Bien le bonsoir sire Gorad.
- Nylsark Gorad.

Sa phrase fut accueillie par un silence amusé.

- Nous avons des informations au sujet des enfants disparus. Visiblement nos hommes ont trouvé un lieu suspect. Il s'agit d'une maison dans l'ancien quartier des tanneurs, un bouge infame dont personne ne veut s'approcher d'ordinaire, abandonné depuis trois ans par ses propriétaires avons nous appris sauf que quelqu'un vit la dedans. Et... les soldats qui ont voulu entrer la dedans sont ressortis quelque peu euh traumatisés?

J'écoutais surprise et ne comprenant pas forcément pourquoi il venait me parler de ça à moi pour le coup.

- Dedans il y a une vieille femme de ce que nous avons appris et dans la logorrhée incompréhensible qu'elle sert le mot tribun est sorti plusieurs alors nous enfin j'ai pensé que vous deviez venir. Enfin vous n'irez pas seule cela va de soit mais nous aimerions comprendre ce qu'il en est.

Je reposais mon courrier, refermais l'encrier et nettoyais la plume avant de me lever. J'attrapais ma besace et ma cape, enfilais mes gants et invitais le Nylsark à sortir. Je refermais le bureau à clé et entrepris de le suivre. Sans rien ajouter de plus, j'étais dans l'expectative. Nous avons pris deux chevaux pour nous rendre plus vite là-bas avant que ne tombe la nuit. Le quartier était par sa fonction originelle mal odorant et la maison de destination délabrée au plus haut point. Une patrouille de 5 hommes attendait et bloquait l'accès à la demeure mais personne n'avait l'envie d'y aller. Nous sommes descendus de cheval et les avons attachés. A priori nul mouvement nouveau depuis la mise en place de la surveillance.

Ce lieu empestait la tannerie, les peaux d'animaux, les teintures aussi mais pas que cela il y avait autre chose. Je percevais quelque chose de plus fort, de plus dérangeant mais en un sens, l'essence même de l'Arbre Monde corrompu me protégeait de sa propre corruption, à petite échelle mais j'étais protégee par contre, contre mon sein, le fragment de coeur de Melorn chauffait doucement, il pulsait... Dans cette demeure, un serviteur de l'Entité Sombre ou un corrompu servant les titans s'y trouvait. Je ne voulais expliquer pourquoi ou comment je savais cela alors je tentais un.

- Je vais aller voir seule dans la demeure.
- Hors de question Tribun de Boktor, je vous accompagne à minima.
- A vos risques et périls.
- C'est moi qui dois vous protéger.
- Si vous le dites. Si jamais vous avez la moindre protection mentale ou barrière dressez là.

Il me regarda surpris mais n'ajouta rien, ce qui ne répondait à ma question. Une lampe à huile en main pour y voir dans la masure nous nous sommes avancés, il a ouvert la porte, une odeur méphitique nous a assailli et nous avons entendu un charabia incompréhensible et .... dérangeant. Il s'est avancé et m'a dit qu'on pouvait entrer, c'était ...

- Il n'y a qu'une vieille... folle?

Il n'était pas à l'aise mais devait avoir un esprit fort. J'entrais dans la masure et à la lumière de la lampe à huile je ne pus retenir un hoquet de surprise, je la connaissais pour sûr, elle avait disparu comme les autres après le premier rituel, quittant Benedictus sans préavis elle aussi.

- Mégère?


CENDRES