crédits : 290
Le Baron était tout de blanc vêtu, une nouvelle habitude qu’il prit à la suite des événements survenus à Melorn, tout comme son incapacité à ouvrir la bouche pour converser avec quiconque, si ce n’était les personnes qui lui étaient véritablement importantes. Un traumatisme à n’en point douter, que le Prince Déchu ne pouvait partager. Eldarion, de son côté, portait sa tunique habituelle, d’un noir aussi profond que la nuit, agrémentée de quelques touches de vert très foncé qui étaient même difficilement distinguables du reste. Son visage était en partie recouvert d’un masque d’acier aux dents acérées comme des griffes de Griffon. En outre, c’était une journée tout à fait banale pour nos protagonistes, à un détail prêt.
Un jeune garçon, dans la dizaine, faiblement vêtu, démontrant d’une certaine pauvreté, arriva en courant auprès des criminels. Il était à bout de souffle, preuve de son dévouement envers le Baron et le Gardien.
« Maître Baron ! Maître Gardien ! La caravane est en ville ! Le chef Hiraeth arrive avec de grandes nouvelles, comme promis ! » S’exclama-t-il, à voix basse, pour éviter d’ébruiter la nouvelle parmi les potentiels jaloux que pouvait abriter le Loup Hurlant. Vaenys resta stoïque, ce qui ne fut pas le cas d’Eldarion, qui tendit une pièce au jeune enfant, avant de lui répondre.
« Bon travail, petit. Retourne à ton poste et préviens-nous si les gardes du seigneur venaient à arriver jusqu’ici. Il n’est pas question que cet abruti se mêle de trop de nos affaires. » Expliqua-t-il, tout en laissant le garçon retourner à ses occupations. Ses prunelles ambrées se tournèrent ensuite vers le Prince Déchu qui, de son regard d’améthyste, le regardait de travers, d’une expression interrogative. Oui, il ne savait pas pourquoi le garçon comme Eldarion étaient enjoués à l’idée de la présence de la Caravane en ville. En soi, ça lui faisait une belle jambe.
« Maître Draknys, si je puis me permettre… » Commença-t-il, avant d’être stoppé par une violente migraine. C’était pourtant clair, Vaenys détestait que de simples sous-fifres le nomment par son nom. Ce privilège était réservé à ceux qui le méritaient, à ceux qui avaient partagé un bout de leur Histoire avec lui et, même si cela pouvait être le cas du Vampire, il n’était pas autorisé à l’appeler ainsi.
« Pardonnez mon imprudence, Baron… » Fit-il, tout en se touchant la tête, avant de reprendre. « Je disais donc, si je puis me permettre… la Caravane revient de Courage avec des… nouvelles croustillantes, si je puis dire ? Je n’ai malheureusement aucune information supplémentaire à vous donner car, comme vous le savez, toute information a un prix et, je suis certain que ce bon Hiraeth saura nous les vendre. » Expliqua Eldarion. Vaenys l’écoutait avec attention, mais, il n’en donnait pas l’air. Le Vampire avait, pour ainsi dire, l’impression de parler à un véritable mur. Il savait son Maître capable de télépathie et pourtant, il n’en fit rien. Peut-être n’était-il pas digne de recevoir cette sainte parole ? Enfin, quoi qu’il en soit, il devait bien faire avec.
C’était ainsi que débuta cette histoire. Deux criminels attendant l’arrivée du troisième dans cette auberge qui portait le nom de « Loup Hurlant ». Vaenys espérait simplement que le chef de la Caravane avait de véritables informations à lui donner, sans quoi, la sanction serait sévère pour un tel dérangement.
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier assassin
Alignement: Chaotique neutre
Rang: D
Dans l'air miroitant du soleil couchant, les coupoles, flèches et tuiles de Kyouji étincellent. La rumeur de la cité s'enjolive du trille d'oiseaux en bandes, chassant les premiers insectes de la nuit. Les premières lumières s'allument, et le feu du soir embrase le miroir du Lac.
Pesamment, deux chariots poussiéreux et bariolés attelés d'azhoos passent l'arche d'une entrée, évoluent dans les bas quartiers. Les bêtes sentent l'écurie et grognent, pressant l'allure. L'équipage attire aussitôt quelques bandes de gosses des rues, curieux, la langue bien pendue. Le premier attelage est mené par un homme en noir qui houspille les gens sans ménagement, chassant d'un clappement de langue ceux qui osent se mettre sur leur passage.
Oko Jero : « Ouste ! Place ! …Mais dégagez du milieu, bande de... ! … ah, je déteste la ville... »
A ses côtés, emmitouflé dans une cape de voyage et coincé sous un galure allongé, un autre homme soupire et se redresse lentement. L’œil embué de sommeil contemple la cité, le peuple qui se presse dans les rues étroites, et l'échalas s'étire, baille et ricane.
Hiraeth : « T'aimes rien de toute façon. Pense à l'auberge, ça va te détendre. »
L'homme noir renifle bruyamment, tandis qu'Hiraeth se secoue et prend d'autorité les rênes, soudain alerte. Un mioche un peu plus grand court à sa hauteur et demande, effronté :
« Vous êtes le nomade à l’œil de démon ? »
Sans lui laisser le temps de répondre, Oko Jero se penche sur l'insolent et à l'aide d'une illusion de son cru, se crée des cornes de feu et des yeux de glace avant de grimacer violemment.
OJ « BLEEEEEH ! »
Dans un cri, les gamins s'égaillent dans tous les sens. Des chuchotis, des rires. Ils ne sont pas dupes.
H (ironique) : « Tu ne peux pas t'en empêcher, hein ? »
OJ (hausse les épaules) : « Faut bien nourrir la légende. »
A l'arrière, les moustiques ont trouvé quelqu'un d'autre à parasiter : le second équipage est bien plus souriant et bien disposé. L'elfe accueille les regards avec un grand sourire et semble enchantée de la cohue. A côté d'elle, un humain mal coiffé se tourne et récupère un luth dans l'abri de toile, pour jouer quelques airs entraînants, enchaînant les fausses notes à chaque cahot, ce qui fait hurler de rire quelques chiards. Un raton passe la tête par la tenture, un hybride manifestement dérangé par tout ce raffut.
Le Raton : « Pouvez pas la fermer un peu ? On pionce, ici. »
L'Elfe : « Temps de vous s'couer. On arrive dans quelques minutes. »
Aussi promptement le raton s'esquive, tandis que les chariots s'engagent dans une rue secondaire, ralentissant au vu de l'étroitesse de la voie. Le premier cocher râle et ses invectives animent le reste de l'équipage. Deux êtres encapuchonnés escaladent agilement les abords du chariot et sautent à terre, s'avançant vers une double porte qui s'ouvre à leur approche. Le bercail, enfin. Le raton s'accroche à l'armature, surveillant le passage de l'arrière des chariots. Il repousse vaguement du pied les marmots trop intrépides en sifflant entre ses joues.
« Allez, barrez-vous. J'veux plus vous voir. »
L'elfe surgit près de lui, et envoie au loin une poignée de limailles en riant. Aussi prestement les mioches se jettent sur la provende inattendue et les portes se ferment.
« T'vois, c'comme ça qu'on fait. »
Le raton fronce le nez et préfère aller s'occuper des bestiaux plutôt que d'argumenter.
Ils sont entrés dans la cour intérieure du Champa Replet, une auberge de moyenne gamme qui présente le double avantage d'être à l'écart des grands axes et de posséder une large cour intérieure. Les propriétaires, deux frères à l'air stupide mais qui ne le sont décidément pas, laissent la Caravane prendre ses aises ici contre un pécule raisonnablement proportionné au grabuge potentiel généré par ses troupes.
Lesdites troupes s'activent autour des azhoos, des marchandises, des affaires de chacun.
Oko Jero ignore ostensiblement les corvées et se fume une pipe à l'abri d'un auvent, tranquille. Il s'amuse des regards venimeux des sbires.
« Hé, jeunot, t'en veux ? »
Hiraeth saute souplement du chariot dont il défaisait la banne et s'avance.
« Sans façon, j'aime pas puer de la gueule. Je te laisse finir ? »
Il lui colle le crochet qu'il tenait dans les mains et lui désigne les chariots, avant de se casser en beauté.
Le mage noir grogne, puis finit par se lever sous les ricanements et les quolibets de la troupe.
« L'a un peu trop bien appris, l'gandin. »
« Hé, hé, M'sieur Hiraeth ! »
Le gamin surexcité essaie d'entrer dans la salle, mais l'aubergiste barre l'accès. Par un signe, le nomade intime à l'homme de laisser le passage, et le gosse s'avance, les yeux brillants, pour lui souffler :
« On vous attend au Loup Hurlant. J'vous mène ? »
Il attend sa piécette, qu'Hiraeth colle sur la table pensivement. Le Loup Hurlant... Déjà ? Il s'attendait à ce que ce soit rapide, mais pas au point de sauter son bain. Eh merde.
« Attends-moi quelques minutes. Caleb, sers donc une assiette à ce mioche en attendant. »
Le Loup Hurlant. Du gros poisson, bien froid et bien gras, là-bas. Peut-être pas le temps de prendre un bain, mais hors de question de s'y pointer avec la poussière de la route sur le dos s'il veut être pris au sérieux. C'est ça, avec ceux qui sont pas sur le terrain.
Ses caravaniers ont fini le job et rentrent leur bordel perso. Le borgne chope l'elfe et le noir dans le couloir.
« Les Huiles, les gars. Chuis convoqué au Loup Hurlant. »
OJ : « Convoqué ? »
Hiraeth eut un regard éloquent. Le mage clappa de la langue et chercha à forcer le passage.
« Toi ou Astuce ? »
« Elle présente mieux. »
« Il est plus expérimenté. »
Les deux se défient, la prunelle agacée.
« Mettez-vous d'accord, je m'en fous. J'en veux un qui ferme sa gueule et qui réfléchisse vite. Propre et armé, en bas dans dix minutes. Rompez. »
Décrassé sommairement et vêtu de propre, Hiraeth suit le gamin à travers les rues pour atteindre l'auberge à la glorieuse réputation criminelle. Il a dosé le personnage, suffisamment bien sapé avec son costume pour « paraître », mais sans passer pour un prétentieux. Pas de miracle, dix minutes pour effacer une semaine de route à bouffer du cuir et pioncer sur des cailloux...
Derrière lui, Astuce grince des dents et essaie de paraître à la fois digne et menaçante. Elle a perdu une fois de plus contre Oko Jero et sa jolie tronche boudeuse s'assortit d'une ride de colère entre les deux yeux. Enfin, dans son attirail de garde du corps, tenue en cuir, tabard assorti au costume d'Hiraeth et longue tresse battant l'air, c'est un intéressant contraste qui fera parler. Bon pour les affaires, ça.
C'est sûr, l'auberge du Loup Hurlant a une autre allure. Plus épuré, plus classe, et ça sent meilleur.
Le gamin les amène jusqu'à la table de deux personnes à l'allure à la fois patibulaire et opulente. De loin, ça ressemble au Baron. De près, ça ressemble encore plus au Baron.
C'est le Baron.
Astuce se décale imperceptiblement et ce sera la seule preuve de sa stupéfaction. Hiraeth se force à garder l'espace entre les sourcils détendus et salue avec l'obséquiosité que requiert la situation. Après tout, il est marchand, il peut se permettre les ronds de gambette même si sa nature profonde lui fout des gifles.
« Bien le bonsoir, Messeigneurs. Hiraeth, pour vous servir. Que puis-je pour vous ? »
Banalités, mais faut tâter le terrain avec cette sorte de poisson-là. Le mec en face a la moitié de la gueule en métal, et il se permet d'exhiber du tissu à vingt clinquants l'aune comme si c'était tous les jours. Le Baron a la gueule hautaine, la stature droite et maintenant qu'Hiraeth le voit vraiment en vrai de vrai, il a l'air un peu malade. Sans doute le manque de soleil. Les deux ont l'air de s'emmerder profondément, ce qui doit s'apparenter à se montrer hautain dans leur classe sociale.
L'elfe est au garde-à-vous et Hiraeth, penché, attend le bon vouloir de ces messieurs.
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« Eldarion, ravi de vous rencontrer. Il ne me semble pas vous connaître ? Mais, peut-être me trompé-je. Je passe principalement mon temps à Ikusa, mais il semblerait que monseigneur ait besoin de moi à Kyouji. Soit, je sais tout ce qu’il y a à savoir sur vous, brave homme. » Débuta le Vampire elfique, tout en invitant son interlocuteur à prendre place.
Dans un premier temps, Eldarion fit un geste de la main au tenancier, lui intimant de faire venir de nouveaux rafraîchissements à la table et, dans un second temps, il mit la main dans l’une de ses poches, pour en sortir quelques pièces d’argent. Il les fit glisser sur la table, en direction du chef de la caravane, les pièces claquantes entre elles dans une cacophonie désagréable.
« Voilà pour vous. Un petit avant-goût de ce que nous avons à vous s’offrir si, vos réponses conviennent au Baron. Bien, commençons, je vous prie. » Déclara Eldarion, son regard ambré jonglant entre les lascars qui se trouvaient face à lui.
« Je vais aller droit au but. Le Baron et moi-même savons que vous revenez de Courage. Bien évidemment, tout travail mérite salaire, alors, nous vous écoutons. Que se passe-t-il dans la cité Républicaine ? De ce que nous savons, un navire venant de port-Aurya est bloqué sur les côtes, mais, peut-être en savez-vous davantage, non ? » Demanda le vampire elfique, laissant son regard venir cette fois-ci dans celui de Vaenys, qui lui, ne faisait qu’écouter.
On pouvait, en toute logique, penser que c’était Eldarion qui était aux commandes et que, le Prince Déchu n’était là que pour faire beau, mais ce n’était pas le cas. Chacune des paroles d’Eldarion étaient choisies aux préalables, de manière à ne pas énerver ou frustrer son seigneur car, il le savait, la punition pour une simple erreur était parfois terrible.
Le tenancier arriva enfin avec la commande d’Eldarion. Cet homme était pour le moins… étrange. Le tenancier du Loup Hurlant avait changé, depuis les quelques désagréments que Vaenys avait eus avec les membres de la Main. Mais, cet homme, ce Culgrax, était véritablement louche. À chaque fois que le Prince Déchu l’avait dans son champ de vision, il le fusillait du regard, comme s’il attendait qu’il fasse la moindre erreur. En même temps, le dernier tenancier était un grand collaborateur du Baron, ce qui n’était pas spécialement le cas de celui-ci. Il était donc tout à fait normal que ces hommes adoptent un tel comportement. Après tout, le frère d’Ayshara était bien du genre à attendre que quelqu’un fasse une erreur pour le punir, bien souvent par la mort. Un comportement qui semble s’être légèrement dissipé dans la manière de faire de Vaenys. Pour l’ancien tenancier alors ? Eh bien, il n’y avait aucune nouvelle, si ce n’était qu’il était retenu prisonnier dans l’une des prisons.
Les bocks apportés par ce brave mais étrange Culgrax étaient tous remplis à ras bord d’une bière locale, venant directement d’une brasserie située non loin de l’auberge du Loup Hurlant.
« J’espère que ces boissons vous plairont. Il est inutile de préciser qu’elles vous sont offertes. » Expliqua-t-il, juste avant de commencer à boire. Vaenys, quant à lui, ne buvait toujours pas, il restait stoïque et, se contentait d’observer ses invités, le bras droit délicatement déposé sur la table, laissant une aura noire se dégager de son corps.
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Brave homme. Ahahah. Hiraeth se demande intérieurement la dernière fois qu'on l'a appelé ainsi. En tout cas, dans ces circonstances, il ne s'y attendait pas.
Ledit Eldarion, malgré sa gueule d'ange, semble s'attacher à les mettre à l'aise. Des chances qu'il soit le seul à jacter, de son côté de la table, le Baron semblant étrangement détaché et pourtant... il l'a dévisagé, étudié, comme si le Caravanier était un objet, un outil. Après tout, c'est ce qu'il est, lui et sa troupe, si vivante, si disparate, ne sont que des outils sans grand intérêt aux yeux de cet être.
...
Boarf, c'est le Baron quoi.
Hiraeth concentre son attention sur Eldarion, tout en gardant au coin de l’œil les expressions... euh les gestes... bon, les regards jetés par le Baron. Ce bras étrange qu'il a posé l'air de rien sur la table, ces brumes de magie noire qui l'entourent supposent une puissance qui aurait fait grincer des dents Oko Jero. Pas plus mal que ce soit l'Elfe qui l'ait accompagné. Hiraeth s'efforce de ne pas y porter davantage qu'un intérêt poli, mais sa nuque se hérisse d'une sensation sourde de danger.
Une fois bien installés et l'oraison du métallique Eldarion terminée, le Caravanier d'un signe de tête intime à Astuce de s'emparer de la provende argentée, ce dont l'Elfe s'empresse en la faisant disparaître par quelque échancrure de son armure. Lui prend une pose étudiée, ouverte, exhibe un visage attentif et il l'espère, intelligent. Il remercie d'un signe de tête l'offrande de la mousse généreuse, et remercie également son père de lui avoir appris à parler droit.
« Merci. Nous arrivons tout juste de Courage, comme vous le savez, et vous aurez la primeur de nos informations, bien entendu.
Je suppose que vous êtes d'ores et déjà informés du contexte géopolitique tendu, en République. L'arrivée des réfugiés shoumeïens, portant avec eux misère et pestes, le désarçonnement du gouvernement Goldheart, la reconstruction de Liberty et la récession économique... Autant d'éléments qui ont déstabilisé la société et élargi les failles entre riches et pauvres notamment. »
Mec, s'ils avaient besoin d'un cours d'histoire, ils ne seraient pas venus te chercher. Il entend presque l'ironie dans la voix d'Oko Jero sise sous son crâne. Le mage n'est pas là, mais ses avis désagréables ont imprégné la psyché du Caravanier. Il porte la chope à ses lèvres sans boire vraiment et réfléchit à toute vitesse. Les éléments qu'il possède sont maigres, ils sont partis justement parce que ça allait éclater. Comment présenter les éléments de la meilleure manière possible pour allécher ces messieurs ?
En commençant par cette introduction. Continuons.
« Courage est par tradition une cité conservatrice, mais aussi une cité qui brasse énormément de cultures, de monde, de par sa position en front de mer. Les Optimates y gagnent du terrain, et resserrent la vis en matière de politique sociale et de sécurité portuaire, depuis des années. La vague de réfugiés accueillis a tiré l'économie et la qualité de vie des républicains vers le bas. Le divinisme est mal vu, surtout depuis les événements de Liberty. Et Wessex, le maire de Courage, a vraiment mis le paquet sur les forces de sécurité. Les shoumeïens sont parqués dans les mauvais quartiers, dans des conditions de vie insalubres. Tout cela est en train de créer un cocktail... détonnant. »
Il observe pensivement sa chope, surprend le regard peu amène du Baron sur l'aubergiste. Vraiment peu amène. Même... cruel. On dirait un loup guettant sa proie. Ne nous laissons pas perturber.
« J'en viens au fait. L'Obseedra III, un navire de la SSG venu de Shoumeï, a voulu accoster mais les autorités ne lui en ont pas accordé l'autorisation. Ce navire est empli de réfugiés shouméïens qui n'ont plus d'endroit pour aller, plus rien à eux. Officiellement, les autorités imposent une quarantaine par rapport aux foyers d'épidémie qu'ils peuvent représenter, et à l'immigration de masse illégale que ça représente. Régulariser administrativement tout ce monde s'avère compliqué, et l'absorber dans la cité... »
Il laisse sa phrase en suspens, omet le « officieusement... » qui doit suivre. Si Gueule-de-Métal mord à l'hameçon, il comprendra qu'il y a davantage à dire, et le lui demandera. Sinon, eh bien, c'est qu'il se serait trompé sur la finesse d'esprit de ses interlocuteurs, et ce serait bien dommage pour les deux partis. Il trouvera bien le moyen de raccrocher les chariots, si ça se présente.
Buvant plus franchement une gorgée, il observe les réactions des Huiles.
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Eldarion, par contre, était tout ouïe. Il buvait les paroles de son interlocuteur comme si chacun de ses mots lui coûtait une fortune, ce qui, fatalement, était bel et bien le cas. Il attendit la fin du discours de son interlocuteur pour prendre la parole à son tour.
« Et les faire entrer dans la ville qui est justement sous le joug d’un fasciste… ce n’est pas des plus simple. À l’heure actuelle, je suppose que nous ne savons pas s’il y a des reikois au bord de l’Obseedra III, n’est-ce pas ? Cela pourrait engendrer une véritable catastrophe diplomatique. Et puis, nous ne sommes pas là pour parler politique, dans le pire des cas. Cependant, vous savez qu’il y a autre chose qui m’intéresse et qui… intéresse le Baron. » Commença-t-il à répondre, avant de replonger sa main dans son manteau. D’ici, il sortit une nouvelle bourse remplie de pièces de cuivre et d’argent. Il y avait de quoi se nourrir pendant plusieurs semaines, là-dedans.
« Nous avons des alliés dans la ville de Justice, comme vous devez certainement le savoir. Le Vicomte de Kyouji est également une grande figure de la Pègre Justicéenne. Cependant, il ne nous semble pas avoir d'alliés à Courage. Alors, vous qui avez mis les pieds dans cette grande toile d’araignée, que pouvez-vous nous apprendre à son sujet ? Les républicains sont-ils hostiles à l’idée de voir mon Maître sur le trône de leur réseau souterrain ? Est-il seulement possible d’espérer au moins collaborer avec eux ? Ou, au contraire, sont-ils réticents à l’idée de traiter avec le Reike ? Car, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le Baron est un expert dans le domaine, n’est-ce pas ? Et eux, ils ne sont qu’une brochette d’imbéciles se marchant sur les pieds les uns et les autres. En plus de cela, ils sont racistes, tout comme… certains d’entre nous, nous pouvons bien l’avouer. » Continua l’Elfe devenu un Vampire il y a des millénaires de cela.
« Avons-nous une chance d’obtenir un marché avec la Pègre de Courage, Caravanier ? » Finit-il par demander, l’air plus que sérieux. Ni le Vampire, ni le Vosdraak n’avaient la moindre intention de tergiverser ici durant des heures. Plus vite ils auraient terminé avec ce brave homme, plus vite ils pourraient regagner leur domicile.
Les prunelles d’améthyste de Vaenys étaient toujours rivées sur ce tavernier. Plus les secondes s’écoulaient, plus son regard devenait noir, comme s’il était prêt à lui sauter à la gorge. Par ailleurs, il usait de sa magie sans s’en rendre compte, les ténèbres commençant à s’échapper de son bras difforme pour ramper sur la table, puis s’écouler en cascade sur le sol pour se diriger en direction du comptoir.
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Hiraeth sent Astuce se figer à ses côtés. Bien sûr, ce n'est pas l'apparition de la bourse pansue sur leur table qui provoque cette tension.
Gueule d'Ange a compris le message caché, même trop vite. La décision d'établir leur pouvoir sur Courage en y plaçant quelqu'un avait manifestement été prise avant même leur entrevue.
Exactement ce que le Caravanier aurait souhaité, quand bien même c'est clairement une manipulation à son encontre... mais à présent, sa satisfaction est plus que tempérée par cette entrevue malaisante.
Gueule d'Ange a vomi l'équivalent de trois missions habituelles de la Caravane en l'espace de quelques secondes sur ce bois poli, sans ciller, et laisse sur le plateau le contrat en blanc à un type qu'il ne connaît ni d'Aurya ni de Lothab, pour reprendre la vieille complainte des divinistes.
Plus que cela, l'aura cruelle qui sourde du Baron s'est encore intensifiée, les ombres qui l'entourent se sont rassemblées et tendent vers le comptoir où s'affaire le malheureux aubergiste qui a dû offenser le Chef de la Pègre Reikoise.
Hiraeth n'a pas du tout envie d'assister à ça. Astuce est légèrement verdâtre.
Pas que les exécutions iniques les rendent malades, mais la dernière fois qu'ils ont vu autant de magie noire à l’œuvre... le seul humain attablé ici avait encore ses deux yeux.
Se focalisant sur le mec en métal, le Caravanier renoue le fil de la conversation. Il lui vient à l'esprit que Gueule d'Ange écourte peut-être volontairement les négociations pour éviter les débordements promis par l'attitude de son supérieur...
« A Courage, il y a un hic. La pègre est plutôt organisée, avec plusieurs têtes qui se divisent les marchés. Pourtant, depuis quelque temps, la rumeur se fait entendre qu'un groupe prend le dessus et rassemble à lui seul plusieurs de ces marchés, en ayant tout simplement mis à bas d'une manière ou d'une autre les opposants. Le nom qu'on murmure, au fond des ruelles comme dans les salons feutrés, est celui de la Reine Écarlate... Qui que cela puisse représenter, ils sont organisés, trop bien rodés, et n'ont aucun scrupule à faire couler le sang. Beaucoup de sang.
A vrai dire, je me demande s'ils ne sont pas impliqués dans le chaos que vit actuellement la ville.
Si quelqu'un avait voulu déclencher une guerre civile à Courage, il n'aurait pas mieux fait. La situation pourrie des Bougeoirs, l'acculturation forcée des Shouméïens, la montée des Optimates, et ce nouveau navire plein à craquer, en quarantaine là où tout le monde peut le voir... Des reikois à bord, avez-vous dit ? Je ne sais pas s'il y en a, mais effectivement, voilà qui achèverait de transformer l'Obseedra III en bombe... Intéressant. »
Hiraeth frotte son menton mal rasé, réfléchissant à toute vitesse. La suggestion est plus qu'intéressante. Cela rejoint ses hypothèses précédentes : derrière tout cela, il y a une force dans l'ombre. Peut-être plusieurs. Au moins une qui veut que le chaos explose dans la ville. Pour prendre le pouvoir ? Pour profiter de la désorganisation ? Les Titans ? Leurs serviteurs ? Quelqu'un qui se sert d'eux ?
Et s'il y avait effectivement des Reikois dans l'Obseedra ? ...Et si c'était justement le fait du Baron ?
Une Reine trop puissante pour la Caravane. Un Baron trop puissant également, et instable. Il va falloir jouer fin pour devenir le lien ténu, l'intermédiaire entre les deux... et non pas le métal entre le marteau et l'enclume.
La bière est bien amère, ce soir.
« J'ai le réseau nécessaire pour rencontrer ce nouveau cartel républicain. Je ne me leurre pas, s'il y a négociation, ce sera pour quelques parts de marché, une collaboration. Ils ne laisseront pas la place sans se battre. Et nous n'en savons pas assez à leur sujet à l'heure actuelle.
D'autre part, si les pouvoirs publics ne parviennent pas à désamorcer cette bombe, la ville va littéralement imploser. Le chaos va rebattre les cartes. Peut-être que ce groupe sera démantelé, mais j'en doute très fortement. Je pense qu'ils vont plutôt gagner en puissance. Ce genre d'événement est profitable aux professions de l'ombre, en général.
Avant d'accepter votre offre généreuse, je dois donc m'assurer d'une chose : vous satisferez-vous de parts de marché et d'une collaboration avec ce groupe ? C'est mitigé, mais cela peut nous permettre d'avoir un pied dans la ville, d'apprendre à qui on a affaire... et d'en tirer parti. »
Astuce a fini sa chope et semble assise posément, regardant dans le vague, mais Hir sait qu'elle a une main proche de la miséricorde cachée dans sa manche. Le Baron semble n'avoir que faire de la conversation. La sensation d'un danger imminent cisaille leurs nerfs, et le Caravanier sent le sang battre à ses tempes, ravivant temporairement la douleur dans son orbite cachée. Les derniers mots qu'il vient de prononcer peuvent lui valoir diverses réactions négatives, et il couve de l’œil autant Gueule d'Ange qui n'a rien d'un ange que le Baron dans sa noirceur extrême.
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Peut-être la vision de Vaenys Draknys n’était pas la bonne, mais, en tout cas, c’était ainsi qu’il voyait les choses.
Même pour Eldarion, il était étrange de voir son Maître sourire de la sorte. À vrai dire, il n’avait pas eu besoin que ce dernier lui dise le pourquoi du comment, qu’il l’avait déjà compris. L’elfe devenu un vampire leva légèrement sa main, qui était jusque-là posée sur la table, pour marquer comme un temps mort et prendre la parole une fois qu’Hiraeth eut fini de parler de l’Obseedra III et de la bombe.
« Je vous arrête tout de suite. Tout comme mon Maître, le Baron, je ne pense pas qu’une criminelle de seconde zone telle que cette « Reine Écarlate » puisse avoir un quelconque poids face à l’ancien Prince du Reike. » Expliqua-t-il, tout en laissant son interlocuteur répondre afin de rebondir à nouveau par la suite.
Eldarion comme Vaenys le savait, il n’était pas possible de partir à la conquête de la République et, de toute façon, ce n’était pas forcément ce qui intéressait le Prince Déchu. Si ces hommes voulaient le faire, grand bien leur fasse, il les aiderait. Déjà qu’il possédait une base à Justice, sous la direction de Carl. Pouvoir aller jusqu’à Courage serait un luxe dont il ne pouvait pas se priver en l’heure actuelle. Cette ville était florissante et son marché également.
« Eh bien, essayez donc de trouver un arrangement avec cette « Reine Écarlate ». Il est hors de question que le Baron quitte le territoire et surtout, il n’est pas envisageable qu’il se rende à Courage. Seulement, un accord commercial serait profitable aussi bien pour Kyouji que pour Courage. J’espère que vous serez en mesure de lui faire comprendre cela. Mais, vu votre manière d’être et votre façon de faire, je n’en ai aucun doute. Il va également sans dire que, si vous parvenez à un arrangement correct avec cette bande de criminels de seconde zone qui ne valent pas un clou, vous aurez une prime. Quelques pièces d’or qui vous permettront de vivre convenablement. » Fit-il, tout en riant légèrement dans son masque d’acier.
Pendant ce temps-là, les ombres de Vaenys s’étaient immiscées jusqu’au tenancier et, d’un coup, en une fraction de seconde, l’homme s’écroula raide. Tous se turent et regardèrent en direction du pauvre tenancier qui venait de s’écrouler, sans que personne ne comprenne pourquoi. Instantanément, les ombres de Vaenys disparurent, que ce soit celles au sol ou celles autour de son bras.
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Les deux caravaniers se consultèrent du regard. Cette défiance ne leur disait rien qui vaille.
Décidément, Hir se doutait bien qu'à un certain niveau de la pègre, les motivations, les attitudes et les psychés évoluaient forcément.
Mais pensant se trouver face à une araignée, il est déconcerté de rencontrer un scorpion.
Un scorpion puissant, inhumain et très probablement fou.
Le dédain affiché de Gueule d'Ange, le sourire cauteleux du Baron, on pouvait s'y attendre.
Leur mépris pour la pègre de Courage, oui, ça s'entend.
Le ton hautain pour considérer Hiraeth et sa Caravane comme des pégus sans le sou, classique.
Mais considérer un possible ennemi quel qu'il soit comme fétu de paille, augure de futures déconvenues. Ou d'un ego surdimensionné. Qui a intérêt à posséder les armes adéquates...
L'histoire du Reike a largement prouvé que c'est le cas du Baron. Son comportement n'a jamais fait preuve d'une grande constance, mais toujours de grands effets, modifiant profondément l'histoire de ce pays. S'il fallait une preuve à Hiraeth que les politiques, passé un certain niveau, n'ont aucun sens de la réalité du terrain, la voilà. Mais voilà, ils ont le pouvoir.
Il se gausse de la Reine Écarlate, mais Hir n'est pas si certain du déséquilibre des choses en présence. Ce groupe est monté trop vite pour le prendre à la légère. Gueule d'Ange l'a dit lui-même, le Baron ne se déplacera pas. Son aura d'ancien prince du Reike ne sera pas suffisante pour justifier une introduction privilégiée dans la pègre de la république. Et ce n'est pas un petit caravanier qui fera la différence. Au contraire, cette avance pourrait être considérée comme du mépris. En sont-ils conscients ? S'intéressent-ils vraiment à l'affaire ? Existe-t-il un sous-plan sous ce plan, ou est-ce simplement une occasion pour eux qui se présente ?
Le nomade n'en doute pas, ne veut pas en douter.
Parce que si ce n'est pas le cas, c'est qu'il est d'ores et déjà sacrifié sur l'échiquier de quelque sombre plan qui le dépasse.
Le corps de l'aubergiste tombe avec un bruit mat.
Se concentrer sur les paroles, afficher un air impassible. A l'instar de l'elfe à la peau livide et du vosdraak bien trop sombre. Se calquer sur leurs attitudes, pendant que les gens autour se questionnent, interviennent, s'occupent du nécessaire. On ne les dérangera pas pour si peu. Qui le ferait ? Qui aurait remarqué quoi que ce soit ? Et quand bien même ?
Qui oserait interroger le Baron ?
Le message est parfaitement clair, même s'il n'était pas destiné aux caravaniers. Mieux vaut éviter l'ire du Baron, mieux vaut même éviter son regard, rester lisse. Hir fait un signe de tête à Astuce, qui se prépare à faire délicatement disparaître la bourse de la surface de la table, de ses longs doigts agiles de voleuse. Terminant sa boisson, le nomade affiche un sourire léger, bien loin de son sentiment de malaise.
« Eh bien, la chose est entendue. Je vais donc retourner à Courage, et selon la situation, aviser au mieux pour préparer cette négociation. Je vous informerais des suites dès notre retour à Kyouji, ou par estafette si le conflit ou la négociation venaient à durer. Cela vous convient-il ? »
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"Baron. Il serait peut-être judicieux de ne pas se faire remarquer par l'Empire en ces temps troublés, non ? Je veux dire, je ne lui fais pas confiance non plus, mais plus nous évitons de... de... de faire ça, plus nous nous tenons loin des problèmes que pourrait nous causer l'Oreille, vous ne pensez pas ?" La voix d'Eldarion était tremblante, mais cet étrange tremblement d'incertitude était marqué par ce ton effrayant, déformé par le voile d'acier qui recouvrait la partie basse de son visage.
Il reporta son attention sur le Caravanier, faisant mine de ne pas savoir ce qu'il s'était passé dans cette fichue taverne. S'il le pouvait, il lui aurait fait un sourire, mais pas de ceux que l'on fait de manière sympathique, non. Ceux que l'on fait pour dire "Excusez-le, il est un peu spécial." Le simple fait de penser cela pour Eldarion pourrait lui coûter la vie, mais, d'un autre côté, ce n'était pas spécialement faux.
"Mmmh... il va sans dire que je vous offre la boisson... n'est-ce pas ?" Lança-t-il, comme pour détendre cette atmosphère qui devenait de plus en plus étrange. Il était certainement inutile de les retenir plus longtemps ici, surtout sachant que la situation n'allait pas tarder à dégénérer et que la garnison serait certainement bientôt là, si les interrogations du Prince Déchu s'avéraient vraies.
"C'est entendu, Seigneur... le Baron et moi-même attendrons vos retours avec la plus grande des impatiences. D'autant plus que nous sommes intéressés par les événements de Courage et par cette... Reine Écarlate. Même si elle se trouve à des dizaines de jours de voyage d'ici, rien ne nous dit qu'elle ne cherchera pas à s'immiscer au Reike. Mais, en tel cas, ce n'est pas nous que cela doit inquiéter." Ajouta-t-il, se leva comme pour saluer Hiraeth, tandis que le Prince Déchu restait assis, ses prunelles d'améthystes ancrées dans le regard du Caravanier.
"Messieurs, je vous remercie pour le déplacement. Faites bonne route, en espérant que tout se passe pour le mieux." Conclut-il, s'inclinant en signe de respect.
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier assassin
Alignement: Chaotique neutre
Rang: D
Rien ne va. Toujours sur son quant-à-soi, Hiraeth écoute, guette du coin de l'oeil l'échange unilatéral entre Eldarion et le Baron, prenant grand soin d'afficher un air neutre et poli. Astuce à côté de lui se tient droite et discrète, les oreilles sagement inclinées vers l'arrière.
Effectivement, Gueule d'Ange a raison. Ici, ça allait bientôt grouiller de gros-bras dévoués à l'Ombre, voire de mages qui vont tenter de comprendre ce qu est arrivé au tenancier et...
Le Loup Hurlant n'était pas assez enfoncé dans les quartiers craignos, et son standing trop élevé pour que cela passe inaperçu.
Mentalement, Hiraeth passe en revue les moyens de sortir d'ici sans attirer l'attention, et soupèse les paroles parvenues à ses oreilles...
Ca pue. Encore plus que ce qu'il avait imaginé de prime abord. Le Baron était fou. Sa logique n'appartenait plus au terrain. La morgue dont avait fait preuve l'elfe métallique, alliée à cette obséquiosité envers lui, avait davantage l'allure d'une mauvaise blague que d'une négociation sensée.
Il fallait se rendre à l'évidence : Hiraeth ne possédait pas les codes pour évoluer dans cette strate de la pègre reikoise.
Attentif, il sent le regard du Baron peser sur lui pour la première fois depuis le début de leur entretien.
Gueule-de-Métal s'est levé et semble prendre congé. Le Caravanier hésite : alors même que la conversation s'achemine vers une fin précipitée, ce regard semble entamer une toute autre sorte de conversation.
Il pouvait y lire : De quelle chitine es-tu fait, insecte ? Seras-tu un outil idoine ? Possèdes-tu, avant tout cela, un quelconque intérêt ?
Bien sûr, le Nomade ne se sentait pas à l'aise.
Et pourtant...
Pourtant, il aime ce qui sort de l'ordinaire. Ce qui est bizarre, dérangeant, à l'orée entre la vie et la mort, entre la folie et la santé.
Alors...
Alors il rencontre sciemment le regard améthyste du Baron, et le soutient avec une détermination farouche, quelques secondes. Puis il s'incline respectueusement, profondément.
Remerciant Eldarion rapidement, il quitte la salle sans mot dire, Astuce sur ses talons.
« On est dans la merde, hein ? »
Astuce s'est rapprochée de lui, au coude à coude dans la rue sombre, ils s'éloignent rapidement du quartier du Loup Hurlant, croisant deux patrouilles s'y rendant à vive allure.
Le Champa Replet n'est plus qu'à quelques rues, et ils se sont un peu détendus, toujours vigilants néanmoins sur les ombres éventuelles qui pourraient les avoir suivis.
Hiraeth grimaça.
« Oui et non. On est entre le marteau et l'enclume, le marteau est foutrement instable, reste à voir ce que donne l'enclume. On peut tirer notre bénef du jeu, si on y entre pas trop profondément. Faut clairement qu'on se positionne en messager, pas en officier. Va savoir ce qui se sera passé là-bas, entre temps... Si ça se trouve, y'aura plus de ville, ou si ça se trouve, tout sera revenu à la normale. Ou peut-être que ça n'a pas encore pété.
Ça peut être notre chance... ou notre fin. »
Il se tut, et ils marchèrent ainsi côte à côte quelques minutes, perdus dans leurs pensées. L'Elfe soupira.
« On pourrait se contenter de nos petits voyages encore quelque temps, attendre que tout ce bordel se calme. Les Titans... »
« Ils ne vont pas attendre que j'aille mieux pour réduire le monde en cendres. Je vais pas attendre que le Baron soigne sa santé mentale ou meure, c'est un vosdraak et clairement il est pas parti pour prendre la voie de la rédemption. Tu as entendu comme moi. Les rumeurs étaient vraies... »
« Une trêve avec l'Oreille. Enorme. »
« Oui, sauf que ça commence déjà à partir en couille. A ton avis, ça va durer combien de temps avant qu'ils ne se mettent de nouveau sur la gueule ? »
« Mph. »
« Exactement. J'attendrais pas, Ast'. Je veux de la maille, me trouver un bateau et me tirer de ce putain de guêpier. Qu'on se tire tous d'ici. Et si possible, avec les honneurs. Me faire courser jusqu'aux îles paradisiaques par les moches du continent, j'y tiens pas des masses. »
L'elfe fit la moue.
« Avoue, t'es à fond. »
Après un silence, le Caravanier détourne la tête.
« J'avoue. C'est exaltant. Si je dois vivre une foutue vie d'homme raccourcie, autant que ce soit à faire ce qui me plaît. »
Une ombre passa sur le visage d'Astuce, elle posa sa main sur l'épaule d'Hiraeth, qui se tendit légèrement. Elle ôta sa main.
« Hir... »
« Chuis pas mourant. Pas encore. On va faire ce foutu job, et en tirer assez de clinquants pour s'acheter une flotte. Ouaiche ? »
Il lui décoche un sourire étincelant, acéré, ironique, du genre qu'elle aime.
Elle lui rend. Mais le sien est un peu pâle.
Ils rentrent à l'auberge.
Kyouji s'endort, inconsciente du scorpion hébergé en son sein.
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