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    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t2299-savoir-le-desintegrateur-d-azshary-terminee
  • Mar 16 Juil - 2:44


    Ce n’est pas la patience qui permet à Savoir d’écouter Louise déverser son engouement sans jamais l’interrompre, c’est son incapacité à ressentir l’impatience. La meneuse des Veilleurs fraîchement réveillée de son simulacre de sommeil ne fait pas que répondre à la question qui lui est adressée par Comp, elle laisse joyeusement déborder son optimisme nouveau en laissant son congénère être le témoin de son excitation. Le contraste est frappant entre le comportement du Démon de la Connaissance qui se contente de rester assis sur la marche de l’escalier sans même bouger une serre ou un doigt, et la petite blondinette agenouillée à ses côtés qui se permet d’être si expressive au travers de son discour décousu. Savoir avait placé les larmes qu’elle avait versé il y a quelques secondes encore sous le coup du choc émotionnel provoqué par les derniers évènements. Comp sait pour avoir été deux fois dans la tête de sa soeur qu’il peut maintenant la considérer comme ayant une psychée identique à celle d’un Homme, normal donc qu’elle soit aussi remuée que le commun des mortels qui se serait rendu compte de la nature de sa précédente incarnation sur Sekaï. Pourtant, dès qu’elle lui adresse la parole et qu’elle commence à le remercier avant d’enchaîner, Savoir remarque immédiatement le changement qui s’est opéré en elle.

    Louise ou Espoir parle avec une assurance nouvelle, la pupille attentive de Comp, en qualité d’oeil pseudo-empathique, est habitué à scruter les comportements, à déceler les tressaillement de la peau et à disséquer les tracés des regards et les sursauts des voix pour comprendre le filigrane des discours des mortels. Ici chez la Première Soeur, il n’a pas besoin de relever autant de subtilité pour voir l’énergie évidente qui habite désormais Louise et l’agitation qui s’empare d’elle au fur et à mesure qu’elle continue de parler. L’iris brunâtre de Comp observe sans mot dire, il écoute d’abord Louise reconnaître enfin le paradoxe intérieur qui l’habitait et créait un conflit entre son propre être et les reliquats d’Espoir à l’intérieur d’elle. Elle endosse l’identité de la Première Soeur, elle n’est plus exactement Espoir, mais quelque chose de différent, de nouveau, sans doute quelque chose de plus fort. Espoir était là, Savoir n’a pas besoin d’en douter il a faillit rejoindre lui-même le cycle des Gardiens pour en avoir le coeur net, mais désormais il semblerait que l’âme de Louise ait en quelques sortes ou bien accepté son ancienne itération, ou bien fusionné partiellement avec elle. Les Soeurs du Compendium ont pour la plupart été sujettes à des altérations identiques, alors il ne dit rien, et il écoute.

    Il écoute Louise continuer, il l’écoute parler de ce malheureux mortel qu’elle a ramené ici de son plein gré et qui a trouvé la mort quand l’ours apporté par la Marche-Esprit est arrivé. Là encore Comp n’intervient pas, parce que la blondinette murmure d’elle-même qu’elle est responsable de sa mort. Les Démons et le Sekaï sont ainsi faits, leurs actions ne sont pas animées par les considérations physiologiques d’une forme de vie classique, ils ne cherchent ni plaisir, ni sensations, ni égo ni satisfaction. Ils accomplissent une pulsion primaire qui les a invoqué dans cette réalité et à cet effet, ils agissent au nom d’un concept, d’une abstraction non pas usurpatrice et arbitraire comme celle des Titans, mais organique, car ils sont la manifestation de la mortalité sur Sekaï. Leurs actes sont voués à être chargés d’un sens parfois ésotérique, mais parfois terriblement concret que les Hommes peuvent qualifier de cruel ou de néfaste, pourtant ils ne font que la même chose qu’eux, se plier à leur pulsion primitive. Parfois, ça nécessite un sacrifice. Parfois. Comp pense que Louise en prend la réalisation aujourd’hui, et il est d’avis que l'appellation de péché est erronée parce que la mort de ce reikois n’est pas un mal mais un évènement de plus dans le grand acte d’équilibre de Sekaï, il n’y a donc aucune raison d’y placer de jugement subjectif. Savoir considère cependant inutile de le faire signifier à Louise dès maintenant, le gros du travail est déjà fait et elle aura tout le temps de se rendre compte, au fur et à mesure qu’elle prendra pleinement compte de son immortalité et des affres de sa longévité, qu’elle accumuler les martyrs aussi bien que les meurtres. Le détachement de ses émotions sera inévitable comme il l’est chez les soldats aguerris qui ne peuvent vivre autrement qu’en acceptant que la Mort est une partie intégrante du monde, au même titre que la Vie et les autres Soeurs du Compendium. Alors il ne dit rien, et il écoute.

    Il écoute Louise continuer, il l’écoute promettre qu’elle aussi souhaite demeurer à ses côtés, à le soutenir. Elle dit vouloir partir à la recherche des secrets de Sekaï, tenter d’en apprendre plus sur les mystères dont recèle l’existence de leur réalité. Comp ne saisit cependant pas ce qui motive Espoir à vouloir déroger ainsi à sa propre nature pour suivre une quête qui n’est pas la sienne, sa soeur semble vouloir perdre sciemment du temps à se jeter dans un objectif qui ne lui serait pas même tertiaire, alors qu’il y a déjà tant à faire. Il suppose qu’une fois encore, comparer ses schèmes de pensée à ceux des mortels devient pertinent s’il suppose que c’est sous le coup de l’excitation qu’elle déblatère des réflexions irrationnelles. Qu’importe la véritable motivation qui aurait poussé Louise à prononcer ces mots, le Démon de la Connaissance ne fera de toute façon appel à elle dans sa quête d’informations que si la pérennité de la Mortalité ou les Titans sont directement impliqués, sinon il agira comme il l’a toujours fait. Seul. Alors il ne dit rien, et il écoute.

    Il regarde Louise tatonner à ses côtés dans la pénombre pour trouver le grimoire que Savoir avait déposé tantôt près d’elle quand elle était encore inconsciente. Le Démon avait profité de son sommeil pour rouvrir le livre une fois de plus et tenter de l’étudier à nouveau, sans plus de succès que la première fois. Le langage à l’intérieur est paraît être non seulement un langage différent de ce qu’il a pu connaître par le passé, mais en plus de ça la logique changeante et les écrits fluctuants sur les pages du bouquin permettent à l’azsharien d’en déduire qu’il possède aussi au moins une couche de chiffrement. Quant à savoir si l’encodage réside dans le fond, la forme ou les deux, c’est quasiment impossible avec la taille de l’échantillon. Il a beau tourner les pages, s’exposer à de plus en plus de contenu de ce grimoire, il découvre sans cesse de nouvelles logiques linguistiques et de nouveaux symboles. Il pourrait croire que l’artéfact est un ramassis de caractères aléatoires sans signification mais il semble bien être animé d’une logique dans sa génération puisqu’au sein même d’une page il parvient à saisir des traces de règles de grammaire. Le mystère de cet ouvrage réside donc ou bien dans la magie de sa création, ou bien effectivement dans les informations qu’il renferme. Quand Espoir commence d’abord par lui expliquer qu’il s’agit d’un livre possédé par Zeï, l’iris brunâtre de Comp contracte violemment son épithélium antérieur, rapetissant sa pupille compacte en un petit point avant qu’un liseré rougeoyant n’émane de la perle noire pour parcourir le reste des motifs filandreux de l’iris et mourir de l’autre côté du globe oculaire, rappelant l’espace d’un instant l’aspect d’Alys sur son passage. Comp peut sentir au fond de sa conscience un fort titillement qu’il tait avec le plus grand effort, le grimoire de Zeï a beau être de nature titanesque, il semble étrangement ne pas être sous le contrôle direct des Titans sachant qu’Espoir prétend pouvoir le déchiffrer. Ce qui représente une source potentielle de danger massif est un possible atout considérable tant qu’il reste sous l’influence de la Première Soeur, mais à la moindre manifestation de corruption, d’émanation titanide ou de risque, Savoir prend note de ne pas hésiter à désobéir. Espoir est encore trop jeune, il lui reste un montant considérable de choses à apprendre et la méfiance absolue envers les créateurs en fait partie. Ce genre de leçon n’est cependant pas urgente et elle aura tout le loisir de pouvoir l’apprendre tôt ou tard, de manière plus ou moins douce, alors il ne dit rien et il écoute.

    Il écoute Louise continuer, il l’écoute tirer encore plus de plans sur des comètes éphémères qui n’ont d’éclat que le conditionnel de leur persévérance et de leur application sur l’instant présent. Bien qu’il soit partiellement rassurant pour Savoir de constater que la jeune fille blonde, en qualité de meneuse des Veilleurs, réfléchisse déjà à la diplomatie extérieure et aux établissements long termes d’un nouveau Shoumeï, une part de questionnement subsiste chez le Démon de la Connaissance face aux problèmes plus immédiats que la leader semble sciemment éviter, ou du moins qu’elle paraît occulter. Pour la première fois depuis la fin de son laïus Savoir lui répond, la voix de Comp est toujours aussi profondément calme et cette fois même, teintée d’une bienveillance feinte pour faire accepter son discours comme constructif:

    ”Tu parles de diplomatie, d’alliances, de soutiens, de relations avec nos voisins. Le Shoumeï n’existe plus Louise, et il ne se relèvera pas.” L’azsharien assis sur les marches à ses côtés se met à bizarrement ramper jusqu’à une dalle soulevée par leur combat non loin, il glisse des serres dans la brèche sous la pierre tout en parlant et en retire une poignée de terre aride. ”Une civilisation ne se bâtit pas sur un peuple, c’est le peuple qui s’établit sur une terre. Les terreaux de ces plaines sont infertiles, touchés par la corruption des Titans, même en important de la terre arable d’ailleurs la corruption s’étendra et elle stérilisera le sol.” Comp s’oriente dans le regard de sa soeur et brûle les ailes dont elle vient à peine de se doter. ”Comment comptes-tu dialoguer avec les autres nations sans pays, comment comptes-tu fonder un pays sans peuple, et comment comptes-tu développer ton peuple… sans nourriture?” Savoir s’étale à nouveau sur les marches à côté de Louise. ”Nous avons passé les derniers mois à parcourir ces plaines, les rassemblements de survivants présentaient tous les mêmes symptômes de sous-nutrition avancée, certains possédaient des traces de la corruption qui commençaient à se développer à même leur corps. Rebâtir une civilisation nécessite d’abord de subvenir au besoin physiologique fondamental d’un mortel, se nourrir. Les gens qui vivent sur les terres du Shoumeï sont entrain de disputer une course contre un sablier Louise, ils ne peuvent plus cultiver. Ils se reposent entièrement sur la chasse pour subsister mais les gibiers se font de plus en plus maigre et de plus en plus rares, ce au fur et à mesure que la pénurie de végétation se répercute pour remonter le long des échelons de la chaîne alimentaire.”

    Il marque un instant de pause tandis que la focalisation de sa pupille change subrepticement et qu’il paraît fixer un point au travers de Louise, la voix de Ra retentit dans les pensées de Comp alors que le Démon se replonge dans les ouvrages qu’il avait parcouru il y a quelques mois, dans un village des terres reikoises du nord du nom de Valèrhault. Un des bouquins parlait de techniques d’agronomie ancestrales et une d’entre elle accapare son attention tandis qu’il soulève le problème de la corruption irradiante, mais la solution potentielle à la famine des Veilleurs et par extension du Shoumeï est encore loin vu les ressources conséquentes que son déploiement demanderait.

    ”Du temps. Le campement des Veilleurs a surtout besoin de temps.” De ce qu’il avait vu en explorant l’esprit de Louise, les individus qui constituent le groupe des Veilleurs actuellement n’est pas majoritairement composé d’anciens militaires, mais d’un nombre conséquent de civils. ”La plupart des gens qui occupent le campement ne savent pas se battre, il faudra d’abord les former aux bases du combat mais pour ce faire il faut déjà les nourrir correctement, leurs formes physiques sont suboptimales pour un quelconque affrontement. Il n’y a qu’une poignée d’entre eux, Dactyle et toi qui repoussez les attaques occasionnelles de monstres vagabonds, attaquer ailleurs signifie laisser le reste du groupe vulnérable, mais l’emmener avec nous dans l’attaque implique de les mettre à risque également. Réalistiquement, nous ne pouvons pas bouger dès maintenant. Il va falloir attendre avant d’agir et prioriser la survie du groupe plutôt que son évolution. Ne prévoit pas tes mois à venir si demain est encore incertain Espoir.”

    Savoir redresse son corps meurtri par l’affrontement contre la Première Soeur, il repose sur le bras décharné dont les serres agrippent la pierre pour le garder en équilibre.

    ”La corruption ronge les sols et contamine les terres comme un poison, le Xirang pourrait être la solution à ce problème, il va en falloir en large quantité. Nous devrions pouvoir récupérer de gré ou de force la magie des Fondateurs qui protège Melorn actuellement, et la reproduire à moindre échelle. Le Maître des Ombres de Melorn nous aidera. En séparant une terre fertile de celle corrompue grâce aux propriété expansives du Xirang et en scellant l’atmosphère grâce à la protection des Fondateurs, nous pourrions créer un microcosme dans lequel l’agriculture serait de nouveau possible. Il ne resterait que l’eau à acheminer, et c’est le problème le moins complexe de cette équation.”

    Le Xirang, un minerai fondamental de Sekaï que les elfes de l’Empire Azsharien travaillaient à diverses fins grâce à ses nombreuses applications. Si Savoir connaissait son existence et le principe même de ce minerai si particulier, il n’avait jamais entendu parlé de son utilisation dans le domaine agricole, mais les Valèrhiens racontaient dans leurs livres que lors de grandes périodes de givre, ils surélevaient certains de leurs champs les plus fragiles sur des lits de Xirang pour protéger le terreau fertile de la morsure de l’hiver. Le grand froid avait beau continuellement cristalliser le Xirang, le matériau grandissait plus vite qu’il ne givrait et permettait ainsi de préserver une couche de surface cultivable en y mélangeant le sol local. Si le même principe pouvait être mis en place ici, à Shoumeï, la corruption de l’Arbre-Monde et des résidus de magie titanesque ne pourraient pas se propager à travers le minerai suffisamment vite pour venir teinter la terre qui serait posée par dessus. Ils pourraient monter des parcelles cultivables et poser la première pierre d’une civilisation: la sédentarisation agricole. Savoir revient planter l’observateur brun dans les yeux ambrés de se meneuse:

    ”D’abord leur nourriture, ensuite des murs. Nous obéirons à ta volonté, nous irons voir Myriem, mais pour le Reike et la République, le risque est grand et l’espérance de gain, négative. L’Empereur Dragon a vaincu les tribus du nord, l’entièreté de son pays et les Titans, les probabilités qu’il souhaite continuer son expansion territoriale sont corroborées par ses antécédents, dévoiler notre existence sans avoir de preuve tangible de notre puissance paraît… incertain.”

    Savoir se tait un instant, laissant planner sa réponse dans la tête de Louise pendant que lui reste parfaitement immobile, seul le haut du filament organique qui porte Comp se balance lentement au gré des courants d’air. Le Démon reprend après un court moment de réflexion pour répondre aux inquiétudes de Louise concernant les Veilleurs:

    ”Dactyle est au courant de la situation. Les trois jours de traque que nous avons passé ensemble dans les ruelles de Bénédictus n’ont pas été tout à fait… fructueuses. Entre nos réserves de magie déplétées et la corruption ambiante qui rendait toute navigation particulièrement difficile au sein de la ville, nous n’avons pas pu retrouver la trace de ceux que nous chassions, mais nous avons passé un temps considérable à discuter. Nous avions notamment exposé à Dactyle notre hypothèse te concernant, ainsi que les différentes issues possibles à l’éveil. Elle a déjà réagi à ton absence prolongée, nous l’avions prévenu du succès de l’éveil dès que nous avions senti le potentiel d’Espoir en toi. Dactyle était préparée…” L’oeil de Comp demeure impassible en alignant les mots suivants. ”... y compris aux éventualités moins favorables.”

    S’il a bien une large préférence pour la situation actuelle du fait que c’est celle qui offre le plus de chances de succès dans la lutte contre les Titans, Savoir n’aurait pas hésité à recourir aux autres solutions si elles s’avéraient ne serait-ce que plus intéressantes. Tuer Louise, retourner l’âme d’Espoir dans le cycle éternel de la réincarnation pour tenter de la faire revenir sous une forme plus puissante? Ce n’était pas qu’une possibilité, c’était une option viable d’après l’azsharien. Tant pis si ça signifiait la chute de la civilisation présente sur Sekaï, tant que l’âme des Démons et plus particulièrement celle d’Espoir demeuraient, ils pourraient toujours combattre les Titans ultérieurement, recommencer un cycle complet de construction, de règne, de développement, d’âge d’or, de déclin et de destruction. La Connaissance personnifiée reporte son oeil sur l’horizon qui se devine par l’absence abrupte des étoiles contre le liseré plus sombre de la terre lointaine:

    ”Nous avons suffisamment récupéré, il est temps de partir. Les Veilleurs attendent ton retour désormais.”

    Restant un moment immobile sans rien dire, l’azsharien se concentre pleinement pour manifester une projection astrale au campement. L’exercice est particulièrement demandant en raison de la distance et s’il se permet de ne pas refermer son oeil ouvert c’est uniquement parce qu’il n’a de toute façon pas de stimuli visuel à traiter dans la pénombre nocturne. À des kilomètres de là, un globe de taille similaire à celle de Comp apparaît subitement après une déformation de l’air localisée, inspectant le campement pitoyable avec attention pour relever la position plus particulière de la tente de Louise. Lorsqu’il repère enfin ce qui semble être un abris inoccupé, la créature poly-oculaire déplace l’itération de sa projection en la faisant ensuite apparaître devant la tente, puis à l’intérieur, afin de se doter d’un visuel de l’endroit. Avec une douceur contrastant fortement avec la téléportation abrupte qui les avait emmené ici en premier lieu il y a plus d’une semaine, Savoir tend une des serres de son bras droit éclaté à Louise en commençant la canalisation de sa magie:

    ”Nous avons à faire, nous reviendrons dans quelques jours pour honorer ta demande d’aide.”

    Réapparaissant dans l’abris de Louise, Savoir n’a rien changé à sa position. Il est toujours avachi sur le sol, appuyé contre la terre meuble qui tapisse les quartiers de la blondinette sous sa paillasse et ses affaires. Sans prendre la peine de vérifier qu’il s’agisse bien de sa tente ni qu’elle ait besoin de quoi que ce soit en dehors, l’entité pluri-millénaire recommence immédiatement à incanter un nouveau déplacement pour revenir sur la Grande Place de Jiroquai. Il adresse un dernier regard à Louise avant que son corps ne disparaisse aussi rapidement qu’il ne s’était manifesté dans la tente, laissant presque un éventuel témoin croire à une hallucination ou à un effet de la pénombre qu’autre chose.

    Seul.

    Savoir est de nouveau sur la place du temple qu’il a quitté il y a une trentaine de secondes, le Démon de la Connaissance profite de ce moment de quiétude pour évaluer pleinement l’étendue des dégâts corporels que lui a valu son affrontement avec Louise. La plupart des tissus superficiels sont brûlés, un de ses yeux est sévèrement endommagé, parcouru par une balafre transversale de laquelle s’écoule un filin continu de sang, tandis qu’un de ses genoux est inutilisable. L’articulation osseuse est broyée, et même en forçant les muscles autour à s’animer via l’impulsion démoniaque, elle demande trop d’effort pour être capable de supporter son poids. Ne trouvant pas d’intérêt à rester debout tant qu’il n’y a aucun témoin à proximité, la créature pluri-millénaire rampe jusqu’au cadavre que Louise lui avait instruit d’acheminer à Mael. Déposant ses serres décharnées sur la gorge sanguinolente du corps sans vie, il canalise de nouveau sa mana pour une téléportation de plus en direction de la ville rescapée. Il laisse enfin les ruines de Jiroquai derrière lui, peut-être viendront-ils un jour avec les Veilleurs ou le nouveau peuple d’un Shoumeï reconstruit pour bâtir quelque chose en ces lieux, ou peut-être échoueront-ils dans leur quête et le silence restera le maître de cette plaine pendant des milliers d’années, mais une chose est sure, les évènements qui se sont déroulés ici marqueront le début d’une nouvelle histoire.

    Savoir se rematérialise à plusieurs dizaines de lieues de Mael, gisant sur le sol avec le corps dans ses griffes, l’attention de Comp se porte d’abord sur l’horizon au nord vers l’annexe reikoise avant de revenir vers le cadavre. Le Démon reste immobile, allongé au sol. Les plaines dévastées s’étendent à perte de vue, vallonnées par quelques craquelures dans le relief ou par des collines désertiques et nues. Seul le vent brise le silence quand il souffle pour emporter la poussière aride du sol triste, et au milieu de cette immensité stérile, Savoir, et le corps du reikois. Ni l’un ni l’autre ne sont réellement vivants, comme quoi que ce soit à Shoumeï…
    Les plaines ténébreuses sont soudainement illuminées par un éclat irradiant quand le cadavre de l’éclaireur se fait désintégrer par l’azsharien, partant rejoindre la poussière en une multitude de particules dorées qui contrastent avec la morne grisaille omniprésente, l’odeur de viande calcinée et de cuir brûlé remplis l’air et bientôt Savoir ne regarde plus que ses griffes vides. Ce que Louise lui avait demandé, c’était d’acheminer un morceau de viande jusqu’à Mael pour que les mortels puissent accomplir un rituel insignifiant, le corps de cet homme ne passerait pas pour un martyr, le Démon d’Azshary aurait sans doute du mal à convaincre la garde locale qu’il n’est pas l’auteur du meurtre ou qu’il vient en paix. Les Veilleurs n’y gagneraient aucune plus-value et risquent même de se mettre les autorités maelienne à dos, les réflexions de l’azsharien lui font se dire qu’il vaut mieux économiser le temps et les ressources dont il dispose à des fins plus fructueuses. Il se téléporte une fois de plus en direction de Mael, et la membrane protectrice réapparait en un crépitement électrique autour de Comp tandis qu’il fait appel à sa projection astrale pour chercher les terres environnantes en quête du Manoir de Boktor.




    En partant des Chutes des Cloches, Savoir se téléporte vers Sancta. Sur les trois derniers mois qu’il a passé à explorer les terres dévastées du Shoumeï, le Démon de la Connaissance aussi curieux soit-il n’a pas pénétré à l’intérieur des remparts de la ville sainte déchue. Entre la quête des plumes de pierres contre l’ange Siame, l’annihilation des groupuscules cultistes de l’extrême occident et ses deux excursions à Bénédictus sous couvert des pouvoirs protecteurs de Naa, il n’a pas eu le temps d’accorder d’attention plus au nord de l’ancien pays. La ville corrompue s’étend sous le regard attentif de Savoir qui s’est posté sur une des collines en marge de la cité, là où il peut obtenir le meilleur panorama possible sur les alentours des remparts. La concentration de monstres teintés par la magie titanide rien qu’en périphérie de la ville est déjà ahurissante, l’oeil soucieux d’Éva se défragmente pour agrandir sa portée focale et observe religieusement l’entrée sud de Sancta à la recherche d’une ouverture. Si elle peut inspecter la cité sans trop de problème via projections astrales, le sort canalisé rendra son enveloppe charnelle vulnérable le temps d’effectuer sa reconnaissance des lieux, sans parler que le nombre massif de silhouettes claudicantes et d’aberrations chimériques qui hantent les environs empêche Savoir de pouvoir se téléporter directement à l’intérieur de la cité.

    La Juge détourne son attention des remparts en ruine pour vérifier que son entourage immédiat est libre, avant de profiter de l’espace dont elle dispose pour effectuer une première projection. Un oeil géant se forme dans le ciel sanctois, irradiant d’une présence azurée les nuages d’ordinaire colériques qui couvrent la cité, la pupille astrale d’Éva s’abaisse des altitudes pour plonger son coeur noir sur les dédales de ruelles détruites et les routes de pavés descellés. La désolation est omniprésente, les toitures endommagées sont pour la plupart éventrées, les allées sont majoritairement impraticables du fait des gravats qui dégorgent des murs des maisons, jonchant le sol et recouvrant les parterres de fleurs jadis magnifiques d’une couche de pierres et de poussières. Les clochers encore debout sont rares, trônant tristement au milieu de ceux abattus par les forces des Titans, des décombres des temples et des dômes effondrés dont l’or est aussi terne que l’histoire de la nation. Éva maintient quelques secondes de plus son apparition dans les cieux, afin de guetter les mouvements aux alentours de ce qu’elle identifie comme possible point d’arrivée, et sans manquer, la présence de l’optique céleste provoque une commotion dans les ruines de sancta au bout de quelques instants. Une foule de masses noires grouillantes se faufilent d’entre les ombres des ruines et rampent sous les gravats, s’accumulant comme des rats devant de la nourriture sous l’épicentre de l’oeil de la Juge.

    Révoquant la projection astrale pour revenir sur elle même, Éva reprend connaissance dans le globe oculaire bien en chair qui trône au dessus de son corps et elle déplie les serres de son membre droit, prête à agir. Un instant de canalisation plus tard, l’azsharien disparaît des hauteurs de la colline pour réapparaître en haut d’un des beffrois rescapés, regardant en contrebas tandis que la masse d’ombres au sol se propage à travers les ruines pour tenter de remonter le long de la tour, avides, voraces. La Juge déchaîne un barrage carreaux lumineux en direction des entités éthérées qui se faufilent dans les recoins des bas-reliefs, et éclaire au passage la véritable nature de la menace: des silhouettes ombrales dépossédées de volume, comme projetées sur les surfaces sur lesquelles elles évoluent, ces monstres en deux dimensions gravissent le beffroi à une vitesse vertigineuse avant de disparaître sous l’approche des projectiles arcaniques, dissipés par la présence de la lumière démoniaque.

    ”La concentration de la corruption atteint son paroxysme en ces lieux, Sancta, Bénédictus, les villes sont les épicentres de la maladie qui ronge ces terres. Il est temps de les purger.”

    La voix maternelle de la Juge retentit et pourtant, elle ne joint pas le geste à la parole. Sa dernière phrase est simplement une constatation plus qu’un sous-entendu de ce qu’elle s’apprête à faire, car déjà elle peut voir d’autres créatures toutes aussi étranges que les premières s’ameuter près du beffroi où Savoir est perché, et elle sait qu’elle épuisera ses réserves avant même d’avoir la moindre seconde de répit. Frapper et bouger. C’est comme ça qu’elle va explorer Sancta. Un instant plus tard, les sangliers déformés qui attaquaient la pierre à la base du beffroi en utilisant leurs défenses détachées, empoignées dans des parodies de mains qui poussent depuis leurs flancs pour faire s’effondrer l’édifice, remarquent que la proie qu’ils essayaient de déloger de là haut a finit par se volatiliser. Savoir regarde maintenant le calme trop étrange qui règne sur une ancienne place de bains publiques, alors que dans le silence morbide et absolu qui l’entoure, les morceaux de piliers et des colonnes de soutènement se mettent à léviter. La Juge ne prend pas la peine d’identifier ou de combattre la menace que déjà, elle commence une nouvelle téléportation, et c’est alors qu’un visage humain se forme dans l’agencement des débris flottants avec une expression colérique, que Savoir disparaît de nouveau pour se matérialiser sur le toit encore debout d’un imposant bâtiment de la cité. Son arrivée subite sur le toit provoque l’envolée d’une nuée de minuscules monstres aux traits parodiant à mi-chemin l’insecte et l’oiseau qui avaient élu domicile là, et l’essaim morbide commence à tourbillonner en vrombissant gravement autour du Démon. La Juge concentre la lumière ambiante en la rassemblant au sein de sa pupille, assombrissant momentanément l’intérieur du dôme de nuisibles, avant de relâcher les rayons amplifiés depuis son iris en une sphère croissante. Le son crissant des bestioles qui se font frire instantanément est bientôt suivi par la cavalcade de leurs cadavres qui s’abattent les uns après les autres sur le sol, tandis que la Juge profite de ce court laps de temps pour s’attarder sur les environs en quête de sa recherche.

    L’imposante bâtisse, ou plutôt ce qu’il en reste, sur laquelle Savoir s’est matérialisé possède encore un toit plus ou moins entier par un miracle incertain, les pattes racinaires de l’entité pluri-millénaire viennent racler les tuiles en en délogeant certaines au passage, agrippant les rebords des ardoises pour stabiliser la progression d’Éva sur la toiture. Il continue d’avancer jusqu’à un des gouffres dans le dallage orangé des tuiles, donnant sur des poutres déchirées dont les morceaux manquants reposent en vrac à une demi-douzaine de mètres plus bas, enfoncés dans les carrelages marmoréens brisés et à moitié enfouis dans les montagnes de poussières. Éva a tout juste le temps de voir un groupe de harpies grossièrement déformées aux cortex frontaux atrophiés fondre sur elle avant de se jeter dans le trou et de se réceptionner en bas, usant de ses jambes fragmentées pour amortir la chute malgré le craquement maladif de certains de ses appendices postérieurs. Par précaution, Savoir scanne la pièce dans laquelle il vient d’entrer avant d’aller plus loin, l’oeil azuré concentre sa mana tandis que les particules dorées de son iris irradient sous la forme d’une collerette luminescente, et de son globe oculaire, la Juge fait jaillir une grille de lumière qui parcours la salle dans son intégralité, quadrillant le moindre recoin pour rapporter à Savoir l’absence de menace… du moins l’absence de signes vitaux. Le Démon continue d’avancer en traînant les griffes rompues sur le marbre, profitant de l’accalmie pour mieux saisir l’endroit où il se trouve. D’après les quelques vestiges de mobilier encore distinguables dans les décombres, le bâtiment possédait un rôle administratif ou archiviste, ce qui signifie qu’il trouvera peut-être ce qu’il cherche, la Juge peut sentir la conscience de Ra être légèrement stimulée par la présence de dossiers et de livres reliés encore relativement intacts, grisonnants de poussière et parfois mangés par l’humidité ou les mites. Savoir continue de progresser à la recherche des niveaux inférieurs du bâtiment, mais la cage d’escalier qu’il parvient à localiser est bouchée par un effondrement.

    Sans avoir plus de choix, l’entité poly-oculaire se tourne vers le centre du couloir dans lequel il se tient et appose sa main humanoïde contre le marbre défoncé, invoquant un cercle de lumière incandescent qui flotte à une dizaine de centimètres de hauteur, avant de le propulser d’un seul coup vers le bas, sectionnant un large disque dans le sol pour révéler successivement les étages inférieurs jusqu’aux fondations. Savoir se tient un instant juché au bord de la bouche nouvellement crée, attendant de voir si son pouvoir a réveillé une quelconque présence. Juste au moment où l’azsharien se décide enfin à bouger pour continuer vers les étages inférieurs, un bruit arrête son mouvement et il se rassoit immédiatement sur le rebord. Au fond des perçages concentriques, la pupille de la Juge trésaille en remarquant les fins filaments longilignes qui découpent l’espace de ce qui semble être le rez-de-chaussée ou le sous-sols, les disques de pierres découpés reposent sur le sol en contrebas, les pourtours encore rougeoyant éclairent légèrement les alentours et révèlent par leur reflet la présence ésotérique des sortes de câbles tendus. L’épithélium d’Éva se désassemble une fois de plus pour observer plus méticuleusement un des filins vu d’en haut, et elle s’aperçoit que ce qu’elle a initialement pris pour un câble est en réalité un segment composé de particules organiques en suspension, adoptant une forme rectiligne surnaturelle. Les ‘câbles’ sont éparses, fusant dans des directions disparates sans origine distincte depuis le perchoir de Savoir. La Juge continue d’observer patiemment, le bruit qu’elle a entendu tantôt se révèle être la décomposition des disques de pierre qui se désagrègent étrangement en poussière, rejoignant l’océan de grains sablonneux sur le sol de la salle du fond. Le Démon de la Connaissance lève son bras droit au dessus du premier gouffre et rétracte ses serres chitineuses pour former en leur centre une petite balle de lumière, avant de la laisser tomber quand la magie s’est suffisamment concentrée. La bille lumineuse chute en ligne droite à travers les orifices, descendant les étages jusqu’à atteindre la dernière salle où au contact du tas de poussière elle explose avec un souffle irradiant dans la pièce.

    Éva attend sagement que sa propre attaque se dissipe avant d’observer de nouveau, satisfaite par l’absence des particules mystérieuses dont la nature précise lui échappe toujours mais la menace est levée et c’est ce qui compte pour la Juge. Elle entame enfin la descente verticale à travers les étages et atteint une salle d’archivage sur le chemin, où des dizaines d’imposantes armoires de rayons préservent encore les livres qui y étaient stockés. Personne pour les déranger, trop dangereux à piller, Savoir sent cette fois l’ouverture sans sommation de Ra sur un autre de ses globes oculaires tandis que les ouvrages reliés commencent à trembler dans les étagères.

    ”La quan-”
    ”Le sablier du temps compte les graines de notre survie Ra.”
    ”Juste un petit peu alors?”
    ”Non.”

    Silencieusement dépité par le refus de la Juge de rester ici plus longtemps, l’oeil hypermnésique opère dans le mutisme total pour extraire les bouquins des étagères par télékinésie. Les livres se secouent pour s’ôter de leurs poussière, dépliant lentement leurs pages avant de passer devant les multiples autres iris de Ra qui prennent naissances sur les organes libres de Savoir, et les yeux verdâtres commencent à parcourir les livres à la recherche de titres potentiellement intéressants. Les ouvrages disqualifiés reviennent tout seuls se ranger dans les emplacements vides avant que d’autres ne surgissent de leur place, et pendant quelques minutes, le Démon se repaît avidement du florilège d’informations qu’il découvre jusqu’à ce qu’un bruit sourd de rugissement ne lui parvienne de l’aile ouest de la salle d’archive.

    ”Ra!”

    Savoir brandit son bras elfique en direction du cadre de porte démolit et rassemble à la va-vite les éléments effondrés qui le composaient, repositionnant les deux lourdes portes de chêne à leur place, la Juge manifeste de nouveau sa mana pour matérialiser des renforts de lumière qui viennent soutenir le tout. Un grand coup puissant retentit dans le bâtiment alors que quelque chose frappe le mur de l’autre côté de la barricade, Savoir concentre ses arcanes sur le mur pour lui faire tenir bon, mais la construction déjà croulante menace de lâcher à tout moment. Pendant qu’elle s’adonne à la fortification bancale de la cloison, Ra accélère la cadence, ne prenant même plus la peine d’ouvrir les livres tant que leurs intitulés ne sonnent pas favorablement à l’objet de sa quête, jusqu’à enfin tomber sur:

    ”Topologie géographique des sous-sols et répertoi… C’est ça.”

    Le mur explose en lambeaux alors qu’une abomination défonce la paroi comme du papier en s'engouffrant dans la pièce, une presse métallurgique massive de cinq mètres de haut, corrompue par la magie des Titans pour lui donner une parodie de vie, se déplace sur une foule de bras spectraux protubérant depuis la base de l’installation, alors que la masse de frappe de la forge claque contre l’enclume avec force pour exprimer la haine de l’instrument possédé. Lorsqu’elle déboule comme un scolopendre en se déplaçant sur la masse de membres antérieurs qui s’écrasent tous mutuellement, et qu’elle arrive dans la salle d’archive, la presse trouve les étagères proprement rangées à l’exception de quelques ouvrages tombés à terre, et nulle trace de la présence à forte mana qui l’avait instinctivement attiré ici.

    Savoir, loin du cauchemar de Sancta, marche lentement en direction du sud avec un unique livre à la main, celui qui recueille les emplacements des galeries minières les plus récentes de Shoumeï. Ses serres agrippent les première et quatrième de couverture tandis qu’il tourne les pages du répertoire de sa main libre, la Juge renfermée à l’intérieur de sa paupière protectrice tandis que seul demeure une unique incarnation de Ra.

    ”Il y a plusieurs sources de Xirang théorisées dans les montagnes de Célestia, leurs emplacements ne sont pas confirmés, mais les pistes sont explorables… Nous devons en informer Louise.”

    Aussitôt qu’il avait prononcé sa phrase, il avait de nouveau disparu.
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    Louise Aubépine
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    qui suis-je ?:
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  • Sam 21 Sep - 13:13
    Démoniaques philosophies

    Louise fixait ses poings posés sur ses genoux. Les mots du démon effritaient son optimisme débordant. Ils n’étaient pas particulièrement blessants, mais surtout percutants de vérités. Il n’était jamais bon de trop s’empresser et de voir les choses trop en grand.

    Selon Valérie Piochebois, philosophe ayant beaucoup contribué au développement personnel, il était important de savoir balayer devant sa porte avant de partir gravir le mont Kazan. La comparaison était certes un peu étrange, mais après tout, cette femme n’avait jamais réellement percée pour une bonne raison. Louise pensa à le dire à haute voix, mais elle n’en avait pas le cœur à en rire.

    Rapidement, des larmes perlèrent ses yeux qu’elle essuya de ses deux mains.

    —Ca me frustre beaucoup de l’admettre mais vous avez raison, commença-t-elle avant de renifler un peu et de relever la tête. Toutefois, je pense qu’il est tout de même bon d’avoir en tête une direction globale. Si ce n’est pour nous, au moins pour ceux qui croient en nous. Nous devons leur promettre de quoi s’accrocher. Je sais bien qu’il y a tant à faire et que je souhaite m’éparpiller je… j’aimerai pouvoir être partout à la fois. Mais je ne peux pas. C’est pour ça qu’il nous faut des alliés. Dactyle et moi ne pouvons être garante ad vitam de la sûreté du camp et vous êtes trop important pour que nous vous campions en tant que simple garde. Mais… vous avez raison une fois de plus. Et c’est vraiment frustrant. Tu as pratiquement toujours raison même ! Un jour je ferais en sorte que tu te trompes et tu verras à quel point c’est désagréable.

    Elle esquissa un sourire avant de retrouver son sérieux. Les mots de Savoir, autant négatifs et durs qu’ils étaient, portaient en eux une flamme d’espoir pure.

    —Nous ferons des veilleurs une force suffisamment impactante pour forcer le Reike à nous reconnaître. Soyez en sûr. Un bras assuré et un ventre bien nourri seront les clés de notre succès. Une fois de plus, je m’en remets à toi. Si tu penses que nous pourrions copier la magie elfique… alors je dis que nous devrions tenter ce pari. Tu t’y connais suffisamment en magie pour rendre ça possible et je ne suis pas spécialement bête sur le sujet non plus. J’attendrai ton retour, Savoir. J’avancerai sur d’autre plans visant à notre félicité d’ici là. Nous pourrons parler de stratégie et d’alliance avec les grandes nations une fois les estomacs de nos alliés remplis. Toutefois, je continue de penser qu’il nous faut un lieu ou vivre. Un lieu où installer la magie des elfes. Je me charge de trouver notre havre de paix. Toi, tu t'occupes de la magie elfique.

    Elle ne dit rien sur Dactyle qui visiblement était au courant de tout ce qu’avait prévu Savoir. Plutôt que d’en vouloir à son amie, elle se sentit honorée par cette dernière. Si Dactyle n’avait pas utilisé de sa lame pour stopper le démon de la connaissance avant qu’il ne mette ses plans à exécutions, cela ne pouvait signifier qu’une seule chose. Elle avait choisi de croire. De faire confiance en sa cheffe pour faire face aux machinations de l’azsharien.

    Elle avait quitté le camp en tant que veilleuse vacillante. Elle y reviendrait en tant que flambeau d’espoir. Elle se saisit de ce que lui tendait Savoir afin de faire le voyage retour.
    Ce dernier lui confia qu’il reviendrait plus tard.

    —Fais attention à toi d’acc- Elle n’eut point le temps de terminer sa phrase que son interlocuteur avait déjà disparu. C’est pas encore ça, le savoir-vivre.

    Elle haussa des épaules avec un petit sourire avant d’aller se laisser tomber dans sa couche. Elle n’avait certes pas besoin de dormir, mais elle avait besoin de récupérer. Dès demain, elle se mettrait corps et âmes dans ses nouveaux objectifs.

    [...]


    Assise devant un simple feu de camp en pleine forêt, la chevalière fixait l’homme qui l’avait accompagné dans ses repérages. Hubert Hauvent, ancien fanatique converti ayant tout d’abord rejoint les rangs de l’élémentaire de foudre avant de se lier aux veilleurs. Ce dernier tentait de faire en sorte que le feu ne s’épuise pas en en remuant les fondations avec le bout d’une branche. Seule source de lumière pour les aventuriers privés des étoiles du ciel nocturne, ce feu salvateur ne devait s’épuiser sous aucun prétexte.

    Louise avait produit un dôme de ténèbres autour d’eux, empêchant uniquement la lumière de passer, pour éviter que la lumière du feu de camp ne soit observée par des individus tiers. Et bien qu’il était triste de ne pas pouvoir observer les astres, il s’agissait là d’un maigre sacrifice en comparaison avec la sécurité apportée. Une lueur cachée dans les ténèbres.
    Finalement, la démone leva un doigt pour produire une faible gerbe de flamme afin d’alimenter ce dernier.

    —Vous êtes plus confiante envers vos capacités, remarqua le chevalier en lâchant sa branche avec un sourire. C’est une bonne chose.

    —Exact, répondit la tête des veilleurs en hochant de la tête. Je le dois à Savoir. Plus qu’entraîner mes capacités, il m’a ouvert les yeux sur de nombreux points que je m’efforçais d’ignorer et a balayé de nombreuses peurs insensées qui m’enchainaient à l’inaction. Ce qu’il a fait pour moi, quelles que soient les raisons qui l’y ont poussé, car je comprends bien qu’il ne l’a pas fait par simple bonté d’âme, a été des plus salvateurs.

    —Oui, vous m’en aviez parlé brièvement. Des histoires de démons et de qui vous étiez véritablement. Vous pouvez bien prendre le nom que vous voulez tant que vous continuez l’effort de guerre. Cela dit, je dois admettre ne pas apprécier particulièrement votre ami composé de corps en décomposition.

    —Je ne suis pas foncièrement différente de celle que j’étais hier vous savez ? rétorqua la femme aux cheveux de paille non sans un rire. Continuez de m’appeler Louise, ça me va très bien. (Elle marqua une pause puis ajouta avec un air un poil plus sombre sur le visage.) Vous avez raison de vous méfier de Savoir. Je suis incapable de douter complètement de lui, car je le vois comme un ami, bien que l’inverse ne soit pas forcément vrai. Mais je ne suis pas dupe au point d’affirmer qu’il nous accompagnera sauver la veuve et l’orphelin par grandeur d’âme. Les démons sont d’étranges créatures, ils sont mues par une envie, une pulsion, un sentiment intrinsèque les poussant à agir. Je veux croire de tout coeur que Savoir finira par se ranger de notre côté en tant que véritable ami, et non pas simplement parce que nos objectifs coïncident avec le destin vers lequel il souhaite tendre. Mais… (Elle baissa la tête. Fixant le feu.) Je refuse de tout miser sur ce qui pourrait être une erreur de jugement. Pas encore une fois. Je compte sur vous, Hubert. Doutez. Questionnez. Observez. Et si jamais je venais à faire une erreur, ou que ma bonne volonté m’empêche de discerner les ténèbres cachées au sein de quelqu’un, je veux que vous soyez présent pour m’en alerter. Vous, comme Dactyle ou comme chaque veilleur. Je place ma confiance en vous pour sonder à ma place le malin dont je serais incapable de déceller derrière les masques de nos amis Restez donc aux affuts. Pour l’heure il est de notre côté, mais je refuse de tout perdre par excès de confiance.

    —Ça me va. De toute manière, je n’aimais pas son ton et ses timbres de voix. (Il se tût en relevant la tête pour croiser le regard de sa supérieure.) Quant à vous ? Dois-je m’inquiéter ce que vous êtes ?

    Louise laissa quelques secondes de suspens avant de rompre le silence de nouveau.
    —J’aimerai vous dire que non, Hubert. Contrairement à Savoir, j’ai la chance de ressentir les sentiments telle une véritable humaine. Ou de les émuler, je n’ai pas de réponse exacte. Néanmoins, je tiens vraiment aux veilleurs et aux promesses que j’ai pu faire. Je ne sais pas de quoi demain sera fait demain. Si je venais à faillir, je compterais sur vous pour reprendre le flambeau. Car je sais que la véritable force ne repose pas en quelques individus. Mais bien dans les cœurs de tout un groupe battant à l’unisson. Je ne suis pas parfaite. Je ferais des erreurs, c’est une certitude. Et quand ce jour arrivera, il faudra que vous me remettiez sur le droit chemin. Nous comblons les faiblesses de nos pairs.

    —Étrangement, j’ai beaucoup plus de facilité à vous accorder ma confiance qu’à lui. (Il esquissa un sourire espiègle.) Faut dire que la bouche qu’il a sur l’épaule ne joue pas en sa faveur.

    Les deux échangèrent un regard complice avant d’éclater d’un rire commun. Un soupçon de félicité dans un océan de ténèbres. Bien vite, les deux interlocuteurs retrouvèrent leur sérieux. Il était temps de parler de la raison de leur présence ici, loin de leur campement.

    —Nous devrions arriver à destination demain matin. Peu après l’aube. Je vais dormir six heures et nous pourrons repartir.

    La démone hocha du chef.
    —Je veillerai pendant que vous vous reposez. Demain, il faudra que vous soyez à l'affût. Les éclaireurs ne se sont jamais approchés aussi près de notre destination.

    Après tout, elle n’avait pas besoin de dormir. Autant en profiter.

    —J’y pensais, Louise. Mais… durant nos dernières heures de marche, nous n’avons aperçu que de la terre morte et de la végétation corrompue par la maladie. Vous voyez ou je veux en venir n’est-ce pas ? Même si nous récupérons un lieu avec des ruines et un véritable toit, ça ne changera rien à notre problème principal. Nous n’avons aucune vivre, aucune ressource. Ca ne reste qu’une solution temporaire.

    —Je sais, grimaça l’Aubépine. Nous nous occuperons de ce détail plus tard. Chaque chose en son temps, si nous nous laissons aller à la panique et que nous dispersons nos efforts, nous n'avancerons jamais. D’autant plus que faire bouger notre camp, montrer qu’il y a du mieux, servira également à faire revivre l’espoir qui commençait à s’effriter chez quelques uns.

    —L’espoir ne nourrit pas les bouches affamées.

    —Il est vrai. Toutefois, il peut leur donner la force de tenir un peu plus longtemps. Or, tout ce dont nous avons besoin, c’est de temps pour mettre en place des solutions. De plus, les choses ont changé, nous avons une entité au savoir presque infini de notre côté. (Elle hausse un peu le ton pour couper son allié qui allait renchérir.) Je sais que c’est dangereux de trop se reposer sur lui, vous m’avez déjà expliqué vos raisons. Mais pour l’heure, le risque est inférieur au gain potentiel de notre alliance avec lui. Écoutez Hubert. D’abord nous nous occupons d’avoir de véritables murs et toits ainsi qu’un point facilement défendable. Ensuite, notre priorité sera de trouver des vivres. Je vous en fait la promesse, nous trouverons une solution. Que ce soit par l’import ou autrement. Nous finirons bien par refaire naître la vie en Shoumei.

    —Je vous fais confiance, mais j’espère quand même que vous savez ce que vous faites. C’est un sacré pari.

    —Il n’est pas juste question de pari. Le premier pas sera toujours le plus difficile. Je sais que le futur peut se montrer terrifiant mais nous devons l’affronter. Nous ne nous laisserons pas défaire sans combattre. Si nous stagnons, à jamais sur la défensive, nous ne renverserons jamais le cours des choses.

    Le chevalier ne répondit pas immédiatement. Tendant l’oreille sur une branche qui venait de craquer avant d’entendre un animal détalé, sans doute effrayé en traversant le dôme de magie qu’il ne comprenait pas. Une fausse alerte. Il relâcha la main qu’il avait posée sur la poignée de sa lame.

    —Je le sais bien, répondit-il finalement. La situation incertaine me frustre simplement. J’aimerai brûler les étapes, mais ce n’est pas réellement possible n’est-ce pas ? Quoi qu’il en soit, je n’aurai pas dû douter ainsi.

    Louise lui offrit un sourire réconfortant.
    —Bien au contraire. Ne vous l’ai-je pas dit plus tôt ? Il est sain de douter. Les veilleurs ne sont pas simplement un ordre devant m’obéir au doigt et à l'œil. Plus qu’un ordre, nous sommes une volonté de bien faire, poussant le monde sur le bon chemin. Je suis ouverte à toute proposition si vous pensez que je me trompe de chemin. (Elle fixa le feu quelques instants avant d’ajouter.) Vous devriez aller vous reposer. Demain ne sera pas de tout repos. Nous venons certes en éclaireurs, il n’est pas improbable que nous ayons à nous défendre. Dormez, Hubert. Je me charge de garder l’oeil ouvert.

    Il hocha du chef en répondant à son tour avec un léger sourire avant que sa cheffe ne fasse terre le feu en l’aspergeant d’un peu d’eau. Coupant le dôme de ténèbres, elle se posa en tailleurs avant de créer plusieures fines lignes d’ombres aux alentours. Pouvant l’avertir si quelqu’un venait à les traverser.

    Puis elle attendit le lever du jour, attrapant une couverture pour rester à l’abri du froid nocturne.

    [...]


    Les deux veilleurs parcouraient les champs dépéris sur leurs montures. D’une démarche lente, les chevaux ne semblaient guère sereins. Hubert leva une main pour faire signe à la démone de se stopper, ce qu’elle fit sans hésitation. Il était un bien meilleur dresseur qu’elle.

    —Nous continuerons à pied, décréta-t-il en descendant de sa monture. Je ne sais pas quel mal est à l'œuvre, mais les bêtes risquent de prendre peur ou de paniquer au mauvais moment. Je les rappellerai en sifflant lorsque nous serons sur le retour.

    Louise se laissa glisser de sa selle avant d’observer son partenaire mettre une tape sur l’arrière des chevaux pour les enjoindre à se mettre à l’abri, plus loin d’ici.

    —Nous y sommes. Il n’y a plus de retour arrière. Tu es sûre que le village se trouve ici ?

    —Exact. Un peu plus loin. Vois-tu  la sorte de lisière de bois mort là-bas ? Nous devrions trouver notre destination derrière cette dernière. Gardez une main sur votre arme, nous ne savons pas ce qui nous attend. Et n’oubliez pas. Nous venons prendre des informations, pas jouer aux héros. On repère les lieux et on se retire. Avec un peu de chance, nous ne trouverons pas de cultistes ou pire encore.

    Le chevalier hocha du chef et vérifia les lanières de son bouclier avant de poser un doigt sur le manche de son épée.

    —Je vous suis, déclara-t-il d’un ton abrupt.

    Tous deux savaient qu’il n’était plus le lieu ou le moment des discours et sourire réconfortants. Ici, leurs vies étaient en jeu et ils avaient pleinement connaissance de la chose.
    Louise hocha du chef rapidement avant d’entamer une longue marche en direction de la lisière de bois mort. Le ciel gris, rempli de nuage, peinait à laisser passer le moindre rayon de soleil. Laissant un sentiment étouffant sur cette terre grise et sans vie. L’air était étouffant, lourd, si bien que la démone s’essuya le front qui perlait de quelques gouttes de sueurs d’un revers de la manche.
    Le calme régnait en maître, seuls les pas des deux veilleurs en armure venaient briser ce silence absolu. Le sol, recouvert de poussière et de craquelure, semblait ne pas avoir été abreuvé en eau depuis des lustres. Chose étonnante car un point d’eau se trouvait non loin d’ici.

    Louise leva la tête pour observer les nuages gris. A bien y observer, ces derniers semblaient plus être de l'accumulation de poussières que de véritables nuages.

    —Je pense qu’ils ne produisent aucune pluie, dit alors Hubert qui en venait à la même conclusion que sa meneuse.

    —Ce n’est pas naturel, répondit la démone en continuant sa marche. Quelque chose ici joue avec les conditions météorologiques. Il nous faudra trouver un moyen de le stopper, que ce soit une magie ancienne ou une créature, si nous voulons espérer un jour que la vie fleurisse à nouveau. Mais je ne m’attendais pas à ce que le sol soit en si mauvais état. Nous ne ferons rien repousser ici avant un bon moment. A moins que nous n’y mettions un coup de pouce.

    —Et vous avez une idée derrière la tête ?

    —Pas encore. Mais la magie me surprend un peu plus chaque jour. Si quelque chose a pu être défait, il peut être réparé. Nous trouverons. Continuons.

    Il se remirent en route afin d'arriver à la lisière suite à quelques minutes de marche supplémentaires. La lisière de bois mort s’avera être un mur infranchissable de larges ronces épineuses. Ces dernières bougeaient lentement, comme si elles respiraient. D’un commun accord, les deux voyageurs entamèrent d’inspecter les alentours afin de trouver un endroit où ces dernières se feraient moindre ou plus fragiles. Malheureusement, ils furent forcés de se rendre à l’évidence : ils n’entreraient pas au sein du village si facilement.

    Les bras croisés, les veilleurs fixaient le mur qui les empêchaient de mener leur mission à bien.

    —Peut-être pourrait-on tenter de les escalader ? Ou de venir en volant ? Je me demande si c’est un simple mur ou si elles sont disposées en dôme.

    Elle approcha sa main pour tenter de grimper et avant que le chevalier n’eût le temps de lui expliquer qu’il s’agissait d’une mauvaise idée, quelques ronces se mirent en mouvement. Elles s’écartèrent afin d’en laisser sortir des plus fines, en métal noir qui vinrent s’enrouler autour du bras de Louise qui grimaça en sentant les épines transpercer son armure et sa chaire.

    Hubert jura. Il dégaina sa lame d’acier pour venir tenter de trancher les ronces qui sortaient de plus en plus. Malheureusement son épée glissa sur les ronces de métal. Il attrapa sa cheffe par la taille avant de la tirer d’un coup sec, l’éloignant du mur. Les ronces métalliques lui déchirèrent alors l’armure au niveau de ce dernier, lui laissant de belles traces sur tout l’avant bras. Les armes de métal restèrent levées un temps avant de se rétracter lentement, disparaissant au sein de la lisière.

    —Est-ce qu’on pourrait éviter ce genre de chose sans prévenir l’autre s’il vous plait ?

    —Désolée, grimaça la blessée, une main sur son avant bras. Je ne m’attendais pas à ce que ça réagisse si rapidement et avec autant de violence. Heureusement que vous étiez là.

    Hubert sortit de sa sacoche quelques bandages qu’il laissa tomber sur les genoux de Louise.

    —Pansez vos blessures, lui dit-il en gardant ses yeux rivés sur le mur de ronces.

    Louise s’exécuta en grimaçant. La douleur n’était pas plaisante, mais le fait d’avoir fait une erreur de jugement l’était encore moins. Puis elle se releva, ouvrant et fermant plusieurs fois sa main blessée.

    —La blessure n’est pas profonde, expliqua-t-elle pour rassurer son binôme. Je survivrai.

    —Tant mieux. Nous devons encore trouver un moyen d’entrer. Les armes classiques sont inefficaces sur les ronces de métal. Peut-être pouvez vous faire quelque chose avec votre magie ?

    —Je vais tenter. Reculons un peu.

    Les deux s’écartèrent de quelques pas supplémentaires. Dans un premier temps, Louise leva sa main valide en direction du mur de ronces avant d’y produire une série de sphères enflammées qui vinrent se heurter au bois mort sans le moindre effet notable.

    —Ce n’est pas du bois naturel, remarqua tout haut Louise qui s’attendait à le voir prendre feu.

    —Je ne l’aurai jamais deviné seul, répondit son ami avec un léger ton sarcastique.

    —Méchant. Au lieu de te moquer, reste bien derrière moi. Je vais libérer une décharge magique plus importante.

    —Je n’y connais vraiment rien en magie, c’est trop obscur pour moi. Je m’en remets à vous.

    —Dangshuan lui-même, plus grand mage de tous les temps, disait que la magie n’était qu’une science dont l’on avait pas encore percé tous les secrets. C’est ainsi qu’il faut continuer de pousser la magie dans tous ses retranchements afin de la comprendre au mieux.

    —Alors, c’est très intéressant et je vous apprécie beaucoup, Louise. Mais ne refaites plus jamais ça.

    —Désolée… répondit cette dernière avec un sourire amusé. Bref, je me lance.

    Elle recouvrit ses mains d’ombregivre, accumulant la magie autour de ces dernières. Fléchissant doucement sur ses appuis, elle joignit ses mains d’un seul coup. Produisant un rayon condensé de ténèbres glacées dévorantes, desquelles plusieurs gueules dentées sortaient pour tenter de déchirer ce qu’elles rencontraient. Sous la puissance du déchainement magique, Louise glissa en arrière, les pieds toujours posés sur le sol. Hubert posa une main sur son épaule pour l’aider à se stabiliser.

    Les gueules se plantèrent dans les ronces. Commençant à les déchirer, à percer, à se faire un passage. Bien vite, les ronces de métal se montrèrent à nouveau, venant étouffer les gueules d’ombres pour les maintenir en place alors que les ronces de bois se refermèrent d’un coup sec, tranchant le rayon nettement. Les traces de morsure et de gel sur le bois commençaient déjà à se régénérer.

    Essoufflée, Louise posa un genou au sol pour reprendre sa respiration.

    —Je ne sais pas ce qui se cache derrière ce mur.  Mais ce ne sont pas nos petits cultistes habituels. Je comprends mieux pourquoi personne n’est jamais revenu d’ici et que l’endroit semble inconnu.

    —Quel est le plan alors ? On tente de creuser et passer par en dessous ? Il nous faudra plus de mains et du matériel. Peut-être devrions nous rebrousser chemin et trouver une autre base d’opération.

    —Non attends ! s’écria Louise qui refusait de baisser les bras. Il doit y avoir une solution. Il y a toujours une solution.

    Elle se posa à genoux pour fixer le mur en silence. Les poings serrés, posés sur ses jambes. Bien qu’il s’agissait d’une opération visant à aider les veilleurs, la démone s’était garder de dire que ce village détenait pour elle une symbolique toute particulière. Elle y avait passé ses premiers jours après s’être incarnée sous les traits de qui elle était aujourd’hui. Trop de souvenirs étaient gardés derrière ce mur impénétrable. Il se trouvait que par chance, le lieu était propice à bien des avantages dû à sa localisation afin d’en faire un bastion pour les veilleurs et elle avait donc pu avancer ces points pour expliquer l’importance de la prise de ce village sans montrer l’importance personnelle qu’elle avait pour ce lieu.

    Elle fermait les yeux devant le mur. Tentant de se concentrer sur l’élaboration d’un plan. Les ronces étaient de toute évidence magiques, n’importe qui aurait pu s’en rendre compte et semblaient posséder une régénération ainsi qu’une résistance accrue. Les premières faites de bois n’étaient qu’une façade. Le véritable danger se trouvait à l’intérieur. La jungle métallique ne laisserait personne la traverser vivant. Pouvaient-ils alors utiliser la magie de manière défensive ? Si quelqu’un ouvrait un trou suffisamment grand pour s’y engouffrer. Pourrait-elle utiliser toutes ses ressources afin de protéger Hubert ainsi qu'elle-même ? Ne sachant pas sur combien de mètres s’étendait la jungle métallique, elle décida de ne pas tenter de pari aussi risqué sans plus de preuves. Ces ronces avaient découpé son armure comme du petit bois, auraient-ils eu du matériel de qualité, peut-être auraient-ils tenté de s’y aventurer, mais là… à la vue de leurs équipements de seconde main, c’était une idée morte dans l'œuf.

    Ouvrant de nouveau les yeux, elle prit le temps d’inspecter le mur. Elle leva la main pour produire un rayon d’ombregivre au pied du mur, afin de creuser devant ce dernier, révélant que les ronces continuaient en s’enfonçant sous la terre. Louise renifla de mécontentement. Mais bien vite, elle se releva sur ses deux jambes.

    —Si les ronces continuent sous la surface du sol, il y a fort à parier qu’il ne s’agisse pas simplement d’un dôme comme nous le pensions, mais d’une sphère. La chose à l’intérieur veut s’assurer que rien n’y entre. Ou n’en sorte.

    —Il va bien falloir que nous y entrions pourtant.

    Elle hocha de la tête avant de la relever progressivement vers la mer de poussière qui avait envahi le ciel.

    —Les rayons du soleil peinent à passer… la poussière n’est pas d’ordre naturelle…

    Elle baissa la tête de nouveau sur le mur, puis sur l’écran opaque dans le ciel avant de retomber son regard sur les ronces.

    —Oh toi, je vais te faire payer pour mon bras. Il est l’heure de tester une nouvelle théorie !

    Elle posa sa main gauche sur le dessus de son bras droit avant de dessiner un cercle de lumière du bout des doigts de sa main droite. Restant en suspens dans les airs, elle le traversa de son bras et laissa le cercle se refermer sur ce dernier, illuminant la surface de son bras d’une lumière pure. Elle y concentra son énergie quelques instants avant de la relâcher en ouvrant la paume de sa main, projetant un trait de lumière intense en direction du mur de ronces.

    Plissant les yeux, la surprise vint prendre la place de l’expression déterminée teintée de vengeance qu’elle avait plus tôt. Non seulement la lumière semblait réduire en cendres les ronces, mais ces dernières s’écartaient à sa présence. Comme mues par une terreur qui leur était propre.

    La démone stoppa son incantation et les ronces revinrent lentement en place. Leur régénération se fît plus lente. Voulant tester sa théorie jusqu’au bout, Louise s’approcha du mur, levant une main qui s’illumina de lumière. De nouveau, les ronces se rétractèrent, ne pouvant supporter la lumière.

    Hochant de la tête, un sourire satisfait sur le coin des lèvres, la chevalière fit demi tour pour rejoindre son compagnon de route, coupant la lumière une fois une distance de sécurité établie avec le mur de ronces.

    —Bien vu, dit alors Hubert, le regard toujours posé sur les ronces agonisantes qui peinaient à guérir. J’imagine que vous allez me dire que la suite du plan est de pénétrer à travers la jungle de ronce, protégés par votre magie lumineuse ? Je n’aime vraiment pas l’idée. Mais je ne vois pas d’autre alternative donc…

    —Vous commencez à me connaître, répondit Louise avec un sourire. J’ai confiance en ma capacité de maintenir une lumière suffisamment puissante pour les empêcher d’approcher le temps que nous traversions l’amas roncier.

    —Pourquoi ne pas simplement prendre le temps de toutes les détruire ?

    —Comme nous l’avons vu, elles se reforment tout de même. Bien que le processus soit définitivement plus long, il n’est pas absent pour autant. Je ne sais pas combien de temps ça prendrait, je m’épuiserai sans doute plus que de raison et surtout, nous alerterions toutes les horreurs qui se trouvent potentiellement derrière la jungle roncière. Le but initial est de prendre des informations, de jeter un coup d'œil en somme. De plus, imaginons que j’ai véritablement le pouvoir de détruire la zone entière avant que nous ne soyons acculés par plus dangereux que des ronces, ce dont je doute, la raison principale de notre présence servira à ce que nous prenions cette place forte pour en faire notre quartier général. Nous devons éliminer la source du mal qui opère en ce lieu sans détruire les infrastructures. Les nuages de poussière, les ronces de métal, la vie absente de la terre, tout cela est dû à quelque chose à l’intérieur du village. C’est une mission d’assassinat que nous mènerons. Pas une guerre d’usure. On récupère les informations et je reviendrai ici avec Savoir. Je ne connais nulle personne qui maîtrise mieux la magie de lumière que lui. Nous ferons une percée et nous irons détruire la source de corruption de ce lieu. Si les ronces sont sensibles à la lumière, il y a fort à parier que la chose qui les infuse de mana l’est tout autant.

    —Je ne sais pas si votre ami monstrueux serait capable de réfréner ses envies de destruction. Il se dit des choses sur lui vous savez. Certains au camp parlent d’une bête de l’apocalypse qui n’apporte que malheur et destruction là où il passe. Certains ont… entendu des choses qui se seraient passées en territoire républicain. Qui nous dit qu’il saura se tenir ?

    —Il saura se tenir, le coupa Louise. Vous avez ma parole. Je ne permettrai pas que quiconque détruise encore un peu plus ce village.

    Hubert souleva un sourcil. Comprenant que le fameux village n’était pas qu’une simple place forte à récupérer. Louise ne lui avait pas tout dit. Néanmoins, il décida de ne pas rebondir dessus.

    —Je vous fais confiance alors. On peut entrer dans ce cauchemar quand vous serez prête.

    Louise baissa la tête, pensant un moment à s’excuser pour le ton sec. Elle décida finalement de reporter ses excuses à plus tard.

    —Ne perdons pas plus de temps. En avant.

    [...]

    Avançant côte à côte, les deux aventuriers étaient éclairés par la magie lumineuse provenant de la main gauche de Louise, main qu’elle maintenait en l’air telle une torche pour éclairer au mieux. Les ronces s’écartaient progressivement sur leur passage, repoussés par la lumière élémentaire. Une odeur âcre de corps en décompositions les forçait à retenir leurs souffles. Aucun ne semblait prêt à rompre le silence pesant qui régnait en maître au sein de l’obscurité.

    Puis, alors que rien ne semblait préparer à une telle chose, une tête monstrueuse s’approcha de la lumière de Louise. La tête semblait presque animale, couvertes de poils noirs et d’étranges défenses qui sortaient de la gueule. De larges yeux injectés de sang brillaient avec la lumière se reflétant en eux. La démone eut tout juste le temps de se rendre compte que la tête était accrochée à une sorte d’entité à la posture voutée, signifiant que le monstre était en réalité bien plus grand qu’il ne voulait bien le montrer et avant même qu’elle ne puisse crier, totalement effrayée par cette apparition, la bête souffla sur sa main. Coupant nette l’émanation de magie. Comme si elle avait soufflée sur une torche.
    Les deux se retrouvèrent dans le noir complet.


    La femme hurla alors sous le coup de l’effrayant surprise. Bien vite, elle sentit une liane métallique venir s’enrouler autour de sa cuisse alors qu’elle entendit son compagnon s’agiter pour tenter de repousser un problème similaire.

    Elle s’empressa de produire une nouvelle lumière plus intense que la première, repoussant les ronces. Et illuminant la créature grotesque qu’elle pu alors voir clairement. Un monstre humanoïde, proche du singe et du porc. Recouverts de poils noirs qui ne cachaient qu’à moitié les restes osseux qui sortaient péniblement de son dos.
    La bête l’attrapa par la main pour la soulever et l’écraser au sol derrière elle, l’éloignant d’Hubert qui eut juste le temps de se préparer à se protéger des ronces derrière son bouclier, les repoussant comme il le pouvait de son épée.

    Louise cracha du sang sous la puissance de l’impact, le souffle coupé, elle manqua de relâcher sa concentration, la lumière vacilla quelques instants. La démone leva une main vers la bête mais cette dernière la repoussa avec une vitesse effrayante. Un trait lumineux décolla de la main de Louise, éclatant en une gerbe d’étoiles qui explosèrent les unes après les autres, produisant une vive lumière dans la zone. Forçant la bête à se couvrir les yeux et les ronces à se rétracter un peu plus. La retombée de poussière lumineuse agissait telles des lucioles, continuant de leur apporter une lumière salvatrice. Louise leva son bouclier alors que la bête qui était sur elle, retrouvait la vue. La chevalière se cacha tant bien que mal derrière tandis que les premiers coups s’abattirent avec une sauvagerie rarement égalée. Le corps de Louise s’enfonçait peu à peu sous terre à cause de la puissance des impacts. Elle sentait son bouclier se fragiliser et son bras avait de plus en plus de mal à tenir bon. Ce ne fût que lorsqu’une griffe traversa finalement le métal séparant la bête de sa tête, qu’elle se mit à hurler pour sa vie.

    —Hubert ! Un coup de main ! Vite !

    L’homme se releva difficilement. Le corps recouvert de plusieurs écorchures. Il cracha  au sol le sang qui s’accumulait dans sa gorge avant d’empoigner sa lame à deux mains. Il s’élança vers la bête, bondissant par dessus une ronce rebelle qui tentait de l’entraver, retombant dans une glissade, se protégeant de son bouclier d’une nouvelle ronce avant de rouler, de prendre appui sur ses jambes pour se propulser sur le dos de la bête, lui plantant une bonne partie de sa lame dans l’épaule.

    La bête poussa un hurlement à glacer le sang. Relâchant Louise et commençant à se débattre. Une coup de griffe repoussa l’humain en arrière, brisant une bonne partie de son armure et l’empêchant de récupérer son épée. Louise se releva aussi vite que possible et concentra de nouveau sa lumière pour créer une orbe s’envolant au-dessus d’eux et illuminant les environs pour repousser les ronces. Elle tira sa lame et l’envoya à son compagnon qui en aurait, de toute évidence, plus utilité qu’elle. Ils hochèrent de la tête d’un commun accord. Il n’était pas question de laisser à la bête le temps de se remettre de la dernière attaque. Louise passa devant, lâchant son bouclier désormais inutile. De sa main gauche, elle produisit un flash lumineux devant elle, aveuglant le monstre. Et alors qu’elle s’approchait de la créature qui se débattait, elle fît apparaître une lame d’ombregivre dans son autre main pour lui porter un coup à la hanche. Le monstre hurla de nouveau, tentant d’attraper la cheffe des veilleurs qui avait déjà mis une distance de sécurité. Hubert arriva quelques secondes après le premier assaut, de sa lame, il trancha à vif la créature au niveau des tendons. La forçant à mettre un genou au sol par surprise.

    —Parfait, lâcha Louise en joignant ses mains.
    Une vive lumière commençait à en sortir alors qu’elle les posa d’un coup vif sur le sol. Deux larges chaînes lumineuses sortirent alors du sol, attrapant la créature au niveau des poignets avant de l’attirer face contre terre. La bête, dotée d’une force prodigieuse tenta de s’en défaire, tirant sur ces dernières. Raffermissant sa prise, Louise déchaîna son mana pour renforcer ses chaînes qui se recouvraient progressivement d’ombregivre. Une certaine colère teintée de concentration intense sur le visage ne bernait personne. Elle ne retiendrait pas bien longtemps la créature.

    —Hubert !

    Le chevalier fît tourner sa lame entre ses mains avant de se jeter sur le dos de la bête. Levant son épée telle une batte.

    —Tu salueras ton créateur de notre part, abomination !

    D’un geste vif, il abattit sa lame. Usant de toute la force dont il disposait. Tombant à la renverse suite à son propre mouvement. La tête de la créature vola sur plusieurs mètres, disparaissant finalement dans l’obscurité. Le corps monstrueux continua de se débattre quelques instants avant de s’arrêter progressivement, son sang corrompu aux teintes de jais, se répandant sur le sol.

    Ils étaient saufs, pour le moment.


    Assis dos à dos, les deux survivants reprenaient difficilement leurs souffles.
    Lentement, ils levèrent une main pour frapper doucement dans celle de l’autre dans un geste de respect mutuel. Ils avaient gagné le droit de vivre un jour de plus.
    Louise affichait un léger air narquois sur le visage. C’était du bon travail. Elle avait su réagir sans se laisser tétaniser par la peur. L’entraînement de Savoir portrait véritablement ses fruits. Et avec ses alliés, elle se sentait plus forte que jamais. La sensation de s’élever, d’avancer dans la vie était des plus plaisantes.

    —Nous ne devrions pas trop tarder. Votre lumière nous protège, mais qui sait si une autre de ces créatures venaient à roder dans les environs.

    Le chevalier se leva, récupéra son épée dans l’épaule de la créature et tendit une main ensanglantée à sa cheffe pour l’aider à se relever. Louise lui offrit un sourire avant de l’empoigner pour se remettre sur pied.

    —Vous avez raison Hubert, répondit-elle avec difficulté à cause du souffle manquant et de la douleur qui apparaissait suite à la baisse d’adrénaline. On jette un coup d’oeil et on file d’ici.

    Elle concentra de nouveau une fine lumière pour mener la marche. Preuve qu’ils n’étaient plus très loin de quitter la forêt de ronces, les deux veilleurs arrivèrent finalement à l’air libre. Malheureusement, Louise n’avait pas pensé au fait qu’une forêt si dense empêcherait toute lumière d’atteindre le village. Il lui était difficile d’y voir quoi que ce soit.

    Une unique source de lumière semblait toutefois exister plus loin dans le village. Il était possible au duo d’apercevoir quelques éclats irisés au loin, cachés à moitié derrière une bâtisse semblant en ruine. Hubert mit un petit coup de coude à sa cheffe pour lui indiquer la source lumineuse.

    —Je pense que c’est ce que l’on cherche.

    —Je suis du même avis.

    Elle coupa sa propre lumière pour éviter d’attirer l’attention avant de s’approcher à pas feutrés de la source lumineuse.
    Les veilleurs arrivèrent tout d’abord devant une bâtisse en ruine que la démone ne reconnut point. Un soupçon de déception naquit sur son visage caché par l’obscurité. Elle s’attendait à revoir son visage natal tel qu’il était autrefois. Ce qui était hautement improbable. Même si la corruption n’avait pas eu lieu, les choses pouvaient changer en cinq mille ans. L’Homme bâtissait et détruisait.
    Elle secoua la tête en ravalant sa déception. Ce n’était pas le moment d’y penser.

    Les veilleurs longèrent donc la bâtisse en ruine avant de passer la tête à l’angle de cette dernière pour contempler la source de lumière.
    Louise écarquilla les yeux.
    L’église tenue par son père, se tenant toujours fièrement au centre du village bien que quelques vitraux furent changés et que quelques pièces semblaient avoir été ajoutées de l’extérieur.

    Le centre du village était composé de quelques bâtiments encore plus ou moins sur pied qui seraient parfaits avec un peu de rénovation. De quoi mettre au point un nouveau village. La renaissance du Shoumei partirait d’ici. Quant à l’église, la lumière néfaste en provenait, atténuée par les vitraux.

    Plusieurs des bêtes qu’ils avaient affrontées semblaient marcher sans réel but au sein du village, ce qui confirma à la démone qu’elle se chargerait effectivement d’y revenir avec Savoir. Tenter de s’introduire dans l’église était de la pure folie à la vue de l’état dans lequel ils étaient. D’autant plus qu’ils ne savaient pas encore de quelle nature était le mal qui avait changé tout l’éco-système des lieux.

    —Vous entendez ça ? souffla alors le chevalier à demi-mot.

    L’aubépine tendit l’oreille en fermant les yeux avant de percevoir un battement. Tel un coeur gigantesque qui battait au sein de l’église. Comment osaient-ils souiller son ancienne demeure ? Le lieu de vie de son père ? Elle sembla sur le point de se relever, reprendre sa forme véritable comme il y a quelques jours avec Savoir mais Hubert la retint par la main.

    —On a besoin des bâtiments en bon état. Ce sont vos mots.

    —Exact, répondit Louise en se calmant. Si je ne me trompe pas, il y a une entrée secrète au niveau du moulin plus loin. Enfin, c’était autrefois une sortie secrète. Pour s’éclipser en catimini si jamais le village était pris d’assaut et que les villageois s’étaient regroupés au sein de l’église. Vérifions si elle est toujours là, et partons d’ici. Nous en avons assez fait pour aujourd’hui.

    —Vous êtes bien renseigné.

    —J’ai fait mes recherches, allons-y.

    Le duo se leva avant de s’éloigner en direction du moulin, excentrée par rapport au village. Non loin du point d’eau. Par chance, ce dernier était toujours là bien que sa roue ne tournait plus. La porte étant bloquée, Hubert la brisa après quelques coups de pieds qu’il tenta de faire les plus silencieux possibles.
    Un nuage de poussière les accueillit et Louise plissa des yeux en contenant un éternuement désagréable.

    —Il doit y avoir une trappe quelque part à l’intérieur, expliqua la femme aux cheveux d’or.

    —Effectivement, je la vois. J’imagine qu’elle était mieux cachée que ça avant. Mais là… il ne reste plus grand chose à l’intérieur.

    L’homme s’avança pour soulever la trappe. Laissant apparaître des escaliers qui s’enfonçaient dans l’obscurité infinie. Un profond sentiment de malaise le prit alors et il fit quelques pas en arrière.

    —Je ne sais pas ce qu’il y a au bout du tunnel, mais je n’aime vraiment pas ça. Je sais que votre ami en décomposition est une brute de magie, mais je m’inquiète tout de même un peu pour vous.

    —Merci, ça me touche. Vous savez, moi aussi je m’inquiète pour mes alliés et amis. Nous en avons déjà perdu plusieurs. Rien que d’y penser, mon estomac recommence à se serrer. Mais c’est justement pour toutes les pertes passées et à venir que nous ne devons pas faillir. C’est un danger que je suis prête à affronter. D’autant plus que je ne suis plus la petite idéaliste fragile d’autrefois. si j’ai la possibilité de faire changer les choses en bien, je ne dois pas hésiter à plonger dans la fange et le sang pour le faire. Et vous savez pourquoi je ne tomberais pas ?

    —Dites moi.

    —Parce que j’ai tous les veilleurs à mes côtés. Si je venais à chuter, je sais que vous serez toujours là pour me rattraper. N’ayez crainte. Nous allons gérer ça avec Savoir d’une main de maître.

    —Soit, répondit-il finalement en refermant la trappe. Les veilleurs s’en remettent à vous dans ce cas. Faisons un dernier tour de village pour être certains de ne pas manquer quelque chose, et allons nous en.

    —Je ne peux qu’être d’accord avec vous, conclut Louise avec un sourire.

    [...]


    —Il est là, dit une voix qui entrait dans la tente de Louise.

    La femme aux yeux azur releva la tête de la carte de la région qui se trouvait sur la table devant elle. Un sourire naissant sur son visage, elle redressa le reste de son corps.

    —Parfait. Il est grand temps que les veilleurs fassent leur première action concrète. Je vais le saluer, vous, allez prévenir les autres de se préparer. Nous ferons le voyage vers l’église dès celle-ci libérée du mal qui la ronge.

    Le veilleur hocha de la tête avant de sortir rapidement, suivit de Louise qui se dirigea vers le centre du village. Cette fois-ci, les combattants n’avaient pas tous sorti leurs armes en voyant le démon apparaître. Il y avait du progrès. Une femme le questionna même :

    —Comment faites vous pour être sûr de ne pas vous téléporter sur quelqu’un qui passerait pile ici à ce moment-là ? D’ailleurs que se passerait-il si c’était le cas ?

    Louise esquissa un sourire en continuant de se rapprocher pour le saluer.

    —Savoir, dit-elle alors en levant la tête vers les multiples yeux. Je vous attendais. Vous vous sentez d’attaque pour détruire une partie de la corruption qui ronge Shoumei ? Nous avons beaucoup à nous dire, je sais, je le sens, vous tremblez d’envie de me révéler une information qui redistribuerait toutes les cartes que nous avons en main, c’est toujours comme ça avec vous. Vous avez toujours une longueur d’avance. Mais cette fois-ci ! Écoutez moi d’abord.

    Elle commença à lui expliquer de long en large son plan audacieux visant à récupérer une place forte pour les veilleurs. La façon dont elle s’y était aventurée pour jeter un coup d'œil, les dangers rencontrés, les horribles créatures. Une certaine fierté transpirait de ses propos.

    —On se rend là bas tous les deux, on purge la zone et on profite d’un véritable lieu pour s’établir. Ces choses sont sensibles à la lumière, vous êtes le compagnon idéal pour une telle entreprise. Et point bonus, il y a de l’eau qui borde le village. Donc… de quoi acheminer de l’eau facilement. Je ne me suis pas tourné les pouces comme tu peux le voir. A ton tour, fais moi rêver. Dis moi que tu as trouvé une solution pour contrer nos problèmes de nourriture. Dis moi que je vais pouvoir annoncer à tous que nous ferons bientôt un grand banquet !

    Elle avait confiance en ce dernier. S’il y avait bien une personne sur tout le Sekai qui pouvait trouver une solution au manque de vivres des veilleurs, c’était bien lui.

    CENDRES


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