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Citoyen du monde
Qultarn
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Info personnage
Race: Drakyn
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal mauvais
Rang: D
La nuit bruissait de son vacarme habituel : les rares oiseaux nocturnes s’en donnaient à cœur-joie autour des roseaux jonchant la rive, des grenouilles coassaient dans les flaques humides qui parsemaient la boue et les cigales s’appelaient à qui-mieux-mieux. L’ensemble était à peine perturbé par les cris des chacals en chasse, et la faune ne prêtait de manière générale aucune attention à la lueur rougeoyante du Mont Kazan qui, plusieurs kilomètres plus loin, battait la mesure avec la régularité d’un poumon au repos. Le quart-de-lune, d’un jaune terne, passait difficilement à travers une couverture nuageuse opaque, poussée à l’intérieur des terres par le vent de la Mer des Anciens. Elle irait s’écraser contre la montagne sans jamais déverser sa pluie sur le désert, à l’est, mais les sources des nains et les ruisseaux des contreforts en profiteraient à foison.
Une forme sombre trottait à travers la nature, les oreilles aux aguets mais le regard fixé vers l’avant, trahi par le port raide de sa nuque. Massive, si quiconque s’était avisé de voir à travers les ombres, et laissant derrière elle des traces de bottes armurées, elle n’était pas si difficile à pister. Ce n’était évidemment pas l’objectif, mais le drakyn espérait que la direction prise suffirait à embrouiller les poursuivants, en tout cas suffisamment longtemps pour qu’il passe la frontière pour se retrouver dans les terres de l’ex-Confédération de Shoumeï.
Il inclina la tête pour capter un chuchotis indistinct avant de s’apercevoir que ce n’était que le chant du vent dans les arbustes secs et pugnaces qui accrochaient le flanc des collines.
Sans ralentir, il toucha précautionneusement la blessure qu’il avait au haut du bras gauche : un coup de hache avait passé la protection de son armure de plate pour l’entailler sérieusement. Il s’était agi du dernier geste de Gustang, avant qu’il ne lui fende le crâne d’un coup d’épée rageur, avant qu’il n’échoue à libérer Zeï, avant qu’il ne tente de s’enfuir. Pour la centième fois depuis le début de cette nuit de trahisons et de sang, il se rassura : le chemin de fuite le plus évident était de traverser la frontière au sud du Berceau, et le moment avait été suffisamment bien choisi pour que personne ne vienne le chercher à l’est, aux alentours du Mont Kazan. L’écharpe qu’il avait nouée rudement autour de sa plaie, rouge à l’origine, était à présent suffisamment imbibée de sang pour être d’un marron sombre, mais ce ne serait pas suffisant pour l’empêcher d’atteindre sa destination.
Benedictus.
Il se prit un instant à imaginer cette cité à la gloire des Titans, les flèches de ses bâtiments s’envolant vers le ciel, vers l’Arbre-Monde, et tous les fidèles qui la peuplaient. D’un mouvement de la tête, il s’ébroua aussi bien physiquement que mentalement, retint un juron quand son pied s’enfonça dans une flaque plus profonde que les autres, et resserra les lanières du bouclier qu’il portait sur le dos afin qu’il ne bringuebale pas trop. S’il pouvait éviter d’attirer l’attention de la moitié de la région pendant son passage, il ne s’en porterait que mieux, comme à l’époque des raids qu’il menait avec les tribus, et où ils n’hésitaient pas à courir des heures à travers la steppe pour surprendre leurs victimes du jour ou de la nuit.
Ses yeux d’un jaune terne tombant sur une excroissance artificielle, il se baissa en position accroupie, une main sur la garde de son épée, pour observer les alentours. Au bout de deux minutes qui lui parurent des heures mais qui lui permirent de calmer sa respiration et les battements de son cœur, rien n’avait bougé, aussi bien parmi la nature qui l’entourait que de la maison de maître située quelques centaines de mètres plus loin, et dont deux fenêtres étaient éclairées par des bougies ou des lanternes, il ne pouvait en être certain à cette distance.
Le dilemme le prit immédiatement.
S’il s’en était tenu à son plan initial, il devrait normalement passer au large, continuer sa route vers le sud dans l’espoir de trouver un navire, une barque ou un radeau de fortune pour traverser le bras de mer, avant de terminer sa route à Benedictus. Pourtant, ses poursuivants ne seraient pas toujours loin, il était affaibli par sa blessure, et son havresac était davantage une ode au dénuement et à la frugalité qu’à la prospérité et au luxe. D’autre part, s’il y avait des chevaux, ce serait également l’occasion de pouvoir accélérer considérablement son rythme et…
Et il était Qultarn Emurlahn, des tribus du nord, un loup, un pillard, un conquérant, et non un soldat du Reike, un Gardien du Berceau. Avait-on déjà inventé un nom plus puéril ? Sa main droite se porta à sa cuisse, sur laquelle le tatouage commençait déjà à disparaître, la magie s’en échappant au terme de la période de contrôle qu’il imposait. Ils furent marqués comme du bétail, après tant d’années à guerroyer pour prendre tout ce qu’ils voulaient. Et la plupart ne l’avaient jamais réalisé, ne le réalisaient toujours pas. De meute de loups, ils étaient devenus de simples chiens de garde, voire des bichons de compagnie.
Ses lèvres se retroussèrent en un sourire carnassier. Il prendrait à boire et à manger, une monture s’il y en avait une. Les fermiers dans leur cahute pourraient saisir leurs armes, des houes et des fourches, s’ils le souhaitaient. Cela ne ferait aucune différence.
« Au nom des Titans et des Tribus, chuchota-t-il. »
Citoyen du Reike
Thyra Velkaryn
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Race: Humaine
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Chaotique neutre
Rang: C
Bord de Mer des Anciens / An 5,
Trois jours, c'est tout ce que Monsieur avait pu obtenir de son supérieur, afin de retrouver son épouse. Lui et Madame s'étaient écrit et avaient choisi de s'offrir le peu de temps qu'ils avaient, dans leur domaine en bordure de mer.
Madame fit préparer ses affaires pour une semaine, afin de prolonger son séjour et ainsi profiter de l'air marin. La Noble fut escortée par quatre servantes, un palefrenier et trois hommes de sa milice personnelle. Le trajet à cheval du désert à la steppe, puis jusqu'au domaine, se passa sans dangers. À leur arrivée, Charlotte ne put s'empêcher de contempler longuement la maison-tour qui se dressait devant elle. Un château de pierres, haut de trois étages. Son architecture était bien différente de celle que l'on pouvait observer dans le reste du Reike. Elle semblait davantage tirer ses caractéristiques des maisons de l'Ouest du continent. Avant qu'elle ne se fasse réprimander, elle rejoignit les autres employés, dont certains étaient les métayers qui venaient travailler à la maison-tour, uniquement lorsque ses propriétaires y séjournaient.
Lors de son premier jour de travail, la servante fit la rencontre d'une femme, Hilde, la compagne de l'un des métayers. Et bien qu'elle l'avait caché, Charlotte avait tout de suite su en la voyant, qu'elle était elle aussi originaire de Shoumei. Les deux femmes discutèrent longuement et Hilde finit même, en fin de journée, par conter les légendes de la région à sa cadette. Des histoires à dormir debout bercèrent Charlotte, jusqu'à ce qu'elle sombre dans un sommeil sans songes.
Le matin du second jour, Monsieur était arrivé au domaine. Très peu de temps après qu'il ait rejoint Madame dans la salle à manger, les assiettes et les couverts volèrent de la main de son épouse, puis le couple s'enferma dans la chambre de maître. C'est en rangeant le capharnaüm de sa maîtresse, que Charlotte questionna Hilde sur ce qu'elle pouvait lui dire de vrai, sur la région. Elle apprit ainsi que le village des métayers n'était guère loin, peut-être à une douzaine de minutes à pied, mais qu'hormis celui-ci, il n'y avait aucune habitation à moins d'un noeud. En fin de journée, la servante alla rallumer le feu de cheminée de la chambre de Madame. Le temps à l'Ouest du territoire reikois, était bien plus changeant que dans les terres et les nuits à la maison-tour étaient froides et humides.
Plus tard dans la soirée, presque toute la maison était couchée. Charlotte était descendue vider un pot de chambre, lorsque des torches en flammes, au loin, attirèrent son attention. Les bruits de sabots de chevaux au galop, se rapprochèrent et la firent se précipiter vers les écuries. Elle reconnut les gardes reikois à leur uniforme. L'un d'entre-eux, le plus haut gradé sans doute, dépêcha la servante d'aller réveiller son maître. C'est ainsi qu'après avoir été le chercher, ils apprirent qu'un individu dangereux était recherché sur les rives de la Mer des Anciens. Charlotte fut ensuite congédiée et les hommes s'entretinrent en privé. Les soldats fouillèrent les alentours de la maison, puis ils remontèrent à cheval et repartirent dans la même direction que celle d'où ils étaient venu. Monsieur retourna se coucher et Charlotte se retrouva de nouveau seule dans la cour.
Elle se mit à frissonner, en se rappelant les histoires qu'Hilde lui avait contées et tenta de se persuader qu'elle n'avait pas peur, qu'il s'agissait seulement du vent marin qui lui donna la chair de poule. La jeune femme chercha du regard une ombre suspecte, mais elle ne vit rien au-delà de ce que les torches éclairaient. Elle alla ramasser le pot de chambre vide qu'elle avait lâché dans sa précipitation et le porta jusqu'à une flaque d'eau, où elle pourrait le laver. Un cheval derrière elle, hennit. Charlotte tourna la tête pour le regarder, mais cela ne l'inquiéta guère. Pour une raison inexpliquée, les animaux n'étaient jamais à l'aise près d'elle... Elle essaya de calmer ses nerfs en se mettant à la tâche et s'accroupit devant la flaque. Elle rinça le pot de chambre et le retourna pour le vider. L'eau sale coula et lorsque la surface de la mare ne fut plus troublée, elle le vit. Elle ne sut quoi faire, mis à part crier.
Trois jours, c'est tout ce que Monsieur avait pu obtenir de son supérieur, afin de retrouver son épouse. Lui et Madame s'étaient écrit et avaient choisi de s'offrir le peu de temps qu'ils avaient, dans leur domaine en bordure de mer.
Madame fit préparer ses affaires pour une semaine, afin de prolonger son séjour et ainsi profiter de l'air marin. La Noble fut escortée par quatre servantes, un palefrenier et trois hommes de sa milice personnelle. Le trajet à cheval du désert à la steppe, puis jusqu'au domaine, se passa sans dangers. À leur arrivée, Charlotte ne put s'empêcher de contempler longuement la maison-tour qui se dressait devant elle. Un château de pierres, haut de trois étages. Son architecture était bien différente de celle que l'on pouvait observer dans le reste du Reike. Elle semblait davantage tirer ses caractéristiques des maisons de l'Ouest du continent. Avant qu'elle ne se fasse réprimander, elle rejoignit les autres employés, dont certains étaient les métayers qui venaient travailler à la maison-tour, uniquement lorsque ses propriétaires y séjournaient.
Lors de son premier jour de travail, la servante fit la rencontre d'une femme, Hilde, la compagne de l'un des métayers. Et bien qu'elle l'avait caché, Charlotte avait tout de suite su en la voyant, qu'elle était elle aussi originaire de Shoumei. Les deux femmes discutèrent longuement et Hilde finit même, en fin de journée, par conter les légendes de la région à sa cadette. Des histoires à dormir debout bercèrent Charlotte, jusqu'à ce qu'elle sombre dans un sommeil sans songes.
Le matin du second jour, Monsieur était arrivé au domaine. Très peu de temps après qu'il ait rejoint Madame dans la salle à manger, les assiettes et les couverts volèrent de la main de son épouse, puis le couple s'enferma dans la chambre de maître. C'est en rangeant le capharnaüm de sa maîtresse, que Charlotte questionna Hilde sur ce qu'elle pouvait lui dire de vrai, sur la région. Elle apprit ainsi que le village des métayers n'était guère loin, peut-être à une douzaine de minutes à pied, mais qu'hormis celui-ci, il n'y avait aucune habitation à moins d'un noeud. En fin de journée, la servante alla rallumer le feu de cheminée de la chambre de Madame. Le temps à l'Ouest du territoire reikois, était bien plus changeant que dans les terres et les nuits à la maison-tour étaient froides et humides.
Plus tard dans la soirée, presque toute la maison était couchée. Charlotte était descendue vider un pot de chambre, lorsque des torches en flammes, au loin, attirèrent son attention. Les bruits de sabots de chevaux au galop, se rapprochèrent et la firent se précipiter vers les écuries. Elle reconnut les gardes reikois à leur uniforme. L'un d'entre-eux, le plus haut gradé sans doute, dépêcha la servante d'aller réveiller son maître. C'est ainsi qu'après avoir été le chercher, ils apprirent qu'un individu dangereux était recherché sur les rives de la Mer des Anciens. Charlotte fut ensuite congédiée et les hommes s'entretinrent en privé. Les soldats fouillèrent les alentours de la maison, puis ils remontèrent à cheval et repartirent dans la même direction que celle d'où ils étaient venu. Monsieur retourna se coucher et Charlotte se retrouva de nouveau seule dans la cour.
Elle se mit à frissonner, en se rappelant les histoires qu'Hilde lui avait contées et tenta de se persuader qu'elle n'avait pas peur, qu'il s'agissait seulement du vent marin qui lui donna la chair de poule. La jeune femme chercha du regard une ombre suspecte, mais elle ne vit rien au-delà de ce que les torches éclairaient. Elle alla ramasser le pot de chambre vide qu'elle avait lâché dans sa précipitation et le porta jusqu'à une flaque d'eau, où elle pourrait le laver. Un cheval derrière elle, hennit. Charlotte tourna la tête pour le regarder, mais cela ne l'inquiéta guère. Pour une raison inexpliquée, les animaux n'étaient jamais à l'aise près d'elle... Elle essaya de calmer ses nerfs en se mettant à la tâche et s'accroupit devant la flaque. Elle rinça le pot de chambre et le retourna pour le vider. L'eau sale coula et lorsque la surface de la mare ne fut plus troublée, elle le vit. Elle ne sut quoi faire, mis à part crier.
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Citoyen du monde
Qultarn
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Race: Drakyn
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La rumeur de l’arrivée des soldats avait précipité les choses. Qultarn escomptait se servir dans la demeure et repartir au plus vite. Il finit blotti dans le coin, à prier pour que les miliciens du Reike ne tentent pas de fouiller chaque mètre carré de la demeure. Etaient-ils certains qu’il était ici ? Ou organisaient-ils une battue sur tous les environs du Berceau ? Il n’avait pas caché ses traces, comptant sur son avance de plusieurs heures pour le maintenir hors de portée de l’Empire, mais cela avait peut-être été une erreur.
Tendu comme la corde d’un arc, la main cramponnée sur son épée, il écouta les hommes d’arme prévenir du danger potentiel qu’il représentait en priant Zeï que leur attention soit distraite par les murmures du vents, de leurs êtres aimés ou du désir de retrouver leurs tentes et leurs braseros. Aussi, quand ils s’éloignèrent finalement sans entrer dans l’écurie, il laissa échapper un long soupir de soulagement. Baissant les yeux sur sa blessure, il se rendit compte que l’écharpe s’était un dénouée, et qu’un peu de sang gouttait dans la paille.
A la lueur des étoiles, c’était encore le milieu de la nuit, et si l’agitation avait dérangé une nature normalement livrée à elle-même, le calme revenait petit à petit, et avec lui les vols des chauve-souris et autres prédateurs. Le drakyn résolut d’attendre quelques dizaines de minutes que les soldats s’éloignent avant de reprendre sa route et de faire du grabuge. Au moins, il ne devrait pas manquer d’une monture, à voir tous les chevaux actuellement présents. Si la plupart avaient clairement vocation à tirer une carriole ou une charrette, deux d’entre eux ressemblaient davantage à de véritables montures : un étalon d’un noir de jais au caractère ombrageux qui avait soufflé de façon menaçante à son entrée, et un hongre gris, plus placide, qui s’était contenté de manger son foin sans lui accorder un regard.
Sans s’avancer beaucoup, Qultarn supposa qu’ils appartenaient respectivement au maître et à la maîtresse de maison. Il jeta d’emblée son dévolu sur le hongre, probablement plus obéissant et moins difficile à mater, ce qu’il n’avait pas le temps de faire cette nuit. Puis, laissant la chaleur de l’écurie le gagner, toujours enfoui dans la paille, il relâcha brièvement son attention.
****
Seules quelques minutes s’étaient écoulées. Il en était certain. Pourtant, une jeune humaine lui faisait face. Elle nettoyait un pot de chambre. Son regard croisa le sien, aux yeux piquants de sommeil et de fatigue. Ses doigts se resserrèrent sur la garde de son épée. Une fraction de seconde plus tard, la pointe était posée sur la jugulaire de l’inconnue. Il prit une nouvelle expiration méthodique alors que son coeur se remettait à battre au rythme du cheval au galop qu’il prendrait bientôt. Il était un guerrier des steppes, se rappela-t-il.
« Si tu cries, je te tue. Je le jure par les Titans, grogna l’ancien Gardien du Berceau. »
Il ne précisa pas que la réciproque était fausse. L’essentiel était d’empêcher la situation d’empirer. Les proies avaient souvent tendance à tétaniser dans ces situations, et la perspective de s’en sortir les rendait amorphes et malléables. Il l’avait trop souvent vu auparavant. Et Qultarn ne s’en plaignait pas : c’était justement ce qui rendait son ouvrage plus facile. Confusément, il s’avisa que son bras gauche ne répondait plus suffisamment bien pour faire basculer le bouclier devant lui. Tant pis, il n’était pas un jeunot qui découvrait sa première blessure ou son premier handicap.
Son expression se fit plus péremptoire.
« Combien êtes-vous dans la maison ? Dans quelle direction les soldats sont-ils partis ? »
Son attention était entièrement fixée sur la servante, sur le moindre signe de magie qui pourrait s’échapper de sa bouche, ses yeux, son corps. La sienne, presqu’aussi fatiguée que lui-même l’était, répondait paresseusement à son désir, le mana circulant doucement dans ses membres. Ce serait suffisant pour se débarrasser d’une poignée de paysans, mais pas d’une escouade de soldats, à moins peut-être de les prendre par surprise. C’était un scénario qu’il préférait éviter. Il empêcha ses pensées de vagabonder plus avant.
D’abord, les informations. Ensuite, la domestique. Après, le cheval. Enfin, Benedictus.
La route à suivre était claire et toute tracée. Qultarn remercia sa bonne étoile d’avoir fait l’arrêt ici plutôt que d’avoir été pris dans la campagne par la soldatesque. La protection de Zeï était encore sur lui, malgré son échec un peu plus tôt dans la journée.
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Thyra Velkaryn
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Bord de Mer des Anciens / An 5,
Les yeux bleu-gris de la servante étaient grands ouverts et pourtant, elle ne vit ni le moment où l'être cornu s'était levé, ni celui où il s'était saisi de son épée pour la glisser sous son menton. La lame de fer la figea toute entière, comme s'il l'avait affublé d'un sort. Charlotte avait retenu son souffle, si bien qu'aucun son ne s'était échappé d'entre ses lèvres. Elle n'osa bouger d'un cil, avant que l'homme ne lui adresse un ordre, d'une voix grave. La servante pouvait sentir son cœur battre à tout rompre, jusqu'au bout des doigts de ses mains tremblantes. Refermant la bouche pour déglutir, elle leva lentement les yeux jusqu'à ceux du fugitif. Elle ne put réprimer un frisson d'angoisse, qui la parcourut de la tête aux pieds. Sa respiration se fit irrégulière. Les iris ambrées de l'homme étaient aussi singulières que ses pupilles. Il y avait dans son regard quelque chose d'ancien... Bien plus ancien que ce que son apparence seule laissait supposer. Les traits de son visage étaient durs, presque sauvages, et effrayants pour l'humaine qui se contenta de rester immobile. Les larmes de Charlotte lui montèrent soudain aux yeux. Allait-elle mourir ?
L'être cornu lui asséna deux questions, qui la firent sursauter et par la même, se blesser contre le tranchant de la lame à son cou. Apeurée, elle commença par vouloir hocher négativement la tête. Puis, elle se ravisa et leva la main, lentement, pour lui indiquer la direction dans laquelle les soldats étaient repartis. Les questions se bousculèrent dans son esprit : devait-elle lui dire le nombre exacte de personnes présent dans la maison-tour ? devait-elle lui mentir pour lui faire peur et le voir repartir dans la nuit ? s'en prendrait-il à Madame ? Une sueur froide lui perla le long du dos. Elle fit cesser son monologue interne et ferma les yeux. Les lèvres pincées, Charlotte essaya de gagner du temps, mais elle savait que son agresseur perdrait vite patience. Ses mains se joignirent sur le tissus du tablier à sa taille, elle le serra jusqu'à ce que ses phalanges blanchissent.
« Huit, balbutia-t-elle. »
Il y avait effectivement huit personnes à l'intérieur, mais elle avait volontairement omis de préciser qu'il y en avait trois autres entrain de patrouiller à l'extérieur. L'humaine déglutit une nouvelle fois, la peur au ventre. Elle remarqua que l'odeur du sang était omniprésente depuis que le démon l'avait approchée. Elle baissa légèrement la tête, puis lorsqu'elle la releva, rouvrit les yeux et observa son apparence. Quels massacres avait-il perpétrés pour que l'odeur de la mort le suive jusqu'ici ? Le métal de son armure de plate était ébréché, enfoncé et éclaboussé de taches de la couleur du sang de ses victimes. Plus haut, son épaule gauche était bandée avec un tissus sombre, lui aussi souillé. Charlotte aurait préféré ne rien avoir vu de tout cela. Elle se mit à trembler comme une feuille. Lorsqu'elle vit que l'homme ne baissa pas son arme, elle crut que c'était la fin. Elle alla rapidement chercher, pendu à son cou sous son chemisier, la croix de ses créateurs. Si elle devait mourir aujourd'hui, elle mourrait en tant que croyante.
À la vue du pendentif, le criminel eut un moment d'hésitation. Quelque chose changea dans l'air. Charlotte ramena son regard dans le sien, mais celui-ci était déjà sur elle. Les pupilles du cornu s'élargirent, puis se rétractèrent. Elle eut la sensation très désagréable d'être prise au piège, malgré le fait que l'épée ait finalement quitté son cou. L'impression qu'une sorte de grand reptile enroulait sa queue autour d'elle, la fit suffoquer. Les secondes s'égrenèrent, sans qu'elle ne parvienne à sortir de sa transe. Le drakyn tourna la tête sur sa droite, d'où il entendit probablement une voix et Charlotte put enfin relâcher la respiration qu'elle n'avait pas eu conscience d'avoir retenue. Un instinct de survie qu'elle ne savait pas avoir la fit se redresser pour tenter de fuir, mais elle n'eut pas le temps de faire un pas, qu'une main gantée la saisit par la mâchoire et l'entraîna dans la pénombre. Le dos de Charlotte fut plaqué contre une surface métallique et sa bouche entièrement recouverte par la main gantée. La pression sur ses joues était tellement forte, que les larmes qu'elle avait retenues finirent par perler sur ses joues. À cet instant, la servante se mit à prier.
Devant eux, à quelques mètres, le palefrenier précédemment réveillé par l'arrivée des soldats, s'était levé pour venir voir les chevaux. Il rassura l'un d'entre eux, la nervosité lui faisait piétiner le sol et remuer la boue... Charlotte observa l'employé, puis elle implora son ravisseur du regard pour qu'il ne tue pas le pauvre homme. Elle parvint à hocher négativement la tête, afin de donner du sens à sa supplication silencieuse, ce qui lui valut en retour qu'il resserre son étreinte. Une nouvelle salve de larmes se déversa de ses yeux implorants. "Pitié", pria-t-elle. Pitié.
Les yeux bleu-gris de la servante étaient grands ouverts et pourtant, elle ne vit ni le moment où l'être cornu s'était levé, ni celui où il s'était saisi de son épée pour la glisser sous son menton. La lame de fer la figea toute entière, comme s'il l'avait affublé d'un sort. Charlotte avait retenu son souffle, si bien qu'aucun son ne s'était échappé d'entre ses lèvres. Elle n'osa bouger d'un cil, avant que l'homme ne lui adresse un ordre, d'une voix grave. La servante pouvait sentir son cœur battre à tout rompre, jusqu'au bout des doigts de ses mains tremblantes. Refermant la bouche pour déglutir, elle leva lentement les yeux jusqu'à ceux du fugitif. Elle ne put réprimer un frisson d'angoisse, qui la parcourut de la tête aux pieds. Sa respiration se fit irrégulière. Les iris ambrées de l'homme étaient aussi singulières que ses pupilles. Il y avait dans son regard quelque chose d'ancien... Bien plus ancien que ce que son apparence seule laissait supposer. Les traits de son visage étaient durs, presque sauvages, et effrayants pour l'humaine qui se contenta de rester immobile. Les larmes de Charlotte lui montèrent soudain aux yeux. Allait-elle mourir ?
L'être cornu lui asséna deux questions, qui la firent sursauter et par la même, se blesser contre le tranchant de la lame à son cou. Apeurée, elle commença par vouloir hocher négativement la tête. Puis, elle se ravisa et leva la main, lentement, pour lui indiquer la direction dans laquelle les soldats étaient repartis. Les questions se bousculèrent dans son esprit : devait-elle lui dire le nombre exacte de personnes présent dans la maison-tour ? devait-elle lui mentir pour lui faire peur et le voir repartir dans la nuit ? s'en prendrait-il à Madame ? Une sueur froide lui perla le long du dos. Elle fit cesser son monologue interne et ferma les yeux. Les lèvres pincées, Charlotte essaya de gagner du temps, mais elle savait que son agresseur perdrait vite patience. Ses mains se joignirent sur le tissus du tablier à sa taille, elle le serra jusqu'à ce que ses phalanges blanchissent.
« Huit, balbutia-t-elle. »
Il y avait effectivement huit personnes à l'intérieur, mais elle avait volontairement omis de préciser qu'il y en avait trois autres entrain de patrouiller à l'extérieur. L'humaine déglutit une nouvelle fois, la peur au ventre. Elle remarqua que l'odeur du sang était omniprésente depuis que le démon l'avait approchée. Elle baissa légèrement la tête, puis lorsqu'elle la releva, rouvrit les yeux et observa son apparence. Quels massacres avait-il perpétrés pour que l'odeur de la mort le suive jusqu'ici ? Le métal de son armure de plate était ébréché, enfoncé et éclaboussé de taches de la couleur du sang de ses victimes. Plus haut, son épaule gauche était bandée avec un tissus sombre, lui aussi souillé. Charlotte aurait préféré ne rien avoir vu de tout cela. Elle se mit à trembler comme une feuille. Lorsqu'elle vit que l'homme ne baissa pas son arme, elle crut que c'était la fin. Elle alla rapidement chercher, pendu à son cou sous son chemisier, la croix de ses créateurs. Si elle devait mourir aujourd'hui, elle mourrait en tant que croyante.
À la vue du pendentif, le criminel eut un moment d'hésitation. Quelque chose changea dans l'air. Charlotte ramena son regard dans le sien, mais celui-ci était déjà sur elle. Les pupilles du cornu s'élargirent, puis se rétractèrent. Elle eut la sensation très désagréable d'être prise au piège, malgré le fait que l'épée ait finalement quitté son cou. L'impression qu'une sorte de grand reptile enroulait sa queue autour d'elle, la fit suffoquer. Les secondes s'égrenèrent, sans qu'elle ne parvienne à sortir de sa transe. Le drakyn tourna la tête sur sa droite, d'où il entendit probablement une voix et Charlotte put enfin relâcher la respiration qu'elle n'avait pas eu conscience d'avoir retenue. Un instinct de survie qu'elle ne savait pas avoir la fit se redresser pour tenter de fuir, mais elle n'eut pas le temps de faire un pas, qu'une main gantée la saisit par la mâchoire et l'entraîna dans la pénombre. Le dos de Charlotte fut plaqué contre une surface métallique et sa bouche entièrement recouverte par la main gantée. La pression sur ses joues était tellement forte, que les larmes qu'elle avait retenues finirent par perler sur ses joues. À cet instant, la servante se mit à prier.
Devant eux, à quelques mètres, le palefrenier précédemment réveillé par l'arrivée des soldats, s'était levé pour venir voir les chevaux. Il rassura l'un d'entre eux, la nervosité lui faisait piétiner le sol et remuer la boue... Charlotte observa l'employé, puis elle implora son ravisseur du regard pour qu'il ne tue pas le pauvre homme. Elle parvint à hocher négativement la tête, afin de donner du sens à sa supplication silencieuse, ce qui lui valut en retour qu'il resserre son étreinte. Une nouvelle salve de larmes se déversa de ses yeux implorants. "Pitié", pria-t-elle. Pitié.
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Info personnage
Race: Drakyn
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal mauvais
Rang: D
Huit, cela ferait beaucoup, surtout dans son état actuel. Même en pleine nuit avec l’effet de surprise, il ne s’y serait tenté qu’en possession de ses moyens, et non fatigué et blessé comme il l’était actuellement. Même un rapide détour par les cuisines risquait de tenir de la gageure : autant il pouvait survivre avec de l’eau de source et ce qu’il restait de ses maigres rations quelques jours, les quelques jours nécessaires pour rejoindre Shoumeï, autant s’il tombait sur du personnel et ne parvenait pas à les éliminer, il risquait rapidement de se retrouver avec la garde aux trousses.
C’était actuellement ce qu’il devait éviter en priorité.
Pour cela, la première étape était d’éliminer la servante, puis de seller le hongre. Une fois cela fait, tant pis pour les vivres. Il quitterait le chemin pour se rapprocher de la montagne. En pleine nuit, il faudrait guider un peu le cheval, mais que le ciel s’éclaircirait, il pourrait chevaucher droit vers le sud et chercher un point pour traverser le bras de la Mer des Anciens, moins large à mesure qu’il s’enfonçait dans les terres. Dans le pire des cas, il laisserait son armure derrière lui et encouragerait la bête à le porter de l’autre côté, dût-elle en mourir d’épuisement.
Ce n’était qu’une étape, après tout.
Le pendentif attira ses yeux jaunes, et une lumière étrange les fit étinceler. S’il n’était pas particulièrement versé dans les détails du divinisme et de la vénération des Titans, il savait toutefois en reconnaître quelques signes : les guerres qui avaient suivi la Conquête regorgeaient d’histoires et de souvenirs que les vétérans s’échangeaient au coin du feu, dans les tavernes enfumées par les pipes, les narguilés et les chichas, au son des ouds et des nays. Qultarn ne se laissa pas transporter à cette époque qui portait moins de soucis, laissant la douleur de son bras le maintenir fermement ancré dans la réalité.
L’approche du palefrenier faillit être couverte par le hululement d’un chouette. Mais son ombre se découpa sous la porte, taillée par la lune qui venait se pointer son oeil blême hors des nuages. Encore une menue faveur des Titans, songea le drakyn en projetant à moitié la jeune femme dans une stalle vide. Il tomba à moitié sur elle, le tranchant de sa lame toujours contre sa carotide, et le poids de sa main et de son bras sur sa bouche. Une goutte de sang coula jusqu’à la commissure de ses lèvres, mais il était tendu à nouveau, comme la corde d’un arc, prêt à bondir sur l’homme qui calme une jument capricieuse avant de sortir en sifflottant un air aléatoire.
Qultarn poussa un soupir de soulagement.
Il retira doucement sa sénestre de la bouche de la bonne, et appuya un peu plus son épée contre sa gorge. Puis il souleva doucement le pendentif, l’examinant sous toutes les coutures. Le doute n’était pas possible, il s’agissait bien d’un symbole diviniste. Que faisait-il ici, à la gorge de cette reikoise de famille noble ou, à défaut, simplement riche ? Ce n’était pas un mystère à résoudre maintenant et tout de suite.
« Es-tu une diviniste ? Jures-tu par les Titans ? »
Si elle mentait, il le saurait, il en était persuadé. Zeï lui donnerait la réponse, la vérité, comme toujours. En cas de parjure, une simple pression en faisant glisser le fil de sa lame suffirait à la faire se vider de son sang au milieu de la paille sale de l’écurie, lui laissant le temps de prendre le hongre. Le palefrenier repassa dehors en se raclant la gorge, peut-être après avoir fait ses besoins dans un coin de la cour, du côté du jardin. Le grincement de la lourde porte en bois brut de la maison s’acheva dans un claquement brusque, alors qu’il rejoignait le dortoir commun dévolu au petit personnel.
Elle fit un signe d’assentiment, accompagné de quelques mots pour le rassurer. Qultarn entendit le sifflement du vent dans les planches mal dégrossies de la bâtisse, tel un assentiment susurré à son oreille par la Chuchoteuse elle-même. Avec méfiance, le soldat se redressa de ses plus de deux mètres, ne laissant que la pointe de son épée entre les deux yeux de l’inconnue. Puis il regarda autour de lui à la recherche d’une selle. L’ancien pillard remua doucement l’épaule gauche et se mordit les lèvres à la douleur subite qu’il ressentit.
Il avisa enfin l’amas de cuir qu’il cherchait, un objet beaucoup trop raffiné, avec des dorures incrustées, des reliefs en cuir plus épais et des perles roses sur le pommeau. Une grimace de dégoût passa brièvement sur son visage. Quelques années plus tôt, il se serait fait un plaisir de revendre cet objet hideux qui n’avait rien d’utilitaire pour une bourse remplie d’argent, mais cela ne correspondait pas à l’objectif austère qui l’animait désormais. En plus, il était à peu près certain qu’au moindre galop, cela ferait un boucan de tous diables. Enfin, elle ne semblait pas faite pour un drakyn, massivement plus grand qu’un simple humain ordinaire. Mais il saurait s’en accomoder, avec les étriers hauts.
Restait un problème auquel il n’avait pas de solution immédiate : son arme pointée sur la servante et son bras gauche ballant et qui bougeait difficilement, il devenait difficile de faire le nécessaire. Pointant la selle du menton, il reprit la parole.
« Selle le hongre. S’il te plaît. »
Si elle n’était pas une ennemie, il n’avait pas de raison de mal se comporter, après tout. Les tribus avaient toujours été un groupe finement maillé et solidaire.
Citoyen du Reike
Thyra Velkaryn
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Info personnage
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Bord de Mer des Anciens / An 5,
Le sang qui avait atteint ses lèvres lui fit sortir la langue par réflexe et lorsque son goût métallique envahit sa bouche, la fit lentement s'éteindre. Ses papilles gustatives dansèrent. Charlotte fut absente, ni ici, ni vraiment ailleurs, jusqu'à ce que la lame de l'épée du fugitif ne caresse la zone entre ses deux yeux. Les mirettes de la servante devenues vitreuses, se refocalisèrent et cherchèrent leurs homonymes, désormais trois têtes plus haut. Elle se rendit compte qu'ils avaient eu un échange, mais que sa propre voix lui avait paru tellement peu familière et lointaine, qu'elle l'avait prise pour celle d'une autre. Qu'avait-elle dit, au fait ?
Remarquant la grimace du drakyn, elle comprit que son épaule devait être dans un état grave : bien plus grave qu'elle ne l'avait remarqué au préalable, pour qu'elle n'ait encore cessé de saigner. Au même moment, il avait lâché son pendentif, qui retrouva sa place initiale sur sa poitrine. À l'évidence, il l'avait épargnée car elle était, elle aussi, croyante. Malgré la peur revenue la secouer, tellement de questions sans réponses se bousculaient à nouveau dans son esprit... mais l'ordre qu'il lui donna finit de l'ancrer dans le présent. Une problématique se posait : Charlotte n'avait ô grand jamais sellé de cheval et pour cause, aucun animal ne l'avait jamais laissé s'approcher suffisamment pour le faire. Sous le regard inquisiteur de son ravisseur, elle s'approcha lentement d'une selle. Honteuse, elle baissa la tête en s'arrêtant.
« Je ne sais pas comment faire, avoua-t-elle. »
Son silence en dit long sur ce qu'il en pensa. Pourtant, il ne se rabaissa pas à la ridiculiser davantage. Il la guida verbalement, afin qu'elle apprenne sur le moment même à seller le hongre. Le cheval n'opposa miraculeusement pas de résistance.
« Quel crime avez-vous commis pour que des soldats viennent en informer mon maître à pareille heure ? Est-ce que... Avez-vous réussi à vous enfuir du Berceau, osa-t-elle demander. »
Maladroite, elle dû s'y prendre à plusieurs reprises dans son ouvrage. Le fugitif finit par lui répondre. Elle acquiesça et continua, sans le regarder. Lorsqu'il arriva derrière elle pour serrer davantage les sangles, elle s'immobilisa. Elle observa les mains du drakyn, qui à côté des siennes, lui paraissaient gigantesques. En réalité, il était gigantesque. Elle pouvait sentir sa présence menaçante la surplomber, comme s'il s'agissait d'un loup s'apprêtant à bondir sur un lapereau. À cet instant, il aurait pu lui tordre le cou, qu'elle n'aurait strictement rien pu faire.
Le regard baissé, Charlotte vit le foin ensanglanté à cause de lui, dont la présence devenait étouffante tant elle l'oppressait.
« J'ai prié chaque jour pour que quelqu'un la libère, quelqu'un comme vous. Je suis désolée que vous n'y soyez pas arrivé... mais nous y parviendrons un jour. Il faut garder la foi. »
Elle se racla ensuite la gorge et attrapa son tablier afin de faire cesser les tremblements dans ses mains. La servante prit ensuite une décision, la seconde depuis qu'elle avait été asservie à cette famille.
« Permettez-moi de voir votre blessure. Je ne suis pas infirmière, mais je sais nettoyer... et coudre. Je pourrai ensuite bander à nouveau votre épaule, si vous m'y autorisez. »
Une goutte de sueur perla le long de la tempe de la servante. Elle leva son tablier pour essuyer son visage. Sueur, larmes et sang souillèrent le tissus immaculé. L'ombre qui planait sur elle recula et elle put enfin relâcher ses épaules crispées, dans lesquelles elle avait misérablement essayé de cacher son cou.
Le sang qui avait atteint ses lèvres lui fit sortir la langue par réflexe et lorsque son goût métallique envahit sa bouche, la fit lentement s'éteindre. Ses papilles gustatives dansèrent. Charlotte fut absente, ni ici, ni vraiment ailleurs, jusqu'à ce que la lame de l'épée du fugitif ne caresse la zone entre ses deux yeux. Les mirettes de la servante devenues vitreuses, se refocalisèrent et cherchèrent leurs homonymes, désormais trois têtes plus haut. Elle se rendit compte qu'ils avaient eu un échange, mais que sa propre voix lui avait paru tellement peu familière et lointaine, qu'elle l'avait prise pour celle d'une autre. Qu'avait-elle dit, au fait ?
Remarquant la grimace du drakyn, elle comprit que son épaule devait être dans un état grave : bien plus grave qu'elle ne l'avait remarqué au préalable, pour qu'elle n'ait encore cessé de saigner. Au même moment, il avait lâché son pendentif, qui retrouva sa place initiale sur sa poitrine. À l'évidence, il l'avait épargnée car elle était, elle aussi, croyante. Malgré la peur revenue la secouer, tellement de questions sans réponses se bousculaient à nouveau dans son esprit... mais l'ordre qu'il lui donna finit de l'ancrer dans le présent. Une problématique se posait : Charlotte n'avait ô grand jamais sellé de cheval et pour cause, aucun animal ne l'avait jamais laissé s'approcher suffisamment pour le faire. Sous le regard inquisiteur de son ravisseur, elle s'approcha lentement d'une selle. Honteuse, elle baissa la tête en s'arrêtant.
« Je ne sais pas comment faire, avoua-t-elle. »
Son silence en dit long sur ce qu'il en pensa. Pourtant, il ne se rabaissa pas à la ridiculiser davantage. Il la guida verbalement, afin qu'elle apprenne sur le moment même à seller le hongre. Le cheval n'opposa miraculeusement pas de résistance.
« Quel crime avez-vous commis pour que des soldats viennent en informer mon maître à pareille heure ? Est-ce que... Avez-vous réussi à vous enfuir du Berceau, osa-t-elle demander. »
Maladroite, elle dû s'y prendre à plusieurs reprises dans son ouvrage. Le fugitif finit par lui répondre. Elle acquiesça et continua, sans le regarder. Lorsqu'il arriva derrière elle pour serrer davantage les sangles, elle s'immobilisa. Elle observa les mains du drakyn, qui à côté des siennes, lui paraissaient gigantesques. En réalité, il était gigantesque. Elle pouvait sentir sa présence menaçante la surplomber, comme s'il s'agissait d'un loup s'apprêtant à bondir sur un lapereau. À cet instant, il aurait pu lui tordre le cou, qu'elle n'aurait strictement rien pu faire.
Le regard baissé, Charlotte vit le foin ensanglanté à cause de lui, dont la présence devenait étouffante tant elle l'oppressait.
« J'ai prié chaque jour pour que quelqu'un la libère, quelqu'un comme vous. Je suis désolée que vous n'y soyez pas arrivé... mais nous y parviendrons un jour. Il faut garder la foi. »
Elle se racla ensuite la gorge et attrapa son tablier afin de faire cesser les tremblements dans ses mains. La servante prit ensuite une décision, la seconde depuis qu'elle avait été asservie à cette famille.
« Permettez-moi de voir votre blessure. Je ne suis pas infirmière, mais je sais nettoyer... et coudre. Je pourrai ensuite bander à nouveau votre épaule, si vous m'y autorisez. »
Une goutte de sueur perla le long de la tempe de la servante. Elle leva son tablier pour essuyer son visage. Sueur, larmes et sang souillèrent le tissus immaculé. L'ombre qui planait sur elle recula et elle put enfin relâcher ses épaules crispées, dans lesquelles elle avait misérablement essayé de cacher son cou.
3
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Qultarn
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Qultarn était, par certains aspects, dépité.
Peut-être que la tuer serait finalement plus rapide que de devoir la surveiller alors même qu’elle peinait à seller le hongre, dans son box. Cela ne lui demanderait qu’un revers du bras, et la nuque de la servante avait quelque chose d’hypnotisant qui l’appelait, faisait remonter ses bas-instincts de pillards à la surface. Jadis, il ne se serait pas embarrassé de telles considérations. Et, pourtant, il n’était pas une bête qui avait la rage, ne l’était plus si tant était qu’il l’eut été. Le souvenir de quelques champs de bataille ou de villages ou l’embuscade avait mal tourné lui revint en mémoire.
Il avait été sauvage.
Ce n’était pas la horde de Tensai qui avait arrêté ça, elle l’avait même plutôt amplifié, durant toute la Conquête. Non, c’était l’Empire qui avait changé la donne, leur avait donné un nouvel objectif alors qu’ils écrasaient les dernières poches de résistance et tournaient leur attention vers Shoumeï. Son changement d’allégeance ne voulait pas dire qu’il pouvait abandonner tous les principes qui avaient guidé la majeure partie de sa vie d’adulte. C’était même l’inverse : une loi supérieure, celle des dieux, venaient supplanter celle des mortels.
Heureusement, suite à leur castration, les hongres avaient un tempérament généralement moins fougueux et ombrageux que celui des étalons. Donc, avec l’aide de ses indications, à pointer du bout de l’épée tout en parlant d’une voix basse, il aida la jeune femme à procéder doucement, et à vérifier toutes les sangles pour ne pas qu’il chute au premier galop. Le drakyn prit même soin de revérifier lui-même les attaches. La confiance n’exclut pas le contrôle, et il disposait de très peu de confiance à l’heure actuelle.
« J’étais un Gardien du Berceau, commença Qultarn. »
Il n’y avait de toute façon pas grand-chose à cacher, et l’histoire ferait probablement le tour des campagnes environnantes dans les semaines à venir, a fortiori s’il survivait.
« Après des années à garder les divinistes et à surveiller la prison de la titanide Zeï, j’ai finalement compris que le Reike était dans l’erreur. J’ai cherché à la libérer, contre l’avis de mes anciens frères d’armes. J’ai échoué, hélas... Je cherche maintenant à rejoindre Bénédictus, le seul havre de paix dont nous disposons, nous autres vrais croyants. »
Il s’arrêta brusquement. C’était imprudent de donner sa destination à une inconnue. Elle pourrait le trahir, de son plein gré ou sous la torture, et tout avouer pour remettre ses poursuivants sur sa piste.
« J’ai échoué cette fois-ci, mais rien n’indique que cela sera toujours le cas à l’avenir. Ses divins frères et soeurs peuvent intervenir directement également, s’ils le souhaitent et que l’opportunité se présente. Notre patience sera récompensée. »
Il jaugea une fois de plus le cheval, toujours aussi placide alors qu’ils s’agitaient autour. Le son de leurs voix semblait même l’apaiser : la bête avait été bien dressée, et Qultarn avait bon espoir qu’elle le mène à bon port, ou en tout cas le rapproche suffisamment. Ses pensées revinrent à cette rencontre fortuite, comme si la destinée avait mis sur son chemin une aide providentielle. Il voulut y voir la Volonté des Titans, qu’il croyait entendre dans le murmure du vent, le grincement du bois, le chuchotement d’une rivière.
« Vous ne devriez pas arborer ostensiblement un symbole diviniste au Reike. Le Shierak est fort par ici, et c’est encore pire avec la secte des Enfants des Astres, ou quel que soit le nom qu’ils se donnent. Les tensions avec l’ex-Shoumeï... Une réaction épidermique des villageois pourrait s’avérer douloureuse ou fatale. »
C’était le propre des faibles de s’en prendre à moins fort qu’eux. C’était même leur seule solution pour exercer une miette de pouvoir et d’influence dans leur vie. Quand elle proposa son aide pour panser sa blessure, il hésita. Lui faisait-il suffisamment confiance ? Pas sûr. Pas pour avoir une aiguille à côté de sa gorge. Et cela lui ferait perdre des minutes qui pouvaient s’avérer précieuses pour la suite de sa fuite. Et, pourtant, il lui semblait perdre de plus en plus de sang. L’adrénaline de la tentative d’évasion, puis de la course-poursuite semblait s’effacer peu à peu, et il ne tiendrait bientôt plus qu’à la force de sa volonté, à ce rythme.
Elle était incommensurable, soutenue par sa foi, mais elle ne le protègerait pas d’un évanouissement s’il perdait trop de sang.
« Faites, s’il vous plaît. Pas de mouvement brusque, sinon... »
L’avertissement, était évident, avec sa lame au clair à la main. Il s’assit sur un banc qui laissa échapper un grincement souffreteux sous le poids du drakyn et de son armure, et dénoua de deux doigts l’écharpe pleine de sang qui tentait difficilement de servir de pansement de fortune. La plaie, rougeoyante et irritée, laissait échapper quelques gouttes de façon continue là où la pointe d’une épée avant trouvé le défaut de sa spalière et transpercé sa cotte de maille.
« Vous pouvez retirer la pièce d’armure. »
Avec un dernier grognement, il pointa son arme vers la diviniste, sa magie prête à l’emploi. Et tâcha de ne pas penser à la douleur, qui était une vieille amie.
« Comment vous appelez-vous ? »
Cela semblait être la moindre des choses, de connaître le nom de son alliée et bénéficiaire.
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Thyra Velkaryn
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Vocation: Guerrier combattant
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Ses paroles, son ton, donnèrent à sa présence menaçante davantage de dangerosité. Ses menaces n'étaient pas à prendre à la légère. Jamais Charlotte n'en aurait douté. Si elle l'aidait, elle espérait rester sauve, bien que rien ne le garantissait. C'est leur foi commune, qui nourrissait cet espoir. Elle n'était guère une menace, au contraire. Ici, elle était même une victime. D'abord de la guerre, ensuite des maîtres qu'elle pensait être des sauveurs et à présent de ce criminel, bien que ce soit dicté par la foi qu'il ait été contraint de tuer. Elle était désormais plus qu'une simple témoin en se faisant complice de son échappée. Le drakyn avait de ce fait une raison supplémentaire de vouloir la faire taire à jamais. Charlotte prit une profonde inspiration. Elle devrait avoir les idées claires, être suffisamment apaisée pour recoudre l'épaule du géant. Elle ne le regarda pas lorsqu'il s'assit, trop occupée à fouiller dans le fond de la poche de son tablier. Elle y trouva un minuscule kit de couture. Elle n'était pas même sûre d'avoir assez de fil pour effectuer tous les points. Elle s'approcha de son patient infortuné, et dans des gestes calmes, enleva la pièce d'armure.
« Je m'appelle Charlotte. »
Elle écarquilla les yeux de stupeur, lorsqu'elle vit la plaie d'où s'échappait un ruisseau d'hémoglobine. Elle se demanda comment le drakyn pouvait tenir encore debout. Des pensées parasites et effroyables lui traversèrent l'esprit : que se passerait-il si de ses doigts elle écartait la chair tendre, apercevrait-elle l'os, et si elle déposait ses lèvres sur les joints sectionnés, pourrait-elle se retenir de le goûter ? Troublée, Charlotte secoua vivement la tête.
« Je- Je ne peux pas la laisser dans cet état. Je suis navrée, vous allez devoir appuyer sur la plaie. Je dois aller trouver quelque chose pour la purifier, s'empressa-t-elle de dire. »
Elle vit le criminel se raidir sous ses yeux avant de protester.
« Même si je parviens à la recoudre et ce, si j'y parviens suffisamment bien, rien ne garantit qu'elle ne va pas s'enflammer. Je vous en conjure, laissez-moi vous aider, tenta-t-elle de le persuader. »
Sa voix s'était faite rassurante. Il devait impérativement la croire. Le drakyn sembla évaluer ses options, dans un silence glaçant.
« Je vais aller à la cuisine chercher de l'alcool. Je vais me faire discrète... Je vais aussi avoir besoin de linge propre, continua-t-elle calmement. »
Après une autre menace qui fit déglutir de peur Charlotte, elle quitta l'habitacle et se dirigea vers la maison-tour. Elle alla immédiatement à l'essentiel et fit vite. Après quelques minutes seulement, où le fugitif avait certainement dû se demander s'il n'avait pas commis une erreur en la laissant s'en aller, Charlotte émergea dans la cour. Elle se hâta en direction des écuries avec un baluchon dans les bras. Tous deux échangèrent un regard, mais pas un seul mot. La servante ne l'avait pas trahi.
Elle ferma les yeux et prit une profonde inspiration avant de revenir à la plaie qui méritait des soins de toute urgence.
« Bien, je vais commencer. Retirez votre main, je vous prie. »
La domestique se faisant infirmière de circonstance, épongea délicatement la blessure.
« Je suis navrée. Cela risque d'être douloureux, annonça-t-elle d'une petite voix. »
Charlotte se mordit la lèvre et sans avertissement supplémentaire, versa plusieurs centilitres d'alcool sur la plaie béante. Lorsque l'homme se montra à nouveau prêt, elle épongea une dernière fois la blessure, puis ressortit son kit de couture de la poche avant de son tablier. Elle parvint habilement à passer le fil dans le trou de l'aiguille, par habitude, avant de le sécuriser et de commencer son œuvre. Elle allait devoir faire des points uniquement où cela serait le plus nécessaire... Ses sutures ravivaient visiblement la douleur dans l'ensemble du bras du drakyn. Elle essaya maladroitement de lui changer les idées.
« Parlez-moi. »
Quelques brèves minutes plus tard, Charlotte bandait solidement l'épaule du dénommé Qultarn. Elle recula de quelques pas pour le laisser reprendre ses esprits et se lever.
« Je vous ai préparé des bandages de rechange. Il n'y en a que deux. En prendre davantage aurait paru suspect si quelqu'un faisait un inventaire demain. Je vous ai aussi volé du pain et du fromage. »
Elle regarda le sol, en réfléchissant à ce qu'elle aurait pu faire de plus pour lui, mais rien ne lui vint.
« Je crains de ne rien pouvoir faire d'autre pour vous messire Qultarn. Vous devez partir avant que qui que ce soit ne se rende compte de ce qu'il se trame. Je... Je dois nettoyer tout ce sang et toutes les traces de votre passage avant l'aube. »
Prenant son courage à deux mains, elle rencontra ses yeux si particuliers. Ils faisaient parti de ceux qu'elle n'oublierait jamais. Elle s'approcha pour lui tendre le baluchon et avec une certaine émotion non dissimulée, lui fit ses adieux.
« Je vous souhaite de parvenir à Bénédictus sain et sauf. Que les Titans vous bénissent. »
Ses paroles, son ton, donnèrent à sa présence menaçante davantage de dangerosité. Ses menaces n'étaient pas à prendre à la légère. Jamais Charlotte n'en aurait douté. Si elle l'aidait, elle espérait rester sauve, bien que rien ne le garantissait. C'est leur foi commune, qui nourrissait cet espoir. Elle n'était guère une menace, au contraire. Ici, elle était même une victime. D'abord de la guerre, ensuite des maîtres qu'elle pensait être des sauveurs et à présent de ce criminel, bien que ce soit dicté par la foi qu'il ait été contraint de tuer. Elle était désormais plus qu'une simple témoin en se faisant complice de son échappée. Le drakyn avait de ce fait une raison supplémentaire de vouloir la faire taire à jamais. Charlotte prit une profonde inspiration. Elle devrait avoir les idées claires, être suffisamment apaisée pour recoudre l'épaule du géant. Elle ne le regarda pas lorsqu'il s'assit, trop occupée à fouiller dans le fond de la poche de son tablier. Elle y trouva un minuscule kit de couture. Elle n'était pas même sûre d'avoir assez de fil pour effectuer tous les points. Elle s'approcha de son patient infortuné, et dans des gestes calmes, enleva la pièce d'armure.
« Je m'appelle Charlotte. »
Elle écarquilla les yeux de stupeur, lorsqu'elle vit la plaie d'où s'échappait un ruisseau d'hémoglobine. Elle se demanda comment le drakyn pouvait tenir encore debout. Des pensées parasites et effroyables lui traversèrent l'esprit : que se passerait-il si de ses doigts elle écartait la chair tendre, apercevrait-elle l'os, et si elle déposait ses lèvres sur les joints sectionnés, pourrait-elle se retenir de le goûter ? Troublée, Charlotte secoua vivement la tête.
« Je- Je ne peux pas la laisser dans cet état. Je suis navrée, vous allez devoir appuyer sur la plaie. Je dois aller trouver quelque chose pour la purifier, s'empressa-t-elle de dire. »
Elle vit le criminel se raidir sous ses yeux avant de protester.
« Même si je parviens à la recoudre et ce, si j'y parviens suffisamment bien, rien ne garantit qu'elle ne va pas s'enflammer. Je vous en conjure, laissez-moi vous aider, tenta-t-elle de le persuader. »
Sa voix s'était faite rassurante. Il devait impérativement la croire. Le drakyn sembla évaluer ses options, dans un silence glaçant.
« Je vais aller à la cuisine chercher de l'alcool. Je vais me faire discrète... Je vais aussi avoir besoin de linge propre, continua-t-elle calmement. »
Après une autre menace qui fit déglutir de peur Charlotte, elle quitta l'habitacle et se dirigea vers la maison-tour. Elle alla immédiatement à l'essentiel et fit vite. Après quelques minutes seulement, où le fugitif avait certainement dû se demander s'il n'avait pas commis une erreur en la laissant s'en aller, Charlotte émergea dans la cour. Elle se hâta en direction des écuries avec un baluchon dans les bras. Tous deux échangèrent un regard, mais pas un seul mot. La servante ne l'avait pas trahi.
Elle ferma les yeux et prit une profonde inspiration avant de revenir à la plaie qui méritait des soins de toute urgence.
« Bien, je vais commencer. Retirez votre main, je vous prie. »
La domestique se faisant infirmière de circonstance, épongea délicatement la blessure.
« Je suis navrée. Cela risque d'être douloureux, annonça-t-elle d'une petite voix. »
Charlotte se mordit la lèvre et sans avertissement supplémentaire, versa plusieurs centilitres d'alcool sur la plaie béante. Lorsque l'homme se montra à nouveau prêt, elle épongea une dernière fois la blessure, puis ressortit son kit de couture de la poche avant de son tablier. Elle parvint habilement à passer le fil dans le trou de l'aiguille, par habitude, avant de le sécuriser et de commencer son œuvre. Elle allait devoir faire des points uniquement où cela serait le plus nécessaire... Ses sutures ravivaient visiblement la douleur dans l'ensemble du bras du drakyn. Elle essaya maladroitement de lui changer les idées.
« Parlez-moi. »
Quelques brèves minutes plus tard, Charlotte bandait solidement l'épaule du dénommé Qultarn. Elle recula de quelques pas pour le laisser reprendre ses esprits et se lever.
« Je vous ai préparé des bandages de rechange. Il n'y en a que deux. En prendre davantage aurait paru suspect si quelqu'un faisait un inventaire demain. Je vous ai aussi volé du pain et du fromage. »
Elle regarda le sol, en réfléchissant à ce qu'elle aurait pu faire de plus pour lui, mais rien ne lui vint.
« Je crains de ne rien pouvoir faire d'autre pour vous messire Qultarn. Vous devez partir avant que qui que ce soit ne se rende compte de ce qu'il se trame. Je... Je dois nettoyer tout ce sang et toutes les traces de votre passage avant l'aube. »
Prenant son courage à deux mains, elle rencontra ses yeux si particuliers. Ils faisaient parti de ceux qu'elle n'oublierait jamais. Elle s'approcha pour lui tendre le baluchon et avec une certaine émotion non dissimulée, lui fit ses adieux.
« Je vous souhaite de parvenir à Bénédictus sain et sauf. Que les Titans vous bénissent. »
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Qultarn
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Vocation: Guerrier combattant
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Rang: D
Qultarn ne savait pas s’il devait être soulagé ou non que la pièce d’armure ait été retirée. D’un côté, elle cessait de comprimer sa blessure et d’appuyer dessus à chaque mouvement. De l’autre, il n’y avait plus rien pour justement empêcher le sang de couler, ou en tout cas juguler le flot d’hémoglobine, donc le soupir qu’il poussa fut rapidement teinté d’inquiétude. Il ne pensait pas avoir été entaillé si profondément, mais entre l’adrénaline des événéments, puis l’excitation de la fuite, ce n’était peut-être pas si surprenant de ne s’en apercevoir que maintenant qu’il était à l’arrêt depuis un certain temps.
Cela n’en restait pas moins préoccupant.
Il nota distraitement le nom de la diviniste, dans la brume qui tombait petit à petit sur son esprit, entre fatigue, baisse de tension et hémorragie. Il dut se mordre la lèvre en remarquant qu’elle s’était déjà levée sans même qu’il réagisse, et qu’elle était déjà à la porte de la grange. Sa vitesse magique lui permettrait sans doute de... le vertige soudain lui fit plaquer le poing serré qui tenait l’arme contre le mur de l’étable, à la recherche de son équilibre, sans quoi il aurait chuté sèchement au sol, dans la paille. Un sursaut de panique le parcourut soudain. Et si elle le trahissait finalement ? Qu’elle était partie chercher des renforts ? Son état actuel ne lui permettrait pas de...
Doucement, il se leva, s’approcha du hongre, qui retroussa les dents à l’odeur du sang. Il flatta son encolure, le gratta derrière les oreilles, le long du cou, puis se colla à sa masse sombre. S’ils venaient à plusieurs, il enfourcherait la monture et partirait au quart de tour, renverserait ses poursuivants et tâcherait de les semer dans les sentiers qui parsemaient la montagne, avant de tenter la traversée du bras de mer.
Heureusement, quelques instants plus tard, Charlotte revint, seule et les mains pleines. L’alcool piqua. Fort. Le drakyn prit une inspiration profonde, se concentra sur ce creux dans le bois du box qui devait provenir des sabots de l’étalon. Après la morsure du liquide, celle de l’aiguille dans les chairs enflammées ne fut pas plus agréable, mais une gorgée d’eau-de-vie amoindrit suffisamment la souffrance pour ne pas qu’il se raidisse ou soustraie sa blessure aux soins de la servante. A sa proposition, il prit la parole d’une voix basse, qui ne portait pas sur plus de quelques pas.
« Si je péris durant ma fuite, sache que je suis Qultarn Emurlahn. Je suis originaire des tribus des steppes. La terre est rude et pauvre, ses habitants le sont tout autant. Nous survivons des maigres fruits que nous parvenons à extraire du sol, et de ce que nous pillons chez nos voisins. Tensai Ryssen a uni nos tribus, et nous avons conquis le Reike. »
Ses yeux se perdirent dans le vague à mesure qu’il se rappelait le passé.
« Je pourrais citer les batailles comme on tisse une tapisserie au fil des années. Je pourrais nommer tous ceux que j’ai vaincus, à la loyale ou non, dans des combats, des embuscades ou des batailles, si je connaissais leurs noms. J’étais là lors de la Conquête, et cela se suffit.»
Ça a toujours suffi aux vétérans quand ils se croisaient en ville lors de leurs rares permissions. La fraternité née de la guerre a toujours été la fondation de soirées passées à ressasser les souvenirs du passé, même s’il n’était pas si lointain.
« Devenu Gardien du Berceau, j’ai compris que les Titans, en tant que créateurs, méritaient notre amour, notre respect et notre dévotion. Le sacrilège d’en enfermer une m’est devenu intolérable. C’est pourquoi j’ai cherché à la délivrer. J’ai échoué dans ma tâche, mais je n’ai pas abandonné. L’échec n’est qu’une étape sur un chemin qui ne s’arrête parfois même pas à la mort. Je suis tombé auparavant, je tomberai à nous, je me relèvera toujours. Ce n’est pas un serment, juste ma façon de vivre... et de survivre. »
Les soins touchaient à leur fin, et Qultarn était soulagé. D’une certaine façon, il survivrait peut-être dans la mémoire de quelqu’un qui ne le vouerait pas aux gémonies, et dans celle de Zeï s’il en avait l’honneur, malgré son échec. Décemment, il ne pouvait pas demander à Charlotte de se sacrifier davantage pour lui, même s’ils avaient la même cause. De plus, l’escouade de soldats qui était repartie pouvait parfaitement revenir sur leurs pas, en cherchant les traces qu’il aurait pu laisser. Néanmoins, le hongre devrait normalement lui permettre de...
Les vivres préparées par la diviniste finirent dans son havresac, non sans qu’il ait pris une bouchée de pain et un fragment de fromage, dur et sec, qui s’émiettait dans sa bouche. Mais le simple fait d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent le ragaillardit, alors même qu’il faisait attention à ne pas du tout bouger son bras gauche, de peur de déchirer les minces points de suture dont Charlotte l’avait gratifié.
« Merci pour ton aide, Charlotte. Ton aide et... ton soutien. Puissent les Titans t’assister aussi quand tu en auras besoin, et te donner la force nécessaire. »
Nécessaire à quoi, il n’en avait pas la moindre idée. La perspective de ressortir l’avait réveillé, et sa concentration s’affinait à mesure qu’il prenait conscience de la route à parcourir. D’un mouvement un peu plus fluide qu’auparavant, il enfourcha le grand hongre, saisit les rênes dans sa main droite, et donna un coup de talon pour faire marcher la bête. Baissant la tête pour passer le fronton de l’étable, il jeta un dernier regard en arrière puis porta ses doigts à son front en signe de salut final, avant de fixer ses yeux sur la route.
Bénédictus l’attendait.
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