crédits : 1272
Info personnage
Race: Drakyn
Vocation: Guerrier assassin
Alignement: Chaotique Neutre
Rang: C
Des agneaux au milieu des Loups
Le temps, habituellement aride et sec, avait cédé la place à une fine pluie rafraîchissante. Il est si rare qu’il pleuve dans le désert que cette sensation est gravée dans ma mémoire… Ou bien est-ce la suite de cette soirée qui l’a véritablement marquée ?
Je me vois encore impressionnée par la beauté de ce manoir pendant que je suis poussée à deux doigts de trébucher dans ses marches qui n’en finissent pas.
Tout le bâtiment est de pierre blanche, de grandes fenêtres laissent la lumière intérieure s’étendre sur le parvis, permettant d’apercevoir d’un coup d’œil les mondanités si déroulant. C’est la réalité qui me rattrapera quand je me rends compte dans quel genre de soirée je suis forcée de l’accompagner.
Le parvis vite traversé, je suis éblouie par la lumière en entrant dans cette salle de bal. Il me faut quelques minutes avant que mes yeux s’y habituent et que je puisse enfin comprendre quel sera mon rôle.
C’est une sensation étrange que de se dire que je n’ai pas plus de valeurs qu’un objet d’apparat. Objet d’apparat qui a, lui-même, moins de valeur que l’un des nombreux bijoux de ses grandes dames qui gloussent, ici et là, pour attirer l’attention de la gent masculine.
J’ai le ventre noué, la gorge sèche et, par je ne sais quel miracle, ma bile reste bien sage au fond de mon estomac. Probablement la menace de se prendre une raclé si j’ai le malheur de lui faire honte.
Il m’a habillé, il m’a embellit, il a fait en sorte que son jouet soit bien plus que présentable.
Je dois être désirable.
Vêtue d'une robe noire à corset qui laisse peu de place à l'imagination, agrémentée d'un collier orné de roses brodées et de quelques bijoux, mes lèvres sont teintes de rouge et le contour de mes yeux est peint en noir.
Je suis un agneau au milieu des loups.
La salle est grande, des lustres imposants pendent du plafond apportant toute la lumière et au-dessus sont peint des motifs divers et variés sur lesquels je n’ai pas le temps de m’attarder au risque de perdre mon poupetier.
Il marche d’un pas rapide, saluant, au passage, ses connaissances à qui il me présente comme on présenterait une marchandise. Quelques mains viennent même se poser, tâter serait plus juste, pour jauger des dires de mon propriétaire. Même si j’ai quelques mouvements de recule, je suis vite rattrapée par sa main qui se pose fermement sur mon épaule en signe de représailles.
J’étouffe intérieurement. Ce monde, cette foule, me fait tourner la tête et la souillure qui s’en dégage me heurte de tous les côtés.
Je suis une poupée de porcelaine dans les mains de gens aux intentions malsaines.
Nous finissons enfin par nous arrêter près d’une des tables du banquet. Non pas pour une faim qui se serait réveillée, mais visiblement pour lui permettre d’engager la conversation avec un autre noble.
Levant légèrement les yeux pour observer son interlocuteur, je remarque qu’il est accompagné d’un homme qui semble partager, d’une certaine manière, la même situation. Son visage attire mon attention, même si je n’arrive pas à me rappeler dans quelle circonstance je l’aurais déjà croisé.
Pousser par une main, je suis forcée de m’en approcher sans savoir ce qu’on attend de moi et comme si on me rangeait à côté d’un autre jouet.
- Je.. Enchantée… ?
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal mauvais
Rang: B
Depuis leurs quartiers éloignés de la foule, le gladiateur conversait librement avec son propriétaire, l’austère et richissime Sau’inn ibn Tel’emon. L’homme rachitique, vêtu de soieries blanches et aux doigts garnis de chevalières en or balaya gracieusement l’air de ses cinq doigts, avant d’en chasser un visiteur inopportun fait de chitine et d’ailes membraneuses. A cette vue, la main du gladiateur fendit l’air, attrapa l’intru et l’écrasa dans sa main, avant qu’il ne se tourne vers l’une des innombrables parvenues qui étaient là pour le chouchouter et, dans ses moments de solitude, le soulager.
Un drap fin vint épouser sa main, nettoya sa paume de l’ichor verdâtre qui la souillait et celle qui le tenait s’éloigna aussi rapidement qu’elle était venue. Chassée par un soupir agacé de l’homme rachitique aux traits aussi profonds que les pentes dévalant les dunes du grand désert Taisenois.
- C’est ce marché a viande qui me fatigues, gladiateur.
Et il n’en disait pas plus, oui, bien que ces bals eussent pour but de divertir et rassembler en un seul endroit la haute société du cœur martial de l’empire, c’était surtout une occasion pour les parvenus, jeunes nobles et officiers prometteurs de se mettre en valeur. D’exposer leurs pouvoir, d’être abjects dans leurs richesses et avant tout, de bien se faire voir.
Certains venaient avec un sous-fifre aussi loyal qu’un chien battu, d’autres avec de vieux sages qui géraient l’intendance de leurs terres ou de leurs entreprises, certains venaient simplement avec une cohorte d’esclaves. Puis, il y avait ceux comme Sau’inn, qui n’étaient accompagné que du joyau de leurs couronnes dans un élan d’humilité qui n’avait pour but que de grandir l’image que la noblesse se faisaient d’eux.
Et quel joyaux, Tulkas était au sommet de sa carrière de gladiateur. Invaincu, champion incontesté de l’arène de Taisen, frère d’armes du boucher favori de l’arène et coqueluche du public, il avait tout pour plaire.
Pour l’occasion, il avait revêtu une version plus « décorée » de sa tenue habituelle d’arène. Un pagne pourpre et brodé d’or qui recouvrait ses cuisses, un épais ceinturon en or qui couvrait son nombril, dont la partie centrale représentait un visage stylisé de cyclope grimaçant. Son torse, nu, avais été huilé. Son bras droit, recouvert d’une manique d’acier décorée d’or, se terminant en un gantelet stylisé représentant la gueule d’un lion. Sur sa tête, un épais heaume de mirmillon d’acier avec lui aussi ses accents d’ors et une crête décorée de plumes de chimère. Ses tibias, eux, étaient revêtus de grèves en or, représentant des figures mythologiques du Reike qui se battaient contre des adversaires innommables.
Personne n’avait osé le toucher, pourtant, sa présence avait eu un certain effet. Être une célébrité avait son avantage, attirait un certain entourage. Les femmes commentaient sur son apparence, les hommes buvaient les paroles de son laniste qui racontait les derniers faits d’armes du tueur de monstres. En vérité, la soirée s’avérait bien plus tolérable pour Tulkas qui, excédé, ne faisait que poser. Uniquement présent pour embellir et grandir Sau’inn.
Les visages venaient et allaient, sans attirer l’attention du gladiateur. Jusqu’à ce qu’un homme ne passe et s’adresse au maître sans lui porter la moindre attention. Les deux étaient-ils amis ? Ou du moins, des connaissances ? Le gladiateur l’ignorait, le casque tourné un instant vers l’échange avant que deux cornes de rubis n’attirent son regard. L’homme était accompagné d’une jeune femme qui, à en juger ses airs, n’était pas à sa place. Ou plutôt, ne voulait pas être là où elle était. Le sang lointain des dragons coulait dans ses veines, à en juger les cornes et les longues oreilles agrémentées de bijoux. Sa chevelure de feu se reflétait dans ses yeux, les écailles qui recouvraient ses épaules étaient fines et l’espace d’un instant, le gladiateur fantasma la texture de ces derniers sur la pulpe de ses doigts.
Mais quelque chose le dérangeait, le dégoûtait. Elle détestait sa situation, ça se lisait sur son visage et dans le moindre de ses gestes. Et pourtant, elle était résignée à sa situation. Suivant comme une ombre l’homme qui la possédait. C'était sa nature, elle était comme lui esclave, il en était persuadé, alors pourquoi haïr sa position ? Quand elle prit place à ses côtés, il marqua un temps d’arrêt à l’observer quand elle leva le bec vers lui, pour le saluer.
- Salutation. Avait-il répondu doucement. Je suis le Lion de Taisen, qui êtes-vous ? Et qui est votre maître qui parles au miens comme un vieil ami ?
- Ud rea, ud sura rea -
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Race: Drakyn
Vocation: Guerrier assassin
Alignement: Chaotique Neutre
Rang: C
Des agneaux au milieu des Loups
Évidement, où avais-je la tête ? Qui d’autre qu’un gladiateur pourrait porter une tel panoplie et être couvert d’huile à un bal. Et par-dessus le marché, j’ai, ni plus ni moins, que le chouchou des Taisenois devant moi. Combien aurait vendu père et mère pour se retrouver, l’espace de quelques minutes, à ma place ? Pour autant, si on enlève tout l’or, ça n’est rien de plus qu’un jouet. Un petit chien bien dressé et, s’est bien connu, tant qu’il gagne, il sera chouchouté et aimé de son maître.
Je roule mes yeux d’ambre à l’énoncé de son titre que je trouve pompeux, même si mérité. Ça n’a jamais vraiment été ma tasse de thé d’avoir à passer des heures, assise sous un soleil de plomb à regarder deux clébards se battre. Ceci-dit, j’admets, volontiers, que je n’aimerais pas me retrouver en tête-à-tête contre l’un d’eux. C’est du spectacle, mais les combats sont bien réels, le sang qui coule l’est aussi.
Observant, ici et là, les quelques pintades endiamantées qui me fustige du regard d’être trop proche de leur coqueluche, je lui réponds sur un ton nonchalant :
- Et bien, Lion de Taisen, je suis la poupée de porcelaine de Medeve Halba. C’est un éminent professeur de l’université de Drakstrang.
Du moins, c’est ce que j’entends qu’il se murmure dans les couloirs. Du haut de ses deux mètres quarante, il est très bien bâtie ; l’armée l’a forgé et ça se voit. Une chevelure blanche et des yeux bleus presque blancs sur un visage à l’expression sévère. Le tout encadré par une paire de cornes ivoire. Il est beau, il plaît, mais la plupart ne connaisse que la surface.
- Pour simplifier, vous pouvez m’appeler Vanay.
Et j’enchaîne sur une petite révérence dans sa direction, la tête courbé sobrement vers l’avant, j’attrape un bord de ma robe entre mon pouce et mon index, fléchissant légèrement les genoux avant de reprendre ma position initiale, le ton de ma voix devenant plus amicale :
- Au vu des nombreux regards que je perçois, vous êtes visiblement très apprécié.
Je glisse mes doigts dans ma chevelure pour la remettre en place avant de lui lancer un faux sourire niais. Je préfère paraître pour plus bêtes que je ne le suis et faire croire que je n’ai aucune idée de qui il peut bien être.
- Je vous prie de bien vouloir pardonner ma sottise. Avec un tel titre, j’imagine que vous avez dû accomplir bon nombre d’exploits. Mais je n’ai aucune idée desquels.
Si écouter son récit peut m’éviter d’être la potentielle proie de certains participants dont je perçois le regard sur ma peau, alors je suis prête à jouer la gentille petite poupée obéissante. Jusqu’à une certaine limite… La soirée ne fait que commencer et l’alcool est encore loin d’avoir fait son œuvre.
- je serais toutefois ravi de vous entendre me les compter.
Pour un humain, sa taille reste impressionnante. Je le dépasse tout juste et ma carrure fait pâle figure à côté de la sienne. Intérieurement, je maudis ma génétique ; parmi les grands je fais partie des plus petits. Qui aurait cru qu’une Drakyn puisse faire presque la même taille d’un humain.
Mon regard va se poser discrètement sur le propriétaire du gladiateur. Il est si maigrelet que j’ai du mal à me dire qu’il puisse avoir, sous ses ordres, un balèze comme la célébrité que j’ai à côté de moi et un Drakyns comme Medeve qui lui porte autant de respect. Dans quel monde un gringalet peut-il avoir autant de pouvoir ? Mais j’oublie que le pouvoir n’est qu’une question de relations et d’argent. Plus on en a, plus on est respecter… Et craint.
Je n’ai qu’un souhait pour le moment, que cette soirée se termine rapidement… Et surtout sans encombre.
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L’expression du Lion, dissimulée derrière son heaume passa de la surprise à la moquerie. Ses épaules secouées par un rire guttural qu’il empêchait de passer la lisière de ses lèvres. Beaucoup de choses s’expliquèrent soudainement en entendant ce surnom. Ces vêtements qui ne laissaient rien à l’imagination et lui donnaient cet air de coureuse de remparts gracieuse. Une courtisane, voilà ce qu’elle était tout au plus, sans valeur aucune autre que l’étroitesse de ses cuisses et l’étau de sa gorge.
Le casque du gladiateur tressaillit en instant alors qu’un seul grincement étrange de deux rochers qui se broyaient sortait de sa gorge. Avant qu’il n’inspire et se redresse la tête pour l’observer. De toutes les servitudes, il savait que la sienne était la plus douce et que celle de la Drakyn qu’il observait à travers les trous de son casque pouvait être la pire. Sans un mot, il l’observa, se régala de cette gêne et de cet inconfort qu’il voyait sur elle avant de tourner le casque vers le maître du Jouet qui s’adressait au sien. Un grand professeur de Drakstrang, qui assouvissait sa luxure avec une esclave qui portait le sang des dragons. Un homme avec des goûts particuliers, une honte pour les valeurs martiales et d’honneur de l’école des dragons.
- Un bout de gras blanc.
Lâchait-il finalement avant de retourner son attention vers elle.
- Un bout de gras blanc, qu’on laisse tomber de l’assiette pour nourrir les chiens quand ils sont loyaux et fidèle.
Lui qui était né esclave, et vivait pourtant dans un faste que la majorité des serfs du Reike ne pouvaient qu’imaginer dans leurs songes, l’observait sans qu’elle ne puisse sonder son visage et sa cruauté qui le caractérisait tant à l’époque. A cette époque où les hommes le voyaient comme un dieu et où les femmes se jetaient à ses pieds.
- Je n’envie guère ton sort, Vanay, poupée de chair. Répondit-il en retournant son attention vers l’avant, reprenant son rôle d’embellissement. Tu as beau en avoir les atours et l’éducation, tu ne seras jamais rien de plus que ce que tu es maintenant aux yeux de ton maître.
Il secoua la tête, après tout, qui était-il lui, l’Ebed, pour critiquer l’usage d’un de ses pairs ? Redressant la tête il inspira un peu. Ignorant le passage soudain d’une troupe de ces fameuses coqueluches qui s’arrêtaient à sa hauteur pour toucher sa chair, tâter la musculature de ses cuisses et poser leurs mains sur ses bras. Cela faisait parti de ce jeu immonde auxquels la haute société Taisenoise, rongée jusqu’à la moëlle par l’excès, s’adonnait avec plaisir.
- Qu’as-tu fait pour mériter pareil sort ? Tes parents t’ont-ils vendu pour éponger une dette ? As-tu commis un crime ? Es-tu née pour servir comme moi ?
Le lion redressa la tête, bomba le torse un instant en se complaisant dans ce qu’il considérait être sa supériorité. Il était difficile de suivre le fil de ses pensées, son visage toujours dissimulé par le heaume. Il pivota à peine la tête derrière son heaume pour observer leurs maîtres qui continuaient de converser. Peut-être demandait-il l’organisation de jeux d’anniversaires ? Une mise en scène peut-êre, à en juger les regards que le maître libidineux envoyait à sa propriété, peut-être qu’elle-même allait y participer.
- Je ne raconte mes histoires que par le fil de mon épée et que je ne ponctue que de la pointe de ma lance, « Poupée de porcelaine ». Répondait-il finalement à son questionnement. Je prends la vie, pour amuser le peuple qui souhaite voir le sang couler, je lui montre des sommets qu’il ne pourra jamais atteindre. A leurs yeux, je suis l’homme qui a vaincu un géant armé uniquement d’une dague, le héros du peuple de Taisen.
Il inspira un peu, comme transporté plus loin par le cri d’une foule en liesse qui l’aimait pour ce qu’il leurs donnait. Fermant les yeux, le gladiateur soupira et tourna enfin sa tête vers elle.
- Mais avant tout, la propriété de Sau'inn. Enfin, a ton avis, qu’est-ce que ton maître veut au miens ?
- Ud rea, ud sura rea -
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Des agneaux au milieu des Loups
« Un bout de gras blanc » : la comparaison, même si elle me pique, avait le mérite d’être vraie. Je pourrais lui renverser un verre de vin dans la face pour me soulager de cette vexation, mais ça n’effacerait en rien cette vérité.
Je soupire, agacé et surtout piqué dans mon ego.
Un regard discret sur ce « maître » qui est le mien avant de reporter mon attention sur cette foule. Il les aime jeunes et il aime fricoter avec les limites de la loi. Je pourrais ouvrir ma gueule et me révolter, mais qui irait croire ce que je dis ? On remettrait en doute mes propos avec des phrases plus assassines les unes que les autres. M’accusant d’être à l’origine de mes propres malheurs ou encore de mentir pour attirer l’attention ou me venger d’un quelconque refus ou que sais-je encore.
C’est un vilain secret de Polichinelle.
- Je n’envie pas non plus votre situation, lion~sot . Avoir une épée de Damoclès sur la tête à chaque instant de votre vie, ça ne doit pas être très agréable. Et c’est très probablement ce qui nous différencie le plus.
Je ne suis pas loin d’être bousculée par un attroupement de dindes venues voir le gladiateur. Une étale de marché de grand luxe avec des mains d’acheteurs potentiels venant tâter la viande, voilà tout ce que ça m’inspire. Je ne suis clairement pas mécontente que ce soit lui plutôt que moi et ça a même le don de m’arracher un frisson de dégoût de voir comment certains se délectent de cette situation.
J’ai un petit réflexe d’éloignement, un pas sur le côté, histoire que les volailles, pomponnées à outrance, puissent prendre toute la place qu’il leur plaira autour du combattant.
- Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?
Je dirige mon visage dans sa direction et essaie de percevoir quelque chose à travers les trous de son casque. L’objectif vain, je repose mon regard sur la foule passante.
- Être… simplement à son goût. En plus d’avoir été une enfant trop naïve…
Je laisse un silence probablement lourd de sens avant de reprendre un peu plus de contenance en me redressant plus droite, mes oreilles attentives au récit du gladiateur. Je ne peux m’empêcher un petit rire, cachant celui-ci avec une main délicatement posée sur les lèvres.
- A-t-on déjà vu un héros enchaîné comme un petit chien à faire des numéros de singe pour amuser la haute société ?
Et comme pour me faire payer le prix de cette moquerie, me voilà en train d’accueillir le verre de vin offert par un homme, inconnu au bataillon et bien trop mûr pour moi. Homme visiblement éméché et aux idées bien précises de ce qu’il aimerait me faire. Je repousse ses avances et même ses mains baladeuses bien trop pressées d’aller là où elles n’ont pas leur place.
Mettant poliment en pause sa discussion avec Sau’inn, l’intrus avait attiré le mécontentement de Medeve qui s’approchait d’un pas lourd et menaçant. L’attrapant par le col, il le fit reculer jusqu’à ce qu’il trébuche et sa voix caverneuse se fit entendre.
- Allez donc vous soulager ailleurs, vieillard.
Sa taille avait le mérite d’impressionner et il n’en fallut pas plus pour que le vieillard déguerpisse. Petite et très courte scène avant qu’il ne vienne voir si sa marchandise, moi, n’avait pas été abîmée avant de retourner reprendre sa conversation là où il l’avait laissée.
Je lâche un petit soupir et finis par tendre le verre de vin à mon camarade d’un soir, sait-on jamais s’il lui arrive d’enlever son casque.
- Si vous le voulez, je vous l’offre de bon cœur.
J’époussette ma robe et replace ma coiffure avant de reprendre sur un ton quelque peu fatigué et plus sombre.
- Et pour vous répondre, il propose un échange de « bon compromis » à votre maître. Du sang contre quelques défaites bien placées.
Mes yeux se perdent à nouveau sur la foule.
- Accessoirement, je vous conseille de vous méfier du verre de vin. Qui sait ce que le vieillard aurait pu y rajouter. C’est une pratique… « commune » de droguer ses victimes.
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Et pourtant, elle se comporte comme telle. C’est à n’y rien comprendre en vérité, est-elle victime volontaire de cet homme qui viens de la protéger des mains baladeuses d’un porc libidineux ? Lui ne s’en émeut guère, habitué à être observé sous toutes ses coutures et ses sutures dans ce genre d’événements mondains.
Mais elle, on dirait une brebis égarée dans une forêt remplis de loups. Il ne répond pas à sa proposition de boire du vin, l’idée ne lui traverserait même pas l’esprit d’insulter Sau’inn en s’accordant ce petit plaisir dont il ne se privait pas que dans l’intimité de ses quartiers, souvent en compagnies d’une paire de dindes aussi fades que belles qui venaient de tâter sa musculature en roucoulant et en gloussant comme des pintades.
- Tirez-vous une quelconque forme de gratification de votre rôle ?
La question est rhétorique, il suffisait de la regarder plus de cinq minutes pour se rendre compte qu’importe les vêtements révélateurs qu’elle portait comme une pute de luxe juraient avec cet air perdu et terrifié qu’elle abordait. Et pourtant, cet homme qui parlais avec son maître ne semblait n’avoir que faire que tous puissent voir l’emprise qu’il avait sur elle. Un drôle de jeu, qui lui semblais bien pervers alors que lui-même était un hédoniste de première.
- Certainement pas, regardez-vous, a tenter de vous donner des airs de grande dame alors que vous vous humiliez pour lui faire plaisir.
Tulkas, féministe avant l’heure ? Certainement pas, c’était un homme fait de contradictions de la tête aux pieds, haïssant sans s’en rendre compte sa condition d’esclave et l’aimant profondément pour le confort dans lequel il vivait quand sa vie n’était pas en danger. Autant il était le premier à s’épancher de ses prouesses auprès de ces-dames qui venaient fêter avec lui ses innombrables victoires dans l’arène – car après tout elles étaient pour la plupart des esclaves comme lui – autant il réagissait avec une certaine véhémence face à l’abus, qu’on ne pourrait qualifier autrement, que subissait la rousse au sang de dragon.
- Le rôle de la femme est de servir l’homme, il en a toujours été ainsi au Reike. Commençait-il. Mais plus exactement de servir son mari, en portant ses enfants et en s’occupant d’eux. Pourquoi ne vous révoltez vous pas de tout ça ? Vous n’êtes qu’une femme, mais vous n’êtes pas Ebed et subissez pourtant le traitement qui nous est réservé. L'accusation est grave, même si personne ne vous croira.
Il resta un instant, avant de lever les mains à son casque pour le retirer et le porter sous son bras. A cette époque, il avait les cheveux méticuleusement coiffés, une barbe taillée. Bien loin de l’homme bourru et torturé qu’il était devenu en prenant goût à la liberté et à la réalité. Le lion de Taïsen lui adresse un sourire fin et qu’il ne lève les yeux vers le plafond un instant.
- C’est bien ce que je pensais.
Avant de baisser ses yeux verts vers elle.
- Aucune épée. Disait-il avec amusement. Vous vous méprenez, je ne suis pas un singe qui amuse le peuple, je suis un artiste qui le fais rêver, qui raconte des histoires au fil de l’épée, qui captive le souffle et…
L’homme secoue la tête, amusé. Il vient de marcher à bras ouverts dans le piège fait à son orgueil. Puis, il l’écoute et regarde le verre de vin qu’elle a proposé. L’homme libidineux qu’elle décrit ne fais que plonger de plus en plus bas dans son estime plus la conversation avance.
- Votre… Maître. Dit-il avec difficulté, les abus de langage ont la vie dure. Est un homme bien cruel. Il l’observait un instant, proposer du « sang » contre des défaites bien placées ? Curieux, pensez-vous qu’il demanderait à mon maître que je perde volontairement quelques combats ? Des problèmes d’argent peut-être ? Que fait-il dans la vie, celui qui vous fait tant souffrir ?
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Ce verre de vin toujours entre mes doigts, j’observe le rouge bouger au rythme des mouvements circulaires que je crée en remuant le verre. Ce « tu » devenu « vous » pour une histoire de place dans la société. Une société qui n’est jamais vraiment sûre de qui est à quelle place dans un monde où ce qui est affiché élégant cache des atrocités et ce qui est dit laid est parfois plus beau.
- Parce que je ne suis pas Ebed, je reçois soudainement un « vous »… Une petite crainte de prendre des représailles ? Même si je pencherais plus pour un tic de langage venant de vous.
Je soupire, certaines de ses paroles avaient atteint leur cible et m’avaient heurté de plein fouet, provoquant en moi une certaine envie de lui plaquer le visage contre le sol de la salle pour m’en servir de serpillière par défaut. Ma queue fouette l’air de mécontentement et mon visage n’en montre pas moins, même si le ton de ma voix, lui, essaie de rester calme.
- Recevoir une pseudo leçon de vie venant de quelqu’un qui ne connaît que son espèce de pièce de théâtre qu’il prend pour une réalité, c’est un comble.
Accident ou presque, cette chère queue, non contente de trahir davantage ma colère interne, viendra lui fouetter la cuisse sous l’impulsion d’une pensée fugace qui, je l’avoue, ne sera pas pour me déplaire.
- Si la vie était aussi simple, vous seriez déjà parti prendre votre liberté et découvrir le monde, le vrai, au lieu de vous contenter d’agir comme un gentil petit toutou juste pour recevoir des carrés de sucre en guise de récompense pour avoir donné la patte.
En réalité, une seule phrase m’avait touchée à l’époque. Une phrase qui me mettait en face d'une émotion, d'un sentiment que je ne pouvais pas accepter mais qui était pourtant bien là et contre lequel je tentais de lutter. Malheureusement, il lui suffisait d’une caresse, un mot doux et je me remettais à espérer... Sa toile faisait effet depuis bien longtemps.
Je finis par me pincer la racine du nez, fermant les yeux pour redescendre en tension, en inspirant et expirant une bonne fois avant de venir planter mes yeux d’ambre dans les siens.
- Votre maître vous a tellement bercé dans une pseudo gloire qu’il vous a fait oublier que vous n’êtes qu’un objet remplaçable. Et en plus, vous vous en satisfaites… Vous me trouvez pitoyable mais vous n’êtes clairement pas mieux.
Dans d’autres circonstances, je serais déjà venu aux mains avec lui. Mais là, je n’ai pas le choix que de contenir ma frustration et mon ego qui prend des coups.
- Un loukoum, voilà tout ce que vous êtes ! Très joli mais bien trop sucré, si bien qu’ils finissent toujours par être oubliés et par sécher au fond d’un placard.
Je détourne la tête, les joues rosies par cette comparaison plus que foireuse de ce guerrier à cette friandise. De tout ce que j’aurais pu inventer, il fallait que je sorte quelque chose d’aussi neuneu… Déjà que j’ai eu l’audace de lui donner un léger coup avec ma queue.
C’est un regard de Medeve qui, sans un mot, me fera comprendre que j’ai tout intérêt à me calmer, ce à quoi je réponds en me redressant. Mes yeux plongent une nouvelle fois dans ce verre de rouge, l’idée de le boire traverse mon esprit et m’est tentante.
- Mon Mai...
que je finis par dire d’une voix qui se voulait calme, même si un relent de colère persiste légèrement.
- Medeve a ses humeurs… Et je pense bien qu’il va demander que vous perdiez quelques combats. Non pas qu’il soit en manque d’argent… Ou alors je ne suis pas au courant. Je pense plutôt que ça l’amuse de faire en sorte que certains de ses contacts perdent la face.
Je marque une légère pause, le temps de me débarrasser de ce verre de vin avant que l’idée de le boire ne devienne plus que convaincante.
- En ce qui concerne sa vie, il travaille à l’université de Drakstrang… Pourquoi ? Vous envisagez de vous réorienter professionnellement ?
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Il ne proteste pas non plus quand elle profite que la balance s’inverse entre eux, qu’elle use et abuse de son statut de femme libre pour lui rappeler que lui, n’est qu’un enchaîné et qu’elle peut faire claquer le fouet comme elle le souhaite, qu’il soit fait de muscles et d’écailles ou de fils de cuir lestés de billes d’acier.
Elle le ramenait là, à sa condition naturelle, celle d’un esclave et elle, d’une femme libre. Toute considération évaporée, toute son humanité soustraite. Une dynamique, qui marquait le rythme de la vie de ceux de sa caste et ce depuis des générations et des générations. Car bien que le Reike avait été bâti par des mains d’esclaves, l’on ne se souvenait et l’on ne se souviendrait que des rois et des reines d’antan. C’était ça, qui le poussait à toujours aller plus loin, à repousser les frontières de la gladiature, à toujours franchir un seuil de plus, à toujours trouver de plus grands adversaires. Pour ceux de sa caste, c’était la seule porte vers l’immortalité et la gloire. Et il suffisait d’un regard pour deviner que lui en était terriblement avide.
Terriblement avide, et terriblement servile.
- Je suis né Ebed, je mourrais Ebed. Avait-il fini par répondre. Je ne sens pas le poids de la servitude, j’ai appris à marcher avec des chaînes aux chevilles et aux poignets. Je me satisfais de ma condition car c’est ainsi que sont fait les choses, certains possèdent, d’autres sont possédés.
Était-ce un mensonge ? Probablement pas, quand on n’a jamais connu la liberté, esclaves de générations en générations, le bon grain avais été séparé de l’ivraie. Les Aman avaient la réputation d’être particulièrement dociles et loyaux envers ceux qui les possédaient. Pouvait-on se moquer de cette servitude consentante ? Les forts s’en gaussaient, si bien que le mot « Aman » servait parfois d’insulte jetée à la figure de ces mâles et de ces femelles trop faibles pour se révolter face à leurs sorts.
Comme lui, tout fait de muscles et de prouesses sanglantes, se tenait là droit. Une vulgaire statue gravée par la main d’Aurya et de Kazgoth en personne, aussi beau que fort et aussi arrogant que perfectionniste. Qui pourrait briser la nuque de Médève, Sau’inn et même de l’esclave qui n’en était pas une sans que personne ne soit en état de l’arrêter. Oui, il pouvait se débattre et se libérer à tout instant.
Et pourtant, il était là, statue merveilleuse à la gloire des créateurs, des astres ou simplement au hasard, débordant d’une force et d’une vigueur qui faisaient se pâmer les femmes venues depuis la capitale. Parfaitement incapable de lever la main pour gagner sa liberté en déchainant son pouvoir et sa fureur. Car comme le Vezkang que l’on brise en l’attachant jeune à un arbuste, Tulkas avait appris très jeune à s’en remettre aux décisions de ceux qu’il appelait « Maître » avec conviction. Il l’observait, elle. Elle qui était née libre, qui n’avait de chaînes que celles qu’elle s’était imposée et qu’elle acceptait.
- La liberté vous fait elle peur ?
Avait-il finalement demandé, se désintéressant un instant d’un énième groupe de femmes richement vêtues qui l’observaient en piaillant en elfique. Il les comprenait, mais choisissait de ne pas les entendre.
- Vous n’êtes pas une Aman, dame. Qu’il enchaînait. Je suis né esclave, je n’ai jamais été libre. Pourquoi chercher quelque chose que je ne connais pas ? Surtout quand même libre, vous finissez en fin de compte par servir un autre plus puissant que vous-même.
La moquerie était partie, être malveillant avec ses homologues coulait de source, il était leurs supérieur en tout point, plus grand, plus fort, plus vif et plus intelligent. Un diamant brut enfoui dans une masse d’insectes que Sau’inn avait su trouver et polir pour en faire le bijou de sa couronne. Mais elle, elle était une victime de bout en bout, un agneau égaré qu’un loup tenait entre ses pattes, ses crocs plantés dans son cou sans lui arracher la carotide. Une situation atroce, dégoutante même.
- Drakstrang, vraiment ? Demandait-il en tournant son attention vers l’homme qui l’observait en retour. Je n’ai pas besoin d’elle pour apprendre la guerre et comment me battre. Un sourire se dessina, sous ses lèvres. Je serais ravi de le décevoir. Sau’inn n’est pas du genre à tolérer la défaite.
- Ud rea, ud sura rea -
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Rang: C
Mon agitation finit par véritablement agacer le géant cornu qui, une nouvelle fois, se rapproche de moi. Son visage sévère se mettant au même niveau que le mien, ses yeux plantés dans mes pupilles dorées, il vient attraper mon menton entre son pouce et son index, m’empêchant par la même occasion de détourner le regard.
- Veux-tu bien te tenir tranquille…
Attrapant une de mes mèches de cheveux entre ses doigts qu’il serre comme une menace, il glisse lentement son visage à mon oreille.
- J’aimerais continuer ma conversation sans avoir à garder un œil sur toi.
Son pouce, qui tenait mon menton, glisse doucement sur mes lèvres, et moi qui peine à déglutir, comprenant la menace qui se cache derrière ce simple geste.
- C’est mon dernier avertissement.
Sur cette simple phrase, il se redressa et retourna auprès de Sau’inn, toisant au passage le gladiateur de toute sa hauteur. La tête baissée, les mains jointes devant moi, je suis tellement tendue comme un bout de bois que je me demande comment mon dos fait pour ne pas céder et se briser en deux. C’est au point où même le son de ma voix baisse pour être le plus discret possible.
J’ai l’air et je me sens si… pitoyable… Non, je n’ai pas juste l’air, je le suis, et c’est ce qui m’ulcère au plus profond de mon âme.
- Comment… faites-vous pour accepter votre condition ? N’avez-vous jamais eu, ne serait-ce qu’envie de savoir ce que c’est d’être libre ? Même en étant né Ebed ? Pas même une seule fois ?
Mon regard se pose sur mes mains légèrement redressées, observant ces chaînes imaginaires et pourtant profondément imprégnées dans mon mental malmené depuis des années.
- Ne m’appelle pas dame, je n’ai rien de cela… Et je n’aurais même pas dû te parler comme je l’ai fait… Je ne vaux pas plus que toi… Appelle-moi Vanay… C’est amplement suffisant vu la… « position » que j’ai… Ou bien poupée de chair.
Je redresse légèrement ma tête, un sourire forcé sur mon visage, et un rire discret mais empli d’amertume sortant d’entre mes lèvres.
- Tu m’as demandé si j’avais peur de la liberté… Non, à dire vrai, j’essaie de récupérer celle qui m’est due, et à quoi bon ? Je me le demande…
Mon regard redescend une nouvelle fois se poser sur le sol brillant de la salle de bal. Si mes yeux avaient pu verser des larmes, il se serait sûrement écoulé un torrent, mais pour quoi faire ? Les larmes n’ont jamais résolu les problèmes et n’ont jamais rien fait avancer.
- Peut-on vraiment parler de liberté si, même depuis l’enfance, on attend de soi d’agir et d’aller dans une direction précise ? Tu es bien plus dans le vrai que je ne le suis… La seule différence entre toi et moi, c’est le lieu de naissance.
Redressant la tête, mon regard vient se perdre un instant sur le visage du gladiateur. Je suis à peine plus grande que lui en taille et pourtant j’ai l’impression d’être si petite et minuscule en étant posée là, à côté de lui, comme une poupée. Dans tous les cas, il est bien plus massif et musclé que moi… Et même si je ne doute pas de ses compétences de combat, a-t-il vraiment des chances de battre Medeve ?
- Je t’ai déjà vu à l’œuvre deux ou trois fois et je ne doute pas de tes compétences… Mais je ne peux m’empêcher de me dire que ce sera plus compliqué que ce que tu imagines…
Ou est-ce moi qui n’arrive pas à imaginer mon tortionnaire tomber à genoux ?
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Rang: B
L’homme malingre, à la peau tannée comme un cuir usé par le soleil du désert, appuyait son menton dans le coussin de sa paume. Le destin avait fait d’eux deux hommes aux antipodes l’un de l’autre, ou peut-être était-ce une question d’éducation ? Le petit homme de l’arène s’était hissé à son poste uniquement grâce à son sens des affaires aussi aiguisé que la lames de ses gladiateurs, l’autre semblait être né dans son pouvoir, avait hérité de la force de ses ancêtres et vivait une vie confortable dans la plus prestigieuse université de l’Empire, au poste non pas moins prestigieux de professeur.
L’un se drapait d’humilité, vêtu d’une simple toge blanche tenue par une broche décorée de l’emblème de son écurie gladiatoriale, ne dévoilant sa richesse qu’à travers la bête qu’il exhibait aux côtés de celle qui accompagnait son interlocuteur. Qui lui semblait dilapider sa fortune dans la soie et dans l’orfèvrerie, ainsi qu’en accessoires de mauvais goûts qu’il utilisait pour exhiber la Drakyn et crier au monde qu’elle était Sa Chose, un morceau de viande qu’il battait et baisait quand l’humeur lui prenait. Un gaspillage de ressources qui déplaisait à Sau’inn, qui ne l’exprimait que d’une légère inflexion des lèvres quand son regard bleu acier se posait sur la jeune femme qui parlait si librement à son poulain.
Repliant ses doigts secs et filandreux sur ses lèvres, Sau’inn retourna l’acier de ses pupilles sur son interlocuteur.
- Que mes esclaves à moi sont des investissements, ils n’ont de valeurs à mes yeux que pour ce qu’ils peuvent me rapporter. Le ton était aimable, poli mais n’était pas exempt d’une forme de jugement, que Médève ne releva pas, ou plutôt, refusa de relever. Ce que vous me demandez c’est de sacrifier mon champion pour vous agrandir, mais comment comptez-vous me repayer cette faveur, cher ami ?
Médève se releva, dévoilant les innombrables parures d’or et de soie qui ornaient son corps, exhibant comme un paon la richesse de sa maison et de son nom, non pas comme le ferait un Reikois, mais comme le ferait plutôt un mécène républicain.
- Vous savez que ma famille ne manque pas de moyens et que j’ai à ma disposition d’abondantes ressources, matérielles comme immatérielles. Qu’il dit, lançant de temps à autres un regard par-dessus son épaule pour s’assurer que sa chienne se comporte bien, avant de retourner son attention sur ce petit homme du désert. Vous serez gracieusement remercié pour ce cadeau que vous faites à ma famille. Que vous me faites.
- Pourquoi vouloir être libre si c’est pour finir comme vous ? Qu’il répondit à sa première question, avec un étrange détachement quant à la question. C’est une illusion, vous êtes libre et pourtant, vous êtes enchaînée. Enchaînée par votre maître, enchaînée par votre condition de femme. Quoique vous faites de votre vie, vous serez toujours l’esclave de quelqu’un ou quelque chose. La liberté n’est rien de plus qu’un leurre, dont le seul but est de faire naître l’espoir pour ensuite l’écraser et mieux asservir ceux qui n’ont pas la force d’écraser les autres.
Cette philosophie de vie, engrainée dans son âme et conscience depuis son premier cri n’avait été que renforcée par des années de servitude et de souffrances. Il était le pur produit d’une époque qui serait bientôt révolue par l’arrivée au pouvoir de Tensaï le Conquérant et les réformes civiles de l’impératrice Ayshara Ryssen, parfaitement adapté à sa condition et surtout, l’exception qui confirmait la règle.
Cet hédoniste vaniteux qui ferait vomir l’homme qu’il deviendrait, vivait dans un luxe comparable à celui d’un baron manorial de l’empire. Se gavant exclusivement de viandes aussi exotiques que coûteuses, avait l’attention des concubines les plus chères et les plus belles de la Ville du Lion et surtout, bénéficiait d’une éducation égale, voir supérieure, à tout ce que Drakstrang aurait bien pu offrir à lui… Ou elle.
Non, Tulkas n’était pas l’esclave moyen, et encore moins un gladiateur quelconque.
- L’Empire s’est bâti sur les espoirs et les rêves des faibles, brisés pour devenir les outils nécessaires aux grands conquérants d’antan. Vous voulez être libre, Vanay ? Vos chaînes sont faites d’illusions et de mensonges, aux yeux de nos lois, vous êtes libres. Il n’est pas votre mari et vous n’êtes pas Ebed. Si vous êtes esclaves, vous ne l'êtes que de vos peurs et de vos illusions.
Il redresse un peu le menton en croisant son regard, un geste bouffi d’arrogance, détestant ces grands yeux brillants de larmes et de souffrances, alors qu’il lui suffirait de briser ses chaînes, enfin, si c’était si simple, serait-elle vraiment là à ses côtés ? Une partie de lui veut l’humilier, lui faire comprendre que même lui, esclave, avait plus de valeur, d’honneur et d’intégrité qu’elle n’en aurait jamais. Elle qui portait le sang des dragons, réduite à rien de plus qu’un défouloir à foutre. Cependant, il reprend, sur un ton… Plus compatissant.
- C’est quelque chose d’aveuglant, n’est-ce pas ? Cette peur qui vous ronge. Dit-il, avec un étrange amusement dans la voix, tournant cette fois un regard différent sur ce fameux Médève, avec cette anticipation du prédateur qui veut jouer avec sa proie. Vous êtes un vezkang. Qu’il dit, avant de se tourner à nouveau vers elle. Attachée à un palmier depuis votre moment le plus faible, convaincue que vous n’arriveriez jamais à le déraciner alors que vous avez la force de détruire une bâtisse faite de pierre. Et lui, il n’est rien de plus qu’un petit palmier.
Il s'imagine un instant, dans l'arène, tenant la tête de l'homme qu'il lève haut à la vue de tous.
- Que je prendrais grand plaisir à déraciner.
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Et puis, s’il tombait, il emporterait avec lui bon nombre de ceux qui se trouvaient ici même. Un monde mondain qui cache bien des atrocités en tout genre. Un genre de gâteau à la merde recouvert d’un très joli glaçage couleur or.
Il avait été reconnu pour ses analyses, sa ruse et ses stratégies qui s’étaient montrées à plusieurs reprises terriblement efficaces sur le terrain. Lui-même n’en était pas moins compétent même si, à l’heure actuelle, il avait préféré prendre une forme de retraite du terrain pour enseigner à l’académie.
Se battre ne lui suffisait plus, il recherchait autre chose, une autre forme de contrôle, de prise de puissance. Quelque chose de plus semblable à ce qu’il avait sur cette pauvre enfant dragonne qui avait glissé sans s’en rendre compte dans sa toile. Secret de polichinelle, mais on évite de trop faire bouger les choses au risque de tomber avec lui.
Est-ce les guerres et le sang qui l’ont rendu ainsi ? Ou bien cette forme de soif de contrôle avait-elle toujours été là ? Avait-il, d’une certaine façon, perdu la tête en agissant ainsi ? Ou bien avait-il juste délivré, ou relâché la laisse de ses démons intérieurs ?
Une chose est sûre, malgré son air droit, sa coupe impeccable et la stature qu’il avait, il n’en était pas moins pourri de l’intérieur, et Vanay, comme d’autres malheureuses, en faisait les frais. Vanay en tête de liste puisqu’elle était son bijou. On disait des Drakyns qu’il était impossible, ou du moins extrêmement difficile, de les restreindre et de les contraindre à servir d’esclaves… Alors en avoir une sous la main ne démontrait-il pas une certaine forme de sa capacité à obtenir ce qu’il voulait, même des races dites compliquées ?
La Drakyn à la peau de pêche et aux écailles rouges de cette sombre époque vous dirait qu’il n’a pas toujours été comme ça… Qu’il savait même être doux… Mais celle du temps présent vous répondra qu’il n’était qu’un démon qui savait très bien cacher sa véritable personnalité et ses mœurs plus que douteuses sous un sourire éclatant. Un homme dont il valait mieux se méfier comme de la peste, ajouterait-elle.
- Cette simple défaite de votre champion ne sera que plus rapidement oubliée quand il remportera continuellement ses prochains combats.
Jetant un coup d’œil discret sur son petit jouet cornu, il reporta à nouveau sa concentration sur Sau’inn. Cet homme qui lui tenait tête l’agaçait intérieurement, mais il ne pouvait l'exprimer sans perdre en crédibilité. Mais en avait-il seulement aux yeux de ce vieil homme du désert qui avait su se faire une place dans ce monde ?
- Il me suffira de vous fournir ce simple ingrédient qui se trouve difficilement, mais dont je possède une source… presque intarissable… Un simple ingrédient qui ferait de votre champion le roi de l’arène.
Une chose est sûre, c’est que cette histoire retomberait tôt ou tard sur la jeune Drakyn.
- Et les spectacles n’en seraient que bien plus beau.
La soirée semblait ne pas vouloir se terminer et, même si elle me donnait l’impression de n’avoir que débuté, j’avais déjà la sensation d’y avoir passé toute une vie tant je ne m’y sentais pas à ma place. Et clairement, je n’y avais pas ma place. Il m’était difficile de m’extirper de cette toile dans laquelle j’avais embourbé mon esprit. Et cet homme né esclave avait raison sur toute la ligne quant à ma condition. Seules ces chaînes imaginaires m’empêchaient d’agir… je pouffe doucement.
- Plus lucide sur ma condition que je ne le suis moi-même…
Mon rire est amer, qu’il est désagréable de se voir mis devant un miroir contre son gré. Un miroir qui reflète une situation terriblement douloureuse, mais pourtant criante de vérité. Vezkang qui a peur de sa propre ombre… Quelle créature stupide je fais et que je suis.
Mes yeux finirent par se poser sur mes mains, fines et délicates, attrapant le tissu de ma robe que je serrais dans une colère que j’essayais de contenir. Il fallait frapper plus fort que simplement l’écraser sous les coups. Si le gladiateur arrivait à le battre, la honte serait déjà grande, mais si, en plus, on pouvait lui prendre ce qu’il possédait, cela était tout aussi faisable… Il n’en serait qu’encore plus amer de colère.
- Ne souhaiteriez-vous pas lui faire encore plus mal ? Du moins, ajouter une douleur supplémentaire à sa honte d’avoir été battu ?
Ma tête se redressa, observant du coin de l’œil le Drakyn qui avait une emprise sur moi depuis bien trop longtemps.
- Avez-vous… déjà eu l’occasion de profiter d’une nuit avec une Drakyn ?
Je me dégoûte rien qu’à cette idée, à cette pensée… Mais il fallait frapper, même après sa défaite potentielle face au gladiateur.
- Pour une personne aussi possessive que lui… ce serait un autre impact à lui imposer.
Je n’avais aucune idée de la façon dont le gladiateur allait répondre à cette idée. Le refus et la moquerie étaient les réponses les plus probables, mais s’il y avait une infime chance de blesser davantage l’ego de Medeve…
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Elle dormait, là, à ses côtés. Libérée de ces atours qui lui donnaient l’air d’une coureuse de remparts. Plus de corset trop serré qui écrasait ses côtes et compressait sa poitrine. Plus de robes fendues pour exposer les chairs tendres de ses cuisses et nourrir les fantasmes de tous les hommes qu’elle aurait pu croiser à cette soirée où le gladiateur avait rencontré une dragonne enchainée. Enfin débarrassée de ces parures d’or qui la marquaient comme étant la propriété personnelle d’un homme qui souhaitait contrôler tout, jusqu’à la vie de ses amantes.
Il prit le drap dans sa main, pour le relever et lui dénuder les épaules jusqu’au bassin. La femme était belle, généreuse et en glissant son regard le long de ses courbes, il se demandait bien quel genre d’homme pourrait résister à l’attrait d’une nuit de passion avec elle. Et pourquoi, lui, ne lui avait demandé que de partager sa couche et pourquoi même là, il se refusait de la prendre et de la faire sienne, même pour une seule nuit. Pourtant, elle était volontaire, quand elle avait franchi le parvis de ses quartiers dans l’arène, elle avait refermé la porte derrière elle, défait le fermoir de sa robe et laissé choir ses vêtements sur le sol. Était-ce geste qu’elle avait-eu, celui de tenter de dissimuler sa féminité derrière la pudeur de sa longue queue, ou ces épaules qui s’étaient faites fuyantes pour cacher la générosité de sa poitrine au regard du gladiateur ?
Ou était-ce simplement ces marques qui contrastaient avec sa peau pâle ? Ces traces, rouges, mauves et vertes qu’il pouvait voir sur ses cuisses, son ventre et ses bras ? Ces marques, qu’elle camouflées avec des poudres et du maquillage, pour servir de vulgaire trophée de chair que son maître exhibait. Qu’il dévoilait à une foule d’hommes nourrissant le fantasme de pouvoir, ne serait-ce qu’une fois, sentir le parfum de sa peau contre la leur ? Peut-être n’était-ce, en fin de compte, que ce regard apeuré qu’elle avait à l’idée des conséquences de son acte qui l’avait arrêté ? Tulkas n’aurait jamais su mettre le doigt sur ce qui avait muselé sa libido, sur ce qui l’avait empêché de la ravager comme il l’avait fait avec tant et tant d’adoratrices et de prostitués auparavant. Une retenue née de sa noblesse ? Ne me faites pas rire, à cette époque, le gladiateur était un monstre d’hédonisme et d’égoïsme. Pour qui ne comptait que sa gloire personnelle dans l’arène, d’être vénéré comme un dieu par cette foule sans visage qui l’admirait à chaque fois qu’il versait le sang de ses adversaires sur le sable de Taïsen, qu’il coule d’une créature, d’un monstre, d’un homme ou d’une femme.
Peut-être qu’en fin de compte, sa retenue ne venait pas d’un quelconque idéal ou d’une quelconque morale, profondément cachée dans sa poitrine. Non, simplement avait-il vu qu’elle n’avait pas de désir pour lui, ou plutôt, que son désir n’existait que pour le mal qu’il aurait pu faire à Médève. Cette invitation qu’elle avait eue pour lui aurait-elle été l’expression sincère d’un soupir fiévreux lui prenant le ventre qu’elle aurait passé une nuit mémorable à ses côtés, à l’honorer comme un dieu tout comme lui l’aurait récompensé. Mais non, c’était simplement le cri de défi d’une femme qui n’avait plus pour elle que son corps comme arme et qu’elle utilisait pour se venger de la seule façon qu’elle comprenait. Et ça, Tulkas pouvait le comprendre, mieux que quiconque.
Être une arme, un outil qu’on utilise pour atteindre ses buts, n’était-ce pas là la raison même de son existence en tant qu’esclave ? La seule raison pour laquelle le souffle de la vie s’était planté dans le ventre de sa mère, la seule raison pour laquelle on avait désenroulé le cordon qui s’était accroché à son cou, la seule raison pour laquelle on l’avait nourri, choyé et élevé pour être là où il était aujourd’hui.
A regarder le corps nu d’une Drakyn qui lui avait promis une nuit inoubliable en échange de la défaite de son tortionnaire. Une nuit, contre une vie.
- Tu es belle, Vanay.
Qu’il lui avait soufflé en découvrant son corps pour la première fois, du galbe de ses seins jusqu’à la courbe de ses hanches. Cette peau blanche, zébrée de marques de couleurs différentes dans le cadre des écailles de rubis qui l’embellissaient plus que ces quelques dorures ridicules dont l’avais parée Médève. Et c’était sincère, pourtant, il avait levé une main délicate.
- Mais je ne veux pas coucher avec toi.
Il s’était relevé pour s’approcher d’elle. L’homme arrogant, paré d’acier recouvert de feuilles d’or et portant un heaume de sécutor sous le bras n’était plus qu’un mirage lointain. Non, devant-elle se trouvait Tulkas, vêtu d’une toge blanche aussi ample que confortable, sa voix était devenue douce et sincère. Une main s’était levée pour venir recoiffer des boucles de feu solide avec le peigne de ses doigts, les glissant derrière l’oreille percée de la demi-dragonne.
- J’humilierais l’idiot qui a cru pouvoir acheter ma défaite. Qu’il dit avant de désigner un lit. Tu peux t’y allonger, si tu veux ajouter l'insulte à la blessure que je lui infligerais demain, mais je ne te ferais rien. A quand remonte la dernière fois que tu as pu dormir sans être le jouet d’un homme ?
Eut-elle été sans voix face à cette remarque, estomaquée ou simplement résignée, Tulkas n’aurais jamais su le dire. C’était un autre homme à cette époque, peut-être était-ce là les premières marques du changement profond qui s’opérerait en lui dans les années à venir ? Peut-être était-ce là le moment où il avait semé les germes de cette grandeur qu’un jour la Griffe aurait remarqué ? En y repensant bien des années plus tard, le gladiateur devenu Serre Pourpre n’aurait jamais pu s’imaginer capable de dire « Non » à une femme qui souhaitait coucher avec lui. Car en vérité, qu’est-ce que ça aurait bien pu lui faire, autrefois ? Elle était une putain, à ses yeux des heures auparavant et lui-même avait couché tant et tant de fois avec des prostituées et des esclaves, alors pourquoi est-ce qu’elle, il avait été incapable de la trousser ?
Peut-être, simplement, était-ce cette absence de désir dans son regard. Cette peur manifeste d’être découverte par son tortionnaire. Ou simplement le défi qui l’animait qui avait été suffisant pour résonner avec l’humanité du gladiateur, enfouie sous des tonnes de sables et des montagnes de cadavres.
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Je m’étais juré de ne pas pleurer, de ne pas verser la moindre larme, de garder la tête haute. Après tout, j’étais celle qui avait proposé l’idée, celle qui s’était jetée à corps perdu dans cette pensée malsaine. Une idée pour faire mal, pour lui faire du mal, faire du mal à ce monstre qui m’avait piégée dans son fil de soie.
Un Paon-du-jour qui supplie le Milan Royal de bien vouloir l’extirper de sa toile, de l’agripper dans ses serres acérées pour ne plus avoir, ne plus voir, ne plus subir le venin de cette araignée-loup installée vicieusement dans mon mental.
Me jeter à corps perdu dans d’autres bras pour faire mal… Pour lui faire mal en sachant pertinemment que j’allais subir sa colère, cette terrifiante colère, cette terrible rage aux mains qui ne devraient, pourtant, jamais être autre chose que des caresses, qui deviendront lourdes et marqueront ma peau de bleu, de rouge, de violacé… De sang.
D’aller et de retour, des mains qui agripperont mon cou avec toute la violence d’un homme qui sentira son pouvoir faiblir sur un mental pourtant si fragilisé. Un mental qui s’est vu inondé par la peur devenue instigatrice d’un comportement qui n’aurait jamais dû avoir lieu… Mais qui s’est vu nécessaire pour la survie. Une peur qui aurait pourtant dû laisser sa place à la colère, à la rébellion… Qui aurait dû le faire bien plus tôt dans cette vie.
Me jeter à corps perdu dans les bras d’un autre pour lui faire mal… Pour me faire du mal... Pour me montrer aussi, peut-être, sûrement, que je pouvais le faire. Que ce corps, aussi frêle qu’il paraît, aussi marqué qu’il en a l’air, était bien le mien. Un début, à l’époque, de conscience que, oui…
Je peux le faire…
Je peux choisir de faire ce que je veux de cette coquille. De cette enveloppe charnelle qui est la mienne et dont je dois être la seule maîtresse à bord. La seule maîtresse de ce que je veux en faire. Que si me vient l’idée de le détruire, de le malmener, de le saigner, de l’écorcher vif, j’en serais la seule responsable… Qu’il n’en serait que de ma faute à moi si j’ai une plaie, si je saigne, si je pleure, si j’ai mal… à moi…
Et à moi seule…
Un semblant d’un début d’une petite pensée à la fois salvatrice et destructrice qui s’insinuait doucement mais sûrement dans ma tête à cette époque. Comme cette discrète planète Mars qui est invisible pour celui qui ne prend pas la peine de s’habituer à la pénombre de la nuit avant de lever le nez au ciel pour observer son petit point rouge continuer sa route jour après jour, nuit après nuit.
Je m’étais juré de ne pas verser la moindre larme, parce que c’était mon choix, le mien, ma décision… et pourtant…
Une main qui vient recoiffer une mèche avec une grande délicatesse à l’arrière de mon oreille… Cette main que j’aurais voulu voir devenir des serres tranchantes. Lui vêtu d’une toge blanche et moi dans mon plus simple appareil.
Ses mots m’avaient touchée plus que je ne l’avais cru à l’époque. Un début de réponse à un appel à l’aide resté longtemps silencieux dans ce désert aride. Et surtout, un respect venu me percuter comme si j’avais été sur le dos d’un cheval lancé au grand galop pour finir par percuter un mur de plein fouet. Quelque chose qui venait de se briser en moi et qui, sur le moment, faisait mal mais serait libérateur à l’avenir.
Une larme, puis une autre, pas de visage qui grimace, pas de sanglots qui chantent, juste des larmes coulant comme une rivière inarrêtable qui quitte son lit pour se déverser dans les champs et enfin leur donner l’eau tant attendue, tant demandée, tant espérée.
J’étais là, restant pratiquement muette face à cet homme, moi, la vraie moi, et non pas cet… objet que j’étais devenue sous l’emprise du monstre.
La bouche légèrement entrouverte mais aucun son n’en sort, estomaquée par ce « petit bout de rien » qui n’est pas rien, tant il me scotche, moi qui voulais me faire mal et faire mal.
Alors je fais la seule chose que je sais faire, aller, doucement, d’un pas lent, me lover dans ce lit, sous ses draps et, pour la première fois, sans craindre qu’une main malveillante ne vienne se glisser là où elle ne devrait pas avoir sa place.
Et doucement, mes yeux se fermeront avant que Morphée ne vienne faire son œuvre et emporter mon esprit avec lui dans un sommeil étonnamment reposant. Et ce, même en sachant que le jour d’après allait être terrible.
Et, comme depuis la nuit des temps, la lune finit toujours par laisser sa place à l’astre solaire. Comme une éternelle valse, une ronde d’une danse qui ne finit jamais. Du rêve, je me suis réveillée, une nouvelle fois, dans ce sinistre cauchemar qui est le mien. Ouvrant doucement les yeux sur un soleil qui, délicatement, vient caresser mon visage de ses rayons qui, lentement, se lève sur cette nouvelle journée où je sais les douleurs qui m’attendent, où j’entends à l’avance les fracas des coups qui vont pleuvoir sur mon corps en cascade torrentielle.
D’un homme enragé de voir sa si petite proie prendre doucement conscience de son pouvoir.
Et je me redresse avec lenteur dans le lit de ce parfait inconnu et dont la seule chose que je sais de lui, c’est qu’il est né esclave puis est devenu un gladiateur de renom tout en gardant sa position d’esclave.
Bien évidemment, en bon soldat, il est déjà levé et est posé sur son balcon, observant le paysage qui s’offre à lui. Il a l’allure d’un sultan sous ce soleil du désert.
J’observe chaque trait qui s’offre à moi, de sa carrure taillée dans la pierre à sa chevelure et sa barbe noires entretenues. Mon sourcil viendra s’arquer sous les nombreuses interrogations, mais une en particulier tournera en rond entre mes cornes.
Pourquoi ? De la pitié, sûrement, envers cette pauvre femme qui, pourtant, s’était offerte à lui non pas dans un geste de désir mais bien dans le désespoir. Et il avait refusé, il avait refusé de tomber dans ce piège subtil d’un cœur et d’un corps qui cherchent à faire mal et à se faire mal.
Je finis tout de même par me lever, emportant avec moi ce drap blanc comme un vêtement pour me rapprocher de lui et venir me placer à ses côtés pour observer ce paysage. Il est tôt, et pour seule musique, celui des quelques oiseaux qui veulent bien nous offrir leur chant en cette matinée.
Je profite encore de ce silence, de ces quelques rayons de soleil, de ce moment de calme avant la tempête que je sais approcher.
Et puis, dans un murmure, dans un souffle discret.
- Merci…
Un simple mot, qui n’aura sûrement aucune valeur à ses yeux mais qui, pour moi, veut dire beaucoup dans un monde où la brutalité est mise continuellement à l’honneur.
Un petit mot de rien et de tout à la fois.
Et dans cette même continuité, je viendrai me positionner devant lui sans lâcher ce drap que je sers comme un trophée. Ma main libre viendra se poser délicatement sur son torse, comme une plume tombe avec douceur sur le marbre, alors que mes yeux d’or se poseront dans les siens.
- Tu as bien plus d’honneur et de respect que beaucoup d’hommes de ce monde… Tu deviendras quelqu’un de grand… J’en suis certaine… Tu n’es pas né pour être un esclave… Tu deviendras encore plus grand… N’en doute pas.
Doucement, mes lèvres viendront déposer un baiser sur son front avant que je ne m’éloigne pour revêtir cette affreuse tenue de courtisane. Tenue qui m’arrachera à ma paix pour me ramener à la tempête qui s’approche et dans laquelle je suis bien obligée d’avancer.
Et, malgré ma réticence à vouloir partir, je me rapproche de la sortie, me tournant une dernière fois dans sa direction.
- Je priais les astres pour toi, Tulkas…
Avant de partir rejoindre celui qui, comme je m’y attendais, ira déverser sa rage sur ce corps frêle qui est le mien, avant que l’heure ne sonne pour ce duel.
Talk so pretty, but your heart got teeth
Late night devil, put your hands on me
And never, never, never ever let go
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