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    Citoyen du monde
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    Louise Aubépine
    Louise Aubépine
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    Info personnage
    Race: Démon
    Vocation: Mage - Elémentaliste
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    Rang: S
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t183-louise-aubepine-protectrice-du-sekaihttps://www.rp-cendres.com/t257-amities-sinceres-louise-aubepine#859https://www.rp-cendres.com/t256-les-enseignements-du-passe-louise-aubepine#857
  • Jeu 1 Fév - 1:15
    Démoniaques philosophies

    Assise en tailleurs sur son lit de fortune, Louise se tenait la tête d’une main tremblante. Depuis les événements récents visant à purifier l’arbre monde, la vision que l’arbre avait inséré en elle et l’étrange acte de de son compère démoniaque, la blonde n’était clairement pas au meilleur de sa forme. Elle ne parvenait plus à trouver le repos et les images de sa mutation incomplète lui revenait en mémoire dès lors que ses paupières se fermaient.

    Ayant fait le chemin allé avec Dactyle et Naa et espérant pouvoir fêter leur réussite en bonne et due forme à leur retour en compagnie d’anciens et nouveaux alliés, elle s’était retrouvée bien peinée lorsqu’elle se retrouva à marcher de longues heures, portant Naa sur son épaule ou sa tête selon l’humeur féerique de l’être de lumière.
    Elle était finalement rentrée au camp et Naa lui avait expliqué qu’elle avait quelques préparatifs à faire avant de lui souhaiter bon courage pour la suite des événements.

    Se retrouvant seule dans un camp de fortune malgré quelques shoumeiens qui vinrent à sa rencontre pour lui demander quand-est-ce que les veilleurs de l’aurore prendraient enfin des actions concrètes pour eux, la grande brûlée se sentait bien pathétique. Sans compagnon, la démone perdait toute la joie, l’assurance et la façon dont elle irradiait d’espoir. Un tel comportement était certainement puéril, mais ses proches se trouvaient être, littéralement sa force et son énergie.

    Elle avait commencé à douter, à balbutier devant ceux qu’elle avait promis de protéger. Et nauséeuse, la démone avait finalement expliqué que le chemin du retour avait été plus qu’éprouvant et qu’elle avait besoin de se reposer et de réfléchir à la suite des événements.
    Au début, elle plaça sa déprime passagère sur le coup de la fatigue mentale mais bien vite, cette dernière s’était rendue compte qu’un autre paramètre était à l'œuvre. Quoi que Savoir lui ait fait ce jour là, il avait éveillé quelque chose en elle. Quelque chose qui voulait sortir, qui refusait de rester enfoui. Comme une pensée inconsciente qui se débattait au sein des réflexions de la démone.

    L’espace d’un instant, elle avait goûté à un pouvoir qui la fascinait autant qu’il l’effrayait. Au début, elle essaya de se justifier, avec un tel pouvoir, elle serait capable de mener les veilleurs d’une main de maître afin de pourfendre le mal et d’éradiquer les fanatiques afin d’apporter des lendemains heureux, mais la réalité était tout autre. Ce sentiment de possibilités infinies s’était montré particulièrement grisant et Louise regretta très rapidement d’avoir eu ce genre de pensées. Elle avait peur de dévier ainsi de sa morale en se laissant aller au plaisir de nouvelles capacités. Plus jeune, on lui avait enseigné que la magie pouvait se montrer autant dangereuse qu’harmonieuse selon qui et comment cette dernière était employée. Et l’idée de faire plier le genou aux fanatiques lui avait paru, l’espace de quelques instants, particulièrement agréable. L’idée de les regarder de haut, se moquant de leurs choix inconsidérés de suivre de fausses divinités au lieu de se ranger derrière elle comme toute personne sensée.

    Était-ce réellement ses pensées ? Elle qui désirait plus que tout une entente diplomatique autant avec les fanatiques que les titans ? Après tout, elle aussi les priait, bien qu’elle faisait passer les ambitions du Sekai avant sa propre foi. Comment pouvait-elle se permettre, ne serait-ce qu’avoir la moindre réflexion de se sentir supérieure à ses âmes égarées ?

    En un mot comme en cent, Louise perdait peu à peu pied avec la réalité, doutant de qui elle était et de ce qu'elle désirait. Se retrouver seule à ce moment précis ne faisait que renforcer ses doutes. Sans un visage amical, un oreille attentive ou simplement une épaule sur contre laquelle s’appuyait, la meneuse des veilleurs perdait de son éclat.

    Secouant finalement la tête pour chasser ces pensées parasites, elle attrapa le pichet d’eau reposant à côté de sa couche pour en boire le contenu à renfort de grandes gorgées et, voyant que ça ne calmait pas son malaise, elle se leva pour en verser le reste sur son visage avant de se frapper les joues de ses mains.

    Elle avait tendu la main à Myriem, elle n’était pas une assoiffée de pouvoir et le but des veilleurs n’était pas de la placer sur un piédestal mais bien de libérer le Sekai des maux qui le rongeait. Ses pensées étaient forcément fausses, tel un mal insidieux qui s'était introduit en elle. Peut-être était-ce là une conséquence au geste de Savoir ? Il s’agissait probablement là de la réponse la plus simple ainsi qu’espérée par l’Aubépine, terrifiée à l’idée que quelque chose ne fonctionne pas en elle. Si elle agissait comme figure de proue pour les veilleurs, il était de son devoir de ne pas faillir, de se montrer irréprochable et sans le moindre défaut. Pourtant, elle était une créature faillible tout comme chaque membre de ce camp et n’avait jamais éprouvé cette arrogance qui était aux antipodes de la personne qu’elle désirait être.

    C’est forcément la faute de Savoir, pensa-t-elle alors, n’arrivant pas à assumer que le souci était autre. Une discussion s’imposait et elle n’hésiterait pas à l’attraper dès lors de son retour avec Dactyle.

    La démone se dirigea en direction d’habits simples qu’elle avait préparés la veille afin de les enfiler. Ne voyant pas d’utilité à porter son armure et ne se sentant pas encore suffisamment en état pour se permettre d’ajouter le poids d’une armure pour la journée, Louise laissa son équipement dans sa tente. Espérant aussi qu’elle passerait peut-être un poil plus inaperçue au sein du camp, ne se sentant pas capable de tenir ses longs discours habituels.

    Malheureusement pour cette dernière, Hubert Hauvent, un ancien chevalier de l’ordre Shoumeien, autrefois fanatique puis rangé sous la bannière des veilleurs, l’attendait à la sortie. Bras croisés.

    —Louise, commença-t-il sans prendre la moindre pincette. Les réfugiés ne tiennent plus. Personne n’a dormi dans un véritable lit depuis presque un mois, les nuits sont froides et humides. Lorsque la pluie tombe, nous peinons à tous nous abriter. Nous manquons de matériel, de tentes, d’armes et surtout, de vivres. Si nous ne faisons rien, les plus courageux finiront par tomber malades. Les autres… iront vers de plus vertes contrées. Nos forces sont au plus bas, et bien que Dactyle et toi ayez entrepris quelques actions afin d’aider l’arbre monde, tout ne s’est pas déroulé comme prévu. Une menace semblable à un titan nous attend à la capitale, qui sait lorsqu’elle se décidera à se mouvoir. Beaucoup trop d’hommes et de femmes veulent mettre le plus de distance entre eux et cette émanation magique. Tu dis vouloir tendre la main au Sekai tout entier, mais regarde l’endroit dans lequel tu les accueille ? Pourquoi voudraient-ils suivre les veilleurs alors que Maël et le glorieux Reike sont seulement à quelques jours de marche ? La réalité c’est que si nous ne prenons pas des mesures drastiques au plus vite, plus personne ne fera vivre ce camp.

    —Les mots sont durs, balbutia la démone, giflée en plein visage par ce retour au monde réel. Je ne me sens pas très bien, Dactyle n’est pas encore revenue et je voulais son avis pour-

    L’ancien chevalier la coupa.
    —Non. Nous sommes en temps de crise, que vont penser les réfugiés s’ils voient la personne en charge du camp dans un état si lamentable ? C’est dur pour tout le monde et nous n’avons pas le temps d’attendre que tu questionnes l’intégralité du camp pour recevoir leur bénédiction. Dactyle est partie gambader dans la forêt à la recherche de fanatiques, grand bien lui fasse. Mais elle agit, c’est son rôle de fille ténébreuse. (Il esquissa un sourire.) Toi, ton rôle c’est de faire marcher ce camp, d’être notre phare dans la nuit. Non, ne commence pas à dire que ce n’est pas vrai ou je ne sais quelle excuse. Nous avons tous un rôle ici. Et si tu veux que ta vision de créer un Sekai à l’abri des dangers avec un renouveau de notre nation se réalise, alors tu dois saisir le rôle qui t’incombe à bras le corps. Assume ton rôle de cheffe ou tu subiras le prix de ton inaction. Nous avons déjà quelqu’un qui nous a quitté, veux tu réellement répéter l’expérience ?

    Suite à cette claque de réalisme, Louise cligna des yeux un moment, sembla sur le point de répliquer mais ne trouva aucun mot à placer sur ses émotions. Refermant ses lèvres, elle baissa la tête, pensive. Elle avait peur de se tromper. Peur de faire un mauvais choix. D’envoyer ses amis et les gens dont elle avait la protection à une mort certaine suite à une erreur tactique. Et pourtant, les mots du chevalier jouaient la mélodie de la sincérité.  C’était certes un tantinet pompeux de se considérer comme celle faisant office de figure aux veilleurs et pourtant, tout ceci découlait de son initiative.  Elle devait prendre les choses en main, mettre un grand coup dans la fourmilière et arrêter de se reposer exclusivement sur Dactyle et Déchu. Si le rôle de Dactyle était bien d’agir dans l’ombre, le sien était de faire naître l’espoir dans le cœur d’autant de gens que possible. Pour le futur, pour Shoumei, pour le Sekai. Il était grand temps que les veilleurs entrent dans la danse.

    Prenant une longue inspiration, Louise s’exprima, tentant de ne pas fourcher ou hésiter sur les mots.
    —Hubert. Prépare moi un parchemin, une plume et de l’encre. Je veux un coursier prêt dans la minute pour joindre les terres de Boktor, non loin de Maël. Nous allons profiter de notre nouvelle alliée pour lui demander de garder les réfugiés quelque temps. Pendant ce temps-là, nous allons commencer notre sauvetage de Shoumei. Nous allons reprendre un village afin d’en faire officiellement notre base d'opérations. Que les titans m’emportent si nous dormons toujours dans des tentes d’ici plusieurs mois. Nous allons faire revivre Shoumei et peu à peu, nous libérerons le reste de notre nation. Les alliés se grefferont à nous lorsque l’ampleur de nos actions fera parler de nous. (Elle hocha du chef avant de s’empourprer un peu.) E-enfin si tu veux bien, je n’oblige pas ou qu-

    —A vos ordres, cheffe, la coupa l’homme qui se mettait déjà en route, souriant d’avoir enfin quelqu’un prenant des décisions.

    —Merci Hubert, et autre chose, continua-t-elle aidée par la bénédiction du soldat. Je veux que quelqu’un retrouve le Déchu. J’en ai marre de le voir disparaître comme bon lui chante sans nous prévenir de sa position. Il ne doit pas être bien loin, ce n’est pas comme s’il y avait beaucoup de points d’intérêts où se promener dans le coin. Tentez Maël. S’il ne s’y trouve pas, explorez proche des campements d’appoint. J’ai peur qu’il fasse quelque chose de regrettable avec le mal qui le pèse depuis notre combat contre les racines. S’il le faut, arrêtez-le. Sans lui faire de mal si possible. Dans le cas contraire… (Elle grimaça, n'appréciant pas ses propres mots.) Alors maîtrisez-le par la force. Je le sais assez costaud pour encaisser quelques coups de pommeau sur la tête. Il devrait s’en remettre.

    L’homme hocha du chef avant de s’atteler à la tâche. Quant à l’Aubépine, cette dernière se rendit de nouveau au sein de sa tente pour enfiler son armure, attacher son épée à la ceinture et son bouclier dans le dos. Si elle devait être le phare de ce campement, alors il était de son devoir de se montrer indéfectible.

    Sortant de sa tente, faisant voler la toile d’entrée d’un revers de la main, elle se dirigea vers le centre du camp. Saluant ceux qu’elle croisait d’un sourire amical sans pour autant ralentir son allure. Le temps qu’Hubert ne prépare ce dont elle avait besoin, elle se devait de faire un discours afin de ne pas laisser l’espoir dans le coeur des réfugiés s’étouffer. Et alors qu’elle commença à demander de l’aide afin de mettre quelques caisses au centre pour se donner un peu de hauteur afin d’attirer l’attention, le vent se leva d’un coup. L’air ambiant crépita et le centre du camp commença à se distordre autour d’un point flottant. Les familles commencèrent à s’écarter, certains crièrent que les titans attaquaient.

    Ne pouvant utiliser ses capacités d’analyse magique, Louise tira sa lame en prévention tandis que quelques anciens fermiers et robustes paysans se placèrent à ses côtés, armés de fourches et autres armes de seconde main.

    —Restez sur vos gardes ! Personne n’approche tant qu’on ne sait pas de quoi il s’agit !

    Décidément, il se passait toujours quelque chose en Shoumei, ironisa intérieurement la démone. Un endroit parfait pour les âmes en appétit d’aventure.

    Et enfin, après quelques secondes, le flux se stabilisa et la réalité reprit son cours avec, à l’endroit de la distorsion jadis, Savoir accompagné de Dactyle. Voyant la seconde de l’ordre, quelques-uns baissèrent leurs armes, d’autres, terrifiés par la seconde apparition, reculèrent d’un pas. Refermant leurs prises sur leurs armes.

    —Baissez vos armes ! cria Louise après un moment de surprise, rangeant son épée à son tour. —Il s’agit de Savoir, un allié précieux. Il ne mord pas promis. (Enfin, pas ses alliés. Et puis, il n’avait guère de dent à première vue donc ce n’était pas nécessairement un mensonge.)

    Louise s’enquit rapidement de la santé de son amie. S’assurant qu’elle n’était pas blessée, auquel cas elle se montrera insistante quant à l’obligation pour cette dernière de prendre du repos et de panser ses plaies.


    —Sinon tous les deux… Comment ça c’est passé ? Vous avez pu trouver nos ennemis ?

    Elle nota la réponse dans un coin de son esprit avant de se tourner vers celui qu’elle redoutait. Savoir. Une créature démoniaque autant intrigante que dangereuse. Elle avait attendu patiemment de pouvoir enfin échanger avec lui et maintenant qu’il se trouvait devant elle, ses doutes faisaient surface à nouveau. Ses pensées s’envolèrent vers les mots durs mais justes d’Hubert et elle comprit qu’il était malavisé de fuir cette discussion inévitable.

    —Marchons un peu, commença-t-elle en faisant signe au démon de la suivre. Vous ne faites pas vos arrivées à moitié. Je pense ne pas être la seule à avoir été prise de panique. Ne faites pas attention aux regards que vous portent les gens, ils ont vu tellement de choses ces derniers jours qu’il est difficile de les voir capable de se relaxer. C’est que, votre apparence n’attire pas forcément la confiance aux premiers abords. E-enfin, loin de moi l’idée que vous ressemblez à un monstre au contraire et euh… (Voyant qu’elle s’enfonçait, la femme aux cheveux de paille soupira.) J’ai confiance en vous, moi. Nous devons discuter de nombreuses choses. De qui vous êtes et de ce qui vous pousse à combattre les titans pour commencer. Je pense sincèrement que vous serez un atout non négligeable dans notre effort pour protéger le Sekai et j’aimerai vous avoir à nos côtés. Mais chaque chose en son temps, nous avons beaucoup à voir. Heureusement, nous avons également le temps nécessaire. A moins que Naa n’arrive pour nous annoncer une nouvelle catastrophe, ce qui serait plus que fâcheux. Nous méritons un peu de repos. (Un sourire naissant apparut avant de rapidement laisser place au doute.) Et… il y a cette chose qui s’est produite dans la grotte. Je ne sais pas ce que vous avez fait, enfin, si je vois dans la théorie. Mais depuis, je ne me sens plus moi-même. J'aimerais davantage d’informations quant à ce que vous avez fait.

    Elle s’arrêta dans sa marche, commençant à indiquer sa tente avant de se rendre compte que le démon serait possiblement à l’étroit au sein de cette dernière. Et puis à la vue de l’usure dont faisait preuve la toile, elle n’allait pas les protéger bien longtemps du vent qui commençait à se lever. Alors, elle continua de marcher tout en prolongeant la discussion. L’idée d’occuper ses jambes l’aidait à s’exprimer, encore mal à l’aise quant à ses arrogantes pensées.

    —Cela dit, je dois vous remercier de nouveau pour ce que vous avez fait. La vision octroyée par l’arbre m’a donné une idée. Idée à laquelle j’aimerai que vous participiez. Mais nous y reviendrons un peu plus tard. Pour l’heure, Savoir, parlez moi de vous.

    Elle lui offrit un sourire encourageant.
    Autant commencer par les sujets les plus simples pour se donner la force morale d’évoquer ce qui la pesait plus tard.

    CENDRES


    Arme des Veilleurs
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    Race: Démon
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  • Lun 5 Fév - 0:24


    ”Apologétique. Navré Dactyle, les choses ne se sont pas passées comme prévues. Nous te remercions néanmoins de ta précieuse aide.”

    Le Démon n’a pas l’air de se soucier de la panique palpable que son apparition soudaine au sein du campement des Veilleurs de l’Aurore suscite chez les quelques rescapés qui les entourent. Il s’adresse à la lycanthrope avec laquelle il vient de passer les derniers jours à traquer les différents fanatiques repérés par Changement à Bénédictus, et malheureusement leur chasse ne s’est pas avérée être un franc succès, s’ils ont tout de même réussis à renforcer la pression des Veilleurs sur ces âmes égarées, ils ne sont parvenus ni à stopper complètement leurs exactions ni à mettre à terre l’un d’entre eux. Ils avaient donc dû se résigner à partir de Bénédictus et à cheminer jusqu’ici pendant que le Démon récupérait sa mana, à partir de quoi il a pu sonder l’esprit de Dactyle pour récupérer l’emplacement du campement et achever leur trajet à la téléportation. La lycan exténuée entreprit de partir se reposer tandis que l’être surnaturel, dépourvu de fatigue physique par la singularité de son enveloppe charnelle n’éprouve nul besoin de dormir ou de marquer de pause.

    Ica reporte donc son attention sur une vision plus agréable que celle de leur décevante aventure, celle de Louise Aubépine qui vient à leur rencontre. La capitaine des Veilleurs s’occupe tout d’abord de son amie embarquée par le Démon depuis trois jours et l’inspecte sommairement avec une inquiétude qui se lit sur son visage avec autant de facilité que la fatigue qui marque encore ses traits. Étrange. Savoir a déjà interagis à deux reprises avec cette soeur là et à chaque fois il était étonné de constater les similitudes entre le fonctionnement de la psychée de la blondinette et celui des mortels, certaines de ces ressemblances semblaient s’étendre également sur le plan physiologique et c’était un phénomène encore plus curieux que le Démon de la Connaissance est curieux d’explorer d’avantage. Cependant, une fois que la chef des lieux eu finit de parler à Dactyle, elle se retourna vers lui avec une expression résolue. Visiblement elle avait bon nombre de choses à lui dire. Savoir s’en doutait un peu, il était normal après tout pour Louise d’avoir une multitude d’interrogation, si elle est réellement persuadée d’être la semblable des Mortels, si elle est autant capable de comprendre et d’émuler leur psychologie et leur comportement, alors effectivement les récents évènements que le Premier du Compendium avait provoqué en elle avaient dû être un profond chamboulement de ses convictions. Acceptant l’invitation à déambuler dans les rangs du campement pour discuter, Savoir emboîte donc le pas à Louise de ses jambes difformes et ramifiées. Il l’écoute justifier le comportement à cran des autres réfugiés Shoumeïens, et lorsqu’elle semble s’empêtrer dans des formalités, l’oeil d’Ica ne ressent ni amusement ni offense de la remarque, ce n’est qu’une constatation factuelle que sa propre anatomie est atypique en comparaison du reste de la mortalité qui évolue sur Sekaï, il est donc normal que les peuples, dont une des plus grandes craintes est celle du changement et de la différence, ne soit pas à l’aise en sa présence. Il a l’habitude des premiers regards anxieux, tout comme il a l’habitude de la méfiance des mortels, après tout même les chercheurs des Fondateurs se comportaient souvent de façon extrêmement précautionneuse autour de lui, normal donc d’en attendre autant de la part de parfait inconnus.

    Il suit donc la progression du laïus de sa soeur avec attention, Ica écoute la moindre de ses paroles tout en regardant autour de lui pour acquérir le plus d’information possible sur le campement. D’après Dactyle il s’agissait là de ce qui pouvait s’apparenter à un centre d’opération pour les récemment fondés Veilleurs de l’Aurore, mais tout ce que le Démon voit ce n’est qu’un ramassis précaire de réfugiés fatigués, malnutris, fragiles et érodés par la guerre. Les quelques tentes et abris sommaires sont à peine suffisant pour réellement protéger du froid et du vent, et les ressources à leurs disposition sont, d’après l’oeil obsessionnel, insuffisantes pour garantir la pérennité d’un aussi grand nombre d’individus. Quant aux capacités de combat potentielles, Savoir jugeait rapidement d’après l’état corporel et la carrure des réfugiés qu’il ne s’agissait pas exclusivement de militaires ou d’anciens soldats, mais majoritairement de paysans ou du moins de personnes dotées d’un passé martial limitée. C’est un début, mais vastement insuffisant pour mener une riposte contre les armées des Titans, sans parler des dieux eux-mêmes.

    Alors que Louise conclut enfin sur l’expression plus personnelle de ses propres sentiments, ses propos éveillent en Savoir le picotement d’une conscience qui ne s’était jusqu’alors jamais manifestée devant la petite blonde, celle d’un oeil doté d’une puissance de feu similaire, mais d’une psychée émotionnellement plus à même de résonner avec le discours de sa soeur. Ica laisse sa place sans protester pendant que la membrane protectrice bleutée se manifeste lentement par magie autour de l’oeil violacé, et sur un autre globe haut-perché au volume massif la même paupière se désintègre pour révéler une iris marron. Avec sa grande iris aux filandreux épithélium brun noisette et sa voix associée plutôt masculine et chaleureuse, Comp émerge enfin devant Louise et prend la parole avec son usuel ton profond, calme et rassurant:

    ”Bonjour Louise, enchanté, je crois que c’est la première fois que nous nous rencontrons. Je suis Comp, et nous sommes Savoir.” L’attitude même de sa silhouette se module, Savoir se redresse, ses mains passent dans son dos et sa démarche se fait plus paisible, les organes exposés de son torse se mettent à battre comme s’ils avaient soudainement ressuscité et la masse de filament organique cesse de gesticuler pour se donner un semblant d’ordre. ”Je suis ravi de constater que notre action tantôt dans cette grotte t’as été bénéfique, je me doute que tu aies bon nombre de questions à poser, ça tombe bien, nous avons justement des réponses à t’apporter.”

    L’oeil de Comp, contrairement à Ica, ne fait pas promener son regard à droite ou à gauche pour relever l’état du campement, au contraire il reste majoritairement fixé en direction de Louise. Si l’oeil obsessionnel est principalement préoccupé par l’accomplissement du quelconque objectif qu’il se fixe dans l’instant et ne se soucie guère des détails superflus, l’iris empathique au contraire s’adonne à observer les gens, saisir leur comportement, leurs actes, leurs réactions, relever les indices sur leurs visages pour ensuite les coupler à ce qui se terre dans leurs esprits et mieux capter les complexes mécanismes psychiques de ceux pour lesquels il se bat. Comp dévie occasionnellement son regard de son interlocutrice pour ne pas la mettre mal à l’aise à cause d’une insistance trop appuyée, mais reviens toujours renvoyer le regard de sa soeur. Tout ce comportement est la résultante d’une étude méticuleuse et prolongée de Savoir sur les mortels qu’il a côtoyé, un mimétisme calculé pour parvenir à imiter ce qu’il ne possède ni ne convoite.

    ”Nous sommes donc Savoir, Démon de la Connaissance. Lorsque nous nous étions vu pour la première fois, il me semble qu’Alys s’était introduite à ton groupe comme étant le Gardien d’Azshary, or ce n’est plus tout à fait exact. La capitale de l’empire des Fondateur n’est désormais plus qu’un tas de ruine, mais nous participions effectivement à sa protection du temps où elle était encore debout. Nous nous étions également présenté comme le Premier des Sept.” Comp jette son regard autour d’eux en faisant pivoter son oeil sur le filament qui le soutient, il reprend, ”J’apporterai cependant des précisions là dessus un peu plus tard, il y a certaines informations qui ne doivent pas s’ébruiter parmis le commun des mortels.” en l’occurence l’existence du Compendium fait partie des informations que Savoir classifierait comme dangereuse entre de mauvaises mains. Pas nécessairement pour son espèce, mais plutôt pour celle de la mortalité. ”Tu as pu constater que nous possédons plusieurs yeux, nous avons été généré par la soif de connaissance des mortels, et en tant que tel nous représentons ensemble l’éventail de ce que la curiosité suscite dans les coeurs. Je crois que tu as déjà aperçu Ra, Ica et Alys. Ra possède une iris verte et jaune, il n’oublie jamais rien, enregistre tout ce qu’il entend et voit et est d’un curieux sans pareil. Ica est le plus acharné d’entre nous, il possède la même détermination résolue des chercheurs qui se jetteront coûte que coûte dans le noir au nom de la découverte. Alys est plus spéciale, elle fait preuve d’une très forte capacité de traitement et de logique, je reconnais qu’elle peut être un peu intimidante pour certains. Je m’appelle Comp, à ton service, et il existe également deux autres pupilles…” L’oeil marque une pause pour chercher les mots les plus adaptés. ”Éva est… la Juge. Ton jugement Louise, viendra d’ailleurs certainement tôt ou tard, dis-moi, est-ce que tu as recouvré l’usage de ta magie?” Le Démon s’arrête de marcher, se tourne vers sa soeur et abaisse le fil qui porte Comp pour amener sans se pencher le globe oculaire à hauteur de visage de Louise, en l’absence de paupière, l’organe possède une expression toujours aussi neutre qu’à l’accoutumée mais en raison de la taille imposante de l’iris brune et de sa ressemblance frappante avec l’oeil d’un humain, il y a une similitude trop proche avec un mortel mais toujours trop éloignée pour tomber tout juste dans un entre-deux étrange.

    Le fait que la réponse apportée par la blondinette à Savoir soit négative le contrarie fortement, il y a quelque chose d’anormal dans cette condition dont elle semble souffrir. Normalement après avoir retrouvé les Veilleurs de l’Aurore la dernière fois il y a quelques jours, Savoir aurait préféré rester ce coup-ci à leurs côtés tout du long, il n’avait pas osé les côtoyer après avoir brisé les racines de l’Arbre-Monde parce que la corruption mentale dont il avait souffert s’était révélée redoutablement dangereuse. Une précaution qui s’était d’ailleurs révélée justifiée puisqu’il avait ensuite passé un mois à faire de nombreuses victimes parmis les rangs des Cultistes de l’ombre, des fanatiques pro-titans et des rescapés shoumeïens sans distinction à force de traquer les cellules de croyants. Il avait même croisé une soeur qu’il avait failli abattre tant le mal s’était profondément ancré en lui jusqu’à en perturber sa logique et son fonctionnement. Non, si cette fois il était parti de la caverne sans se retourner suite à la vision que l’Arbre-Monde lui avait offert, c’était parce qu’il avait eu besoin de réfléchir posément avant de recontacter Louise. La compagnie de Dactyle lui avait permis d’en apprendre plus non seulement sur les Veilleurs mais aussi sur le caractère de la meneuse, et à la lumière de tout les éléments dont il bénéficiait maintenant il avait échaffaudé quelques hypothèses. L’absence de magie de sa soeur malgré leur retour de la caverne pouvait ou bien faire s’effondrer son chateau de suppositions, ou bien justement confirmer une des suggestions qu’il avait établi. Il n’y avait pas cependant pas beaucoup de moyen d’écarter les doutes sur la vérité, Savoir tend son bras déformé en direction de Louise et gesticule les serres osseux pour l’inviter à lui prendre la ‘main’:

    ”Je me permet cependant de te contredire sur un point.” La voix pourtant posée de Comp devient soudainement plus lugubre. ”Nous n’avons pas de temps Louise. Il y a trop à faire pour que nous puissions nous permettre d’être oisif, depuis que je me suis libéré de l’endroit où j’étais enfermé, je n’ai eu de cesse d’arpenter Sekaï jours et nuits pour retrouver mes six Soeurs, de réunir des informations et des Champions pour affronter les Titans. Après la destruction des racines je suis parti combattre le Culte, et j’ai traqué les fanatiques pendant ces derniers jours. Vois-tu, chaque seconde compte Louise, alors je t’en prie, ouvre moi ton esprit, que nous connaissions également ton histoire. Il y a quelque chose dont nous devons nous assurer, un point d’ombre que nous avons besoin d’éclaircir à ton sujet.”

    Sa soeur ne refuse pas catégoriquement de se livrer magiquement à lui, mais elle objecte en lui expliquant que sa vie n’a rien de si intéressant à explorer.

    ”Nous ne cherchons pas l’extraordinaire, bien au contraire c’est justement ce qui constitue ton ordinaire que nous souhaitons passer au crible.” ajoute donc Comp en soulevant un peu plus sa main pour inviter Louise à la saisir. ”Conte moi ta vie par tes pensées.”

    Lorsqu’elle accepte finalement de poser ses mains frêles sur ses appendices crochus, la mana de Savoir s’insuffle une fois de plus dans le corps de la meneuse, mais contrairement à l’intrusion survenue dans la grotte de l’Arbre-Monde ce n’est cette fois qu’au travers de sa magie psychique et non de son essence démoniaque. L’oeil attentif de Comp observe les traits concentrés de la sondée pendant que sa mana afflue au cerveau et se concentre sur la lecture de ses souvenirs, dans sa propre conscience, le Démon de la Connaissance voit défiler la vie d’une petite fille tout ce qu’il y a de plus banal. Une gamine qui manquait de confiance en elle et avait du mal à se faire des amis, mais qui était animée par un amour presque inconditionnel pour son père. Une gamine qui s’appliquait avec sérieux dans ses études pour gagner par la force de ses actes la fierté de son unique parent. Une gamine qui a vécu en se nourrissant de rêve, de fantasmes et d’espoir. Une gamine.
    Savoir découvre ensuite la tourmente qui avait suivi son réveil, les instants d’égarement tant moral qu’émotionnel où la jeune femme ne parvenait à trouver de soutien qu’en les quelques compagnons de fortune qui l’entouraient. Une jeune femme pleine de doute sur le sens même de son existence. Une jeune femme mue par l’espoir de triomphe, sans qu’aucune fierté ne soit à la clé si ce n’était le droit d’exister. Une jeune femme qui vit en se nourrissant d’espoir. Une jeune femme.

    Rétractant abruptement sa mana, Comp est maintenant persuadé d’avoir eu ce qu’il voulait, et semble réfléchir un instant en suspens tandis que Louise paraît émue d’avoir revisualisé ces instants de sa vie, déterrés par la fouille mentale du Démon oculaire. Parmis les hypothèses que Savoir avait forgé au sujet de cette soeur si singulière, une d’entre elle lui prêtait le rôle d’un démon de la tromperie ou du mensonge, c’est une supposition encore tout à fait possible, mais le rasoir d’Occam qui s’avère si souvent juste supporte plutôt d’autres théories, et ce que Comp vient tout juste de voir corrobore ces appuis un peu plus loin. Que faire maintenant? Doit-il même la remercier de s’être ouverte à lui? De lui faire confiance avec ses souvenirs? Comp considère attentivement le pour et le contre, il calcule froidement son comportement… si tout ce qu’il vient de voir est effectivement réel, et que Louise n’a toujours pas récupéré sa magie, alors il vaut mieux…

    ”Louise.”

    Savoir reste là, ayant simplement prononcé le nom de la Démon comme s’il comptait lui déclarer quelque chose d’important ou de solennel, mais rien de vint. Il est juste debout devant elle, ses serres repliés sur sa main sans vouloir la laisser partir.

    Puis d’un seul coup tout change.

    Les tentes du campement ont disparues, l’ambiance tristement optimiste des rescapés qui joignaient les deux bouts en maintenant un semblant de gaieté a laissé sa place à un silence pesant, modulé uniquement par les vents arides qui soufflent leur air sec et acerbe sur le plateau où ils sont désormais. Bénédictus, jadis capitale culturelle et religieuse du Sekaï, disposait avant sa destruction de bon nombre de temples somptueux dédiés à la vénération des Titans et ces cathédrales faisaient la fierté de l’ancienne fédération, mais il y avait également un autre type d’architecture qui émerveillait les visiteurs et les pélerins de par la maîtrise shoumeïenne des compositions florales et du paysage vert: les jardins. Les Jardins Suspendus de Jiroquai étaient auparavant une superficie de bosquets fleuris et de senteurs bariolées s’étendant sur plusieurs centaines d’hectares et entretenus par les prêtres du temple éponyme. Ces lieux débordaient jadis de vie et le tableau peint par les mariages arborescents, les rigoles d’eaux vives et les parterres de fleurs savamment orchestrés composaient une ode à la beauté du monde qui, selon le plaisir coupable des ecclésiastiques, faisait la fierté d’Aurya même. Les jardins suspendus possédaient un système d’irrigation ingénieux qui permettait l’écoulement des eaux en hauteur pour l’acheminer dans toute la surface, dessinant au travers de sa superficie des labyrinthes et des promenades sinueuses alliant parfaitement l’équilibre entre la beauté éphéméride de la nature et le savoir-faire durable des mortels. Ces eaux d’une pureté enviée dans le pays servaient parfois à l’eau bénite des grandes cérémonies et certaines rumeurs prêtaient justement l’abondance exubérante des Jardins de Jiroquai à des propriétés cachées de cette eau nourricière. Les balades entre les artistes qui venaient immortaliser ses paysages et les aspirants religieux qui priaient à chaque pas sur le chemin vers le temple constituaient un incontournable des visites des terres de Bénédictus.

    Aujourd’hui il n’en restait plus rien.

    Le duo de Démon est debout sur la grande place devant les ruines du Temple de Jiroquai. À gauche de Louise, le spectacle de désolation des terres arides craquelées et sèches qui s’étendent à perte de vue remplace le panorama autrefois somptueux des Jardins, il n’y a plus rien qui puisse suggérer la présence des verdures si ce n’est les brisures morcelées d’argile des rigoles qui jonchent le sol, dessinant parfois encore ça et là les anciennes allées des Jardins. À sa droite, les ruines du Temple. La façade est éventrée par une faille béante crée par l’attaque d’un Titan ou d’une de leurs engeances, le toit est effondré vers l’intérieur et les débris éparses jonchent les charpentes des ailes annexes du Temple. Derrière le bâtiment, la falaise de laquelle sortait les sources miraculeuses est maintenant tarie par la corruption titanesque et les restes de traumatisme qui ressortent partout où le regard peut se poser.
    Ils se tiennent tout les deux debout au milieu de la Grande Place, l’endroit servait auparavant à la fois de lieu de pélerinage où les missionnaires venaient prier face à la falaise, et à la fois de terrain d’entraînement martial pour les moines. Aujourd’hui, il y avait bien un entraînement en cours sur les pavés poussiéreux de ce lieux de mort, mais plus aucun moine.


    Savoir laisse enfin Louise retirer sa main de ses digits chitineux. Le Démon se dresse maintenant de toute sa hauteur devant la chef des Veilleurs, la voix de Comp porte puissamment dans l’immense espace vide où ils se tiennent et son ton se fait si ferme qu’il en devient froid, voir énervé:

    ”La première fois que nous nous sommes rencontrés, j’ai été surpris par quelque chose de singulier chez toi Louise, quelque chose que nous n’avions jamais observé chez un autre de nos semblables. Nous avons été les geôliers de notre Sororité, nous avons rencontré beaucoup de nos soeurs à travers le Sekaï, et pourtant aucun d’entre eux n’était comme toi.” Il s’avance d’un pas vers la petite, ses griffes raclent lourdement contre les dalles de pierre. Sa voix devient hostile. ”Faible.” Comp s’avance d’un pas de plus et l’ombre de son oeil massif se projette sur le visage de Louise. ”Et pourtant rien ne s’imbrique correctement, parce que vois-tu, il y a une zone de flou qui persiste.” Sans qu’il ne se montre, la voix de Ra commence à se faire entendre.

    ”D’après notre observation factuelle, la première fois que nous avions rompu les racines, c’est la magie résiduelle combinée entre celle générée par le Culte des Ombres, celle qui restait de l’Arbre-Monde et celle que nous avions nous-même délivré dans notre combat qui s’est amalgamée pour former l’Entité Sombre.”
    ”Toute la magie ambiante qui stagnait dans cette grotte a servie à la genèse de cet adversaire, donc en théorie il n’aurait pas dû rester de mana résiduelle stagnante dans la caverne des racines. Sauf que ça n’a pas été le cas. Au contraire deux entités sombres additionnelles sont apparues et leur puissance dépassait de loin tout ce dont nous étions capables.”
    ”Question: d’où venait la magie qui les a généré?”
    ”C’est une bonne question n’est-ce pas Louise? Ça ne pouvait pas venir de l’Arbre-Monde, puisque nous avons dû nous même l’abreuver de mana pour faire fonctionner la Mémoire des Anciens parce que justement l’Arbre était épuisé et mourant. Rien ne s’est immiscé dans cette caverne entre temps, les gravats étaient là où nous les avions laissés la première fois et la puissance de feu que nous avons consommé pour les écarter n’a rien à voir avec celle des apparitions du couple impérial. Donc:”
    ”Hypothèse: la magie était déjà là quand nous sommes partis la première fois, mais pour une certaine raison elle n’a pas pu être dirigée sur l’Entité Sombre.”
    ”Et lequel d’entre nous tous a laissé derrière sa magie mais ne l’a pas retrouvée? Lequel d’entre nous a fait don de sa mana à l’Arbre-Monde? Toi. Ta magie perdue était la seule et unique source de mana dans laquelle les entités sombres ont pu puiser, sauf qu’il y a un détail qui ne correspond pas.”
    ”Le gouffre de puissance entre ta magie et celle des entités était trop élevé.”
    ”Exact, encore une fois ça ne corrobore pas avec ce que tu es Louise. Les Démons sont des armes, des outils et des épreuves, nous sommes par essence même de ce que nous sommes, par la raison de notre existence, des êtres d’une grande affinité magique…”

    La voix de Comp se meurt lentement au fur et à mesure de sa phrase pour atteindre un niveau presqu’inaudible et la membrane réapparaît autour du globe oculaire. Tandis que l’organe imposant de Comp s’écarte du visage de Louise alors que Savoir continue d’avancer, il est vite remplacé par un oeil fraîchement ouvert, une nouvelle pupille toute aussi abyssale que la précédente, mais entourée par une iris d’un noir absolu constellée de raies et de particules dorées et azurées. Semblable à un ciel étoilé, ce nouvel optique est d’une beauté fascinante, et lorsque sa voix retentit, la froideur de son propos contraste avec la douceur de son timbre:

    ”Alors dis-nous Louise, est-ce que tu ignores être aussi puissante, ou est-ce que tu te nourris des morts que tu provoques en prétendant être aussi faible?”

    Les raies de lumières qui ornent l’iris d’Éva commencent à s’accroîtrent jusqu’à dépasser le pourtour de l’organe visuel, se développant dans les airs comme une crinière luminescente alors que la Juge déploie une quantité colossale d’énergie. Au dessus d’eux, un oeil bleuté fait son apparition dans le ciel, repoussant les austères nuages tout en créant un cercle à l’éclat formidable. D’autres cercles concentriques apparaissent successivement, formant une visée titanesque braquée sur eux.
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    Louise Aubépine
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    qui suis-je ?:
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  • Mer 7 Fév - 0:43
    Démoniaques philosophies


    Tout en continuant sa marche, l’Aubépine put en apprendre davantage sur l’être aux antipodes des créatures mortelles. Un nouvel œil s’était ouvert, une nouvelle voix s’était fait entendre. La femme en armure avait pu comprendre au fil de leurs échanges que l’entité nommé Savoir possédait plusieurs personnalités, chacune représentées par un oeil de ce dernier. Mais aucun ne s’était réellement présenté à elle sous un nom qui lui était propre. Ainsi, Comp était celui qui semblait se rapprocher, en partie du moins, du commun des mortels. Un sourire illumina le visage de la démone en supposant qu’ainsi, Comp était lui aussi capable de ressentir toute une palette d'émotions, sans comprendre que tout n’était qu’un masque.
    Elle le salua rapidement entre deux de ses phrases, continuant à écouter ce dernier.

    Et lorsque ce dernier annonça avoir des réponses quant à ses questions, l’Aubépine lui offrit un regard nettement plus perçant. Elle avait tant à lui demander. Tellement qu’elle ne savait pas réellement par où commencer. Par chance, Comp se montrait suffisamment chaleureux pour ôter les doutes de la démone.
    Son regard se posa l’espace de quelques instants sur les organes à l’air libre, se demandant intérieurement si ce n’était pas douloureux pour la créature. Se faisant violence pour ne pas grimacer à l’idée de ce qu’elle ressentirait dans sa situation, la blonde releva la tête pour se concentrer sur l'œil dans lequel s’incarnait Comp, qui visiblement était sa partie favorite du démon azsharien.

    Ce dernier se présenta alors plus en détail, nommant certaines des autres personnalités qui le composaient. Elle nota inconsciemment quelques informations importantes, cachées entre les lignes.

    —Azshary ? répéta-t-elle avec un sourire amical. Vous êtes probablement plus vieux que moi alors. J’ai connu la nation elfique de mon vivant, enfin, je m’avance un peu. Disons plutôt qu’elle existait alors que j’étais encore toute jeune. Je n’ai jamais eu le luxe de la visiter, pourtant, enfant, je rêvais d’en visiter les bibliothèques et de comprendre la fabuleuse magie qui protégeait les grandes villes du froid glacial. Aujourd’hui, il n’en reste que Melorn… malheureusement, je n’ai pas pu apprendre ce qui a causé la chute de cet empire millénaire. Et pourtant, la magie protectrice est restée. Ne trouvez-vous pas qu’il s’agit d’une magie des plus magnifiques ? Les Azshariens ont toujours possédé une certaine finesse dans leur art de la magie, un jour, j’aimerai de tout cœur mettre la main sur un ouvrage d’étude sur leur art magique pour le comparer avec ceux dont j’avais à ma disposition à Bénédictus. A Shoumei, de mon temps du moins, nous possédions quelques écoles où l'on étudiait la magie, mais encore là, aucune ne pouvait prétendre arriver à la cheville des arts elfiques. Ou même des études de monsieur Dangshuan. S’il y a bien une figure importante que j’ai toujours rêvé de rencontrer, c’est bien lui. En travaillant d’arrache pied et avec un brin de talent bien sûr, il a su révolutionner le monde de la magie. Je suis certaine qu’il était immensément sage et devait maîtriser tout un tas de sujets. Ici à Shoumei, nous peinions à rattraper le reste du monde sur leurs avancées magiques, monétaires ou martiales. Nous concentrant sur notre foi et notre bienveillance. Et regardez ou tout cela nous a mené. (Elle écarta les bras pour montrer l'état du camp.) Il est bon de garder nos racines, néanmoins, et j’y pense depuis la vision que m’a confié l’arbre, que baser toute notre identité sur des forces qui nous dépassent en nous remettant à ses dernières était une erreur. Shoumei est tombée car elle ne possédait ni les legs de Dangshuan concernant l’étude de la magie, ni les compétences martiales propres à la nation du sable. Demandez à n’importe quel non-shoumeien ce qui caractérise ma nation, il y a de fortes chances qu’il vous réponde en ces termes : “Shoumei est une nation de religieux et de croyants.” Pourtant, nous avons des points forts ! L’arbre monde pour commencer, nous aurions dû en être les protecteurs ! En le laissant se corrompre, nous mettons en danger l’intégralité du Sekai.

    Elle allait enchaîner sur son plan de remettre sur pied Shoumei et tout ce que cela impliquait, s’étant laissé porter comme bien souvent dès qu’elle commençait à s’exprimer, elle avait du mal à s’arrêter et pouvait continuer de déblatérer sur tout et rien des heures durant. Depuis combien de temps ne s’était-elle pas laissée à la magie de cette insouciance enfantine qui la caractérisait ? Les derniers jours ayant été éprouvant et n’ayant pas eu l’occasion de se soulager par la parole avec Dactyle ou le Déchu, Savoir recevait ses monologues traitant de sujets divers. Et encore, elle s’était retenue d’apporter sa science en expliquant fièrement pourquoi le royaume d’Azshary portait le nom qui était le sien, se doutant que Savoir devait être au courant. Après tout, il était dans ses habitudes de ramener sa science lorsqu’elle le pouvait, à la grande lassitude de sa meilleure amie de jadis.

    Repensant à cette dernière, les yeux de la démone s’embuèrent finalement. Se souvenant qu’elle n’était plus à son époque d’origine et qu’elle ne pourrait plus jamais entendre les plaintes de son amie quant à son habitude de partir dans ses monologues interminables. Shoumei n’était plus et alors que des gens mouraient autour d’elle, il n’était pas de bon ton d’évoquer de tels sujets légers. Reprenant son masque sérieux, Louise se frotta les yeux péniblement avant de sourire à son interlocuteur.

    —Je vous ai coupé, dit-elle alors. Veuillez m’excuser, Comp. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris, continuez je vous en pries.

    Elle l’écouta continuer, ne rebondissant pas sur la partie ou ce dernier évoquait six autres qui lui seraient semblables, se promettant de lui en demander plus sur le sujet une fois écartés de la populace, si l’occasion venait à se présenter. Aussi, elle hocha du chef, lui signifiant qu’elle avait compris et ce dernier lui présenta chacun des yeux. Et alors que la chevalière se préparait à les saluer, elle balbutia :
    —Mon jugement ? Comment ça mon jugement ? Je ne suis pas une criminelle ! Je n’ai jamais rien fait de répréhensible de toute mon existence d’ailleurs ! (Une pointe de fierté se glissa dans le timbre de sa voix.) Et puis… quant à ma magie… (Elle détourna le regard perdant en assurance, visiblement dépitée.) J’ai tenté de la sentir à nouveau. Après, je n’ai jamais été une très bonne magicienne. Jeune, j’avais un petit don, mais je n’ai jamais réellement cherché à le travailler comme… disons que je suis à des années de pouvoir réaliser ce que vous autres avez fait dans la grotte de l’arbre. J’étudiais la magie sur mon temps libre, mais je cherchais à devenir une véritable érudite et non une magicienne de talent. J’ai beaucoup appris sur la théorie, mais la pratique a toujours laissé à désirer. Je n’ai pas autant de talent que les autres veilleurs. Je… je suis juste celle qui parle et encourage les autres à se tenir droit. La réalité, c’est que même avant que l’arbre n’aspire mon mana, j’étais bien incapable de faire autant que Dactyle, le Déchu ou toi. Une cheffe bien misérable n’est-ce pas ? (Un sourire amer se dessina sur son visage.) Je serais capable de rédiger plusieurs notes sur la magie, du moins, à hauteur de ce que l’enseignement shoumeien pouvait offrir, pourtant, je n’ai jamais eu la force arcanique de produire autre chose qu’un peu de lumière et quelques éléments de base occasionnellement. Par exemple, je comprends par quels procédés vous produisez vos rayons lumineux et je serais en mesure de reproduire les causes, cependant, je n’ai tout simplement jamais eu la capacité physique de produire une telle puissance de feu. N’importe qui peut apprendre les arts de la magie, pourtant ce que les magiciens oublient de dire, c’est que comprendre ne signifie pas pour autant être capable de produire les exploits liés à la magie. Bien sûr, il est possible d’entraîner sa réserve magique, mais jamais elle n’atteindra celle de quelqu’un ayant un don certain pour la magie. Alors, je me dis que peut-être, ce n’est pas si important si je me retrouve incapable d’utiliser mon savoir arcanique. J’ai encore mes deux bras, mes deux jambes et toute ma tête pour faire la différence. Je ne suis peut-être pas de la même trempe que vous autres, mais ça ne veut pas dire que je compte rester recluse en arrière pendant que vous mettez vos vies en jeu ! Je vous accompagnerai devant les titans eux-même, le coeur vaillant !

    Et bien qu’elle concluait sa tirade avec un large sourire confiant, une partie d’elle continuait de douter. Ce qu’elle avait ressenti au moment où Savoir avait partagé sa magie avec elle n’était pas une simple hallucination. L’espace d’un instant, elle s’était sentie capable de soulever des montagnes. Un sentiment autant grisant que frustrant lorsque l’arbre lui avait ôté de nouveau cette nouvelle énergie. Elle en vint à se tenir la tête, se disant que de toute manière, elle ne pouvait demander à Savoir de l’accompagner et de lui servir de potion de mana ambulante. Sa magie était plus utile directement en lui, plus habitué à l’utiliser. Et puis, elle n’était pas certaine d’être prête à revivre la douleur irradiante de la transformation.

    La démoniaque création azsharienne continua. Mettant Louise un peu plus devant son inaction. Expliquant qu’il avait été bien plus proactif que cette dernière et que le temps pressait.
    —Excusez moi d’avoir été perforée par un certain démon et de m’être écroulée à bout de force après coup, répliqua-t-elle, visiblement piquée à vif. Pendant que vous cherchiez les fanatiques, je me faisais un sang d’encre pour vous deux. Et le Déchu n’était même plus là à mon réveil pour partager mes doutes. J’ai porté Naa jusqu’au camp et loué soient les tit- (Elle se reprit dans son expression, pensant qu’il ne serait clairement pas malin de chatouiller le démon par les yeux.) Par chance, nous n’avons rencontré aucun contretemps sur le chemin. J’ai ensuite eu besoin de repos et… bon certes. Pour certaines raisons, je suis restée perdue quant à la suite des événements. Heureusement, ce n’est plus le cas, j’ai eu le coup de fouet dont j’avais besoin.

    Elle soupira longuement. De nouvelles questions en tête. A présent, elle souhaitait réellement en apprendre plus sur ces six fameuses sœurs qu’elle devinait être des démons mais Comp ne lui laissa pas le temps de tergiverser. Il lui demanda clairement l’autorisation de fouiller au sein de sa psychée.

    —Je veux bien, répondit la femme brûlée en haussant les épaules. Mais je doutes que vous y trouviez quoi que ce soit de si intéressant. J’ai vécu dans un petit village avant de partir pour la capitale y faire des études. Puis je me suis retrouvée catapultée à notre époque. Je viens d’une époque où la paix régnait sur le Sekai. Les grandes nations, établies il y a quelques années, florissaient dans la paix et la joie. Nous vivions une pleine félicité. Je ne pense pas que vous y trouviez quoi que ce soit d’utile dans le combat qui nous importe aujourd’hui. Je… suis assez banale.

    Elle conclut avec un sourire en coin, baissant légèrement le regard. Toutefois, elle ne s’était jamais plainte une seule fois de son origine. Elle avait pu aimer de tout son cœur la vie qu’elle avait vécue jadis et s’il existait un moyen de revenir d'où elle venait, sans doute ce serait-elle jetée sur l’occasion. De toute manière, le temps étant un long fleuve et étant immortelle, elle n’abandonnerait pas les veilleurs car finirait inexorablement par les retrouver.

    Secouant la tête, se disant qu’il ne servait à rien de se bercer d’illusions, elle entendit Comp lui expliquer qu’il souhaitait tout de même mettre en place l’expérience.

    —Entendu entendu, répondit-elle non sans un sourire. Mais ne soyez pas trop déçu d’accord ?

    Elle empoigna alors la main du démon pour lui ouvrir ses souvenirs.

    Sentant l’âme de ce dernier s’introduire dans ses souvenirs, Louise fût transportée, vivant de nouveau les jours passés.


    Assise sur un tronc d’arbre renversé, une petite Louise Aubépine, haute comme trois pommes, fixait l’étendue d’eau qui se profilait devant elle. Le lac proche du village avait toujours été particulier à ses yeux car particulièrement calme à l’exception de quelques pêcheurs occasionnels. L’enfant s’y rendait à chaque fois qu’elle était contrariée où qu’elle cherchait un lieu calme pour continuer ses lectures. Aujourd’hui, c’était pour le premier cas de figure. Tenant dans sa main ses lunettes tordues dont l’un des verres s’était brisé, elle pleurait à chaudes larmes. Un tel outil n’était pas réellement donné et son père avait dû sacrifier beaucoup afin de les lui offrir et voilà qu’elle les avait brisé quelques jours seulement après les avoir reçues. Pour une raison bien stupide.

    Une fois de plus, les enfants du village jouaient à ce qu’ils appelaient la bataille des dieux. Et bien que pratiquement n’importe quel bambin aurait été capable d’expliquer toute la subtilité du jeu, les adultes ne voyaient en ce jeu qu’une activité barbare où se mêlaient pugilat et coups de bâton. Les enfants incarnaient chacun un titan et au fil d’objectifs divers et variés, devaient montrer qu’ils étaient “le titan le plus puissant”. (Les objectifs se résultant bien souvent à faire étalage de sa force physique à la tristesse de la démone qui s’ignorait, rapidement épuisée, de faible condition physique et n’ayant aucune force dans les bras.) Evidemment, il n’y avait guère assez de titans pour l’ensemble des enfants du village bien que ce dernier fût l’un des plus petits et paisibles de la vieille Shoumei, par conséquent, les enfants les moins sportifs, dont Louise, se retrouvaient à jouer le rôle des mortels, se prosternant devant ces fameux dieux et devant aller jusqu’à se sacrifier pour eux.

    Louise, qui de nature n’aimait déjà pas les jeux violents, gardait son mécontentement intérieur de ne jamais avoir pu incarner l’un des titans, se retrouvant à chaque fois dans le rôle du simple soldat se faisant écraser par la volonté des dieux, ou de la civile qui se rangeait sous les ordres de l’un deux. Ne voulant pas empiéter sur l’amusement des autres, elle s’écrasait volontairement devant leurs choix. Se contentant de prendre les miettes qu’on daignait bien lui jeter.
    Bien sûr, elle n’avait pas à se plaindre de sa situation, ce n’étaient là que des enfants un peu turbulents qui ne pensaient qu’à s’amuser. Ils ne pensaient clairement pas à mal et ne se rendaient pas compte du mal-être vécu par la petite Aubépine.

    Quoi qu’il en fût, une fois de plus, elle s’était retrouvée dans le rôle d’un soldat Shoumeien. Et cette fois-ci, peut-être par lassitude où parce qu’elle s’était levée du pied gauche, l’enfant s’était décidée à se dresser face aux titans, voulant emmener les autres civils avec elle, souhaitant prouver que le nombre était plus fort que le pouvoir unique. Et puis, bien que son village avait une certaine fascination pour ces créatures divines vénérées par les habitants de ce dernier, la grande guerre menant à l’établissement des trois grandes nations était encore récente et l’Aubépine souhaitait que pour une fois, les jeux suivent l’Histoire réelle.
    Malheureusement, elle n’avait clairement pas l’âme de la meneuse qu’elle possédait aujourd’hui, et ses discours balbutiant, d’une voix presque inaudible alors que ses joues s’empourpraient, n’osant pas regarder son auditoire dans les yeux, ne lui avaient pas valus le moindre allié. Ainsi, lorsqu’elle s’était retrouvée face à bambin qui jouait le rôle de la chuchoteuse, Louise avait récupéré un bâton pour lui asséner un coup sur la tête alors que ce dernier était en plein milieu d’un monologue sur sa suprématie. Le bâton se brisa sur le crâne du malheureux qui resta bête quelques instants, ne s’attendant pas à ce que la plus chétive du village n’ose s’en prendre à lui.
    Louise, de son côté, resta aussi bête que ce dernier, lâchant le fragment de bois qui restait entre ses mains alors qu’elle commençait à trembler de tout son être en voyant le filet de sang s’écouler sur le front du petit qui lui faisait face.

    Portant une main sur sa douloureuse tête, le garçon remarqua qu’il saignait et rapidement, ses grimaces se mêlèrent à la colère et aux larmes.

    —Sale petite peste ! grogna-t-il en s’approchant devant une Louise qui se répandait déjà en excuses, faisant le dos rond et suppliant de la pardonner. Pour qui te prends-tu ? Ça va pas où quoi ?

    Il empoigna l’Aubépine par le col et avant que cette dernière n’ait le temps de protéger son visage de ses mains, lui plaça un coup de poing en plein visage, brisant sous l’impact du coup les lunettes de la jeune fille qui tomba en arrière en se tenant le visage, criant de douleur. Sa vision en devenait trouble et elle se plaça quelques instants en boule. Terrifiée à l’idée de reprendre des coups.

    Rapidement, le garçon qui venait de la frapper avait été attrapé par des enfants plus grands qui le sermonnaient déjà. Quant à Louise, elle se leva péniblement avant de partir en courant, se tenant le visage sur lequel commençait à se former un beau cocard.

    C’était ainsi que la petite s’était retrouvée au sein de son lieu de prédilection. Continuant de pleurer et s’en voulant terriblement d’avoir fait du mal à son compagnon de jeu et d’avoir cassé ses lunettes. Elle se sentait responsable plus que de raison.
    Les minutes s’écoulèrent quand elle sentit une présence s’asseoir à côté d’elle. La petite fille chétive n’eut guère besoin de lever la tête pour comprendre qui était cette personne. Elle ne connaissait que trop bien son père pour savoir qu’il s’agissait de lui.
    Un homme bon et pieux, dont le nom n’entrerait probablement jamais dans l’histoire, seul prêtre d’une petite église dans un village tout autant petit, perdu dans les vastes étendues de Shoumei. Un homme simple mais avec le cœur sur la main.

    Sans un mot, il releva le visage de sa fille pour lui offrir un sourire bienveillant avant de sécher les larmes de cette dernière de sa toge. Puis sortant de son sac un onguent médicinal, le prêtre commença à l’appliquer sur les contours de l'œil de l’enfant.

    Louise commença à trembler, tentant de retenir ses larmes sans succès, l’enfant choyé éclata de nouveau en sanglots, posant son visage sur le torse de son paternel.

    —J-j-je ne voulais- mes lunettes- le bâton s’est cassé et-et- balbutia-t-elle, sous l’emprise de ses émotions.

    —Je sais, répondit l’homme en lui caressant la tête. Nous en rachèterons, voilà tout.

    —Mais ! protesta la petite. Papa, je sais que tu t’es beaucoup privé pour-
    L’homme la coupa en posant un doigt sur les lèvres de l’enfant. L’incitant à prendre le temps de se calmer.

    —Pourquoi tu fais autant pour moi ? demanda alors Louise dont les larmes s’amenuisaient.

    —Premièrement, je n’ai pas besoin d’une raison pour venir en aide à autrui, ensuite, tu es ma fille. Je tiens à toi, Louise. Ne t’en fait guère au sujet de tes lunettes, moi aussi dans ma jeunesse il m’est arrivé de mettre dans l’embarras mes parents, c’est normal. C’est ce que font tous les enfants. (Il se mit à rire doucement.) A divers degrés j’entends. Tu es bien plus calme que la plupart des autres enfants. Tu sais, lorsque je t’ai trouvé sous cet arbre, seule et en larmes, comme un appel à l’aide, et que je t’ai adopté. Ce fût probablement le jour le plus heureux de ma vie. Bien que nous ne partagions pas le même sang, tu reste et restera à jamais ma fille.

    Ces mots marquèrent à jamais la petite Aubépine qui resta sans voix, les lèvres tremblantes qui formèrent peu à peu un sourire des plus radieux.

    —Rentrons, déclara alors son père en la prenant sur ses épaules. Il y a quelque chose que tu aimerais manger en particulier ce soir ?

    —Eh bien, hésita l’enfant quelques instants. Est-ce qu’on pourrait… si possible… avoir un peu de veau ?

    —Hum… ça doit être dans nos cordes. Tu t'occuperas d’éplucher les légumes, ça te va ?

    —Oui !

    Et c’est ainsi que le père et sa fille rentrèrent à l’église. Avant de, quelques heures plus tard, déguster un repas qui ne payait pas de mine d’un œil extérieur, mais qui, aux yeux de Louise, surpassait les créations des plus grands chefs du Sekai.

    Assise devant son bol, une grosse cuillère en bois à la main, Louise fixait son père.

    —Tu sais, si tu as une question, tu ferais mieux de la poser, s’amusa-t-il. Je ne suis pas encore capable de lire dans ton esprit.

    —Papa, je ne comprends pas. Pourquoi est-ce que nous prions les titans ? Dans le livre que je suis en train de lire, c’est bien expliqué que tous les mortels se sont liés pour survivre. Si les titans sont des dieux que nous vénérons, pourquoi cherchent-ils à nous détruire ? Avons-nous fait quelque chose de mal ? Et même maintenant, nous continuons de les prier.

    —N’es tu pas un peu jeune pour te poser ce genre de questions ? J’aimerai beaucoup te donner une réponse claire, Louise. Mais il serait bien mal avisé de ma part de me prétendre capable de comprendre les agissements de nos dieux. Mon rôle au sein du village n’est pas de douter, mais de garder la foi.

    —Mais moi je veux tellement savoir, rouspéta-t-elle un peu. Pourquoi sont-ils si méchants ?

    Le prêtre se mit à rire poliment.
    —Les titans sont au-delà de la morale, ils agissent selon un code qui nous dépasse. Peut-être voulaient-ils nous tester ? Nous forcer à nous unir pour voler de nos propres ailes. Peut-être souhaitaient-ils nous punir pour nos pêchés. Peut-être se sont-ils simplement désintéressés de nous et souhaitaient nous remplacer. Je n’ai malheureusement pas de réponse unique à te donner, seulement des pistes de réflexion.

    L’enfant cligna des yeux, avant de sourire à son tour.

    —Alors je trouverai la raison pour toi ! déclara-t-elle en levant les bras au ciel. Quand je serais devenue une grande érudite, je trouverais la solution à l’énigme de nos dieux ! Ce sera une trouvaille tellement importante, que mes écrits seront publiés partout dans le monde !

    —Oh, eh bien il semblerait que nous ayons quelqu’un d’important à table. Une grande érudite reprendrait certainement un peu potage ? (Devant sa fille qui hochait rapidement de la tête, il ajouta : ) Mais Louise. Si jamais nous apprenions que les titans souhaitaient se débarrasser de nous pour de mauvaises raisons, que ferais-tu alors ?

    La petite posa un doigt sur sa tempe, l’air pensive. Puis elle releva la tête, irradiant de bonheur.
    Alors je prouverai à nos dieux que nous méritons de vivre. Je ne sais pas comment, mais c’est impossible de regarder le Sekai et se dire qu’il devrait disparaître alors je trouverai bien quelque chose !

    Son père éclata d’un rire franc avant de lui caresser la tête.

    —Je compte sur toi dans ce cas.

    Et peu à peu, l’image se brouilla.
    Revenant au présent, la démone ne se rendit pas compte des rivières coulant le long de ses joues. Toutes ses promesses avaient été vaines. Elle n’était pas devenue cette érudite dont les écrits seraient publiés à travers le monde et avait disparue, laissant sa famille se faire un sang d’encre. Si seulement elle pouvait y retourner, leur laisser un message, pour leur dire que tout allait bien. Qu’elle se battait désormais pour le futur du Sekai et qu’elle s’était entourée de gens de confiance qui comptaient sur elle autant qu’elle comptait sur eux. Même si elle parvenait à accomplir son rêve, à remplir ses promesses, son père n’était plus là pour la voir.

    Qu’aurait-il dit en se rendant compte qu’elle était en réalité une démone et non la petite fille chétive qu’elle pensait être ? Finalement, elle l’avait bien mis dans l’embarras avec cette histoire de lunettes, car elle n’en avait pas réellement besoin. Sans doute inconsciemment, s’était-elle forgée cette carapace de petite fille chétive dans l’espoir de recevoir de l’amour et de la protection de sa famille. Si tel était le cas, alors ce ne serait qu’un clou de plus à ajouter au cercueil de ses remords et regrets.

    Se faisant violence, elle s’extirpa de ses pensées avant de se frotter les yeux pour reprendre contenance. Remarquant qu’elle ne se trouvait plus au camp des veilleurs.

    —Ou sommes-nous, Comp ? demanda-t-elle avec une grimace.


    Remarquant le changement dans le ton et la posture de celui qui de toute évidence l’avait emmené loin du camp, Louise recula d’un pas. Une main sur le pommeau de son épée par précaution. Bien qu’elle puisse se montrer naïve et prête à accorder sa confiance aux plus intrigantes créatures, elle n’était néanmoins pas aveugle quant aux intentions portées par un tel timbre de voix.
    Un frisson parcourut ses jambes alors que Comp entama son monologue, le son dérangeant de sa griffe contre la pierre et son avancée menaçante fît reculer de nouveau la chevalière.
    Elle savait de quoi était capable ce dernier et était persuadée que seule, elle ne tiendrait pas longtemps face à sa puissante maîtrise de la magie de lumière.
    Pourquoi semblait-il avoir vrillé ? Avait-il vu quelque chose qui l’avait fortement déplu dans ses souvenirs ?

    Il lui annonça qu’elle était unique, bien que ce ne fût guère un compliment car il explicitait que sa particularité était d’être la plus faible des démons qu’il ait jamais rencontré. Décidément, qu’il était bon d’avoir des alliés sur lesquels s’appuyer.
    Quoi qu’il en fût, Louise ne souriait pas. Et alors que Savoir continuait son avancée, elle tomba en arrière, se retrouvant sur son arrière train, à se traîner au sol, reculant comme elle pouvait.

    —Comp ? T-tu me fais un peu peur. J-je ne suis pas une ennemie ! Tu as oublié la grotte ?

    Une nouvelle voix vint se joindre à la première, redoublant les peurs de la femme en armure.
    Les deux voix se concertèrent pour déclarer une théorie qui tenait bien trop la route pour être balayée d’un revers de la main. Ne sachant pas réellement où Savoir souhaitait aller, Louise tenta de trouver quelques justifications.

    —L’arbre monde dépasse de loin le domaine du possible, nous ne savons pas avec certitude de quoi il est capable. Naa l’a dit elle même, la magie trouve toujours un chemin. Peut-être que l’arbre n’avait pas épuisé toute son énergie, peut-être que les fanatiques ont fait quelque chose de leur côté, peut-être que… que… Savoir attends ! (Elle tenta de se relever pour rechuter quelques pas plus loin.) Les racines de l’arbre parcourent le monde. On ne sait pas s’il est capable d’absorber de la magie ailleurs. Et…

    Elle resta alors sans voix. Ébahie par ce qui profilait dans le ciel. Les nuages s’écartant d’un coup, laissant place à un immense anneau lumineux. Ce dernier était certainement visible de loin et il ne signifiait rien de bon pour l’Aubépine.
    Rapidement, un œil immense se plaça dans les cieux. Accumulant une énergie des plus terrifiantes.

    Une nouvelle voix s’éveilla, faisant frissonner l’échine de la démone qui semblait tomber en plein mal être.
    Elle resta ainsi quelques instants à fixer l’immense œil, se sentant ridiculement petite en comparaison. Il comptait la supprimer ? Mais pourquoi ? Pour prouver son point ?
    Le souffle s'accélérant devant sa fin certaine, Louise posa ses mains contre son front. Cherchant une échappatoire. Quelle était sa meilleure solution ? Supplier Savoir ? Non, elle le savait trop intransigeant pour se laisser prendre par les sentiments pour le moment. Prier une quelconque force supérieure ? Elle ne ferait pas la même erreur que les shoumeiens devant l'inéluctabilité de leur fin.

    En temps normal, elle s’en serait remise aux veilleurs. Mais de toute évidence, le démon les avait emmené très loin du camp.
    Non, elle était seule devant son destin. Et comme toujours, dès qu’elle se retrouvait seule, Louise perdait ses moyens et sentait son courage s’échapper à grandes envolées.

    Alors quoi ? pensa-t-elle. Devait-elle réellement se laisser mourir ? Quand bien même elle se retrouvait de nouveau capable d’utiliser la magie, qu’est ce que cela changerait ? Elle ne se voyait pas se protéger du gardien azsharien.  Savoir était une créature logique. Alors peut-être que la logique lui permettrait de revoir son choix.

    —Savoir ! cria-t-elle en se relevant. Si ton but est bel et bien de pourfendre les titans, ce que tu fais est loin d’être constructif ! Ce n’est pas en exterminant tes alliés que tu parviendras à ton but. Chaque veilleur qui tombe est une victoire de plus pour ceux que tu as juré de combattre. Je ne sais pas ce que tu as vu qui t’a tant déplu, mais parlons-en. Nous pouvons trouver une finalité moins déplorable ! (Le voyant totalement impassible, elle paniqua.) Réfléchis ! Penses-tu qu’une attaque de cette ampleur à quelques mètres seulement te laissera indifférent ? Tu seras touché par le souffle de ton attaque ! Cesse cette folie !

    Ne voyant toujours aucune réaction du démon immobile, l’esprit de Louise remua dans tous les sens ses possibilités. Mourir ici signifiait faire faux bond à sa nouvelle famille.
    Dactyle, le Déchu, pensa-t-elle en joignant ses mains dans une prière. Je ne ferais pas deux fois la même erreur. Je ne laisserai plus tomber mes proches. Nous nous sommes promis de sauver le Sekai ensemble, c’est ensemble que nous le sauverons.

    Comprenant qu’il ne lui restait plus qu’une seule solution, n’ayant aucun espoir en sa propre magie, Louise glissa sa main vers le grimoire de Zeï, pendant à sa ceinture et protégé dans plusieurs lanières de cuir. Elle sortit l’instrument qu’elle n’avait pas encore osé utiliser jusqu’à maintenant. Et, le visage déterminé, l’ouvrit d’un coup. Laissant les inscriptions indéchiffrables et bleutées se déplacer sur le livre comme si ces dernières étaient animées par la vie.

    C’était un choix probablement fou, peut-être aurait-il des conséquences néfastes, mais il était hors de question pour elle de disparaître ici et maintenant. Pas avant d’avoir accompli sa mission. Les peuples du Sekai méritaient un monde en paix.
    Attrapant une plume de sa sacoche, elle la déposa sur le grimoire.


    Fermant les yeux, elle se remémora des sciences arcaniques qu’elle avait pu étudier plus jeune, sans jamais être capable de les reproduire. Puis, sans une once d’hésitation, commença à reproduire avec méthodologie les formules liées à l’art de la magie. Un sourire se dessina sur ses lèvres, se souvenant que plus jeune, elle avait déjà besoin d’un support pour lancer ses sorts les plus faibles. Ce n’était finalement là qu’une sorte de retour aux sources.

    Et alors que l’attaque lumineuse terminait de se charger, Louise referma le livre, posant une main dessus pour en extirper une partie de la magie. Une lumière azur scintilla sur la couverture avant de s’en échapper pour concevoir un dôme bleuté lumineux autour d’eux. Elle prit le soin d’inclure Savoir au sein de la protection, ne voulant pas qu’il se blesse par sa propre attaque.

    Avait-elle réussi à dompter la magie du livre ? Seul le temps apporterait la réponse. Et à présent, la seule chose qu’elle pouvait faire était de croiser les doigts.

    Se tenant debout et serrant le grimoire contre sa poitrine, elle fixait l’étendue lumineuse qui déchargea d’un coup toute sa puissance. D’une énergie dépassant l’entendement, la lumière du démon se heurta à la magie issue du grimoire, faisant trembler le sol de toutes parts. Louise manqua de tomber et se rattrapa in-extremis, son regard braqué sur le dôme. Priant de toute son âme pour sortir vivante de ce chaos. Elle n’avait guère le temps de se préoccuper de ce qui viendrait après, peut-être parviendrait-elle à raisonner le démon, peut-être se battrait-elle pour sa survie ? Ou tout simplement prendrait-elle ses jambes à son cou ?

    Pour l’heure peu importait, car sous la pression de la lumière, le dôme commençait à se craqueler.
    —Non ! hurla la femme aux cheveux de paille. Allez ! Tiens encore un peu !

    Elle serra davantage le grimoire dans ses bras alors que son visage se décomposa devant le dôme qui se fissura davantage à chaque nouvelle seconde.

    Et enfin, l’heure de vérité sonna.

    Le dôme vola en éclat, trop faible face à la puissance du démon azsharien.
    Louise fermit les yeux, se protégeant de ses mains dans un cri du cœur. Comprenant que tout était fini.

    Et rien.
    Le sol tremblait à un point tel qu’il était possible de méprendre les lieux avec un volcan en activation.
    Relevant le regard, la démone comprit que l’entité aux multiples rétines avait dévié son attaque au dernier moment, les épargnant ainsi. Causant un chaos sans précédent autour du duo.

    Sans voix, Louise resta figée une bonne minute, le temps que les rayons cessent. Puis, se tourna rapidement vers Savoir. Elle commença à le frapper de ses faibles poings sans que ce dernier ne semble ressentir le moindre impact.
    —Pourquoi ? Pourquoi ?! hurla-t-elle, les yeux perdus dans un océan de larmes. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? Je passe mon temps à faire mon possible, à tenter d’aider comme je peux… mais ce n’est jamais assez. Il n’y a pas un seul matin sans que je ne me lève et que je repense à l’Eden que j’ai quitté pour me retrouver dans cet enfer ! J’ai l’impression, de ne pas avoir ma place ici. De ne pas être à la hauteur. Je veux bien faire mais… (Elle posa son front contre le démon avant de se laisser glisser à genoux sur le sol, à bout de forces.)
    —Ce n’est pas parce que je suis faible que je ne peux pas faire de mon mieux. D’aider comme je peux… je… je ne veux pas être un poids. Mais la réalité, c’est que je suis très loin d’égaler le professionnalisme de Dactyle, le code de la chevalerie du Déchu ou encore ta puissance brute. Je… je suis juste là. A tenter de faire en sorte que l’espoir dans le cœur de mes amis ne s’étouffe pas. Mais ce n’est pas assez. Sekai est devenu plus terrifiant que jamais, je ne sais pas si j’aurai les épaules pour assumer le rôle qui m’incombe. Le rôle que j’ai choisi. J’ai constamment l’impression d’être en retard, de ne pas réussir, de me vautrer en beauté. Je voulais simplement… une famille. Des gens sur qui compter. Mais tu as raison, je suis faible. Une ratée. Pourtant, telle une sangsue, je m’accroche comme je peux. Je refuse de mourir ici. Pas encore, pas comme ça. Alors dis moi, Savoir, que cherches-tu à faire exactement ? Tu l’as vu par toi même… je suis incapable de te faire face. Dans la grotte déjà, je… je vous ai tous regardé mettre vos vies en danger alors que je m’occupais des racines les moins dangereuses. Il faut croire que c’est une habitude chez moi, de décevoir les gens. Je… suis désolée. De ne pas être à la hauteur. Pardonne moi.

    Elle plongea ses yeux d’un bleu aussi léger que le ciel sur l'œil actuellement ouvert du démon.

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  • Jeu 8 Fév - 17:27


    La trio d’yeux bleus de Louise et Éva se regardent, l’une embuée de larmes chaudes et d’une sincère pureté, l’autre totalement impassible tandis que les filaments de lumière qui l’entouraient se rétracte jusqu’à ne redevenir qu’une constellation de paillettes dans son iris. Savoir regarde la jeune femme à genoux devant lui qui paraît brisée, pourtant dans son discours d’apparent découragement il y a quelque chose qui accroche la curiosité du Démon de la Connaissance, une singularité qu’il a déjà remarqué à maintes reprises, et qui est normalement l’appanage des mortels uniquement. Comme à son habitude, la douce voix quasi-maternelle d’Éva ne correspond en rien avec la dure brutalité de son propos:

    ”Tu as raison. Tu n’es pas à la hauteur, et tu es une ratée.” Le Démon plie ses genoux déformés et abaisse l’oeil sur son filament pour arriver à hauteur de sa soeur qui sanglote de plus belle. ”Et pourtant tu dis refuser de mourir ici, refuser d’abandonner, que tu continues en dépit de toute logique à t’accrocher alors que tout t’indiquerai de lâcher prise et de te laisser mourir.” Cette démonstration de résistance désespérée tantôt élimine d'ailleurs définitivement pour Savoir l'option que Louise ne soit en réalité Tromperie ou une des assimilées. Une des serres protubérantes de son bras droit vient soulever le menton de Louise pour s’assurer d’avoir son attention. ”Louise, je suis le Démon de la Connaissance, sais-tu ce qu’est l’apprentissage? C’est le fait d’échouer, encore et encore, jusqu’à réussir. Sans échec il n’y a pas d’amélioration, il n’y a ni observation, ni opportunité d’émettre d’hypothèse, ni tentative de validation de celles-ci. Échouer, c’est apprendre. C’est simple.” Sa poigne se resserre très légèrement sur les mâchoires de la jeune femme. ”Crois-tu que Dactyle soit née avec cette application que tu loues? Crois-tu que les talents de commandement de Déchu lui aient été innées? S’ils en sont arrivés là c’est parce qu’ils se sont persuadés de subir un cycle infini d’échec, encore, et encore, et encore. C’est parce qu’ils ont passé des années entières de leur vie à enchaîner les bavures et les erreurs qu’ils ont réussi à atteindre le niveau dont ils jouissent aujourd’hui. Alors oui, tu n’es pas à la hauteur, et tu es une ratée, mais il y a quelque chose que tu n’es pas, c’est une déserteuse.”

    La Juge relâche soudainement le visage de la Démon et se redresse à nouveau, qu’importe l’état de Louise, qu’importe sa faiblesse, qu’importe ses pleurs, plus elle surmontera d’épreuves et plus elle apprendra. Savoir tend son bras elfique vers la jeune femme pour l’aider à se relever, mais alors qu’elle se hisse sur ses pieds, il continue de la tirer vers lui pour la déséquilibrer et la repousse en arrière, et dans le même mouvement surgit de la prolifération organique qui orne son torse une épée en lévitation. Les particules de l’iris d’Éva recommencent à s’accroître alors qu’elle manipule sa mana autour de l’Épée du Jugement, et avec l’arme flottante à sa gauche, le Démon brandit son bras droit devant lui, montrant à Louise le Grimoire de Zeï encastré comme un joyau dans les multiples griffes du membre amorphe, qu’il a chapardé à sa soeur lorsqu’il l’a jetée en arrière. La lanière de cuir coupée nette par la lame télékinétique.

    ”Pas de triche. Maintenant regardons ce que tu sais faire avec une arme.” Ouvrant sa main gauche, Savoir appelle l’Épée du Jugement à venir se nicher dans le creux de la paume, il serait ainsi plus facile pour son élève de lire ses mouvements dans un membre encore humanoïde. ”Je ne vais pas t’épargner Louise. Si tu ne te bats pas, alors tu n’es d’aucun soutien aux Mortels dans leur affrontement contre les Titans, tu seras donc plus utile morte.”

    Savoir fait un pas de plus vers la Démon, la formidable attaque orbitale qu’il avait laissé déferler autour d’eux tantôt a carbonisé le sol environnant, dessinant sur la Grande Place un cercle sécurisé bordé par une roche extrêmement chaude. Difficile d’en discerner la délimitation qui n’était trahie que par la déformation de l’air dansant dû à la chaleur, mais les deux combattants se retrouvaient donc pris au piège de cette sorte d’arène improvisée. S’ils venaient cependant à approcher de la limite de cette arène, rien que l’intense température des pavés refroidissants suffirait à servir d’avertissement.

    ”Tu n’as pas la moindre idée de ce que nous sommes, n’est-ce pas? L’âme d’un mortel est capable de générer de puissantes émotions, certaines d’entre elles sont parfois si intenses qu’elle créent des échos de cette émotion, elles laissent des résidus sur le plan immatériel du cosmos, comme des fragments d’un instant figé de la psyché de cet individu. Un fragment d’âme. Ils sont partout, parfois il arrive qu’ils s’accumulent, attirés les uns aux autres par leurs résonnances de nature similaires, et ces amas de matériel intangible d’âme peuvent atteindre une taille telle qu’une nouvelle conscience s’éveille. Nous.”

    Savoir fond sur Louise, et malgré son aptitude à la magie il s’avère surprenamment efficient à la lame. L’assimilation luminescente de tout les guerriers et aventuriers un peu trop curieux qui avaient tenté de violer l’intégrité du Compendium au fil des millénaires a permis à Savoir d’acquérir une certaine compétence à l’escrime, un savoir-faire tempéré par le manque de mémoire musculaire du Démon qui, lorsqu’il se bat de la sorte avec la lame à la main, est bien moins dangereux qu’en la manipulant par télékinésie, là où son esprit peut pleinement profiter des techniques volées à ses victimes. Le métal s’entrechoque et les lames pivotent, Savoir utilise l’ouverture provoquée par l’écart des deux armes pour frapper Louise au visage de son bras droit, ses serres la poursuivent autour de sa gorge et il la soulève douloureusement pour la rejeter au centre de l’arène. Envoyant son glaive la suivre par télékinésie en le plantant symboliquement dans le sol juste devant elle, Savoir pointe sa propre arme vers sa soeur en s’approchant.

    ”Si nous sommes par essence aussi fort, c’est parce que le phénomène qui nous engendre est lui-même impétueux, comprends-tu alors l’anomalie de ta faiblesse?” Il repasse à l’attaque mais l’échange est à peine plus long que le précédent, deux frappes parées précèdent une troisième du plat de la lame sur la main droite de la Veilleur, son épée vole et se plante un peu plus loin dans la jonction abîmée entre deux pavés. ”Tu n’utilises pas ton corps quand tu te bats, seulement ton arme. De la même manière que tu n’utilises pas ton corps quand tu manipules ta magie et seulement ta mana, quand ce ne sont pas des artifices…” Éva agite le Grimoire devant son oeil. ”... pour palier à ton manque de force. Qu’est-ce que tu crois faire? Penses-tu vraiment être capable de protéger qui que ce soit ainsi quand tu n’arrives même pas à te protéger toi?” La pointe de Jugement vient se poser délicatement contre la peau de pêche de la Démon, juste sous sa gorge, dans une pression palpable qui menace de la saigner à tout moment le métal continue de s’avancer tout doucement, forçant Louise à reculer pour éviter de se faire empalée. Bientôt la chaleur insupportable des rémanences de l’attaque céleste devient insupportable, même Savoir, pourtant dépourvu de capteur thermiques, ressent l’assèchement de ses organes oculaires alors que son organisme peine à les hydrater. Le glaive s’est enfoncé tout juste en dehors de l’arène, le métal doit certainement être brûlant par induction, ce n’est qu’une fois sa soeur arrivée au bord de l’arène que le gardien d’Azshary cesse de progresser. ”Ramasse ton arme, et bat toi. Ou abandonne, et meurs.”
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    Louise Aubépine
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  • Ven 9 Fév - 4:38
    Démoniaques philosophies

    Une ratée.
    Les mots tranchants de l’entité démoniaque tombèrent tel un couperet. Sentant les muscles de sa nuque faillir, la chevalière désemparée laissa retomber son regard sur le sol sans vie du jardin.
    Et pourtant, Savoir ne mentait pas. Un paradoxe, défiant toute logique, elle s’accrochait à la vie dans l’espoir de vivre des lendemains heureux. Dans l’espoir de tenir ses promesses. Un rêve ambitieux et démesuré pour celle qui peinait à tenir sur ses deux jambes.

    L’entité lui attrapa la mâchoire pour lui relever la tête, l’obligeant à fixer le gigantesque œil qui lui donnait le sentiment d’être transpercée par son seul regard. Légèrement terrifiée, elle tenta d’en détourner le regard, mais le démon de la connaissance tenait bon, lui interdisant cette fuite.

    S’attendant à recevoir de nouveaux reproches et vérités aussi tranchantes que l’acier, le démon fit chanter des mots qui sonnèrent tellement justes aux oreilles de la femme qu’elle ne put faire autrement que lui offrir toute son attention.

    Les victoires avaient ce goût si particulier d’allégresse pour pallier tous les échecs qui avaient mené à la réalisation de ces miracles. Elle n’était pas de ces héros légendaires qui réussissaient du premier coup tout ce qu’ils entreprenaient. Depuis le début de son existence, l’Aubépine s’était heurté à de nombreux inconforts et échecs. Alors pourquoi diable aujourd’hui se sentaient-elles si démunies ? Plus jeune, elle avait passé des nuits blanches à étudier la magie pour ne serait-ce que produire quelques particules de lumière entre ses mains. Ca lui avait pris un temps fou, pourtant, à aucun moment elle ne s’était résigner à accepter l’impossibilité de la tâche. Alors qu’est-ce qui avait changé aujourd’hui ?

    Bien des choses en réalité. Le monde n’avait plus rien à voir avec le paradis dans lequel elle s’épanouissait. Elle avait besoin d’amis et de proches de confiance ce qui restait un sujet épineux à cette époque. La confiance s’offrait au compte goutte et les amitiés sincères étaient bien trop rares.

    Quoi qu’il en fût, une certaine flamme se réveilla dans son regard. Savoir, aussi dûr qu’il puisse être, était dans le vrai. Peu importe les échecs, la réussite finirait par se présenter à force de suffisamment d’efforts. Puisse-t-elle s’effondrer cent fois, elle se relèverait autant de fois. L’abandon était le véritable échec car il privait de manière totale la moindre réussite.

    —Le véritable échec, commença-t-elle une fois de nouveau en possession de sa mâchoire. C’est de baisser les bras. On peut toujours apprendre, même dans la défaite. Je dirai même plus, on peut toujours progresser, et ça vaut aussi pour Dactyle, le Déchu ou toi. Vous êtes formidables, mais vous l’êtes parce que vous n’avez jamais baissé les bras. Pas une seule fois. Comme quoi, il est toujours bon d’en revenir aux bases. C’est une leçon que j’avais apprise il y a bien longtemps, pourtant, cette vérité s’était soustraite à mon regard. La vérité, c’est que je perds encore pied concernant notre époque. Je ne suis pas encore forgée dans le même matériau que vous tous, ayant eu la chance de vivre dans un monde totalement en paix. Mais ça viendra, je ne vous ferai pas faux bond. Moi aussi je me tiendrais fièrement à vos côtés. Dans l’échec comme dans la victoire. Merci Savoir.

    Elle lui offrit un sourire radieux alors que ce dernier l’aidait à se relever. Mais bien vite, ce sourire si innocent se changea en grimace d’amertume.


    Se faisant finalement repousser, Louise trébucha quelques pas plus loin, se retrouvant sur son arrière-train. Elle cligna des yeux plusieurs fois, ne comprenant pas la raison de ce brusque changement après l’avoir aidé à se remettre sur pieds. Et après quelques secondes, tandis qu’il dévoilait la preuve de son odieux méfait, le regard de la démone aux traits humains se durcit. Jetant un rapide coup d'œil aux lanières déchirées, comprenant qu’elle ne venait pas d’halluciner mais bien de se faire dérober son bien le plus précieux, seule preuve de son voyage à travers le temps, elle se redressa lentement.

    —Rends le moi, Savoir, déclara-t-elle en tendant la main. N’invitant guère à discuter sa demande. Ce grimoire m’est important.

    Intérieurement, et commençant à connaître l’entité azsharienne, elle était terrifiée à l’idée qu’il se rende compte que le grimoire respirait la magie titanide et qu’il décide de l’effacer de la surface du Sekai. Elle ne pouvait pas se permettre qu’une telle chose arrive. Elle ne savait comment l’expliquer, mais elle ressentait au plus profond d’elle que cette relique de Zei serait une pièce maîtresse de son entreprise visant à protéger le Sekai. De plus, griffonnés dans le livre reposaient des souvenirs précieux de sa vie avant d’être envoyée en cette triste époque.

    Devant le refus ostentatoire de Savoir sur la question, l’Aubépine tira lentement son épée, récupérant également le bouclier siégeant dans son dos.

    —Nous ne sommes pas obligés d’en arriver là, Savoir, dit-elle en se faisant violence pour cacher les tremblements dans sa voix, terrifiée à l’idée de se battre pour sa survie et récupérer son bien. Les épées ne sont pas des jouets. Un mauvais coup est si vite arrivé.

    Grimaçant un peu plus devant le refus de ce dernier, Louise se laissa aller à ses émotions. Criant de colère.

    —Je sais comment nous naissons ! Ce n’est pas le moment pour un cours d’histoire ! Ma nature ne change rien à qui je suis, ni aux promesses et amitiés que j’ai forgées avec le temps ! Les mortels sont loin d’être de faibles créatures comme tu semble te plaire à y penser. C’est avec fierté que je partage leurs vies ! Je ne leur suis pas supérieure, c’est ensemble que nous avançons. C’est ensemble que nous chutons et c’est ensemble que nous nous élèverons !

    Tout un tas d’émotions tournaient au sein de son esprit formant une véritable tempête. Complètement à bout suite à l'enchaînement d'évènements mettant sa psychée dans tous ses états, elle était prête à faire entrer un peu de bon sens dans la tête de Savoir. A grand renforts de coups s’il le fallait.
    Paradoxalement, c’était pourtant elle qui était menée par les caprices de ses sentiments illogiques.

    Le démon s’avança à grandes enjambées, levant sa lame pour l’abattre avec une force qui déstabilisa la colérique. Se protégeant derrière son bouclier, elle peina à repousser le coup, se contentant de le dévier un peu. Et sous la puissance de l’impact, manqua de peu de trébucher en arrière. Les mains écartées sous le choc, son adversaire ne manqua pas cette opportunité et lui brisa le nez d’un revers du bras dans un craquement douloureux avant de la soulever à même le sol, commençant à lui couper le souffle.

    Gémissant de douleur, l’Aubépine tenta de frapper le bras de ce dernier du pommeau de son arme mais le démon, inflexible, resta de marbre face aux attaques et la jeta finalement derrière lui, au centre de l’arène. Louise roula sur le sol sur plusieurs mètres, le souffle entièrement coupé. Le corps endoloris, le regard trouble, elle releva difficilement la tête voyant l’épée se planter juste devant elle alors que le sol sous ses mains se teintait progressivement du sang de la chevalière.

    Elle laissa échapper un juron, chose extrêmement rare pour la fille bien élevée qu’elle était avant de frapper le sol de frustration de son poing. Ce n’était pas terminé. Et elle ne répondrait plus de rien à présent. Elle avait été insultée, effrayée, éloignée des siens, menacée et à présent molestée. Même la plus calme des diplomates avait ses limites. Elle cracha un filet de sang sur le sol, maquillant ses gants de métal d’un rouge carmin avant de s’aider de son épée pour se relever. Ses genoux fléchirent sous le poids de son propre corps et dans un râle de douleur, la démone se releva pour lancer un regard de défi à l’Azsharien.

    Le visage ensanglanté, elle serra fermement ses instruments de guerre. Cette fois-ci, ce fût elle qui passa à l’offensive, envoyant une coupe circulaire devant elle. Son opposant ne sembla pas s’en soucier et repoussa son attaque d’un revers de sa propre lame. Profitant de sa seconde main, Louise tenta de lui placer un coup de bouclier mais une fois encore, trop rapide pour elle, le géant bloqua la protection de cette dernière, profitant de son avantage de portée et de force sur la chevalière. Criant pour ajouter de la force dans son coup, Louise plaça une attaque perçante qui fût repoussée par une frappe ascendante de Savoir, emportant avec le plat de la lame, le bras de la cheffe des veilleurs qui lâcha son arme, la laissant s’envoler derrière elle pour se planter à nouveau dans la terre, cette fois ci presque incandescente.

    S’avançant d’un pas menaçant, Savoir força Louise à reculer progressivement pour ne pas laisser sa lame lui transpercer la gorge.
    —Peut-être que les émotions qui m’ont conçues n’étaient pas à la hauteur de la suprématie que tu attribues à notre race. Peut-être que je n’ai pas besoin d’autant de puissance arcanique que toi tant que j’ai des alliés avec moi. Les veilleurs sont mon espoir pour le Sekai. Et quitte à choisir entre être faible et bien entourée ou être surpuissante comme toi mais incapable de ressentir la moindre émotion pour autrui si ce n’est une curiosité maladive, alors je choisis la faiblesse ! Je ne me bats pas seulement dans un objectif de grandeur ou de promesses à remplir. Ce monde qui est le mien, je veux y vivre en compagnie des veilleurs, en paix. Je veux pouvoir retrouver ce quotidien léger qui était le mien ! Je veux leur offrir ce monde dont je rêve tant ! (Et rebondissant sur les derniers mots de l’entité Azsharienne, Louise lui lança un regard rempli de défi.) Je les protégerai, ne t’avise pas de penser ne serait-ce qu’une seule seconde, à leur faire du mal. Entends bien mes mots, Savoir. S’il leur arrivait malheur par ta faute, je ne te le pardonnerai pas.

    Sentant son cœur battre à tout rompre, Louise peinait à garder un souffle méthodique alors que le lion dans sa poitrine ne demandait qu’à surgir. Elle se battrait. Pour sa vie. Pour les veilleurs. Pour le Sekai.

    Elle se força à reculer dans la zone aux températures invivables. Commençant à se dessécher alors que la chaleur lui brûlait la peau. La chevalière posa ses deux mains sur la poignée de son arme pour l’extirper du sol. La lame était encore fumante.

    La menace dissimulée du démon de la connaissance était de trop. Elle était allée trop loin pour laisser qui que ce soit briser son rêve et celui de ses proches.
    Un goût métallique dans la bouche, elle cracha de nouveau au sol pour s’en débarrasser avant de passer sa manche sur son visage, essuyant le sang accumulé.

    —Lorsque je suis arrivée à cette époque. Lorsque j’ai pris pour la première fois cette lame sur le corps d’un malheureux inconnu, je me suis juré. Juré de faire ce qui devait être fait pour venir en aide au Sekai. Et si pour ça, je dois ôter une vie, celle d’un ancien allié, alors je le ferai. Même si je serais incapable de me fixer dans une glace après ça, même si je ne trouverai plus de félicité au sein de mes rêves une fois endormie, même si je deviens un monstre, alors je ferais le nécéssaire. (Elle manqua d’ajouter : “Si telle est la seule solution.”, encore trop remontée par les événements et terrifiée par les mots de Savoir.) Je vais me battre Savoir. De toute mon âme, de toutes mes forces. Je ne laisserai pas une créature qui ne comprend rien à la force d’un coeur mortel, prendre ma vie.

    Elle commença à trottiner, puis rapidement se mettre à courir à pleine vitesse en direction du démon. Bouclier en avant, elle lui sauta dessus pour le repousser mais ce dernier resta planté tel un chêne. Voyant l’arme du démon arriver pour la punir, Louise glissa sur ses genoux, évitant de justesse le coup.
    Savoir n’eut aucun mal à la repousser de nouveau et elle roula comme à son habitude sur le sol.

    Cette fois-ci, elle se releva immédiatement pour partir de nouveau à l’assaut. Elle leva son arme et un flash du passé lui vint en mémoire. Elle revoyait Dactyle s’entrainer au camp sur un mannequin de bois. Quelques réfugiés tentaient de répliquer les coups de l’ancienne limière sans parvenir à égaler ses prouesses. Et pourtant, bien qu’un fossé se creusait entre elle et eux, ces derniers redoublaient toujours un peu plus d’efforts. Certains plaisantant même sur le fait qu’un jour, ils parviendraient à la surclasser. La démone avait passé de nombreuses heures à les fixer essayé sans réussir, le sourire aux lèvres. La séance s’était conclue par une promesse de faire encore mieux la prochaine fois.

    Revoyant l’enchaînement de Dactyle dans son esprit, Louise glissa sur le sol, pied gauche en avant. Se cachant derrière son bouclier pour se donner l’effet de surprise avant de se propulser en lançant une tranche ascendante, tentant d’atteindre l’Oeil ostensible qui de toute évidence, à ses yeux, semblait la narguer depuis bien trop longtemps.
    Le démon rabattit sa force et d’un coup bien placé dans l’abdomen de la chevalière, lui coupa de nouveau le souffle pour l’envoyer dans les airs avant de la cueillir à la retombée. Réagissant rapidement, elle se protégea de son bouclier pour éviter une attaque mortelle et se retrouva de nouveau au sol quelques mètres plus loin.

    Louise frappa de nouveau le sol de frustration en se relevant, sentant ses organes internes souffrant le martyr et manquant de recracher ce qu’elle avait ingéré la veille. Les jambes tremblantes, elle leva de nouveau sa lame vers son opposant.

    —C-ce n’est pas fini, balbutia-t-elle, peinant à garder une pensée cohérente. Je n’abandonnerai pas… quoi qu’il arrive.

    Leur niveau à l’art de l’escrime était séparé par un véritable canyon. Objectivement, Louise n’avait pas l’once d’une chance face au démon Azsharien et pourtant, elle continuait de se relever, crachant un peu plus ses poumons à chaque coup que lui portait son opposant. Beaucoup se seraient rendu compte de l’inévitable et auraient fini par baisser les armes, acceptant leur funeste sort. Pourtant, Louise, obnubilée par une émotion qui défiait toute logique, continuait de garder un espoir sincère dans sa réussite. Pour le bien des veilleurs.

    Les paroles d’Hector lui revinrent en mémoire.

    Si elle devait être un phare dans l’obscurité, guidant les âmes égarées en manque d’espoir, alors elle devait se montrer inflexible. Si elle arrêtait d’espérer, qui le ferait ?

    Après de nouveaux enchaînements de coups avec tout autant de ratés de la part de l’Aubépine, cette dernière se releva une ultime fois. L’armure teintée de son propre sang suites aux attaques répétées de Savoir, dont plusieurs avaient fait mouches, la démone pointa de nouveau son ennemi de sa lame.

    —Tant que le feu brûlant de l’espoir placé en moi par ceux qui me suivent brûlera, je n’abandonnerai pas. Ni ici, ni jamais.

    Elle chargea de nouveau, son cœur battant au rythme effréné de sa course. L’image des veilleurs lui parvint en tête et le rêve qu’elle avait de pouvoir partager avec eux des quotidiens paisibles.
    Alimentée par cette puissante émotion, la démone entama par une coupe circulaire que le démon bloqua sans grande difficulté. Ne lui laissant pas le temps de répliquer, elle enchaîna avec un coup de pied pour s’éloigner et éviter le contre de ce dernier pour mieux revenir vers lui. Frappant sa main directrice de son bouclier. Elle leva sa lame d’une main assurée et l’espace d’un instant, elle sentit comme une sorte de “déjà-vu”.  Comme mue par une force intérieure insoupçonnée, alimentée par ses rêves et espoirs, elle se sentait capable de soulever des montagnes. Sa fatigue s’amenuisant, cette curieuse impression semblait lui crier comment se battre. Telle une vieille mémoire musculaire venant d’un autre temps.

    Elle visa le flanc à découvert de son opposant et rassemblant ses forces, frappa de son épée.

    Un bruit sourd se fit entendre. Savoir se trouvait toujours debout, sans la moindre blessure. Au dernier moment, Louise avait tourné son épée pour frapper du plat de la lame. Incapable de blesser celui en qui elle espérait toujours voir un jour, un ami.
    Ses forces du moment se dissipèrent et le démon lui plaça un violent coup. L’envoyant sur le dos en arrière. Elle y resta quelques secondes, totalement sonnée.

    Il s’était retenu d’utiliser tout son arsenal et elle n’était même pas certaine que cette dernière attaque ne lui fasse autant de dégâts que ça. Quoi qu’il en fût, elle était maintenant au sol. Grimaçant de douleur, elle sentait qu’elle ne pourrait pas continuer bien longtemps. Son corps mortel ne suivait tout simplement pas ses folles envies. Elle n’était pas suffisamment entraînée pour faire face au gardien Azsharien.

    Et pourtant, une fois de plus, elle se retrouvait sur ses deux jambes. S’aidant de son épée pour ne pas chuter. A bout, elle pointa Savoir de son bouclier.

    —Attends un peu… j-je… je reprends juste mon souffle…

    Elle posa alors son front sur le pommeau de son arme avant de relever la tête pour commencer à se traîner vers le démon. Ce dernier envoya sa lame télékinétique et Louise se prépara à la réceptionner.

    Cette dernière brisa l’épée de l’Aubépine en éclat avant de la planter au niveau de l’épaule gauche.

    Dans un cri d’agoni, Louise s’écroula en arrière. Son sang se dispersant autour d’elle.

    Fixant les cieux, elle tenta de se relever mécaniquement, mais rien n’y faisait. Son corps refusait de suivre son esprit.

    Est-ce la fin ? pensa-t-elle ?

    Ses yeux s’embuant de nouvelles larmes, elle susurra.

    —Veilleurs. J’ai failli…

    Les bras écartés, elle resta silencieuse quelques instants avant d’ajouter.

    —Dactyle, je compte sur toi en mon absence. Si je dois disparaître, mène les vers des lendemains radieux. Je sais que c’est un peu égoïste de ma part… J'espère que tu ne m’en voudras pas trop.

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    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t2299-savoir-le-desintegrateur-d-azshary-terminee
  • Ven 9 Fév - 17:53


    C’est maintenant.

    Louise est acculée, Savoir ne lui a offert aucun choix, aucun échappatoire, debout devant sa lame plantée dans la roche brûlante, elle n’a d’autres options que celles proposées par l’azsharyien. Deux décisions terriblement difficiles, et Éva scrute de son unique oeil le visage de sa soeur, il est rare que le Démon redoute une réponse à ses questions, il a l’habitude de considérer les faits avérés comme équivalents dans une trame qui dépasse les concepts moraux de bien et de mal, partant du principe que la perception d’un évènement ne dépend que de l’angle de vue de son observateur et du sens qui veut être donné à une interprétation. Pourtant, dans l’attente silencieuse pesante qui précède la prise de parole de Louise, Éva en vient à ressentir une pression anxiogène peser sur ses pensées. Le choix à venir de sa soeur est un point clé bien plus important qu’il n’y paraît dans la lutte contre les Titans, un tournant que Savoir valorise comme décisif, toutes ses hypothèses voleraient en éclat si elle venait à abandonner, il repartirai de zéro et le temps perdu serait inestimable. Un instant de silence. Elle parle. Dès ses premiers mots, Éva sent le grattement typique de Ra se manifester dans sa conscience, sans pour autant que l’oeil curieux ne vienne à apparaître, il perturbe quelque peu la Juge en commentant la déclaration de leur soeur.

    Elle est coriace.
    Oui.
    Et elle a raison sur beaucoup de points.
    Non, elle a entièrement raison.
    Sauf sur la puissance de son origine.
    Ça tu n’en sais rien.
    Les probabilités se font de plus en fortes et tu le sais.

    La pupille d’Éva se dilate en voyant la Démon faire un pas sur les dalles à moitié fondues, la détermination dont elle témoigne est rassurante, la Juge détermine que cette issue est probablement la plus bénéfique pour eux. Elle écoute attentivement Louise continuer de discourir sur ses motivations, pourtant elle avait déjà signifié comprendre que Savoir n’était atteint que par les arguments logiques et pragmatiques, alors ce laïus ne peut avoir qu’une seule signification.

    Qu’est-ce qu’elle fait?
    Elle se convainc elle-même de croire.
    De croire en quoi?

    La fragile soldate monte à la charge contre l’imposant Gardien d’Azshary, et sa technique irréfléchie lui vaut une nouvelle défaite cinglante, alors qu’elle s’abaisse au sol pour éviter une taille latérale, Louise s’expose avec un bouclier bien trop haut, et le Démon soulève une de ses jambes ramifiée pour l’abattre contre son torse, écrasant son élève au sol avant de l’envoyer rouler. Elle se relève presqu’immédiatement, et Éva demeure silencieuse tant envers la shoumeïenne qu’envers Ra.

    ...
    Croire en quoi?

    Louise charge une fois de plus, elle tente de porter une frappe basse mais la coordination de son jeu de jambe ne correspond pas avec la position de son torse, son bouclier est dressé pour occulter l’angle de ses bras à Savoir, et le Démon sent venir la feinte dès qu’une des jambes de son adversaire s’avance un peu trop, dans cette posture il sera impossible de pivoter pour une estoc basse, alors son glaive frappera-
    La blonde dévoile son coup en visant directement l’optique de la Juge
    -du dessus. Savoir écarte ses globes oculaires en fléchissant ses filaments organiques et plonge en même temps sur la fille, le pommeau de son épée attrape Louise au bas-ventre et la propulse dans les airs en s’aidant de la télékinésie pour servir de force artificielle. La jeune femme vole et Savoir tend la pointe de Jugement vers elle pour l’y empaler à la retombée, mais elle se contorsionne et parvient à faire glisser l’arme le long de son pavois pour la dévier, s’écrasant à la place sur le sol dans le fracas métallique de son armure.

    Elle se convainc de croire en quoi Éva?

    Plusieurs autres assauts finissent par accueillir des résultats en apparence similaire, sauf que la Juge observatrice dénote l’attitude de la Démon, elle n’y voit pas qu’une suite de tentatives désespérées, au contraire chaque essai se démarque des autres par une nouvelle approche, une nouvelle idée, elle regarde de son oeil bleu et froid Louise abattre ses cartes les unes après les autres, sans succès. Telle est la cruauté de l’apprentissage, telle est l’épreuve de celui qui s’engage sur le chemin sinueux de la progression, il n’est de mérite qu’en les choses bien faites, et non mieux faites, seule une bonne performance complète délivrera un résultat palpable, le reste n’est pas totalement bon à jeter mais il aura un goût d’amertume pour les efforts fournis qui resteront infructueux. Louise ramasse une fois de plus sa lame au sol, se lance dans une énième charge, Savoir oppose son épée à une piètre taille, mais il est surpris de constater le chassé de son élève pour se repositionner, elle use enfin du reste de son corps, elle apprend. Éva sent son intérêt croitre devant cette preuve d’amélioration, en apparence maigre mais tout signe a son importance.

    Elle ne se convainc plus, elle commence.
    Elle commence à quoi Éva?

    La Juge envoie une estoc que Louise esquive au lieu de parer, la blonde s’est courbée sous la lame et utilise son inertie en se redressant pour frapper la main gauche de Savoir et momentanément éliminer son arme de l’équation. Malin, et bien joué. Désormais exposé, le Démon de la Connaissance admire dans la fenêtre d’une demie-seconde de cette ouverture, la riposte de Louise.

    À croire en elle.

    Le bruit visqueux qui enchaîne fait place à une accalmie qui n’a rien d'apaisante. Éva baisse son regard pour constater le plat du glaive qui chatouille une de ses viscère sans l’entamer. Depuis le début du combat, la Juge est demeurée silencieuse, laissant Louise s’emporter toute seule dans le tourbillon de ses propres émotions, elle avait regardé cette rage de vivre naître au sein de son élève et la faire continuer d’avancer malgré l’adversité écrasante qu’elle lui opposait, et elle l’avait vue réussir à lui porter une attaque par la simple force de sa persévérance et de ses émotions. Et pourtant.

    La main gauche de Savoir laisse s’échapper le manche de l’Épée du Jugement qui semble pendant une fraction de seconde flotter dans une apesanteur parfaite, avant que l’arme ne s’anime subitement. La garde latérale s’enfonce brutalement dans le cou de Louise, juste en dessous de son larynx entre ses deux clavicule, comprimant indistinctement cordes vocales, voies respiratoires et affluents sanguins. La combattante est propulsée vers l’arrière sous la force de l’impact et git sur le dos, sous le choc. Malgré la puissance du coup elle se relève encore. Éva est impressionnée en contemplant la démonstration d’une telle résilience, la jeune femme n’en peut clairement plus, dire qu’elle n’est plus apte à se battre n’est même plus une observation objective, c’est une trivialité, mais elle continue de s’approcher de lui en titubant, tenant à peine sur ses jambes. Malheureusement pour Louise, la grande évaluatrice estime que plus rien de productif ne peut-être tiré en poursuivant l’affrontement plus loin. Les yeux de Louise font subitement face à leur propre reflet quand la Lame du Jugement fuse devant son visage, lui renvoyant sa face couverte de son sang et de ses larmes, avant de fracasser son glaive usé en morceaux pour finir sa course dans son épaule. Épinglée au sol, immobile et vaincue, son corps n’a plus la force de continuer. Un problème que Savoir sait fictif.

    Pendant que Louise exprime ses dernières volontés, le Démon s’approche d’elle, debout, sa silhouette imposante lui cache une partie du ciel qui semble l’appeler au repos éternel. La pupille d’Éva s’abaisse pour darder son regard impitoyable sur la jeune femme, et dans le noir abyssal de sa pupille, Louise pouvait y voir la porte du Royaume des Gardiens qu’elle s’apprêtait à franchir. Les rayons de lumière de l’iris de la Juge s’allongent tandis que sa pupille concentre une sphère minuscule d’une lumière pourtant aveuglante. L’éclat jaillit en un laser concentré, la douleur incandescente est d’abord atroce, mais quand la peau brûle ses terminaisons nerveuses sont rapidement détruites et la souffrance s’estompe localement pour se propager radialement. Quand Éva achève son sort, elle regarde sa victime en pleurs se remettre du supplice en hoquetant. La cautérisation de sa plaie à l’épaule est un succès. Louise se tortille sur le sol en se tenant le membre blessé, elle paraît être à bout de souffle, sa respiration est archaïque, sa salive se mêle à ses larmes et son visage tordu est méconnaissable en comparaison de celui de l’éternelle optimiste qui déclamait ses discours fervents aux Veilleurs. Savoir fléchit ses jambes, les coudes sur les genoux, il s’accroupit par dessus la petite.

    ”La fatigue que tu ressens n’est qu’un mensonge au même titre que le reste de ton corps.” Elle doute que ses mots atteigne sa soeur à la vue de sa détresse intense, mais pour elle, Savoir peut attendre autant de temps qu’il ne le faudra. ”Tu n’as pas besoin de repos, pas plus que tu n’as besoin de lunettes pour voir parce que tes yeux ne dégénèrent pas, tout comme tu n’as pas besoin de manger parce que ton organisme ne consomme pas. L’air qui passe dans tes poumons octroie à ton sang un oxygène qui lui est parfaitement inutile car tes cellules n’en ont pas besoin pour créer de l’énergie, pour la simple raison qu’elle sont l’énergie même.” Éva continue de parler en dépit des sanglots bruyants de la jeune blonde, hormis cette proximité et ce momentané cessez-le-feu, elle ne fait pas un geste pour la consoler, pas un contact pour la rassurer. Ils n’ont pas terminé. ”Tu dis savoir ce que nous sommes, mais tu te mens à toi-même. L’essence démoniaque qui nous crée se matérialise sur le plan physique par une enveloppe charnelle, nous n’obéissons pas aux lois classiques de la biologie et de la physique parce que nous ne sommes qu’un amas de magie à l’état pur. Tu n’as aucune raison d’être fatiguée. Tes muscles ne s’atrophient pas quand tu travailles, ton sang n’est pas débordé par l’afflux d’acide lactique parce que tu n’en produis pas, et surtout… ton esprit ne se dégrade pas par le manque de sommeil parce que ton cerveau n’est pas fonctionnel.”

    La Juge attends que Louise se calme en vain, l’expérience de mort imminente et l’ascenseur émotionnel auquel elle est sujette semblent avoir libéré d’autres poids qui lui pesaient, et elle gémit en repleurant de plus belle. Éva constate par ailleurs que Ra s’est rendormis lorsque c’est Comp qui revient quémander la conscience, et la Juge cède sa place.

    ”Merci Éva, mais je crois que ça suffit pour l’instant.” Faisant fi du tintement de Jugement qui tombe au sol en l’absence de sa manieuse, Savoir tend une main gauche vers le visage de Louise et écarte quelques cheveux collés dans ses larmes. ”Louise.” La dernière fois qu’il avait prononcé son nom de la sorte avait été le début de son calvaire, cette fois-ci en marquerait la fin. La douleur et la peur sont d’excellentes maîtresses, mais Comp en connaît d’autres plus prolifiques encore, et plus agréables. ”Je t’ai parlé de ce que nous sommes, mais sais-tu pourquoi nous sommes? Les âmes des mortels n’ont jamais été conçues par les Titans avec la capacité de pouvoir générer des éclats, alors pourquoi en ont-ils subitement développé la possibilité? Mmh? D’ailleurs, les âmes de notre race sont incapables d’une telle prouesse, alors d’où leur vient cette faculté si unique?” Comp passe un bras sous les jambes de Louise et la ramasse, ses multiples serres empoignent son dos, relève délicatement sa tête, le Démon d’Azshary se relève en la portant et commence à marcher à travers la pierre maintenant tolérablement refroidie. ”Les émotions Louise. Les émotions des mortels sont leur plus grande puissance, elles nous ont donné naissance et nous ne sommes pourtant qu’une pâle copie dérisoire en comparaison de ce dont elles sont capables. La race elfique n’était pas capable d’autant d’intensité dans leurs coeur parce que leur longévité les poussait à relativiser la gravité de ce qui leur arrivait. Ils avaient le temps de résoudre chacun de leur problèmes. C’est lorsque les humains ont fait leur apparition, avec leur vies éphémères, que les choses ont changées. Les Titans ont fait l’erreur de créer des êtres obligés de vivre chaque instant comme le dernier, leur fragilité et leur fugacité, s’est révélée être leur plus grand atout. Les humains comme les autres mortels se sont retrouvés opprimés par les Titans Louise, et quel est le tout premier sentiment qui a réussi à faire écho dans leurs âme avec tellement de véhémence qu’il en a arraché des éclats?”

    Arrivé au bord de l’escalier de pierre qui descend de la Grande Place pour donner sur les terres dévastées, Comp dépose délicatement Louise en position assise sur les marches sculptées. Il s’assied à ses côtés, et écoute la faible réponse de cette dernière.

    ”Exact. Ni l’amour, ni la peur, mais un sentiment plus fort encore, capable de se nourrir de ceux-ci. L’espoir. Espoir est la Première Soeur. Le premier Démon, elle était d’une puissance phénoménale qui ferait passer la mienne pour un apprenti magicien, mais Espoir est morte en affrontant un Titan parce qu’elle manquait d’une chose, des émotions.” Comp porte son regard sur l’horizon, regardant le soleil approcher du paysage alors que le ciel s’assombrit. Une neige fine commence à tomber comme des poussières de cendres après un brasier. ”J’ai menti tout à l’heure Louise. Tu n’es pas faible, tu possèdes au contraire l’arme à double tranchant la plus puissante jamais inventée, un coeur, mais comme les humains, tu dois apprendre à les canaliser pour pouvoir l’utiliser. Les émotions peuvent aussi bien t’empêcher de vivre et d’avancer que te permettre d’accomplir l’impossible, de vaincre un Titan. De libérer Sekaï. De protéger les Mortels.”

    Comp considère l’espace d’un instant de faire part de ses suppositions à sa jeune soeur, mais il se ravise, elle n’est pas encore prête, elle n’a même pas encore récupéré sa magie et commence seulement à montrer des signes de progression en escrime. Savoir reste là en silence un long moment, attendant que Louise ne sèche enfin ses pleurs et reprenne sa composition. S’installe alors un long silence à l’ambiance morose pesante, Comp oriente son oeil vers la meneuse des Veilleurs et brise la tranquillité en disant:

    ”Quand tu auras récupéré, on rattaque. Éva ne m’a cédé que temporairement sa place et elle finira par revenir.” Un mensonge effronté pour ne pas laisser la blondinette croire qu’elle serait hors de danger, il était important qu’elle se donne entièrement dans son entraînement et la réalité de la menace faisait partie de l’apprentissage. ”En attendant je vais t’enseigner un peu de ce que je sais par rapport à la magie, en regardant dans tes souvenirs j’ai pu voir que ce que tu connais déjà est exact… pour un mortel. Tu as eu beaucoup de difficulté avec tes arcanes parce que ta compréhension de la mana est bonne pour les humains, les elfes, ou tout autres corps plus classique.” Tout en s’expliquant, Comp relève une de ses serres et un oiseau de lumière se manifeste sur l’appendice acéré, l’hirondelle s’avance sur le digit en sautillant et picore sa chaire chitineuse. ”Les mortels possèdent un potentiel latent de mana qui dors en eux, et ils le remplissent en puisant passivement dans l’environnement, sauf que les Démons ne fonctionnent pas selon ce principe, nous n’avons qu’un corps artificiel qui n’existe pas réellement, à un instant T notre mana n’existe pas dans le plan matériel. La seule façon dont nos âmes peuvent manipuler de la magie, c’est en transitant entre les deux plans. Quand ton corps reprend temporairement sa forme démoniaque l’essence régénérée à l’état pur est reconvertie en énergie, et cette énergie peut être retransformée en mana.” L’oiseau s’envole de son doigt et déploie ses ailes luminescentes dans les airs pour rejoindre le ciel orangé. ”Comme nous ne puisons pas dans notre enveloppe charnelle en dépensant notre mana, nous ne nous fatiguons pas au même titre que les mortels. Par contre notre enveloppe charnelle devient de moins en moins stable le temps que notre âme régénère ses fragments, c’est ce qui nous limite. C’est déjà très impressionnant que tu sois parvenue à émuler l’utilisation classique de la magie, ça signifie que tu es parvenue à puiser dans l'environnement via ta propre mana pour contrôler celle ambiante et que tu l'assimilait comme la tienne. Je peux aussi en faire de même, mais apprendre à faire ça m'a pris des milliers d'années. Maintenant on va travailler la méthode plus classique de notre espèce, tu va devoir écouter ton corps un peu plus, Éva te l'a dit, tu ne l'utilise pas assez.”

    Tôt ou tard Éva finirait par revenir, et Comp espère que le moment échéant, Louise sera un peu plus prête.
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    Louise Aubépine
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  • Sam 17 Fév - 3:13
    Démoniaques philosophies


    Étendue à même le sol, Louise, vaincue et blessée, voyait sa vision s’obscurcir alors que l’ombre imposante et menaçante du gardien azsharien vint la surplomber. La commandante des veilleurs lui offrit une grimace de défi.

    —Même si je meurs ici, commença-t-elle en faisant un effort conséquent afin de rester éveillée. Les veilleurs subsisteront. Je place ma foi en eux.

    Elle termina sa phrase dans un soupir alors que la magie illuminatrice de l’entité lui obligea à fermer les paupières pour ne pas être aveuglée. C’était donc la fin.
    Du moins, c’était ce que pensait la chevalière qui fût rattachée au plan réel par une nouvelle douleur, plus vive encore que les précédentes.
    Gesticulant sur le sol, elle recommença à crier, sentant son épaule se déchirer. Bien qu’elle n’appréciait pas ce fait, son corps était particulièrement sensible à la lumière et y répondait de la manière la plus négative qui soit, lui hurlant de se sauver de là. Elle manqua de sombrer devant la douleur trop importante mais bien vite, cette dernière s’estompa. Trop brûlée pour ressentir quoi que ce soit de plus à l’épaule.

    Louise se recroquevilla sur elle-même, dans une position misérable, cherchant à reprendre son souffle avant de cracher de nouveau un peu de sang sur ses mains. Sa plaie était cicatrisée et elle n’en souffrait plus, son état n’en était pas moins catastrophique.
    La voix de Savoir lui vint aux oreilles tel un bourdonnement incompréhensible et Louise dut faire un effort certain de concentration pour en comprendre les grandes lignes.

    —Si c’est un mensonge, il est particulièrement douloureux en tout cas, grimaça Louise en guise de réponse alors qu’elle commençait à avoir le tourni.

    Savoir continua son explication. Rebondissant sur les lunettes qu’elle portait jadis. Ses mots, empreints d’une profonde vérité, rendaient profondément mécontente la démone bien qu’elle n’avait aucun contre-argument pour les réfuter.
    Elle n’était pas humaine. Et elle se rendait compte que cela lui déplaisait énormément. Pourtant, elle devait se rendre à l’évidence. Il était inutile de se cacher plus longtemps, l’entité démoniaque l’avait mis devant la vérité, et il lui était impossible de la réfuter.

    Lentement, elle sentait la fatigue s’envoler. Petit à petit devant cette réalisation, ce nouveau pas en direction de l’acceptation de qui elle était au plus profond d’elle.

    Gardant son front sur le sol un temps, l’Aubépine finit par se relever, non sans difficulté. Après tout, fatigue ou non, son corps était couvert de multiples blessures l’entravant dans ses déplacements, la forçant à plier de nouveau le genou.

    —J’ai peur d’admettre ce que je suis réellement, finit-elle par avouer. Je ne veux pas croire que tout ce que je vis est un mensonge. Je ne veux pas me retrouver seule. Je me suis rendu compte d’une chose. Vous, Savoir, les êtres qui le composent. Vous n’êtes jamais seuls. Je comprends que vous n'éprouvez pas ce besoin de se faire accepter par autrui.

    Elle se tût finalement, ne sachant pas réellement où elle allait. Perdue, elle se contenta d’écouter la voix chaleureuse de Comp qui finit par la soulever de nouveau.
    —Je ne vous cerne pas très bien. Comptez vous me tuer ou me tourmenter jusqu’à la fin ? Ou tout ceci n’est que le fruit d’une leçon que vous tentez de m’administrer de force ? Sachez que si c’est le cas, je ne vous recommenderai pas une seule seconde en tant que professeur.

    Elle esquissa un sourire avant de grimacer de douleur, portant une main sur son nez brisé. Puis, se laissa bercer par le cours de Comp.
    Elle savait que les démons étaient pour la plupart, la matérialisation de sentiments forts, c’était également pour cette raison que l’histoire comptait une forte apparition de ces derniers en temps de guerre. La famine, la cruauté, la mort, mais également des sentiments plus joyeux tels que l’espoir ou l’amour.

    —Les humains sont prêts à tout pour vivre. Comme tu le dis, leurs étoiles ne brillent pas longtemps en comparaison avec les elfes. Pourtant, elles brillent d’une intensité qui défie toutes les lois de la logique. Ce sont eux qui ont modelé une grande partie du Sekai au fil des âges.

    Elle fût déposée sur les marches de pierre, lui laissant contempler un peu plus la ruine qu’était devenue Shoumei en contrebas. Une question subsistait. Une question dont Louise redoutait la réponse.

    —Cette première sœur qui incarnait l’Espoir. Se battait-elle par choix ? (Elle tourna la tête en direction de l’oeil actif.) J’ai besoin de connaître la vérité. Comp, sommes nous réellement libres de nos actions ? Ou ne sommes-nous que les pantins des émotions qui nous ont conçues ? Dans ton cas, cherches-tu la connaissance par envie sincère ? Ou ne le fais-tu que parce que ton essence te pousse à le faire ? Et dans mon cas… est-ce que j’agis réellement pour le bien du Sekai ? Ou pour satisfaire l’essence profonde qui me compose ? J’ai à cœur de penser que j’agis par désintérêt, dans l’idée de faire le bien. Mais est-ce vraiment exact ? J’ai toujours eu un certain recul vis-à-vis des démons, mais peut-être ne suis-je pas si loin d’eux tout compte fait. Je tiens réellement à mes proches, je veux le croire. Je veux voir le Sekai en paix. Mais… est-ce que j’agis par choix ? Parce que mon père m’a éduqué de cette façon ? Ou bien est-ce par déterminisme racial ? Si tel est le cas, ai-je vraiment le droit de me présenter comme leur amie et meneuse ? Si quoi que nous fassions, les chaînes de notre essence nous poussent à agir en adéquation avec l’énergie qui nous a conçu, nous ne sommes guère différents des fanatiques, esclaves de puissances qu’ils ne comprennent pas.

    Elle posa sa tête sur ses genoux, un sentiment de mal-être général l’envahissant. C’était beaucoup à encaisser d’un seul coup. Néanmoins, elle n’était pas stupide, elle comprenait ou voulait en venir le démon de la connaissance et même elle ne pouvait fermer les yeux plus longtemps quant à sa proximité avec l’espoir. Etait-il possible pour deux démons d’avoir un lien avec le même sentiment ? Peut-être, Savoir devait probablement connaître la réponse. Pourtant, cette première sœur était morte. Quant à elle, Louise, elle avait reçu cet enseignement diviniste et pendant longtemps, avait gardé ces dieux dans un coin de son cœur. Tout ceci n’était-il qu’une vaste blague ? Elle se retrouvait à mener les mortels dans une charge désespérée contre les titans et leurs assimilés. Peut-être n’était-il tout simplement pas possible d’échapper à qui nous étions ?

    —Vas-tu me rendre mon grimoire afin que nous puissions rentrer ? lui demanda-t-elle enfin sans réelle conviction.

    Comp lui glissa qu’ils n’en avaient pas terminé ici avant de lui faire un nouveau cours sur la magie. Ce dernier se montra plus qu’instructif car Louise n’avait réellement aucune idée de comment fonctionnait la magie au sein de sa propre race.
    Elle hocha un peu de la tête, prenant des notes mentales, fixant la création s’envoler.

    —Tu es sûr que tu ne veux pas laisser Eva se reposer ? demanda-t-elle non sans un faible sourire. C’est plus simple de discuter avec toi. Et moins douloureux aussi.
    Voyant qu’il ne réagissait pas forcément à son trait d’humour, elle se releva pour contempler plus en détail l’horizon.

    —Je crois que je commence à vous cerner. Vous ne lacherez pas l’affaire tant que vous n’aurez pas eu ce que vous voulez n’est-ce pas ? Donc, si je veux rentrer chez moi un jour, je n’ai pas d’autre choix que d’agir. Je ne me sens plus fatiguée, ce qui est un bon point. Maintenant, je n’en reste pas moins esquintée. Je vais tâcher de suivre vos enseignements. D’utiliser mon essence. Et… d’accepter ce que je suis. Quand bien même ne serais-je qu’un pantin de mes propres émotions, je veux croire que mon amitié avec les veilleurs est sincère. Tu l’as dit toi même, si je possède des émotions, si je suis capable d’avoir peur ou d’aimer, alors je dois aussi pouvoir espérer des jours meilleurs. Shoumei sera rebâtie sur ses cendres, elle deviendra la maison de l’Espoir. Un lieu de tous les possibles. Ou nous pourrons vivre en pleine félicité. En l’attente de ce moment, je continuerai de me battre auprès de mes proches.

    Elle tendit la main devant elle, fermant les yeux et laissant toutes ses pensées se tourner vers son rêve. Un monde où la vie et la paix coexisteraient à travers le Sekai. Un monde où les veilleurs pourront enfin déposer les armes afin de se concentrer sur un quotidien plus paisible.

    —J’y crois, se répéta-t-elle plusieurs fois, comme pour se le prouver à elle-même.

    Elle ne se concentra pas sur la réserve magique vide qu’elle ressentait,  à la place, elle puisa au sein de l'espérance. Finissant de s’accepter et comprenant que même si elle était différentes des mortels qu’elle chérissait, rien ne lui empêchait de partager leurs vies. Et, après de longues minutes de silence, son sentiment commença à se matérialiser au sein de sa main droite. Ses croyances prenaient vie peu à peu. Dans le creux de sa main, commença à crépiter une ombre, renfermant une fine couche de glace.

    Louise ouvrit alors les yeux, refermant sa main sur cette magie qui forma une longue lame d’ombregivre. Bien sûr, la maîtrise de cette nouvelle magie était encore loin de montrer autant de perfectionnement que celle qu’utilisait Savoir, toutefois, la démone qui avait accepté l’espoir commençait à toucher du bout des doigts la compréhension de la magie démoniaque. Continuant de fixer cette lame éphémère, elle n’eut guère besoin de se tourner pour comprendre qu’Eva était de retour.

    —Je crois que je commence à comprendre. Pourquoi tu m’as emmené ici, le sens de tes mots. Honnêtement, je ne sais pas si je suis prête. Ni si je le serai ne serait-ce qu’un jour. Toutefois, je suis trop bornée pour abandonner ou pour perdre espoir. Et qu’importe que ce soit par essence ou existence, je serais la personne que je souhaite être. Un phare dans l’obscurité, menant les âmes égarées vers des lendemains radieux ! Je ne fuirai pas ! Je ne reculerai pas ! Ensemble, peuples du Sekai, nous forgerons l’avenir !

    Elle se retourna, tâchant de garder sa concentration afin que sa lame ne disparaisse suite à la rupture du lien fébrile qui la menait à son essence.

    —Eva ! Nous n’en avons pas terminé toutes les deux ! Je vais te prouver la force de mes convictions !
    Toujours sur les marches, elle était de nouveau prête à croiser le fer. Irradiant intérieurement d’un espoir démesuré, défiant la logique implacable du gardien azsharien.

    La croyance contre la raison.

    CENDRES


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  • Ven 23 Fév - 15:02



    Quelques jours auparavant...

    Des flammes crépitent sur des bûches découpées au laser tandis qu’elles donnent un peu de lumière aux terres désolées qui bordent Bénédictus. Nichées à la chaleur du foyer improvisé qui les protège de l’hiver balbutiant, les deux silhouettes qui ont passé la journée entière à traquer les fanatiques qui s’en étaient pris à l’Arbre-Monde sans succès sont posés sur des pierres qui leur servent d’assise. Après non seulement plusieurs jours de chasse passés aux côté l’un de l’autre mais aussi les deux combats menés contre les forces titanesques de ces derniers mois, le Démon éprouve une certaine confiance dans la lycanthrope et second en chef des Veilleurs de l’Aurore. Cela fait bien quelques heures maintenant qu’ils ont cessé leur traque par un abandon cuisant, malmené à la fois par les horreurs ambulantes qui patrouillent dans les reliquats de la ville mais aussi par une brève altercation avortée le premier jour avec les fanatique qui, en l’absence de la magie partiellement régénérée de l’un des deux traqueurs, s’est révélée bien plus dangereuse que prévue.

    Là, Savoir et Dactyle parlaient avec gravité d’un sujet qui semble on ne peut plus sérieux, et la lycanthrope écoute avec un air sombre les propos exposés par le Démon.

    ”...ous t’avions demandé des précisions sur le comportement de Louise. En réalité le but premier de cette échappée en ta compagnie était pour nous surtout de pouvoir obtenir un peu de temps de réflexion et d’amasser plus d’informations la concernant. Je me demande simplement de ton côté, ce que tu penses de tout ceci, car tu es également concernée et tu es aussi une Championne.”

    La Seconde des Veilleurs resta silencieuse un moment. Les propos étaient graves, et les actions à venir, lourdes de conséquences. Inutile de s'insurger contre le Démon, quelques jours en sa compagnie  lui avaient suffit à s'habituer à ses conclusions pour le moins radicales.

    ”Ce que j'en pense a vraiment une importance? Vous semblez avoir déjà bien réfléchi à la question... vos options sont claires, et vos mesures, drastiques.”

    Si son ton était emprunt d'un certain cynisme, la lycanthrope n'en était pas moins concernée par le sort de son amie.  

    ”A vrai dire, quelque chose me dérange. Espoir, et elle vraiment si importante que ça ?”

    L’oeil brun du Démon dévie son regard de la jeune femme pour plonger sa pupille inexpressive dans le brasier du feu de camp, et après un silence pensif, il reprend:

    ”Nous y avons beaucoup réfléchi oui, mais nous manquons encore de données. Par exemple, les Veilleurs de l’Aurore sont indubitablement le début de quelque chose de plus grand, cependant si nos théories s’avèrent erronées, qu’adviendrait-il des Veilleurs en l’absence de Louise? Nous ne savons pas si la garantie de la préservation des Veilleurs pèserait plus que l’avantage tactique d’une réincarnation de Louise. La hauteur du risque dépend de ta capacité à prendre le relai, et de la cohésion de groupe que tu penses qu’ils auraient avec la disparition de leur premier chef. C'est pourquoi je te demande ton avis.” Il marque une pause et répond à la deuxième question de l’ex-Limier. ”Dactyle, à titre comparatif, ma propre puissance de feu est dérisoire face à celle d’Espoir lorsqu’elle était la Première Soeur. Elle a failli vaincre un Titan en pur combat singulier… d’ailleurs si nous parvenons à l’éveiller et qu’elle décide de nous éliminer, nous ne pourrons rien y faire, mais nous croyons que le sacrifice sera avantageux pour la survie de Sekaï.”

    ”Vous parlez comme si la disparition de Louise était inévitable. Qu'elle soit ou non Espoir, elle a indubitablement un rôle à jouer. Ce n'est peut-être pas celui que vous espérez, mais il est loin d'être négligeable. Alors oui, on est loin de la destruction d'un Titan en combat singulier, mais rassembler des réfugiés, les fédérer autour d'une cause qui tient plus du suicide que du véritable projet, ce n’est pas rien non plus. Quelle garantie avez-vous que son sacrifice soit plus bénéfique ? Et si ça ne changeait rien, ou pire, si la situation se dégradait ? Une vie perdue est toujours perdue, qu’elle soit remplacée par une autre ne change rien.”

    Pendant que l’oeil brun demeure inactif, son regard fixé sur le feu dans un immobilisme pensif, la lycanthrope marqua une pause, avant de se pencher sur une question qui la concernait également, néanmoins, nettement moins préoccupante que la survie, l’éveille et la potentielle mort de Louise.

    ”Pour ce qui est des Veilleurs, je peux en faire mon affaire, du moins pendant un temps. Du moins, pour ce qui concerne la gestion de nos ressources et la mise en place d’éventuelles opérations. Mais c’est loin de me plaire. Quant au moral des troupes, Eh bien ne comptez pas sur moi. A ce jeu là, Louise est imbattable. D’ailleurs le plus important c’est pas ce que j’en pense, où même ce que vous avez prévu. Mais plutôt ce que Louise pense tout ça. Vous ne lui avez pas encore tout dit n’est ce pas ?”

    ”Exact. La rétention de nos informations constitue une partie cruciale du processus d’éveil. Moins elle en sait, plus l’impact des révélations sur son âme sera important et plus les chances de succès seront élevées.” Le Démon rajoute une bûche dans le foyer avant de continuer. ”Quant à l’option de tuer Louise, nous tenons à préciser que notre première théorie est la plus probable, à hauteur de 71%. Nous estimons la seconde à 16%, ce qui laisse les deux dernières à 13%. La probabilité que nous finissions donc par tuer Louise de la façon la plus définitive au sens mortel du terme est donc de seulement 4%, mais c’est ce cas de figure improbable que nous discutons maintenant. À la lumière de ce que vous nous indiquez, nous réévaluons notre décision. Nous aviserons avec plus de nuance sur la décision à prendre une fois que le choix s’imposera, peut-être des détails supplémentaires viendront affiner notre finalité.”

    ”Hum.. et bien pour une fois vos statistiques sont encourageantes, pas infaillibles, mais encourageantes. Je suppose que je devrais m’en contenter ?”


    Maintenant, au campement des Veilleurs de l’Aurore

    Si l’arrivée de la Lycanthrope et du démon et ses trop nombreux globes oculaires avait été plutôt remarquée, l’agitation était bien vite retombée. Une fois encore, ce fut grâce à l’intervention de Louise, qui avait définitivement un certain talent pour le relationnel et un sens de la communication qui s’affinait avec l’expérience.
    Un domaine où Dactyle avait en revanche assez peu évolué, quoique, ces interventions pouvaient à présent aller de correctes à cordiales, presque agréables dans les bons jours. Or, ce n’était pas, un bon jour. Ainsi, elle envoya Hubert balader, lui et sa demande de rapport. L’ex-Limier voulait juste quelques petites minutes de paix, où ne serait-ce que cinq secondes de tranquillité. Ne serait-ce que pour se remettre de ces longs jours de traque infructueuse. Elle erra donc dans le camp un moment, hantée par les discussions de ces derniers jours.
    La perspective de devoir le gérer un jour lui déplaisait fortement, d’autant plus qu’elle se savait incapable d’abandonner. Elle s’y était engagée auprès de Louise, de Savoir, et tous les autres. Alors peut importe son avis ou ses envies, elle se tiendrait à sa parole. Si elle ne mourrait pas d’épuisement avant. Incapable de se poser, la Seconde des Veilleurs faisait les cents pas.  Sa tranquillité d’esprit si tant est qu’elle ait pu y goûter un jour, s’était envolée à l’instant où Louise et Savoir avaient quitté le camp.
    Elle interrompait sa ronde à intervalles réguliers pour scruter le ciel d’un air grave, comme si elle s’attendait à ce que ce dernier lui tombe dessus.
    L’air était lourd, chargé de tension comme avant une tempête, et pourtant rien en vu.
    Elle s’efforçait de ne pas penser au pire. Espérait que ses discours hasardeux aient pu influencer le démon. C’était bien tout ce qu’elle pouvait faire, elle avait dû se faire une raison, elle aurait été bien incapable de l’arrêter de toutes façons.  Mais de là à le laisser sacrifier Louise pour trimbaler son âme on ne sait où jouer à la loterie de la réincarnation … non vraiment c’était sans doute l’option qui lui déplaisait le plus.. et les autres.. n’étaient pas beaucoup mieux. Quoi qu’il advienne, la vie de la commandante et fédératrice des Veilleurs de l’Aurore s’apprêtait à s’effondrer, une nouvelle fois… et Dactyle ne pouvait que faire son possible pour essayer de l’épauler, quelle que soit la tournures des événements. Qu’elle soit Espoir ou non, elle avait un rôle à jouer.
    Des cris d’alerte mirent finalement un terme à ses ruminations. Inquiets, quelques réfugiés s’étaient amassés au centre du camp et pointaient le ciel avec inquiétude. Leurs poignes serrées sur leurs armes de fortune comme si elles pouvaient les protéger de l’éclat incandescent qui venait de fendre le ciel. Un oiseau de lumière, un signal.
    Dactyle s’avança visiblement apaisée, donnant une tape amicale sur l’épaule d’un Hubert au comble de la panique :
    ”Du calme Hubert, l’Espoir vient de s’éveiller. Nous devons être prêts. Au boulot!”


    Maintenant, à Jiroquai

    Assis sur les marches de la Grande Place de Jiroquai, Comp écoute Louise devenir soudainement la proie de ses doutes et de son existentialisme, sa soeur démontre des signes évidents de psychologie mortelle et rappelle au Démon certains recueils de psychologie elfique qu’il a pu consulter dans le Compendium. À l’époque le sujet d’expérience azsharien demandait aux chercheurs de lui apporter des livres aux thématiques variées en échange de sa coopération à leurs divers tests et interrogatoires. Si les questions de Louise l’intriguent autant, c’est parce qu’elles ne viennent cette fois pas d’un mortel dont la condition éphémère les pousse naturellement au questionnement, mais bien d’un congénère qui rebute le nihilisme inhérent à son espèce. L’oeil brun observe curieusement la blondinette. D’après les sciences sociales évoluées des Fondateurs ainsi que les théories philosophiques établies par l’Empire elfique, aucune vérité n’est exacte quant à la nature et le sens de l’existence des mortels, mais ce vers quoi l’observation empirique de tout ces individus semble converger, c’est que la philosophie est un moyen de donner un sens à la volatilité de leur vie et que la démultiplication des différents dogmes permet à tous d’y trouver leur compte. Répondre à Louise ne constituerait donc pas une solution définie et absolue mais il devrait plutôt rapporter les connaissances amassées dans les ouvrages comme des conseils pour l’aiguillier dans la bonne direction afin qu’elle parvienne à ses propres conclusions. Sa réaction immédiate s’accorda donc à cette décision.

    ”Les réponses viendront en temps et en heure Louise.”

    Insatisfaisant, autant pour elle que pour lui. Comp aurait adoré pouvoir accompagner Louise dans son périple philosophique, il aurait été fasciné par une telle première, un être immortel, un démon, une conscience sur laquelle ne pesait pourtant ni l’affre du temps ni l’affect émotionnel des âmes humaines, et malgré cela cette même âme, cette même conscience était habitée par les mêmes préoccupations existentielles. Il écoute le silence de sa réflexion, il regarde l’horizon et la nuit qui approche. Quand Louise brise enfin la quiétude, c’est pour demander à ce que Savoir lui rende son grimoire, mais à la place il continua à lui parler de magie, tant pour rester sur le fil qu’il trace pour l’entraînement de ce qui devient désormais sa nouvelle disciple, que pour éviter que Ra ne s’éveille, attisé par la curiosité obsessionnelle de découvrir ce qui se cache dans un livre futile en comparaison de ce qui se présente à lui. L’oeil hypermnésique n’a pas tendance à avoir un sens des priorités particulièrement développé.

    Un évènement intriguant commença alors à se produire, Comp regarde Louise avec la plus grande attention en la voyant déjà occulter sa fatigue et tendre une main vers la ligne de ciel, ostensiblement, rien ne semble pourtant se produire dans l’immédiat, mais Savoir est plus que patient. Il attend. Elle est vraisemblablement entrain de tenter quelque chose, et le Démon de la Connaissance attend d’en voir les résultats même s’il ne sait pas à quoi s’attendre. Peu à peu, quelque chose apparaît dans cette main tendue, se matérialisant depuis la volonté même de la Démon en une matière noirâtre que Savoir est stupéfait de reconnaître. La tangible forme ténébreuse, les nuages de particules étincelantes bleutées qui dansent à l’intérieur, les minuscules grains de givre en suspension qui se lient les uns aux autres pour former une pellicule à sa surface, la propriété à la fois flexible de la pénombre et rigide de la glace…


    Impressionant

    Jamais il n’arrive à Comp de ne pas croire ce que son oeil relève, il est capable de douter d’une illusion si le contexte s’y prête, mais tout ce qu’il observe est simplement accepté comme factuel. Certaines constatations lorsqu’elles sont plus ou moins étonnantes que d’autres, parviennent toutefois à ébranler ses convictions et à tellement chambouler ses préconceptions de la réalité qu’il en vient à se questionner sur la véracité de connaissances qu’ils pensait avérées. En voyant Louise parvenir à manipuler une arcane d’une telle complexité, non seulement sans jamais l’avoir manié auparavant, mais aussi alors qu’elle était encore incapable de malaxer sa mana quelques minutes plus tôt même au péril de sa vie, Savoir commence inévitablement à douter de ses propres perceptions.

    Est-ce réellement de l’ombregivre ou quelque chose qui s’en rapproche visuellement?
    Est-il possible qu’un autre facteur ait généré cette lame qu’elle tient dans sa main?
    Peut-il s’agir d’un artéfact? D’une illusion? D’une métamorphose peut-être? Ce sont après tout des arcanes plus simples qui permettraient d’émuler un tel résultat.
    Possède-t’elle une affinité magique fondamentalement différente de son espèce?
    Si elle s’avère capable d’utiliser de l’ombregivre, à quel point la maîtrise-t’elle?
    Le potentiel dont nous avions supposé l’existence tantôt est-il juste là à portée de main?
    Et si ce n’est que le début de son potentiel…
    ... Alors jusqu’où s’étend-t’il?

    La pupille brunâtre de Comp rétrécit subitement en comprenant le drame de ce prodige. Louise vient d’effectuer une réelle prouesse en appliquant bien ses conseils, le problème, c’est qu’elle les a trop bien appliqué. Beaucoup trop bien. L’oeil empathique aurait souhaiter la guider plus loin dans son apprentissage, en usant de méthodes plus douces, mais la révélation de cette force insoupçonnée chez son élève a réveillé l’intérêt d’un oeil beaucoup plus intéressé par la mesure des puissances. Alors que Louise observe avec un air enjoué le fruit de son effort, elle n’a pas besoin de tourner la tête pour entendre le son de la paupière qui se manifeste en un bourdonnement autour du globe vitreux de Comp, ni celui de la désintégration de la membrane nictitante qui accompagne l’éveil de la Juge. Dans un mouvement trop lisse pour être celui d’un être vivant normal, Savoir se relève sur la première marche de l’escalier et darde l’oeil bleuté sur le dos de sa jeune soeur. Elle prend la parole, déclame une nouvelle fois sa détermination, mais cette fois une nuance cruciale figure dans son discours, une nuance qui change complètement la teneur de sa résolution. Elle est lucide. Louise ne prononce plus ses promesses comme dictées par une morale qui n’est pas la sienne, mais elle proclame l’affirmation d’une volonté propre qu’elle s’est appropriée. La différence de résilience est palpable, Eva est capable de le voir, il n’y a plus de peur dans ses yeux bleus azur, non pas parce qu’elle n’en ressent plus, mais parce qu’elle l’a dompté. Un Démon ressent du courage. Cet atout surpuissant qui est normalement l'apanage des mortels, qui leur permet de se dépasser outre-mesure, ce sentiment dominant même qui a permit aux mortels de se libérer du joug de leur tyrans divins, Louise le ressent.

    Tel est le pouvoir de l’Espoir.

    Eva s’écarte de quelques pas et adopte une posture de bretteur. Nul besoin d’une arène cette fois pour forcer la blonde à se battre, elle dit elle-même vouloir en découdre, persévérer, prouver la puissance de sa foi. La croyance contre la raison.

    ”Si tu dis vrai. Prouve le nous.”

    Aussitôt, la lame de l’Épée du Jugement s’extirpe du fourreau de chair constitué par le tronc de Savoir pour virevolter doucement dans les airs et s’installer au côtés du Démon azsharien. Éva regarde la frêle figure abîmée de Louise raffermir sa poigne autour de son épée bleu-noire et la saisir d’une deuxième main, et en réponse, elle ouvre la paume de sa main gauche humanoïde pour accueillir le manche de Jugement. De ses serres cependant, une deuxième lame fait son apparition alors qu’une épée de lumière se matérialise dans sa plus grande appendice. Manipulant ainsi les armes par ambidextrie, Savoir s’avance d’un pas vers Louise, mais cette fois en voyant le voyant s’avancer, la petite blonde ne perd pas de temps et fond sur lui. Éva se laisse un peu plus aller qu’auparavant, la situation ayant évolué elle cherche désormais à jauger la nouvelle résolution de son adversaire ainsi que la puissance de sa magie fraîchement retrouvée. D’abord évaluer la force de l’ombregivre. Savoir triche sensiblement en utilisant l’allonge démesurée de son bras difforme et oblige la bretteuse à s’écarter sur le côté, suivant le même mouvement de rotation en miroir, l’azsharien frappe ensuite la lame ombrale de sa propre épée lumineuse. Peu d’intensité, les deux épées s’entrechoquent mais d’aucune ne se brisent.

    C’est encore chancelant.

    Certains auraient pu trouver rassurant que l’exploit de Louise soit modéré, Savoir a cependant rapidement redéfini le champ des possibilités d’après ce qu’il vient de témoigner et est donc plutôt curieux de connaître les limites actuelles de sa jeune soeur. Il la laisse pour l’instant revenir à l’assaut, parant avec ses deux lames et utilisant le double danger pour tenir la petite en échec sur sa phase d’offensive. Dès qu’une fenêtre d’ouverture s’offrait à Louise par l’écartement d’une des armes, elle était immédiatement fermée par l’autre qui ripostait ou parait son épée.

    Elle progresse, mais c’est insuffisant.

    Savoir passe soudainement à l’attaque, une rafale de coup vient s’abattre sur le fragile glaive de ténèbres avant que le Démon n’abatte une terrible taille haute que Louise doit bloquer au lieu d’esquiver. C’est là que la différence de hauteur et de poids se fait le plus ressentir, et quand les premières fêlures accompagnent le craquèlement de la surface glacée de l’ombre, Louise se soustrait à la frappe au moment où son glaive explose en petits éclats étincelants et en brumeuses volutes noirâtres. Un échec, une leçon. Éva lance un balayage de sa main gauche, mais ouvre ses doigts en plein mouvement et la lame quitte sa paume pour fendre les airs en traître puis la joue gauche de la jeune femme.

    ”Tu réfléchis encore trop, utiliser ta tête pour penser te permet peut-être de mieux te préparer, mais tu laisses aussi la porte ouverte à tes doutes, à tes insécurités et à tes peurs pour s’immiscer en toi et teinter ton esprit…” Malgré la maigre blessure infligée il s’agit d’un réel conseil, il demeure pourtant important pour Éva de maintenir un semblant d’illusion chez Louise que le combat est sans échappatoire, sinon la Juge redoute que la blonde ne se donne pas complètement. Elle rappelle Jugement et redresse la lame devant son oeil. ”Peut-être ne serais-tu pas aussi faible si tu te permettais d’agir de façon plus instinctive, les humains possèdent des émotions primales qu’ils doivent sciemment dompter pour se dépasser, les Démons fabriqués à partir de pures sentiments doivent au contraire faire un effort considérable pour dévier de leur essence, et toi, tu as choisi le pire de ces deux mondes.”

    Ses paroles sont fausses, selon Savoir Louise constitue bien au contraire le croisement absolu entre le mortel et le Démon, mais c’est un embranchement qui peut tout aussi bien aboutir à un succès sans précédent qu’à un échec cuisant, de la même manière que la Première Soeur est morte de son arrogance, à peu de chose près d’occire un Titan. La jeune femme bouillonnante se reforme un équipement d’ombregivre flambant neuf et les deux combattants recommencent à se battre. L’échange dure, Savoir est satisfait de la voir persévérer avec une véhémence bien plus intense qu’auparavant, le métal rencontre le givre, la lumière croise les ténèbres, bientôt des nuages d’étincelles se déposent sur les pavés et stagnent contre les pierres de la Grande Place. Des petits dépôts de flocons réfléchissant la lumière, quelques poussières dorées irradiantes, des fumets ténébreux, les particules de magie détachées par la violence des coups échangés macule le terrain d’entraînement. Ils continuent leur escrime périlleuse encore quelques dizaines de minutes, et quand le soleil vient les interrompre momentanément en les privant de ses rayons pour disparaître derrière l’horizon, Louise marque un temps d’hésitation à continuer, mais Éva en décide autrement. Afin de récompenser les progrès de son élève, elle se permet d’être un peu plus bavarde et alors qu’elle lache Jugement pour tendre son bras vers le ciel, un deuxième globe oculaire fait irruption tandis que le premier fait pousser sa crinière luminescente:

    ”Le Fondateur Ael-Leroyn’win a écrit dans ‘Apologie de l’Existence et le Dilemme du Sujet’: en supposant que les Titans nous aient créé avec un but précis, il nous est pourtant impossible de le deviner ou même d’en supposer une hypothétique nature…” Dans l’espace environnant, des points de lumière minuscules commencent à se matérialiser, isolés, ils ne donnent quasiment aucune luminosité. ”... pourtant un sujet qui se conscientise est apte à reconnaître sa qualité de penseur, et donc à conceptualiser une notion primaire de libre-arbitre. De cet axiome surgit deux possiblités, il est en effet concevable que le fruit même de sa pensée soit d’origine divine, auquel cas il accomplit quelques soient ses actes la volonté des Dieux et ne peut donc se soucier de leur déplaire, mais dans le cas où le sujet est l’auteur de son propre rationalisme…” les points de lumière fusent tous de plus en plus vite en une multitude de traits radieux et convergent dans la paume tendue d’Éva, formant une sphère illuminée. ”... alors la question est autre, le penseur devient un acteur responsable, le poids de ses actions ne dépend que du choix qu’il fait d’user de son libre-arbitre et blâmer une puissance supérieure de nous avoir octroyé cette capacité décisionnelle se réduit à rejeter une faute sur autrui malgré le fait accompli…” La sphère de lumière grossit considérablement en taille au fur et à mesure que les particules la rejoignent, jusqu’à atteindre plusieurs mètres de diamètre. La Grande Place est éclairée par ce soleil factice, et d’une légère impulsion, Éva l’envoie flotter dans les airs, créant un véritable astre artificiel qui illumine le champ de bataille. ”... que nous n’avons pas le choix parmis différents chemins, mais plutôt que nous traçons notre propre voie et que nous créons notre propre lumière pour disperser nos ténèbres.”

    L’oeil verdâtre se referme et Éva redevient la seule conscience éveillée à contrôler Savoir, elle fixe son regard inquisiteur sur Louise et lui dit:

    ”Peut-être es-tu affiliée à Espoir, ou peut-être es-tu plus simplement proche des mortels, quel qu’en soit le cas, tu possèdes un coeur qui, s’il ne bat pas, ressent. Ce qui le traverse n’est donc que de ta responsabilité… Que ce soient tes émotions légitimes, ou l’acier de ma lame.”


    Comme pour joindre le geste à la parole, Éva reprend brutalement son assaut, elle rassemble dans un enchaînement éprouvant les différentes notions que Louise a amélioré progressivement tout au long de l’apprentissage ardu qu’elle vient de subir, et met à l’épreuve la Démon en la harcelant de différentes frappes et bottes tirées de leurs précédents échanges. D’abord chancelante sous les premiers coups, la soeur aux cheveux dorés prend peu à peu de l’assurance, son instinct reprend lentement le dessus, et une fois à l’aise, le Démon d’Azshary et la Fille du Grimoire dansent ensemble ce ballet mortel pendant plusieurs heures au coeur de la nuit. Enfin, une touche de son glaive ombral attrape Savoir au bas-ventre, sectionnant son intestin dont un morceau tombe au sol avec un bruit flasque et vomitif. Les deux combattants s’immobilisent devant ce qui constitue la première blessure portée par Louise à son adversaire depuis qu’il l’a téléportée ici. L’oeil d’Éva s’abaisse, regarde le morceau de chair nécrosé qui git au sol, puis sa soeur. Si la jeune shoumeïenne avait initialement jubilé en portant le coup, elle semble ensuite s’être complètement décomposée en réalisant ce qu’elle avait fait. Alors que Savoir se redresse soudainement et élève l’oeil bleu ciel sur son filament organique, le contre-jour avec le soleil artificiel plonge la pupille d’Éva dans une ombre indéchiffrable pour la fille en contrebas, soudainement la lumière tentaculaire jaillit de sa rétine alors que la Juge recule, son épée magique se désintègre en fines poussières étincelantes et l’Épée du Jugement flotte à sa gauche.

    ”Pourquoi ne te laisses-tu pas simplement abattre?” Son propos est d’autant plus menaçant que la voix languissante d’Éva est douce et cajolante. Autour d’eux, une trentaine de lames de lumière, pointes vers le bas, se matérialisent subitement pour les encercler. ”Les âmes du Déchu ou de Dactyle ne sont pas éternelles comme les nôtres, c’est pourquoi ils donnent tout ce qu’ils ont pour laisser leur marque sur ce monde. Toi Louise, tu te complais dans la médiocrité en sachant pertinemment qu’une fois morte tu reviendras par le biais du cycle des Gardiens, tu ne risques que la survie de tes camarades en étant un aussi gros poids mort, alors épargne les et meurt maintenant.”

    Dans un jeu macabre, Éva fait tournoyer le cercle d’armes à toutes vitesse autour d’eux, brouillant les contours des lames en atteignant une rotation excessivement rapide, l’inertie de l’air emporté par le mouvement fait décoller les nuages de poussières magiques qui s’étaient déposés sur les pavés et au milieu de cette tempête irradiante, Éva tend les serres de son bras droit vers Louise. D’un coup, une des épées quitte le rang pour fuser en direction de la shoumeïenne, frappe son épaulière et fait sauter sa brassière déjà amochée par la dizaine d’heure d’affrontement, avant de retourner se placer dans le cercle infernal avec autant de rapidité qu’elle n’en était sortie.

    ”Il est une différence cruciale entre ceux qui sont prêt à mourir pour une cause, et ceux prêts à donner leur vie.”

    Une deuxième frappe similaire jaillit du carousel magique, Louise pousse un cri lorsque la lumière destructrice déchire sa cuisse. La plaie est plus profonde que les autres entailles précédentes et la chair désintégrée rougeoie d’incandescence sous l’effet de la nature démoniaque de sa victime.

    ”Mourir pour son rêve est aisé, il ne suffit de le faire qu’une fois et les conséquences d’un tel acte ne sont endossées que par ceux qui restent.”

    Une troisième lame lumineuse fuse en un trait mortel vers la soldate, cette fois le danger vient de face et elle interpose par réflexe son propre glaive. L’épée de lumière est déviée par la lame, ricoche contre le plastron à un angle favorable et retourne se perdre dans le maelström incessant. L’impact inertiel du coup est cependant trop puissant, et Louise tombe à terre.

    ”Tandis que ceux qui sacrifient leur vie dans un but, consacrent leur existence toute entière, jour après jour, sans aucun répit, à leur accomplissement. La distinction entre l’abandon des faibles, et la résilience des forts…”

    Une autre épingle fonce contre la blonde, la prend à l’épaule dans un cri agonisant de plus.

    ”... Ce n’est ni la volonté ni la détermination qui ne concernent que l’instant présent.”

    Une autre. épée surgit derrière Savoir en se faufilant au travers filaments, filant droit vers Louise.

    C’est l’espoir de l’avenir.

    Éva n’a pas prononcé cette dernière pensée, elle regarde plutôt avec un mélange satisfait de fascination et d’étude le dôme partiel qui garde Louise. Un morceau de sphère à la géométrie parfaite, sur la surface duquel un fin réseau de givre se cristallise sur le fond d’obscurité nihiliste, n’est troublé que par la fine fente creusée dans sa paroie par la pointe de lumière de Savoir. Les quelques fissures craquelées qui émanent autour de la faille se consolident peu à peu. Éva observe avidement chaque détail, bientôt rejointe par l’apparition de Ra qui ne louperai pour rien au monde un tel spectacle.

    C’est elle?
    Pas encore, mais oui c’est elle.

    Le bouclier d’ombregivre contamine peu à peu la lumière de l’épée qui y est plantée, enveloppant d’une couche verglacée la dorure de l’arme avant que sa couleur ne vire peu à peu au noir absolu, les ténèbres grignotant progressivement la lumière azsharienne. Alors que le dôme prend un peu de hauteur, il révèle en dessous de lui une Louise ensanglantée, les mâchoires serrées et une colère palpable qui déforme ses traits. Qu’elle vienne de la frustration de son impuissance, du plus qu’assez de se faire malmener depuis des heures, de l’indignation des propos qui lui ont été tenus ou de tout à la fois, Savoir voit bien cette nouvelle émotion qui se manifeste chez elle.

    Une de plus.
    Oui.
    Hypothèse: …
    La première option.
    92%.
    La probabilité est en hausse.
    Oui. Continue Éva.

    Les armes classiques sont mutuellement abandonnées, Louise fait exploser son bouclier et balaye dans un souffle ténébreux le cercle d’armes rangées que Savoir avait généré.

    Impressionnant.

    La pupille dilatée d’Éva ne ratte pas une miette du fait-d’arme de sa soeur, constatant la puissance déployée ainsi que l’intensité de sa magie, les deux Démons commencent à échanger des salves de magie élémentaire. Jadis témoin de merveilles arborescentes et de jardins naturels éphémères, les ruines du Temple de Jiroquai sont désormais les spectatrices silencieuses des embranchements terribles de lumière et d’ombre et des feux d’artifices éphémères des attaques magiques. Le ciel s’éclaircit. Les nuages passent du gris au blanc. Leur combat continue.

    Au fil de cet affrontement sans fin, Savoir n’a de cesse de relever les différentes progressions de Louise, tantôt d’infimes avancées apportées par la répétition, l’essai et l’erreur de la blonde pendant les combats, tantôt d’énormes sursauts de pouvoirs déclenchés par les ébranlements émotionnels que le Geôlier du Compendium provoque chez la Chef des Veilleurs. Après deux jours de plus passés à s’affronter sans arrêt, la Juge cède subitement sa place à Comp au milieu d’une attaque. La lumière de Savoir se désagrège d’un seul coup en disparaissant dans les airs et le Démon d’Azshary lève sa main humanoïde en signe de halte. Si Louise a subit énormément de sévices corporelles durant ces trois derniers jours, le combat est loin d’avoir été unilatéral. Savoir a perdu deux serres à son bras droit, son corps elfique est parsemé d’impacts profonds et de trous à travers lesquels le vent s’engouffre librement, l’articulation de son genoux droit est inutilisable et il ne parvient à le bouger qu’en ayant recours à sa forme démoniaque pure comme lors de leur première excursion dans la grotte de l’Arbre-Monde, et surtout, un des globes oculaires fermé est éventré par une plaie béante qui a transpercé la paupière protectrice et fait couler depuis plusieurs heures un sang intarissable.

    ”Bonjour Louise. Il semblerait qu’Éva soit arrivée à cours de mana, je ne pourrais pas te parler autrement.” Le Démon épuisé baisse son bras et reste debout devant les ruines du Temples de Jiroquai. Le bâtiment déjà lui-même délabré ne fait plus face à la Grande Place, mais à un cratère massif creusé par le combat perpétuel entre les deux mages. ”Je te félicite Louise, il n’est pas aisé de lui tenir tête aussi longtemps, tu as parcouru un chemin considérable depuis notre dernière discussion. Alors dis nous Louise…” la pupille de Comp semble s’étriquer avant de reprendre une taille normale. Cette phrase avait été prononcée en dernier par Éva avant de menacer pour la première fois son élève. ”... As-tu trouvé les réponses à tes questions? Ou subsistent-ils des interrogations qui t’échappent? Je crois sinon qu’il est temps de se reposer une petite journée, avant que nous ne travaillons sur quelque chose de bien moins agréable.”

    Sa magie était encore bien imparfaite, mais sa technique s’était considérablement améliorée et sa maîtrise, en plus d’être revenue, avait fait un bond non-négligeable dans la bonne direction. Maintenant, ils allaient devoir s’attaquer à l’éveil de sa forme démoniaque et là, en plus d’avancer complètement à l’aveuglette, Savoir est conscient du risque qu’il va devoir lui-même prendre.

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    Louise Aubépine
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    qui suis-je ?:
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  • Sam 2 Mar - 3:16
    Démoniaques philosophies


    Les lames s’entrechoquaient et malgré la bonne volonté dont faisait preuve l’enfant de l’espoir, elle perdait peu à peu du terrain. Rapidement, Savoir avait récupéré l’ascendant et Louise se retrouva sur la défensive, manquant de tomber à chaque marche qu’elle descendait pour éviter une attaque potentiellement mortelle. L’allonge de ses armes, sa taille et son terrain avantageux étaient bien trop d’épines dans le pied de Louise pour qu’elle puisse prendre l’avantage, et cela sans même parler du fait que le gardien azsharien possédait des connaissances en escrimes qui dépassaient de loin ce qu’avait pu apprendre la cheffe des veilleurs en quelques passes d’armes avec sa seconde.

    Bien vite, son arme d’ombregivre éclata entre ses doigts, la différence de stature et de poids entre les opposants se prouvant enfin. Ecarquillant les yeux de surprise, la blonde tenta de sauter en arrière pour se mettre à l’abri mais une fois de plus, le démon du compendium semblait avoir déjà prévu toutes les possibilités de l’affrontement et sa lame vola à travers les airs, laissant une large entaille sur la joue encore vierge de la démone.
    Cette dernière retomba en arrière et la douleur l’empêcha de se réceptionner adéquatement, la forçant à se mettre en boule pour rouler le long des marches afin d’éviter de se briser un bras ou même la nuque.

    Une nouvelle douleur lancinante s’ajoutait ainsi à toutes les précédentes ce qui la força à rester à terre le temps de reprendre une certaine contenance. Le monde tournait autour d’elle dans une danse endiablée dont elle peinait à stopper. Elle posa une main contre son front pour y produire de la glace afin de s’aider à se calmer et retrouver un semblant de concentration.
    Eva lui inculqua quelques conseils bien que la dernière partie n’était pas forcément au goût de la chevalière.
    Elle cracha de nouveau au sol, une nouvelle marque sanglante d’une joute qu’elle avait perdue face à la juge. Serrant le poing, elle s’en aida pour se relever sur ses deux jambes, levant ensuite la tête pour fixer le démon en hauteur à plusieurs marches d’elle.

    —L’important, ce n’est pas le nombre d'échecs, dit-elle en se concentrant de nouveau sur l’appel de ce sentiment si précieux pour elle. Ce qui importe c’est le nombre de fois où l'on se relève. Je ne suis pas un animal qui me laisse pousser par mes pulsions primaires, et pourtant, je suis prête à accepter qui je suis. Peut-être suis-je destinée à me battre pour le bien de l’espoir, ce sentiment qui me tiraille au plus profond de moi, mais je me refuse à abandonner la personne que je suis aujourd’hui. Je compte bien profiter de cette vie une fois les affrontements terminés, sans mes pensées, mes réflexions, je ne vaux pas mieux que le premier animal. Si je m’ouvre à mes peurs profondes, alors soit. Je les combattrai pour ne tirer que le meilleur de mes enseignements mortels.

    Elle n’avait pas encore tranché sur l’épineuse question au sujet de l'espérance. Suivait-elle cette voie par choix ? Ou simplement par génétique ? Il était possible que la réponse lui déplaise fortement, ainsi elle laissait pour le moment cette interrogation en suspens. Néanmoins,  Louise était certaine d’une chose. L’espoir, aussi puissant soit son appel, était un tremplin vers la félicité qu’elle visait. Elle avait besoin d’un but, d’une motivation pour la pousser à agir. Sans rêve à atteindre, l’espoir était inutile.  En définitive, l’espoir n’était pas une fin en soi. Bien sûr, cette pensée fît naître une nouvelle question effrayante pour Louise. Une fois son rêve atteint, vers quoi se tournerait ses prières ? Sans bataille à mener, sans brebis égarée à sauver, comment se concrétiserait cet appel ? Si effectivement elle n’était rien sans cette émotion comme l’expliquait Eva, qu’adviendrait-il d’elle ? Serait-elle poussée à créer le désespoir afin de mieux faire renaître son opposé ? Cette pensée lui procura un frisson dans le dos alors que sa concentration volait peu à peu en éclat. Ironiquement, c’était bien dans les situations sans espoir que la flamme de ce dernier brillait avec la plus vive intensité. Une braise suffisait pour créer un feu de bataille dans le cœur des mortels et une part de la démone ne pouvait nier qu’elle appréciait se retrouver en pareille situation. Tendre la main aux démunis, leur montrer une porte de sortie, leur promettre des lendemains meilleurs et voir leurs visages s’illuminer après de telles promesses. Il n’y avait rien de plus plaisant.
    Mais dans un monde en paix, dans lequel il n’y avait plus rien à espérer ?

    Louise secoua la tête, se forçant à chasser pareilles pensées. Quelque chose en elle lui criait d’accepter la réalité de la chose, pourtant, tel un cran de sécurité, elle se rassurait en se disant qu’au moment où l'espoir ne serait plus utile, alors elle pourrait enfin déposer son manteau de veilleur. Et rester simplement Louise. Une shoumeienne sans histoire. Mais voulait elle réellement d’une telle vie ?

    Elle se gifla. Cette dernière pensée était de trop et indigne de la commandante des veilleurs qu’elle était.

    Une nouvelle lame d’ombregivre se façonna dans le creux de sa main. L’espace d’un instant, la chevalière avait pensé se forger une arme plus longue, plus menaçante. Mais ne sachant manier que l’épée et n’ayant jamais touché un autre outil de guerre, elle comprit qu’elle se mettrait plus en danger qu’autre chose.

    Et dans un énième cri de guerre, la membre des veilleurs se jeta à l’ascension des marches, poursuivant Savoir.
    Cette fois-ci, elle se décida à agir autrement. Se reposant un peu plus sur ses points forts. Lorsque sa lame montra ses premiers signes de fragilisation ou bien après un coup trop violent envoyant son bras en arrière, elle se décidait simplement à lâcher sa création pour en créer une nouvelle dans la foulée. Laissant la première lame s’évanouir dans le décor.

    Ce n’était pas encore assez pour prendre l’ascendant, mais ses mouvements se faisaient plus fluides et elle parvenait à laisser un peu moins d’opportunités au gardien azsharien bien que les nouvelles coupures sur ses avants bras tendaient à réfuter ce fait.
    Comprenant qu’elle ne parviendrait pas à passer outre cette différence d’allonge par des moyens conventionnels, l’Aubépine attendit que le démon fasse un pas arrière, profitant de son allonge pour la tenir en respect, afin de tendre son bras vers ce dernier. Une couche d’ombregivre se forma autour de ce dernier et, plutôt que de concevoir une nouvelle lame ou tout autre instrument réfléchi, elle décida de laisser exploser sa magie de manière brute.
    Laissant une forte détonation glacée, Louise fût repoussée en arrière et glissa de quelques marches alors que les résidus de glace sur son bras commençaient à fondre. Devant elle, l’ombre retombait lentement, laissant apparaître un Savoir se protégeant de sa magie lumineuse.

    Malheureusement pour elle, son opposant était également un prodigieux magicien. Et si elle espérait pouvoir l’emporter, elle devrait faire mieux que ça.

    La joute des démons continua jusqu’au moment attendu, où l'astre solaire tendit à disparaître derrière l’horizon, n’offrant alors qu’une visibilité réduite aux combattants. Par chance, Eva commença à produire suffisamment de lumière magique afin de ne pas perdre le fil de l’affrontement.
    Un nouvel œil s’élevait également.

    —Cet Ael-Leron’win était de toute évidence quelqu’un de sage. J’en déduis à son nom qu’il s’agit d’un elfe, par conséquent je me questionne. Ces derniers ne sont pas le fruit de création divine, nous non plus d’ailleurs. Les titans n’ont rien à voir dans le fait que nous soyons doté de libre arbitre ou non. Mais je pense effectivement que son discours est loin d’être dénué de sens. Même pour nous. Je refuse de me complaire dans un nihilisme sous prétexte qu’une force supérieure me pousserait à agir. Nous devrions être capable d’être qui nous souhaitons être, même si c’est dûr, je refuse de croire que c’est impossible. Peut-être est-ce là encore l’espoir qui parle à ma place, mais je refuserai toujours de me voir comme un simple pantin du destin. Il y a bien quelque chose sur laquelle nous n’avons aucune emprise Savoir, il s’agit de nos rencontres, les liens que nous tissons avec autrui. Ce sont ces derniers qui nous forgent et c’est avec cette multiplicité de liens que nous pouvons nous révéler pleinement. Je ne serais pas la femme que je suis aujourd’hui si je n’avais jamais rencontré la route de Dactyle par exemple, ni la tienne évidemment. Les autres nous influencent tout autant que nous les influençons. J’aime à penser que moi aussi, je peux laisser mon empreinte sur toi, auquel cas tu ne me consacrerai pas tout ce temps. (Elle renforça sa lame de magie.) Alors j’accepte tout ce qui passera par mon cœur ! Mais prends tout de même garde Eva, je risquerai de te taper dans l’œil à mon tour.

    Un léger sourire naquit sur le visage de la grande brûlée. Un sourire confiant qu’elle n’avait pas au tout début de cette joute.
    Se battant telle une diablesse, Louise se jeta à l’offensive, mêlant coups et magie, tentant de prendre de court l’entité millénaire qui semblait avoir une réponse à chaque situation. Sa logique implacable en devenait presque terrifiante. (Et ses touches tout autant douloureuses.)
    Alors que le combat continuait, la chevalière se laissait peu à peu aller à l’engouement de l’affrontement. Chaque frappe, chaque lame entrechoquée, chaque nouvelle magie repoussée la rapprochait peu à peu de cet état second dans lequel seule cette danse armée comptait. Savoir avait raison sur un point, il était bien plus facile de se battre lorsqu’on mettait de côté ses peurs et pensées auxiliaires.
    Ne pensant plus à ce qu’il se passerait si elle parvenait à blesser la juge, dans un second souffle de vigueur, Louise tendit le bras gauche qui se couvrit d’ombregivre pour bloquer une attaque avant de le faire exploser de nouveau, laissant sa magie déferler autour d’elle. Profitant de l’obscurité dû à sa magie, elle fît un pas de côté, sachant pertinemment que Savoir s’était de nouveau protégé car c’était là le choix le plus logique. Le plus efficace.

    Et concentrant sa magie dans sa lame d’ombregivre, une petite sphère de chaque élément commença à se former autour de sa garde avant d’embrasser l’ombregivre créant l’espace d’un seul instant une lame explosive. Elle balança sa coupe dans les ténèbres, entrant en contact avec l’armure de lumière d’Eva. Toute la magie accumulée se dispersa d’un coup, faisant fuir les ténèbres magiques et créant une multitudes de résidus magiques élémentaires autour des deux combattants alors que sa lame craquela la barrière avant de trancher d’un coup, laissant une belle marque sur le démon.

    La combattante élémentaire ne manqua pas de laisser échapper un cri de victoire devant cette première véritable touche. Un cri venant du cœur. Il y avait également une légère partie de rancœur pour toutes les blessures qu’elle recevait depuis le début du duel. Néanmoins, cette immense joie trouva bien vite son terme lorsque la femme aux cheveux de paille se rendit compte de ce que signifiait une telle victoire.

    —P-p-pardon Eva, je voulais pas, balbutia-t-elle alors que sa magie s’évanouissait peu à peu devant ce mensonge.
    En vérité, elle s’était sentie mieux que jamais en laissant parler ses sentiments et en y ajoutant cet acte de barbarie. Une preuve de ses capacités. Une possibilité de clouer le bec à cette entité qui avait réponse à tout. Et pourtant, une partie d’elle s’en voulait terriblement. Car elle ne se voyait pas comme une personne capable de prendre la vie d’un allié potentiel. L’idée de prendre une vie, bien qu’elle s’était promis de le faire pour le bien du Sekai, continuait de la répugner au plus haut point.


    Ce ne fût pas alors les nombreuses lames de lumières d’Eva qui tournaient à vive allure autour d’elles qui transpercèrent en premier son cœur. Mais bien les mots de cette dernière.
    Dactyle n’était pas éternelle. Aucun des membres des veilleurs ne l’était. Déchu pourrait survivre aux années, mais son âme ne pourrait pas revenir ad vitam si une tragédie se produisait.

    Des larmes commencèrent à perler ses joues.
    —P-pourquoi me dis-tu ça ? demanda-t-elle d’une voix tressaillante. Non ! Tais toi !

    Elle porta ses mains à ses oreilles, criant pour essayer d’outrepasser la voix d’Eva.
    Une autre réalité qu’elle tentait de fuir, c’était bien le flot du temps. Ce dernier lui avait par une fois tout pris. Son père, ses proches, ses promesses. Et bien que la démone tentait de se voiler les yeux, il recommencerait sans cesse. Dactyle, qui était vraisemblablement sa meilleure amie dans ce présent, finirait tôt où tard par vieillir avant de rejoindre la tombe. Tous les gens de son campement finiraient par disparaître. Elle luttait, se battait, souffrait pour eux. Pour les voir s’épanouir, pour vivre avec eux. Pour goûter à cette félicité en leur compagnie. Sans ses proches, pouvait-elle réellement croire au bien fondé d’un tel futur ? Elle se retrouverait seule de nouveau, et tout ce qu’elle aurait entrepris n’aurait servi à rien.

    Le regard vide, la chevalière ne se rendit pas compte de l’attaque faisant éclater une nouvelle partie de son armure. Elle semblait véritablement au bout de sa vie, nul doute que sans sa nature démoniaque, cette dernière serait déjà étendue à même le sol sans possibilité de se mouvoir.

    —N-n-non, ils vont rester. O-on a encore du temps ensemble. Des moments à chérir, des rêves à planifier. Je serais à leurs côtés jusqu’au dernier moment. Je veux les voir heureux, je veux voir Déchu capable de retrouver goût à la vie malgré la malédiction de la mort qui l'incombe, je veux voir Dactyle rire franchement avec un sourire sincère sur le visage. Je veux voir les réfugiés avec un véritable toit, capables de reconstruire leurs vies. Ça a du sens tout ça. Il faut que ça en est !

    Sinon, à quoi je servirai ? manqua-t-elle d’ajouter. Si je ne peux pas profiter de leur compagnie, pourquoi me serais je battue ?

    Une nouvelle lame frappa. Lui laissant une longue estafilade sur la cuisse, la forçant à plier le genou, hurlant de douleur, encore les pensées sans dessus dessous.
    Les mains tremblantes, l’Aubépine tentait de chasser la peur de se retrouver de nouveau abandonnée de tous. Les mots d’Eva tranchèrent avec une précision chirurgicale.

    Être prompt au sacrifice. Elle l’était. Mourir en martyr lui faisait bien moins peur que de perdre un membre des veilleurs. Il était facile de disparaître et de s’en remettre à l’espoir que d’autres continueront le combat. Il était impossible d’effacer la blessure causée par la perte d’un être proche. Et si Savoir disait vrai, si inconsciemment elle savait que la mort n’était pas la fin pour elle, alors tout faisait beaucoup plus de sens.

    Une nouvelle lame s’envola et par réflexe, ne voulant pas perdre la vie ainsi, Louise se protégea de son glaive qui s’envola sous le choc tandis qu’elle tomba en arrière sous la force de l’impact.

    Elle avait envie de répondre. De donner tort à l’entité logique dont les propos semblaient presque impossibles à réfuter. Pourtant, rien ne sortait de ses lèvres. Le manque d’argument la terrifiait tout autant qu’il l’agaçait.

    Une lame vint se planter dans son épaule sans qu’elle n’ait la force de l’éviter. Un nouveau cri transperça la froideur de la nuit.

    Elle releva finalement la tête, la vision trouble. Pour voir une ultime lame s’élever. Cette dernière prendrait sa vie. Et elle finirait ainsi, reléguant l’espoir à sa seconde.
    La lame se rapprochait tandis que les derniers mots de la juge résonnaient dans son esprit de plus en plus fort.

    Se sacrifier était aisé. Le futur était terrifiant et la perte de ses proches était inéluctable. Tel un cycle, elle serait condamnée à jamais à revivre l’expérience. Encore et encore.
    Et pourtant. Pourtant c’était de ces derniers dont elle tirait sa force, son envie de vivre.
    Dactyle se battait pour un futur dont elle ne connaîtrait qu’une infime partie et pourtant, sa force de caractère la poussait à continuer d’avancer. Une fois de plus, Savoir avait raison. Les mortels ne prennent pas le temps de pleurer leurs fins car ils n’en ont pas le temps.

    Alors, pourquoi donc Louise se battait elle ?
    Pour un bonheur éphémère ?

    —Non, dit-elle simplement en se mettant en boule tandis que sa magie commençait à la recouvrir telle une barrière pour la protéger de la lame qui aurait pu prendre sa vie.

    Au sein de son cocon, les pensées contradictoires continuaient de danser dans l’esprit de la démone au cœur mortel.

    A la croisé des destins, alors que la roue du temps continuait de tourner, elle devait faire un choix. Pour quelles raisons prenait elle les armes ?
    Valait il vraiment la peine de se battre alors que le temps provoquerait de nouveau une tragédie ?
    Profitant de ne plus rien entendre, coupée de tout, Louise tenta de mettre à la place de Dactyle.

    Pour quelles raisons luttait elle ? Elle finirait par trépasser et bien qu’elle soit particulièrement cynique, peu de gens possédaient une once de volonté dont elle faisait preuve afin de ne pas baisser les bras.
    La réponse était simple. Tout d’abord, Dactyle ne craignait pas sa fin. Louise supposait au contraire, que cette dernière avait accepté cet état de fait tout comme la plupart des mortels. Ce qui importait, c’était d’être fier de la vie vécue au moment du bilan. Deuxièmement, même si Dactyle n’était pas éternelle, ses actions pour le monde le seront. Elle se battait également pour les générations futures.

    Alors, elle aussi devait se battre. Afin que jamais les actions de Dactyle, du Déchu ou de l’ensemble des veilleurs à venir ne fussent inutiles. Et puis qui sait ? Peut-être pourrait-elle veiller sur la descendance de ses proches ? Ce serait un bon compromis.

    L’espoir ne s’arrêtait pas à la première tragédie. Si le flot du temps était immuable, l’espérance voyait toujours un peu plus loin.

    L’espoir de l’avenir.

    La démone de l'espérance écarta les bras, faisant éclater sa barrière d’un coup sec et se retrouva sur ses deux jambes. Fixant le sol, le visage empreint d’une certaine hargne qui lui était habituellement inconnue.

    —Eva ! hurla-t-elle en relevant la tête tandis que de la magie créatrice prenait formes entre les paumes de ses mains. Je ne compte pas disparaître. Ni ici, ni jamais ! J’ai compris une chose. J’ai besoin des veilleurs tout autant qu’ils ont besoin de moi. Oui, l’idée de les perdre me terrifie, me tétanise. Mais si je les abandonne en me sacrifiant, je ne vaux pas mieux qu’une déserteuse. J’ai compris ce qu’il me manquait. Ma vie est tout autant précieuse que celle d’autrui. Je dois la chérir et la préserver. Je crois en l’avenir, je crois en nos actions. Je place ma foi sur le chemin que j’ai décidé de tracer afin d’illuminer les ténèbres ! Même s’il n’est pas parfait, même si nous recueillons des défaites, même si je dois un jour perdre de nouveau ceux qui font battre mon cœur, ce sera notre chemin. Celui que nous avons choisi. Celui pour lequel nos rêves illuminent le sentier !

    Ne se retenant plus, la chevalière en piteux état laissa exploser toute la magie dont elle était capable. Ne cherchant pas la finesse ou la réflexion. Les deux entités courant en cercle, s’envoyant diverses salves destructrices, détruisant les restes des jardins.
    Une déflagration de lumière lui percuta le bras droit et Louise se mordit la joue avec intensité pour éviter de perdre pied avec le combat bien que son bras désormais cramoisi ne semblait plus en état de lui répondre.

    Elle fît exploser le sol sous ses pieds par une déflagration lumineuse à son tour pour se propulser vers son adversaire tandis qu’une large griffe d’ombregivre prenait forme sur son bras gauche. Les traits déformés par la rage de vaincre, elle n’éprouvait plus aucune retenue.
    Les espoirs de Dactyle et autres veilleurs étaient sur ses épaules. Elle ne les trahirait point.

    Le duel magique prenant des proportions plus dantesque continua un temps. Perdue dans l’espérance qu’elle se décidait à embrasser, Louise ne se rendit pas compte que les aurores naissaient à l’horizon.

    Sa perception du temps était altérée par ses émotions et le combat de sa vie.
    Ainsi, la démone fût prise de court lorsque Comp fît de nouveau surface, faisant signe que le combat était terminé pour le moment.

    Une pensée malsaine traversa l’esprit de la chevalière qui ne semblait pas sentir le manque de mana depuis que Savoir avait révélé chez elles toutes ses incohérences et lui avait ouvert les yeux sur la raison de ses actions. L’espace d’un instant, elle se voyait en profiter pour se jeter à ses yeux, continuant d’utiliser sa magie pour en finir avec ce dernier.

    Elle fît un pas vers l’entité azsharienne avant de se stopper, clignant des yeux.
    Cette pensée lui déplaisait fortement. Pourquoi avait elle simplement voulut une telle fin ? Cet égo n’était pourtant pas le sien. Elle se battait pour se défendre, pas pour prendre une vie. D’autant plus que maintenant qu’elle prenait le temps de se calmer, elle voyait le raisonnement derrière Eva qui la poussait dans ses derniers retranchements afin d’éveiller chez elle un pouvoir qui lui permettrait de protéger les veilleurs.

    Faisant taire cet égo voulant la victoire, Louise s’écroula instantanément au sol, ne sentant plus ses jambes. Seule l’adrénaline lui avait permis de tenir si longtemps et de passer outre la douleur. Et maintenant qu’il redescendait peu à peu, le revers de la médaille faisait son effet.

    —Ca tombe bien, moi aussi je suis au bout de mes forces. (Un demi mensonge, car bien qu’elle sentait ses réserves magiques lui crier de continuer, son corps physique lui avait fait comprendre qu’il ne se relèverait pas de sitôt.) Est-ce qu’elle est toujours aussi terrifiante ? Je suis bonne pour les soins intensifs… mais… je me dois de vous remercier. J’y vois plus clairement. Enfin, de manière métaphorique. Car là, j’ai du mal à garder une vision stable. (Elle serra les dents, sentant une vieille douleur lui reprendre au niveau des épaules.) Je crois que j’ai mes réponses. Enfin, en partie. Et les mots d’Eva m’ont beaucoup fait réfléchir quant à ce qui nous pousse à agir. Je me suis mise à me poser une question. Dans un monde parfait, où chacun n’aurait nulle raison de rêver, nulle raison d’espérer. Que me crierait de faire cette essence qui me pousse à agir ? Et vous, les entités qui composent Savoir, imaginons un monde dans lequel toutes les découvertes ont déjà été trouvées, chaque connaissance déjà explorée à son maximum. Un monde dans lequel il n’y aurait plus rien à apprendre pour personne. Toi qui dis ne pas posséder de cœur mortel, quel serait ton but ? Que ferais tu ? Tenterais tu de trouver une autre voie ? Une autre raison à ton existence ? Te donnerais tu la mort ? Ou bien trahirais tu la connaissance, de sorte à la détruire pour retrouver ton but initial ? Je pense… que j’apprécie de plus en plus être un démon. Cette essence qui ne m’a jamais quitté est une réelle lumière pour m’aider à me guider dans l’obscurité lorsque je suis perdue. Pourtant, je sais qu’à force de trop fixer la lumière, on en finit ébloui. Pour le moment, elle est mon alliée, mais je crains le jour où peut-être, deviendra-t-elle ma pire ennemie.

    Elle se fit violence pour se mettre sur le dos. Fixant le ciel. Un oiseau passait au loin. Insouciant des problèmes qui touchaient les démons, cloués au sol.
    Un sourire rêveur naquit sur ses lèvres.

    —Un jour, j’aimerai être capable de toucher le ciel.

    CENDRES


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    Info personnage
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    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t2299-savoir-le-desintegrateur-d-azshary-terminee
  • Ven 8 Mar - 18:06


    Quand la jeune soeur s’effondre à terre sur ce qui reste de la Grande Place, Savoir s’avance difficilement à ses côtés et s’assied également en tailleur, regroupant les nombreuses serres en rond en dessous de lui avant de poser sa main humanoïde sur son genoux, tandis que son bras difforme repose au creux de ses jambes. L’oeil de Comp perché sur un filament organique, abaisse son iris massive au niveau de la Veilleuse pour discuter avec elle dans un calme contrastant fortement avec le déferlement de puissance qui avait tantôt secoué les lieux. Écoutant attentivement le cheminement prometteur de ses réflexions, le Démon voit nettement la progression stable effectuée par la blondinette, les signes de son évolution sont non seulement palpables mais surtout encourageants. Au fur et à mesure du questionnement de la jeune femme, l’Azsharien réfléchit avec méthode et précaution, l’apprentissage de Louise est fulgurant, d’une vitesse et d’une clarté bien trop atypique en comparaison de la progression d’autres formes de vie, à ce titre Savoir a besoin de réévaluer son processus d’enseignement pour être sûr de le rendre optimal et taillé pour sa prodigieuse élève.

    Si le plan pratique avance bien et n’a visiblement pas encore été exploité comme il se doit, l’aspect théorique de son éveil mérite encore un peu d’attention, mais le Démon de la Connaissance se demande ce qui serait le plus impactant désormais pour la jeune fille entre poursuivre son cheminement seule et risquer de perdre du temps déjà trop précieux en s’égarant, assimiler des connaissances extérieures et les décortiquer mais cela requiert des outils analytiques chez la shoumeïenne dont Savoir n’est pas sûr de la qualité ou de la pertinence, et être exposée à des expériences extérieures qu’elle pourra ensuite internaliser par rapport à son propre vécu, l’option la plus lente. Lente et sure. Chaque choix possède un désavantage et seule la rétrospection permettra de savoir ultérieurement ce qu’il aurait fallu faire, Comp considère un instant les différents facteurs et les subtiles détails qu’il a relevé chez sa soeur depuis le début de cet entraînement pendant que la concernée rêvasse en regardant le ciel. Cognitif. Émotionnel. Social. Les trois piliers fondamentaux du développement de l’individu comme établis par l’érudit philosophe, sociologue et épistémologiste melornois Ge’an Piagetus en -301 576. Un modèle du développement de l’intelligence biologique normalement adapté pour les entités vivantes mortelles, mais en considérant la ressemblance frappante entre Louise et les races éphémères de Sekaï, Savoir pose une base axiomatique à sa réflexion et décide de l’appliquer à Louise. Cognitivement, elle n’a rien à envier à n’importe laquelle de ses congénères. Socialement, elle est même bien plus évoluée que la plupart d’entre eux sur des critères classiques.

    Émotionnellement, ça pêche. La pupille noire de Comp ausculte la mage à ses côtés, bon nombre de fois depuis qu’il les a téléporté ici, Louise a laissé ses émotions dicter sa puissance magique. Son esprit est encore beaucoup trop jeune, son emprisonnement à l’intérieur du grimoire a creusé un écart massif entre son âge effectif et son âge réel dont elle pâti fortement aujourd’hui. Ses émotions sont une force inespérée pour un Démon, mais elles prennent du temps avant d’arriver à maturité, les individus souvent décrits comme “sage” par les autres membres de leur civilisation sont ceux qui ont généralement affronté de nombreuses épreuves ardues, ou ceux qui ont au contraire bénéficié d’une paix tranquille pour pouvoir méditer assidument sur les vicissitudes de leur existence. L’un n’est pas sans danger, l’autre demande du temps. C’est ce savoir-faire là qui avait précédemment conduit Comp à autant malmener Louise et à la livrer en pâture à Éva, courir le risque que leur soeur faillisse mais accélérer par la force des choses la croissance de l’esprit de la jeune femme, c’était toujours mieux que de la laisser demeurer tel quel et attendre patiemment que les Titans redescendent sur Sekaï. La technique avait porté ses fruits et la leader des Veilleurs s’était grandement bonifiée, mais les principaux verrous de sa puissance restent verrouillés et Savoir ne voit tout simplement pas la même méthode d’affrontement de front porter ses fruits, il est sans doute venue l’heure d’apporter des éléments de réponse et d’éclairer Louise avec des connaissances supplémentaires sur sa race et son essence, quitte à la guider vers une impasse et à la pousser à faire ses propres erreurs pour nuancer sa compréhension ultérieurement. L’oeil empathique prend la parole d’une voix sereine et posée, son timbre masculin est apaisant et ne comporte pas la moindre once de menace qu’il avait en l'amenant ici:

    ”Il y a trois cent mille ans, quand les tout premiers Démons ont commencé à se manifester sur Sekaï, il est rapidement devenu apparent qu’ils étaient des entités opposées aux Titans. L’Empire elfique d’Azshary a très vite réagit, publiquement ils condamnaient la race à l’extermination pour plaire aux divins qui siégeaient sur le monde, mais en secret il ont monté un projet de recherche pour en apprendre plus sur ces nouveaux ennemis de leurs tyrans. Leur but était de déterminer s’il pouvaient oui ou non nous utiliser pour lutter contre les Titans, et leur premier objectif a bien sûr été de tenter de fabriquer leurs propres Démons. Ils n’y sont pas parvenus, et le projet a été démantelé, mais une de leur cellule est restée active clandestinement. Les chercheurs qui ont persévéré se sont rendus compte qu’ils ne pouvaient pas créer de Démons artificiels, mais qu’ils pouvaient plutôt faciliter la manifestation de Démons naturels et, pour ce qui concernait les elfes à l’époque, ça revenait au même. Ils sont allés voir l’impératrice, lui ont présenté leur résultats, et avec son soutien le projet a ressuscité clandestinement sous un nouveau nom: le Compendium Daemonum. Le Compendium a rencontré plus de succès, ils ont réussi à invoquer sept entités sur Sekaï en attirant les âmes démoniaques les plus puissantes du plan immatériel, les Sept Soeurs. Chacune d’entre elle s’articulant autour d’un élément fondamental qui compose notre univers. Les deux premières à se manifester furent le Démon de la Vie, et celui de la Mort, vinrent ensuite les Soeurs Ordre et Chaos, puis enfin Rêve et Réalité.”

    L’oeil de Comp fixe un point de l’horizon, racontant son histoire à son auditrice attentive et un peu trop curieuse.

    ”Tu remarqueras que chacune des Soeurs possède sa némésis, une congénère dont l’essence lui est drastiquement opposée et dont les combats vont à l’encontre même des principes l’une de l’autre. Cette dynamique récurrente de notre espèce nous octroie une force toute particulière. Ordre et Chaos, Vie et Mort, Rêve et Réalité. Ils peuvent se battre tout autant qu’ils le souhaitent, s’affronter jusqu’à la nuit des temps, ils ne l’emporteront jamais totalement l’un sur l’autre, même à la disparition apparente de l’une d’entre elle. Les âmes des Démons les plus fondamentaux sont éternelles, elles vont et viennent, changent de forme mais demeurent les mêmes, parce que les mortels et le Sekaï eux ne changent pas, ils ne cesseront jamais de vivre, de mourir, de se battre, de régner, de rêver et de souffrir. Chacun d’entre nous est une partie intégrante du tout que sont les mortels, il y a un peu de nous en eux, parce qu’il y a un peu d’eux en nous.”

    L’oeil regarde la tignasse blonde de Louise avec insistance.

    ”Prend Ordre et Chaos en exemple, à quoi ressemble selon toi l’entropie ‘parfaite’? C’est un désordre absolu qui ne peut être voué qu’à s’ordonner aléatoirement, mais la moindre graine d’ordre qui naîtra dans le tumulte incitera inévitablement les éléments qui la jouxtent à s’ordonner aussi, et cette influence parce qu’elle est minuscule et concentrée, sera impossible à déloger pour l’entropie. L’attrait du monde pour le changement est indéniable, et ce qui se normalise est voué à devenir tour à tour dominant puis minoritaire, il en va de même pour les sentiments qui nous cristallisent. Le Chaos ne pourra jamais l’emporter parce que ceux qui défendent l’Ordre le feront avec d’autant plus de véhémence qu’ils ne seront peu nombreux, ils se sauront les derniers représentants de ce concept, leur force et leur volonté inciteront d’autres à se lever à leurs tour, et le cycle recommencera. Tu crains le jour où les mortels n’auront plus à espérer, mais dis moi Louise, dans quel monde parfait les mortels n’auraient-ils plus besoin de l’espoir? Théoriser un monde parfait est profondément incohérent, la perfection est une conception irrationnelle de l’esprit, il n’est de parfait que ce qui est, pour la simple raison que toute alternative de monde a le défaut d’être fantasmée, irréelle. L’application d’une binarité manichéenne sur l’univers dont la propriété objective est déjà altérée par le prisme de perception de son observateur, à travers le jugement de ce qui serait factuellement ‘bon’ ou ‘mauvais’, est impertinente. À un individu seul importe la valeur qu’il estime lui-même sur l’environnement qui lui est relatif, il peut ensuite le qualifier de bien ou mal et vouloir agir pour le modifier en conséquent, motivant son propre combat, écrivant sa propre histoire et développant ses propres expériences à travers ses actions. Tout combat est vain pour faire changer le monde à l’échelle du Temps, mais ça ne les prive pas de sens, parce que l’échelle du temps n’est pas la même pour tous.”


    Le livre.

    ”Mmh?”

    Comp semble perturbé par la voix nasillarde qui ne retentit que dans son esprit, il ne s’attendait pas à ce que Ra intervienne et est surpris par l’irruption abrupte au milieu de son discours alors qu’il n’en a même pas fini avec son élève. Forcé de coopérer à cause de la différence de taille entre leurs deux emprises sur la conscience, un oeil globuleux s’ouvre pour révéler l’apparence verte et jaune de l’hypermnésique. Quand il reparle une fois de plus, c’est cette fois en manifestant une véritable voix physique aigue et irritante qui semble trépigner d’impatience:

    ”Nous ne sommes plus entrain de nous battre, maintenant on ouvre le livre.”

    ”Si tu veux.” Regardant le visage un peu alarmé de Louise, Comp se méprend sur la nature de son inquiétude, ”Ça fait certainement beaucoup d’informations à ingurgiter d’un coup, nous te laissons évidemment réfléchir à tout ceci.”

    Se relevant difficilement avec son genou toujours aussi endommagé, Savoir s’écarte un peu de la jeune soeur qu’il croit à méprise avoir besoin de repos. Tout en haut du tronc de la créature azsharienne, là où la prolifération organique de chair explose à partir du torse, un semblant de tête un peu excentré git sur son corps. La tête de son hôte, déformée par l’excroissance archaïque de l’implantation démoniaque, ouvre sa mâchoire monstrueuse pour révéler une petite cavité qui servait jadis de gorge à l’elfe durant son vivant, et quand Savoir plonge ses serres à l’intérieur il en extirpe le grimoire qu’il avait volé il y a plus d’un jour à Louise.

    ”Couverture en cuir bleu, fermoir en métal suffisamment brillant pour être de l’argent, est-ce que c’est de l’argent? Grattes-en la surface, je veux savoir si c’est de l’argent. Renforts dans le même métal, pas de marques d’usure…” L’oeil de Ra se défragmente encore plus rapidement que celui d’Alys devant les gravats de l’Arbre-Monde, ””... Même au niveau microscopique, les pierres enchâssées dans la couverture sont rouges, distribution rhomboédrique, système cristallin trigonal, Corindon. Le papier est vieux, datation impossible, ouvre le, je veux voir l’intérieur.”

    Comp s’exécute sans dire mot, observant calmement le livre qu’il manipule de son bras difforme en utilisant les différentes serres pour à la fois le tenir convenablement et aussi ouvrir le grimoire. Lorsque l’iris brune découvre les symboles ésotériques qui parcourent la surface des pages, la pupille de Comp se dilate fortement tandis que celle de Ra gigote nerveusement pour tenter d’imprimer tout les détails dans sa mémoire le plus vite possible.

    ”L’alphabet nous est inconnu?”
    ”L’alphabet nous est inconnu.” confirme l’oeil hypermnésique.
    ”Il paraît décryptable.”
    ”On répertorie déjà plus d’une trentaine de symboles différents… regarde sur les autres pages.”

    Le Démon tourne la page et la pupille de l’oeil vert continue de virevolter comme un insecte volant en parcourant les écritures, mais quand ils reviennent sur la page précédente, un silence fait momentanément taire les deux globes oculaires.

    ”Ça complique tout.”
    ”Pas nécessairement, les écrits peuvent peut-être changer d’une instance d’observation à l’autre, mais c’est comme le livre d’Éva.”
    ”C’est vrai.”

    Le Gardien d’Azshary lève son bras humanoïde dans les airs et dessine du bout du doigt et à main levé un des symbole isolé dans leur lecture du grimoire. Le geste laisse derrière lui un tracé lumineux qui illustre ainsi la lettre et le Démon la pousse ensuite du doigt pour l’envoyer flotter en suspension comme une rune magique ou un nuage très particulier. Tandis que Comp regarde les fils de lumière dénués de signification, Ra poursuit son oeuvre en continuant de tracer toutes les lettres qu’il peut relever sur la double page ouverte et rapidement, Savoir se retrouve entouré d’un dôme de mystérieux symboles flottants autour de lui.

    ”Trie les par ordre d’importance.”
    ”Nombre d’itérations, début et fin de mot-”
    ”Non, impossible de savoir pour le moment s’il s’agit d’idéogrammes ou de phonogrammes, les mots sont peut-être des phrases.”
    ”Début et fin de mot ou de phrase, association des diphtongues, rapprochement des variations calligraphiques…” Les icônes lumineux s’ordonnent devant Savoir et intervertissent leur place au fur et à mesure que le Démon les trie.
    ”Les pages ne paraissent pas présenter de titre ou de numérotation apparente, par contre ces trois symboles successifs sont récurrents à plusieurs reprise. Note cette clé.”
    ”Assemblé.” Les symboles concernés s’avancent devant les autres et se joignent entre eux.
    ”Ils nous faut plus d’échantillon.” La page du grimoire se tourne et le Démon répète le même procédé, étoffant son prototype d’alphabet avec des symboles supplémentaires, mais les lettres de lumière se figent abruptement dans les airs. ”La syntaxe a changé.” Revenant en arrière pour générer une autre page, Savoir appose désormais sa main sur l’ensemble des écritures de la page pour en façonner une impression lumineuse qu’il fixe en lévitation au dessus de lui, il répète le même processus avec une autre page et se rend compte de la difficulté impossible de son entreprise:

    ”Mêmes alphabet mais... Ce n’est tout simplement pas la même langue d’une page à l’autre.”
    ”Ou plutôt…”
    ”Hypothèse: la langue est la même mais un facteur supplémentaire détermine l’interprétation des logogrammes.”
    ”Ou encore…”
    ”Hypothèse: la langue est encryptée différemment à chaque page.”
    ”Plus probable.”

    Savoir referme le grimoire, son contenu attise sa curiosité bien plus qu’aucun autre ouvrage ne l’a jamais fait, mais en l’absence de données supplémentaire le concernant, sa compréhension lui est totalement hors de portée. Tandis que Ra s’endort sur sa faim, Savoir entend derrière lui les pas de Louise qui se rapprochent, tournant son oeil brun vers elle, Comp demande:

    ”Alors?”
    Citoyen du monde
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    Louise Aubépine
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    qui suis-je ?:
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  • Dim 31 Mar - 3:35
    Démoniaque philosophies


    Silencieuse, la combattante estropiée suivait le cours de Comp quant à ce qu’il était et d’où il venait. Elle se questionna un temps sur les actes des elfes.  Était-ce un choix raisonnable de donner la vie dans le seul but de mettre aux fers ces démons nouveaux-nés afin de les utiliser tels des outils afin de gagner une potentielle guerre face aux titans ? L’empire azsharien ne reculait devant rien pour affirmer sa supériorité, ce qui lui avait causé de nombreuses dissensions et luttes face au Reike de l’époque. Amusant lorsqu’aujourd’hui, les deux nations semblaient avancer main dans la main.
    Toujours était-il que ces démons du Compendium n’auraient pas vu le jour sans l’implication des elfes. De toute évidence, il s’agissait là d’une prouesse magique dont ils avaient le secret. Une prouesse qui pourtant été bercée par des choix discutables.

    Elle glissa une question à Savoir.
    —Comment te sens-tu au sujet de n’exister que pour remplir le but choisi par les elfes ? Sans leurs actions, les démons du compendium n’auraient pas pu goûter à cette vie humaine. Et pourtant ils avaient pour but de faire de vous des armes pointés vers leurs ennemis. Peut-être que ça n’a pas vraiment de sens de te poser cette question, après tout, tu semble avoir embrassé ton statut d’arme contre les titans. Je me demande si tes sœurs sont autant bornées que toi sur la question où si, au contraire, tirent elles une certaine rancœur vis-à-vis des elfes ? Je serais très curieuse de les rencontrer à l’occasion. Et puis, peut-être seraient-elles des alliées potentielles dans notre lutte contre la corruption qui ronge le Sekai. Elle marqua une pause, tournant la tête en sa direction. D’ailleurs, je voulais te poser une question un peu plus personnelle. Ton but profond est de tout faire pour vaincre les titans, plus que protéger le Sekai en soit, je me fourvoie ? Tu reste un mystère pour moi sur bien des égards, c’est pour ça que j’essaye de te comprendre. Bon, ce n’est pas toujours chose aisée. Un sourire. Mais je veux croire en toi. Alors, je tente de m’accrocher. Dans un monde en paix, je brandirai le livre plutôt que l’épée et je pense que tu es plutôt bon professeur. Enfin, je mettrai quand même un mauvais point pour la dangerosité du cours, néanmoins, même dans un monde en paix, même si tu perdais ton statut d’arme, je pense que tu garderais une valeur conséquente. Tes connaissances et ta mémoire sont autant de d’engrai pouvant faire germer les jeunes pousses de la génération à venir.

    Elle se releva difficilement sur ses coudes, se tournant vers le démon pour avoir un peu plus son attention.

    —Si nous parvenons à faire renaître Shoumei de ces cendres et repousser la menace des titans, dit-elle avec un regard perçant. J’aimerai que tu m’aides une fois encore. Si le temps n’a pas d’emprise sur nous, je souhaiterai que nous puissions rappeler aux plus jeunes les erreurs de leurs ainés afin qu’ils ne les reproduisent pas. Toi qui sait comment fonctionne les autres nations, comment fonctionnait la grande nation azsharienne, comment Shoumei a trouvé son déclin. J’ai besoin de ton aide. Pas de l’arme, mais du démon de la connaissance. Vois-tu, j’ai beau crier sur tous les toits que nous redorerons le blason de notre nation afin de ne pas faire s’essouffler la flamme dans le cœur des shoumeiens, je ne peux m’empêcher d’être pleine de doute. Je sais bien qu’il ne suffit pas de vouloir quelque chose pour l’avoir. Et je sais bien que si Shoumei se retrouve sur pieds sans préparatifs, sans avoir réfléchi à sa structure, il finira par sombrer de nouveau, répétant les erreurs du passé. Le souci, c’est que fédérer une nation, ce n’est pas comme fédérer un petit groupe de héros. Mes connaissances sur la gestion des différents royaumes sont proches du néant. Je saurais te citer la différence entre la république et l’empire par exemple, mais ça s’arrête là. Si Shoumei retrouve sa gloire d’antan, comment devons-nous la façonner ? Devons nous y mettre un roi ou une reine ? Si oui, comment choisir la bonne personne ? C’est vrai que ça a des avantages, le Reike est plus puissant que jamais et pour y avoir mis les pieds, le peuple ne semble pas malheureux, au contraire. Mais est-ce que veulent les shoumeiens ? Voter pour leurs représentants est-il un meilleur choix ? C’est une belle vision, une nation gouvernée par et pour le peuple, mais je ne suis pas naïve au point de ne pas en voir les défauts. Dans un contexte comme la république, il y a plus de chance que nous nous retrouvions avec des gens qui sont là pour faire carrière plutôt que de chercher la grandeur de Shoumei et le bien des citoyens. Mais un souverain unique ne finirait-il pas par se détacher des simples gens ?

    La combattante reposa sa tête contre le sol, éreintée de se tenir sur les coudes.

    —J’ai besoin de tes conseils et de tes connaissances. Afin que Shoumei puisse tenir fièrement sur ses deux jambes. Beaucoup d’opportunistes voudront en prendre le contrôle lorsqu’elle sortira la tête de l’eau. Ce combat me terrifie encore plus que celui contre les titans. Pour l’instant, les shoumeiens peuvent être canalisés dans une seule direction. J’ai peur qu’ils s’entredéchirent pour le pouvoir ou pour leurs idées. Par exemple, certains ne seront jamais d’accord avec le fait de combattre les dieux, nous l’avons vu avec les fanatiques qui ont tenté de réanimer Kazgoth. Je refuse que Shoumei se relève si c’est pour apporter une nouvelle calamité quelques mois plus tard. Il me coûte de le dire, mais les anciens dirigeants de ma nation n’ont pas fait ce qui devait être fait. Le peuple n’était pas prêt à se confronter aux incarnations de leurs croyances et a préféré abandonner tout espoir. L’un d’eux s’est même retrouvé à la tête de ce nouvel ordre dont on entend plus vraiment parler aujourd’hui. Je me demande ce qu’il lui est arrivé. Mais à mon sens, il a tourné le dos à son peuple. Et par ce fait, a perdu son éligibilité à diriger. Mais alors, Savoir. Si une personne peut perdre cette éligibilité, comment doit-elle la gagner ? J’ai confiance en Dactyle par exemple. Elle ferait une excellente meneuse d’hommes bien qu’elle préfère rabattre une mèche devant ses yeux et dire qu’elle n’est pas faite pour ça. Néanmoins, je ne la vois pas à la tête d’une nation. Je ne cherche pas à la dénigrer, elle a des talents hors du commun, mais c’est une bretteuse qui a besoin de faire quelque chose de concret, se retrouver à écouter des conseillers à longueur de journée et ranger des papiers auraient tôt fait de la rendre chèvre. Quant à toi par exemple, qui possède également ma confiance, il te manque cette humanité et cette capacité à comprendre la douleur humaine pour faire un bon dirigeant. C’est sûr que si le peuple était comme toi, des individus de purs logiques, tu serais certainement le meilleur choix. Mais les humains sont incohérents par essence. Et c’est ce qui les rend si appréciables et capables de soulever des montagnes. Tes calculs ne pourront jamais être exacts à cent pourcent dès lors que le facteur humain sera pris en compte. Personne ne peut prédire à coup sûr la folie humaine, c’est également cette force qui leur a permis de se soustraire aux titans une première fois, menant à la naissance de Shoumei, du Reike et de la république. Tout ça pour dire que j’aimerai ton avis sur la question. Et ton aide. Je n’ai pas les connaissances nécessaires pour remettre une nation sur pied. Et encore plus pour ce qui viendra après. Je suis prête à éplucher le nombre de livres qu’il faudra, ça ne me fait pas peur. Mais… oui, je serais rassurée si tu pouvais rester nous aider. Une fois ton rôle d’arme touchant à sa fin, peut-être pourrais-tu embrasser un rôle de conseiller ou de professeur ? J’ai besoin de quelqu’un pour m’aider à veiller sur Shoumei après la disparition de nos amis les plus chers. Tu n’es pas obligé de me répondre maintenant, il reste encore du temps avant que nous attaquions les fondations de Shoumei. Mais, réfléchis-y, d’accord ?

    Relever une nation était déjà une tâche ardue en soi. Bien le faire relevait du miracle. Mais plutôt que de reporter au lendemain ces interrogations, Louise préférait commencer à explorer les potentielles pistes dès maintenant afin de ne pas se retrouver devant le fait accompli d’une Shoumei fragile et en proie à de guerres intestines. Les connaissances du démon azsharien seraient une aide bienvenue afin de mettre en œuvre son vœu. Après tout, si Dangshuan et le haut prêtre Satochi y avaient réussi en leur temps, alors cela signifiait qu’il s’agissait d’un rêve dans le domaine du possible. Peu importe le type de royaume que serait Shoumei, gouverné par un roi, un conseil où bien un président, la nation se devait de prospérer. Évidemment, il y avait également un but caché derrière cette demande sérieuse. Louise espérait offrir un but à Savoir, autre que celui d’une simple arme. Peut-être pourrait-il s’approcher ainsi de la compréhension de ce qu’est un être humain. Et bien qu’elle ne se l’avoua pas, elle ne pouvait fermer les yeux sur la dangerosité de laisser un démon avec autant de connaissances et de puissance de frappe sans la moindre surveillance.

    L’esprit allégé, elle commença à fermer les yeux. Comp avait raison. Il était inutile de psychoter en pensant à un monde parfait. Le monde était imparfait par nature et c’était précisément ce qui le rendait si beau à ses yeux. Le Sekai était parfait dans son imperfection. C’était justement car ce dernier comptait de nombreux défauts et erreurs logiques qu’il valait la peine de se battre pour. Il ne serait jamais un monde parfait à l’image des titans. Le Sekai était le monde des mortels et ils se battraient bec et ongles afin de conserver ce dernier. Quant à elle, la chevalière continuerait de lever le glaive autant que nécessaire afin d’en protéger l’imperfection. Il y avait encore tant à faire, mais pour l’heure, la démone devait recouvrer ses forces. N’ayant guère besoin de dormir, elle tenta néanmoins de laisser aller ses pensées, afin de perdre tout concentration pour amenuiser toute charge mentale.
    Ce n’est que lorsque le démon azsharien se leva pour la quitter que la grande brûlée ouvrit un œil.

    —Savoir ? questionna-t-elle sans que ce dernier ne lui réponde, concentré sur le grimoire.

    Immédiatement, Louise se retrouva sur ses pieds, une sueur froide dans le dos. Si Savoir comprenait ce qu’il tenait entre les mains, il aurait tôt fait de le réduire à néant. Ce qu’elle ne pouvait laisser arriver.
    S’étant relevée trop vite, la femme aux cheveux de paille se sentit nauséeuse et tituba, posant un genou au sol.

    —Savoir, attends, ajouta-t-elle d’une faible voix.

    Elle décida de se faire violence avant de se frapper un peu la joue pour retrouver un semblant de vision stable.
    Se concentrant sur son souffle, elle se retrouva sur ses deux jambes avant d’avancer d’un pas lourd en direction de son compagnon.
    Ce dernier se retourne alors qu’elle n’est plus qu’à quelques pas de lui. La questionnant sur l’ouvrage.
    Le soulagement se fit sentir l’espace de quelques instants sur son visage épuisé. Ainsi, il n’avait pas percé le mystère derrière la provenance de l’artefact qu’il tenait entre les mains.
    Elle comprenait qu’elle ne serait pas réellement capable d’éluder la question, ou même de lui mentir ouvertement. Louise décida de jouer franc jeu, dans une certaine mesure.

    —C’est un artéfact magique, commença-t-elle à expliquer. Il s’est lié à moi bien avant tout ça. Bien avant cette époque. C’est lui qui m’a emprisonné jusqu’à il y a quelques mois. Je ne sais pas ce que tu peux en lire exactement, mes proches disaient qu’ils ne comprenaient pas les symboles ou dessins et de mon côté, je ne vois qu’une écriture classique. Je serais bien en peine de t’aider à comprendre les symboles que tu vois. Ce livre semble avoir sa propre volonté, je ne sais pas s’il montre quoi que ce soit de déchiffrable, ni même pourquoi il m’a ouvert ses pages. Il est magique c’est certain, quant à son contenu…

    Louise se posa un instant, choisissant judicieusement ses mots.
    —Lorsque l’entrainement sera terminé et que tu m’auras rendu mon grimoire, je te fais cette promesse. Je t’expliquerai d’où il vient et quelle est cette magie qui lui donne vie. Peut-être même… que tu pourras m’aider à en comprendre certains contenus si je te les révélais.

    Le destin était trouble, changeant. Rien n’était gravé dans le marbre. De plus, Louise devait faire preuve d’une concentration particulière à chaque fois qu’elle voulait tirer quoi que ce soit de ce grimoire qui semblait s’amuser d’elle. Savoir aurait peut-être quelques pistes afin de dresser ce livre maudit. Et une fois en possession de son grimoire et en état, elle serait peut-être capable de lui faire entendre raison afin qu’il ne détruise par l’artefact sur un coup de tête, guidé par son essence d’arme à l’encontre des titans.

    Le grimoire était un outil. Un outil que Louise espérait pouvoir utiliser à son avantage. Et il s’agissait de son seul lien, de sa seule preuve qu’elle provenait d’une époque antérieure. En un sens, ce dernier la rattachait à ceux qu’elle avait perdu. Il avait une valeur sentimentale plus qu’importante à ses yeux.

    —Alors ? questionna-t-elle à son tour. Nous avons un marché ?

    Elle tendit la main. Misant sur la curiosité maladive de l’entité pour qu’il accepte cette proposition.

    CENDRES


    Arme des Veilleurs
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    Savoir
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    Info personnage
    Race: Démon
    Vocation: Mage soutien
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    Rang: D
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t2299-savoir-le-desintegrateur-d-azshary-terminee
  • Jeu 25 Avr - 3:12


    Quand il écoutait Louise converser, la pupille de l’oeil empathique du Démon pluri-millénaire oscillait doucement, comme fluctuante délicatement au rythme des battements d’un coeur que Savoir ne possède pourtant pas, du moins un qui soit fonctionnel. Les réflexions de l’élémentaliste sont étrange, intriguantes, le Gardien de la Connaissance entend avec une attention toute particulière la jeune blondinette parler de civilisation, de reconstruction, de nourrir une société, de l’éduquer, l’abreuver de savoir, de lui-même. Les détails qui la préoccupent semblent à l’échelle de l’existence de Savoir être dérisoires, il lui serait impossible, même pour Comp, d’attacher la même importance à des fioritures comme le régime approprié pour bâtir l’avenir d’une nation. Les erreurs de jugement, les heures sombres de l’humanité et les défauts de sa civilisation sont tous des éléments nécessaires à l’existence et à la pérennité de l’équilibre. Une société imparfaite et bancale est essentiellement une réussite tandis que la souffrance qu’elle engendre n’est que temporaire dans les mémoires à travers les générations, alors que ses connaissances et ses découvertes sont éternelles. Les peurs et les inquiétudes de Louise sont pour son aîné des préoccupations éphémères qui se perdent dans les sables du temps, la grande image d’un monde, guidé par les entités à la longévité surnaturelle et par les concepts d’un Sekaï dont l’équilibre est préservé, est d’autant plus importante que les faux-pas éventuels et temporaires, fruits de l’imperfection naturelle de l’Homme. Sa jeune soeur lui demande cependant son avis et Savoir se doit de lui répondre, d’accompagner la meneuse des Veilleurs sur son chemin sans pour autant le parcourir à sa place. C’est à elle et à elle seule de faire les pas en avant et d’élever la Mortalité vers la libération… ou de la mener à sa perte en essayant. Sa voix calme et posée retentit alors pour lui donner une réponse simple et vague, le moment viendra plus tard de décider des détails d’une éventuelle résurrection du Shoumeï mais pour l’instant il y a plus important que tirer des plans sur une comète, comme l’éveil de son élève:

    ”La Connaissance façonne les pierres des fondations qui construisent une civilisation, nous ne sommes pas qu’une arme, mais c’est comme cela que nous existons aujourd’hui. Demain si la Mortalité a besoin du Démon de la Connaissance, il sera là. Avec toi. Nous resterons à tes côté jusqu’au bout Louise.”

    Le double sens lugubre de cette dernière phrase est laissé en suspens, tandis que le Démon s’éloigne de la jeune blonde pour aller déchiffrer le livre ésotérique qu’il a confisqué à la mentorée. Après ses moultes tentatives infructueuses à essayer de décrypter son contenu il entend enfin sa petite soeur s’approcher de lui et la question que Comp lui a adressé était initialement destinée à Louise en elle-même, il s’enquérait de l’avancée de sa psychée, de l’évolution de ses pensées face aux nouveaux éléments de réflexions apportés par leur discussion, mais la shoumeïenne prend ce ‘alors’ anodin autrement. Les explications apportées par sa consoeur concernant l’ouvrage magique intriguent Ra avec une telle force que l’oeil hypermnésique répond à la place de Comp:

    ”Marché conclu. Comp, on termine l’entraînement au plus vite, je veux savoir.”
    ”Doucement.” L’iris brunâtre se fixe sur les yeux visiblement inquiets sous la chevelure d’or. ”Un livre capable de sceller un Démon ”-et pas n’importe lequel-“, dont le contenu est indéchiffrable sous condition et qui semble… Comp manipule l’artéfact par télékinésie, le refermant dans un claquement pour le faire tourner sous tout les angles en l’inspectant. ”... capable d’interagir avec les arcanes. C’est un objet extrêmement puissant, et par conséquent précieux.” Devant la main tendue de Louise, l’oeil empathique s’abaisse pour contempler la paume ouverte, attendant certainement une poignée de main pour sceller un certain pacte verbal. À la place, c’est le grimoire qui virevolte linéairement jusqu’à sa paume pour s’y placer fermement. ”Une condition: quoi qu’il arrive, qu’importe l’enjeu, tu n’utiliseras pas ce livre. Tu nous as compris Louise?”

    ”Quoi…”
    ”...Qu’il...”
    ”...Arrive.”

    La paupière protectrice de Comp se rematérialise subitement pour disparaître aussitôt, imitant un clignement factice comme si le globe oculaire était un organe normalement constitué, mais l’iris change drastiquement pendant l’espace du clin d’oeil et c’est maintenant la Juge qui dévisage Louise à nouveau. La physionomie de la jeune soeur change drastiquement en réponse au retour de l’examinatrice, elle se cabre et s’apprête au combat mais cette fois le ton maternel d’Éva n’augure rien d’hostile:

    ”L’heure d’éprouver ta réalité approche Louise, mais il reste encore du temps. Notre magie est loin d’être régénérée, nos dégâts corporels méritent un peu d’attention si nous voulons continuer, nous allons laisser s’égrainer quelques grains de plus sur le sablier. Deux jours. Reste ici, travaille l’usage de ta magie, ta technique, ta concentration, et à notre retour... Le Jugement.”


    Suite à ces mots, le Démon d’Azshary disparaît purement et simplement, son enveloppe charnelle laisse place à l’air aride et poussiéreux de la Place de Jiroquai en ruine et le timbre féminin d’Éva s’efface au profit du silence et de la plénitude désolée. Savoir observe son nouvel environnement immédiat, laissant le regard azuré de la Juge parcourir la façade de la falaise qui lui fait face. Le corps translucide d’un Wyrmelin passe devant son oeil unique et révèle dans son sillage les lichens et les plantes grimpantes qui montent sur le rempart naturel; s’échinant à braver les flots impétueux de la chute qui se déverse du haut de l’escarpement, les eaux s’écrasent en contrebas à une dizaine de mètre dans la bouche d’un lit qui s’enfonce sous les terres. Perché sur la corniche qui passe derrière la chute d’eau et longe le ravin, le Démon difforme agrippe le mur de pierre de ses serres acérés pour maintenir son équilibre. Sa jambe dysfonctionnelle présente un certain danger s’il venait à tomber et à s’écraser dans les rapides et Savoir préfère économiser sa mana, même si ces lieux sont supposément un havre de paix au milieu du Shoumeï il n’est pas dit que la personne qu’il vient trouver est toujours en vie, les monstres et les reliquats de la guerre arpentent sans cesse le continent et si la localisation de cette ravine la rend difficile d’accès, il n’est pas impossible pour les abominations de s’y frayer un chemin.

    L’oeil d’Éva se fixe un peu plus loin sur la corniche, là où le passage de pierre étriqué s’évase pour devenir un plateau creusé dans la falaise où repose un cabanon de taille modeste. La lourde porte est entrouverte, ce qui n’est pas nécessairement un bon signe, mais le fin filet de fumée qui se dégage par le trou dans le toit de la chaume apporte une bien meilleure indication à Savoir:

    ”Il est là.”

    Estimant rapidement ce qui serait le plus économique en mana, le Démon préfère manifester un peu de lumière solide plutôt qu’avoir recours à une nouvelle téléportation. Il tend son bras humanoïde vers l’avant et un trait luminescent apparaît dans sa paume, prenant rapidement la forme d’une béquille sur laquelle l’azsharien prend appui pour avancer avec précaution. Le son de la chute d’eau est assourdissant et camouflerait aisément sa venue, mais la personne qu’il est venu voir n’est pas tout à fait ordinaire, et malgré le rugissement des flots qui étouffe le faible raclement de ses griffes sur la roche, une silhouette menue apparaît dans le cadre de l’entrée.

    ”C’est toi Savoir?”

    Une femme de petite taille aux membres d’une inquiétante maigreure se révèle en sortant de quelques pas de la bâtisse. Sa peau est si sombre que le soleil ne semble pas l’éclairer de ses rayons, comme si la noirceur de son derme se découpe étrangement de la réalité et la fait ressortir du décor. Même de nuit, on la voit se déplacer en raison de l’obscurité parfaite qui délimite sa silhouette, et de jour nul relief ne paraît de ses formes, seul les tatouages argentés qui ornent sa peau dans des motifs tribaux étoffent son corps d’un semblant de volume. Ses deux yeux à la sclère aussi blanche que ses pupilles laiteuses ressortent brutalement de la nappe de ténèbre qu’est sa peau, et ses dents sont en comparaison tout aussi aveuglante que la cécité qui drape ses prunelles. La femme aux cheveux d’une pureté albâtre quasi-parfaite esquisse un grand sourire qui donne l’impression de flotter dans une flaque d’encre, et vrille son regard perçant les âmes dans la direction générale du Démon. Comme à son habitude, elle n’est vêtue que de la peau d’une bête déformée par la corruption titanide, la tête évidée de l’animal couvre sa crinière blanche et les pattes tombent comme des couettes pour cacher ses seins, mais le reste de son corps est absolument découvert tandis que le reste de la peau fait office de cape en trainant derrière elle.

    ”C’est nous Marche-Esprit.”

    Le Démon approche de quelques pas de plus de l’Ombra dans un raclement disgracieux et la vieille femme hausse un doigt à hauteur de ses lèvres, intimant au nouveau venu de respecter un temps de silence. Savoir s’immobilise tandis que l’oeil cyan observe attentivement ses moindres faits et gestes, cette mortelle présente tant de qualités utiles pour la cause mais son imprévisibilité n’en est pas une, ce n’est pas parce qu’elle a la certitude qu’elle est en vie et que les monstres de Shoumeï sont absent du havre qu’Éva doit relâcher sa garde. La voix éraillée de Marche-Esprit s’élève par dessus le vacarme de la chute et son ton curieux désamorce quelque peu la situation malgré l’apparente vexation de son propos:

    ”Qu’est-ce que tu veux cette fois Démon? Tu viens toujours pour demander quelque chose, c’est jamais juste pour me voir hein.”

    L’aveugle tressaille lorsqu’un des Wyrmelins passe dans son dos et lèche la courbure de son échine de sa queue éthérée, elle porte une main dans la direction de la créature magique et tâtonne dans les airs jusqu’à trouver la tête de l’animal qu’elle pince entre le pouce et l’index. Ramenant contre elle le ver translucide tel un chat, elle le coince entre son coude et sa taille et commence à le caresser à la grande protestation de l’invertébré flottant qui se débat en crissant. Le sourire sur le visage de l’Ombra indique bien son indifférence à l’indignation de l’animal.

    ”Nous avons une fois de plus besoin de tes talents Marche-Esprit.”

    ”Pour trouver quelque chose?”

    ”Pour trouver quelque chose.”

    Le Wyrmelin se contorsionne sous les gratouilles de l’Ombra et réussit à mordre la joue de sa geôlière, et au moment où la petite gueule du serpent de mana se referme sur la chair noire immaculée, faisant apparaître un sang rouge qui fait figure d’anomalie sur la vallée obscure, la vieille Ombra s’empare prestement d’un couteau caché dans l’un des replis de la peau de bête qui la coiffe et plante la lame d’obsidienne à la base de la gorge, dans la partie physique du corps du Wyrmelin. Immédiatement la créature serpentine relâche sa prise avec un râle aigu et sa queue se contracte sur elle même dans des contorsions d’abjecte douleur. Le sourire de Marche-Esprit s’élargit un petit peu plus, et en l’absence de délimitation distincte de ses joues et de ses lèvres, ce rictus prend une dimension horrifique et carnassière.

    ”Pour changer. Et je vais le trouver et tu vas partir comme d’habitude hein.”

    ”...”

    L’Ombra écarquille ses yeux impotents et ressort le couteau de l’animal égorgé et le brandit la lame ensanglantée dans la direction approximative d’Éva:

    ”Saloperie va!”

    Elle relève ensuite le cadavre du Wyrmelin exsangue et oriente la gueule de la bête vers son visage, le regardant comme si elle pouvait le voir, et lui adresse un bisou du bout des lèvres dont seul le relief de profil trahit la présence. Savoir observe toujours un mutisme impeccable en attendant que la prêtresse démente rassemble un peu plus de raison.

    ”Qu’est-ce que t’en penses toi?” Fait-elle à l’anguille dont la queue éthérée se dissipe dans la mort, ”On est sympa ou on est pas sympa?” Elle retourne sa tête vers Savoir, les yeux clos et la bouche fermée pendant qu’elle réfléchit, ses traits faciaux sont ainsi complètement invisibles et seul les surlignages argentés de la peinture traditionnelle témoigne de la présence d’un visage. Elle rouvre ses yeux subitement et s’exclame: ”Bah! C’est pas comme si j’avais mieux à faire, alors entre Savoir!”

    ”Sekaï tout entier te remercie Marche-Esprit.”

    ”Blah blah blah, et le cours du monde et la destinée et l’ordalie, et caetera et caetera, c’est bon, me la fait pas.” L’érudite désabusée qui avait complètement vrillée après le terrassement de sa nation par ses dieux roule des yeux en se retournant. ”Entre, plus vite on fait ça, plus vite t’es parti et plus vite je peux retourner à mes occupations comme m’ennuyer et être toute seule.”

    La silhouette mystérieuse disparaît à l’intérieur du cabanon et Savoir s’approche en claudiquant du mieux qu’il le peut, l’unique pièce de la bâtisse est spacieuse mais encombrée. Chaque recoin de l’habitation précaire est utilisé à bon escient et le Démon porte comme d’habitude une précaution singulière à ne rien abimer, à garder ses filaments organiques près de lui, à rétracter ses pattes racinaires au mieux et à tenir son globe oculaire à ras du corps. Il s’assied à même le sol tapissé par les parchemins aux runes de sang et de liquide noirâtre, observant soigneusement l’endroit pour y déceler les quelques changements depuis sa dernière visite. Au plafond de nouveaux talismans et morceaux d’anatomie animale pendouillent des poutres au gré de la brise, le Gardien de la Connaissance dénote quelques crânes supplémentaires entre les maillages de brindilles et les montages de plumes et de fleurs séchées qui ornent la charpente. Chaque mur de l’habitation octogonale est parsemé d’étagères remplies de bocaux, de boîtes en bois communes et de caissons renfermant sans doute des épices, des pigments et des matériaux dotés d’une quelconque valeur magique ou rituelle, et les outils affixés contre le rack du fond trônent devant le petit autel qui laisse s’échapper des fumerolles rougeoyantes aux senteurs trop ferrugineuses pour être rassurantes. Savoir relève que ce dernier élément change de l’encens qui imprègne habituellement les lieux, et comme si elle pouvait suivre le regard de son invité, la religieuse explique:

    ”C’est mon sang menstruel mélangé au sang pourri du cadavre d’une Banshee, en ce moment j’essaie de dominer quelque chose de très gros Savoir.”

    ”...” Impassible, la Juge assise en tailleur attend que la femme s’installe pour commencer le rituel pour lequel elle est venue.

    ”Tu t’en fiche hein? Tu pourrais au moins faire semblant, fais venir celui qui parle comme nous autres là. Toi je t’aime pas.”

    ”Il sera là, dès lors que ton savoir-faire sera une nouvelle fois testé devant l’oeil attentif de la Mortalité.”

    ”Heureusement que tu fais du ménage, parce que t’es vraiment pas bon pour la parlotte. Qu’est-ce que tu cherches cette fois Démon?”

    Une trentaine d’heures plus tard, l’entité poly-oculaire qui n’a toujours pas bougé d’un pouce continue d’observer silencieusement le corps inerte de Marche-Esprit. Affalée par dessus le cuir d’un tambourin, le cadavre de l’Ombra ne paraît même plus respirer mais l’oeil perspicace de la Juge continue de surveiller l’infime soulèvement de la poitrine découverte de la mage. Quand Savoir lui avait indiqué l’objet de sa recherche, la prêtresse de la nature avait affiché un air d’étonnement que même ses traits dissimulés par les ténèbres n’arrivaient pas à cacher. Il faut dire que ce qu’il voulait retrouver différait grandement de ses demandes usuelles, la mage du nom de Marche-Esprit possède un don unique bien particulier, celui de pouvoir sauter de psychée en psychée parmis les animaux, telle une spectatrice du royaume animal. Son propre esprit s’assujettissait alors aux hôtes qu’elle explore et elle se retrouve à livrer un bras de fer plus ou moins intense en fonction de la résolution de l’âme de la bête. Une lutte pernicieuse qui, si perdue, laisserait la femme enfermée dans la créature qu’elle traverse ainsi, mais en l’emportant sur l’esprit de l’animal elle pourrait alors le guider et l’influencer à sa guise. D’habitude le Démon a recours à ses dons pour posséder de petits animaux, des nuisibles, des migrateurs, des insectes, et repérer les campements de cultistes pro-titans. La chamane détestant tout autant les fanatiques de son ancienne foi que Savoir ne se dévoue à les exterminer, les deux êtres ont collaboré à quelques reprises pour effectuer ce ‘ménage’ macabre. Aujourd’hui cependant, il ne s’agit pas d’une quelconque escapade punique. S’aidant des substances mystérieuses pour accomplir son rituel magique et renforcer ses dons et son esprit pour la lutte, la prêtresse avait répandu autour d’elle une poudre de pierre d’amant pour ouvrir ses sens à Sekaï, et un bouquet de plantes mélangeant fouettard et millefeuille avec d’autres herbes médicinales brûle doucement pour remplacer l’effluve sanguine de tantôt. Elle s’était alors installée face à l’instrument de musique et avait frappé avec un arythmie bien précise sur le cuir jusqu’à ce que les murs de la pièce se déforment, comme si l’onde des notes de musique faisait fondre les solides environnants, et alors que l’âme de Marche-Esprit avait quitté son réceptacle, la mage s’était écroulée.

    L’attente est peut-être interminable pour quiconque mais pas pour Savoir, quand la prêtresse revient subitement à elle, inspirant goulûment un air salvateur alors que son corps se remet lentement de l’apoplexie prolongée, elle tousse et crache en s’appuyant difficilement sur ses mains décharnées engourdies. Sous le regard impassible de la Juge, la prêtresse articule:

    ”C’est bon, je l’ai eu. Il sont là bas, tout les deux.”

    ”Nous te remercions Marche-Esprit. Ta pierre est le soutènement infaillible dans l’édifice de l’eff-”

    ”J’ai failli y passer cette fois, tu te rends compte que c’est pas le même calibre de bestiole? J’ai cru que j’allais me faire dominer pour de bon, c’est que c’est surprenamment stoïque comme bête, et moi j’en chie, j’me plie en quatre pour toi et tu fais même pas l’effort d’avoir une autre voix plus sympa.”

    Marche-Esprit halète en se remettant de la promenade astrale prolongée, elle se hisse difficilement sur ses genoux et demande au Démon:

    ”Du coup je l’ai vue la petite fille à Jiroquai, c’est qui là, c’est quelqu’un que tu connais? Une belle blondinette en tout cas. Et pourquoi je devais amener les bêtes là bas? Elle va en faire quoi?” Elle attend une réponse mais le silence de l’azsharien est peu explicatif. ”Hein, Savoir?” Marche-Esprit hausse un sourcil indiscernable sur son visage d’encre. Soudain une pensée fait irruption dans sa tête et elle doute, ”Savoir? Oh le Démon t’es là?” Se penchant en avant, l’Ombra balaye devant elle à tâton pour se rendre compte de l’absence évidente de son invité, elle hurle de colère: ”AH LA SALOPERIE! MÊME PAS  UN AU REVOIR!”




    Revigorée par l’attente pendant que Marche-Esprit faisait son office, une Éva de nouveau apte à la magie n’avait pas perdu de temps et s’était téléportée sur la Place de Jiroquai, ayant repéré les lieux tantôt via une petite projection de son oeil dans les cieux afin d’arriver dans le dos de Louise, sauf que désormais ils n’étaient plus tout à fait seuls. À une dizaine de mètres d’eux, une grizzly adulte se tient dans toute la splendeur de ses deux cent kilos de muscles. Amenée ici par les soins de la prêtresse, l’animal imposant avait repris ses esprits devant la jeune soeur et avait vraisemblablement mal apprécié d’être forcé aux banc de touche de sa propre conscience le temps du trajet. Si l’ours massif se montrait de plus en plus menaçant envers la frêle figure de Louise et que la vue d’une humaine blessée attisait son instinct de prédateur apex, l’apparition de Savoir jetta une impression bien différente à l’animal. Un couinement apeuré se fit également entendre lorsque derrière une des pattes du grizzly se dessina la boule de poil d’un ourson impuissant. L’animal spirituel de Louise, information prélevée par Savoir quand elle s’était ouverte à sa lecture psychique il y a maintenant plus d’une semaine.

    Toujours en silence, profitant du dos tourné de sa soeur accaparée par la présence menaçante de l’ours, Savoir lève sa main humanoïde en direction du dos de la Démone et dans une brutale attaque en traître, une douzaine d’étoiles se déforment dans la voûte céleste, s’étirant silencieusement au ralenti pour soudainement fuser comme des piques luminescentes fendant les cieux pour s’abattre sur son corps. Clouée au sol traîtreusement, les membres empalés par l’élément vulnérabilisant de leur race commune, Savoir redirige ensuite ses doigts elfiques vers le duo bestial qui s’enfuit devant la démonstration magique. Des liens de lumière se manifestent de nul part et enserrent en un filet exigu la mère de l’ourson qui lache un mugissement rageur. Maintenant sa puissance magique doublement efficace, la Juge dont la crinière grandissante éclaire les parages s’abaisse au niveau de Louise sans quitter l’ours du regard.

    ”Chaos, Ordre, Vie, Mort, Rêve, Réalité, des concepts primordiaux qui existent depuis la nuit des temps, qui pré datent l’ apparition des premiers êtres sapiens depuis la naissance même des âmes et consciences. Et pourtant Louise, ce n’ est aucun d’ eux qui furent le premier à prendre forme sur Sekaï, ce haut-fait fut réservé à Espoir.”

    Avançant lentement vers l’animal immobilisé, Éva laissa s’élever dans la plus froide des cruauté l’acier alien de l’Épée du Jugement tandis que le Livre éponyme fit également son apparition des entrailles de l’Arme Vivante. S’arrêtant à mi-chemin entre les deux pour vérifier que Louise ne pouvait pas bouger non plus mais était capable de voir la scène, la Juge reprit avec une voix sempiternelle:

    ”L’ espoir pourrait sembler être l’ apanage des mortels, des êtres sentients, si on peut établir facilement que les animaux les plus sociaux connaissent l’ordre, que le chaos est universel, que la vie, la mort, le rêve et la réalité sont omniprésents, quid de l’ espoir dans le règne animal?”

    L’ourson terrifié pousse des couinements apeurés en essayant de s’attaquer aux liens qui répriment le corps de sa mère. Celle-ci respire avec peine alors que le filet de lumière comprime ses membres avec force et ne peut que pousser des geignements de plus en plus faibles.

    ”L’ espoir nécessite une vision d’avenir, la conception d’ un lendemain, une compréhension et la convoîtise de quelque chose de futur. Les animaux sont guidés par leur instinct, ils se contentent de ce qui est, de ce qui existe, ils n’ ont de conscience que l’ instant présent. Il leur serait normalement impossible de ressentir ce sentiment, et pourtant…”

    Savoir continue d’avancer vers l’ours, et balayant l’ourson sur le côté du grizzly ficelé avec le pommeau de l’épée du Jugement, il envoie le nourrisson rouler tandis que ses jambes ramifiées montent sur le gigot vivant en plantant ses serres dans les flancs de l’animal souffrant.

    ”Ils sont tout à fait capable de ressentir l’ opposé du spectre, le désespoir.”

    Accroupis sur la bête isolée, Savoir saisit le col de fourrure du grizzly avec les griffes de son bras décharné et les appendices de chitine enserrent la chair de l’ours, infusant ensuite progressivement sa magie désintégratrice dans l’animal, la peau de la mère commence avec une lenteur suppliciante à devenir une masse blanche irradiante. Entre les hurlements désespérés de l’ourson, ceux terrorisés de la victime et ceux de la Démone impuissante un peu plus loin, Éva tonne d’une voix puissante et sentencielle:

    ”Pourquoi, alors que l’ espoir n’ existait pourtant pas, pourquoi est-ce qu’ à l’ apparition des Mortels, ce fut elle la Première Soeur? Tout simplement parce que c’ est faux Louise, l’ espoir a toujours existé, il est dans la fabrique même de Sekaï et du temps, l’ existence du passé impliquant par équilibre celle de l’ avenir, l’ espoir est ancré dans la génétique même du cosmos, le défilement du temps génère de lui-même l’ espérance en faisant évoluer les vivants sur Sekaï.”

    Son attaque sur l’ours martyrisé est visuellement bien plus impressionnante que les dégâts réellement infligés, et en augmentant de plus belle les effets ostensibles de l’attaque il renforce encore plus le biais de perception. D’une double manipulation, Savoir enfonce un peu plus les piques au travers des membres de Louise et continue de réduire la taille du filet sur l’ours mère, les mailles perforent lentement la graisse de l’animal et amplifient son supplice.

    ”Louise n’ est qu’ un nom factice, tu es soit l’ Espoir dont Sekaï a besoin, ou le gâchis d’ une âme surpuissante qui doit retenter sa chance dans le cycle éternel des Gardiens.”

    Alors que la Juge poursuit toujours et encore son office, une variation dans la réaction de Louise attire son attention, un soudain mouvement d’énergie phénoménal, relâchant brusquement son étreinte sur l’ours qui s’enfuit sans demander son reste grâce à l’aspect superficiel de ses blessures, Éva contemple l’entité fabulée qui prend forme devant elle.

    Qu’est-ce qu’il se passe?
    Elle est là.
    Elle elle?
    Oui.
    Ça a l’air dangereux, nous devrions…
    Oui.

    La paupière protectrice revient se matérialiser autour de l’oeil de la Juge tandis que les piques de lumière désormais inefficaces se désagrègent en paillettes dorées dans le vent. Lorsque les globes optiques du Démon poly-oculaire s’activent de nouveau, ce sont cette fois la totalité de ses organes qui s’ouvrent dans une désintégration multiple des membranes, révélant une myriade de copies identiques d’Alys. La geôlière d’Azshary qui avait séquestré ses cinq soeurs à l’intérieur du complexe de recherche pendant trois cent millénaires fait appel à la même magie qu’elle avait utilisé alors.
    Les chaînes du Compendium.
    De la pupille de chaque oeil carmin, d’immenses chaînes de maillons lumineux se déversent des perles noires pour serpenter dans les airs et s’articulent abruptement pour s’élever et encercler Louise, prêtes à lui fondre dessus si jamais l’éveil de son potentiel s’avérait incontrôlable ou dangereux. Sous la mobilisation soudaine d'une telle quantité de mana, les organes optiques se mettent à saigner profusément à l'unisson.

    ”Analyse… impossible: réussite des Chaînes du Compendium… incertaine. Action recommandée: tentative de pacification.”
    Citoyen du monde
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    Louise Aubépine
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    qui suis-je ?:
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  • Dim 26 Mai - 2:40
    Démoniaques philosophies


    Louise récupéra son grimoire non sans un large sourire.

    —C’est promis ! s’exclama t-elle avec une certaine candeur. Je tâcherai de le laisser bien attaché à ma ceinture.
    Bien que l’entraînement avait été des plus éprouvant, elle ne pouvait s’empêcher de sourire. Presque prise d’un rire nerveux. Les choses étaient agréables ainsi. Savoir était ce qui se rapprochait le plus d’un ami à des lieues à la ronde. Et il était indéniable qu’elle se sentait progresser en sa compagnie. Elle ne pouvait s’empêcher de se sentir euphorique maintenant que toute la tension retombait d’un seul coup.

    —Savoir ? dit finalement la démone après un silence. Merci. Merci de… de tout ça. D’avoir dit que tu serais là pour moi. Jusqu’à la fin. (Un léger sourire parcourut son visage alors qu’elle joignait ses mains.) Ça me touche beaucoup. Plus que ça, je me dis que les rencontres au sein de cette époque sont loin d’être désagréables. J’espère qu’un jour, nous pourrons suivre des cours moins mouvementés. Je n’en ai pas l’air, mais si le monde n’était pas en dangers, je passerai certainement ma vie sur les bancs de l’école. Moi qui avait bon espoir de devenir érudite plus jeune afin de résoudre les problèmes des gens, peut-être que tu pourras continuer d’être mon professeur sur des domaines plus académiques et nettement moins dangereux. Si notre monde vient à retrouver sa félicité et que les veilleurs n’ont plus de raison d’être, ou du moins, moins de raison d’être, alors peut-être pourrais je être ton assistante ? Nous partirions à la recherche des savoirs perdus pour théoriser des heures durant sur divers sujets devant un feu de cheminé ? Avec en prime un bon lait chaud ! Je pense que ça me plairait. Enfin, pour l’heure, ce ne sont que des rêves et espoirs d’un futur potentiel. Nous avons encore beaucoup à faire.

    Eva lui expliqua alors la suite des événements. Louise ne lui tint pas réellement rigueur devant cette absence de réponse. Elle savait que Savoir, une fois concentré sur un sujet, était difficile à faire lever le nez de ses notes.

    —Je serais prête sois en su- Ah… Il est déjà parti.

    Elle haussa les épaules avant de rire d’une voix cristalline.

    —De nouveau seule, laissa échapper l’entité démoniaque aux yeux d’azur avant de se laisser choir sur le sol en étoile de mer, les yeux rivés vers le ciel.
    Elle laissa ses pensées dériver quelques instants, se remémorant les longues épreuves de son compagnon démoniaque. Elle ne pouvait réfuter les résultats des méthodes particulières de ce dernier. Il avait su faire ressortir le meilleur de ses capacités. Devant l'inéluctabilité de la mort, ses émotions, vectrices de sa force, avaient pris le dessus. Il ne lui restait plus qu’à comprendre les énergies liées à ses dernières afin de ne plus en être totalement esclave en y faisant appel exclusivement lors des situations de crises.

    Depuis son réveil, Louise avait toujours tenté de minimiser sa nature démoniaque. “Ce n’est pas important.” “Ça ne me définit pas.” “Peu importe.” laissait-elle entendre brièvement avant de changer de sujet au sujet, presque terrifiée à l’idée de creuser la question. Comment pouvait elle faire figure d’espoir, à tendre la main aux repentants en leur assurant qu’ils seraient accepté malgré leurs torts tandis qu’elle était incapable de s’accepter telle qu’elle était véritablement. Savoir avait su la mettre face à cette réalité. Ce n’était ni une mauvaise ni une bonne chose. Il s’agissait là d’un simple fait qu’elle devait accepter et assimiler.
    Un sourire se dessina sur son visage tandis qu’elle commença à mimer son ami azsharien.

    —Dans les cent vingt maximes sur le flot de la vie, Verdirian Tranchefeuille, de parents humain et elfe disait qu’il était inutile de chercher une destination au voyage de la vie si nous ne connaissons pas l’emplacement de départ de notre voyage. Par ces mots, il expliquait que pour avoir un futur, il était nécessaire d’avoir un passé et d’accepter entièrement ce dernier. Après tout, le passé et plus précisément nos actions nous définissaient. Et ce n’était qu’en s’acceptant totalement qu’il était possible de tendre vers un futur. Verdirian n’était pas très bien accueilli au sein de la communauté azsharienne tout comme les reikois ne lui offraient guère de regards amicaux. C’est dire qu’à l’époque, les tensions entre la nation elfique et le Reike étaient à leur maximum suite aux événements de la Flèche. Un col montagneux disputé entre les deux nations. Verdirian n’a pu trouver la paix intérieure que le jour où, acceptant pleinement l’héritage de ses deux parents, il avait arrêté de vouloir se fondre dans un moule qui ne lui correspondait pas et s’était donc rendu vers des contrées plus vertes afin de s’y développer.
    Elle fit mine de remonter des lunettes qu’elle ne possédait plus, prouvant qu’elle aussi avait lu quelques livres dans sa jeunesse bien que désormais, elle n’en avait guère le temps ni les moyens. Elle éclata finalement de rire devant sa piètre imitation. Un rire franc qui l’aidait à évacuer le stress.
    L’imitation passée, elle comprenait néanmoins qu’il y avait du vrai derrière cette maxime qu’elle avait lu jadis sans en comprendre entièrement le fond. Elle était un démon. Avec tout ce que cela impliquait. Peu dupe, elle savait que Savoir ne se serait pas intéressé à ce point sur sa personne si elle n’était qu’un démon perdu dans la masse. Et bien qu’il ne l’avait pas établi officiellement, il était évident qu’elle possédait un lien ténu avec l’Espoir. Quant à reconnaître en elle une réincarnation du premier démon, quelques zones de flous subsistaient encore. Et pourtant, la tête des veilleurs commençait à assimiler le fait que Savoir ne se trompait pour ainsi dire jamais. Du moins pas sur ce genre de théorème. Feindre la surprise ou la naïveté serait contre productif. Elle devait se préparer aux conséquences d’une telle révélation et trouver la maturité de les assumer en les acceptant pleinement. Elle, Louise Aubépine, n’était elle qu’une goutte dans une étendue d’eau bien plus grande ? Était elle coupable des actions d’une vie de jadis ?

    Secouant la tête, elle remarqua qu’elle ne savait finalement que peu de choses sur les démons. Plus jeune, elle les craignait même, pensant qu’il s’agissait simplement d’entité tendant vers le malin. Et aujourd’hui, elle devait embrasser cet héritage non souhaité. Freinée par sa peur et son égo, Louise peinait à accepter un héritage pour lequel, du moins à ses yeux, elle n’avait œuvré en rien. Les facultés que Savoir avait sût faire ressortir chez elle n'étaient en rien dû à sa bonne volonté où à son travail acharné. Pouvait-elle réellement être fière de qui elle était ainsi ? Et si elle s’acceptait entièrement, embrassant l’Espoir de tout son être. Qu’adviendrait il de la demoiselle qu’elle était aujourd’hui ? Sera-t-elle dissipée par cette entité immémorielle qui semblait la précéder ?
    La blonde aux yeux d’azur sentit sa gorge se contracter. Disparaître, rejoindre le néant la terrifiait. Elle voulait accomplir des choses, compléter ses promesses. Et pourtant, Shoumei et le Sekai avait-ils réellement plus besoin d’une jeune femme aux longs discours encourageants plus que d’une entité capable de tenir tête aux divins ?
    Le choix ne s’imposait pas encore à cette dernière, pourtant, le moment venu. Il lui faudra faire face à ce choix. Et aux implications de ce dernier.
    Un sourire amer se dessina sur son visage. Décidément, même dans une autre vie, il était difficile de fuir son passé.

    La chevalière meurtrie se releva non sans mal, tapota son grimoire avec un sourire avant de finalement s’étirer. Bien qu’encore pleine de doute, elle pouvait théoriser sur la raison qui faisait d’elle la seule personne capable de lire le grimoire de Zei. Si comme le sous-entendait Savoir, elle était qui elle était, c’était là une punition des plus vicieuses. Un démon, se dressant face aux titans et leur mettant constamment des bâtons dans les roues avant de finalement se faire réincarner pour vivre une vie pieuse de parfaite diviniste. Goûter à la joie d’avoir une famille pour finalement tout se faire ôter via le grimoire. Il y avait-il plus grande humiliation pour un démon que de vénérer ses ennemis naturels ? Et pourtant, Louise ne pouvait que remercier Zei pour cette vie “humaine” qu’elle avait pu vivre. Moins pour le côté où elle perdait ses proches si chers à ses yeux, il est vrai.
    De toute manière, cela ne restait qu’une supposition. Les voies des titans étaient impénétrables comme le disait souvent son Père. Néanmoins, elle commençait à se demander si suivre de telles voies aveuglément était une chose bien saine.

    Un craquement la sortie immédiatement de ses réflexions. De nouveau aux aguets, la chevalière pivota sur ses talons en direction dudit bruit pour se retrouver face à un homme de bonne stature. D’apparence humaine, il portait un teint légèrement bronzé et quelques réminiscences d’une armure autrefois de bonne facture, composée de mailles et de cuir, vraisemblablement aux couleurs du Reike. Un tatouage lui remontait dans le cou, un dragon à moitié effacé par une marque de brûlure grave. Les cheveux en bataille et la barbe taillée à la hache donnaient à cet être une apparence pour le moins sauvage. Le fait qu’il tenait entre ses mains une vieille masse d'armes recouverte d’un sang indélébile, devant laquelle Louise s’efforça de ne pas s’imaginer les vies prises par cette dernière, ne donnait clairement pas une confiance première envers cet individu. L’Aubépine recula de plusieurs pas tandis qu’il avança d’autant.

    Avec ce que lui avait fait découvrir Savoir, l’idée d’éliminer la menace à grand renfort de magie traversa l’esprit de la représentante de l’Espoir. Avait elle du temps à perdre avec une menace potentielle qui de toute évidence était loin de se montrer amicale ?
    Elle se pinça le bras en fermant les yeux l’espace d’un instant. Non, de toute évidence, bien que jouer la carte de la sûreté était une option attirante, elle n’était pas digne de la cheffe des veilleurs de l’Aurore. Aussi, elle leva les mains pour montrer qu’elle n’était pas dangereuse.

    —Hey, dit-elle hésitante. Salutations, c’est une belle journée pour euh… se promener et… tout ça. (Devant le regard inexpressif de son interlocuteur, elle continua.) Vous ne voulez pas baisser votre arme ? Qu’on puisse discuter un peu. Je ne veux pas de problème.

    L’homme resta de marbre. Refermant un peu plus sa poigne sur le manche de son arme.

    —D’accord, gardez là en main, ajouta la démone non sans lever ses mains, prête à se défendre. Sans vouloir me vanter, je viens d’apprendre quelques tours pour me défendre. Et puis vous tombez vraiment mal si vous souhaitez me déposséder de quoi que ce soit. Mon épée est brisée et mon bouclier ne vaut plus rien. (Elle marqua une pause. Prenant le temps d’observer l’homme en détail.) Je reconnais ces symboles. Vous venez du Reike c’est bien ça ? De Maël peut-être ? Vous êtes loin de chez vous. Êtes vous une sorte d’éclaireur ou quelque chose dans ce genre là ? (Toujours aucune réponse. Louise commençait à se demander si l’homme savait communiquer.) C’est un beau pays. J’y suis allé par deux fois. Les étendues de sables sont parvenues à me couper le souffle à chaque fois. Et puis, la plupart des reikois que j’ai pu rencontrer m’ont été bien sympathiques. Vous n’allez pas briser la chaîne tout de même ? (Elle tenta un sourire qui ne donna rien.) Tout ça pour dire que nous ne sommes pas ennemis. Après, nous pouvons très bien continuer à nous regarder en chien de faïence des heures durant. Mais non seulement ce serait une perte de temps conséquente, mais en plus, il serait fort probable que je sorte vainqueure de notre petit jeu.

    Enfin, l’homme pointa son arme vers elle. En direction d’un insigne diviniste cousu au tissu de son armure. Bien qu’il ne parlait toujours pas, c’était tout de même un bon départ et la chevalière autoproclamée continua sur cette lancée. Parler n’avait pas forcément vocation à transmettre des informations à ses yeux. Le dialogue, aussi futile soit-il, permettait d’ouvrir les cœurs.

    —C’est une des armures que portait un ancien soldat de Shoumei. Paix à son âme. (Elle fit rapidement une prière silencieuse.) Shoumei étant ce qu’elle est, il est naturel d’y trouver des signes religieux. Si vous vous inquiétez quant à ma dévotion, sachez que justement, en grande héroïne que je suis, j’ai empêché la résurrection d’un titan il y a peu ! (Elle tenta de bomber le torse de fierté avant de s’arrêter devant la non-réaction de son interlocuteur.) Ca ne s’est pas si bien passé que ça car nous nous retrouvons tout de même avec une certaine menace sur les bras, mais j’ai bon espoir qu’ensemble nous parviendrons à faire front commun pour protéger nos terres. Oh d’ailleurs, je me nomme Louise Aubépine. Commandante en chef des veilleurs de l’Aurore ! Vous devez certainement avoir entendu parler de nous ? Non ? Même pas un tout petit peu ? (Elle laissa échapper un soupir de dépit. Il y allait avoir du travail quant au recrutement et la publicité de leur groupe.) C’est un peu triste. Mais ce n’est pas si grave, il faut bien commencer quelque part j’imagine.

    —Tu ne t’arrêtes jamais de parler ? lui demanda sans crier gare l’homme qui se dressait devant elle, arrachant ainsi un sourire à la blonde.

    —Incroyable ! s’écria-t-elle avec une voix teintée de malice. Il peut parler ! On avance enfin !

    —Ces derniers jours, il y a eu quelques grabuges dans la zone. Je ne m’attendais pas à tomber sur une estropiée seule.

    —Oh je sais ! (Elle frappa dans la paume de sa main.) Vous êtes un soldat reikois en reconnaissance, j’ai juste ?

    L’homme laissa le silence s’installer avant de répondre sans vaciller.
    —Exact.

    A ces mots, la shoumeienne relâcha sa posture défensive. Un choix discutable.
    —Je ne savais pas qu’il y avait des reikois si éloignés de Maël. Mais vous devez certainement avoir vos raisons. Je me ferais un plaisir de vous expliquer ce qu’il s’est passé ici. Mais avant ça, vous avez mauvaise mine. Ca fait combien de temps que vous crapahutez ainsi dans la nature ?

    —Bien trop longtemps. J’ai besoin d’eau.

    Se sentant dans le besoin d’aider, Louise lui offrit un sourire de réconfort.
    —Je n’ai pas d’eau sur moi, mais je suis sûre qu’on doit pouvoir trouver quelque chose. Il doit bien y avoir un point d’eau quelque part. Et… (Elle réalisa.) Suis-je bête. Tendez vos mains. Je vais vous créer un peu d’eau.

    Elle s’approcha alors en tendant ses mains. Trop préoccupée à l’idée de venir en aide à cet inconnu, à faire une “bonne action”. Et ce qui dut arriver arriva. Le “reikois” n’hésita pas un seul instant. Dès lors qu’elle n’était plus en mesure de se défendre, concentrée à produire les premières particules d’eau entre ses mains, il lui asséna un violent coup rapide, stratégie reikoise par excellence, quelque part sous les poumons. La petite shoumeienne laissa échapper un râle de surprise alors que son souffle se stoppa immédiatement. Elle s’écroula immédiatement, perdant ainsi connaissance.

    —Ne m’en veux pas. Les affaires sont les affaires.

    [...]


    Ouvrant faiblement les yeux, Louise laissa échapper un grognement de douleur. Remarquant qu’elle était bâillonnée avec pieds et poings liés par une corde tandis que le reikois la traînait au sol via cette même corde. Elle tenta de se débattre un peu sans grand résultat. L’incompréhension se lisait dans son regard.

    —Cesse de te débattre. Nous sommes bientôt arrivés.

    La nuit semblait être sur le point de tomber et les crépitements d’un feu se faisaient entendre. L’homme souleva la démone par les poignets avant de la projeter à travers divers fourrés. Louise s’écrasa face contre terre devant un feu de camp rudimentaire. Trois personnes semblaient patienter autour de ce dernier, les regards posés sur la prisonnière tandis que son ravisseur les rejoignait.

    —Comme convenu.

    Une femme, portant une tenue rapiécée de prêtresse diviniste retourna Louise du pied pour voir son visage.
    —Hein ? laissa échapper la priante non sans montrer une certaine déception. Qu’il est dur de travailler avec les singes du Reike. Peux-tu me rappeler ce que je t’ai demandé ?

    —De ramener la cause des émanations de magie que vous aviez constaté, répondit le reikois sans prendre en compte la pique de cette dernière. Je sais que vous traquez l’entité à plusieurs yeux. Mais de toute évidence, il n’était plus ici. Et rien ne nous dit qu’il était seul responsable des émanations constatées. Cela dit, j’ai tout de même ramené une prise de choix. Elle se présente comme la cheffe des veilleurs de l’aurore. Elle a admis avoir joué un rôle dans le sabotage du rituel de renaissance de votre dieu.

    La prêtresse haussa un sourcil avant de fléchir devant Louise pour lui enlever le bâillon avec l’aide d’une dague sacrificielle rangée à sa ceinture, non sans lui laisser quelques marques sur les joues.

    —Qu’est-ce que ça veut dire ? Tu m’as dit que tu étais un soldat reikois ! Nous ne sommes pas ennemis !

    La femme planta on arme dans l’épaule de la démone avant de la tourner lentement. Laissant à Louise tout le loisir de crier sa douleur à plein poumons. Lui faisant ainsi comprendre qu’elle parlerait seulement lorsqu’elle y serait invitée.

    —Je n’ai rien dit, répondit son ravisseur en évitant son regard. Tu t’es inventé une histoire toute seule.

    Les yeux embués par ses larmes, la shoumeienne ne pouvait se débarrasser de ce goût autant particulier que désagréable. C’était la première fois que sa confiance si aisément accordée se retournait contre elle. Le sentiment était loin de lui plaire et la dague fichée dans son épaule n’arrangeait rien. Elle avait été stupide. Aveuglée par son envie de bien faire, de venir en aide. Un comportement parfaitement immature et indigne de la meneuse qu’elle s’efforçait d’être. Elle n’était plus la petite fille envers qui les ennemis du Sekai se moqueraient éperdument. Elle avait un rôle et un poids sur les épaules qui viendraient à la mettre en de nombreuses reprises face aux ennemis de ce monde. Des gens qui n’hésiteront pas à faire preuve de toutes les bassesses pour arriver à leurs fins. Si les veilleurs étaient semblables à de valeureux chevaliers, finalement assez proche de la fine fleure des paladins de l’ancienne Shoumei, les ennemis de ces derniers ne jouaient pas avec les mêmes cartes. Sans doute ne jouaient-ils même pas avec les mêmes règles. Agir de manière si imprudente venait de la mettre en danger direct. Heureusement, elle se retrouvait seule en situation de danger immédiat mais en d’autres circonstances, peut-être aurait-elle entraîné un autre veilleur dans sa chute par excès de zèle.

    S’imaginant potentiellement coupable de la mort d’un de ceux qu’elle avait promis de protéger, une vague de nausée monta rapidement et elle sentit sa tête tourner de plus bel. La prêtresse lui attrapa le visage pour la forcer à la regarder.

    —Voilà donc la capitaine des veilleurs ? s’amusa t-elle alors en retirant la dague. J’allais dire que tu n’as pas la carrure et qu’on se moquait de moi, mais d’un autre côté, de ce que j’en ai entendu, les veilleurs ne sont qu’une bande de clowns qui n’ont même pas de quoi loger toute la misère qu’ils attirent.

    —C’est faux ! s’écria Louise. Nous allons faire de grandes choses pour le Sekai ! Nous avons déjà empêché la résurrection de Kazgoth, ce n’est qu’une question de temps avant que nous fassions un nouveau coup d’éclat !

    La prêtresse ne daigna même pas lui mettre un nouveau coup. A la place, elle se mit à rire aux larmes.
    —Que c’est chou. Ainsi, c’était l'œuvre des veilleurs ? Il faut dire que la personne que nous avons attrapé a préféré mourir que de dévoiler qui étaient avec elle dans cette grotte. Enfin, nous l’aurions réduite au silence dans tous les cas. Mais-

    —Vous avez fait quoi ? la coupa Louise avec un effort colossal pour ne pas bégayer. Ses sens se faisaient troubles. Ses pensées se perdaient peu à peu. C’était impossible. N’est-ce pas ? C’était forcément impossible ! Dactyle était au camp. Savoir était avec elle en début de journée. Mais… les autres ?

    —C’était quelqu’un d’important c’est ça ? Tu n’es même pas au courant d'où se trouvent ceux qui se battent sous ta bannière ? Et tu te dis leur cheffe ? Mais cheffe de quoi au juste ? Tu n’es pas le gardien qui mène un troupeau de moutons vers la victoire. Tu es au mieux une fermière qui tente d’organiser un poulailler. Et même ça, ce n’est pas une réussite.

    Les paroles de cette vipère blessaient bien plus la cheffe en perdition que la blessure béante qu’elle avait à l’épaule. La vérité cachée dans son venin était certainement ce qu’il y avait de plus révoltant aux yeux de Louise. Elle voulait hurler que c’était faux. Qu’elle se trompait. Que les veilleurs étaient de vaillants héros triomphant du mal pour un avenir plus brillant. Mais il y avait un temps pour les contes de fées. Et un temps pour la dure réalité de la guerre. Les fanatiques n’étaient pas de simples obstacles à outrepasser. Eux aussi prenaient part à cette danse pour le futur du monde. Et aujourd’hui, elle apprenait qu’ils venaient de prendre une vie. Une vie mise en danger par le simple de l’avoir suivi. Chaque veilleur mettait sa vie en jeu pour suivre un idéal proposé par la démone. Et qu’avait elle fait pour eux en échange ? Les laisser mourir. Trop laxiste. Trop naïve.
    Elle se sentit trembler, la gorge sèche. Plus misérable que jamais et affublée de la mort d’un des siens.

    —Bon, dit alors le reikois pour couper le silence. J’imagine que la prise vaut le coup. Vous allez accomplir votre part du marché ?

    —Hum ? Oh oui le marché, c’est cela. Tu sais, il y a quelque chose de bien avec les reikois. C’est qu’ils ont quitté les carcans de l’humanité. Leur mentir n’est ainsi pas un acte contraire à nos testaments.

    —Vous aviez dit que vous le libéreriez !

    —Oui et ? J’ai menti.

    Un large sourire naquit sur le visage de la priante. Le reikois tenta de lever son arme, mais l’un des autres fanatiques abattit d’un coup un fléau sur le bras de ce dernier qui se plia dans un angle interdit, lui laissant échapper un cri de douleur.
    Le troisième fanatique attrapa le reikois par l’arrière pour le projeter au sol avec une clé de bras. Pour conclure, la priante fit une incantation silencieuse, créant des chaînes de lumières attachées à des pieux qui le transpercèrent au niveau du bras afin de le clouer au sol.

    Louise resta perdue un long moment. Plus rien ne faisait de sens pour elle. D’une voix sans force, elle questionna sans réellement s’attendre à une véritable réponse.

    —Mais… pourquoi faites vous tout ça ?

    Un regard de pitié teinta les yeux de la femme au voile. Selon cette dernière, Louise avait vraisemblablement une case en moins.

    —Et toi ? Pourquoi te débats tu dans un monde qui est déjà perdu ? Tu n'accomplis rien, tu ne sers à rien. Vous n’êtes pas mieux qu’une bande de gosses se prenant pour des héros. Le monde s’est détourné de ses véritables dieux et nous tentons simplement de le remettre dans le droit chemin. Même si vous êtes insignifiants, vous restez l’ennemi. Vous passerez tous sous le joug de la véritable foi, hommes, femmes, enfants. Vous qui avez péché tant de fois. Et s’il faut se salir les mains, c’est avec plaisir que je le ferais.

    —Qui est la personne que vous avez…

    —Tué ? Je ne te le dirai pas. De toute manière, tu vas bientôt la rejoindre. Vois ça comme la punition pour avoir pu pensé le moindre instant que tu pourrais te dresser face à nous. Tu quitteras ce monde dans l’échec. Sans même connaître l’identité de celui ou celle qui a su emporter les secrets de ton petit ordre pathétique dans la tombe.

    —A-arrêtez… s’il vous plaît… (La force dans la voix de Louise s’amenuisait peu à peu.) N-nous pouvons encore changer les choses. Nous ne sommes pas obligés de nous entretuer. Le monde vaut le coup et-

    —Tu n’as vraisemblablement rien compris. (Un regard de dédain.) Je t’annonce que je tues les tiens et tu tends l’autre joue pour te faire battre ? Tu me dégoûte. Qui te voudrait comme meneuse ?

    Louise baissa le regard un temps. Elle n’avait plus de larmes à laisser couler et se sentait incroyablement vide. C’était ainsi que tout allait se terminer ? Parce qu’elle n’avait pas les épaules pour agir ? Tout le monde ne pouvait pas être sauvé. Certains s’y refusaient contre vents et marées. Ses pensées voguèrent vers Myriem, ancienne fanatique qu’elle avait pu rencontrer il y a peu. Voilà une femme qui avait au moins cent fois la force morale que la démone s’efforçait de produire. Myriem avait été capable de se rendre compte de ses torts afin d'œuvrer vers un monde meilleur. Elle n’avait pas hésité à déclarer ouvertement se dresser face à ses alliés de jadis. Savoir avait raison. Sa propre faiblesse avait entraîné la mort d’un des siens et maintenant qu’elle se trouvait devant une occasion de faire justice, elle s'accrochait aux minces branches d’un espoir éphémère, tentant de trouver une solution qui ne verserait pas plus de sang. Occultant comme elle pouvait la blessure d’avoir non seulement perdu un proche de plus, mais d’en être partiellement responsable. Plus rien n’avait de sens. Plus rien n’avait de but. A cet instant, elle se sentait chavirer. Au bord du gouffre, une puissante émotion commença à la submerger. Le désespoir.
    Il n’y avait plus d’échappatoire devant la réalité nihiliste de ce monde. Ces personnes étaient dangereuses. Elles avaient fait couler le sang et tiraient un peu plus Sekai vers sa fin. Elles avaient arraché tous les rêves et espoirs d’un veilleur qui ne verrait plus jamais de lendemains. Qui ne connaîtrait jamais la finalité de leur bataille. Pour reprendre les mots de cette vipère, ils étaient l’ennemi. L’ennemi des veilleurs, l’ennemi du Sekai, l’ennemi de l’Espoir.


    —Alors ? Tu ne dis plus rien ? Tu as perdu ta lan-
    Elle se tût dans un soubresaut. Baissant lentement la tête, elle vit une lame d’ombregivre sortant des mains de la démone pour venir se planter dans sa poitrine. Louise la fixait sans réelle émotion tandis que du sang commençait à sortir de la plaie pour couler sur la shoumeienne. Concentrant sa magie, Louise créa une première tige d’ombregivre depuis l’intérieur de la prêtresse, venant sortir au niveau de son épaule. Puis une seconde sortant par sa hanche. Et rapidement, toute une multitude d’autres épines la perforant depuis l’intérieur.

    Interdits, les deux autres fanatiques restaient sans voix. La vie était si fragile. Telle une fleur sans défense qu’il suffisait de cueillir pour en couper tout espoir de la voir s’épanouir un peu plus.
    L’entraînement de Savoir portait ses fruits et rapidement la démone concentra l’ombregivre pour trancher les liens de ses poignets. L’homme au fléau se jeta alors sur elle tandis qu’elle mit ses bras en avant, ignorant la douleur de son épaule, et créant ainsi une barrière de givre teintée d’ombre pour bloquer le coup. Ecartant les bras d’un coup pour faire éclater sa création, elle repoussa l’homme en arrière. Continuant de danser sur le bord du gouffre, elle sentait l’Espoir l’appeler, lui confiant de se laisser sombrer pour mieux renaître. Quelque chose en elle se débattait, suppliait à sortir. Elle avait conscience qu’en s’abandonnant à ce sentiment, tout serait plus simple. Pourtant, elle gardait une partie de sa lucidité. Se relevant en tranchant les cordes à ses pieds, elle vit le second homme tenter de la contourner. Se repassant le combat contre Savoir en tête, elle tourna sur elle même, évitant de justesse la prise de ce dernier. Malheureusement pour le fanatique, il n’avait ni les compétences martiales, ni la puissance magique du démon azsharien. Louise recouvrit son bras gauche d’ombregivre  tandis que l’ombre d’un second bras sous ce dernier commençait à se former d’ombre pure. Au bout de son bras glacé naissait une griffe bestiale de magie démoniaque qu’elle utilisa pour transpercer l’homme au niveau de l’abdomen, trouvant sortie par le dos de ce dernier. Le souffle coupé, ce dernier n’eût pas le temps de voir sa fin arriver et lorsque la shoumeienne endeuillée retira sa main, une large gerbe de sang vint la teinter un peu plus.
    Le compteur venait de monter à deux vies.

    Se tournant vers l’homme qu’elle avait repoussé plus tôt, elle pu voir la détresse et la peur défigurer son visage.
    —M-monstre ! hurla-t-il avant de prendre la fuite.

    Mais Louise avait fait un choix. Ce soir, les ennemis de l’Espoir auront le message qu’ils attendaient depuis longtemps. Si personne ne prenait en considération les veilleurs, les prenant pour des brebis sacrificielles, alors peut-être auraient ils plus de retenue face à des loups. Personne ne devrait pouvoir prendre la vie des siens sans s’attendre à des conséquences. La peur serait la barrière qui protégerait les veilleurs.
    Elle leva la main, produisant un nuage d’obscurité parcouru d’une multitude de particules glacées avant de le relâcher sur le fuyard. Le nuage ne tarda pas à atteindre l’homme pour l’envelopper complètement. La glace en son sein commençait à l’écorcher à plusieurs reprises tandis qu’il se débattait dans cet enfer personnel face à un ennemi qu’il ne pouvait voir. Seuls ses cris perçaient la nuit.
    Couverte d’un sang qui n’était pas seulement le sien, Louise s’avança vers ce dernier désormais au sol alors qu’elle coupa sa magie pour qu’il lui fasse face. Ne remarquant pas la forme d’ombre qui commençait à devenir de plus en plus réelle sur elle. Prenant progressivement emprise sur le monde matériel. Quittant les ombres pour se matérialiser. Elle n’était plus qu’à un talon de se laisser sombrer.

    Plongeant son regard dans celui de l’homme écorché. Elle fit apparaître une lame d’ombregivre qu’elle posa sous la gorge de ce dernier.
    —Cours petit agneau. Va pleurer auprès de tes maîtres. Fais leur passer le message suivant. Humain, Ange ou Dieu, quiconque prendra la vie d’un veilleur, devra en subir les conséquences. Pour chaque espoir arraché du dernier souffle des miens, je prendrai deux vies de votre côté. Car comme vous le dites si bien, pourquoi tendre une main à l’ennemi ? Les veilleurs de l’aurore entrent dans la course. Il est temps de redistribuer les cartes. Maintenant, cours.

    Sans demander son reste, l’homme se releva, manqua de tomber, avant de partir à vive allure, tentant d’ignorer ses blessures encore fraîches.
    Encore à moitié possédée par ce cri intérieur, la démone se retourna pour rejoindre le reikois. Le traitre. La magie qui le clouait au sol commençait à disparaitre mais elle ne le laisserait pas se relever sans réponse. Posant son pied sur son torse et lui offrant un regard l’invitant à coopérer, elle le questionna.

    —Qui est cette personne dont la libération t’a été promise ? Ne t’avise pas de me mentir. Je ne l’accepterai pas une seconde fois.

    —Mon jeune frère. Il s’est enrôlé dans l’armée quelques années après moi. Le nouvel ordre le détient.  Nous avions un accord. Je devais leur livre le démon aux multiples yeux contre sa libération.

    —Tu n’aurais pas tenu une seconde face à lui. Qu’est-ce qui te faisait croire que tu pourrait le leur livrer ?

    —Je ne sais pas, admit le reikois. C’est la seule famille qu’il me reste. Le seul espoir de le revoir un jour. Même si c’est un combat perdu d’avance, c’est un que je dois mener.

    Ces mots résonnèrent en Louise comme un appel lointain. Retrouvant peu à peu pied avec la réalité et alors que les formes qui la recouvraient tendaient redevenir intangibles pour disparaître, elle fixa le sang sur ses mains un long moment. Son poul s’accélérant, elle se sentait sur le point de tomber de vertige. Même si elle avait souhaité se montrer impressionnante pour ainsi protéger le reste des veilleurs, elle n’était pas de ceux capable de prendre des vies de sang froid sans sourciller. Elle vacilla en arrière avant de tomber à genoux pour vomir de la bile contre un arbre. Les bras tremblants, elle manqua de s’écrouler par manque de force. Ce soir, elle avait pris deux vies. Deux vies qui ne verraient jamais plus de lendemains. Était elle bien différente des monstres qu’elle clamait affronter ? Était il convenable de prendre des vies pour en sauver d’autres ? Elle qui disait être prête à faire ce qui devait être fait pour sauver le Sekai se rendit compte que les actes étaient nettement plus difficiles à appliquer que les mots. Ce qu’elle avait fait ce soir était mal. Et son père n’aurait certainement pas apprécié de savoir sa fille les mains couvertes de sang. Et pourtant, il s’agissait là de la seule solution possible. Les contes de fées de l’enfance touchaient à leur fin. Aujourd’hui, elle devait comprendre que pour avoir les épaules nécessaires afin de protéger le Sekai, il lui fallait être prête à endosser les responsabilités qui venaient avec son rôle de meneuse. Les gens comme Myriem méritaient toute son attention et son pardon. Ceux qui ne montraient aucun remords devenaient des menaces pour le monde et donc pour ses proches. Les éliminer était la solution la plus simple afin de verser le moins de sang possible. Cela ne veut pas dire qu’elle le fera le cœur léger. Mais en ce soir, elle accepta de souiller son âme pour protéger l’innocence des générations futures.

    —Hey, qu’est-ce qui se passe ? Tout va bien ? Le reikois, qui s’était relevé, n’avait pas pris la fuite. Néanmoins, il gardait tout de même une certaine distance de sécurité vis-à-vis de la démone shoumeienne.

    Louise se releva lentement, essuyant ses lèvres d’un revers de la manche avant de se tourner vers le reikois encore relativement tremblante.

    —Non, tout ne va pas bien. Enfin si. J’ai fait ce que je devais faire. (Elle s’efforça de sourire mais ne parvint qu’à produire une grimace.) C’était une bêtise de ta part de tenter de mettre à bien ton entreprise. Mais, je comprends. La logique et la raison ont tôt fait de s’effriter devant l’espoir de protéger les êtres qui nous sont chers. Même avec toutes les probabilités en notre défaveur, nous continuons de marcher inlassablement vers la lumière. Quand bien même notre périple est jonché d'embûches, nous trouvons la force de faire face à l’impossible. (Elle lui tendit finalement une main.) Reprenons où nous en étions. Tu peux m’appeler Louise.

    L’homme hésita un instant.
    —Je viens de te jeter dans la gueule du loup. C’est tout ce que cela te fait ?

    —Oui, répondit-elle en prenant une inspiration. Si c’est possible, je préfère tendre une main que l’épée. Mais ne t’égare point. Car bien que je continue de croire en le pardon, je ne laisserai plus les miens trépasser par manque de force morale. Puisses-tu prendre cette main tendue, je t’aiderai à récupérer ton frère. Tu as ma parole. Mais sache que je ne te laisserai pas me planter une nouvelle dague entre les omoplates.

    —Comment comptes-tu t’y prendre pour le sauver ? Ils ont un camp d’appoint non loin de là. Ils sont tous armés. C’est impossible.

    Louise parvint enfin à lui offrir un sourire d’encouragement. Tentant de se montrer pleine d’assurance.

    —J’ai bon espoir. Et puis, j’ai un Savoir.

    [...]

    (Quelques temps plus tard.)

    Louise, de retour depuis un moment sur le terrain d’entraînement, tenait d’empiler des petits cailloux pour passer le temps. Le guerrier était assis non loin d’elle, prenant son mal en patience les yeux fermés. Ils avaient pu échanger toute une nuit de sorte à ce qu’ils ne soient plus de parfaits inconnus l’un pour l’autre et la démone lui avait révélée que lorsque le démon azsharien reviendrait, il donnerait certainement son aide afin de récupérer le frère de ce dernier. (Et de mettre à mal les fanatiques au passage.)

    Faisant écrouler de nouveau sa tour, la blonde en armure croisa les bras de mécontentement.

    —Tu n’arriveras à rien si tu ne prends pas le temps. Souffle un coup.

    —Oh bien sûr, parce que c’est vrai que toi, tu es un grand expert d’empilage de pierres ?

    Sans un mot, le reikois se leva et empila toutes les pierres de sorte à faire une jolie tour.
    Piquée à vive, Louise se laissa aller à la mauvaise foi.
    —C’est parce qu’il y avait du vent ! Un coup de chance !

    Elle ne put néanmoins s’empêcher de rire. Retrouver un semblant de calme, loin d’affrontement ou de morts lui permettait de d’apercevoir quelques lueurs derrière les nuages gris.

    Mais les moments de félicités ne sont jamais éternels. La tour de roches s’effondra sans crier gare, prélude de l’orage qui allait éclater. La femme baissa son regard, remarquant que les pierres continuaient de trembler légèrement. A y faire plus attention, c’est tout le sol qui grondait ! Elle releva la tête en même temps que le reikois. D’un geste unanime, ils se dressèrent sur leurs deux jambes. Un large ursidé les chargeait. Une dizaine de questions commencèrent à tourner dans l’esprit de la tête des veilleurs mais elle les occulta rapidement pour se mettre à courir. La survie était plus enviable que la découverte de la raison de cette attaque soudaine. Mais la bête était plus rapide et avait l’habitude de la chasse. Ils allaient devoir se battre si la bête n’abandonnait pas sa traque. Louise avait pu remarquer les petits qui accompagnait l’immense prédateur qui était probablement leur mère. Pourquoi ces derniers chargeaient ils avec elle ? La corruption de Shoumei rendait elle les animaux fous à ce point ?
    Ce moment d'introspection fût fatal. Une nouvelle hésitation. Une nouvelle erreur. Le reikois la poussa d’un coup, la faisant chuter sur le côté tandis qu’il prenait en plein visage une puissante patte poilue et griffue. Une frappe destinée à la shoumeienne. Le soldat s’envola sous la force de l’impact, laissant une traînée carmin dans les airs l’espace d’un instant avant de s’écrouler sur le côté, immobile.

    Louise hurla. Impuissante et tendant le bras vers le corps qui ne bougeait plus d’un pouce.
    —Non… non non non non non !
    Elle tomba à genoux, se tenant la tête. Réellement horrifiée par ce qu’il venait de se produire. Pourquoi ? Comment ? Tout se déroulait si bien, ils s’amusaient à empiler des cailloux tels des enfants et l’instant d’après, la terreur de la dangerosité du monde venait frapper à leur porte.
    Levant la tête, Louise lança un regard mauvais à l’ursidé. Ce dernier semblait décontenancé et voulait protéger ses petits mais s’en était déjà trop pour la démone qui avait atteint un point culminant. Ces derniers jours n’avaient été que trop éprouvants. Pénétrée jusque dans ses derniers retranchements, Louise ne tenait plus. En l’espace de quelques jours, elle avait pu voir les siens manquer de périr lors de la purification des racines pour finir par échouer leur quête, s’était retrouvée défigurée par les flammes, avait perdu de vue deux veilleurs dont un avait été confirmé mort par les fanatiques. Les mots de Savoir et de la prêtresse remontèrent d’un coup. Faible, naïve, incapable.
    L’homme avec qui elle s’était liée d’amitié venait littéralement de prendre un coup à sa place et par cette action autant folle qu’héroïque s’était retrouvé quelque part entre la vie et la mort. Et voilà que la mère ourse se montrait un peu plus menaçante.

    —Va t-en, invectiva la femme entre ses dents. Je t’ai dit de t’en aller !

    La bête, toujours confuse et voulant protéger ses petits, tenait bon. Louise commença à canaliser sa magie en se relevant. Peut-être pourrait-elle au moins lui faire peur ainsi. Mais avant qu’elle n’eut le temps d’agir, une multitude d’étoiles illuminant tel le firmament naquirent autour d’elle. Le choc fût immédiat. Des lances l’empalèrent à divers endroits, la clouant au sol.
    Le souffle coupé, Louise ne parvint qu’à cracher de nouveau un peu de sang qui lui était remonté le long de la gorge. La douleur était loin d’être éphémère, la lumière la brûlait de l’intérieur tandis qu’elle essayait de s’extraire à cette emprise arcanique. Une magie signée.

    —Saaaaaavoiiiiir ! hurla-t-elle enfin en proie à la folie.
    Ce n’était guère le moment. Les larmes dû à la douleur l'empêchaient de voir correctement la funeste scène qui allait se jouer devant elle. Pourtant, les cris de l’animal étaient un carburant à cauchemar bien plus implacable que n’importe quelle image.
    Le démon azsharien recommença alors son cours sous les suppliques de Louise.

    —Je t’en supplie ! Arrête ça ! Ce n’est pas le moment ! S’il te plait ! Pitié ! J-je ferais tout ce que tu veux, mais arrête !

    Continuant de geindre de douleur et d’horreur, Louise n’avait d’autre choix que de continuer d’assister à ce funeste cours d’histoire. Sentant ses tripes remonter devant les cris plaintifs de la progéniture de l’ourse.
    Reniflant un peu, sa vision commença à se faire plus claire.

    —J’ai compris, tu n’es pas obligé de continuer. Eva, s’il te plait…

    Impuissante, elle ne pouvait s’empêcher de laisser son regard sur la bête.
    La douleur s’intensifiait. Elle hurlait de nouveau en cœur avec les ours. Ses pensées se perdirent, se retrouvant de nouveau devant ce gouffre. Un simple pas. Comme un appel du plus profond de son être. Fixant l’abime, Louise s’avança en fermant les yeux. Savoir était parvenu à briser cette coquille de son être.
    Trop d’accumulation avaient fini par l’avoir à l’usure. Il fallait que cela cesse. Il n’y avait plus de réflexion. Plus rien si ce n’était une envie primaire et dévorante briser les chaînes du désespoir. Quelqu’un devait payer. Et une entité était déjà toute désignée pour.


    —Je vais te montrer qui mérite de retourner jouer à la loterie des âmes, dit-elle alors d’une voix ayant retrouvé tout son calme. Une voix réverbérée. Plus mature et bien loin de celle habituellement pleine de vie de Louise.
    Elle éclata d’un coup d’ombregivre, en propulsant autour d’elle sans réellement chercher à atteindre quiconque. Ses traits se déformèrent lentement tandis que ses os commençaient à craquer, laissant ses membres prendre des angles impossibles alors qu’elle convulsait sur le sol. Les ombres produites aux alentours tournèrent un temps autour d’elle avant de prendre la forme de diverses gueules démoniaques aux dents acérées pour fondre sur Louise et commencer à la dévorer. Se faisant arracher la peau, broyer les os, elle restait inerte à fixer le ciel jusqu’au moment où les ombres terminèrent de l’envelopper complètement. Ne laissant qu’une masse d’ombre grouillante sur le sol, toujours transpercée par divers pieux de lumière arcanique. Peu à peu, ces dernières s’effacèrent comme des feuilles emportées par le vent, dévorées lentement par les ombres.

    Enfin, l’amas grouillant d’obscurité cessa de se mouvoir, prenant la forme d’un immense cocon avoisinant presque la taille de l’azsharien. Un silence s’installa l’espace d’un seul instant. Puis la tempête s’abattit. Un faisceau de lumière fusa hors du cocon en direction du ciel, écartant les nuages pour ne laisser qu’un immense ciel bleu. Le champ de bataille désormais baigné dans la lumière, un simili d’ange grotesque s’extirpa doucement du cocon. La peau d’un blanc neige, ses ailes sans plumes couvertes de trous et le manque de visage supérieur ne faisait mentir personne. Il s’agissait bien là d’un démon dans sa plus pure essence. Une apparence proche de celle des anges pour attirer les mortels mais pourtant tant corrompue par la véritable essence de ce qui composait cet être. Grande et fine, le démon s’éleva à quelques centimètres du sol pour sortir du cocon. Déployant ses ailes et ses multiples bras en illuminant un peu plus les environs d’une lumière légèrement corrompue par l’ombregivre.

    Forme démoniaque:

    —Apôtre du désespoir, vous qui avez péché. Vous vous tenez devant Espoir. Repentez vous et le pardon vous sera peut-être accordé.

    Bien sûr, Espoir avait connaissance de ce sentiment premier qui le faisait vivre, mais ne possédait aucun souvenir de sa précédente incarnation. Il agissait par instinct pur. Louise, trop chamboulée par les derniers événements s'était laissé chuter, embrassant totalement l’essence qui la faisait vivre. S’acceptant pleinement. Endormie au plus profond d'elle-même pour se protéger, son inconscient pilotait désormais son corps. Plus rien ne comptait si ce n’était l’espoir éclatant qu’il avait à offrir au monde.
    Il commença à lever la main en direction de Savoir tandis qu’un faisceau de lumière sombre se matérialisa dans le creux de cette dernière.

    Mais cet être suffisant ne s’était pas attendu à la réplique de Savoir. Produisant des chaînes de lumière défiant les limites de la réalité, fusant en sa direction. Espoir leva un doigt d’une autre de ses mains pour produire un dôme de lumière sombre. Dôme qui vola en éclat devant la puissance des chaînes du compendium, se resserrant sur le démon de l’espérance, le brûlant au fer rouge.

    Cette fois-ci, il ne laissa sortir aucun cri bien qu’il souffrait toujours le martyr.
    —Vous pensez pouvoir me retenir, démon de la connaissance ? Que vous êtes amusant. Personne. Je dis bien, personne. Ne peut contenir l’espoir de tout un monde !

    Bien que son ton restait d’une suffisance à toute épreuve, le démon angélique libéra toute sa magie enfouie. Se brûlant lui-même dans le processus. Se mettant à briller telle une comète en perdition, sa propre magie lumineuse qui commençait à ronger lentement les chaînes s’attelait en même temps à lui ronger la peau. Laissant s’écouler un sang noir comme l’encre.
    Voyant que les chaînes tenaient bon, une grimace de mécontentement parcourut son visage. Il commença à se débattre.

    —Il suffit ! laissa t-il siffler, révélant une langue de vipère. Je vous écraserai ! Vous comme chaque ennemi de l’espoir ! Le désespoir n’a pas sa place dans mon monde.

    La magie se concentra de nouveau et il perdit son contrôle sur cette dernière. Laissant échapper des rayons de lumière sombre faisant fondre la roche sous leurs pieds, manquant de peu celui qu’il souhaitait voir disparaître en cet instant.
    Sa magie se retourna contre lui. Le perforant au niveau de l’épaule.
    Puis d’un coup, sous la colère, l’entité écarta les bras en repoussant les chaînes, illuminant la place autour d’eux de nouveau. Les chaînes retrouvèrent rapidement leurs chemins vers lui. La première fut attrapée à mains nues et la magie d’Espoir la brisa tout en lui éclatant au visage. Il se tourna, se retourna, pris par la douleur et l’impossibilité de garder un contrôle sur sa magie.

    Une chaîne lui entoura un poignet tandis qu’une autre l’attrapa à la cheville, le marquant un peu plus au fer rouge.
    Autour du démon, diverses petites explosions arcaniques de chaque élément se produisait sans réelle cible. Il tenta de se projeter vers Savoir, une main en avant mais une nouvelle chaîne vint le stopper à la taille.
    Il leva ses mains encore valides vers la dernière chaine pour relâcher un torrent brut de magie arcanique de lumière. Les deux entrèrent en collision, fracturant légèrement la réalité et marquant les lieux d’une trace arcanique que tout senseur serait capable de sentir.
    La chaîne vola en éclat tandis qu’Espoir, telle une bête devant sa proie se concentra sur Savoir. Pourquoi se battait il ? Lui-même avait du mal à s’en souvenir. Un murmure continuait de lui souffler d’effacer le démon qui lui faisait face. Il était un ennemi des valeurs qu’il défendait.

    Il se posa sur le sol. Et commença à tirer de tout son être sur les chaînes. Avançant lentement vers sa cible. Obnubilé par le gardien qu’il devait supprimer, il ne sentit pas sa main retenue par la chaîne, commencer à se déchirer.
    Il leva ses autres mains vers le ciel. La lumière naturelle du soleil avait laissé place à la sienne, obscurcissant la voûte céleste alors que des gueules démoniaques de magie lumineuse pure descendaient en direction de Savoir. Lui tournant autour, tentant de le dévorer. De le déchiqueter un peu plus à chaque passage. Bien sûr, ce dernier était capable de s’en défendre bien que le niveau d’agressivité était bien loin de tout ce qu’avait pu produire Louise. Il cherchait à tuer. Il n’y avait plus de place pour l'entraînement. Plus de place pour la camaraderie. Seul l’espoir d’un monde débarrassé de cette ignominie était envisageable.

    Ignominie ? Savoir méritait il vraiment de disparaître ? N’était il pas un allié ?

    Troublé, Espoir perdit sa concentration quelques instants, laissant au gardien le temps de vaincre les gueules de lumières.

    —Pourquoi ? laissa-t-il échapper en sentant un inconfort particulier monter en lui.

    Non, c’était une erreur. Il ne pouvait avoir tort, il ne pouvait se tromper. Il était juste, il était bon, il était la pureté incarnée !

    Laissant sa magie commencer à prendre le dessus, il recommença à se débattre au milieu des trois chaînes. Absorbant sa propre lumière au sein de son être. Il se sentait bouillir de l’intérieur. Perdant tout contrôle sur sa magie, sa peau commença à craqueler à certains endroits, laissant filer de la lumière pure. Sa magie ayant pris le dessus sur ce dernier, il était sur le point de la relâcher d’un coup. Causant ainsi des dommages sur la faune et la flore à une distance relativement importante. Pour atteindre sa cible, il était prêt à littéralement se faire éclater de l’intérieur. Survivrait il au processus ? Il n’y avait rien de certain. Mais, contre toutes les statistiques envisageables, il défiait les limites de l’impossible. Car telle était l’essence de l’espérance. Croire aux miracles suffisamment fort de sorte à ce qu’ils se réalisent.

    —Non ! lui hurla une voix intérieure en détresse. Troublant le démon un peu plus et laissant à Savoir le temps d’agir avant la catastrophe.

    CENDRES


    Arme des Veilleurs
    Arme des Veilleurs
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    Info personnage
    Race: Démon
    Vocation: Mage soutien
    Alignement: Neutre Mauvais
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    qui suis-je ?:
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  • Jeu 6 Juin - 2:10


    ”Profite en, c’est peut-être ton dernier.”

    Senomars Ladgo dévisage son voisin de rangée paniqué. Le moral n’est pas au beau fixe pour tout ce qui reste du Bataillon de la Première Buse, mais quand Seno regarde à quel point le cadet à sa droite a déjà l’air de se décomposer sur place, il peut pas s’empêcher d’en vouloir au Soleil et à la Lune pour l’avoir flanqué d’un morveux pareil. Il avait essayé de lui proposer une chique pour essayer de le rassurer un peu mais le soldat avait refusé, préférant sans doute continuer à se pisser dessus devant la mort imminente et en même temps, Senomars pouvait difficilement lui en vouloir. Deux Troupes. C’est tout ce qu’il restait pour défendre la fortification de la Colline-Chaussée. Ça avait commencé y’a déjà un mois quand les ravitaillements avaient cessé d’arriver, à ce moment là le Dunark Piemont s’était bien douté que quelque chose n’allait pas et il avait détaché des hommes en reconnaissance pour retrouver le convoi perdu, mais ils étaient jamais revenus. La situation avait très rapidement dégénéré et ils s’étaient vite rendus compte que des tribues barbares à moitié folles avaient décidé de mener une rebellion dans le coin, enfin c’est ce qu’ils pensaient avant de comprendre que la réalité était bien plus terrifiante encore. Quand l’autre jour la Troupe du Nylsark Aen-well s’était faite massacrée à une lieue de leurs murailles, ils avaient pu voir à quel point les guerriers sanguinaires qui les attaquaient étaient corrompus par quelque chose d’ineffable. Leurs corps portaient les marques d’une insidieuse magie qui avait soulevé des réactions très particulières chez les vétérans de la guerre contre les Titans. Seno compris. Ils avaient attendu que l’Empire leur vienne en aide, quelqu’un avait bien dû remarquer qu’un Bataillon entier a subitement été coupé du monde non? Le Dunark avait dit qu’ils devaient faire partie de la chaîne de ravitaillement pour une future opération de marche depuis Melorn, alors merde ça faisait un mois qu’ils étaient livrés à eux-même, deux semaines qu’ils avaient plus rien à bouffer, six jours depuis qu’il ne restait plus qu’une quarantaine d’homme pour tenir l’ouvrage militaire… et deux heures depuis que leurs éclaireurs étaient revenus pour leur dire qu’un large détachement de barbares faisaient route vers eux.

    L’hiver est rude dans les terres du nord, et pourtant Senomars y est déjà affecté depuis quelques années mais il n’arrivera pas à s’y faire. Le désert de glace c’est quand même bien plus éprouvant pour lui qui vient d’un désert de sable, il regrette sa place au chaud maintenant que le givre cristallise sur la morve de son nez, et en plus il va probablement canner d’ici une heure. Il remballe la chique dans une sacoche à sa jambière lorsque le cri de son Sajenti le rappelle à l’ordre, une Troupe sur les remparts, l’autre en contrebas pour tenir le corps-de-garde à la porte en bois défoncée par une précédente attaque. Quarante regards se tournent vers le paysage brumeux de l’hiver alors que le soleil va bientôt se coucher et qu’une centaine de torches surgissent sur les plaines lointaines de l’horizon, leurs lueurs perçant le brouillard pour simplement trahir les venues. Ils sont là.

    ”Ils sont nombreux.” C’est une constatation sans émotion, ils ont tous déjà plus ou moins accepté qu’ils allaient crever comme leurs frères d’arme. Ils avaient tous plus ou moins décidé que ce serait pas sans se battre une dernière fois.

    Commence maintenant un prolégomène interminable le temps que les hordes barbares n’arrivent jusqu’à eux. Peu à peu, les lucioles des torches s’éteignent une par une tandis que l’ennemi a surement compris qu’elles devaient être visibles. Le ciel s’obscurcit, et Senomars rassure sa prise sur son arme.

    ”Aller gamin, je compte sur toi pour tenir mon flanc hein, sinon je te tue moi-même. Haha.” Il pousse un rire plus jaune et morose que jamais. Il est bien le seul à se marrer. Une demi-heure de plus se passe dans un silence macabre, le calme avant la tempête hein.



    La terreur peut se lire dans bien des choses chez les êtres vivants. Par exemple dans les tremblements d’une main qui n’arrive pas à desserrer correctement le boulon de la valve d’oxygène sur le baril réservoir, ou par exemple dans les tiques nerveux des jambes d’une plongeuse qui commence à paniquer parce qu’elle remarque bien que son air s’appauvrit de minute en minute, mais surtout la terreur se lit dans les yeux. Et en cet instant, les yeux de Maggie que les autres pirates de Brumerive appellent Mag’ sont tellement écarquillés qu’ils pourraient presque tomber de leurs orbites à tout moment. Ce matin c’était une matinée de routine comme toutes les autres, elle avait ceinturé le baril en bois étanche autour de sa taille, vérifié que le scellement du réservoir ne présentait aucune trace de griffure ou d’usure, elle avait même changé le tuyau d’alimentation en oxygène pour éviter une mauvaise surprise quand elle serait sous la flotte. L’élémentaire de feu était ensuite descendue dans les profondeurs comme elle le fait toujours pour aller écumer le fond marin au large des côtes républicaines et piller toutes les carcasses de navire ou les caissons à l’abandon qu’elle pourrait y trouver, et à défaut de trésors cachés, cueillir de l’Arbre Marin qu’elle savait pouvoir revendre à bon prix au marché noir. Sauf que les problèmes avaient commencé à survenir quand elle était tombée sur un gouffre béant dans le lit océanique et qu’une lueur violacée était bien visible au fond du puit naturel. Elle avait considéré ses options, elle était déjà à plus de huit cent mètres de profondeur et descendre encore plus bas comportait de nombreux risques, mais elle savait aussi que la lumière violette devait normalement pas arriver jusqu’à ses yeux en raison de la déperdition de la lumière sous l’eau. Ça ne pouvait signifier qu’une seule chose, que la source de cette loupiotte zinzoline devait être sacrément puissante… et valoir un sacré paquet. Ni une ni deux elle avait plaqué sa main contre le réservoir du baril et avait généré une nouvelle recharge d’oxygène. Sa magie de feu et de foudre lui permettait d’électrolyser l’eau saline à la volée, l’air respirable venait s’agglutiner dans le réservoir étanche grâce au plaquage interne en platine et les flammes consommaient les résidus chlorés qui auraient été toxiques à respirer, tandis que l’hydrogène pure s’accumulait sur l’extérieur à la pointe du bâtonnet d’iridium, avant de remonter en petites bulles pour se perdre vers la surface. Forte de ce savoir-faire familial transmis d’un plongeur abyssal à l’autre, Maggie brûlait continuellement un petit peu de sa mana pour pouvoir adopter en permanence sa forme élémentaire bien moins vulnérable à la pression colossale de l’océan.

    Aller bordel dévisse-toi.

    Cinq cent mètres de plus en contrebas, elle se sent sacrément conne. L’air dans son réservoir commence à être beaucoup trop pur pour être respirable, mais c’est même pas le plus gros de ses problèmes, là le dilemme est cornélien. Elle a le choix entre une mort horrible… et une mort vraiment atroce.

    Aller je t’en suppliiiiiiiie.

    Ses doigts rippent une fois de plus sur le boulon qui refuse de bouger. Maggie arrête de s’acharner dessus pour essayer de calmer ses tremblements frénétiques, mais en même temps c’est pas facile d’accuser le coup quand on se rend compte qu’on va mourir dans pas longtemps, encore moins quand c’est d’une façon aussi ignoble. Lorsqu’elle était arrivée à une trentaine de mètres de la lueur violacée, Maggie s’était rendue compte de son erreur quand elle eut la certitude que ce qui produisait cet éclat bougeait et que ce n’était pas juste elle qui se faisait déporter par le courant. Cette apparence, intangible et bioluminescente, c’était pas une éohuclote comme elle l’avait cru. C’était un putain de Wyrmelin adulte. Elle avait tenté de faire demi-tour aussi vite que possible mais la bestiole anguilleuse s’était faufilée jusqu’à elle, nullement ralentie par la pression sous-marine, et lui avait sapé une grosse partie de sa mana avant qu’elle puisse réagir. Il s’était enfuis avec son appétit repus, mais il la laissait dans une merde noire. Maggie sentait maintenant sa mana au bord de l’épuisement total, et entre sa réserve d’air qui s’étiole à chaque inspiration et sa forme élémentaire qui commence à se détransformer au profit de son corps normal, elle doit maintenant décider de l’utilisation de ses dernières ressources. Première option, profiter du fait que son réservoir d’air restant est maintenant quasiment constitué d’oxygène pur pour y générer une étincelle et le faire exploser, elle pourrait alors absorber le feu naturel pour l’évoquer, reconstituer sa mana et l’utiliser pour essayer de se propulser à la surface le temps de sa dernière bouffée d’air et si elle échoue, elle risque la noyade ou le barotraumatisme. L’autre option, c’est de rafraîchir sa réserve d’air avec une dernière électrolyse, et mourir au moment même où sa magie s’épuiserait et que son corps redeviendrait parfaitement tangible, broyé en un instant par la poigne colossale de la pression sous-marine.

    Et elle avait choisi. Ses doigts se ruèrent de nouveau sur la valve du réservoir, plus calmement, mais avant qu’elle ne se mette à tourner, une multitude d’yeux jaunes brillants vinrent décorer le voile noir des abysses autour d’elle. Des nagas.

    C’est vraiment pas ma journée n’est-ce pas?



    La douleur lui atomise le bas de son dos.

    ”Agatha, tiens bon, encore quelques minutes, respire.”

    C’est comme des crampes menstruelles qui lui fusillent les reins, la maelienne souffre le martyr chaque fois que son utérus se contracte à nouveau, envoyant une vague littérale de douleur qui s’étale de l’arrière de son dos vers l’avant, jusqu’à s’échouer sur ses côtes, à tétaniser ses poumons et à lui arracher un énième gémissement. Ça fait longtemps qu’elle n’a plus la force de hurler sa souffrance tant son labeur dure depuis des heures et l’a épuisé.

    ”Voilà, calmement, comme ça, respire… c’est bien… la guérisseuse ne devrait plus tarder. MAIS MERDE QUAND EST-CE QU’ELLE VA ARRIVER?”

    Agatha de Soliène sent la main de son mari se resserrer un peu plus autour de son avant-bras, elle aimerait tellement lui rendre son étreinte, pouvoir lui dire de se calmer parce qu’il la stresse encore plus, lui dire qu’elle l’aime, mais c’est tout juste si elle parvient à chaque contraction à rassembler la force de ne pas céder. Elle doit le faire, elle doit y arriver. Pour l’enfant. Leur enfant. Elle doit pousser un peu plus, juste encore un peu. Son vagin se dilate encore plus mais elle ne le sent même pas, assise, ses yeux divaguant ne comprennent même pas que le sang sur les linges entre ses jambes écartées est le sien. Elle voit son mari paniquer à ses côtés, mais elle n’arrive même plus à lever la tête pour lui accorder un regard, ses lèvres sont figées dans la grimace du supplice, sa respiration de plus en plus ténue s’amenuise, son monde n’est que douleur, lui laissant tout juste le temps de souffler quand la contraction disparaît. Une larme s’écoule, roule sur sa peau maladive pleine de sueur, s’échoue sur son menton et tombe sur sa poitrine luisante. Agatha n’attend plus qu’une seule chose, la fin. La délivrance, mais elle n’y a pas le droit, ce n’est pas simplement sa vie qui soit en jeu, c’est la sienne et celle de sa progéniture, cet enfant qu’elle a gardé dans son ventre pendant les neuf derniers mois, qu’elle a chéri et fait grandir en son sein, la chaire de sa chaire. Dans un soubresaut d’une force vitale qu’elle ne pensait plus avoir, Agatha réunit ses dernières forces et pousse à nouveau, sa main agrippe fortement celle de son mari et elle hurle la pulsion de vie qui la traverse encore.




    Savoir se tient debout sur les reliquats de la place de Jiroquai, tout les yeux d’Alys observent intensément le spectacle de Louise alors qu’une voix altérée sort de la petite blondinette et que l’air se sature lentement d’une mana si dense et intense que le Démon sent sa connexion entre le plan immatériel et la réalité tressaillir.

    La voix n’était pas la sienne, probabilités d’une dissociation identitaire élevée.

    La voix puissante et monotone du Désintégrateur constate juste l’évidence même alors que sa soeur tente de se relever, mais les yeux carmins attentifs restent prudent. Le Démon de la Connaissance ne sait absolument pas à quoi s’en tenir, ni n’a d’idée de ce qui va se passer ensuite, alors une observation précautionneuse de tout les détails de cette scène est sa meilleure façon de procéder, les globes vermeils surveillent à la fois le corps de la meneuse des Veilleurs et les multiples gueules informes qui se manifestent un peu partout dans les airs autour d’eux. Les chaînes de lumière du Compendium continuent de flotter, lévitant à l’affût du moindre élément perturbateur qui signifierait le début de la fin. Savoir retient ses forces, laissant les sphères ombrales se précipiter sur Louise. Il ne bouge pas lorsque les gueules voraces se mettent à étriper sa soeur, il ne bouge pas lorsque la chaire se déchire, que les os de la blonde deviennent apparent dans des éruptions d’humeur sanguines, il ne bouge pas lorsque les amas obscures commencent à s’agglutiner autour d’elle. Il ne bouge pas lorsque Louise n’est plus, et qu’à sa place une bouillie infâme d’obscurité s’amasse et est parcourue de soubresauts. Alys regarde, pondère chaque possibilité, chaque risque à intervenir tôt ou tard, une petite voix nasillarde se fraye un chemin dans son esprit pour étoffer son raisonnement.

    La probabilité qu’Espoir soit sur le point de survenir est énorme.
    Probabilité que Louise meurt équiprobable.
    L’univers est dichotomique, mais ce qui nous intéresse ce n’est pas de savoir quelle option finit par se réaliser.
    Animosité détectée dans les propos de la cible. Hostilité ostensible.
    Ce qui nous intéresse, c’est de savoir si elle détestera toujours autant les Titans dans le cas où l’éveil est un succès, et si c’est un échec…
    Niveau de dangerosité en cas de mort du sujet: nul.
    Alors on continue d’observer.

    Les ombres amalgamées se solidifient dans un moment d’accalmie surréaliste, forgeant autour des restes d’une Louise déchiquetée une coquille noire. Inerte. Le Démon de la Connaissance regarde ce qui ressemble de plus en plus à un tombeau. À un échec. Il ne baisse pas sa garde pour autant, pas tant qu’il ne cesse de détecter la signature démoniaque de plus en plus ténue à travers la tombe obscure.



    Ils avaient entendu les barbares hurler en chargeant avant de les voir sortir de la brume, le premier rang de guerriers s’étaient écrasés contre les boucliers dressés des reikois retranchés. La Troupe numéro une du Bataillon de la Première Buse tient bon contre leurs assaillants mais les barbares sont clairement en surnombre, une pluie de haches et de massues s’abattent sur les pavois tandis que les militaires reculent à l’unisson en essayant de se serrer les coudes. Senomars Ladgo esquive un premier coup, en parre un deuxième de son glaive, il rend une frappe avec son bouclier en l’envoyant dans le menton de son adversaire, fait reculer un quatrième, chaque élément de la ligne de défense reikoise est un pilier sur lequel reposent tout leurs alliés. Les salves de tir des archers postés sur les murailles fusent sur les guerriers qui continuent d’affluer sur eux, mais les corps corrompus des combattants du nord paraissent infatigables et ignorent la douleur. Le déferlement de haine insensée qui déluge sur les soldats est insoutenable, et c’est le tout premier doigt de cette phalange qui tombe aux côtés de Seno. Le cadet se prend une lance en pleine face, à travers la visière de son casque. Seno croit vivre le moment au ralenti, captant chaque détail de cet instant impossiblement long alors qu’il voit les moindres aspects du cadavre du gamin qui s’effondre d’un coup. Comme si soudainement le temps venait à un arrêt total. Comme si soudainement, en voyant le visage figé du gosse tomber dans la neige, il voyait ses propres espoirs partir en fumée. La formation éclate. L’enfer déferle sur le fort. L’espoir est mort, et bientôt eux aussi.



    Les nagas continuent de s’avancer vers Maggie. La pirate resserre dans ses bras le baril fermé qui lui sert de réservoir, ses doigts écorchés laissent des filets de sang flotter dans les eaux qui vont devenir sa tombe, le rouge se diffuse lentement, passant devant le faisceau de sa torche en lumitrithe pour aller s’échapper dans le néant des abysses.

    Bordel, je voulais pas mourir.

    Elle réessaie une fois de plus d’ouvrir le réservoir, le gardant bien à l’envers pour éviter que l’oxygène accumulé ne se disperse si jamais elle réussit enfin à faire sauter ce putain de boulon grippé. Un de ses ongles déjà retourné se détache de son doigt dans un jet de douleur supplémentaire alors que sa main rippe de nouveau. Elle panique de plus en plus, franchement, la noyade ou finir broyée c’était déjà difficile à considérer, alors dévorée par les putains de Naga c’est un peu de trop là.

    Au moins ce qu’il y a de bien dans la flotte, c’est que je me vois pas pleurer.

    Elle contemple la mort lui foncer dessus, alors qu’une douce chaleur commence étrangement à l’envelopper.



    La tête d’Agatha explose, ses tempes perdent toute sensibilité, tout sens de l’équilibre, son front s’allège et la femme en travail voit le plafond se renverser alors qu’elle a la vague impression que son dos rencontre quelque chose. La fatigue la saisit à tout ses muscles et la plaque contre le sol, mais elle n’a plus l’impression que le sol est en bas, la pièce se met à voler dans toutes les directions, Agatha n’en peut plus. Elle ressent une sensation sourde qui irradie dans tout son corps. Ses doigts se déplient, relâchant la main de son mari. Elle a l’impression d’entendre du bruit dans la pièce, la voix lointaine d’une femme qui doit être la guérisseuse, mais c’est trop tard.

    ”C’est l’hospice qui m’envoie, je m’appelle Xera.”

    Le reste se trouble tellement qu’Agatha perçoit à peine les mots, seulement des bribes lui parviennent:

    ”L’enfant se présente mal, et la mère est trop épuisée pour que l’enfant sorte naturellement. Je vais devoir ouvrir sinon les deux ne verrons pas le soleil se lever.”


    Le noir l’appelle. Elle se sent sombrer. Ce n’est qu’une question de temps mais elle a perdu. Ah, en fait non. Du fin fond étouffé de sa conscience vacillante, Agatha parvient tout juste à entendre un bruit qui ôte un poids inconsidéré de son coeur, les pleurs d’un nouveau-né. Avec ses dernières forces, Agatha dessine maladroitement un sourire sur ses lèvres faibles alors que ses yeux se ferment pour la dernière fois. C’est dommage, elle aurait bien aimé l’élever cet enfant, avec son mari, le pauvre. Alors que les ténèbres la mangent elle se demande ironiquement lequel de son bébé ou de son homme sera le plus perdu sans elle, c’est son ultime pensée avant le néant. Au moins, son espoir à elle ne mourra pas là, il continuera de vivre dans cet enfant.

    Une colonne de lumière jaillit d’un seul coup, écartant les ombres comme un phare dans une nuit épaisse et sans lune, une voix retentit, porteuse de vie, porteuse d’espoir.

    ”C’est une fille. Félicitations.”

    Une sensation de douceur commence à l’envahir alors que ses perceptions lui reviennent lentement. En ouvrant les yeux, la première chose qu’elle voit c’est la flamme de la bougie que son mari tient au dessus de sa tête, c’est la lumière qui transparaissait à travers sa paupière. Avec la magie de guérison de Xera qui fait enfin effet, l’espoir renaît.

    Une colonne de lumière jaillit d’un seul coup, écartant l’obscurité des abysses avec une soudaineté insoupçonnée tandis que la chaleur que Maggie a ressenti avant que le premier Naga à sa portée ne lui fonce dessus, se révèle être celle de l’eau qui se met à bouillir à cause de l’éruption du volcan subaquatique en dessous d’eux. Quand les flammes éventrent les eaux et remplissent la mana de l’élémentaire, et qu’elle électrolyse l’eau dans son réservoir pour reprendre une grande bouffée d’air, chargée à bloc, Maggie sourit. L’espoir renaît.

    Une colonne de lumière jaillit d’un seul coup, écartant la brume de la nuit et coupant net le barbare dans son élan, Senomars aussi s’arrête un instant devant le spectacle ahurissant d’une colonne de feu qui monte aux cieux, balayant le brouillard pour révéler l’étendard noir et rouge des renforts. Le soldat reconnait le Luteni Tulkas chevauchant un cheval noir, il l’avait déjà vu à une des arènes de gladiateur, il se souvient de ce jour là, il avait parié sur lui et le porte-banneret des Serres Pourpres avait remporté le match. La cavalerie reikoise charge au milieu de la bataille et les barbares se mettent à tomber les uns après les autres, emportés par des carreaux de balistes, par les lances des soldats montés ou par des boules de feu formidables. Quelqu’un crie “Pour le Reike!”, et Senomars se relève. L’espoir renaît.




    Une colonne de lumière jaillit d’un seul coup, brisant l’intégrité du cocon et écartant les nuages dans les cieux pour dévoiler la voûte céleste crépusculaire et les étoiles qui commencent à poindre au milieu du bleu fatigué. Savoir regarde intensément et adopte une posture combattive, les chaînes du Compendium se rapprochent tandis que le Démon prépare sa force de frappe, deux des liens s’élèvent subitement avant de fondre sur le sol et de pénétrer la terre, deux autres passent derrière l’amalgame d’ombres fracturé alors que deux piliers de lumière surgissent à une dizaine de mètre derrière l’épicentre du faisceau. Les chaînes s’enroulent deux fois autour des piliers avant de se rediriger vers leur cible, prêtes à lui sauter dessus, la dernière reste devant Savoir. C’est ainsi que le Premier des Sept contemple la Première Soeur qui s’extirpe de l’oeuf, déployant ses ailes ironiquement angéliques et son apparence démoniaque. L’oeil analytique se questionne sur la nature de ce qu’il a en face de lui et l’apparence ésotérique de sa soeur sème la discorde parmi les différentes itérations du Désintégrateur.

    Analyse conclusive: ce n’est pas Louise.
    Contre indication: signature démoniaque inchangée.
    Action recommandée: pacification immédiate.

    La première chaîne fuse droit sur ce que Savoir reconnaît maintenant sous le nom d’Espoir, brisant le dôme protecteur que sa soeur a manifesté comme si l’arcane de la Première Soeur ne pesait rien.

    Évaluation rapide: sa puissance magique est encore chancelante.

    Savoir décortique l’égo qui suinte à travers chaque dialogue de son vis-à-vis, la comparaison lui apparaît comme évidente avec la version d’Espoir présente dans la vision offerte par l’Arbre-Monde, l’orgueil, l’arrogance, le manque de retenue, restait à voir si sa puissance était toujours la même. Une partie d’Alys considère qu’une téléportation à un endroit plus calme serait sans doute meilleur pour ses propres chances de survie, mais d’un autre côté, la priorité de l’entité poly-oculaire à cet instant T réside dans la garantie de l’intégrité d’Espoir. Il ne partira pas tant qu’il n’en a pas le coeur net, quand bien même il devra prendre le risque de perdre son enveloppe charnelle dans le processus.

    Une lumière aveuglante émane subitement d’Espoir et attaque la chaîne du Compendium enroulée autour d’elle, Savoir contracte brutalement l’iris des multiples Alys pour réduire leurs pupilles à la taille d’un simple point noir perdu dans les grands globes rougeoyants, protégeant les rétines d’un tel afflux d’énergie. Le sang qui avait précédemment coulé de son orbite principale il y a quelques instants sèche immédiatement sous la chaleur monumentale que dégage le Premier Démon, et dès qu’il a finit d’ajuster sa vision à la luminosité surexposée, Savoir repère tout de suite le problème: l’enveloppe d’Espoir souffre tout autant de sa propre magie que les maillons de la chaîne qui l’immobilise.

    Urgence détectée: sa magie est instable. Niveau d’entropie maximal.

    Les deux chaînes enroulées autour des piliers derrière lui viennent attraper l’ange fantoche pour l’empêcher de se ruer sur Savoir, ce dernier commence à céder sur son appui alors que les débattements forcenés de sa soeur ont raison de son équilibre, et les jambes racinaires de l’azsharien commencent à glisser contre les dalles de pierre fracassées de la place de Jiroquai au rythme des mouvements de l’éveillée. Quand Espoir redoubla de colère et qu’elle commença à proférer des sommations justicières à l’encontre de son geôlier, sa force fut supplantée par un pic de puissance et elle repoussa les chaînes. Alys vacilla, le corps de Savoir tremble d’une façon surnaturelle, comme s’il n’était pas réellement présent mais plutôt une illusion astrale, à cause des perturbations de sa connexion avec la dimension des âmes. L’oeil principal d’Alys recule pour se protéger de l’accoup et réordonne aux chaînes de se ruer sur leur cible, mais l’une d’entre elle est interceptée par Espoir. Savoir regarde avec fascination la Première Soeur s’emparer de l’objet de lumière pure, un lien qui est parvenu à sceller une des six soeurs du Compendium, des Démons si puissants que les elfes ont préféré les condamner dans une prison de pierre et les oublier pour l’éternité, pendant plusieurs centaines de milliers d’années, et la broyer avec une effusion de sa propre magie comme si de rien n’était.

    La décharge arcanique remonte dans les maillons un par un en les faisant éclater à son passage, ce à une vitesse vertigineuse et l’azsharien pris de cours n’a pas le temps de réagir alors que l’impulsion remonte jusqu’à son oeil et que le globe oculaire explose dans une gerbe de sang. Avec un autre bruit de désintégration, un autre oeil vient s’ouvrir pour remplacer celui perdu et assurer la relève, mais nulle chaîne supplémentaire n’est forgée, le Geôlier doit garder ses ressources restantes pour les derniers recours si la situation s’envenime d’avantage.

    Niveau de dégâts corporels auto-infligés en constante augmentation. Niveau d’instabilité d’Espoir critique. Préconisation d’une intervention immédiate.

    Les deux chaînes de l’arrière s’emparent à nouveau d’Espoir, la saisissant au poignet et à la cheville tandis que celle-ci tend avidement une main vers Savoir pour lui porter atteinte, mais un des serpents de lumière souterrain s’extirpe du sol et vient s’enrouler autour de la meneuse des Veilleurs à la taille pour l’empêcher d’avancer. Savoir s’accroupit tandis qu’un de ses yeux est tiré vers le bas sous la force de sa soeur, le bras décharné aux proliférations archaïque du Gardien de la Connaissance s’empare des premiers maillons de quelques chaînes et les détache de ses yeux pour alléger la charge importante que ses globes oculaires encaissent, refermant ses serres monstrueuses autour des mailles de lumière. Louise ou ce qu’il en reste, envoya une nouvelle décharge de magie élémentaire et la chaîne souterraine vola en éclat, cette fois désengagée de tout globe oculaire, elle ne fit que se dissoudre dans la main de Savoir en une myriade d’étincelles dorées. L’incarnation de l’apprentissage ne commettra pas la même erreur deux fois.

    Sous le regard rigoureux d’Alys, l’ange hécatonchire pose pied à terre et lutte contre ses liens avec une puissance phénoménale, la troisième et dernière chaîne surgit de terre pour l’arrêter mais Espoir continue de gagner du terrain malgré les efforts du Geôlier du Compendium. Les pupilles noires des yeux du Désintégrateur se rétractent une fois de plus en constatant avec une froide objectivité que les colossaux piliers de lumière qui servent d’amarrage pour les deux premières chaînes commencent à leur tour à céder, ils bougent à même la terre sous l’effort de Louise, raclant le sol et soulevant lentement les dalles de pierre sur leur passage. Lorsque sa cible lève enfin ses deux bras libres vers le haut, Savoir ne peut que devenir dubitatif quant à ses chances de survie lorsque diverses manifestations en lumière noire aux apparences lugubres commencent à chuter des cieux pour le menacer. L’oeil libre d’Alys, celui qu’il avait invoqué suite à la perte d’un globe tantôt, porta son attention sur les invocations qui fusaient sur eux. Les méandres filandreuses de son épithélium rouge laissèrent alors entrevoir une lumière croissante tandis que sa pupille vire du noir au blanc, et lorsque la canalisation annexe est enfin chargée, une rafale de tirs fuse en direction des premiers projectiles. La lumière pure de l’azsharien rencontre la noire de la Première Soeur, et les déflagrations qu’elles produisent en s’entrechoquant perturbent légèrement les constitutions des autres gueules obscures, achetant un léger battement à Savoir pour réagir.

    Le Désintégrateur redirige donc tout ses yeux libres sur les bouches voraces qui lui foncent dessus et les airs se chargent de particules lumineuses tandis que plusieurs faisceaux font irruption de ses iris carmines, transperçant les invocations dans des explosions assourdissantes et allant chercher les cieux derrière comme pour trancher les nuages. Une des figures en lumière sombre parvient pourtant à se faufiler à travers la danse irradiante des lasers d’Alys et arrive à hauteur de Savoir, refermant ses dents béantes autour d’un autre globe oculaire qui se débarasse de l’invocation en la désintégrant au contact, avant que l’optique mutilée ne se détache du filament organique qui ne le soutient plus et tombe au sol. Reportant pleinement son attention sur sa cible, Alys rassure sa prise sur les trois chaînes qui lui reste et constate qu’Espoir a cessé de tirer dessus avec autant de hargne. Une analyse plus poussée de l’état de son otage lui apprend cependant la raison pernicieuse de cette pause, ce n’est pas l’accalmie, c’est l’oeil de la tempête. Des ouvertures se creusent continuellement dans le corps de ce qui était autrefois Louise, les brèches émanent une lumière cette fois blanche, et le détail n’échappe pas à la discipline analytique d’Alys.

    Dissociation identitaire confirmée, corrélation établie entre les deux modes et la différence arcanique d’Espoir avec les échantillons témoins.

    La pupille d’Alys s’écarquille légèrement sous la réalisation qui lui vient ensuite:

    Chances d’un conflit interne: probable. et alors qu’une énième raie de lumière traverse la peau de Louise pour irradier l’extérieur, elle ajoute, Possibilité d’auto-destruction ou d’effondrement arcanique non-négligeable. Intervention immédiate nécessaire.

    Savoir dissipe alors la chaine souterraine pour ne plus laisser que les deux liens antérieurs qui condamnent Espoir aux piliers de lumière, et il commence à avancer lentement vers le Démon pour venir à porter de contact, le vent de puissance magique qui balaye la Grande Place de Jiroquai rend la progression difficile, nécessitant à Savoir de placer serre après serre sur le sol pour pouvoir continuer, penchant lourdement sa silhouette vers l’avant pour pouvoir s’attacher à la pierre et gagner du terrain, l’azsharien parvient enfin à poser sa main humanoïde sur le recoin d’une dalle soulevée par l’effusion de pouvoir et à hisser son bras décharné au niveau de sa cible torturée. L’oeil froid du Désintégrateur regarde le corps émietté de la Première Soeur, rassemblant un instant ses propres forces grandement amenuisées par le combat pour canaliser une ultime fois sa mana, le Démon fait passer son essence dans la réalité sans l'interpréter en matière et le bras de Savoir se transforme en une masse de volutes sombres et intangibles, alors qu’une fois de plus, il adopte la forme la plus pure que sa race puisse avoir sur Sekaï.

    ”Analyse conclusive: risques d’échec quasi-certains. Espérance de gain: paradoxalement positive.”

    Et en envoyant son bras dans le corps de sa soeur, un soubresaut de magie s’empare de Savoir. Cette fois c’est encore très différent du simple transfert de puissance qu’il avait opéré à l’Arbre-Monde, cette fois les essences s’entremêlent et les imageries défilent dans les esprits des deux Démons. Pour diluer l’action d’Espoir et perturber son flux de magie, le Gardien de la Connaissance envoie ses propres fragments d’âme dans la psychée de sa victime, il lui fait voir la soif de curiosité des êtres vivants, leur avidité à explorer, à tester, à expérimenter. Il lui montre les premiers inventeurs de la roue, ceux qui ont découvert le feu, il lui montre ceux qui ont repoussé les limites de la médecine en autopsiant des cadavres, ceux qui l’ont ensuite révolutionné en pratiquant brisant la morale et en pratiquant des vivisections pour la science. Il lui montre les avancées que les civilisations ont fait au nom du progrès, et l’acharnement des chercheurs elfiques à repousser les limites de la magie en temps de guerre. Il lui montre la force de la convoîtise dès lors que les plus curieux apprennent l’existence des secrets, et les déboires qu’ils sont prêts à déployer pour en connaître le contenu. De son côté en fouillant dans l’essence de sa soeur, Savoir perçoit les fragments qui constituent Espoir, mais pas que, il y a autre chose, il y a un essaim enterré au fond de cet inconscient, un amalgame de souvenirs, un fragment d’âme d’une taille bien plus importante que les autres. Ce fragment a une quantité de souvenirs formidable qui leur est affectée, il a une personnalité, il a quelque chose de précieux que même l’azsharien, le premier des sept ne possède pas: des émotions. C’est ça, c’est ça qu’il veut ramener à la surface. Ce fragment d’âme il a un but, il a des envies, il a des sentiments. Il a même un nom. Il s’appelle… il s’appelle…

    LOUISE AUBÉPINE

    À l’extérieur des esprits, dans la réalité bien physique, Alys regarde son bras enfoncé à moitié dans une des failles de l’enveloppe charnelle de Louise, les émanations noires des essences démoniaques virevoltent furieusement à l’intérieur du corps mais elles sont à peine perceptibles devant la lueur éclatante de blancheur qui en ressort. Savoir s’applique avec tout les efforts de concentration dont il est capable, faisant fi de la lumière pure de sa soeur qui commence aussi à irradier son propre corps. Trouver Louise à l’intérieur de son subconscient n’était que la première partie de cette minutieuse opération psychique, la deuxième étape allait être beaucoup plus délicate. Alys sait qu’ils n’ont absolument pas le droit à l’erreur parce que la carte qu’ils s’apprêtent à jouer est à double-tranchant, et si jamais ils échouent…

    Un bruit crépitement magique accompagne la formation des paupières protectrices autour de tout les yeux ouverts de Savoir tandis que l’oeil analytique utilise ses dernières forces pour isoler les fragments d’âmes d’Espoir de celles de Louise, et cibler celles qui assurent la connexion entre les deux, correspondant aux morceaux qui se sont ajoutés à son âme entre la mort d’Espoir et sa réincarnation. Il parvient à manipuler l’essence de sa soeur en utilisant la sienne, en usurpant la constitution des fragments d’âmes de Louise par ceux chez Savoir qui s’apparentent le plus à des instants d’espérance, la tâche est complexe au delà de toute autre expérience. Lorsqu’enfin il arrive à identifier cette passerelle entre les deux vies, un énième bruit de désintégration ponctue l’ouverture d’un globe oculaire.

    Une iris dorée apparaît. En son sein dansent des nuages nébuleux aux couleurs galactiques hypnotisantes, se mouvant avec grâce dans des cieux bleutés et chatoyants. Le tout orbite autour d’une pupille ceinturée d’une couronne dont la lumière astrale des rayons d’or donne le ton de l’iris.




    La lune est haute dans le ciel. Savoir observe les étoiles en silence alors que la nuit est tombée depuis maintenant plusieurs heures, le vent souffle si légèrement sur la plaine de la Grande Place de Jiroquai qu’on ne pourrait prétendre qu’un déferlement gargantuesque de magie vient d’y prendre place il y a encore peu. Pourtant le décor témoigne bien de l’affrontement, du Temple en lui même il ne restait déjà pas grand chose avant que Savoir n’amène Louise ici pour la première fois, et pourtant ils ont réussi l’exploit de réduire à l’état de gravat le peu qui était encore debout, balayant une fois pour toute les traces rémanentes de ce lieu de culte et symbole de l’ancien Shoumeï. La Grande Place en elle-même est presque impraticable, les immenses dalles de pierre sont soulevées et descellées tout les deux mètres, rendant le terrain escarpé et difficile à parcourir. La roche est teintée d’impacts noirs de la suie à cause des attaques carbonisantes qui les ont léchés à maintes reprises ces dernières semaines, certaines sont fendues nettes, d’autres sont carrément manquantes, et quelques unes présentes des taches d’un violet sanguin. Les anciens Jardins en contrebas, eux, n’ont quasiment pas changé, ils étaient déjà ravagés avant leur arrivée et à part les souffles des explosions qui ont remué la poussière, ils restent reconnaissables pour ce qu’ils sont: de la désolation.

    L’oeil de Savoir se détache du spectacle cosmique pour venir se poser doucement sur la silhouette immobile allongée sur une des marches restantes des escaliers. Le corps de Louise repose doucement sur la pierre, ses cheveux blonds et ses yeux fermés contrastent bien fortement avec l’apparence démoniaque qu’elle arborait à son éveil il y a quelques heures, Savoir regarde le corps nu comme un ver de sa soeur endormie, il trouvait déjà curieux de constater qu’elle s’était assoupie immédiatement après être revenue à la normale, il aurait cru que les habitudes humaines du Démon auraient disparus après l’éveil, mais il n’est pas surpris de dénoter l’inverse. Certains mécanismes physiologiques peuvent être conditionnés par l’environnement, mais alors qu’ils sont sensé impacter le comportement il arrive aussi que certains individus renversent le principe et conditionnent leurs besoin physiologiques à leur comportement. Il est possible que ce soit pour cette raison qu’elle soit maintenant plongée dans sa sieste depuis plus de trois heures. C’est également sans doute pour la même raison que la poitrine de la meneuse des Veilleurs continue de se soulever au rythme d’une respiration malgré l’absence d’une telle nécessité, ou que sa peau ne soit hérissée en chaire de poule et frissonnante à cause du froid nocturne du début d’hiver. Observant les mouvements des paupières de la dormeuse et les tressaillements de ses doigts, l’azsharien se doute qu’elle ne tardera pas à se réveiller, et quand Louise ouvre enfin les yeux, une voix calme et apaisante demande doucement:

    ”Tu es de retour. Comment te sens-tu?”
    Citoyen du monde
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    Louise Aubépine
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    qui suis-je ?:
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  • Lun 10 Juin - 10:33
    Démoniaques philosophies


    Assise sur un lit aux formes difficilement discernables, dans le coin d’une pièce immaculée où seule sa personne se discernait du blanc monotone qui peignait la salle et ses objets, Louise fixait ses pieds nus, ne portant qu’une simple robe blanche sans détail. Relevant progressivement la tête, la femme aux cheveux de paille tenta de discerner les formes et contours de la pièce avant de porter une main à sa tempe en plissant les yeux suite à une migraine subite. Il lui était très difficile de discerner la moindre forme concrète et pourtant, elle pouvait dire sans la moindre hésitation qu’elle se trouvait dans sa chambre d’enfant. Au sein de l'église de son père adoptif. Peut-être était-elle en train de délirer ? Après tout, cette dernière n’avait qu’un très vague souvenir de ce qu’il s’était passé après l’apparition des ours. Seul un lourd sentiment de mal-être subsistait. Un inconfort qui lui faisait remarquer un vide béant en elle. Quoi qu’ait fait Savoir, il avait su totalement lui faire perdre pied avec la réalité. Des sentiments contradictoires émergeaient dans son esprit alors qu’elle luttait pour se souvenir. Ondulant entre la forte aversion et une profonde confiance, la femme sans nom ne savait plus quoi en penser. Elle ne savait même plus si penser était réellement un bon choix. Prendre des choix, vivre, réfléchir, voilà autant d'actions qui laissaient vulnérable face aux manigances d’autrui.

    Peut-être était-ce mieux ainsi ? Ce n’était certes pas agréable, mais ce n’était pour autant pas désagréable pour autant. L’absence de rêve, voilà la plus pure forme de désespoir. Car ce sentiment était loin d’être triste ou odieux. Sa définition était simple, il consistait simplement en l’absence d’espoir. Un simple fait. Une apathie généralisée. La colère, les pleurs, ne venaient qu’après, dus à des causes extérieures. Et pourtant, si une personne est capable de se sentir triste ou révoltée, alors c’était qu’elle possédait encore une part d’espoir en elle. Ainsi, le désespoir dans sa forme la plus brut et la plus pure ne s’accouplait à rien. Une simple acceptation de se couper de tout sentiment. Ne rien attendre et ne s’émouvoir de rien. Accepter les événements qui se produisaient et ne rien faire pour les provoquer. Un abandon pur et simple dans toute sa splendeur. Si les démons naissent des émotions des mortels, il était donc naturel que celle qui permettait à toutes les autres d’exister trouve sa voie sur le monde matériel en premier lieu. Savoir, une fois de plus, avait vu juste dans son analyse. En l’absence d’espoir, les autres émotions ne pouvaient exister.

    Quant à elle, peut-être était-il mieux de se laisser disparaître au profit d’un bien plus grand. Qui était elle après tout face à l’Espoir prenant forme ? Personne. Ici, au milieu de cette salle, loin de tout danger, loin de toute possibilité de se voir blessée une fois de plus par les affres du monde réel, la femme sans expression trouvait un certain confort dans cet absence total de vie ou de mort. Elle n’aurait qu’à s’allonger sur ce lit, et fixer l’immensité blanche jusqu’à la fin des temps. Plus rien ne viendrait la blesser ou lui voler des larmes. Certes, elle ne sentirait plus jamais la joie ou la félicité de passer du temps au contact d’êtres chers, mais était-ce bien grave ? Le faible gain valait t-il de subir l’horreur du monde tel qu’il était devenu ?

    Cette interrogation seule suffisait à prouver que cette dernière n’avait pas complètement abandonné. Et comme une réponse à ses interrogations, la porte de la chambre commença à trembler. La femme sursauta et tomba à la renverse avant de relever lentement la tête de derrière le lit. Fixant cette porte derrière laquelle quelque chose ou quelqu’un tentait d’entrer avec véhémence. Qui donc voulait entrer ici ? Il n’y avait rien. Une salle sans intérêt, sans échappatoire. Un cocon protecteur autant qu’une prison. Quant à la femme, elle n’existait pas, ne comptait pour personne. Personne n’était présent pour lui tendre une main.

    Face à ce mensonge, la force derrière la porte redoubla d’intensité. Fissurant progressivement le bois blanc de cette dernière. La femme tenta de se boucher les oreilles, mais rien n’y fit. Peu de temps après, la porte vola en éclat, libérant une myriade de couleurs qui ne se firent pas attendre avant d’envahir la pièce, lui redonnant ses couleurs d’antan. Du mobilier jusqu’au plafond en passant même par les petits jouets de bois qui traînaient à côté du lit. Révélant la chambre telle qu’elle était dans les souvenirs de la blonde. Estomaquée, la créature aux yeux d’azur se releva, tremblant légèrement des jambes et peinant à rester debout. Derrière les restes de la porte se trouvait un monde en guerre, en proie à la famine, aux meurtres et aux trahisons. Et pourtant, elle s’en était approché sans même s’en rendre compte. Elle le sentait au plus profond de son être. Quelqu’un l’appelait. La voix semblait brouillée, de sorte à ce qu’il lui fût impossible d’en comprendre le sens des paroles, toutefois, elle était certaine que le message était pour elle.

    Elle n’était pourtant pas importante, alors qui prendrait la peine de tenter de l’appeler ? Ça n'avait pas de sens. Pourquoi tenter de joindre une personne qui n’existait pas ?

    Elle avait envie de savoir, de découvrir la vérité derrière ce mystère. Qui était le possesseur de cet appel magique ? Ce fût cette envie de connaissance qui brisa la première chaîne mentale qui la liait à cette pièce sans espoir. Elle posa un pied en extérieur, sur un sol froid et boueux, tourna la tête en direction de la pièce une dernière fois, prise d’hésitation. Elle sembla y voir une forme prendre vie. Celle d’un homme qui lui fût particulièrement cher au début de sa vie. Le vieux prêtre hocha lentement de la tête, l’invitant à reprendre la route avec un sourire bienveillant. La femme tendit la main vers ce dernier alors qu’une larme glissa le long de sa joue. Elle se stoppa et referma lentement le poing.

    —Je crois… que je comprends, souffla-t-elle alors en essuyant son seul pleur. Ce qui m’attend là bas vaut bien tous les moments désagréables qui joncheront ma route ? Le chemin ne prendra jamais réellement fin et chaque lendemain sera peint de couleurs plus vives encore que la veille. Quant bien même nous chutons et nous retrouvons brisés, nous relevons la tête, espérant que tout ira mieux demain. Les mortels, tout comme moi, nous sommes poussés par cette force qui nous pousse à avancer malgré nos peurs. Quelqu’un m’appelle là-bas. Je dois attraper cette main qui m’est tendue. Si je tourne les talons, j’aurai ce sentiment de manque à jamais en moi. La douleur de m’être trompé, d’avoir perdu mes proches, de t’avoir perdu, sera à jamais dans mon cœur. Pourtant, cette perte me prouve que je suis également capable de trouver des êtres pour qui me battre bec et ongles au sein de ce funeste présent. Alors… Merci pour tout. J’accomplirai ma promesse, mais je ne me cacherai plus derrière celle-ci. Je sauverai le Sekai, pour toi, mais aussi parce que j’en ressens le besoin. Je refuse de rester seule, je veux des amis, une famille. Et je sais qu’ils m’attendent, quelque part dans ce futur incertain. Cet appel en est une preuve vivante. Repose en paix, Père. Regarde la fille que tu as élevée se dresser pour créer le futur dont elle rêve si ardamment. Adieu.


    Elle se tourna alors vers le monde en proie à la guerre, ne voyant pas le sourire sur le visage de l’homme qui disparut quelques secondes plus tard en même temps que le reste de la pièce qui s’embourba dans le sol. Elle avait décidé de se tourner vers le futur. De croire en elle mais également en autrui. L’appel s’intensifia et la démone dont la démarche était lente, commença à courir à toute hâte. Dans la précipitation, elle glissa et s’écroula dans la boue, devant le corps d’un veilleur sans nom. Au même instant, un flash percuta son esprit avec fracas. Des souvenirs qui n’étaient pas les siens. Les habitants du Sekai se démenaient pour faire avancer la recherche, essuyant de nombreuses défaites mais ne perdant rien de leur persévérance. Au contraire, ils apprenaient de ces dernières. Seul un fou se laisserait abattre à la première déconvenue.

    Elle se releva devant le corps qui était devenu un arbuste tandis que le sillage derrière elle s’était changé en parterre de fleurs. Elle reprit sa course vers l’origine de cette voix floue qui se faisait de plus en plus claire. Une seule personne dans ce monde était assez particulière pour ce genre d’entrée fracassante au sein de son propre esprit tout en trouvant les images justes afin de réveiller en elle l’espoir qui alimentait son être. La forme décharnée du démon de la connaissance commençait à naître à l’horizon tandis que sa voix se fit entendre clairement. Il l’appelait par son nom. Louise. Un geste simple et pourtant si lourd de sens. En l’appelant ainsi, il acceptait son existence, son histoire. Un sourire déforma son visage serré alors qu’elle se laissa aller aux larmes de joie et enfin, après cette longue course, elle se jeta contre ce dernier pour l’enlacer.

    Elle resta ainsi quelque temps, les yeux fermés tandis que son esprit prenait l’apparence d’une vaste plaine aux multiples possibilités. Tout restait encore à écrire. Les miracles existaient et il ne tenait qu’aux mortels de les concevoir de leurs mains. Quant à elle, Louise Aubépine, elle n’était plus seule. Elle avait déjà des alliés, non, des amis.

    —Ne va pas croire que je te pardonne toutes tes manigances, dit-elle alors non sans un sourire. Mais… merci. D’avoir tenu ta promesse. Tu m’as dit que tu serais à mes côtés avant notre séparation d’il y a quelques jours. C’était une promesse qui avait déjà beaucoup de valeur à mes yeux, mais te voir t’y tenir, ça fait plaisir. Mon ami.

    Et alors qu’elle allait lui proposer de rentrer, une chaîne d’ombregivre sortit du sol pour venir lui agripper la main. Louise tourna la tête afin d’en découvrir l’origine et se retrouva face à une apparence démoniaque, tirant la chaîne qui passait sous le sol pour tenter de la contraindre à rester.

    —Ta place n’est pas sur le Sekai, Louise Aubépine. Si tu aimes réellement les tiens, alors tu conviendras que ma présence leur est plus profitable.

    Il y avait du vrai dans ses mots. Toutefois, l’Aubépine avait déjà pu trouver une réponse à cette confrontation redoutée. C’était Savoir, qui indirectement, lui avait fait comprendre certaines choses, la poussant à un raisonnement qui offrirait enfin la réponse finale. La réponse qui déciderait de la fin de cette histoire personnelle. Qui était-elle réellement ? Qui voulait-elle être ?

    Elle posa une main sur le bras de Savoir. Nul besoin de mots, il avait déjà compris qu’elle devrait faire face à cet ultime conflit seule. Il était temps de régler cette question une bonne fois pour toute. Elle fit un pas en avant vers l’entité monstrueuse, ne montrant aucun doute sur son visage.

    —J’ai tout à fait ma place sur le Sekai. Des gens comptent pour moi et je compte pour eux. Quand bien même leur nombre est restreint pour le moment, je sais qu’il ne fera que s'accroître au fil des années. Leur tourner le dos serait un profond manque de respect en plus d’abandonner tous mes principes.

    —J’ai la force nécessaire pour faire face aux titans, force dont tu manque grandement. Objectivement, le monde ne s’en porterait que mieux avec un sauveur de ma trempe.

    —Certes tu es puissant. (Un nouveau pas.) Mais l’espoir réside en chaque être vivant. Et un seul être, aussi puissant soit-il, ne tiendra jamais la comparaison face à un millier de cœurs battants à l’unisson. Il y a un point sur lequel je suis fondamentalement en désaccord avec notre ami Azsharien ici présent. Le concept de champion m’indiffère, comme si nous étions tous prédestinés ou non à la grandeur. A mes yeux, quiconque serait capable de déplacer des montagnes si on lui montrait comment faire et qu’il avait suffisamment de détermination. Chaque mortel se bat perpétuellement contre les aléas de la vie. Alors certes, ils n’affrontent peut-être pas des divinités tous les dimanches, néanmoins, je refuse que quiconque les regarde de haut. Les mortels ne sont pas faibles ! De la simple fermière qui se bat pour mettre au monde son petit au soldat qui arpente les contrées inhospitalières de Shoumei en passant par l’enfant qui rêve de rendre fier ses parents, toutes ces vies sont pleines de rêves et de défis que les mortels passent leur temps à surmonter. Les veilleurs n’ont pas besoin d’un dieu tout puissant qui les guide. Ils ont besoin de quelqu’un capable de leur tendre la main pour faire naître le feu dans leurs cœurs. La preuve en est. (Un nouveau pas.) Tu as perdu ton duel contre Savoir et a préféré tenter une attaque suicide. C’est indigne d’un chef ! Une véritable figure d’espoir ne meurt pas pour sa cause, elle vit et se bat pour cette dernière ! Le sacrifice est l’apanage des lâches et de ceux qui ont perdu tout espoir !

    —Je serais revenu un jour ou l’autre. Tel est le cycle des âmes.

    —En abandonnant une fois de plus les mortels de cette époque ? Je ne savais pas que le mot abandonner faisait partie du dictionnaire de l’entité qui représentait l’espoir. Lorsque les veilleurs seront totalement sur pied, notre groupe sera cent fois plus efficace qu’un simple démon surpuissant sans le moindre soutien.

    —J’avais des suivants avant ma défaite.

    —Des suivants ne font pas de réels soutiens et tu le sais très bien. Je parle de gens pour qui tu serais prêt à tout donner et qui feraient de même en retour. (Elle fit deux pas d’un coup, brisant la chaîne pour se retrouver juste devant le démon.) Des gens ont besoin de moi. J’ai besoin de ces gens en retour. Shoumei renaîtra, le Sekai sera protégé. Mais ce n’est pas quelque chose de possible pour un seul être, aussi puissant soit-il. La vérité, c’est que tu es comme moi. Toi aussi tu es terrifié à l’idée de disparaître. Toi aussi tu es terrifié à l’idée d’être seul alors tu te caches derrière de grands discours de supériorité.

    —Mensonges, tu ne sais pas de quoi tu parles.


    Louise lui tendit alors une main accompagnée d’un sourire rassurant.
    —Inutile de tenter de te cacher. Tu ne peux pas me mentir, tout comme je ne pourrais pas le faire en retour. (Elle marqua une courte pause. Cherchant ses mots.) Tu sais, au début, je pensais que mes origines importaient peu. J’avais peur de disparaître, d’être remplacée, de ne pas être utile. J’avais peur que ma vie ne soit qu’un mensonge. Je crois que je n’ai jamais été autant blessée que la fois ou Savoir a dit que Louise n’était qu’un nom factice. C’est pour ça que je me cachais derrière des discours criant que mes racines ne comptaient pas pour me définir. Mais… c’était une erreur. C’est important de s’accepter. Tout comme nos actes le sont. Nous devons tirer au mieux des cartes que nous avons à la naissance. Parce qu’en réalité, nous sommes loin d’être différents. Espoir, Louise Aubépine, ce ne sont que deux noms qui désignent la même personne. Toi et moi, nous ne sommes qu’une seule et même personne. C’est idiot de penser que je disparaitrais en acceptant mes origines, tout comme il était idiot de penser pouvoir écraser cette partie de moi.

    —Tu es sûre de cette réponse ?

    —Plus que jamais. Espoir n’est qu’un autre nom pour me désigner. Dans une vie précédente, j’ai échoué à œuvrer pour mon but premier. Sans doute étais-je aveuglée par mes propres peurs. Aujourd’hui, la vie que j’ai eu en tant que Louise, n’efface en rien mes actions passées. Au contraire, ces nouveaux choix, ces nouveaux sentiments, ils me complètent un peu plus. Oui, l’espoir me fait vivre. C’est lui qui me pousse à agir et vivre. Après tout, ce sont les émotions des mortels qui m’ont donné vie sur le Sekai. J’ai plus que jamais ma place en ce monde, une véritable enfant du Sekai. Comme chaque démon d’ailleurs. J’étais bien naïve d’en avoir peur plus petite. Nous avons toute notre place ici et bien qu’un concept nous donne la force d’agir, nous ne sommes en rien sa marionnette. Tout comme les mortels, je suis une créature profondément illogique. Je fais des erreurs, je désire des choses impossibles, je veux tout et son contraire. Mais c’est justement ce qui me donne cette force de me relever lorsque tout semble perdu. Et… comme chaque mortel, j’ai une profonde part d'égoïsme en moi. J’ai besoin d’être entourée. D’amis avec qui je peux passer des moments insouciants. Je n’agis pas seulement par bonté d’âme ou pour le bien de l’espoir sur le Sekai. Il se trouve simplement que mon but personnel rejoint ce but plus grand propre à chaque démon. Peut-être suis-je chanceuse ? Peut-être ai-je été influencée par l’espoir, mais dans tous les cas, la finalité ne change pas. J’accepte mes origines avec tout ce que cela implique.

    Elle lui attrapa finalement une main.

    —Par le passé, nous avons échoué à repousser les titans. Nos raisons d’agir n’étaient pas porteuse d’espoir mais plutôt d’un intéressement personnel. Et trop sûrs de nous, nous avons fini par échouer. Aujourd’hui, nous avons une seconde chance de faire les choses biens. Les veilleurs seront notre fer de lance, nos frères et sœurs ainsi que la force qui nous poussera toujours plus loin. La tâche sera loin d’être aisée, mais nous serons toujours là, à veiller les uns sur les autres, relevant ceux qui tombent en chemin. Et lorsque notre tour viendra de nous effondrer, nos amis nous tendront la main à leurs tours. Ensemble, nous sommes résilients. Reposer sur autrui n’est pas un signe de faiblesse. Au contraire, ensemble, nous irons plus loin que quiconque ! Nous aurons des échecs, des accrochages, parfois même nous nous retrouverons de nouveau à danser au bord du précipice, mais nous donnerons le maximum. Pour rendre l’espoir aux peuples du Sekai. Pour remettre Shoumei sur pieds. Pour aider chaque veilleur égaré sur le droit chemin. Dans ces conditions, l’abandon n’est plus une possibilité. Si c’est l’espoir d’autrui qui nous anime et que notre rôle dans ce monde est de l’alimenter, alors ne pouvons que perpétuer ce cycle vertueux. Les veilleurs seront les héros de demain. Alors, il n’y a aucune crainte à avoir. Nous nous battrons pour que ces derniers resplendissent plus que jamais. Mon passé manquait de cette capacité à offrir sa confiance à autrui, mon présent se murait dans une terreur insondable, incapable d’accepter qui il était réellement et préférant uniquement se reposer sur autrui. Mon futur saura tirer les leçons apprises au cours de ma vie. (Remarquant que plus personne ne lui faisait face, elle se retourna vers Savoir avec un sourire sincère.) Rentrons. Nous n’avons passé que trop de temps au sein de mes cauchemars. Et nous avons beaucoup de pain sur la planche.

    Elle rejoignit le démon azsharien avant de prendre son bras afin qu’il termine de stabiliser son âme. Et quelques secondes après, elle se retrouva à rêver d’un sommeil véritable.

    [...]


    Ouvrant les yeux péniblement, la jeune femme pu retrouver ce monde réel, si cher à ses yeux. Nue comme un ver, elle frissonna tandis que le gardien du compendium s'enquit de son état. Elle se redressa avec difficulté, joignant ses genoux contre son torse avant de poser sa tête dessus. Elle laissa quelques secondes s’écouler, profitant du bruit du vent contre les feuilles avant de fermer les yeux tandis que ces derniers devenaient plus humides. L’absence de son nouveau compagnon ne pouvait signifier qu’une seule chose. La patte de l’ours avait fait son œuvre et son âme avait quitté ce monde. Il avait donné sa vie par réflexe pour cette dernière. Quelques heures auparavant, sans doute se serait elle mise à pleurer bruyamment, totalement inconsolable. Mais à présent qu’elle n’était ni seulement Louise Aubépine, ni Espoir, elle comprenait qu’un tel comportement n’aiderait en rien. Ainsi, elle exécuta une prière silencieuse pour l’âme du pauvre hère.

    Je n’oublierai pas ton geste, pensa-t-elle. Puisse tu trouver le repos proche des tiens ayant déjà rejoint les astres. (Elle savait que les reikois préféraient se référer aux astres plutôt que de parler des gardiens.) Je n’oublierai pas ma promesse, ton frère sera sauf. Ton nom sera remémoré tel le héros que tu as été aujourd’hui. Car tel est le fardeau des vivants, porter en eux la mémoire des morts. Je suis sincèrement désolée de ne pas avoir pu être à la hauteur. Mais plutôt que de me morfondre, je vais tâcher de faire en sorte que ton sacrifice ne soit pas vain. Va en paix, fier soldat du Reike.

    Elle resta ainsi sans bouger quelques instants avant d’essuyer les larmes qui lui perlaient les yeux et d’enfin lever la tête vers Savoir.

    —Bonsoir Comp, répondit-elle enfin avec un léger sourire sur le visage. Elle se moquait bien de se retrouver déshabillée désormais. Encore moins devant quelqu’un qui de toute manière n’avait aucune attirance physiologique pour le corps humain. J’ai l’impression qu’un troupeau de cerbère m’a piétiné puis a fait demi-tour pour recommencer l’expérience, trois fois. Mais je dirai que ça pourrait être pire au vu de ce que j’ai traversé. (Elle esquissa un sourire.) J’ai dû paraître tellement génante à débiter toutes ces phrases sur la nécessité de t’abattre tout en joignant les actes à la paroles. Tu m’en vois désolée. Mais de toi à moi, c’est ce que tu cherchais à déclencher depuis le début n’est-ce pas ? Me mettre face à mes contradictions. Nous pouvons dire que c’est une réussite. J'aurais certes aimé une autre manière de procéder mais tu ne pouvais pas prévoir que je rencontre quelqu’un au milieu de nulle part et que je m’en fasse un ami. Aussi, sache que je ne t’en veux pas. Je suis seule et unique fautive de ce qu’il lui est arrivé. Je porterai à jamais le péché de sa mort sur mes épaules. C’est le moins que je puisse faire pour ce brave. Mais j’aimerai que tu fasses tout de même quelque chose pour moi. Vois ça comme une façon de t’excuser pour l’épisode ursin. Lorsque tu auras récupéré, rapporte son corps au Reike. Il mérite de suivre les rites de sa nation, pas d’être enterré ici au milieu de nulle part en territoire Shoumeien. Il a également un frère, retenu par un groupe de fanatique non loin d’ici. Je compte te demander de l’aide pour le sauver et mettre fin aux agissements de ce groupe isolé. Tu n’as pas le droit de refuser. Après tout, tu fais partie des veilleurs. Tu m’excuseras de ne pas faire de grande cérémonie, je tiens à peine debout et je n’ai plus d’épée pour t’adouber. (Elle haussa les épaules en souriant un peu plus.) Quoi qu’il en soit, ce fût un sacré entraînement. Je continue de penser que la méthodologie pourrait être adoucie, mais en l’espace de quelques jours, tu m’as ouvert les yeux sur qui j’étais, m’a permis de m’accepter telle que je suis, de mieux comprendre cette force qui m’anime, de trouver la force de me tenir fièrement pour le bien du Sekai et des veilleurs et… tu m’as donné l’occasion de définir clairement ce que je souhaitais. Louise, Espoir, c’est du pareil au même à mes yeux. Appelle moi comme tu le désires, les deux noms sont corrects. (Elle se mit à rire doucement.) Je pense toutefois garder cette apparence humaine hors exception. Tu comprendras qu’elle est plus vendeuse devant la populace. (Elle reprit ensuite un ton plus sérieux.) Mais merci. Merci d’être venu me chercher. J’ai laissé ma magie et ce sentiment primaire prendre le dessus sur moi, j’aurai pu me suicider bêtement à cause de ça, mais tu es resté. Et tu as pris le risque de venir me sortir de là. Au plus profond de mon âme. Merci, Savoir. Continuons de fouler le Sekai jusqu’à la fin des temps. Si tu seras toujours à mes côtés, sache que l’inverse est également vrai. C’est une promesse. Lorsque la situation se sera calmée, partons à la recherche de reliques du passé pour en apprendre plus sur notre monde. Je suis sûre que ça te fera plaisir. J’ai notamment quelques pistes qui semblent alléchantes. (Elle faisait référence à la vision que lui avait confiée l’arbre, dans laquelle elle se voyait découvrir d’anciennes magies interdites au cœur de l’antique Shoumei. Et désormais, elle savait qu’au moins une personne l’accompagnerait.)

    L’incarnation de l’espoir tatonna à ses côtés jusqu’à trouver son grimoire. C’était à son tour de remplir sa part du marché.

    —Ne sors pas tes lasers tout de suite, ou je me jette sur le premier œil qui passe trop près pour le mordre, plaisanta-t-elle à moitié. C’est un grimoire conçu de la main de la titanide Zeï. Je ne sais pas encore pourquoi je suis la seule à pouvoir le lire bien que ces derniers jours m’aient donné quelques pistes de réflexion. Il ne semble pas dangereux cela dit, du moins, s’il on met de côté la façon dont il m’a enfermé pour presque 5000 ans. J’aimerai te dire que je le maîtrise à la lettre, mais ce serait un mensonge. Il semble avoir ses propres envies et il est parfois difficile de trouver l’information dont j’ai besoin. Depuis mon apparition à cette époque, je n’ai encore jamais réellement pris le temps de me pencher dessus, il y a tellement de choses qui requièrent mon attention en Shoumei qu’il est devenu assez secondaire. Quant à ce que j’y vois ? C’est assez compliqué. Il y a les dates ainsi que les descriptions des dernières catastrophes mondiales. Mais… également de catastrophes potentielles à venir. Je n’arrive pas encore à le manipuler et le forcer à me montrer celles du futur proche. Pour l’heure, je n’arrive qu’à lui faire dévoiler des horreurs qui ne se dérouleront, et encore ce n’est pas certain, que dans plusieurs milliers d’années. Si je parvenais à le soumettre, je pense que cet outil donnerait aux veilleurs un avantage certain quant à la protection de notre monde. Mais oui, c’est un artéfact titanide. Je te demanderai donc de ne pas le détruire lorsque tu en auras l’occasion. Un jour, il nous servira. D’autant plus que mes proches de l’époque ont laissé des notes pour moi sur les dernières pages. C’est le seul souvenir que j’ai d’eux. Il a donc une certaine valeur sentimentale, je le chéris autant que je le maudis. Sur ce, tu sais tout. Je compte sur toi pour ne pas prendre d’acte inconsidéré.

    Elle ferma les yeux avec assurance avant de se mettre à rire.

    —Il va me falloir tout un nouvel équipement. Déjà que nous ne roulons pas sur l’or au camp, je pense que la personne qui se charge des stocks va m’étrangler. Quant à Dactyle, j’espère qu’elle va bien. Je n’aurai pas dû partir ainsi sans la prévenir. J’aurai dû te demander de lui apporter au moins un message, pour lui dire que tout va bien et que je serais rentrée rapidement. J’espère qu’elle n’a pas mis le feu au premier prétentieux qui viendrait à se plaindre, c’est à dire qu’elle a tout de même une patience relativement limitée avec les casses pieds. (Elle tapa dans ses mains avant de faire un effort pour se mettre sur ses deux jambes.) Il est temps que les veilleurs se mettent en marche. L’heure de l'entraînement touche à sa fin. Je compte nous offrir un réel toit, une base d'opérations qui aura la capacité d'accueillir les âmes en peine. Nous allons purifier la corruption qui gangrène le village de mon enfance. Il se trouve proche d’un point d’eau qui était autrefois un point de pêche. Il est également relativement facile d’accès et son église est suffisamment spacieuse pour en faire notre quartier général. Nous commencerons petit pour peu à peu nous attaquer aux villes de plus en plus importantes. Et lorsque nos forces nous le permettront, alors nous lancerons une attaque d’envergure sur Bénédictus. Pour l’heure, il nous faut un toit et un lieu stable. C’est la priorité ultime. Après ça, il nous faudra chercher des alliés, de l’or et des armes. Mes beaux discours ne suffiront pas à protéger nos amis. Et après ça, notre campagne militaire ouvrira pour de bon. Aussi, Savoir, j’ai une autre mission pour toi. Prends contact avec Myriem. Dis lui que nous avons besoin d’une personne de sa qualité. Plus que ses compétences en magie, c’est la flamme de résolution qui dansait dans ses yeux qui m’a convaincu. Elle sait utiliser sa tête comme nous avons pu le voir dans la grotte et je suis persuadée que sa sagesse et sa connaissances de la noblesse shoumeienne nous sera fortement utile lorsque nous remettrons le pays sur pied. Elle sera une alliée de poids, j’en ai la certitude. Alors donnons lui des batailles à mener pour redorer le pays qu’elle apprécie tant. (Elle hocha du chef pour s’assurer que Savoir avait bien compris. Depuis sa renaissance, son hésitation s’était envolée.) Ton travail de messager ne s’arrêtera pas là. J'aimerais que tu prennes contact avec le Reike, ou via Maël si ce n’est pas possible de rencontrer les dirigeants directement. Je souhaiterai une entrevue avec ces derniers. Le couple royal a défait un titan et ils sont la première puissance contre la corruption qui ronge ce monde. Nos objectifs coïncident, je compte leur demander des fonds pour nous aider dans notre effort de guerre. Bien sûr, je ne suis pas naïve au point de croire qu’ils accepteront par simple bonté. Nous jouerons sur notre capacité à retenir les menaces provenant de Shoumei. Tel notre titre, nous veillerons à ce qu’aucune horreur ne vienne les prendre par surprise venant de nos terres. C’est pour cela que nous devons prouver notre valeur et notre force. Il ne suffit pas de crier que nous allons sauver le monde, il nous faudra accompagner ces promesses par des actes. Ta présence est déjà une énorme arme de dissuasion, une preuve que nous ne jouons pas dans la cour des enfants et que notre combat est aussi sérieux que le sien. Et je compte également continuer de maîtriser ma magie qui est encore trop dangereuse pour moi-même. Nous aurons l’occasion de nous entraîner à nouveau, mais cette fois-ci sans ours. (Elle le nargua d’un sourire en coin.) Toutefois, je compte avancer un point qui nous fera certainement perdre des points avec le Reike. Mais je ne pourrais faire autrement. J’ai promis de faire renaître Shoumei de ses cendres et ce n’est pas pour le donner aux reikois. Il s’agit de notre terre, et je refuserai qu’ils avancent leur conquête plus loin que Maël. Shoumei nous appartient. Il représente notre histoire et notre rêve. Il serait hypocrite de le sauver pour l’offrir à une autre nation. Je dois être droite quant à mes engagements envers les veilleurs qui viendront combattre sous ma bannière pour la résurrection de cette nation. Je ne leur tournerai pas le dos et je me refuse à mentir au Reike quant à mes intentions, cela ne causerait qu’une nouvelle guerre dont nous ne nous relèverons pas. Nous serons alliés et non pas leurs vassaux. Il parait que l’empereur est particulièrement terrifiant et j’ai déjà peu envie de me retrouver face à lui lorsque je lui dirai ça, mais tel est mon rôle en tant que cheffe des veilleurs. Je trouverai bien un moyen de contenir sa fureur, soyons optimistes. (Un nouveau sourire.) Et enfin, j’ai encore une tâche pour toi. Je souhaite prendre contact avec la République. Ils sont resté trop longtemps en retrait par rapport aux dangers de ce monde. Je veux également travailler avec ces derniers. Mais les atteindre et les convaincre sera certainement encore plus compliqué que le Reike. C’est pour ça qu’il nous faudra plus de faits d’armes à notre actif avant que tu ne t’acquitte de cette tâche. Mais j’ai bon espoir de pouvoir, à terme, remettre sur le devant du Sekai la triade des nations, œuvrant ensemble pour contrer les plans des titans. Imagine un peu si nous nous levions tous tel un seul homme ? Je pense que les titans et leurs serviteurs auraient bien du souci à se faire. La communication, les alliances, le front commun sera la solution finale à la menace titanide. J’en ai la certitude. Mais pour l’heure, concentrons sur les tâches à notre portée. Reste à l'affût. Dès que j’aurai terminé les préparatifs, nous prendrons quelques veilleurs avec nous dont Myriem, et nous reprendrons mon village. Ce sera le premier pas de notre plan de jeu face à toutes les horreurs qui peuplent Shoumei. Je profiterai de notre victoire pour établir officiellement notre ordre. Pour le moment, il n’y a rien d’organisé, je suis juste la cheffe et Dactyle me seconde. Ça suffit car nous ne sommes qu’une poignée. Mais ce nombre est voué à évoluer. Ainsi, j’aimerai te donner ainsi qu’à Myriem, une place de choix. Avec certaines responsabilités qui vont avec. Parce que… j’ai pleinement confiance en vous deux. Dans ton cas, je n’ai pas besoin de m’expliquer. Pas après ce que tu as fait pour moi. Pour Myriem, c’est quelque chose que je ressens. Elle a une véritable envie de se racheter. Ses objectifs sont intrinsèquement liés aux nôtres pour ne pas dire qu’ils sont totalement communs. C’est une personne juste qui comme chacun peut faire des erreurs et pourtant, elle n’a pas eu besoin d’aide pour sortir la tête hors de l’eau, affronter ses erreurs et nous accompagner au sein de la grotte. Mieux encore, sans son intervention, l’image magique nous aurait probablement fait passer un très mauvais moment. Tout comme moi, elle semble préferer le dialogue à l’épée quand c’est possible. C’est parce que je me retrouve en elle que je sais qu’elle ne nous fera pas faux bond et que nous pouvons lui faire confiance. Tu as donc tes prochains ordres, veilleur.

    Elle le fixa d’un air solennel bien qu’elle devait lever la tête bien haut pour fixer ses yeux. Et rapidement elle passa une main à l’arrière de sa tête en riant, légèrement gênée. Elle le voyait plus comme un ami que comme un simple subordonné.

    —Ah et dernière mission pour toi, il faudra que tu me ramènes au camp des veilleurs. Si possible directement dans ma tente que je puisse récupérer de quoi me vêtir, pas au milieu de tout le monde. J’ai une image à tenir tout de même. Et encore une fois, merci.

    Ne tenant plus, elle sautilla presque.
    —Cette fois-ci, je sens que nous sommes sur la pente ascendante ! Un glorieux destin nous attend ! L’heure des veilleurs de l’aurore est arrivée !

    Sur cette note pleine d’espoir, elle conclut sa longue tirade. En cette nuit, le démon de l’espérance avait retrouvé espoir. Et cela, grâce à celui de la connaissance, forgeant un lien durable entre les deux.

    CENDRES


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