Prophétesse
Siame
Messages : 208
crédits : 1365
crédits : 1365
Info personnage
Race: Ange
Vocation: Mage soutien
Alignement: Loyal mauvais
Rang: B - Cardinal
Agathokakological.
def: (nonce word) composed of both good and evil.
— Es-tu sûre Siame ?
— Je suis sûre. Mes visions ne mentent pas.
Ère des mortels, en -10 000.
Il faisait chaud, ce jour-ci. Sous le voile sombre du crépuscule, le soleil disparaissait lentement, laissant derrière lui un ciel rouge sang et les ombres menaçantes des montagnes. Plus loin, celles mouvantes de ses nobles ailes. Un vent brûlant, invitant, les caressait. Le regard de l'Ange se fixa sur le petit village, morne mais paisible en contrebas. Juché sur le flanc d'une montagne, rares étaient les voyageurs qui se risquaient jusqu'à cette partie reculée du territoire. Mais Siame avait été appelée. Elle entama sa descente, tandis que les minutes continuaient de s'écouler, dévorant les derniers rayons de lumière comme le prélude d'une sombre affaire.
De toutes les créatures pouvant se présenter à votre porte ; nul n'éblouissait votre destinée autant que les Anges.
Séduisants, fascinants, d'une beauté altière qui ne fanait jamais, ils resplendissaient sur les terres du Sekai, annonciateurs de bonheur et de protection. Néanmoins, attirer leur attention n'était pas toujours synonyme de bénédiction. Les pleurs d'un nouveau-né s'élevèrent sur le village, au moment exact où Siame posa pied à terre.
— Où se trouve-t-il ?
On s'était rassemblé à l'arrivée de l'Ange, délaissant le labeur de l'instant pour venir admirer la créature céleste. Pour la plupart, il s'agissait de la première fois. Un vieillard pointa du doigt la porte d'une hutte parmi les autres, de laquelle s'échappèrent à nouveau les sanglots d'une âme tout juste venue sur terre. Siame avisa le villageois, la sueur coulant sur son front ; le lin de ses vêtements usé par le temps ; les crevasses de sa peau, marquée par le soleil et l'éreintement d'une vie pénible. D'un bref hochement de menton, elle le remercia puis se dirigea vers la paillote. Ses ailes étaient si grandes qu'elles traînaient par terre, dessinant dans son sillon le souvenir patent de son passage. Autour d'elle les grains de sable fin brillaient comme des perles et la fièvre de la chaleur, sèche à drainer un corps, faisait vaciller l'horizon.
L'Ange frappa à la porte, attendit sereinement que celle-ci s'ouvre sur un homme aux traits tirés par l'angoisse. Elle l’avait vu dans ses rêves. Il présentait les joues creuses de ceux qui ne mangeaient pas toujours à leur faim. De l'intérieur s'échappa l'odeur âcre de la naissance et du sang. Ses yeux se posèrent sur Siame et, comme s'il l'avait toujours attendu, comme si sa présence avait été inévitable, il l'invita à entrer. Son entrée avait un goût de mauvais augure, comme l'amoncellement des nuages d'un orage qui se prépare. Dans un coin de la hutte, sur un lit trop petit pour deux, reposait la mère et l'enfant tout juste né, encore poisseux de l’épreuve qu’ils venaient de traverser. Les pupilles du bambins vinrent à la rencontre de l’Ange pour une salutation silencieuse.
— Déjà ? Le soleil n'est même pas levé.
— C'est une purge, qui a pour but de purifier cette terre, Phèdre. Notre mission ne connaît pas le sommeil.
Sa sœur ronchonne, se retourne sous les draps, quand à l'aube, Siame se lève pour quitter le lit qu'elles partagent.
— L'avez-vous nommé ?
Les draps de ce lit-là sont tachés. La peau mouillée de la mère, habituellement chaude et miel, est à présent exsangue et blanche comme la page d'un livre qu'il leur faudra bientôt tourner. Son époux l'accompagne dans un silence de mort. Lui a compris.
— Pas encore. Elle offre un regard las d'épuisement et pourtant chargé de tendresse à son compagnon. Mais nous avons pensé à...
— Bien. D'une main à la douceur de marbre, elle caresse le front de la femme. Siame repousse ses cheveux trempés par l'effort, son geste empreint d'une tendresse sans compassion.
Avec précaution, elle sépare l’enfant de la mère, prend le nouveau-né dans ses bras. Il gazouille, heureux, pourtant né déformé et par définition, trop hideux pour être autorisé à vivre. La mère semble l'ignorer, elle ne veut pas le voir, refuse d'accepter ce qu'elle a mis au monde. Elle a accouché d'une monstruosité, qui n'aurait jamais dû voir le jour.
— C'est plus difficile, lorsqu'un nom a été choisi. La voix de l'Ange est tranchante, porte tout l'insensibilité de son immortalité.
— Non. La mère secoue la tête d'abord doucement tandis que la réalisation la frappe. On lui arrache son enfant. Ses yeux s'écarquillent de stupeur, de déni. Non, répète-t-elle d'une voix étouffée. S'il vous plaît... Ses mots vacillent, s'entrechoquent contre les parois de son crâne.
La main qu'elle a levée en direction de l'Ange faiblit et retombe, comme sa volonté : impuissante. Son homme, lui, ne se bat pas ; ne conteste pas. Il prend son épouse dans ses bras. Dans son malheur il voit sa chance ; car la plupart du temps, les mères ne survivent pas. Elles meurent, aussi silencieusement et naturellement que fanent les fleurs, laissant derrière elles époux et enfant.
— Il apportera le chaos et la destruction sur ce monde. C'est l'ordre des choses. Elle le dit comme une évidence. Ses visions sont claires et l'Ange ne les questionnent pas.
— Je vous en supplie, il vient de naître, c'est juste un enfant innocent.
— Je n'ai pas demandé une description. La voix est douce, les mots sont durs.
Siame comprend leur peine, mais est incapable de s'en émouvoir. Que représente une vie si éphémère pour une créature pour qui le temps ne connaît pas de limites ? Leurs visages, elle les oubliera. Leur douleur aussi.
Quand l'Ange ressortit de la hutte, une froideur glaciale avait remplacé la chaleur, enveloppant désormais le désert nocturne, où un silence résonnait sous un ciel à la noirceur infinie.
J'ai fait de mauvaises choses pour de bonnes raisons.
Et je le ferai encore.
CENDRES
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum