Lyra Leezen avait un style de combat bien à elle, tout à fait différent de celui des autres Tovyr, on pourrait même dire qu'elle avait développé une technique tout à fait unique en son genre. La Sénéchale avait atteint un niveau de maitrise magique et martiale lui permettant de combiner les deux, jouant sur les deux tableaux pendant un duel, capable de combiner ses attaques physiques avec ses sorts de foudre. Elle en avait d'ailleurs fait tout son apanage, jouant là dessus pour ce duel amical.

Lorsqu'une distance fut mise entre eux, Rage aurait pu jurer la voir sourire l'espace d'un instant. Elle porta cependant sa main libre aux fermoirs en argent retenant sa cape pour décrocher cette dernière. De la sorte, elle éliminait la possibilité pour son adversaire d'aggriper le tissus améthyste. Elle bénéficiait également de son armure légère qui offrait protection et agilité, il fallait dire que cette armure de Grand Officier avait l'avantage de s'accorder au style pour le moins vif de la Tovyr.

Tenant toujours son sabre dans sa dextre, elle ne broncha pas lorsque le drakyn lui envoya un bloc rocheux, au lieu de quoi elle fendit l'air de son sabre, soulevant un puissant arc électrique qui fendit en deux le projectile qui s'effrita en petits morceaux sur les côtés de la Sénéchale qui bloqua derechef la claymore de son sabre. Comme escompté, la puissance de l'attaque la désarma et son épée vola dans les airs. Le drakyn n'eut cependant pas le temps de crier victoire, car Lyra profita qu'il fut penché en avant pour faire glisser ses mains le long du puissant avant-bras du garde royal pour mieux aggriper son biceps de sa main droite, et son triceps de la gauche.

Disciple de l'Esprit, Lyra avait certe tiré de grande connaissances magiques de Cyradil Ariesvyra, mais avait également tirée de nombreuses clés de savoir en terme d'anatomie. Cela lui avait notamment servis dans l'art de la torture, mais surtout dans sa compréhension du système nerveux et des muscles. Tout corps charnel fonctionnant grâces à des courants électriques, Lyra était en capacité - à condition d'un contact physique - de contrôler les muscles d'autrui. C'était certe brouillon et à l'état d'expérimentation magique, mais Rage allait en faire les frais.


Et d'un courant électrique bien dosé, elle congestionna les bons muscles pour replier le bras armé de son adversaire sur lui-même. Si l'opération fonctionnait, le drakyn se prendrait la garde de sa claymore en pleine figure alors que son bras se repliait vers l'intérieur, son biceps se contractant subitement sous la décharge magique. Après quoi Lyra s'arcbouterait contre le sol pour bondir en arrière pour récupérer son sabre et continuer s'il le fallait.

CENDRES

Un vol de choucas parti à tire-d'aile d'un hourd de la cour, effarouchés par le vacarme du dernier échange entre la Tovyr et le garde. Le claquement sonore de la foudre au moment de son attaque au corps-à-corps suivit de l'effondrement du sol ne manqua pas de raisonner contre les hautes parois de la garnison. Quelques regards discrets se hissèrent au coin des fenêtre ou par l'entrebâillement des portes, tant il était impossible d'ignorer un tel duel en dépit des ordres donnés par la Sénéchale.

Cette dernière avait pu expérimenter sur elle-même sa magie, étant parvenu à contracter ses muscles par un courant électrique ingénieusement dispensé. Elle avait sauté sur l'occasion de tester cela lors de ce duel amical, aux dépends de Rage. Mais le garde bloqua son propre bras pour éviter de se prendre la garde de sa claymore en pleine face, se la prenant plutôt sur son avant-bras gauche. De sa sénestre, il agrippait à présent un bras de la Tovyr qui n'exprima la douleur que par une moue affligée, le souci étant qu'elle ne pout établir la distance après cette offensive osée. Visiblement elle avait du mal doser la décharge car cela ne suffit pas à immobiliser le guerrier.

En un instant, Lyra se trouva au sol, l'immense silhouette de son adversaire au dessus d'elle. Elle renifla bruyamment, son regard de glace braqué sur le drakyn. D'épais arcs électriques parcoururent son cou, ses bras, son buste, ses jambes puis ses pieds... avant de se volatiliser dans l'air épais du combat achevé. Lyra avait presque eut le réflexe de se décharger subitement, un mécanisme d'auto-défense qu'elle gardait en dernier recours, comme dans ce cas où elle était acculée. En combat normal, une déflagration électrique aurait pulvérisé le drakyn et leurs environs lorsque la Tovyr aurait relâché toute la foudre contenue en elle. Mais elle retint cette magie qui ne demandait qu'à exsuder. C'était un duel physique et non magique. Et si elle avait compensé la différence de force par quelques sorts de bas niveaux, elle n'était pas face à Dame Ariesvyra, ils ne faisaient que se mesurer à l'épée.


Tout en récupérant son sabre planté dans le sable compacté de la cour, elle imagina la garde impériale lutter contre des mages de haut niveau. Elle savait pertinemment que si elle avait déployé sa magie, elle n'aurait fait qu'une bouchée de Rage, ce qui était quelque peu inquiétant quand on savait que les ennemis de l'Empire maitrisaient bien des arcanes. Que ce soit Trarg, Rage ou O'Hara, aucun ne maitrisait la moindre magie. Une chance qu'Ayshara soit là pour compenser à elle seule ce manque de magie offensive, et même si Tensai n'avait absolument rien à craindre - étant trop puissant pour cela - Lyra n'en trouvait pas moins la garde impériale déséquilibrée. Elle redoutait elle-même au plus haut point un duel magique, ayant cultivé sa maitrise de la foudre justement pour éviter de perdre systématiquement contre un mage. Rage devrait en faire autant, pour développer un style de combat hybride.

Une réalité frappa Lyra : Sur les centaines de milliers de serviteurs de l'Empereur, seuls Ayshara, Deydreus, Cyradil et Lyra étaient à même de lutter sur le plan magique en son nom.

CENDRES

Le ciel commençait lentement à se couvrir de quelques stratus épars. Les ombres de ces derniers défilaient sur la capitale, faisant scintiller par intermittence les coupoles dorées des hauts-quartiers. L'éclat de la claymore et du sabre s'évaporait à chaque passage de nuage devant le cercle solaire. En bas, dans la cour de la garnison, les deux cercles nébuleux du regard de Lyra glissaient sur le garde royal qui s'éloignait pour remettre les pièces d'armures qu'il avait retiré à l'occasion de ce duel rapidement conclu.

Si les deux guerriers avaient eut l'impression qu'il eut duré un certain temps, un regard extérieur avait pu constater qu'il n'avait duré qu'une trentaine de secondes, tout au plus, tant les deux adversaires avaient combattus avec vivacité et pugnacité. Tout soldat s'étant risqué à les observer dans l'ombre avait déglutit face au niveau de technique déployé, leur prouvant à tous qu'ils avaient encore du chemin à parcourir avant d'arriver à la hauteur de la Tovyr et du garde royal.

Ce dernier semblait réaliser comme il pouvait gagner un combat purement physique, sa force et sa rapidité lui permettant de rivaliser avec n'importe quel bretteur, mais qu'il ne ferait pas le poids contre le premier mage venu. Lyra lui fit comprendre par un chemin détourné que si le couple impérial était certe inatteignable, leurs gardes devaient faire plus que jouer le rôle de décoration. Car c'était bien ce qu'ils étaient : la garde impériale était plus protégé par Tensai que ce qu'ils ne le protégeaient. Si Lyra le pensait, elle ne le dit qu'à demi-mot. Même Brak'Trag, le plus puissant de l'institution n'était qu'un moucheron au pied de l'Empereur. Il fallait pour cela que ses gardes se démarquent par une maitrise magique autre que celle du feu que le despote manipulait déjà.

C'était précisément pour contrecarrer le constat que le Reike manquait de ressources magiques que l'Esprit avait personnellement chargé Lyra Leezen de dispenser des bases arcaniques à ses officiers et à les pousser à cultiver la magie qui sommeillait en chacun d'eux. L'Esprit et la Tovyr voulaient former les soldats du Reike à la magie, afin de rivaliser avec les forces républicaines qui se basaient précisément sur de nombreux mages particulièrement puissants. Là résidait la clé de la suprématie impériale sur le Sekaï entier : cultiver la guerre par l'épée tout en renforçant la capacité magique dans ses rangs pour obtenir une armée polyvalente.


Elle renifla tout en rengainant son sabre. Elle siffla et un page apparu aussitôt pour lui apporter une bassine afin qu'elle se lava le visage tandis qu'il lui remettait sa cape sur les épaules après l'avoir épousseté. Elle secoua alors sa chevelure d'ébène, congédiant le page d'un signe nonchalant de la main. Ce duel n'était absolument pas prévu mais était le bienvenue pour se défouler un brin avant l'après-midi fastidieuse qui attendait la Tovyr qui devait s'entretenir avec le capitaine du port d'Ikusa avant de devoir rendre visite à son frère Dirnann à L'Etat-major de la marine impériale.

Au moins elle se sera défoulée contre Rage, ça lui évitera de fracasser son couillon de frère.

Le ciel était à présent couvert d'épais stratus.

CENDRES