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Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Lorsque le maître-espion avait demandé à Kaern et ses hommes de surveiller le démon qui s’était présenté au Jour de la Force, l’espion n’avait pas forcément vu ses tâches d’un mauvais œil. Cela faisait de nombreuses années que l’azheni était sous les ordres du Vent, en veillant notamment à détruire les fanatiques des Titans. Il connaissait donc bien les terres du Shoumeï et assurer la surveillance d’un petit groupe d’individus – essentiellement composés de pauvres gens – ne constituait pas une tâche difficile pour le Reikois et ses compagnons. Les subordonnés de l’Oreille assureraient bien sûr une surveillance discrète – à dire vrai, il n’y avait même pas besoin que les paysans connaissent leur existence. D’abord parce que ceux-ci ne représentaient pas une menace en soi : ils ne savaient pas se battre, ils étaient pauvres, et étaient simplement des naïfs qui avaient été subjugués par la créature onirique. Ensuite parce que le véritable danger se cachait davantage dans leur prophète, leur guide, et c’était donc le démon que les espions tenaient à l’œil. Pendant des semaines, voire même des mois, il ne s’était rien passé de particulièrement alarmant, si ce n’est que l’expérience du Rêveur fut sans doute un succès auprès des pauvres hères qu’il tenait sous sa coupe. Dès fois, il arriva bien que des shoumeïens ayant tout perdu furent intrigués par ce village des plus particuliers, en désirant même s’y intégrer. Quoique dubitatif au début, Kaern dut bien reconnaître que le démon arrivait petit à petit à gangréner leur foi en les fausses divinités. Après tout, n’était-il pas plus facile de succomber à ses murmures et à ses illusions que de continuer à faire confiance en des entités qui avaient détruit leur nation ? Oui, cette expérience fut marquée par le succès. Et s’il y eut des échecs… Des divinistes un peu trop zélés pour renoncer à leurs propres croyances, des simples gens trop méfiants pour se laisser berner, en s’effrayant même de la magie qui était à l’œuvre… Eh bien, qu’importait ce que faisait le démon dans ce cas-là ? On leur avait dit d’observer, pas d’interférer.
Mais ces derniers temps, quelque chose avait changé dans le village situé près du Doreï. Le premier événement qui avait interpelé Kaern, c’était ce soir d’automne, où le Prince des Songes, comme ils l’appelaient entre eux, s’était laissé absorbé par un orbe liquide, aux couleurs d’encre. Son instinct lui avait déjà crié d’alerter ses supérieurs, mais contre toute-attente, l’arrivée d’une fille aux cheveux argentés semblaient avoir… rompu les festivités. Peut-être parce que le Voyageur avait été suffisamment intrigué par cette femme, qui semblait apeurée, faible et démunie. La cérémonie avait en tout cas cessé grâce à l’inconnue, et on n’allait pas se mentir, ça avait fait les affaires de l’espion. Transformé en corneille, l’assassin s’était retiré pour faire son rapport, afin que l’information remonte en haut-lieu. Cela commençait à bouger du côté du Démon, et de son point de vue, il ne fallait pas le sous-estimer.
On lui avait alors commandé de rester à son poste, en lui faisant savoir que le Vent avait bien reçu ses inquiétudes. De ce qu’on lui avait soufflé, on bougerait bientôt pour prendre cette affaire en main, ce qui avait rassuré l’espion. Il ne s’attendait cependant pas à ce que, quelques temps plus tard, une silhouette émergeât de l’ombre, alors que le crépuscule battait son plein. La houppelande sombre qui le recouvraient masquaient à merveille son visage et son équipement ; pourtant, bien qu’il ne soit pas facilement visible, une certaine aura se dégageait de la personne qui se trouvait en face lui. Ce n’était pas n’importe quel inconnu, comprit Kaern, d’autant que personne ne lui avait montré le chemin jusqu’à leur campement, situé à mi-chemin entre le Doreï et les Rocheuses. D’abord sur ses gardes, la tension qui s’étaient subitement emparées des agents du maître-espion retomba lorsque l’inconnu leur présenta un simple écusson qu’il portait sur lui. Enfin… leur nervosité retomba pour remonter tout aussi vite. Il pouvait être intimidant pour certains d’entre eux d’avoir affaire aux Sentinelles des Ombres, les hommes de main du maître-espion. Ce qui ne pouvait signifier qu’une chose.
- C’est l’Oreille qui m’envoie.
Le ton du fantassin d’élite était étrangement chaleureux et calme, comme pour mette à l’aise ses frères d’arme.
- Elle veut savoir les dernières nouvelles concernant le Marchand de Sable. Je suis aussi venu pour voir où était leur village.
Les regards s’étaient vite tourné vers Kaern, puisque c’était lui le chef de leur petit groupe, et l’espion avait un instant regretté de devoir sortir en pleine nuit. Pour autant, il n’aurait jamais osé dire non au nouveau-venu, et le quadragénaire s’était levé :
- Amaya et Sixtine sont actuellement sur place. Nous pouvons les rejoindre. Je vous expliquerai le reste en chemin.
Son interlocuteur avait subrepticement acquiescé et les deux hommes s’étaient mis en route, tels deux prédateurs de nuit qui partaient faire une chasse nocturne. La différence était qu’ils n’avaient rien attrapés. Ils avait juste… observé.
- Ainsi, il s’est enfermé dans un cocon la nuit-même où tu es arrivé ? demanda Zéphyr. Assis sur un étalon pur-sang, le maître-espion écoutait le rapport de sa Sentinelle, qui était venue à leur rencontre après deux jours d’observation sur les lieux.
- Oui. Nous avons même eu la « chance » de le voir disparaître sous cet amas liquide – un orbe fait de magie dans lequel il n’est plus sorti depuis. Les villageois ont commencé une cérémonie alors que pleine-lune était à son zénith, et depuis, ils semblent attendre avec impatience que leur… L’espion marqua une pause et pinça les lèvres. … sauveur en sorte plus fort et plus puissant que jamais. Un léger silence. Kaern me disait que tout en eux trahit des signes de fanatisme. En se déplaçant dans le village – il n’y a rien de plus facile que de se transformer en un chat du coin –, ils ont appris que c’était pour eux une étape de renouveau. Je pense qu’on doit aller voir, patron. Il émanait une forte sensation de cet orbe et les rapports de nos espions me semblent plus qu’alarmants.
L’Oreille ne répondit rien pendant un moment, semblant perdue dans ses pensées alors que ses yeux regardaient pensivement les environs. Derrière lui, les Sentinelles le suivaient avec calme, mais avec discipline. Tous avaient troqué leurs vêtements reikois pour revenir des habits de voyageurs, par-dessous laquelle ils avaient naturellement revêtus des cottes de mailles ou des armures légères. Le manieur de katana lui-même semblait un aventurier comme un autre, à ceci prêt qu’il dirigeait l’avancée de la troupe.
- Boss, je peux me permettre un commentaire ?
Le maître-espion riva ses prunelles dorées sur une femmes aux longs cheveux roux et aux jolis yeux émeraudes. Si Sayena était jolie, son visage maussade avait de quoi ne pas la rendre sympathique au premier abord.
- Notre priorité, c’est les Archontes, fit-elle de but en blanc alors que Zéphyr lui permettait de prendre la parole. Pourquoi perdre notre temps avec un Démon qui joue avec des moutons shoumeïens stupides et naïfs ?
Un sourire apparut cette fois sur les lèvres du maître-espion.
- Comme tu le sais, il a suscité mon intérêt et celui de la Griffe.
- Mais sa menace est ridicule face à celle des enfants de X’O-Rath, souligna judicieusement l’espionne.
- Ne t’y trompe pas. Notre priorité est évidemment ces raclures. Mais dis-moi. Que peuvent devenir des braises au lever du jour ?
- Des braises ? La tueuse se tut un instant avant de répondre. Elles deviennent juste des cendres. Des cendres qui deviennent ensuite froides et qui se répandent au gré du vent.
- Et si ces mêmes braises survivent malgré tout, que peuvent-elles encore devenir ?
La jeune femme hésita.
- Dans des bonnes conditions, elles peuvent créer un feu et déclencher un incendie...
- Tu l’as dit. La Griffe aurait pu réduire les projets de ce démon à néant. Il l’a laissé subsister pour que l’Empire en tire profit. Mais il ne faut pas non plus le prendre pour un imbécile, ni croire que ces mêmes braises resteront toujours dociles. Je suis là pour vérifier que ce Démon ne provoque pas un incendie.
- Les Archontes…
- … ne nous échapperont pas.
- Mais vous n’aviez pas prévu de passer par le Doreï…
Le sourire de Zéphyr s’élargit.
- J’y pense depuis un moment déjà.
L’Oreille se tourna finalement vers la Sentinelle qui les avaient déjà précédée vers le village.
- Conduis-nous, Altaïr. Il est temps que nous rendions une visite au Prince des Songes.
Des regards surpris, inquiets, peut-être, se posent sur les Reikois dès que les hommes pénètrent dans ce hameau solitaire. Il est impossible pour un groupe de quinze personnes de ne pas se faire remarquer. Pourtant, les Sentinelles ne sont pas hostiles, pas encore. Les espions ont une mine reposée puisqu’ils ont passé la nuit dans une auberge voisine, où ils ont d’ailleurs laissé leurs montures. Les troupes pénètrent dans le village en milieu de la matinée, alors qu’il n’est pas encore midi. Le soleil apporte une douce de chaleur bienvenue en cette froide journée d’hiver, seule touche de gaieté dans ce village pauvre, bien qu’il ait été épargné par les êtres titanides.
Aujourd’hui, c’est Sayena qui mène la danse, et sans aucune once de timidité, elle approche de l’une des paysannes en a saluant avec respect. Ses yeux resplendissent de curiosité enfantine et ne trahissent à première vue aucune intention malveillante. C’est qu’elle et ses compagnons ont entendu parler du Voyageur, du Prince qui les guide depuis des semaines, des mois maintenant. De ce village, aussi, qui leur paraît être étonnamment en paix, en harmonie avec la faune et la flore alentours. N’est-ce pas étonnant et merveilleux, surtout ? Habile, la belle espionne adopte le langage d’une bonne âme naïve, qui se réjouit d’avoir trouvé la perle rare et qui est heureuse d’être enfin parvenue au bout de son voyage. Elle a même réussi – vous voyez ? – à convaincre ses compagnons de venir, parce que certains étaient dubitatifs évidemment, et parce que d’autres étaient surtout épris de voyage. Certains viennent de son village d’origine, d’autres les ont rejoint au cours de leur périple. Bien sûr, maintenant qu’ils sont arrivés, elle souhaiterait découvrir leur mode de vie. Le village peut-il les accueillir ne serait-ce que pour une journée ? Oui ? Ah ! N’est-ce pas magnifique ? Et le Prophète, où est-il ? Sur une place ? Dans un cocon ? Ah… Cette fois, une lueur d’inquiétude passe dans les yeux de Sayena. Pourquoi est-il dans cet orbe de pure magie ? Elle a justement fait des rêves étranges, ces derniers jours, qui l’invitaient à venir pour assister à son éclosion… Ce aveu – et surtout ce pieux mensonge – semble de plus en plus mettre à l’aise la pauvre innocente toute dévouée au Démon, et bientôt, la voilà qui informe ses pairs de ce nouveau groupe arrivés au village. Ils veulent voir le Voyageur, et apparemment ils ne sont pas hostiles… Ils auraient même reçus le message qu’il allait bientôt sortir. C’est aussitôt des regards d’espoir qui entourent les nouveaux-venus, et ce n’est sans guère de mal que les espions peuvent davantage découvrir cet hameau perdu. Sayena, elle, ne peut se décrocher de la paysanne qui semble être une confidente du Prince des Songes. La demoiselle a dit qu’elle avait eu des rêves prémonitoires, non ? Alors vite ! Peut-être que si elle approche de l’orbe, le Marchand de Sable sortira plus tôt ? Qu’elle vienne donc se joindre à leurs prières !
Un rire cristallin, un peu gêné, sort de la bouche de la belle rousse, qui entraine fermement à sa suite l’un de ses compagnons quitte à lui broyer le bras si nécessaire. Subrepticement, les autres Sentinelles les suivent, à ceci près qu’ils ne forment plus un groupe compact et que chacun a pris une position qui leur apparaît la plus propice pour intervenir en cas d’urgence. Ils arrivent ainsi finalement sur la place où a lieu manifestement les rituels des habitants, et les yeux de Zéphyr comme de Sayena se posent sur un orbe aussi sombre que la nuit, dont la surface est parfois décorée par d’étranges arabesques.
L’effet est presqu’immédiat pour la troupe. Un orbe, ça ? C’en est un, certes. Mais c’est un anomalie dangereuse. Ils le sentent, ils le savent, quelque chose est sur le point d’en émerger, quelque chose qui ne ressemble plus totalement à ce que la Griffe a rencontré. D’ailleurs, Altaïr se glisse dans le dos de ses deux comparses et leur souffle à demi-mots que la puissance magique qui émane de ce cocon est beaucoup plus marquée que lorsque le Démon l'a créé. L’espace d’un instant, les yeux émeraudes de Sayena pétillent d’une lueur assassine alors que son regard glisse vers son compagnon, dont le visage est toujours masqué par la vaste capuche qui recouvre le haut de son visage. Mais puisqu’il a son regard rivé sur la boule d’encre, elle s’adresse à la paysanne qui l’a conduit jusqu’ici.
- Depuis combien de temps est-il dans le cocon ?
- Aujourd’hui, cela va faire sept jours. C’est la plus longue transformation qu’il ait jamais faite. Une mine inquiète, fatiguée. Je me demande quelle prière pourrait le satisfaire ou lui permettre d’en sortir. Peut-être… Peut-être qu’il y a un problème ? Ou peut-être devrions-nous dire quelque chose en particulier ? Nous… nous ne savons pas. Il ne nous a rien dit. Mais vous peut-être… Si vous avez eu des songes…
La pauvre shoumeïenne sonde Sayena du regard, et celle-ci s’apprête à répondre quand le mouvement de son compagnon l’arrête. Ce dernier n’a pas quitté l’orbe du regard, et sa marche lente, mesurée, semble vouloir déceler n’importe quel piège dans les environs. Pourtant rien ne se passe, et Zéphyr se détache ainsi du cercle de paysan ainsi que de ses Sentinelles qui se sont éparpillées dans la foule des petites gens. Toujours encapuchonné, il pose la main sur la manche de son katana mais ne le dégaine pas. Au contraire, il continue d’observer l’orbe aussi noir que la nuit.
- On m’a dit que tu me cherchais.
La voix claire et forte du bretteur résonne sur la place et dépasse les prières fiévreuses des croyants futiles du Rêveur.
- Alors j’ai fait le chemin jusqu’ici.
Encore quelques pas, avant que le maître-espion ne s’arrête, à une distance raisonnable du cocon.
- Montre-toi, Prince des Songes.
Un sourire, mi-provocant, mi-intéressé apparaît sur ses lèvres alors que dissimulé sous sa houppelande, Zéphyr continue d’observer cette chose dangereuse, qu’en l’état, il envisage d’éliminer.
- Ou c’est moi qui viendrai te chercher.
L'invitation est lancée. C'est au Démon de sortir de son cocon et de revenir à la réalité.
Mais si le papillon met trop de temps à sortir de sa chrysalide, l'Oreille n'aura aucun scrupule à la briser.
Mais ces derniers temps, quelque chose avait changé dans le village situé près du Doreï. Le premier événement qui avait interpelé Kaern, c’était ce soir d’automne, où le Prince des Songes, comme ils l’appelaient entre eux, s’était laissé absorbé par un orbe liquide, aux couleurs d’encre. Son instinct lui avait déjà crié d’alerter ses supérieurs, mais contre toute-attente, l’arrivée d’une fille aux cheveux argentés semblaient avoir… rompu les festivités. Peut-être parce que le Voyageur avait été suffisamment intrigué par cette femme, qui semblait apeurée, faible et démunie. La cérémonie avait en tout cas cessé grâce à l’inconnue, et on n’allait pas se mentir, ça avait fait les affaires de l’espion. Transformé en corneille, l’assassin s’était retiré pour faire son rapport, afin que l’information remonte en haut-lieu. Cela commençait à bouger du côté du Démon, et de son point de vue, il ne fallait pas le sous-estimer.
On lui avait alors commandé de rester à son poste, en lui faisant savoir que le Vent avait bien reçu ses inquiétudes. De ce qu’on lui avait soufflé, on bougerait bientôt pour prendre cette affaire en main, ce qui avait rassuré l’espion. Il ne s’attendait cependant pas à ce que, quelques temps plus tard, une silhouette émergeât de l’ombre, alors que le crépuscule battait son plein. La houppelande sombre qui le recouvraient masquaient à merveille son visage et son équipement ; pourtant, bien qu’il ne soit pas facilement visible, une certaine aura se dégageait de la personne qui se trouvait en face lui. Ce n’était pas n’importe quel inconnu, comprit Kaern, d’autant que personne ne lui avait montré le chemin jusqu’à leur campement, situé à mi-chemin entre le Doreï et les Rocheuses. D’abord sur ses gardes, la tension qui s’étaient subitement emparées des agents du maître-espion retomba lorsque l’inconnu leur présenta un simple écusson qu’il portait sur lui. Enfin… leur nervosité retomba pour remonter tout aussi vite. Il pouvait être intimidant pour certains d’entre eux d’avoir affaire aux Sentinelles des Ombres, les hommes de main du maître-espion. Ce qui ne pouvait signifier qu’une chose.
- C’est l’Oreille qui m’envoie.
Le ton du fantassin d’élite était étrangement chaleureux et calme, comme pour mette à l’aise ses frères d’arme.
- Elle veut savoir les dernières nouvelles concernant le Marchand de Sable. Je suis aussi venu pour voir où était leur village.
Les regards s’étaient vite tourné vers Kaern, puisque c’était lui le chef de leur petit groupe, et l’espion avait un instant regretté de devoir sortir en pleine nuit. Pour autant, il n’aurait jamais osé dire non au nouveau-venu, et le quadragénaire s’était levé :
- Amaya et Sixtine sont actuellement sur place. Nous pouvons les rejoindre. Je vous expliquerai le reste en chemin.
Son interlocuteur avait subrepticement acquiescé et les deux hommes s’étaient mis en route, tels deux prédateurs de nuit qui partaient faire une chasse nocturne. La différence était qu’ils n’avaient rien attrapés. Ils avait juste… observé.
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- Ainsi, il s’est enfermé dans un cocon la nuit-même où tu es arrivé ? demanda Zéphyr. Assis sur un étalon pur-sang, le maître-espion écoutait le rapport de sa Sentinelle, qui était venue à leur rencontre après deux jours d’observation sur les lieux.
- Oui. Nous avons même eu la « chance » de le voir disparaître sous cet amas liquide – un orbe fait de magie dans lequel il n’est plus sorti depuis. Les villageois ont commencé une cérémonie alors que pleine-lune était à son zénith, et depuis, ils semblent attendre avec impatience que leur… L’espion marqua une pause et pinça les lèvres. … sauveur en sorte plus fort et plus puissant que jamais. Un léger silence. Kaern me disait que tout en eux trahit des signes de fanatisme. En se déplaçant dans le village – il n’y a rien de plus facile que de se transformer en un chat du coin –, ils ont appris que c’était pour eux une étape de renouveau. Je pense qu’on doit aller voir, patron. Il émanait une forte sensation de cet orbe et les rapports de nos espions me semblent plus qu’alarmants.
L’Oreille ne répondit rien pendant un moment, semblant perdue dans ses pensées alors que ses yeux regardaient pensivement les environs. Derrière lui, les Sentinelles le suivaient avec calme, mais avec discipline. Tous avaient troqué leurs vêtements reikois pour revenir des habits de voyageurs, par-dessous laquelle ils avaient naturellement revêtus des cottes de mailles ou des armures légères. Le manieur de katana lui-même semblait un aventurier comme un autre, à ceci prêt qu’il dirigeait l’avancée de la troupe.
- Boss, je peux me permettre un commentaire ?
Le maître-espion riva ses prunelles dorées sur une femmes aux longs cheveux roux et aux jolis yeux émeraudes. Si Sayena était jolie, son visage maussade avait de quoi ne pas la rendre sympathique au premier abord.
- Notre priorité, c’est les Archontes, fit-elle de but en blanc alors que Zéphyr lui permettait de prendre la parole. Pourquoi perdre notre temps avec un Démon qui joue avec des moutons shoumeïens stupides et naïfs ?
Un sourire apparut cette fois sur les lèvres du maître-espion.
- Comme tu le sais, il a suscité mon intérêt et celui de la Griffe.
- Mais sa menace est ridicule face à celle des enfants de X’O-Rath, souligna judicieusement l’espionne.
- Ne t’y trompe pas. Notre priorité est évidemment ces raclures. Mais dis-moi. Que peuvent devenir des braises au lever du jour ?
- Des braises ? La tueuse se tut un instant avant de répondre. Elles deviennent juste des cendres. Des cendres qui deviennent ensuite froides et qui se répandent au gré du vent.
- Et si ces mêmes braises survivent malgré tout, que peuvent-elles encore devenir ?
La jeune femme hésita.
- Dans des bonnes conditions, elles peuvent créer un feu et déclencher un incendie...
- Tu l’as dit. La Griffe aurait pu réduire les projets de ce démon à néant. Il l’a laissé subsister pour que l’Empire en tire profit. Mais il ne faut pas non plus le prendre pour un imbécile, ni croire que ces mêmes braises resteront toujours dociles. Je suis là pour vérifier que ce Démon ne provoque pas un incendie.
- Les Archontes…
- … ne nous échapperont pas.
- Mais vous n’aviez pas prévu de passer par le Doreï…
Le sourire de Zéphyr s’élargit.
- J’y pense depuis un moment déjà.
L’Oreille se tourna finalement vers la Sentinelle qui les avaient déjà précédée vers le village.
- Conduis-nous, Altaïr. Il est temps que nous rendions une visite au Prince des Songes.
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Des regards surpris, inquiets, peut-être, se posent sur les Reikois dès que les hommes pénètrent dans ce hameau solitaire. Il est impossible pour un groupe de quinze personnes de ne pas se faire remarquer. Pourtant, les Sentinelles ne sont pas hostiles, pas encore. Les espions ont une mine reposée puisqu’ils ont passé la nuit dans une auberge voisine, où ils ont d’ailleurs laissé leurs montures. Les troupes pénètrent dans le village en milieu de la matinée, alors qu’il n’est pas encore midi. Le soleil apporte une douce de chaleur bienvenue en cette froide journée d’hiver, seule touche de gaieté dans ce village pauvre, bien qu’il ait été épargné par les êtres titanides.
Aujourd’hui, c’est Sayena qui mène la danse, et sans aucune once de timidité, elle approche de l’une des paysannes en a saluant avec respect. Ses yeux resplendissent de curiosité enfantine et ne trahissent à première vue aucune intention malveillante. C’est qu’elle et ses compagnons ont entendu parler du Voyageur, du Prince qui les guide depuis des semaines, des mois maintenant. De ce village, aussi, qui leur paraît être étonnamment en paix, en harmonie avec la faune et la flore alentours. N’est-ce pas étonnant et merveilleux, surtout ? Habile, la belle espionne adopte le langage d’une bonne âme naïve, qui se réjouit d’avoir trouvé la perle rare et qui est heureuse d’être enfin parvenue au bout de son voyage. Elle a même réussi – vous voyez ? – à convaincre ses compagnons de venir, parce que certains étaient dubitatifs évidemment, et parce que d’autres étaient surtout épris de voyage. Certains viennent de son village d’origine, d’autres les ont rejoint au cours de leur périple. Bien sûr, maintenant qu’ils sont arrivés, elle souhaiterait découvrir leur mode de vie. Le village peut-il les accueillir ne serait-ce que pour une journée ? Oui ? Ah ! N’est-ce pas magnifique ? Et le Prophète, où est-il ? Sur une place ? Dans un cocon ? Ah… Cette fois, une lueur d’inquiétude passe dans les yeux de Sayena. Pourquoi est-il dans cet orbe de pure magie ? Elle a justement fait des rêves étranges, ces derniers jours, qui l’invitaient à venir pour assister à son éclosion… Ce aveu – et surtout ce pieux mensonge – semble de plus en plus mettre à l’aise la pauvre innocente toute dévouée au Démon, et bientôt, la voilà qui informe ses pairs de ce nouveau groupe arrivés au village. Ils veulent voir le Voyageur, et apparemment ils ne sont pas hostiles… Ils auraient même reçus le message qu’il allait bientôt sortir. C’est aussitôt des regards d’espoir qui entourent les nouveaux-venus, et ce n’est sans guère de mal que les espions peuvent davantage découvrir cet hameau perdu. Sayena, elle, ne peut se décrocher de la paysanne qui semble être une confidente du Prince des Songes. La demoiselle a dit qu’elle avait eu des rêves prémonitoires, non ? Alors vite ! Peut-être que si elle approche de l’orbe, le Marchand de Sable sortira plus tôt ? Qu’elle vienne donc se joindre à leurs prières !
Un rire cristallin, un peu gêné, sort de la bouche de la belle rousse, qui entraine fermement à sa suite l’un de ses compagnons quitte à lui broyer le bras si nécessaire. Subrepticement, les autres Sentinelles les suivent, à ceci près qu’ils ne forment plus un groupe compact et que chacun a pris une position qui leur apparaît la plus propice pour intervenir en cas d’urgence. Ils arrivent ainsi finalement sur la place où a lieu manifestement les rituels des habitants, et les yeux de Zéphyr comme de Sayena se posent sur un orbe aussi sombre que la nuit, dont la surface est parfois décorée par d’étranges arabesques.
L’effet est presqu’immédiat pour la troupe. Un orbe, ça ? C’en est un, certes. Mais c’est un anomalie dangereuse. Ils le sentent, ils le savent, quelque chose est sur le point d’en émerger, quelque chose qui ne ressemble plus totalement à ce que la Griffe a rencontré. D’ailleurs, Altaïr se glisse dans le dos de ses deux comparses et leur souffle à demi-mots que la puissance magique qui émane de ce cocon est beaucoup plus marquée que lorsque le Démon l'a créé. L’espace d’un instant, les yeux émeraudes de Sayena pétillent d’une lueur assassine alors que son regard glisse vers son compagnon, dont le visage est toujours masqué par la vaste capuche qui recouvre le haut de son visage. Mais puisqu’il a son regard rivé sur la boule d’encre, elle s’adresse à la paysanne qui l’a conduit jusqu’ici.
- Depuis combien de temps est-il dans le cocon ?
- Aujourd’hui, cela va faire sept jours. C’est la plus longue transformation qu’il ait jamais faite. Une mine inquiète, fatiguée. Je me demande quelle prière pourrait le satisfaire ou lui permettre d’en sortir. Peut-être… Peut-être qu’il y a un problème ? Ou peut-être devrions-nous dire quelque chose en particulier ? Nous… nous ne savons pas. Il ne nous a rien dit. Mais vous peut-être… Si vous avez eu des songes…
La pauvre shoumeïenne sonde Sayena du regard, et celle-ci s’apprête à répondre quand le mouvement de son compagnon l’arrête. Ce dernier n’a pas quitté l’orbe du regard, et sa marche lente, mesurée, semble vouloir déceler n’importe quel piège dans les environs. Pourtant rien ne se passe, et Zéphyr se détache ainsi du cercle de paysan ainsi que de ses Sentinelles qui se sont éparpillées dans la foule des petites gens. Toujours encapuchonné, il pose la main sur la manche de son katana mais ne le dégaine pas. Au contraire, il continue d’observer l’orbe aussi noir que la nuit.
- On m’a dit que tu me cherchais.
La voix claire et forte du bretteur résonne sur la place et dépasse les prières fiévreuses des croyants futiles du Rêveur.
- Alors j’ai fait le chemin jusqu’ici.
Encore quelques pas, avant que le maître-espion ne s’arrête, à une distance raisonnable du cocon.
- Montre-toi, Prince des Songes.
Un sourire, mi-provocant, mi-intéressé apparaît sur ses lèvres alors que dissimulé sous sa houppelande, Zéphyr continue d’observer cette chose dangereuse, qu’en l’état, il envisage d’éliminer.
- Ou c’est moi qui viendrai te chercher.
L'invitation est lancée. C'est au Démon de sortir de son cocon et de revenir à la réalité.
Mais si le papillon met trop de temps à sortir de sa chrysalide, l'Oreille n'aura aucun scrupule à la briser.
Citoyen du monde
Rêve
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Quelques secondes après la retombée du silence, une ondulation curieuse vint parcourir la surface de l'objet monolithique qui semblait fait d'encre maintenue en suspension. La manifestation de magique diabolique dont l'origine ne faisait aucun doute parut s'étendre au delà de l'orbe, se répandant dans l'air par une vague télékinétique qui fit s'agiter maigrement les flammes dansantes des quelques foyers entourant la bête endormie. Partout autour de cet emplacement sacré où le Prince avait choisi d'amorcer sa métamorphose se trouvaient des breloques liturgiques usées lors des rituels païens qu'avaient imaginé les fidèles en se fiant à leurs rêves. Masques, ustensiles, guirlandes de perles ou de fleurs s'agitèrent toutes en une longue série de claquements évocateurs d'une pluie battante, comme s'ils répondaient à un appel spirituel de celui qui s'était niché au creux de son œuf mystique.
Les quelques croyants que la présence de nouvelles têtes n'avait pas manqué d'intriguer s'étaient rassemblés au plus près de l'illustre maître espion et lorsque l'entité chimérique s'éveilla suite à la menace à peine dissimulée de l'étranger, tous parurent infiniment surpris. Baissant les yeux en joignant leurs mains, la plupart se mirent comme à leur habitude à prier silencieusement pour louer la grandeur de leur obscur prophète, espérant secrètement qu'aucun mal ne lui soit fait. Plus vieux que le Monde lui-même, le Prince avait pourtant choisi l'enveloppe de cette coquille imaginaire dans laquelle il baignait et comme à chaque fois, tous s'étaient demandés s'il traversait une renaissance et s'il ressortirait changé par cette expérience. Même les plus fidèles âmes de ce village de fortune ne savaient établir pour quel mystérieux motif leur sauveur choisissait d'arborer parfois une telle forme, mais il était évident qu'en ce jour si particulier, des réponses allaient enfin être apportées à cette dévorante question.
A l'intérieur de l'insondable corps flottant, une nouvelle impulsion s'effectua et elle fut cette fois-ci bien perceptible par les nombreux spectateurs car une furtive secousse fit légèrement trembler la terre, trahissant pour de bon l'éveil du monstre antique qui entreprenait d'apparaître. Perçant timidement la surface ténébreuse, des vertèbres charbonneuses se manifestèrent en une longue série qui parcourait l'ensemble de la structure sphérique. Circulant à sa surface tel un immense serpent, la colonne osseuse dansa telle une anguille puis vint véritablement s'extirper de la noirceur de l'orbe en se dévoilant comme étant une immense excroissance terminée en éventail de plumes sombres. Poussant contre la surface devenue légèrement translucide, deux pattes colossales et serties de griffes percèrent le rideau en déversant sur le sol des gouttes qui, d'une manière étonnante, disparaissaient instantanément dés lors qu'elles touchaient le sol.
Puis les ailes de l'entité se manifestèrent, énormes et majestueuses, en se dépliant dans un puissant battement qui fit s'étendre tout autour un vent d'un bleu marin dans lequel des étoiles illusoires se formaient puis se volatilisaient dans le néant créé par la bête impensable. Le corps altéré du Démon ayant conclu sa métamorphose apparut, plus grand et plus impressionnant qu'il ne l'avait jamais été et lorsque son cou démesuré s'étira pour révéler son faciès, Zephyr ne vit pas le masque de chouette que décrivaient ses rapports. Il se retrouva face à une créature mêlant les traits d'un titanesque reptile et ceux d'un oiseau de proie, un véritable dragon recouvert de plumes denses et magnifiques. La créature fantastique se déplia entièrement et se figea dans le vide, voletant à quelques mètres du sol tandis que les derniers résidus de sa coquille éphémère se dématérialisaient dans l'air en une poussière noire.
- Apparence:
Le cou de Rêve serpenta et son faciès dénué d'yeux visible s'orienta vers celui de l'illustre espion encapuchonné. De sa gueule entrouverte et déformée en un sourire indéchiffrable, le son tenaillant des deux voix du Démon se fit entendre dans un puissant grondement et baigna les lieux dans une sépulcrale atmosphère :
"Te voilà enfin. Ma patience a donc été récompensée."
Malgré l'indicible horreur que pouvait susciter la vue d'un être défiant à ce point les lois de la nature, ce fut dans un océan d'applaudissements que fut applaudie la scène mythique qui venait de se produire sous leurs yeux ébahis. Oubliant presque le danger que représentaient les intrus dont les intentions n'avaient nullement été formulés, les fidèles dont les sourires s'étaient faits radieux et emplis de joie ne paraissaient percevoir dans la forme de leur prophète un quelconque motif d'inquiétude. Ils n'étaient qu'admiration, prières et chants marmonnés.
Le faux dragon plongea lentement vers la terre ferme, évoluant avec l'aisance et la douceur d'une bête aquatique nageant littéralement dans les airs et lorsque les serres de ses quatre pattes touchèrent le sol et que la gravité parut lentement reprendre conscience de son existence, aucun bruissement ne se fit entendre malgré la taille effarante de la bête dont la tête à elle seule mesurait un quart d'Homme. Ses yeux invisibles rivés sur l'Oreille, Rêve reprit avec une lenteur qu'une pointe d'excitation venait relever :
"Tes oiseaux me traquaient sans cesse mais me fuyaient toujours lorsque je les apercevais et que je leur tendais la main. Il était amusant d'inverser les rôles, pour une fois... je suis usuellement l'observateur et non l'étudié... Cela m'a plu un temps mais j'admets que ma curiosité l'a vite emporté alors plutôt que de me livrer à ce jeu mystérieux, j'ai cherché à obtenir l'opportunité de te rencontrer en personne."
Cessant brièvement de parler pour émettre un roucoulement éthéré durant lequel les plumes de son col vinrent se mouvoir en de curieuses ondulations, le Prince conclut finalement :
"J'admets qu'il était naïf de ma part de vouloir te retrouver, mais je me suis depuis... éduqué à ton sujet. J''ai appris au fil du temps pourquoi mes amis peinaient tant à te trouver. Tu n'es pas un rêveur qu'il est aisé de pister. T'avoir devant moi est un... honneur, ainsi qu'un plaisir."
Son sourire orné de dents tranchantes s'affina et il ajouta une dernière note :
"Je sais désormais que tu ne quittes ton perchoir qu'en de rares occasions. Que me vaut cette si extraordinaire visite ?"
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Alors que le conseiller royal s’avance, Sayena ne peut s’empêcher de pincer les lèvres. Leur troupe est prête, les villageois sont pour ainsi dire inoffensifs alors qu’ils ont pénétré le cœur de leur hameau solitaire. Et pourtant… Pourtant, cet orbe plus grand que nature ne lui dit rien qui vaille. Une menace se tapit à l’intérieur. Certes, elle est moins conséquente que celle des Archontes. Mais parfois… parfois, est-ce que l’Oreille et la Griffe n’ont pas tendance à trop jouer avec les personnages qu’ils laissent en vie ? Elle se pose sincèrement la question alors que le maître-espion s’avance, manifestement dénué de la peur la plus élémentaire. Il semble croire que parler à la sphère noire comme la nuit suffira à faire sortir la créature qui s’y cache. Et ma foi, même si cela fait du mal à l’assassin de l’admettre, son commandant n’a pas tort. A peine a-t-il fini de parler qu’une ondulation semble se répandre à la surface de l’œuf mystique : une vague magique semble même parcourir les environs tout proches. Imperturbables, les Sentinelles et leur chef ne bougent pas : même quand les pauvres habitants se mettent manifestement en prière, ils restent à l’affût du moindre signe hostile de l’entité démoniaque. Les espions se tendent d’ailleurs davantage quand une secousse fait trembler le village et les environs. C’est un signe annonciateur, puisque désormais, ils peuvent discerner qu’une forme bouge à l’intérieur du cocon magique, une forme qui est trop vivace pour être endormie, comprend aussitôt Sayena. Zéphyr aussi doit penser la même chose, songe-t-elle, mais il se contente d’être un simple spectateur. Peut-être parce qu’il estime que cette chose ne peut être tué dans sa chrysalide, ou alors parce qu’il veut la voir sortir pour juger par lui-même de son évolution. Mais quand même…
- On aurait dû venir plus tôt, souffle-t-elle si bas que seul Altaïr qui est à ses côtés peut l’entendre.
- Ce n’est pas toi qui râlais qu’on fasse le détour l’autre jour ? lui murmure-t-il sur le même ton.
- La ferme.
D’ailleurs, il leur est de bon aloi de se taire, puisque désormais, les griffes de la créature percent la paroi qui l’enveloppent. Plus rien ne l’empêche de déployer ses ailes dans le ciel, et le démon nouvellement formé peut ainsi étendre son énorme stature dans le royaume bleu azur du Shoumeï. Il n’y a pas de masque, pas même d’yeux apparemment visibles, note la belle aux yeux émeraudes. On était au contraire devant un mélange hybride. Quelque chose qui ressemblait à un dragon, à un reptile et à un oiseau de proie en même temps. Volant manifestement dans les airs un temps pour que son cocon disparaisse entièrement, Zéphyr a tout le loisir d’observer la créature fantastique qui est bien sûr totalement différente que dans ses rapports. On ne dirait pourtant pas que le maître-espion est effrayé. Il semble juste… songeur, peut-être ? Oui, peut-être analyse-t-il cette nouvelle transformation sur son échiquier. Car il ne s’attendait certainement pas à ce que sa métamorphose soit si impressionnante.
A présent, la bête redescend sous les vivats de ses adorateurs. Pleurs et cris de joie, remerciement et prières de louange : même Sayena est libérée de la paysanne qui l’avait guidée sur les lieux. Celle-ci est désormais agenouillée au sol, des larmes de soulagement coulant le long de ses joues. Ce sont vraiment des inconscients entièrement dévoués à l’être démoniaque, note l’espionne, mais le Démon et le maître-espion semblent eux aussi insensibles du monde qui les entoure. L’un comme l’autre, ils s’observent et se jugent : pour l’heure, ils ne portent aux autres aucun intérêt digne de ce nom.
D’ailleurs, un sourire s’affiche sur les lèvres de l’Oreille.
- Nous aurions pu nous rencontrer au Jour de la Force, mais cela aurait été précipité, et j’étais déjà avec un autre invité.
Le déploiement dans la lutte de la Peste Obscure était alors trop proche pour que Zéphyr puisse alors pleinement se concentrer sur le confrère de Lucifer. De plus, l’établissement du remède, puis l’application du décret impérial l’avait quelques peu retardé. Mais tout venait à point à qui savait attendre n’est-ce pas ? Le Démon avait son village à dresser, et il se savait de toute façon surveiller. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’une prise de contact n’ait lieu.
Regardant la créature revenir au sol, l’Oreille note l’absence de bruissement lorsque la gravité semble reprendre ses droits sur la créature. Ainsi que sa pointe… d’excitation. Mais il ne peut décemment lui en vouloir pour cela. Le laissant parler sans l’interrompre, ce n’est que quand il semble avoir fini que Zéphyr prend la parole.
- J’avais dit à mes hommes d’observer, mais de ne pas interférer. C’est la raison pour laquelle ils ont refusé ta main tendue, comme tu dis. Quant à me retrouver… Un sourire vint parsemer les traits du maître-espion. J’avoue que c’est un exploit difficile. Mais de par mon rôle, je suis nulle part et partout. Il est donc facilement arrivé jusqu’à moi que tu me cherchais. Evidemment, j’aurais pu t’inviter sur mes terres. Avec la protection de la Griffe, en plus de la mienne, nul mal ne t’aurait été fait. A moins d’être fou et d’être prêt à en payer les conséquences. Mais j’ai considéré qu’il était aussi bien de venir te trouver dans l’environnement que tu… construisais. D’ailleurs, pour la première fois, Zéphyr semble considérer les fidèles du reptile ailé. Il semble que les rapports du Vent et de la Griffe n’étaient pas démesurés.
Ramenant son regard sur le faux dragon devant lui, l’Oreille continue avec une pointe de satisfaction dans la voix.
- Mais le plus inattendu a bien été sûr été ta… transformation dans ce orbe magique. Je n’aurais pas pensé que des métamorphoses successives auraient donné un tel résultat. Un léger silence. Et j’ai tout lieu de croire que ta nouvelle enveloppe physique n’est pas une illusion de ta part. Tu ne saurais pas berner autant de gens sur place.
Quand bien même les villageois seraient crédules, les Sentinelles ne le seraient pas toutes et distingueraient des failles dans l'illusion mises en place.
- Quant à ce qui concerne mes déplacements sur ce territoire… As-tu déjà entendu parler des Archontes ?
Cette fois, l’Oreille se déplace, non pas pour s’approcher du Démon, mais pour l’observer de long en large, comme s’il voulait l’étudier davantage. Ce mouvement semble être un signal pour la foule des petites gens qui croient qu’il leur est enfin permis d’approcher la créature, comme si leur conciliabule était terminé. Peut-être veulent-ils féliciter leur Prophète, recevoir ses caresses, leur dire leurs progrès, ou leurs nouveaux rêves ; Zéphyr n’en a cure en soi, mais, face à ce déferlement « d’amour » - si on peut appeler ça amour -, le conseiller oryal à la sagesse de se mettre en dehors du flux, et se place de biais par rapport à la créature. Pas trop loin, et suffisamment près pour qu’il l’entende.
Au début, Zéphyr ne dit rien le temps que le Voyageur traite ses fidèles. Il observe, tout simplement. Puis, vient une question à l’improviste, quand les croyants ont l’air déjà plus satisfait et que les choses semblent se calmer un court moment.
- Est-ce leur rêves et leur foi ardente qui ont potentiellement accéléré ta métamorphose ? Ou celle-ci est due uniquement à ta propre puissance ? Une question ouverte, là encore. Et face à la joie collective du village, Zéphyr vient en poser une dernière. D’ailleurs… Es-tu satisfait de l’offre que la Griffe t’a faite ?
De multiples réponses peuvent être données, mais qu’importe. En ce sens, Rêve a raison : aujourd’hui, c’est Zéphyr qui l’étudie dans les moindres détails, et si pour le moment, aucune hostilité ne semble se dégager de l’un et l’autre, il semble y avoir une curiosité mutuelle. A dire où cela va les mener, il est trop tôt pour le deviner…
- On aurait dû venir plus tôt, souffle-t-elle si bas que seul Altaïr qui est à ses côtés peut l’entendre.
- Ce n’est pas toi qui râlais qu’on fasse le détour l’autre jour ? lui murmure-t-il sur le même ton.
- La ferme.
D’ailleurs, il leur est de bon aloi de se taire, puisque désormais, les griffes de la créature percent la paroi qui l’enveloppent. Plus rien ne l’empêche de déployer ses ailes dans le ciel, et le démon nouvellement formé peut ainsi étendre son énorme stature dans le royaume bleu azur du Shoumeï. Il n’y a pas de masque, pas même d’yeux apparemment visibles, note la belle aux yeux émeraudes. On était au contraire devant un mélange hybride. Quelque chose qui ressemblait à un dragon, à un reptile et à un oiseau de proie en même temps. Volant manifestement dans les airs un temps pour que son cocon disparaisse entièrement, Zéphyr a tout le loisir d’observer la créature fantastique qui est bien sûr totalement différente que dans ses rapports. On ne dirait pourtant pas que le maître-espion est effrayé. Il semble juste… songeur, peut-être ? Oui, peut-être analyse-t-il cette nouvelle transformation sur son échiquier. Car il ne s’attendait certainement pas à ce que sa métamorphose soit si impressionnante.
A présent, la bête redescend sous les vivats de ses adorateurs. Pleurs et cris de joie, remerciement et prières de louange : même Sayena est libérée de la paysanne qui l’avait guidée sur les lieux. Celle-ci est désormais agenouillée au sol, des larmes de soulagement coulant le long de ses joues. Ce sont vraiment des inconscients entièrement dévoués à l’être démoniaque, note l’espionne, mais le Démon et le maître-espion semblent eux aussi insensibles du monde qui les entoure. L’un comme l’autre, ils s’observent et se jugent : pour l’heure, ils ne portent aux autres aucun intérêt digne de ce nom.
D’ailleurs, un sourire s’affiche sur les lèvres de l’Oreille.
- Nous aurions pu nous rencontrer au Jour de la Force, mais cela aurait été précipité, et j’étais déjà avec un autre invité.
Le déploiement dans la lutte de la Peste Obscure était alors trop proche pour que Zéphyr puisse alors pleinement se concentrer sur le confrère de Lucifer. De plus, l’établissement du remède, puis l’application du décret impérial l’avait quelques peu retardé. Mais tout venait à point à qui savait attendre n’est-ce pas ? Le Démon avait son village à dresser, et il se savait de toute façon surveiller. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’une prise de contact n’ait lieu.
Regardant la créature revenir au sol, l’Oreille note l’absence de bruissement lorsque la gravité semble reprendre ses droits sur la créature. Ainsi que sa pointe… d’excitation. Mais il ne peut décemment lui en vouloir pour cela. Le laissant parler sans l’interrompre, ce n’est que quand il semble avoir fini que Zéphyr prend la parole.
- J’avais dit à mes hommes d’observer, mais de ne pas interférer. C’est la raison pour laquelle ils ont refusé ta main tendue, comme tu dis. Quant à me retrouver… Un sourire vint parsemer les traits du maître-espion. J’avoue que c’est un exploit difficile. Mais de par mon rôle, je suis nulle part et partout. Il est donc facilement arrivé jusqu’à moi que tu me cherchais. Evidemment, j’aurais pu t’inviter sur mes terres. Avec la protection de la Griffe, en plus de la mienne, nul mal ne t’aurait été fait. A moins d’être fou et d’être prêt à en payer les conséquences. Mais j’ai considéré qu’il était aussi bien de venir te trouver dans l’environnement que tu… construisais. D’ailleurs, pour la première fois, Zéphyr semble considérer les fidèles du reptile ailé. Il semble que les rapports du Vent et de la Griffe n’étaient pas démesurés.
Ramenant son regard sur le faux dragon devant lui, l’Oreille continue avec une pointe de satisfaction dans la voix.
- Mais le plus inattendu a bien été sûr été ta… transformation dans ce orbe magique. Je n’aurais pas pensé que des métamorphoses successives auraient donné un tel résultat. Un léger silence. Et j’ai tout lieu de croire que ta nouvelle enveloppe physique n’est pas une illusion de ta part. Tu ne saurais pas berner autant de gens sur place.
Quand bien même les villageois seraient crédules, les Sentinelles ne le seraient pas toutes et distingueraient des failles dans l'illusion mises en place.
- Quant à ce qui concerne mes déplacements sur ce territoire… As-tu déjà entendu parler des Archontes ?
Cette fois, l’Oreille se déplace, non pas pour s’approcher du Démon, mais pour l’observer de long en large, comme s’il voulait l’étudier davantage. Ce mouvement semble être un signal pour la foule des petites gens qui croient qu’il leur est enfin permis d’approcher la créature, comme si leur conciliabule était terminé. Peut-être veulent-ils féliciter leur Prophète, recevoir ses caresses, leur dire leurs progrès, ou leurs nouveaux rêves ; Zéphyr n’en a cure en soi, mais, face à ce déferlement « d’amour » - si on peut appeler ça amour -, le conseiller oryal à la sagesse de se mettre en dehors du flux, et se place de biais par rapport à la créature. Pas trop loin, et suffisamment près pour qu’il l’entende.
Au début, Zéphyr ne dit rien le temps que le Voyageur traite ses fidèles. Il observe, tout simplement. Puis, vient une question à l’improviste, quand les croyants ont l’air déjà plus satisfait et que les choses semblent se calmer un court moment.
- Est-ce leur rêves et leur foi ardente qui ont potentiellement accéléré ta métamorphose ? Ou celle-ci est due uniquement à ta propre puissance ? Une question ouverte, là encore. Et face à la joie collective du village, Zéphyr vient en poser une dernière. D’ailleurs… Es-tu satisfait de l’offre que la Griffe t’a faite ?
De multiples réponses peuvent être données, mais qu’importe. En ce sens, Rêve a raison : aujourd’hui, c’est Zéphyr qui l’étudie dans les moindres détails, et si pour le moment, aucune hostilité ne semble se dégager de l’un et l’autre, il semble y avoir une curiosité mutuelle. A dire où cela va les mener, il est trop tôt pour le deviner…
Citoyen du monde
Rêve
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"La frontière entre illusion et tangible est bien plus mince que ne le croient les mortels. Je suis né du Songe, très cher. Rêve et réalité ne font qu'un, pour moi."
S'il se lançait dans ses fantasmagoriques palabres au sens nébuleux, il savait néanmoins pertinemment ce qu'entendait l'Oreille en faisant allusion à cette splendide métamorphose qu'il venait de traverser. Changeforme par essence, le Prince n'en demeurait pas moins conscient de la différence majeure qu'il y avait entre le corps qui lui avait été originellement sculpté et ceux qu'il empruntait pour s'adapter à ses interlocuteurs. Aujourd'hui, il avait véritablement altéré sa substantifique moelle. Plus lourd, plus grand, plus puissant. La ferveur des siens l'avait rendu plus fort et ce costume draconique que sa nature démoniaque lui avait fait revêtir n'était pas dénué de sens. A sa manière, il devenait le reflet de cette image qu'il entretenait à l'égard de l'Empire du Dragon. S'intéressant au second sujet amené, l'énorme bête plurimillénaire répondit d'un ton plutôt sobre :
"Les Archontes, dis-tu ? Comment aurais-je pu rester aveugle face à un changement d'une telle envergure ? Comme le disent souvent les Hommes, l'histoire vous rattrape et les Titans façonneurs ne semblent pas vouloir se détacher de ton peuple."
Il n'y avait nulle moquerie dans les voix de la créature mais ce simulacre de sourire bestial dans lequel était figé son faciès immense avait de quoi donner l'impression qu'il se riait de la situation plus que cataclysmique que traversait actuellement le Reike. L'Oreille se mit en mouvement, désireux de se faire témoin de la magnificence de la chimère onirique qui se contentait de tourner mollement son cou démesuré afin de suivre de ses yeux camouflés les faits et gestes de leur invité. Les croyants demeuraient souriants, confiants qu'ils étaient envers la toute-puissance du Démon faisant office de régent et d'objet pour leur culte mystique. Salués par la bête gigantesque qui leur offrait occasionnellement une œillade en biais, ils se mirent pour la plupart à prier pour louer sa grandeur.
"N'ayez crainte, mes enfants. Cette personne et ses compagnons viennent en amis."
Cela restait encore à prouver, mais le Prince des illusions était aussi menteur que somptueux. N'hésitant jamais à se montrer excessivement rassurant lorsqu'il estimait que la situation l'exigeait, il s'était comporté avec un flegme et un apaisement similaire lorsque la Griffe avait marché sur le village du Nord et qu'il y avait anéanti toute vie. Les mots enjôleurs du Démon, lorsqu'il était confronté à un membre de la Main, n'avaient aucune valeur lorsqu'il était question de jauger l'hostilité potentielle d'une rencontre. Les croyants étaient faibles, inaptes au combat, il était donc parfaitement inutile de leur intimer de se mettre sur le pied-de-guerre. La seule menace de ce petit hameau n'était en définitive que le Voyageur lui-même.
Puis la question fatidique se fit entendre. L'Oreille ayant complété sa brève inspection, il avait usé des maigres informations réunies au sujet de l'entité onirique et n'avait pas manqué de s'interroger sur le point le plus épineux de son accord avec l'Empire. Les lèvres du faux dragon se retroussèrent légèrement, révélant ses crocs aussi charbonneux que luisants et, dans un mouvement aussi lent qu'impérieux, le monstre colossal vint se dresser sur ses pattes arrières, pivotant avec une élégance surréaliste en vue de sa taille pour se replacer face au maître-espion. Lorsque ses pattes s'apprêtèrent à retomber sur le sol, certains des fidèles reculèrent en anticipant un impact bruyant mais, contre toute attente, le géant d'ébène se posa tout aussi délicatement que l'aurait fait une plume; donnant aussitôt l'impression que même la gravité n'avait aucune emprise sur sa silhouette impensable.
"Les pensées et les aspirations de mes proches sont ma pitance. Tu as vu juste, doux rêveur. A chaque fois qu'une prière est formulée, à chaque rêve naissant dans l'esprit de l'un de mes pairs, je gagne en substance et je parfais mon essence. Grâce à cette puissance qu'ils m'octroient en m'offrant leur amour, je deviens..."
Leur Dieu.
"...Leur protecteur. Je tâche de me faire gardien des mortels. Votre pan de réalité est rude, bien plus que ne l'est le Songe. Je sais qu'il est de mon devoir de rendre aux vôtres la confiance qu'ils me portent."
Revenant à l'autre point abordé après l'évocation de celui qui lui tenait le plus à cœur et qui, visiblement, suscitait une part d'inquiétude dans le cœur de l'Oreille; Rêve ajouta paisiblement :
"Je suis infiniment satisfait par ce contrat que nous avons établi ensemble. Ces terres dites désolées recèlent pour moi de trésors extraordinaires et j'estime que les miens sont ici en bonne voie. L'espoir nous pousse tous vers l'avant."
Puis, prenant soin de se faire aussi avenant que possible, il conclut :
"Je trouve d'ailleurs surprenant que la Griffe ne m'ait jamais sollicité après notre précédent échange. Cette visite s'accompagne t-elle de doléances ? Je serais ravi de pouvoir rendre service à mes bienfaiteurs."
Un terme choisi avec soin en dépit de la réalité des faits.
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Rêve et réalité ne font qu’un… ?
En ce cas, pense Zéphyr, il serait intéressant de savoir quel songe le Démon veut particulièrement mettre en place, dans ce petit village perdu qui est son terrain de jeu. A première vue, il est le roi de cet hameau, le dieu de ces pauvres habitants. Vu comme un prophète, il a reproduit le même schéma que celui découvert par Deydreus, en son temps. Fondamentalement, puisqu’ils sont dans le Shoumeï, ce n’est pas un problème. La dévotion portée au Prince des Songes pourra justement contrecarrer la foi des divinistes et des cultistes. Cependant… Une dévotion doit rester ce qu’elle est. En aucun cas elle ne doit devenir une religion incontrôlable qui cherche à se déverser sur le Reike. Et cela, même si son principal instigateur a un droit de passage offert par le général des armées en personne. Enfin… Peut-on prétendre qu’on en est là, présentement ? Assurément que non. Ce coin paumé n’est point un royaume, ce petit trou et ces pauvres hères ne peuvent en aucun cas rivaliser avec l’Empire. Malgré tout, songe l’Oreille, la transformation de Rêve est frappante. Ce n’est plus un hibou ou une chouette humanoïde qu’il a en face de lui. C’est une créature draconique désormais majestueuse, et bien qu’il ne soit pas réellement un cousin de Valeryon ou de Draknys, cela montre manifestement l’essor de son pouvoir. Le Voyageur a un peu plus marqué son emprise sur la réalité aujourd’hui, et cela ne doit pas être négligé par ses services.
Malgré tout, la discussion entre l’entité démonique et l’homme aux yeux ambrés est… relativement cordiale. Les deux protagonistes jouent surtout aux faux-semblants, derrière leur politesse apparente, mais pour le moment, cela semble les satisfaire. A dire jusqu’à quand cela va durer, rien n’est moins sûr. En tous les cas, la conversation dévie sur les Archontes, une menace qui n’a pas pu échapper au Prophète de ce petit village. Mais que les Titans ne se laissent pas le Reike en paix ne semble pas perturber Zéphyr plus que ça. Ils en ont déjà abattu un, ils ont ensuite tué un des enfants de X’Orath, et bientôt, ils achèveront les deux autres. Symbole de l’orgueil et de la confiance humaine, le maître-espion a toujours cette assurance qui lui est propre et que Rêve pourra peut-être même percevoir.
- Je doute en effet que leur existence ait pu t’échapper, acquiesce placidement le voltigeur, laissant tomber là le sujet pour le moment. Après tout, c’est que ses protégés sont ivres de joie, et Zéphyr préfère se déplacer pour inspecter la chimère onirique, tout en se mettant plus en retrait par rapport à ces croyants enthousiastes. Si les protégés du Démon poussent l’audace jusqu’à toucher leur protecteur, le maître-espion n’en fait pas de même. Il observe mais évite le contact physique. Ni l’un ni l’autre n’a fondamentalement confiance envers l’autre, après tout. Un peu décalé par rapport à la bête gigantesque, celle-ci vient néanmoins à se replacer devant l’Oreille quand l’homme aborde un sujet particulièrement tendu et fâcheux. L’offre de la Griffe et les circonstances qui ont étayées celle-ci. Zéphyr a même l’impression que ses lèvres se retroussent même légèrement à cette mention. Un indice qui montre que la créature n’en pense pas moins ? Le sabreur n’a pas le temps de s’arrêter sur ce détail car l’engeance se déplace en direction de son interlocuteur. La stature de la bête est réellement impressionnante quand celle-ci se soulève, mais contrairement à d’autres villageois, l’ami de Deydreus ne recule pas d’un millimètre quand le géant repose ses pattes avant au sol, les rendant par-là dangereusement proche. Il est particulièrement cocasse de voir le guerrier bien petit, voire minuscule, face à l’entité démoniaque, qui commence à lui répondre et à lui donner matière à penser. Ainsi, l’être mystique se renforce bel et bien. Et si ce village qu’il a bâtit de ses mains lui permet déjà de se transformer, même de manière successive…
… Alors qu’en sera-t-il si ledit démon arrive à s’emparer de la foi d’une partie du Shoumeï ?
Que deviendra son apparence ?
Que deviendra sa force, s’il récupère la foi d’un nombre important de ses fidèles ?
Oh, ceux-ci ne sont pas une menace, non. Ils ne sont pas armés pour affronter le Reike.
Mais il existe des individus hors pair au sein du Sekai, des individus dont le potentiel peut être de cent pour un. Si Rêve est suffisamment nourri, ses capacités pourront devenir impressionnantes, mais également inquiétantes, aussi. Et il n’est pas dit qu’il sera toujours aimable comme il l’est présentément…
En tant que commandant des forces spéciales, le plus simple serait d’éliminer cette menace, même si elle n’est pour l’heure qu’hypothétique. D’autre part, la créature onirique peut véritablement devenir un fer de lance, même discret dans la lutte contre les Titans. Ils ont intérêt à le laisser vivre. Mais ce que Rêve vient essentiellement de gagner, c’est une vigilance accrue de la part de l’Oreille à son encontre. Sa transformation manifeste laisse la porte ouverte à trop de choses...
- Le gardien des mortels… C’est donc ainsi que tu te définis ?
Zéphyr est à deux doigts d’ajouter qu’il a déjà abandonné ses premiers protégés et qu’il n’est pas le protecteur le plus convaincu qui soit, mais il retient ses propos en dernière minute. Il faut bien reconnaître que, s’il avait résisté, Deydreus l’aurait tué, et le rapport de forces n’était pas totalement le même, à l’époque. Encore maintenant, les villageois ne sont pas de taille face à sa troupe. Cela étant dit, il faut dire ce qui est. Rêve est un gardien, oui, mais gardien opportuniste.
- Tu sembles bien généreux envers les mortels. Ils te donnent, et tu le leur rends. Plus ils t’offrent, plus tu t’ancres dans la réalité et plus ils croient en leurs rêve, plus ton pouvoir augmente. Mais jusqu’où irait ta bonté ? Certains ne voudront jamais de toi.
Le Reike n’acceptera jamais une dévotion telle que celle-là.
- Ici, dans ce village, tous te croient, tu es accepté facilement comme leur protecteur, leur messie, leur guide. Mais cette part de rêveurs qui te rejetteront à l’avenir, comme l’Empire l’a déjà fait, au demeurant, comment les considéres-tu ?
Une question qui mérite d’être posée, sachant que le principal concerné n’a pas d’armées.
Enfin vient le sujet de la Griffe, avec qui Rêve a tiré un accord dont il est « profondément satisfait ». Cette fois, Zéphyr retient un sourire ironique. Certes, leur contrat lui est bénéfique, mais on ne peut pas dire que leur rencontre s’est déroulée sous de très bons auspices. Enfin, la créature s’étonne qu’elle n’ait pas eu des sollicitations du général de Tensai, et le maître-espion reprend à son tour la parole.
- Tu me vois ravi que ton second village se porte au mieux.
Même si la présence du guerrier lui rappelle certainement qu’il est surveillé.
- La Griffe s’est essentiellement consacrée au renforcement de notre armée dans tout le territoire de l’Empire. Il n’y a pas besoin de mentir là-dessus. Si le Prince des Illusions se renseigne un peu, il entendra bien parler du décret impérial qui est sorti il y a quelques mois. Actuellement, son attention est concentrée sur la lutte contre les Titans et il en va de même pour moi. Nous savons que l’un d’eux se terre et se cache dans le territoire du Shoumeï. Toi qui y es installé depuis quelques temps, as-tu eu vent d’un orbe de magie noire, qui attirerais notamment des fanatiques ?
Une légère pause, alors que sa cape danse au gré de la brise diurne.
- Naturellement, je ne t’en voudrais pas si tu n’en as pas eu vent. Après tout, ces terres sont vastes et le Doreï est reculé. Puis, si tu peux aujourd'hui nous considérer comme des bienfaiteurs, nous avons aussi été à un moment des bourreaux envers ton premier village. Un sourire mesquin. Je ne serais honnêtement pas surpris si tu me disais que cela ne t’ait pas frustré ne serait-ce qu’un peu.
- Eh, Dowon. T’es sûr que c’est une bonne idée ?
- Arrête d’être un froussard, Karmin. Je te dis que ce truc dort. C’est le parfait moment pour tuer ce truc et lui faire regretter d’être né. C’est qui ces déboussolés d’abord ?
- Ils n’adorent pas Exia mais cette chose est é…
- Ils n’adorent aucun Titan ! crache le dénommé Dowon, un homme dans la quarantaine, qui aurait pu être plutôt bel homme s’il n’avait pas des cheveux crasseux et une apparence aussi sale. Tu verras. Il suffira qu’on mette leur prophète à terre et ces illuminés reviendront vers la vraie foi. Dans leur bonté, peut-être que les Divins leur pardonnera. Sinon… L’homme hausse les épaules. Lui qui est un ancien soldat, il n’a pas peur de se salir le main. Si on les passe par le fil de l’épée, ce ne sera pas trop grave. J'suis même sûr que les Gardiens seront contents. Allez ! rugit-il. Il est temps de se mettre en marche et d'atteindre leur putain de village !
En ce cas, pense Zéphyr, il serait intéressant de savoir quel songe le Démon veut particulièrement mettre en place, dans ce petit village perdu qui est son terrain de jeu. A première vue, il est le roi de cet hameau, le dieu de ces pauvres habitants. Vu comme un prophète, il a reproduit le même schéma que celui découvert par Deydreus, en son temps. Fondamentalement, puisqu’ils sont dans le Shoumeï, ce n’est pas un problème. La dévotion portée au Prince des Songes pourra justement contrecarrer la foi des divinistes et des cultistes. Cependant… Une dévotion doit rester ce qu’elle est. En aucun cas elle ne doit devenir une religion incontrôlable qui cherche à se déverser sur le Reike. Et cela, même si son principal instigateur a un droit de passage offert par le général des armées en personne. Enfin… Peut-on prétendre qu’on en est là, présentement ? Assurément que non. Ce coin paumé n’est point un royaume, ce petit trou et ces pauvres hères ne peuvent en aucun cas rivaliser avec l’Empire. Malgré tout, songe l’Oreille, la transformation de Rêve est frappante. Ce n’est plus un hibou ou une chouette humanoïde qu’il a en face de lui. C’est une créature draconique désormais majestueuse, et bien qu’il ne soit pas réellement un cousin de Valeryon ou de Draknys, cela montre manifestement l’essor de son pouvoir. Le Voyageur a un peu plus marqué son emprise sur la réalité aujourd’hui, et cela ne doit pas être négligé par ses services.
Malgré tout, la discussion entre l’entité démonique et l’homme aux yeux ambrés est… relativement cordiale. Les deux protagonistes jouent surtout aux faux-semblants, derrière leur politesse apparente, mais pour le moment, cela semble les satisfaire. A dire jusqu’à quand cela va durer, rien n’est moins sûr. En tous les cas, la conversation dévie sur les Archontes, une menace qui n’a pas pu échapper au Prophète de ce petit village. Mais que les Titans ne se laissent pas le Reike en paix ne semble pas perturber Zéphyr plus que ça. Ils en ont déjà abattu un, ils ont ensuite tué un des enfants de X’Orath, et bientôt, ils achèveront les deux autres. Symbole de l’orgueil et de la confiance humaine, le maître-espion a toujours cette assurance qui lui est propre et que Rêve pourra peut-être même percevoir.
- Je doute en effet que leur existence ait pu t’échapper, acquiesce placidement le voltigeur, laissant tomber là le sujet pour le moment. Après tout, c’est que ses protégés sont ivres de joie, et Zéphyr préfère se déplacer pour inspecter la chimère onirique, tout en se mettant plus en retrait par rapport à ces croyants enthousiastes. Si les protégés du Démon poussent l’audace jusqu’à toucher leur protecteur, le maître-espion n’en fait pas de même. Il observe mais évite le contact physique. Ni l’un ni l’autre n’a fondamentalement confiance envers l’autre, après tout. Un peu décalé par rapport à la bête gigantesque, celle-ci vient néanmoins à se replacer devant l’Oreille quand l’homme aborde un sujet particulièrement tendu et fâcheux. L’offre de la Griffe et les circonstances qui ont étayées celle-ci. Zéphyr a même l’impression que ses lèvres se retroussent même légèrement à cette mention. Un indice qui montre que la créature n’en pense pas moins ? Le sabreur n’a pas le temps de s’arrêter sur ce détail car l’engeance se déplace en direction de son interlocuteur. La stature de la bête est réellement impressionnante quand celle-ci se soulève, mais contrairement à d’autres villageois, l’ami de Deydreus ne recule pas d’un millimètre quand le géant repose ses pattes avant au sol, les rendant par-là dangereusement proche. Il est particulièrement cocasse de voir le guerrier bien petit, voire minuscule, face à l’entité démoniaque, qui commence à lui répondre et à lui donner matière à penser. Ainsi, l’être mystique se renforce bel et bien. Et si ce village qu’il a bâtit de ses mains lui permet déjà de se transformer, même de manière successive…
… Alors qu’en sera-t-il si ledit démon arrive à s’emparer de la foi d’une partie du Shoumeï ?
Que deviendra son apparence ?
Que deviendra sa force, s’il récupère la foi d’un nombre important de ses fidèles ?
Oh, ceux-ci ne sont pas une menace, non. Ils ne sont pas armés pour affronter le Reike.
Mais il existe des individus hors pair au sein du Sekai, des individus dont le potentiel peut être de cent pour un. Si Rêve est suffisamment nourri, ses capacités pourront devenir impressionnantes, mais également inquiétantes, aussi. Et il n’est pas dit qu’il sera toujours aimable comme il l’est présentément…
En tant que commandant des forces spéciales, le plus simple serait d’éliminer cette menace, même si elle n’est pour l’heure qu’hypothétique. D’autre part, la créature onirique peut véritablement devenir un fer de lance, même discret dans la lutte contre les Titans. Ils ont intérêt à le laisser vivre. Mais ce que Rêve vient essentiellement de gagner, c’est une vigilance accrue de la part de l’Oreille à son encontre. Sa transformation manifeste laisse la porte ouverte à trop de choses...
- Le gardien des mortels… C’est donc ainsi que tu te définis ?
Zéphyr est à deux doigts d’ajouter qu’il a déjà abandonné ses premiers protégés et qu’il n’est pas le protecteur le plus convaincu qui soit, mais il retient ses propos en dernière minute. Il faut bien reconnaître que, s’il avait résisté, Deydreus l’aurait tué, et le rapport de forces n’était pas totalement le même, à l’époque. Encore maintenant, les villageois ne sont pas de taille face à sa troupe. Cela étant dit, il faut dire ce qui est. Rêve est un gardien, oui, mais gardien opportuniste.
- Tu sembles bien généreux envers les mortels. Ils te donnent, et tu le leur rends. Plus ils t’offrent, plus tu t’ancres dans la réalité et plus ils croient en leurs rêve, plus ton pouvoir augmente. Mais jusqu’où irait ta bonté ? Certains ne voudront jamais de toi.
Le Reike n’acceptera jamais une dévotion telle que celle-là.
- Ici, dans ce village, tous te croient, tu es accepté facilement comme leur protecteur, leur messie, leur guide. Mais cette part de rêveurs qui te rejetteront à l’avenir, comme l’Empire l’a déjà fait, au demeurant, comment les considéres-tu ?
Une question qui mérite d’être posée, sachant que le principal concerné n’a pas d’armées.
Enfin vient le sujet de la Griffe, avec qui Rêve a tiré un accord dont il est « profondément satisfait ». Cette fois, Zéphyr retient un sourire ironique. Certes, leur contrat lui est bénéfique, mais on ne peut pas dire que leur rencontre s’est déroulée sous de très bons auspices. Enfin, la créature s’étonne qu’elle n’ait pas eu des sollicitations du général de Tensai, et le maître-espion reprend à son tour la parole.
- Tu me vois ravi que ton second village se porte au mieux.
Même si la présence du guerrier lui rappelle certainement qu’il est surveillé.
- La Griffe s’est essentiellement consacrée au renforcement de notre armée dans tout le territoire de l’Empire. Il n’y a pas besoin de mentir là-dessus. Si le Prince des Illusions se renseigne un peu, il entendra bien parler du décret impérial qui est sorti il y a quelques mois. Actuellement, son attention est concentrée sur la lutte contre les Titans et il en va de même pour moi. Nous savons que l’un d’eux se terre et se cache dans le territoire du Shoumeï. Toi qui y es installé depuis quelques temps, as-tu eu vent d’un orbe de magie noire, qui attirerais notamment des fanatiques ?
Une légère pause, alors que sa cape danse au gré de la brise diurne.
- Naturellement, je ne t’en voudrais pas si tu n’en as pas eu vent. Après tout, ces terres sont vastes et le Doreï est reculé. Puis, si tu peux aujourd'hui nous considérer comme des bienfaiteurs, nous avons aussi été à un moment des bourreaux envers ton premier village. Un sourire mesquin. Je ne serais honnêtement pas surpris si tu me disais que cela ne t’ait pas frustré ne serait-ce qu’un peu.
***
- Eh, Dowon. T’es sûr que c’est une bonne idée ?
- Arrête d’être un froussard, Karmin. Je te dis que ce truc dort. C’est le parfait moment pour tuer ce truc et lui faire regretter d’être né. C’est qui ces déboussolés d’abord ?
- Ils n’adorent pas Exia mais cette chose est é…
- Ils n’adorent aucun Titan ! crache le dénommé Dowon, un homme dans la quarantaine, qui aurait pu être plutôt bel homme s’il n’avait pas des cheveux crasseux et une apparence aussi sale. Tu verras. Il suffira qu’on mette leur prophète à terre et ces illuminés reviendront vers la vraie foi. Dans leur bonté, peut-être que les Divins leur pardonnera. Sinon… L’homme hausse les épaules. Lui qui est un ancien soldat, il n’a pas peur de se salir le main. Si on les passe par le fil de l’épée, ce ne sera pas trop grave. J'suis même sûr que les Gardiens seront contents. Allez ! rugit-il. Il est temps de se mettre en marche et d'atteindre leur putain de village !
Citoyen du monde
Rêve
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L'Oreille, nullement impressionné par la grandeur démentielle de son interlocuteur, prenait lors de son discours assuré face à l'entité chimérique des faux airs de héros dépeint dans un tableau ecclésiastique. Une telle audace était elle surprenante pour un représentant d'un peuple qui, en tout temps, s'était opposé à la souveraineté des Dieux sur le monde ? Certainement pas, mais Rêve toutefois se délectait du courage infaillible de son vis-à-vis.
"Non, loin de là. Je ne me fais gardien que de ceux qui nécessitent ma protection. Lorsque l'espoir renaît et que mes oisillons redeviennent capables de vivre pleinement leurs rêves, je les laisse prendre leur envol."
Son regard se détourna momentanément de Zephyr pour se poser sur les fidèles qui les observaient l'un comme l'autre en buvant chacune de leur parole, ce avec l'attention d'un enfant tourné vers un parent adulé. Rêve était tout au plus un guide ainsi qu'un pourvoyeur de courage mais n'avait rien d'un véritable protecteur et ne s'était jamais porté garant de l'intégrité physique de quiconque. Ceux qui suivaient ses enseignements le savaient pertinemment mais il était préférable, face au Reike, de se présenter en tant que simple égide dressé face à l'adversité plutôt qu'en quelconque initiateur d'idées nouvelles. Une question à la fois pernicieuse et maline lui fut posée et sa gueule se distordit légèrement pour former un semblant de rictus.
"Nul n'échappe au Songe, cher ami. Ceux qui rejettent mes enseignements demeurent, qu'ils le veuillent ou non, des traits dessinés sur la gargantuesque toile que je peins. Tout être qui rêve alimente la grandeur de mon infini royaume."
Après avoir prononcé ces mots pour le moins inquiétants, le splendide géant vint adoucir le ton de ses voix et se fit plus enjôleur qu'impérieux :
"J'éprouve tout autant d'amour pour ceux qui marchent dans mes pas que pour ceux qui refusent d'arpenter les sentiers que je trace. Les mortels sont mes créateurs et l'affection que je porte à chacun d'entre eux est dénuée de limite."
Un point autrement plus pressant fut alors abordé et bien que le faciès effroyable de Rêve fut indéchiffrable, Zephyr put distinguer dans ses traits de faux dragon un semblant de surprise. Les Archontes, à nouveau, se manifestaient donc parmi les vivants ? C'était un présage qui ne pouvait s'accompagner que d'une énième déclaration de guerre entre Hommes et Dieux. Ne dissimulant qu'à peine son incrédulité, Rêve rétorqua :
"J'aurais aimé en avoir été informé. L'établissement de ce hameau m'a entièrement accaparé depuis bien des lunes, ce qui m'a empêché de me livrer à mes pérégrinations coutumières. Je peux désormais mener mes recherches, si vous le souhaitez."
Le sujet fatidique du précédent village fut amené sur le tapis et la réponse du Démon ne tarda pas à venir. Son absence totale d'hésitation ou d'émotion lorsque cette sordide histoire fut évoqué trahissait toutefois l'ampleur de la réflexion qu'il y avait appliqué. C'était une question qu'il s'attendait à entendre de la bouche de la Griffe mais, s'y étant minutieusement préparé, il pouvait sans peine délivrer une réponse aussi claire que concise au Maître Espion.
"La frustration m'est étrangère, très cher. J'admets que l'installation de mon premier nid était quelque peu cavalière et je ne peux en vouloir aux dignes protecteurs de l'Empire d'avoir craint, à juste titre, l'ascension d'une pensée nouvelle. Les pertes sont regrettables mais le renouveau n'en est que plus beau."
La conversation somme toute cordiale prit une tournure bien différente lorsque les mots cédèrent place au craquement foudroyant d'un éclair magique filant droit sur l'engeance démoniaque. Lorsque le son de la tonitruante détonation lui parvint, Rêve tourna machinalement la tête en direction de l'intense lueur émise par l'assaut magique et leva une aile en direction du projectile pour dresser avec une froide nonchalance un mur de roches soulevées à la hâte par télékinésie. La foudre frappa la pierre avec une force dévastatrice et la muraille rocailleuse explosa à l'impact dans un épais nuage de poussière.
"Merde, on dirait que le monstre a fini sa sieste."
Le dénommé Dowon se manifesta au sommet d'une colline ensablée et le féroce brasier qui vint emplir ses yeux ne laissa que peu de doutes quant à ses intentions. Venus pour tuer la bête qu'ils méprisaient pour sa simple existence, ses hommes et lui n'avaient aucunement pour projet de se perdre en palabres. La mâchoire serrée, le cultiste belliqueux lança à ses compagnons de bataille, qui étaient plusieurs dizaines :
"Tuez quiconque se dresse sur mon chemin. Je vais prendre la tête de cet immondice et la jeter aux idiots qui ont eu la bêtise de le prendre pour un Dieu. Ma miséricorde n'est pas infinie."
Avec un calme extraordinaire en vue de la gravité de la situation, Rêve tourna brièvement sa tête vers Zephyr et glissa :
"Quelle formidable occasion..."
En poussant un roucoulement éthéré, le colosse aux ailes démesurément grandes se dressa de toute sa hauteur puis vint abattre son corps massif sur le sol tout en se postant face à son ennemi tout désigné qui, malgré les dimensions terrifiantes de Rêve, dévalait la pente sans même esquisser le moindre mouvement de recul. Sa foi inébranlable le rendait certes aveugle, mais également immensément courageux. Sur ses quatre pattes, Rêve se plaça avec une élégance féline et lança à son opposant :
"Puis-je vous aider, rêveurs égarés ?"
"Épargne à mes esgourdes le déplaisir d'être empoisonnées par tes paroles, Serpent ! Ton existence est une injure aux Titans et ta blasphématoire croissance, une raison de plus pour t'exterminer !"
Rêve demeura muet un court instant puis une curieuse vibration traversa l'entièreté de son enveloppe massive. Le sable se souleva autour de lui mais cette brève bourrasque ne fut pas assez pour décourager l'adorateur des Titans. Lorsque la gueule du Démon s'entrouvrit à nouveau pour qu'il prenne la parole, ce fut d'un air bien moins avenant qu'auparavant :
"Je salue ta ferveur, mais je te somme de faire demi-tour si tu veux vivre."
"Silence, bête ignoble !"
Un éclair puis puissant encore que le premier jaillit de la main de Dowon pour frapper de plein fouet le Voyageur. Lorsque l'être démoniaque fut parcouru par la foudre, il se changea contre toute vraisemblance en une nuée de corbeaux illusoires qui se volatilisèrent dans le néant dans une assourdissante tempête de cris et de battements d'ailes affolés. Surpris par cette illusion, Dowon recula en écarquillant les yeux, cherchant tout autour de lui une trace de son adversaire.
"Montre toi !"
S'extirpant d'un voile d'invisibilité sous lequel il s'était dissimulé, Rêve vint rompre la supercherie avec une brutalité contrastant atrocement avec son habituelle élégance. Malgré sa taille, il s'était infiltré derrière Dowon d'un bond gracieux et, par un assaut aussi habile que sauvage, il venait d'empaler le guerrier en plein dans le bas-ventre. Crachant sang et bile en portant fébrilement ses mains à l'arme naturelle qu'avait employé Rêve pour le blesser mortellement, l'homme abasourdi tourna la tête sous les regards médusés de ses camarades et ce fut à cet instant précis que la gueule cauchemardesque du dragon se referma sur son visage. Tirant sur la chair avec une force extraordinaire, le monstre chimérique déchira le corps de son adversaire en deux et envoya les restes valser à plusieurs mètres de là.
Le museau recouvert du sang de sa première victime, Rêve poussa un cri menaçant dont les sonorités semblaient provenir d'un autre monde et s'exprima une dernière fois avant de se lancer dans la bataille :
"N'ayez crainte. Vos rêves vous survivront."
Sa patte immense vint s'abattre sur trois autres combattants, signant ainsi le début d'un affrontement sanglant.
"Non, loin de là. Je ne me fais gardien que de ceux qui nécessitent ma protection. Lorsque l'espoir renaît et que mes oisillons redeviennent capables de vivre pleinement leurs rêves, je les laisse prendre leur envol."
Son regard se détourna momentanément de Zephyr pour se poser sur les fidèles qui les observaient l'un comme l'autre en buvant chacune de leur parole, ce avec l'attention d'un enfant tourné vers un parent adulé. Rêve était tout au plus un guide ainsi qu'un pourvoyeur de courage mais n'avait rien d'un véritable protecteur et ne s'était jamais porté garant de l'intégrité physique de quiconque. Ceux qui suivaient ses enseignements le savaient pertinemment mais il était préférable, face au Reike, de se présenter en tant que simple égide dressé face à l'adversité plutôt qu'en quelconque initiateur d'idées nouvelles. Une question à la fois pernicieuse et maline lui fut posée et sa gueule se distordit légèrement pour former un semblant de rictus.
"Nul n'échappe au Songe, cher ami. Ceux qui rejettent mes enseignements demeurent, qu'ils le veuillent ou non, des traits dessinés sur la gargantuesque toile que je peins. Tout être qui rêve alimente la grandeur de mon infini royaume."
Après avoir prononcé ces mots pour le moins inquiétants, le splendide géant vint adoucir le ton de ses voix et se fit plus enjôleur qu'impérieux :
"J'éprouve tout autant d'amour pour ceux qui marchent dans mes pas que pour ceux qui refusent d'arpenter les sentiers que je trace. Les mortels sont mes créateurs et l'affection que je porte à chacun d'entre eux est dénuée de limite."
Un point autrement plus pressant fut alors abordé et bien que le faciès effroyable de Rêve fut indéchiffrable, Zephyr put distinguer dans ses traits de faux dragon un semblant de surprise. Les Archontes, à nouveau, se manifestaient donc parmi les vivants ? C'était un présage qui ne pouvait s'accompagner que d'une énième déclaration de guerre entre Hommes et Dieux. Ne dissimulant qu'à peine son incrédulité, Rêve rétorqua :
"J'aurais aimé en avoir été informé. L'établissement de ce hameau m'a entièrement accaparé depuis bien des lunes, ce qui m'a empêché de me livrer à mes pérégrinations coutumières. Je peux désormais mener mes recherches, si vous le souhaitez."
Le sujet fatidique du précédent village fut amené sur le tapis et la réponse du Démon ne tarda pas à venir. Son absence totale d'hésitation ou d'émotion lorsque cette sordide histoire fut évoqué trahissait toutefois l'ampleur de la réflexion qu'il y avait appliqué. C'était une question qu'il s'attendait à entendre de la bouche de la Griffe mais, s'y étant minutieusement préparé, il pouvait sans peine délivrer une réponse aussi claire que concise au Maître Espion.
"La frustration m'est étrangère, très cher. J'admets que l'installation de mon premier nid était quelque peu cavalière et je ne peux en vouloir aux dignes protecteurs de l'Empire d'avoir craint, à juste titre, l'ascension d'une pensée nouvelle. Les pertes sont regrettables mais le renouveau n'en est que plus beau."
La conversation somme toute cordiale prit une tournure bien différente lorsque les mots cédèrent place au craquement foudroyant d'un éclair magique filant droit sur l'engeance démoniaque. Lorsque le son de la tonitruante détonation lui parvint, Rêve tourna machinalement la tête en direction de l'intense lueur émise par l'assaut magique et leva une aile en direction du projectile pour dresser avec une froide nonchalance un mur de roches soulevées à la hâte par télékinésie. La foudre frappa la pierre avec une force dévastatrice et la muraille rocailleuse explosa à l'impact dans un épais nuage de poussière.
"Merde, on dirait que le monstre a fini sa sieste."
Le dénommé Dowon se manifesta au sommet d'une colline ensablée et le féroce brasier qui vint emplir ses yeux ne laissa que peu de doutes quant à ses intentions. Venus pour tuer la bête qu'ils méprisaient pour sa simple existence, ses hommes et lui n'avaient aucunement pour projet de se perdre en palabres. La mâchoire serrée, le cultiste belliqueux lança à ses compagnons de bataille, qui étaient plusieurs dizaines :
"Tuez quiconque se dresse sur mon chemin. Je vais prendre la tête de cet immondice et la jeter aux idiots qui ont eu la bêtise de le prendre pour un Dieu. Ma miséricorde n'est pas infinie."
Avec un calme extraordinaire en vue de la gravité de la situation, Rêve tourna brièvement sa tête vers Zephyr et glissa :
"Quelle formidable occasion..."
En poussant un roucoulement éthéré, le colosse aux ailes démesurément grandes se dressa de toute sa hauteur puis vint abattre son corps massif sur le sol tout en se postant face à son ennemi tout désigné qui, malgré les dimensions terrifiantes de Rêve, dévalait la pente sans même esquisser le moindre mouvement de recul. Sa foi inébranlable le rendait certes aveugle, mais également immensément courageux. Sur ses quatre pattes, Rêve se plaça avec une élégance féline et lança à son opposant :
"Puis-je vous aider, rêveurs égarés ?"
"Épargne à mes esgourdes le déplaisir d'être empoisonnées par tes paroles, Serpent ! Ton existence est une injure aux Titans et ta blasphématoire croissance, une raison de plus pour t'exterminer !"
Rêve demeura muet un court instant puis une curieuse vibration traversa l'entièreté de son enveloppe massive. Le sable se souleva autour de lui mais cette brève bourrasque ne fut pas assez pour décourager l'adorateur des Titans. Lorsque la gueule du Démon s'entrouvrit à nouveau pour qu'il prenne la parole, ce fut d'un air bien moins avenant qu'auparavant :
"Je salue ta ferveur, mais je te somme de faire demi-tour si tu veux vivre."
"Silence, bête ignoble !"
Un éclair puis puissant encore que le premier jaillit de la main de Dowon pour frapper de plein fouet le Voyageur. Lorsque l'être démoniaque fut parcouru par la foudre, il se changea contre toute vraisemblance en une nuée de corbeaux illusoires qui se volatilisèrent dans le néant dans une assourdissante tempête de cris et de battements d'ailes affolés. Surpris par cette illusion, Dowon recula en écarquillant les yeux, cherchant tout autour de lui une trace de son adversaire.
"Montre toi !"
S'extirpant d'un voile d'invisibilité sous lequel il s'était dissimulé, Rêve vint rompre la supercherie avec une brutalité contrastant atrocement avec son habituelle élégance. Malgré sa taille, il s'était infiltré derrière Dowon d'un bond gracieux et, par un assaut aussi habile que sauvage, il venait d'empaler le guerrier en plein dans le bas-ventre. Crachant sang et bile en portant fébrilement ses mains à l'arme naturelle qu'avait employé Rêve pour le blesser mortellement, l'homme abasourdi tourna la tête sous les regards médusés de ses camarades et ce fut à cet instant précis que la gueule cauchemardesque du dragon se referma sur son visage. Tirant sur la chair avec une force extraordinaire, le monstre chimérique déchira le corps de son adversaire en deux et envoya les restes valser à plusieurs mètres de là.
Le museau recouvert du sang de sa première victime, Rêve poussa un cri menaçant dont les sonorités semblaient provenir d'un autre monde et s'exprima une dernière fois avant de se lancer dans la bataille :
"N'ayez crainte. Vos rêves vous survivront."
Sa patte immense vint s'abattre sur trois autres combattants, signant ainsi le début d'un affrontement sanglant.
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Zéphyr fait preuve d’audace en étant proche du Démon, c’est un fait indéniable. Mais il l’écoute avec un intérêt qui n’est pas feint, et l’homme se demande sincèrement si la créature onirique ne laisse pas repartir ses « oisillons » en semant quelques graines qui favorisent son pouvoir et ce fameux « royaume » des songes. Après tout, l’Oreille n’hésiterait pas à agir de même, quand il s’agit de mettre en place la propagande reikoise. Pourquoi donc la bête gigantesque n’en ferait-elle pas de même, et de façon presque bienveillante qui plus est ? C’est tellement facile de disséminer la « bonne parole »… Quant à échapper au Songe, à en croire Rêve, cela est impossible, puisque chaque créature humanoïde et intelligente possède ses aspirations et ses espoirs. Le guerrier a même l’impression que son vis-à-vis lui déclare que sa montée en puissance est inéluctable, quoi qu’il fasse, en augmentant ainsi son royaume onirique.
- La toile que tu peins, tu veux l’élargir à tout le Sekai ?
Une question dangereuse, puisque si le Prince des Songes répond oui, cela pourra signifier qu’il veut aussi déployer son empire sur le royaume du désert. Oh, un royaume qui n’est pas matériel, certes. Ce village en est bien la preuve. Mais un royaume d’idées est autrement plus dangereux.
- Ne m’en veux pas si je suis sceptique sur ton amour pour tous les rêveurs de ce monde. Certes, ils façonnent ce que tu es et, si on veut, cela est lié à ton essence. Je le reconnais sans mal. Mais d’autre part… Je n’arrive pas à te concevoir comme totalement désintéressé. Car tu es le Rêve, mais toi aussi, en tant qu’entité individuelle, tu as bien un rêve qui t’est propre, n’est-ce pas ? Tu es le Songe, et pourtant tu te différencies de la masse des songes. Nous voir « heureux » peut être un de tes objectifs. Mais je ne connais nulle créature du Sekai qui n’ait pas ses propres aspirations plus… Personnelles. Alors en faisant fi de ta « bienveillance » pour nos propres désirs, qu’est-ce que tu désires toi, Marchand de Sable ?
Une prise de paroles peut-être un peu philosophique, qui force néanmoins leur discussion à se centrer sur le personnage de Rêve lui-même. Mais, pour faire bonne figure, et ne pas laisser son homologue tout seul à répondre, Zéphyr fait de lui-même un pas dans la direction.
- Par exemple, en tant que maître-espion, je pourrais te dire que mon seul objectif est la sécurité de mon pays, le démantèlement des fanatiques, l’espionnage des autres cités et royaumes de ce monde. Mais en tant que Reikois et individu du nom de Zéphyr – tu peux même d’ailleurs m’appeler comme tel – je pourrais te dire que mes motivations sont avant tout de protéger mes plus proches camarades et amis. Une aspiration commune à bien des hommes. Si j’allais plus loin, en fouillant correctement dans mon passé et mon esprit, je pourrais te citer des rêves qui ont façonné ce que je suis. La manière dont tu cherches à te présenter auprès des hommes m’intéressent, mais ce qui m’intéresse encore plus est ton propre rêve à toi.
La puissance. Le pouvoir. Le contrôle. Cela pouvait être bien des choses, en somme, ou tout cela à la fois. Mais Zéphyr ne voulait pas tomber dans l’illusion que le rêve du démon s’alignait à celle des humanoïdes, en toute « innocence » et « bienveillance ». Non. Il ne le ferait pas avaler une telle chimère. Cela étant dit, leur conversation continue également, et à la mention des Archontes, l’Oreille hoche simplement la tête.
- Si ton village te semble suffisamment implanté pour faire des recherches régulières, tu peux effectivement faire des recherches. S’il est à proximité, l’enfant de X’O-Rath sera une menace pour ta seconde création dans tous les cas. La trouver nous permettra de l’annihiler mais nous soupçonnons qu’ils se cachent et que ce ne sera pas si évident. En tous les cas, je laisserai des hommes à proximité, si tu repères toute anomalie.
Sur ce point, leur alliance pourrait être sincère et véridique. Rêve pour protéger son hameau. Le Reike parce qu’il ne pouvait pas piffer les Titans.
Quand Rêve répondit enfin concernant le premier village décimé par la Griffe, le bellâtre n’eut pas le temps de répondre. Tout au plus put-il noter que sa réponse n’eut pas l’ombre d’une hésitation, mais il ne se fit pas davantage de réflexion, car un éclair interrompit brusquement leur conversation pour aller s’abattre sur la chimère onirique. Ou plutôt, sur la protection qu’elle se créa grâce à sa télékinésie. Comme son homologue, Zéphyr se tourna vers les responsables de l’attaque, et il avisa un petit groupe de… shoumeïens à n’en point douter. Ils étaient hostiles, en tous les cas. Cela ne faisait aucun doute. Mais il ne faisait aucun doute également que le duo allait les laisser faire sans rien dire, sans compter sa propre troupe personnelle qui s’était glissée parmi les habitants du village.
Aucun d’eux ne bougea pour autant, attendant les ordres de leur chef. Ce dernier laissa le Voyageur prendre les devants, alors que le chef du groupe s’élançait manifestement vers l’entité démoniaque. Il était fou, mais aussi courageux, c’était un fait.
- Il va crever, souffla Sayena, alors que la Jolie rousse se positionnait à côté de Zéphyr, sans lâcher les divinistes du regard.
- Ce n’est pas notre problème, répliqua calmement Zéphyr. Il n’a qu’à bien choisir ses cibles.
- On les tue ?
- Laisse les « pourparlers » se finir.
La guerrière opine du chef, alors que Rêve a, d’un coup, une mine bien moins avenante qu’auparavant. Il va bientôt y avoir un mort, se dit les chefs des forces spéciales, et d’un pas lent, il se met à parcourir la distance qui le sépare du faux-dragon. Celui-ci disparaît sans crier gare, dans une nuée de volatile, et alerte, Zéphyr utilise ses sens augmentés pour détecter tout mouvement de la créature. Dowon n’a pas les mêmes reflexes, trop habitué à se fier à sa vue. Et le résultat n’en est que prédictible.
“Imbéciles.”
Encore qu’il ne leur en voulait pas totalement. Il pouvait comprendre qu’on se méfie d’une telle créature. Mais toujours était-il qu’il fallait bien choisir ses ennemis, et le diviniste empalé en eut certainement bien conscience, juste avant de se faire dévorer la tête. L’instant d’après, le Démon écrasa trois autres combattants, et ce fut ensuite la débandade. Sorts et armes dégainés, les divinistes avaient perdu leur assurance, puisqu’ils n’avaient plus leur leader. Est-ce que cela les ferait renoncer ? Ce n’était pas si simple.
En tous les cas, il suffit à Zéphyr de lever la main et de faire un signe à ses hommes pour que ceux-ci obtempèrent et se glissent dans l’affrontement. Comptant sur le fait que le Prince des Songes n’essaierait pas d’annihiler ses troupes et comptant également sur le fait que ses espions seraient suffisamment vivaces pour ne pas le gêner, le Démon allait pouvoir contempler une élimination létale à la fois précise et propre. Un coup fatal en entrainait un second. Les gestes de ses assassins étaient parfaitement maîtrisés, et c’est presqu’avec nonchalance que Zéphyr voit un des assaillants courir vers lui, sans doute dans une tentative désespérée d’échapper à ses hommes aussi bien qu’à la créature onirique.
Ses troupes ne l’empêchent pas d’avancer, parfaitement au fait que Zéphyr va s’en occuper. Ce que le maître-espion prévoit moins, en revanche, c’est que le diviniste bifurque brusquement pour s’emparer d’une enfant en l’arrachant à sa mère, qui pousse aussitôt un cri alarmant alors que la petite de huit ans se voit avec une dague sous la gorge.
- N’approchez pas !! hurle le croyant. Et quand Zéphyr se tourne vers lui, toujours encapuchonné, avec une dague qui est miraculeusement apparue dans sa main, il tressaille encore plus en croyant peut-être voir la mort en personne. N’approchez pas ou je la t… !
Ses mots s’étranglent dans sa gorge, alors qu’une lame se plante dans sa gorge du côté droit. D’un même mouvement, Zéphyr soutient la fillette alors que la dague du diviniste tombe au sol. Le corps derrière elle est pris de convulsions mais l’Oreille empêche la gamine de se retourner, et au contraire, lui accorde un sourire rassurant.
- Le méchant t’a fait mal ?
La petite blonde, peut-être impressionnée par ses yeux dorés qui détonnent de ceux de son village, secoue la tête alors qu’effectivement, note le maître-espion, elle ne semble pas avoir de lésions particulières.
- Alors va rejoindre ta maman.
Ce n’est que quand elle s’esquive que Zéphyr retire d’un geste franc la dague plantée dans la gorge du cadavre, et le bretteur le regarde tomber avant de se tourner vers le faux-dragon.
- De charmants visiteurs. J’espère que cela ne te dérange pas que j’aie pris l’initiative pour l’enfant ?
Ce faisant, l’homme se rapproche du Démon d’un pas relativement souple. Il remarque que la capuche qu’il avait mis pour dissimuler ses traits est retombée quand il s’est élancé vers , mais il ne semble pas s’en offusquer. Utiliser la métamorphose avait bien été une option, mais il était beaucoup trop probable que leur séjour sur place dure plus d’une heure. Du reste, pour l’heure, Rêve n’est pas un ennemi. Et il ne le sera pas demain non plus. Pour l’instant.
- La toile que tu peins, tu veux l’élargir à tout le Sekai ?
Une question dangereuse, puisque si le Prince des Songes répond oui, cela pourra signifier qu’il veut aussi déployer son empire sur le royaume du désert. Oh, un royaume qui n’est pas matériel, certes. Ce village en est bien la preuve. Mais un royaume d’idées est autrement plus dangereux.
- Ne m’en veux pas si je suis sceptique sur ton amour pour tous les rêveurs de ce monde. Certes, ils façonnent ce que tu es et, si on veut, cela est lié à ton essence. Je le reconnais sans mal. Mais d’autre part… Je n’arrive pas à te concevoir comme totalement désintéressé. Car tu es le Rêve, mais toi aussi, en tant qu’entité individuelle, tu as bien un rêve qui t’est propre, n’est-ce pas ? Tu es le Songe, et pourtant tu te différencies de la masse des songes. Nous voir « heureux » peut être un de tes objectifs. Mais je ne connais nulle créature du Sekai qui n’ait pas ses propres aspirations plus… Personnelles. Alors en faisant fi de ta « bienveillance » pour nos propres désirs, qu’est-ce que tu désires toi, Marchand de Sable ?
Une prise de paroles peut-être un peu philosophique, qui force néanmoins leur discussion à se centrer sur le personnage de Rêve lui-même. Mais, pour faire bonne figure, et ne pas laisser son homologue tout seul à répondre, Zéphyr fait de lui-même un pas dans la direction.
- Par exemple, en tant que maître-espion, je pourrais te dire que mon seul objectif est la sécurité de mon pays, le démantèlement des fanatiques, l’espionnage des autres cités et royaumes de ce monde. Mais en tant que Reikois et individu du nom de Zéphyr – tu peux même d’ailleurs m’appeler comme tel – je pourrais te dire que mes motivations sont avant tout de protéger mes plus proches camarades et amis. Une aspiration commune à bien des hommes. Si j’allais plus loin, en fouillant correctement dans mon passé et mon esprit, je pourrais te citer des rêves qui ont façonné ce que je suis. La manière dont tu cherches à te présenter auprès des hommes m’intéressent, mais ce qui m’intéresse encore plus est ton propre rêve à toi.
La puissance. Le pouvoir. Le contrôle. Cela pouvait être bien des choses, en somme, ou tout cela à la fois. Mais Zéphyr ne voulait pas tomber dans l’illusion que le rêve du démon s’alignait à celle des humanoïdes, en toute « innocence » et « bienveillance ». Non. Il ne le ferait pas avaler une telle chimère. Cela étant dit, leur conversation continue également, et à la mention des Archontes, l’Oreille hoche simplement la tête.
- Si ton village te semble suffisamment implanté pour faire des recherches régulières, tu peux effectivement faire des recherches. S’il est à proximité, l’enfant de X’O-Rath sera une menace pour ta seconde création dans tous les cas. La trouver nous permettra de l’annihiler mais nous soupçonnons qu’ils se cachent et que ce ne sera pas si évident. En tous les cas, je laisserai des hommes à proximité, si tu repères toute anomalie.
Sur ce point, leur alliance pourrait être sincère et véridique. Rêve pour protéger son hameau. Le Reike parce qu’il ne pouvait pas piffer les Titans.
Quand Rêve répondit enfin concernant le premier village décimé par la Griffe, le bellâtre n’eut pas le temps de répondre. Tout au plus put-il noter que sa réponse n’eut pas l’ombre d’une hésitation, mais il ne se fit pas davantage de réflexion, car un éclair interrompit brusquement leur conversation pour aller s’abattre sur la chimère onirique. Ou plutôt, sur la protection qu’elle se créa grâce à sa télékinésie. Comme son homologue, Zéphyr se tourna vers les responsables de l’attaque, et il avisa un petit groupe de… shoumeïens à n’en point douter. Ils étaient hostiles, en tous les cas. Cela ne faisait aucun doute. Mais il ne faisait aucun doute également que le duo allait les laisser faire sans rien dire, sans compter sa propre troupe personnelle qui s’était glissée parmi les habitants du village.
Aucun d’eux ne bougea pour autant, attendant les ordres de leur chef. Ce dernier laissa le Voyageur prendre les devants, alors que le chef du groupe s’élançait manifestement vers l’entité démoniaque. Il était fou, mais aussi courageux, c’était un fait.
- Il va crever, souffla Sayena, alors que la Jolie rousse se positionnait à côté de Zéphyr, sans lâcher les divinistes du regard.
- Ce n’est pas notre problème, répliqua calmement Zéphyr. Il n’a qu’à bien choisir ses cibles.
- On les tue ?
- Laisse les « pourparlers » se finir.
La guerrière opine du chef, alors que Rêve a, d’un coup, une mine bien moins avenante qu’auparavant. Il va bientôt y avoir un mort, se dit les chefs des forces spéciales, et d’un pas lent, il se met à parcourir la distance qui le sépare du faux-dragon. Celui-ci disparaît sans crier gare, dans une nuée de volatile, et alerte, Zéphyr utilise ses sens augmentés pour détecter tout mouvement de la créature. Dowon n’a pas les mêmes reflexes, trop habitué à se fier à sa vue. Et le résultat n’en est que prédictible.
“Imbéciles.”
Encore qu’il ne leur en voulait pas totalement. Il pouvait comprendre qu’on se méfie d’une telle créature. Mais toujours était-il qu’il fallait bien choisir ses ennemis, et le diviniste empalé en eut certainement bien conscience, juste avant de se faire dévorer la tête. L’instant d’après, le Démon écrasa trois autres combattants, et ce fut ensuite la débandade. Sorts et armes dégainés, les divinistes avaient perdu leur assurance, puisqu’ils n’avaient plus leur leader. Est-ce que cela les ferait renoncer ? Ce n’était pas si simple.
En tous les cas, il suffit à Zéphyr de lever la main et de faire un signe à ses hommes pour que ceux-ci obtempèrent et se glissent dans l’affrontement. Comptant sur le fait que le Prince des Songes n’essaierait pas d’annihiler ses troupes et comptant également sur le fait que ses espions seraient suffisamment vivaces pour ne pas le gêner, le Démon allait pouvoir contempler une élimination létale à la fois précise et propre. Un coup fatal en entrainait un second. Les gestes de ses assassins étaient parfaitement maîtrisés, et c’est presqu’avec nonchalance que Zéphyr voit un des assaillants courir vers lui, sans doute dans une tentative désespérée d’échapper à ses hommes aussi bien qu’à la créature onirique.
Ses troupes ne l’empêchent pas d’avancer, parfaitement au fait que Zéphyr va s’en occuper. Ce que le maître-espion prévoit moins, en revanche, c’est que le diviniste bifurque brusquement pour s’emparer d’une enfant en l’arrachant à sa mère, qui pousse aussitôt un cri alarmant alors que la petite de huit ans se voit avec une dague sous la gorge.
- N’approchez pas !! hurle le croyant. Et quand Zéphyr se tourne vers lui, toujours encapuchonné, avec une dague qui est miraculeusement apparue dans sa main, il tressaille encore plus en croyant peut-être voir la mort en personne. N’approchez pas ou je la t… !
Ses mots s’étranglent dans sa gorge, alors qu’une lame se plante dans sa gorge du côté droit. D’un même mouvement, Zéphyr soutient la fillette alors que la dague du diviniste tombe au sol. Le corps derrière elle est pris de convulsions mais l’Oreille empêche la gamine de se retourner, et au contraire, lui accorde un sourire rassurant.
- Le méchant t’a fait mal ?
La petite blonde, peut-être impressionnée par ses yeux dorés qui détonnent de ceux de son village, secoue la tête alors qu’effectivement, note le maître-espion, elle ne semble pas avoir de lésions particulières.
- Alors va rejoindre ta maman.
Ce n’est que quand elle s’esquive que Zéphyr retire d’un geste franc la dague plantée dans la gorge du cadavre, et le bretteur le regarde tomber avant de se tourner vers le faux-dragon.
- De charmants visiteurs. J’espère que cela ne te dérange pas que j’aie pris l’initiative pour l’enfant ?
Ce faisant, l’homme se rapproche du Démon d’un pas relativement souple. Il remarque que la capuche qu’il avait mis pour dissimuler ses traits est retombée quand il s’est élancé vers , mais il ne semble pas s’en offusquer. Utiliser la métamorphose avait bien été une option, mais il était beaucoup trop probable que leur séjour sur place dure plus d’une heure. Du reste, pour l’heure, Rêve n’est pas un ennemi. Et il ne le sera pas demain non plus. Pour l’instant.
Citoyen du monde
Rêve
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La bataille rageuse prit prestement fin, aussi abruptement qu'elle avait été entreprise par ceux que les croyances avaient poussé droit dans le précipice. Un ultime survivant de l'affrontement rampait dans l'espoir fébrile de faire survivre ses convictions ailleurs mais, dans un élan de cruauté absolue, Rêve enfonça la lance qui ornait le bout de sa queue droit dans la nuque de sa proie, sectionnant ainsi plusieurs vertèbres et offrant à sa victime une mort aussi brève qu'indolore. Un grognement mêlant graves vibrations et roucoulement de volatile s'échappa de la gorge de la chimère fantasmagorique et l'arme fantastique quitta le corps du diviniste dans un froissement ignoble. Le monstre se tourna vers l'Oreille, qui venait quant à lui d'occire l'un des guerriers ayant eu l'outrecuidance de s'en prendre à l'un des fidèles de l'entité. La grimace colérique de la créature s'affaissa doucement et, de ses voix impérieuses évocatrices de son esprit de conquête, il répondit le plus naturellement du monde :
"Loin de me vexer, ton impétuosité est appréciée."
Les survivants du village se manifestèrent les uns après les autres et si leurs acclamations demeuraient aussi subtiles que silencieuses, ils reconnaissaient néanmoins dans l'intervention des agents impériaux une protection bienvenue. L'enfant sauvée par Zephyr se blottit dans les bras d'une mère aux yeux bordés de larmes, ce sous le regard indéchiffrable du géant au plumage obscur qui jaugeait tant les siens que ses visiteurs. La tête lourde de la bête gigantesque pivota puis, dans ce même élan, elle s'abaissa alors que l'anatomie du corps fantasmagorique se transformait à nouveau. Les forces ténébreuses régissant les altérations de sa silhouette opérèrent à nouveau et les traits du faux dragon se firent, l'espace d'un instant, purement et simplement indescriptibles. De la masse grouillante d'appendices monstrueux, les voix émanèrent une fois encore :
"La foi des miens se heurte souvent à ces inconvenantes rencontres mais demeure aussi forte qu'au premier jour."
L'entité aux traits éternellement changeants se stabilisa tout en perdant en volume et, dans une série de craquements dont les échos éthérés stagnaient trop longuement, le titanesque reptile prit des atours nouveaux. Se redressant lentement sur ses pattes arrières, il vint recouvrir son corps d'une paire d'ailes si immenses qu'elles formaient autour de lui une cape digne de celle d'un puissant monarque et nombre de ses écailles reluisantes cédèrent place à un col de plumes royales. De ce vêtement fait de chair, d'os et de magie ancienne, une tête mêlant savamment les traits de divers animaux apparut, composant lentement les attributs d'une bête d'un nouveau genre, une parfaite synergie de toutes les forces innommées qui constituaient la nature sauvage. S'il était désormais moins colossal, Rêve n'avait rien perdu de son impériale superbe et se présentait sous un jour plus princier, davantage en adéquation avec la noblesse de son vis-à-vis.
"Parfait."
Le monstre aux divines parures s'approcha encore de Zephyr tandis que se précisaient les ultimes détails de cette enveloppe naissante et du museau mystérieux dont il était pourvu, une gueule mêlant bec et crocs lupins s'ouvrit pour dévoiler des canines effroyables dans un sourire carnassier. Il commençait peu à peu à entrevoir de quel bois était fait son interlocuteur et l'idée de pouvoir progressivement percer à jour l'un des hommes les plus mystérieux du Reike se faisait grisante. Les questions posées par l'Oreille avait bien plus de sens que ce qu'elles laissaient entendre de prime abord, mais l'œil de Rêve voyait au delà de la courtoisie et des précautions de l'espion.
"Tu as fait preuve en protégeant ces fidèles d'une bonté et d'un amour de la vie dont je ne te savais pas pourvu. Digne représentant de l'Empire, je t'offre en retour des réponses sans détour aux interrogations qui te taraudent."
Il marqua une brève pause puis étendit son cou allongé pour dominer de toute sa stature les silhouettes des Hommes.
"Je me suis pensé des éons durant dénué de tout but propre. Simple fonction du monde, je n'étais pour les mortels qu'un conduit, un vaisseau portant espoirs et fantaisies d'un bout à l'autre de la toile du Songe. Mon ascension sur le plan matériel m'a vraisemblablement doté d'une volonté propre, une envie de servir le vivant au delà des aspirations prodiguées par ma nature d'origine."
Le rictus s'élargit et une main griffue quitta la cape d'ombre pour permettre à un jeune oiseau courageux de trouver un perchoir. Laissant le petit être s'installer au creux de sa paume, Rêve reprit :
"La Griffe m'a offert des terres, mais lui faire croire que je m'y restreindrai éternellement constituerait une injure à son intelligence. Deydreus Fictilem sait, tout comme toi, qu'un être tel que moi ne voit dans les frontières et les barrages que des amas de roches dénués de toute valeur. Aux yeux de l'univers, l'agencement que les Hommes font de leur propre territoire n'a pas plus d'incidence sur le cours de la vie que n'en a la ruche ou la fourmilière. Les mortels actent sans cesse des segments, des limites, des lignes invisibles pour se séparer les uns des autres. Ils s'évertuent à se diviser du mieux qu'ils le peuvent mais lorsque l'histoire les pousse à la réunion, ils obtempèrent quoi qu'il advienne et se rassemblent sans complainte."
L'oiseau s'envola pour aller se nicher ailleurs et le monstre le suivit du regard quelques instants, avant de s'en désintéresser.
"Ma toile s'étend déjà sur l'entièreté du Sekaï, très cher. Ces restrictions, je ne me les impose que par respect pour vous, ce en sachant pertinemment qu'elles ne seront qu'éphémères. Tôt ou tard, vous aurez besoin de me voir quitter cette geôle et lorsque ce besoin deviendra une évidence, je me tiendrai à vos côtés pour vous guider jusqu'aux sentiers de la victoire."
Et enfin, la note de conclusion :
"Mon rêve est de voir l'indomptable volonté des songeurs écraser celle d'une adversité issue du divin. Que l'immatériel guide le vivant sur la voie que je lui destine, à savoir celle de l'inconditionnelle réussite. Je ne serai pleinement satisfait et repu que lorsque votre conviction l'aura emporté sur celle de vos façonneurs. Vous, mortels, êtes les seuls êtres méritant de régner sur le Sekaï. Dans votre imperfections et dans vos sempiternelles dissensions, vous êtes l'incarnation d'un mouvement constant. Vous êtes le futur ainsi que la vie elle-même."
"Loin de me vexer, ton impétuosité est appréciée."
Les survivants du village se manifestèrent les uns après les autres et si leurs acclamations demeuraient aussi subtiles que silencieuses, ils reconnaissaient néanmoins dans l'intervention des agents impériaux une protection bienvenue. L'enfant sauvée par Zephyr se blottit dans les bras d'une mère aux yeux bordés de larmes, ce sous le regard indéchiffrable du géant au plumage obscur qui jaugeait tant les siens que ses visiteurs. La tête lourde de la bête gigantesque pivota puis, dans ce même élan, elle s'abaissa alors que l'anatomie du corps fantasmagorique se transformait à nouveau. Les forces ténébreuses régissant les altérations de sa silhouette opérèrent à nouveau et les traits du faux dragon se firent, l'espace d'un instant, purement et simplement indescriptibles. De la masse grouillante d'appendices monstrueux, les voix émanèrent une fois encore :
"La foi des miens se heurte souvent à ces inconvenantes rencontres mais demeure aussi forte qu'au premier jour."
L'entité aux traits éternellement changeants se stabilisa tout en perdant en volume et, dans une série de craquements dont les échos éthérés stagnaient trop longuement, le titanesque reptile prit des atours nouveaux. Se redressant lentement sur ses pattes arrières, il vint recouvrir son corps d'une paire d'ailes si immenses qu'elles formaient autour de lui une cape digne de celle d'un puissant monarque et nombre de ses écailles reluisantes cédèrent place à un col de plumes royales. De ce vêtement fait de chair, d'os et de magie ancienne, une tête mêlant savamment les traits de divers animaux apparut, composant lentement les attributs d'une bête d'un nouveau genre, une parfaite synergie de toutes les forces innommées qui constituaient la nature sauvage. S'il était désormais moins colossal, Rêve n'avait rien perdu de son impériale superbe et se présentait sous un jour plus princier, davantage en adéquation avec la noblesse de son vis-à-vis.
"Parfait."
Le monstre aux divines parures s'approcha encore de Zephyr tandis que se précisaient les ultimes détails de cette enveloppe naissante et du museau mystérieux dont il était pourvu, une gueule mêlant bec et crocs lupins s'ouvrit pour dévoiler des canines effroyables dans un sourire carnassier. Il commençait peu à peu à entrevoir de quel bois était fait son interlocuteur et l'idée de pouvoir progressivement percer à jour l'un des hommes les plus mystérieux du Reike se faisait grisante. Les questions posées par l'Oreille avait bien plus de sens que ce qu'elles laissaient entendre de prime abord, mais l'œil de Rêve voyait au delà de la courtoisie et des précautions de l'espion.
"Tu as fait preuve en protégeant ces fidèles d'une bonté et d'un amour de la vie dont je ne te savais pas pourvu. Digne représentant de l'Empire, je t'offre en retour des réponses sans détour aux interrogations qui te taraudent."
Il marqua une brève pause puis étendit son cou allongé pour dominer de toute sa stature les silhouettes des Hommes.
"Je me suis pensé des éons durant dénué de tout but propre. Simple fonction du monde, je n'étais pour les mortels qu'un conduit, un vaisseau portant espoirs et fantaisies d'un bout à l'autre de la toile du Songe. Mon ascension sur le plan matériel m'a vraisemblablement doté d'une volonté propre, une envie de servir le vivant au delà des aspirations prodiguées par ma nature d'origine."
Le rictus s'élargit et une main griffue quitta la cape d'ombre pour permettre à un jeune oiseau courageux de trouver un perchoir. Laissant le petit être s'installer au creux de sa paume, Rêve reprit :
"La Griffe m'a offert des terres, mais lui faire croire que je m'y restreindrai éternellement constituerait une injure à son intelligence. Deydreus Fictilem sait, tout comme toi, qu'un être tel que moi ne voit dans les frontières et les barrages que des amas de roches dénués de toute valeur. Aux yeux de l'univers, l'agencement que les Hommes font de leur propre territoire n'a pas plus d'incidence sur le cours de la vie que n'en a la ruche ou la fourmilière. Les mortels actent sans cesse des segments, des limites, des lignes invisibles pour se séparer les uns des autres. Ils s'évertuent à se diviser du mieux qu'ils le peuvent mais lorsque l'histoire les pousse à la réunion, ils obtempèrent quoi qu'il advienne et se rassemblent sans complainte."
L'oiseau s'envola pour aller se nicher ailleurs et le monstre le suivit du regard quelques instants, avant de s'en désintéresser.
"Ma toile s'étend déjà sur l'entièreté du Sekaï, très cher. Ces restrictions, je ne me les impose que par respect pour vous, ce en sachant pertinemment qu'elles ne seront qu'éphémères. Tôt ou tard, vous aurez besoin de me voir quitter cette geôle et lorsque ce besoin deviendra une évidence, je me tiendrai à vos côtés pour vous guider jusqu'aux sentiers de la victoire."
Et enfin, la note de conclusion :
"Mon rêve est de voir l'indomptable volonté des songeurs écraser celle d'une adversité issue du divin. Que l'immatériel guide le vivant sur la voie que je lui destine, à savoir celle de l'inconditionnelle réussite. Je ne serai pleinement satisfait et repu que lorsque votre conviction l'aura emporté sur celle de vos façonneurs. Vous, mortels, êtes les seuls êtres méritant de régner sur le Sekaï. Dans votre imperfections et dans vos sempiternelles dissensions, vous êtes l'incarnation d'un mouvement constant. Vous êtes le futur ainsi que la vie elle-même."
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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crédits : 1215
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Après le chaos et la peur – si tant est que le démon et l’Oreille aient seulement eu peur, ce qui est très improbable -, le calme revient sur le village du Doreï. Pendant que Zéphyr achève l’imbécile qui a osé toucher l’enfant, Rêve, lui, s’en prend à un malheureux diviniste en visant ses vertèbres. Le coup est suffisamment bien placé pour que la mort soit instantanée, ce qui montre aussi que la chimère onirique n’a aucun scrupule à tuer si cela sert ses intérêts. Cela, le maître-espion ne lui en tient pas rigueur. Dans le Sekai, il s’agit souvent de tuer ou d’être tué, et si les fidèles des Titans ne savent pas choisir correctement leurs ennemis, ce n’est pas son problème. Et puis, l’assassin a vu d’autres horreurs durant la guerre qui a secoué le Reike, pendant la conquête de Tensai.
Certains villageois les acclament légèrement, mais ce n’est pas pour obtenir leur reconnaissance que les guerriers impériaux sont intervenus. D’ailleurs, Zéphyr se tourne vers la créature qui, apparemment, change à nouveau de forme. Désormais, ses traits se brouillent, des appendices monstrueux composent sa silhouette, et pendant un instant, on voit juste une forme mouvante et insaisissable s’agiter doucement autour du faux-dragon. Elle devient cependant moins grande, moins imposante, note Zéphyr, et effectivement, son vis-à-vis décide de prendre une apparence humanoïde. Celle-ci est un mélange fantasmagorique de plusieurs créatures, mais il n’en reste pas moins que l’entité démoniaque a une grâce et un charme indéniables. Il n’a en tout cas rien perdu de son aura captivante et enjôleuse. L’Oreille le regarde s’approcher alors qu’il se demande ce qu’il doit conclure de cette nouvelle apparence. Rêve sait sans aucun doute s’adapter à ses interlocuteurs pour leur faire entendre le chant qu’il désire. Mais ses formes, c’est lui qui les crée, c’est lui aussi qui en est le maître. La bête démoniaque se déplace certes avec noblesse, mais cela peut aussi renvoyer un message sous-jacent : par son apparence presque royale, il ne se prend pas pour n’importe qui.
Tranquille, mais pas moins observateur, le regard de Zéphyr reste fixé sur le Prince des Songes. Un sourire doux-amer apparaît sur les lèvres de l’homme, mais il ne reprend pas son interlocuteur quand celui-ci souligne la « bonté » de l’assassin. Certes, le guerrier n’apprécie pas qu’on s’en prenne à des innocents et cela a motivé en partie son intervention. Mais on ne peut pas pour autant dire qu’il a agi de façon totalement désintéressée. Laisser faire des fanatiques sans bouger le petit doigt l’agaçait, tout simplement, comme tout bon Reikois digne de ce nom ; ensuite, il aurait été malvenu de laisser l’un des protégés du Démon être tué alors que le maître-espion avait tous les moyens de le sauver. Simple calcul stratégique.
Mais Rêve semble disposé à répondre à certaines questions subjacentes du ministre reikois. Questions qu’il n’a pas forcément posées, mais que le Démon devine avec raison. De toute manière, il saura discerner facilement l’intérêt que lui porte Zéphyr, intérêt qui n’est même pas feint sur son visage. D’ailleurs, le bretteur ne l’interrompra pas, écoutant sa naissance dans le monde matériel ainsi que ses aspirations premières. Servir le vivant. Quelque chose de logique, puisque sans créature douée de raison, il n’y a plus de rêves, finalement.
Un petit oiseau bien hardi ose se poser sur la main que tend la créature onirique, alors que celle-ci dévoile le fond de sa pensée. Pour lui, les frontières n’ont point d’importance, et les aspirations des peuples ne sont apparemment pas ce qui retient son attention puisque, comme il le dit si bien, les mortels peuvent se réunir sous une même bannière lorsque l’histoire les y pousse. En un mot, les aspirations des hommes sont fluctuantes, celles de toutes les autres races aussi, et ces désirs, ces rêves, ces espoirs, la chimère se les approprie en enveloppant sa toile dans tout le Sekai.
Il est certes dangereux, se dit le maître-espion, par sa prétention et son orgueil à vouloir guider les mortels, parce qu’il a aussi les moyens d’être renforcés par les rêves de tous les créatures qui accepteront de lui faire confiance ou d’être sous sa coupe.
D’autre part, son intérêt contre les Titans est réel et cela ne le surprend pas.
- Le Compendium a vraiment réussi à vous centrer contre les Titans, déclare le guerrier. J’ai appris son existence par quelqu’un qui a été contrôlée par Violence, qu’on pourrait appeler Chaos. En me renseignant un peu, j’ai appris que tu en faisais partie. Leur lutte contre les monstruosités du Royaume Divin était une bonne chose, il fallait le dire. Cependant. Puisque tu as été franc, je vais l’être moi aussi. Et d’un geste, l’Oreille propose à son homologue de se déplacer dans ce village plutôt que de rester dans une position statique. Un signe, au demeurant, que l’attitude du ministre n’est toujours pas hostile envers son interlocuteur. Et puisque ce dernier a fini par le tutoyer, le bretteur en fait de même. Je me méfie de toi et de ton influence. Tu dis que ta toile existe dans tous le Sekai. Je pense plutôt que tu dois encore la créer de toute part, mais que, si tu t’y prends bien, par ton astuce d’abord, par ta longévité ensuite, ton pouvoir peut devenir redoutable. Et c’est de ça que je me méfie, que je me méfierais encore si j’avais moi-même la possibilité de traverser les âges. Ce qui, pour l’heure, n’est pas le cas. Tu dis que tu veux nous guider vers la victoire et que ta geôle n’est qu’éphémère. Un léger ricanement s’échappe des lèvres de l’Oreille. L’un et l’autre sont sans doute vrais. Les démons n’aiment pas les Titans, et la victoire des mortels a bien plus d’intérêt pour toi vu l’essence de ce que tu représentes. Pour le second point… Zéphyr ralentit un peu le pas et croise le regard de la chimère devant lui. Ton « exil » du Reike ne dépend que de la Griffe et de moi. Quand bien serait-il libre de faire comme il l’entendait, le sabreur ne croyait pas que le démon auraiit l’audace de s’en prendre à l’Empire, car le chef des armées et lui-même auraient tôt fait de réagir. Mais cela ne l’empêcherait potentiellement pas de poser ses propres pions pour faire valoir sa vision du monde en particulier. Il nous serait plus favorable de te savoir uniquement au Doreï plutôt que sur nos terres. Cependant, négliger ta présence et faire si tu n’existais pas serait le comble de la stupidité. L’homme passe son regard sur le village qui s’est construit grâce aux encouragements de ce « Prophète » et le maître-espion poursuit. Tu te doutes que, si je ne te fais pas confiance, je ne proposerai pas à Deydreus Fictilem de te laisser entièrement libre de tes mouvements. Cependant, je ferais aussi erreur si je te considérais comme un ennemi pur et simple. Alors plutôt que de te cantonner à un village, pourquoi ne pas travailler avec mes services ? Une suggestion qui, au demeurant, justifiait aussi le déplacement du chef des forces spéciales. Outre sa traque des Archontes. Le peu de confiance que j’ai en toi ne me permets pas de te permettre de t’installer au Reike. En fait, il était infiniment peu probable que Deydreus et Zéphyr le permettent un jour. Mais le Shoumeï est vaste. Si tu t’allies à mes hommes, ils pourront mieux apprendre à te connaître et moi également. Vois par là une occasion pour moi de te jauger – tout comme toi, tu pourras jauger les Shoumeïens, mais aussi les Reikois avec qui tu travailleras. En fonction des contacts que nous aurons, mais aussi des rapports que j’obtiendrais, peut-être que la Main pourrait davantage t’apporter de considérations. Peut-être. Rien n’était moins sûr. Mais pour l’entité, cela pouvait être une offre intéressante. S’allier au maître-espion pouvait lui donner plus une liberté plus grande et favoriser le plan initial de la Griffe, en affaiblissant ce territoire de l’intérieur. Quant à Zéphyr, cela lui permettrait de surveiller la créature, qu’elle monte en puissance ou non.
Mais bien sûr, il fallait que Rêve soit intéressé. Et peut-être que lui-même voudrait parler de certains sujets, ou présenter un point de son village en particulier.
Certains villageois les acclament légèrement, mais ce n’est pas pour obtenir leur reconnaissance que les guerriers impériaux sont intervenus. D’ailleurs, Zéphyr se tourne vers la créature qui, apparemment, change à nouveau de forme. Désormais, ses traits se brouillent, des appendices monstrueux composent sa silhouette, et pendant un instant, on voit juste une forme mouvante et insaisissable s’agiter doucement autour du faux-dragon. Elle devient cependant moins grande, moins imposante, note Zéphyr, et effectivement, son vis-à-vis décide de prendre une apparence humanoïde. Celle-ci est un mélange fantasmagorique de plusieurs créatures, mais il n’en reste pas moins que l’entité démoniaque a une grâce et un charme indéniables. Il n’a en tout cas rien perdu de son aura captivante et enjôleuse. L’Oreille le regarde s’approcher alors qu’il se demande ce qu’il doit conclure de cette nouvelle apparence. Rêve sait sans aucun doute s’adapter à ses interlocuteurs pour leur faire entendre le chant qu’il désire. Mais ses formes, c’est lui qui les crée, c’est lui aussi qui en est le maître. La bête démoniaque se déplace certes avec noblesse, mais cela peut aussi renvoyer un message sous-jacent : par son apparence presque royale, il ne se prend pas pour n’importe qui.
Tranquille, mais pas moins observateur, le regard de Zéphyr reste fixé sur le Prince des Songes. Un sourire doux-amer apparaît sur les lèvres de l’homme, mais il ne reprend pas son interlocuteur quand celui-ci souligne la « bonté » de l’assassin. Certes, le guerrier n’apprécie pas qu’on s’en prenne à des innocents et cela a motivé en partie son intervention. Mais on ne peut pas pour autant dire qu’il a agi de façon totalement désintéressée. Laisser faire des fanatiques sans bouger le petit doigt l’agaçait, tout simplement, comme tout bon Reikois digne de ce nom ; ensuite, il aurait été malvenu de laisser l’un des protégés du Démon être tué alors que le maître-espion avait tous les moyens de le sauver. Simple calcul stratégique.
Mais Rêve semble disposé à répondre à certaines questions subjacentes du ministre reikois. Questions qu’il n’a pas forcément posées, mais que le Démon devine avec raison. De toute manière, il saura discerner facilement l’intérêt que lui porte Zéphyr, intérêt qui n’est même pas feint sur son visage. D’ailleurs, le bretteur ne l’interrompra pas, écoutant sa naissance dans le monde matériel ainsi que ses aspirations premières. Servir le vivant. Quelque chose de logique, puisque sans créature douée de raison, il n’y a plus de rêves, finalement.
Un petit oiseau bien hardi ose se poser sur la main que tend la créature onirique, alors que celle-ci dévoile le fond de sa pensée. Pour lui, les frontières n’ont point d’importance, et les aspirations des peuples ne sont apparemment pas ce qui retient son attention puisque, comme il le dit si bien, les mortels peuvent se réunir sous une même bannière lorsque l’histoire les y pousse. En un mot, les aspirations des hommes sont fluctuantes, celles de toutes les autres races aussi, et ces désirs, ces rêves, ces espoirs, la chimère se les approprie en enveloppant sa toile dans tout le Sekai.
Il est certes dangereux, se dit le maître-espion, par sa prétention et son orgueil à vouloir guider les mortels, parce qu’il a aussi les moyens d’être renforcés par les rêves de tous les créatures qui accepteront de lui faire confiance ou d’être sous sa coupe.
D’autre part, son intérêt contre les Titans est réel et cela ne le surprend pas.
- Le Compendium a vraiment réussi à vous centrer contre les Titans, déclare le guerrier. J’ai appris son existence par quelqu’un qui a été contrôlée par Violence, qu’on pourrait appeler Chaos. En me renseignant un peu, j’ai appris que tu en faisais partie. Leur lutte contre les monstruosités du Royaume Divin était une bonne chose, il fallait le dire. Cependant. Puisque tu as été franc, je vais l’être moi aussi. Et d’un geste, l’Oreille propose à son homologue de se déplacer dans ce village plutôt que de rester dans une position statique. Un signe, au demeurant, que l’attitude du ministre n’est toujours pas hostile envers son interlocuteur. Et puisque ce dernier a fini par le tutoyer, le bretteur en fait de même. Je me méfie de toi et de ton influence. Tu dis que ta toile existe dans tous le Sekai. Je pense plutôt que tu dois encore la créer de toute part, mais que, si tu t’y prends bien, par ton astuce d’abord, par ta longévité ensuite, ton pouvoir peut devenir redoutable. Et c’est de ça que je me méfie, que je me méfierais encore si j’avais moi-même la possibilité de traverser les âges. Ce qui, pour l’heure, n’est pas le cas. Tu dis que tu veux nous guider vers la victoire et que ta geôle n’est qu’éphémère. Un léger ricanement s’échappe des lèvres de l’Oreille. L’un et l’autre sont sans doute vrais. Les démons n’aiment pas les Titans, et la victoire des mortels a bien plus d’intérêt pour toi vu l’essence de ce que tu représentes. Pour le second point… Zéphyr ralentit un peu le pas et croise le regard de la chimère devant lui. Ton « exil » du Reike ne dépend que de la Griffe et de moi. Quand bien serait-il libre de faire comme il l’entendait, le sabreur ne croyait pas que le démon auraiit l’audace de s’en prendre à l’Empire, car le chef des armées et lui-même auraient tôt fait de réagir. Mais cela ne l’empêcherait potentiellement pas de poser ses propres pions pour faire valoir sa vision du monde en particulier. Il nous serait plus favorable de te savoir uniquement au Doreï plutôt que sur nos terres. Cependant, négliger ta présence et faire si tu n’existais pas serait le comble de la stupidité. L’homme passe son regard sur le village qui s’est construit grâce aux encouragements de ce « Prophète » et le maître-espion poursuit. Tu te doutes que, si je ne te fais pas confiance, je ne proposerai pas à Deydreus Fictilem de te laisser entièrement libre de tes mouvements. Cependant, je ferais aussi erreur si je te considérais comme un ennemi pur et simple. Alors plutôt que de te cantonner à un village, pourquoi ne pas travailler avec mes services ? Une suggestion qui, au demeurant, justifiait aussi le déplacement du chef des forces spéciales. Outre sa traque des Archontes. Le peu de confiance que j’ai en toi ne me permets pas de te permettre de t’installer au Reike. En fait, il était infiniment peu probable que Deydreus et Zéphyr le permettent un jour. Mais le Shoumeï est vaste. Si tu t’allies à mes hommes, ils pourront mieux apprendre à te connaître et moi également. Vois par là une occasion pour moi de te jauger – tout comme toi, tu pourras jauger les Shoumeïens, mais aussi les Reikois avec qui tu travailleras. En fonction des contacts que nous aurons, mais aussi des rapports que j’obtiendrais, peut-être que la Main pourrait davantage t’apporter de considérations. Peut-être. Rien n’était moins sûr. Mais pour l’entité, cela pouvait être une offre intéressante. S’allier au maître-espion pouvait lui donner plus une liberté plus grande et favoriser le plan initial de la Griffe, en affaiblissant ce territoire de l’intérieur. Quant à Zéphyr, cela lui permettrait de surveiller la créature, qu’elle monte en puissance ou non.
Mais bien sûr, il fallait que Rêve soit intéressé. Et peut-être que lui-même voudrait parler de certains sujets, ou présenter un point de son village en particulier.
Citoyen du monde
Rêve
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Certaines paroles de l'Oreille ne manquèrent pas de ravir la bête dont les desseins sophistiqués se voyaient convenablement servis par la perspective d'une expansion de territoire agréée par le Reike et non pas négociée par de sanglantes batailles. Il y avait en revanche, dans les révélations faites par la tête pensante de l'espionnage impériale, d'autres révélations bien plus mystérieuses et intrigantes. Conservant sa noble stature, Rêve fut vite entouré par un attroupement de fidèles qui semblaient vouloir s'assurer au mieux de la bonne santé de leur prophète et qui, avec minutie, inspectaient le plumage complexe en quête d'une éventuelle blessure. Presque indifférent au traitement offert par les siens, Rêve déposa sur la tête d'une jeune femme une main aimante sans quitter de son invisible regard le visage de son vis-à-vis. Son bec s'entrouvrit et, avec un calme imprégné d'une once de joie, il se livra :
"Il serait euphémiste de qualifier cette offre d'excellente. J'avais présagé la venue de ce jour mais je ne me serais pas douté qu'une telle annonce serait prononcée par toi, d'entre tous les représentants reikois. J'accueille bien sûr ta proposition avec plaisir et je m'efforcerai de prouver, aux tiens comme à toi, que mon amour pour vous n'a aucune forme de limite. Collaborons, cher ami; collaborons..."
Était ce un soupçon d'amusement qui s'était insinué dans le discours ? Peut être. Rêve trouvait formidable la possibilité de pouvoir étendre son influence sans avoir à agir en furtive opposition avec la volonté des impériaux et l'idée de voir ses plans accomplis sans aucune forme de conflit direct constituait un immense pas en avant, pour lui comme pour ses fidèles. Portant une dextre énorme contre son torse strié d'excroissances épineuses, le diable songeur ouvrit l'une de ses paires d'ailes sur lesquelles s'ouvrirent, les unes après les autres, de trop nombreuses paires d'yeux contenant de splendides améthystes.
"Je m'engage en contrepartie à t'offrir l'entièreté de mon éventail de talents. Si d'aventure tu rencontres le besoin d'explorer le rêve d'un mortel ou d'user de mes oiseaux afin d'obtenir une quelconque information, n'hésite pas à m'en faire la requête. Je suis ton obligé, Oreille du Reike."
Rêve releva toutefois la première partie du discours de son interlocuteur, celle qu'il avait temporairement occulté pour introduire d'abord par les remerciements ainsi que l'acceptation du contrat précédemment amené. La gueule cauchemardesque de la bête aux mille visages se referma et un profond grondement éthéré se fit entendre tandis que s'agitait brièvement le col emplumé de la créature. Un fascinant sujet venait d'être abordé et Rêve ne comptait pas se défaire sans mot dire d'une affaire qui n'avait pas cessé de hanter ses réflexions depuis de nombreuses lunes. Les voix dédoublées s'élevèrent à nouveau, d'un ton interrogateur cette fois-ci :
"Tu as parlé, très cher, du Compendium..."
Il fit un pas en avant et s'abaissa légèrement, étirant son cou massif pour approcher son faciès incompréhensible de celui du maître espion. Son insatiable curiosité venait d'être piquée au vif et il n'allait certainement pas manquer une si belle occasion d'obtenir de ce singulier échange une petite gourmandise intellectuelle.
"C'est un mot qui est gravé dans ma chair, un mot ancien, un mot qui a du sens. Quelle signification a-t-il, mon ami ? Quel rapport supposes tu que j'entretiens avec cette mystérieuse entité ? Je désire ardemment le savoir."
Il marqua une courte pause, jaugeant silencieusement les compagnons de route de l'Oreille en quête d'un quelconque élément de réponse offert autrement que par le verbe. Il ne put lire dans l'expression inflexible des impériaux qu'une totale absence de réaction. Méconnaissance ou fruit d'un entraînement visant à cacher toute forme d'émotion ? L'un comme l'autre étaient possibles. L'inspection fut interrompue lorsque Rêve reporta son attention sur le principal intéressé, avant d'ajouter :
"Sœur Violence n'est plus à même de se manifester sur le plan matériel, pour le moment. Je déplore sa disparition, même si je n'éprouve pour ceux qui l'ont vaincus qu'une invariable affection. Elle accomplissait ses desseins et vous les vôtres. Que sais-tu de mes semblables ? Que sais-tu de ce... Compendium ?"
Il était rare de voir la chimère onirique s'exprimer avec un tel empressement et l'excitation se faisait palpable jusque dans ses dires.
"Il serait euphémiste de qualifier cette offre d'excellente. J'avais présagé la venue de ce jour mais je ne me serais pas douté qu'une telle annonce serait prononcée par toi, d'entre tous les représentants reikois. J'accueille bien sûr ta proposition avec plaisir et je m'efforcerai de prouver, aux tiens comme à toi, que mon amour pour vous n'a aucune forme de limite. Collaborons, cher ami; collaborons..."
Était ce un soupçon d'amusement qui s'était insinué dans le discours ? Peut être. Rêve trouvait formidable la possibilité de pouvoir étendre son influence sans avoir à agir en furtive opposition avec la volonté des impériaux et l'idée de voir ses plans accomplis sans aucune forme de conflit direct constituait un immense pas en avant, pour lui comme pour ses fidèles. Portant une dextre énorme contre son torse strié d'excroissances épineuses, le diable songeur ouvrit l'une de ses paires d'ailes sur lesquelles s'ouvrirent, les unes après les autres, de trop nombreuses paires d'yeux contenant de splendides améthystes.
"Je m'engage en contrepartie à t'offrir l'entièreté de mon éventail de talents. Si d'aventure tu rencontres le besoin d'explorer le rêve d'un mortel ou d'user de mes oiseaux afin d'obtenir une quelconque information, n'hésite pas à m'en faire la requête. Je suis ton obligé, Oreille du Reike."
Rêve releva toutefois la première partie du discours de son interlocuteur, celle qu'il avait temporairement occulté pour introduire d'abord par les remerciements ainsi que l'acceptation du contrat précédemment amené. La gueule cauchemardesque de la bête aux mille visages se referma et un profond grondement éthéré se fit entendre tandis que s'agitait brièvement le col emplumé de la créature. Un fascinant sujet venait d'être abordé et Rêve ne comptait pas se défaire sans mot dire d'une affaire qui n'avait pas cessé de hanter ses réflexions depuis de nombreuses lunes. Les voix dédoublées s'élevèrent à nouveau, d'un ton interrogateur cette fois-ci :
"Tu as parlé, très cher, du Compendium..."
Il fit un pas en avant et s'abaissa légèrement, étirant son cou massif pour approcher son faciès incompréhensible de celui du maître espion. Son insatiable curiosité venait d'être piquée au vif et il n'allait certainement pas manquer une si belle occasion d'obtenir de ce singulier échange une petite gourmandise intellectuelle.
"C'est un mot qui est gravé dans ma chair, un mot ancien, un mot qui a du sens. Quelle signification a-t-il, mon ami ? Quel rapport supposes tu que j'entretiens avec cette mystérieuse entité ? Je désire ardemment le savoir."
Il marqua une courte pause, jaugeant silencieusement les compagnons de route de l'Oreille en quête d'un quelconque élément de réponse offert autrement que par le verbe. Il ne put lire dans l'expression inflexible des impériaux qu'une totale absence de réaction. Méconnaissance ou fruit d'un entraînement visant à cacher toute forme d'émotion ? L'un comme l'autre étaient possibles. L'inspection fut interrompue lorsque Rêve reporta son attention sur le principal intéressé, avant d'ajouter :
"Sœur Violence n'est plus à même de se manifester sur le plan matériel, pour le moment. Je déplore sa disparition, même si je n'éprouve pour ceux qui l'ont vaincus qu'une invariable affection. Elle accomplissait ses desseins et vous les vôtres. Que sais-tu de mes semblables ? Que sais-tu de ce... Compendium ?"
Il était rare de voir la chimère onirique s'exprimer avec un tel empressement et l'excitation se faisait palpable jusque dans ses dires.
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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On pouvait croire, à juste titre, que Zéphyr faisait une offre trop généreuse au Démon. Il était vrai que c’était là jouer à un jeu dangereux, puisqu’en lui proposant de s’associer avec ses propres espions, la créature chimérique pourrait obtenir plus de liberté, de pouvoir et de puissance, au fur et à mesure de sa progression dans le Shoumei. D’autre part, si l’Oreille faisait bon usage de ses informations, Rêve et Savoir étaient définitivement orientés dans la lutte contre les Titans. Violence elle-même, si elle avait été encore en vie, aurait certainement été ravie de s’offrir des combats titanesques – et elle aurait sans aucun doute fait un duo parfait avec avec quelques Reikois en particulier. Dans ce cas-ci, il aurait été ridicule de cadenasser un potentiel allié à un village perdu dans le Doreï. Oh, certes, chacun était joueur et stratège, mais ça rendait cette partie d’échec encore plus intéressante. S’il n’était pas possible d’avoir une confiance aveugle en la bête démoniaque, il était aussi peu probable que celle-ci se retourne un jour ouvertement contre l’Empire, car le jour où elle le ferait de manière frontale, elle serait annihilée sur le champ. Non, le Prince des Songes comme son homologue reikois allaient agir tout en finesse, et ils surveilleraient chacun l’influence que l’un et l’autre obtiendraient au fil du temps. Ils flirteraient sans doute entre ruse et honnêteté, au moins le temps qu’ils apprennent à se connaître l’un l’autre.
Zéphyr ne semble pas réagir au soupçon d’amusement qui perle dans la voix de son interlocuteur, mais quand ce dernier lui avoue sa surprise que leur collaboration vienne du maître-espion en personne, l’intéressé hausse subrepticement les épaules.
- De tous les membres de la Main, c’est moi qui dois avoir une vision d’ensemble du Sekai. Et si je comprends le danger qu’a vu en toi la Griffe, j’ai l’avantage d’avoir des points de vue… divers et variés. Je suis plus malléable, là où l’armée a des contraintes à cause de la discipline qu’elle s’impose. Plutôt que de te cantonner au rôle de la menace, et de t’exiler loin du Reike de manière définitive (ce dont tu te serais lassé de toute façon), autant utiliser ta nature et tes compétences dans un territoire où nous pouvons apprendre à nous connaître. A moi de faire attention à ne pas regretter mon choix dans le futur, fait-il dans un léger ricanement. Il se tait ensuite pour écouter les propos de la chimère et il acquiesce légèrement de la tête. C’est une offre que j’accepte volontiers, quand bien même je n’ai jamais vu ton pouvoir à l’œuvre. Et le voulait-il seulement ? C’était une excellente question, qu’il ne s’était jamais posée jusqu’ici. Il ne s’agissait pas ici de convaincre simplement des paysans de le suivre, il s’agissait plutôt des facultés inhérentes à son essence. De quelle manière se déploient tes capacités ? Tu profites du sommeil de tes cibles pour te plonger dans leur subconscient et te mêler à leurs rêves, que tu modèles ensuite ? Il était manifeste que le sabreur cherchait à mieux comprendre son vis-à-vis, et que ce n’était pas une volonté réelle d’être indiscret. D’ailleurs, il le laisse répondre, avant que la conversation ne tourne vers un tout autre sujet : le Compendium.
Il était presque amusant de voir Rêve si surexcité. Comme Zéphyr, la créature avait une grande maîtrise de soi et savait faire usage de faux semblant. Pourtant, ici, la simple mention du projet qui l’avait « créé » l’avait fait sortir de son maintien habituel. Sans frémir, ni même esquisser un geste de recul, le guerrier avait vu son visage si particulier se rapprocher de lui, et l’homme aux yeux ambrés prit le temps de l’observer avant de lui répondre. Sa curiosité était manifeste, c’était évident. On pourrait se demander pour quelle raison ?
- Que connais-tu exactement à son sujet ? Une question rhétorique, qui a surtout pour but d’orienter son discours en fonction de son interlocuteur. Mais, une fois qu’il a écouté la réponse de Rêve, Zéphyr reprend la parole. C’est un ancien projet elfique, créé il y a plusieurs millénaires. Il était destiné, tu le sais sans doute, à lutter contre les Titans. Un projet qui a soigneusement été… dissimulé aux yeux du monde, parce que cela aurait causé quelques problèmes d’ordre éthique et moral. Mais c’était un projet centré sur les savoirs ésotériques et la magie noire. Ce n’est donc pas étonnant qu’il n’aie pas été révélé au grand jour. Tout en parlant, Zéphyr continue à marcher dans ce village bien pauvre, totalement indifférent aux villageois qui veulent prendre soin de leur Prophète. Ce qui est certain, c’est que l’Empire elfique voulait faire de vous des armes. Et bien que cela était dangereux, le Compendium Daemonium a quand même réussi à voir le jour, dans les catacombes de Melorn. Des informations que j’ai recelées, vous êtes sept. Vie, Mort, Ordre, Chaos, Rêve, Réalité et Savoir. Violence, tu viens de le dire, a été annihilée par le Reike lors de la destruction de Sable d’Or. Elle a été considérée comme une ennemie, et au vu de l’attaque de morts-vivants, il n’y avait pas lieu de l’emprisonner ou de faire preuve de clémence. Il y avait trop urgence, à ce moment-là, dans la confusion des combats. Aurait-on eu l’occasion de l’épargner qu’Alasker et lui auraient peut-être eu une autre préoccupation que d’aller voir Praelia au Berceau… Cinq autres démons ont à l’époque pu prendre forme, après d’innombrables expériences, d’échecs et de sacrifices, semble-t-il. Toi non, tu n’y étais pas. Parce que ton essence est de loin la moins concrète, et donc, il a fallu beaucoup plus de temps pour que tu prennes une enveloppe physique. Tu étais donc moins… modulable. Contrôlable. Ton « invocation », ta création, était moins facile. A l’inverse, il est infiniment probable que Réalité ait vu facilement le jour, de même que Vie et Chaos. Un silence. A cause des enchantements qui ont été mis en place, le Compendium doit toujours exister dans les souterrains. Personnellement, je n’y ai jamais été. J’ai surtout demandé à mes hommes de rassembler ce qu’ils savaient à ce sujet, en récupérant ces informations de manière… légale ou non. Le maître-espion jette un œil au démon. Savoir en saurait certainement plus et pourrait même te guider. Mais j’ignore s’il est hostile ou non aux membres de sa race. Une de nos générales a trouvé à sa trace près de Melorn. Cela t’intéresserait-il d’y aller ? Tu sembles curieux sur tes origines. Le conseiller royal ménage bien sûr une pause pour que Rêve puisse lui répondre, puis il soulève un point qui pourrait être intéressant. J’ignore si tes frères ou tes sœurs se trouvent toujours dans les souterrains. A titre personnel, j’ai tendance à penser que votre naissance n’est pas liée au lieu-même du Compendium, que c’est juste un catalyseur, et que vous pouvez donc apparaître dans n’importe quel coin du Sekai. Mais je ne peux dire que je suis un spécialiste, je peux donc faire erreur sur ce point. A dire si tes congénères seraient ouverts à une rencontre… Le ministre a une légère moue. C’est difficile à déterminer, puisque vous avez, comme chaque immortel, vos propres objectifs et votre propre individualité..
Le maître-espion laisse retomber la conversation, autant pour laisser la fausse chouette méditer sur ses propos que pour prendre une potentielle décision. Parfois, toujours parler n’est pas bon, et même, l’Oreille profite de ce temps mort pour continuer à observer le village autour de lui. Ce n’est qu’après un temps qu’il revient sur un point particulier.
- Tu m’as dit, à plusieurs reprises, que tu avais pour les mortels une indéfectible affection. Un léger rictus s’échappe des lèvres de Zéphyr. Il en a déjà parlé avant le combat qui les a interrompus, mais certaines choses méritent d'être précisées. Si je comprends que tu ne me dises pas ouvertement que tu n’aies aucune rancune envers la Griffe, puisque ce n’est que notre première rencontre, permets-moi d’être franc et de penser que non, tu n’as pas, ou tu n’auras pas une affection pour tous les mortels du Sekai. Ton essence est d’être Rêve, pas d’être l’Amour ou la Miséricorde. Cette même essence t’influence sans doute, t’influencera toujours. Mais depuis que tu as pris forme dans le monde physique, tu cumules diverses expériences et celles-ci vont à tous les coups nourrir ce que tu es. Dis-moi, Prince des Songes : n’as-tu pas pris conscience que tu possèdes de plus en plus une individualité qui t’es propre, même si cela brise l’idéal que tu te faisais potentiellement de ta mission, à ta venue au monde ? Tu m'as parlé de ta volonté d'asseoir ta toile sur le Sekai et je le crois. Mais ta personnalité, sens-tu qu'elle se renforce à chaque jour qui passe ? Entre le Rêve qui était né il y a des mois, un Rêve « naïf » et « innocent », et le Rêve de maintenant, il pouvait y avoir un monde. Tu dois bien avoir en toi des sentiments qui s’opposent, tout comme tu as la satisfaction d’avoir des « ouailles » qui te regardent comme la prunelle de leurs yeux. Bien trop aux yeux de Zéphyr, ils sont comme des marionnettes qui répondraient au moindre de de ses désirs. Tu dois bien ressentir l’influence que les mortels ont sur toi, à présent. Et si tu as su goûter à la curiosité, à l'admiration, à la découverte, au point de définir tes objectifs, tu as aussi dû changer au fil du temps. Cela ne t'effraie pas que, toi, le Rêve, tu t'ancres toujours un peu plus dans la Réalité ? Quitte à rencontrer ses aspects les plus sombres ? Qu’avait-il à lui dire à ce sujet ? Que lui répondrait-il d’ailleurs ? Ce point attirait la curiosité du maître-espion, alors que plus loin, un autre pan du village se dévoilaient sous leurs yeux.
Restait un pan plus pratique que l'Oreille voulait aborder avec son interlocuteur, et qui concernait directement leur collaboration.
- Suite à mon offre, que comptes-tu faire ? Te cantonner à ce village ? Le développer ? Visiter le Shoumei ? Les choses viennent un peu d'évoluer pour toi, puisque désormais, tu peux littéralement te promener sur tout le Sekai sans que Deydreus et moi-même n'y voyons forcément un obstacle. Evidemment, tant que Rêve ne cherchait pas à... implémenter ses idées chez les enfants du désert, en les faisant vivre plus dans le rêve que dans la réalité. Subrepticement, Zéphyr ralentit le pas et croise le regard du Démon. Aurais-tu des besoins ? Je ne suis pas le Père Sekai, mais j'ai quand même beaucoup de ressources grâce à mon rôle de maître-espion. Un silence plus prononcé, ainsi qu'un sourire en coin. As-tu envie que je te renseigne sur la présence de mes hommes sur le territoire du Shoumei ? Il allait de soi qu'il ne raconterait rien qui mette leurs vies ou leurs missions en péril, mais si les deux protagonistes s'entraidaient, ils devaient bien faire un pas l'un vers l'autre et savoir comment se contacter, au demeurant.
Zéphyr ne semble pas réagir au soupçon d’amusement qui perle dans la voix de son interlocuteur, mais quand ce dernier lui avoue sa surprise que leur collaboration vienne du maître-espion en personne, l’intéressé hausse subrepticement les épaules.
- De tous les membres de la Main, c’est moi qui dois avoir une vision d’ensemble du Sekai. Et si je comprends le danger qu’a vu en toi la Griffe, j’ai l’avantage d’avoir des points de vue… divers et variés. Je suis plus malléable, là où l’armée a des contraintes à cause de la discipline qu’elle s’impose. Plutôt que de te cantonner au rôle de la menace, et de t’exiler loin du Reike de manière définitive (ce dont tu te serais lassé de toute façon), autant utiliser ta nature et tes compétences dans un territoire où nous pouvons apprendre à nous connaître. A moi de faire attention à ne pas regretter mon choix dans le futur, fait-il dans un léger ricanement. Il se tait ensuite pour écouter les propos de la chimère et il acquiesce légèrement de la tête. C’est une offre que j’accepte volontiers, quand bien même je n’ai jamais vu ton pouvoir à l’œuvre. Et le voulait-il seulement ? C’était une excellente question, qu’il ne s’était jamais posée jusqu’ici. Il ne s’agissait pas ici de convaincre simplement des paysans de le suivre, il s’agissait plutôt des facultés inhérentes à son essence. De quelle manière se déploient tes capacités ? Tu profites du sommeil de tes cibles pour te plonger dans leur subconscient et te mêler à leurs rêves, que tu modèles ensuite ? Il était manifeste que le sabreur cherchait à mieux comprendre son vis-à-vis, et que ce n’était pas une volonté réelle d’être indiscret. D’ailleurs, il le laisse répondre, avant que la conversation ne tourne vers un tout autre sujet : le Compendium.
Il était presque amusant de voir Rêve si surexcité. Comme Zéphyr, la créature avait une grande maîtrise de soi et savait faire usage de faux semblant. Pourtant, ici, la simple mention du projet qui l’avait « créé » l’avait fait sortir de son maintien habituel. Sans frémir, ni même esquisser un geste de recul, le guerrier avait vu son visage si particulier se rapprocher de lui, et l’homme aux yeux ambrés prit le temps de l’observer avant de lui répondre. Sa curiosité était manifeste, c’était évident. On pourrait se demander pour quelle raison ?
- Que connais-tu exactement à son sujet ? Une question rhétorique, qui a surtout pour but d’orienter son discours en fonction de son interlocuteur. Mais, une fois qu’il a écouté la réponse de Rêve, Zéphyr reprend la parole. C’est un ancien projet elfique, créé il y a plusieurs millénaires. Il était destiné, tu le sais sans doute, à lutter contre les Titans. Un projet qui a soigneusement été… dissimulé aux yeux du monde, parce que cela aurait causé quelques problèmes d’ordre éthique et moral. Mais c’était un projet centré sur les savoirs ésotériques et la magie noire. Ce n’est donc pas étonnant qu’il n’aie pas été révélé au grand jour. Tout en parlant, Zéphyr continue à marcher dans ce village bien pauvre, totalement indifférent aux villageois qui veulent prendre soin de leur Prophète. Ce qui est certain, c’est que l’Empire elfique voulait faire de vous des armes. Et bien que cela était dangereux, le Compendium Daemonium a quand même réussi à voir le jour, dans les catacombes de Melorn. Des informations que j’ai recelées, vous êtes sept. Vie, Mort, Ordre, Chaos, Rêve, Réalité et Savoir. Violence, tu viens de le dire, a été annihilée par le Reike lors de la destruction de Sable d’Or. Elle a été considérée comme une ennemie, et au vu de l’attaque de morts-vivants, il n’y avait pas lieu de l’emprisonner ou de faire preuve de clémence. Il y avait trop urgence, à ce moment-là, dans la confusion des combats. Aurait-on eu l’occasion de l’épargner qu’Alasker et lui auraient peut-être eu une autre préoccupation que d’aller voir Praelia au Berceau… Cinq autres démons ont à l’époque pu prendre forme, après d’innombrables expériences, d’échecs et de sacrifices, semble-t-il. Toi non, tu n’y étais pas. Parce que ton essence est de loin la moins concrète, et donc, il a fallu beaucoup plus de temps pour que tu prennes une enveloppe physique. Tu étais donc moins… modulable. Contrôlable. Ton « invocation », ta création, était moins facile. A l’inverse, il est infiniment probable que Réalité ait vu facilement le jour, de même que Vie et Chaos. Un silence. A cause des enchantements qui ont été mis en place, le Compendium doit toujours exister dans les souterrains. Personnellement, je n’y ai jamais été. J’ai surtout demandé à mes hommes de rassembler ce qu’ils savaient à ce sujet, en récupérant ces informations de manière… légale ou non. Le maître-espion jette un œil au démon. Savoir en saurait certainement plus et pourrait même te guider. Mais j’ignore s’il est hostile ou non aux membres de sa race. Une de nos générales a trouvé à sa trace près de Melorn. Cela t’intéresserait-il d’y aller ? Tu sembles curieux sur tes origines. Le conseiller royal ménage bien sûr une pause pour que Rêve puisse lui répondre, puis il soulève un point qui pourrait être intéressant. J’ignore si tes frères ou tes sœurs se trouvent toujours dans les souterrains. A titre personnel, j’ai tendance à penser que votre naissance n’est pas liée au lieu-même du Compendium, que c’est juste un catalyseur, et que vous pouvez donc apparaître dans n’importe quel coin du Sekai. Mais je ne peux dire que je suis un spécialiste, je peux donc faire erreur sur ce point. A dire si tes congénères seraient ouverts à une rencontre… Le ministre a une légère moue. C’est difficile à déterminer, puisque vous avez, comme chaque immortel, vos propres objectifs et votre propre individualité..
Le maître-espion laisse retomber la conversation, autant pour laisser la fausse chouette méditer sur ses propos que pour prendre une potentielle décision. Parfois, toujours parler n’est pas bon, et même, l’Oreille profite de ce temps mort pour continuer à observer le village autour de lui. Ce n’est qu’après un temps qu’il revient sur un point particulier.
- Tu m’as dit, à plusieurs reprises, que tu avais pour les mortels une indéfectible affection. Un léger rictus s’échappe des lèvres de Zéphyr. Il en a déjà parlé avant le combat qui les a interrompus, mais certaines choses méritent d'être précisées. Si je comprends que tu ne me dises pas ouvertement que tu n’aies aucune rancune envers la Griffe, puisque ce n’est que notre première rencontre, permets-moi d’être franc et de penser que non, tu n’as pas, ou tu n’auras pas une affection pour tous les mortels du Sekai. Ton essence est d’être Rêve, pas d’être l’Amour ou la Miséricorde. Cette même essence t’influence sans doute, t’influencera toujours. Mais depuis que tu as pris forme dans le monde physique, tu cumules diverses expériences et celles-ci vont à tous les coups nourrir ce que tu es. Dis-moi, Prince des Songes : n’as-tu pas pris conscience que tu possèdes de plus en plus une individualité qui t’es propre, même si cela brise l’idéal que tu te faisais potentiellement de ta mission, à ta venue au monde ? Tu m'as parlé de ta volonté d'asseoir ta toile sur le Sekai et je le crois. Mais ta personnalité, sens-tu qu'elle se renforce à chaque jour qui passe ? Entre le Rêve qui était né il y a des mois, un Rêve « naïf » et « innocent », et le Rêve de maintenant, il pouvait y avoir un monde. Tu dois bien avoir en toi des sentiments qui s’opposent, tout comme tu as la satisfaction d’avoir des « ouailles » qui te regardent comme la prunelle de leurs yeux. Bien trop aux yeux de Zéphyr, ils sont comme des marionnettes qui répondraient au moindre de de ses désirs. Tu dois bien ressentir l’influence que les mortels ont sur toi, à présent. Et si tu as su goûter à la curiosité, à l'admiration, à la découverte, au point de définir tes objectifs, tu as aussi dû changer au fil du temps. Cela ne t'effraie pas que, toi, le Rêve, tu t'ancres toujours un peu plus dans la Réalité ? Quitte à rencontrer ses aspects les plus sombres ? Qu’avait-il à lui dire à ce sujet ? Que lui répondrait-il d’ailleurs ? Ce point attirait la curiosité du maître-espion, alors que plus loin, un autre pan du village se dévoilaient sous leurs yeux.
Restait un pan plus pratique que l'Oreille voulait aborder avec son interlocuteur, et qui concernait directement leur collaboration.
- Suite à mon offre, que comptes-tu faire ? Te cantonner à ce village ? Le développer ? Visiter le Shoumei ? Les choses viennent un peu d'évoluer pour toi, puisque désormais, tu peux littéralement te promener sur tout le Sekai sans que Deydreus et moi-même n'y voyons forcément un obstacle. Evidemment, tant que Rêve ne cherchait pas à... implémenter ses idées chez les enfants du désert, en les faisant vivre plus dans le rêve que dans la réalité. Subrepticement, Zéphyr ralentit le pas et croise le regard du Démon. Aurais-tu des besoins ? Je ne suis pas le Père Sekai, mais j'ai quand même beaucoup de ressources grâce à mon rôle de maître-espion. Un silence plus prononcé, ainsi qu'un sourire en coin. As-tu envie que je te renseigne sur la présence de mes hommes sur le territoire du Shoumei ? Il allait de soi qu'il ne raconterait rien qui mette leurs vies ou leurs missions en péril, mais si les deux protagonistes s'entraidaient, ils devaient bien faire un pas l'un vers l'autre et savoir comment se contacter, au demeurant.
Citoyen du monde
Rêve
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Avec l'élégance d'un gigantesque suzerain, Rêve prit la main d'une jeune femme désireuse d'entretenir l'espace d'un instant un contact physique avec son sauveur, puis il lui transmit par l'esprit des images d'absolue plénitude, loin de toutes considérations matérielles. Subjuguées par ces visions extraordinaires, la demoiselle se figea, le regard vide et figé sur l'horizon alors que le Démon métamorphe, avec cet intérêt sans cesse renouvelé, répondait aux interrogations de son vis-à-vis sans la moindre hésitation :
"On ne m'a point dupé lorsque l'on m'a fait part de la finesse de ton esprit d'analyse. Tu as décrit mon usuelle approche des songes avec une étonnante précision, rêveur..."
Les paupières de la croyante affalée contre le flanc du Diable se refermèrent puis, étrangement, celle-ci vint se laisser glisser contre lui. Une brève observation fut suffisante pour établir qu'en dépit des circonstances, elle venait tout juste de s'assoupir pour être laissée dans son sillage. Lorsqu'elle exhala doucement, entre deux profondes et paisibles inspirations, un fin nuage de poussière violacée s'extirpa de sa bouche; traduisant ainsi sans mal qu'un peu de magie onirique s'était glissée dans l'air. Son museau indescriptible toujours orienté vers le maître-espion, Rêve ajouta :
"A cela près que je n'ai nullement besoin d'attendre que le sommeil vous prenne. J'en suis le maître."
Le Compendium fut abordé et la curiosité de Rêve ne fit que s'accroître. Il ne conservait de cette phase de son existence que de fébriles souvenirs et peinait malgré son grand pouvoir à ressasser tout évènement associé à ces curieuses terminologies. Les réponses de Zephyr, reçues et reccueillies avec respect et intérêt, vinrent satisfaire la Bête à un point qu'elle n'aurait pu imaginer de prime abord. Il était amusant, voir enrichissant pour l'égo démesuré de la créature, que de savoir que d'humbles mortels s'étaient évertués à contenir l'incarnation terrestre de leurs songes et désirs sans jamais y parvenir.
"Une geôle, donc. Un lieu conçu pour tenir en respect ce qui ne peut l'être. Je croyais ma vanité immense, je vois que celle d'humbles mortels l'éclipsent sans mal. Cet endroit n'est point un bassin, il n'est comme tu l'as si bien dit qu'un pauvre catalyseur de notre pouvoir. J'existe depuis des éons, j'existerai sans doute jusqu'à l'engloutissement de toute vie. M'anéantir ou me concevoir n'est pas du ressort d'un quelconque archimage et ne le sera jamais. Violence, ma sœur; est encore perceptible jusqu'aux confins du monde. Son changement de nature est... passager, anecdotique, tout au plus."
Un rire cristallin et éthéré émana de son bec. Il ne plaisantait qu'un brin.
"L'offre est appréciée, Oreille du Reike. Je m'y rendrai par mes propres moyens, si le cœur m'en dit."
Les propos de l'un comme de l'autre étaient mielleux, pensés pour résonner correctement chez ceux auxquels ils étaient destinés. Rêve n'accordait aux reikois qu'une confiance bien maigrelette et n'allait certainement pas leur accorder une chance de l'enfermer ou de les lier à lui éternellement en méconnaissance de cause. Sa naïveté d'antan, il l'avait troquée pour la férocité d'un despote.
La suite du discours de Zephyr ne fit que confirmer ces soupçons et si cela put sembler à peine perceptible, un léger frémissement dans les galaxies imaginaires parsemant son plumage d'ébène traduisit un pic d'excitation chez le Diable. Cet homme, loin d'être n'importe qui, figurait désormais dans la liste étroite des êtres conscients les plus dangereux pour lui, l'une des rares créatures à même de contrevenir à ses réels projets. Quelque peu perturbé, Rêve tâcha de ne rien en laisser paraître et de revenir à la raison sans octroyer à son interlocuteur le soin de percevoir la nature de son trouble :
"Les mortels me transforment, il est vrai. Mes nombreux changements d'enveloppe transcrivent sans mal ce changement, ces apparences n'étant après tout que de simples reflets de mes propres altérations. Je n'étais autrefois qu'un réceptacle, puis je suis devenu un miroir. Telle une statue, je me modèle au gré des coups portés par mes sculpteurs et j'évolue, gagnant chaque jour en détails ainsi qu'en substance. Il n'en demeure pas moins que je suis une fonction du monde et que si ma mission initiale revêt de nouveaux atours, elle demeure inchangée. J'accompagne ceux qui laissent leurs rêves les guider et j'accomplis, à leurs côtés, les plus grandes fantaisies. Mon œuvre est, et restera, signée de votre main."
Après avoir tâché au mieux de ramener l'église au milieu du village, Rêve entreprit de reprendre une voie moins inconfortable et de répondre en mêlant une once de sincérité à un titanesque tissu de mensonges.
"Mes objectifs sont ceux de l'Homme, son impétuosité et son arrogance face à la toute-puissance des façonneurs me fascinent toujours autant. La foi que mes ouailles ont pour moi alimentent certes mon pouvoir, mais ce qui m'a été donné peut m'être repris. Je reste esclave de la volonté des croyants et ma force dépend entièrement de l'amour qu'ils veulent bien me porter. Mes méthodes changent cependant, car je m'adapte aux besoins ainsi qu'aux attentes des miens, tu dis vrai."
Estimant avoir repris le fil convenablement, il conclut :
"Je n'ai besoin que de tranquillité, Oreille du Reike. Mes fidèles eux, ont besoin de sécurité. Tes forces sont les bienvenues, si elles peuvent prévenir ces villages naissant des assauts qu'ils subissent."
"On ne m'a point dupé lorsque l'on m'a fait part de la finesse de ton esprit d'analyse. Tu as décrit mon usuelle approche des songes avec une étonnante précision, rêveur..."
Les paupières de la croyante affalée contre le flanc du Diable se refermèrent puis, étrangement, celle-ci vint se laisser glisser contre lui. Une brève observation fut suffisante pour établir qu'en dépit des circonstances, elle venait tout juste de s'assoupir pour être laissée dans son sillage. Lorsqu'elle exhala doucement, entre deux profondes et paisibles inspirations, un fin nuage de poussière violacée s'extirpa de sa bouche; traduisant ainsi sans mal qu'un peu de magie onirique s'était glissée dans l'air. Son museau indescriptible toujours orienté vers le maître-espion, Rêve ajouta :
"A cela près que je n'ai nullement besoin d'attendre que le sommeil vous prenne. J'en suis le maître."
Le Compendium fut abordé et la curiosité de Rêve ne fit que s'accroître. Il ne conservait de cette phase de son existence que de fébriles souvenirs et peinait malgré son grand pouvoir à ressasser tout évènement associé à ces curieuses terminologies. Les réponses de Zephyr, reçues et reccueillies avec respect et intérêt, vinrent satisfaire la Bête à un point qu'elle n'aurait pu imaginer de prime abord. Il était amusant, voir enrichissant pour l'égo démesuré de la créature, que de savoir que d'humbles mortels s'étaient évertués à contenir l'incarnation terrestre de leurs songes et désirs sans jamais y parvenir.
"Une geôle, donc. Un lieu conçu pour tenir en respect ce qui ne peut l'être. Je croyais ma vanité immense, je vois que celle d'humbles mortels l'éclipsent sans mal. Cet endroit n'est point un bassin, il n'est comme tu l'as si bien dit qu'un pauvre catalyseur de notre pouvoir. J'existe depuis des éons, j'existerai sans doute jusqu'à l'engloutissement de toute vie. M'anéantir ou me concevoir n'est pas du ressort d'un quelconque archimage et ne le sera jamais. Violence, ma sœur; est encore perceptible jusqu'aux confins du monde. Son changement de nature est... passager, anecdotique, tout au plus."
Un rire cristallin et éthéré émana de son bec. Il ne plaisantait qu'un brin.
"L'offre est appréciée, Oreille du Reike. Je m'y rendrai par mes propres moyens, si le cœur m'en dit."
Les propos de l'un comme de l'autre étaient mielleux, pensés pour résonner correctement chez ceux auxquels ils étaient destinés. Rêve n'accordait aux reikois qu'une confiance bien maigrelette et n'allait certainement pas leur accorder une chance de l'enfermer ou de les lier à lui éternellement en méconnaissance de cause. Sa naïveté d'antan, il l'avait troquée pour la férocité d'un despote.
La suite du discours de Zephyr ne fit que confirmer ces soupçons et si cela put sembler à peine perceptible, un léger frémissement dans les galaxies imaginaires parsemant son plumage d'ébène traduisit un pic d'excitation chez le Diable. Cet homme, loin d'être n'importe qui, figurait désormais dans la liste étroite des êtres conscients les plus dangereux pour lui, l'une des rares créatures à même de contrevenir à ses réels projets. Quelque peu perturbé, Rêve tâcha de ne rien en laisser paraître et de revenir à la raison sans octroyer à son interlocuteur le soin de percevoir la nature de son trouble :
"Les mortels me transforment, il est vrai. Mes nombreux changements d'enveloppe transcrivent sans mal ce changement, ces apparences n'étant après tout que de simples reflets de mes propres altérations. Je n'étais autrefois qu'un réceptacle, puis je suis devenu un miroir. Telle une statue, je me modèle au gré des coups portés par mes sculpteurs et j'évolue, gagnant chaque jour en détails ainsi qu'en substance. Il n'en demeure pas moins que je suis une fonction du monde et que si ma mission initiale revêt de nouveaux atours, elle demeure inchangée. J'accompagne ceux qui laissent leurs rêves les guider et j'accomplis, à leurs côtés, les plus grandes fantaisies. Mon œuvre est, et restera, signée de votre main."
Après avoir tâché au mieux de ramener l'église au milieu du village, Rêve entreprit de reprendre une voie moins inconfortable et de répondre en mêlant une once de sincérité à un titanesque tissu de mensonges.
"Mes objectifs sont ceux de l'Homme, son impétuosité et son arrogance face à la toute-puissance des façonneurs me fascinent toujours autant. La foi que mes ouailles ont pour moi alimentent certes mon pouvoir, mais ce qui m'a été donné peut m'être repris. Je reste esclave de la volonté des croyants et ma force dépend entièrement de l'amour qu'ils veulent bien me porter. Mes méthodes changent cependant, car je m'adapte aux besoins ainsi qu'aux attentes des miens, tu dis vrai."
Estimant avoir repris le fil convenablement, il conclut :
"Je n'ai besoin que de tranquillité, Oreille du Reike. Mes fidèles eux, ont besoin de sécurité. Tes forces sont les bienvenues, si elles peuvent prévenir ces villages naissant des assauts qu'ils subissent."
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Zéphyr scrute du regard la jeune femme qui vient d’être plongée dans une sorte de vision extatique. Sa posture, son regarde vide, sa bouche légèrement entrouverte, son attitude figée : tout indique que le Démon est à l’œuvre et agit directement sur son esprit. Elle en vient même, certainement, à perdre pied avec la réalité, ce qui fait légèrement froncer des sourcils le maître-espion. En tant que guerrier, en tant que commandant des forces spéciales, il ne peut que se demander quelle étendue à cette compétence. Elle est certes délicieuse pour l’inconnue que Rêve tient dans ses bras, mais l’Oreille n’est pas naïf : ce beau songe peut très bien se transformer en cauchemar. Et si cette faculté peut couper les liens de ses hommes avec la réalité, dans un moment périlleux… Cela pourrait être fatal pour le régiment concerné. Silencieux, le bretteur observe une poussière violacée s’extirper de la bouche de la rêveuse, qui maintenant est adossée à son protecteur.
Des marionnettes.
Des moutons.
Des âmes faibles qui se laissent faire et se laissent guider.
C’est tout ce que répugne Zéphyr, en cet instant précis. L’homme préfère tracer sa voie lui-même que de se laisser dicter tout ce qu’il doit faire, et son obéissance au couple impérial ne change rien à cela. Il a suffisamment de caractère pour tenir tête à Tensai quand celui-ci donne des ordres qui lui déplaisent, et il a suffisamment de doigté pour avancer ses arguments à Ayshara tout en écoutant attentivement les considérations de cette dernière. Du reste, les autres membres de la Main ont aussi cette indépendance qui n'en font pas des simples laquais. Ici, à l’inverse… Ces pauvres hères semblent tout attendre de leur Messie. De leur Guide. De leur Prophète. Et cet abandon de leur libre-arbitre, de leur discernement, est tout simplement répugnant.
« Il est toujours temps de faire marche arrière », lui souffle sa conscience.
« De déchirer la toile avant qu’elle ne devienne trop grande. »
Ce ne serait pas forcément facile, mais ce ne serait pas impossible non plus.
Et pourtant, si le bretteur envisage bien cette possibilité, il n’est pas du genre à louvoyer en affirmant une chose et en faisant son contraire l’instant suivant. En tout cas, pas dans ce genre de rencontres. Il lui a proposé un partenariat, et l’homme compte bien, en conséquence, respecter sa promesse. Mais la créature chimérique ne sera jamais quelqu’un à qui il fera aveuglément confiance. Tout à l’inverse, et il serait bien probable que ce soit réciproque. Pour l’Oreille, le Marchand de Sable pourra devenir un jour une cible à abattre et il se méfiera toujours de ses paroles mielleuses. Quant à l’entité démoniaque, elle pourrait trouver le pouvoir du maître-espion dommageable pour apposer ses propres pions et son propre pouvoir. C’est que le Reikois est pragmatique, là où le Rêve défie la Réalité et ses limites.
Mais pour l’heure, leur « association » peut leur être profitable, et peut-être même qu’ils pourraient à l’avenir dépasser leurs réticences communes l’un envers l’autre. Peut-être. Au fond, en ce monde, rien n’est jamais sûr…
Quand le Diable qualifie le Conpendium de geôle, Zéphyr ne cherche pas à le contredire. Ni sur la vanité humaine, ni sur la vanité elfique. Quant aux démons eux-mêmes, puisqu’ils incarnent le plus souvent un concept, il est vrai que leur mort ne sera jamais définitive. Violence pourrait très bien revenir à la surface, dans quelques mois, voire quelques décennies, et créer encore le chaos sur le Sekai. Qu’à cela ne tienne, s’il est toujours en vie et s’il est toujours à son poste, il s’adaptera, comme toujours. Laissant son regard dévier sur le pelage sublime de la bête chimérique, le beau ténébreux ne sait pas comment interpréter le frémissement qui a parcouru son vis-à-vis et, à défaut, il préfère se concentrer sur les paroles de ce dernier. Le Voyageur reprend ainsi l’image du réceptacle, puis du miroir et de la statue qui se sculpte au gré de ses rencontres avec les rêveurs. D’une certaine manière, l’Oreille pense que qu’il y a bien du vrai dans ses propos : comme tout nouveau-né qui vient au monde, le maître des songes s’est laissé façonné par ses différentes interactions avec le Sekai. Mais vient aussi le moment où la statue sait réagir, devenir indépendante, parer les coups, fuir le danger. La statue ne se laisse plus faire : elle sort de sa prison d’argile pour devenir papillon et voler de ses propres ailes. Jusqu’à ce qu’elle décide elle aussi quelle sera ses propres aspirations et quelle sera sa marque sur cet univers. Avoir un intérêt pour les rêves de chacun n’est pas un mal en soi. En être le chef d’orchestre, par contre… n’était-ce pas ce qui intéressait son vis-à-vis ? Accueillir toutes les aspirations humaines – du moins celles qu’on voudrait bien lui confier – pour les mener à bien, tel un maestro qui agit avec précision et habilité ? La question méritait d’être posée. Peut-être serait-il intéressant qu’il rencontre certains de ses protégés, pour voir si, depuis leur première rencontre, Rêve avait été un moteur à leur existence. Mais trouver ses poussins pourrait s’avérer compliqué et il n’était pas facile de deviner la réaction du frère de Savoir si l’assassin demandait leurs noms.
Quoi qu’il en soit, l’Oreille avait du mal à lui assigner le rôle « d’esclave ». Ce n’était pas un serviteur, quoiqu’il aimât se présenter ainsi. C’était plutôt… un beau parleur, un fin illusionniste, qui mêlait sincérité et manipulation en même temps. Un alter ego de Zéphyr, si on voulait, et c’était peut-être pour cette raison que les deux protagonistes se regardaient avec une politesse feinte. Parce qu’ils se savaient être issus de la même espèce et qu’ils avaient chacun leur propre zone d’influence.
Quant à sa demande de protection…
- Cela peut se faire.
« Tu vas nourrir un poison ».
- Le Shoumei est une zone instable. Il n’y a pas que les divinistes qui peuvent constituer une menace, le territoire même et la corruption qui s’y terre peut constituer un danger pour tes fidèles.
Les bêtes, rendues folles par l’influence de l’arbre-monde, pourrait même ne pas être capables de dialoguer avec Rêve.
- Je peux déléguer mes hommes pour qu’il te protège des menaces physiques. Mais celles qui sont liées au domaine de l’esprit échappent à mon influence. Utilise tes ressources oniriques pour contrer la corruption qui a l’air de se dégager de Bénédictus. Qu’il s’agisse évidemment des tiens, ou même de ceux qui voudraient trouver refuge dans tes villages. Je ne m’oppose pas à ce que tu aides mes subordonnés, tant que tu n’en fais pas des pantins déconnectés de la réalité.
Ce que Zéphyr ne précise pas immédiatement, c’est qu’il assurera une ronde parmi les espions pour que ces derniers n’aient pas d’attachements trop fort envers lesdits villages, et encore moins envers l’entité démoniaque. Cela leur permettra aussi, et surtout, de rester sain d’esprit en revenant ponctuellement au Reike et de l’informer de l’avancée de Rêve dans la région.
- Je m’intéresserai en tout cas à ta progression. Evidemment, si tu vois quoi que ce soit digne de ton intérêt, tu pourras toujours m’en informer.
Le poison pouvait toujours devenir un remède, s’il était utilisé à bon escient.
Et ceci valait l’un pour l’autre.
- En tous les cas, je suis désormais sûr d’une chose.
Zéphyr marque un silence alors que deux enfants, ayant déjà oublié la menace des divinistes, jouent au chat dans la cour en terre battue de leurs village.
- Nous sommes à la fois bien trop proches et bien trop différents pour nous faire aveuglément confiance.
Parfois, un pavé de sincérité dans la mare, cela pouvait donner des interactions intéressantes.
Des marionnettes.
Des moutons.
Des âmes faibles qui se laissent faire et se laissent guider.
C’est tout ce que répugne Zéphyr, en cet instant précis. L’homme préfère tracer sa voie lui-même que de se laisser dicter tout ce qu’il doit faire, et son obéissance au couple impérial ne change rien à cela. Il a suffisamment de caractère pour tenir tête à Tensai quand celui-ci donne des ordres qui lui déplaisent, et il a suffisamment de doigté pour avancer ses arguments à Ayshara tout en écoutant attentivement les considérations de cette dernière. Du reste, les autres membres de la Main ont aussi cette indépendance qui n'en font pas des simples laquais. Ici, à l’inverse… Ces pauvres hères semblent tout attendre de leur Messie. De leur Guide. De leur Prophète. Et cet abandon de leur libre-arbitre, de leur discernement, est tout simplement répugnant.
« Il est toujours temps de faire marche arrière », lui souffle sa conscience.
« De déchirer la toile avant qu’elle ne devienne trop grande. »
Ce ne serait pas forcément facile, mais ce ne serait pas impossible non plus.
Et pourtant, si le bretteur envisage bien cette possibilité, il n’est pas du genre à louvoyer en affirmant une chose et en faisant son contraire l’instant suivant. En tout cas, pas dans ce genre de rencontres. Il lui a proposé un partenariat, et l’homme compte bien, en conséquence, respecter sa promesse. Mais la créature chimérique ne sera jamais quelqu’un à qui il fera aveuglément confiance. Tout à l’inverse, et il serait bien probable que ce soit réciproque. Pour l’Oreille, le Marchand de Sable pourra devenir un jour une cible à abattre et il se méfiera toujours de ses paroles mielleuses. Quant à l’entité démoniaque, elle pourrait trouver le pouvoir du maître-espion dommageable pour apposer ses propres pions et son propre pouvoir. C’est que le Reikois est pragmatique, là où le Rêve défie la Réalité et ses limites.
Mais pour l’heure, leur « association » peut leur être profitable, et peut-être même qu’ils pourraient à l’avenir dépasser leurs réticences communes l’un envers l’autre. Peut-être. Au fond, en ce monde, rien n’est jamais sûr…
Quand le Diable qualifie le Conpendium de geôle, Zéphyr ne cherche pas à le contredire. Ni sur la vanité humaine, ni sur la vanité elfique. Quant aux démons eux-mêmes, puisqu’ils incarnent le plus souvent un concept, il est vrai que leur mort ne sera jamais définitive. Violence pourrait très bien revenir à la surface, dans quelques mois, voire quelques décennies, et créer encore le chaos sur le Sekai. Qu’à cela ne tienne, s’il est toujours en vie et s’il est toujours à son poste, il s’adaptera, comme toujours. Laissant son regard dévier sur le pelage sublime de la bête chimérique, le beau ténébreux ne sait pas comment interpréter le frémissement qui a parcouru son vis-à-vis et, à défaut, il préfère se concentrer sur les paroles de ce dernier. Le Voyageur reprend ainsi l’image du réceptacle, puis du miroir et de la statue qui se sculpte au gré de ses rencontres avec les rêveurs. D’une certaine manière, l’Oreille pense que qu’il y a bien du vrai dans ses propos : comme tout nouveau-né qui vient au monde, le maître des songes s’est laissé façonné par ses différentes interactions avec le Sekai. Mais vient aussi le moment où la statue sait réagir, devenir indépendante, parer les coups, fuir le danger. La statue ne se laisse plus faire : elle sort de sa prison d’argile pour devenir papillon et voler de ses propres ailes. Jusqu’à ce qu’elle décide elle aussi quelle sera ses propres aspirations et quelle sera sa marque sur cet univers. Avoir un intérêt pour les rêves de chacun n’est pas un mal en soi. En être le chef d’orchestre, par contre… n’était-ce pas ce qui intéressait son vis-à-vis ? Accueillir toutes les aspirations humaines – du moins celles qu’on voudrait bien lui confier – pour les mener à bien, tel un maestro qui agit avec précision et habilité ? La question méritait d’être posée. Peut-être serait-il intéressant qu’il rencontre certains de ses protégés, pour voir si, depuis leur première rencontre, Rêve avait été un moteur à leur existence. Mais trouver ses poussins pourrait s’avérer compliqué et il n’était pas facile de deviner la réaction du frère de Savoir si l’assassin demandait leurs noms.
Quoi qu’il en soit, l’Oreille avait du mal à lui assigner le rôle « d’esclave ». Ce n’était pas un serviteur, quoiqu’il aimât se présenter ainsi. C’était plutôt… un beau parleur, un fin illusionniste, qui mêlait sincérité et manipulation en même temps. Un alter ego de Zéphyr, si on voulait, et c’était peut-être pour cette raison que les deux protagonistes se regardaient avec une politesse feinte. Parce qu’ils se savaient être issus de la même espèce et qu’ils avaient chacun leur propre zone d’influence.
Quant à sa demande de protection…
- Cela peut se faire.
« Tu vas nourrir un poison ».
- Le Shoumei est une zone instable. Il n’y a pas que les divinistes qui peuvent constituer une menace, le territoire même et la corruption qui s’y terre peut constituer un danger pour tes fidèles.
Les bêtes, rendues folles par l’influence de l’arbre-monde, pourrait même ne pas être capables de dialoguer avec Rêve.
- Je peux déléguer mes hommes pour qu’il te protège des menaces physiques. Mais celles qui sont liées au domaine de l’esprit échappent à mon influence. Utilise tes ressources oniriques pour contrer la corruption qui a l’air de se dégager de Bénédictus. Qu’il s’agisse évidemment des tiens, ou même de ceux qui voudraient trouver refuge dans tes villages. Je ne m’oppose pas à ce que tu aides mes subordonnés, tant que tu n’en fais pas des pantins déconnectés de la réalité.
Ce que Zéphyr ne précise pas immédiatement, c’est qu’il assurera une ronde parmi les espions pour que ces derniers n’aient pas d’attachements trop fort envers lesdits villages, et encore moins envers l’entité démoniaque. Cela leur permettra aussi, et surtout, de rester sain d’esprit en revenant ponctuellement au Reike et de l’informer de l’avancée de Rêve dans la région.
- Je m’intéresserai en tout cas à ta progression. Evidemment, si tu vois quoi que ce soit digne de ton intérêt, tu pourras toujours m’en informer.
Le poison pouvait toujours devenir un remède, s’il était utilisé à bon escient.
Et ceci valait l’un pour l’autre.
- En tous les cas, je suis désormais sûr d’une chose.
Zéphyr marque un silence alors que deux enfants, ayant déjà oublié la menace des divinistes, jouent au chat dans la cour en terre battue de leurs village.
- Nous sommes à la fois bien trop proches et bien trop différents pour nous faire aveuglément confiance.
Parfois, un pavé de sincérité dans la mare, cela pouvait donner des interactions intéressantes.
Citoyen du monde
Rêve
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Savoir que le Reike était prêt à mobiliser une entière délégation afin d'assurer la pérennité du culte des songes constituait pour le Diable une bien enrichissante découverte. L'intérêt que portait l'Empire à leur alliance avec le Prince dépassait de loin ses attentes passées et en vue du traitement qu'avaient subi ses défunts fidèles lors de leur première approche, Rêve avait la sensation d'enfin percevoir dans le sacrifice de ses agneaux un semblant de ce que l'on nommait ironiquement : le juste retour des choses. Dénigré et craint, il n'en demeurait pas moins que le Voyageur devait aux yeux des Hommes être contenu et non annihilé.
Au contraire de Violence, la divine chouette était parvenu à se hisser plus haut et à embraser la fougue des âmes à un point nullement escompté. Sa sincérité aveugle ne lui avait apporté que punitions et tromperies mais ses mensonges et ses enjolivements, eux; s'étaient avérés d'une redoutable efficacité. Conforté dans l'idée selon laquelle il menait ses suivants d'une façon diablement fructueuse, Rêve mima son vis-à-vis en jetant aux enfants joueurs un regard prolongé puis laissa un illusoire soupir de contentement agiter sa duveteuse poitrine. De ses voix éthérées, il reprit :
"Tu sais tout aussi bien que moi de quoi la corruption grimpante est symptomatique... Qu'on le conçoive ou non, elle demeure un beau présage pour les tiens."
Une bourrasque vint agiter la toile fantomatique constituant l'habit du Suzerain de l'Irréel. L'affirmation pouvait sembler contradictoire et ce fut toutefois sans la moindre hésitation que Rêve pivota en direction du maître-espion pour lancer avec bienveillance et sérénité :
"L'inaction temporaire des Titans était un gage de leur suffisance. Trop fiers, ils considéraient à tort que vos actes n'étaient que des frétillements dénués de toute portée cosmique. Le rassemblement de leurs fidèles, l'escalade de la divine corruption ou encore la création des Archontes, tout cela n'est qu'une indiscutable marque de leur crainte. Les Dieux, lorsqu'ils ont l'absolue certitude de pouvoir écraser les vivants, n'ont point la nécessité de se livrer à de si nombreux artifices."
Si son bec métamorphe avait pu se tordre en un sourire, il l'aurait fait. En lieu et place, ce fut amicalement qu'un assortiment de serres faisant office de simulacre de dextre se posa sur l'épaule de Zephyr, ce en toute sollicitude :
"Vous êtes en guerre contre l'abstrait, la fatalité et le grandiose. Ce qui me grise, c'est que vous avez vos chances; n'en déplaise aux zélés."
Ramenant ensuite sa main griffue sous les pans de sa cape impériale, le Prince de l'imaginaire retourna braquer ses nébuleux iris sur l'astre lunaire qui se profilait à l'horizon. Son message d'espoir, loin des faux-semblants qu'il vomissait si impunément, était pour lui une conviction forte. Un peu de sincérité ne faisait effectivement aucun mal. Ses voix se firent plus ferventes et Rêve ajouta :
"Nous sommes indéniablement différents, mais cela ne rend pas nos efforts incompatibles. Nos routes ne sont pas les mêmes mais tu verras bien assez vite qu'elles se croiseront, ultimement."
Puisque les Hommes vouaient un culte au concret, la poésie céda sa place aux promesses :
"A la naissance d'une quelconque anomalie en terres shoumeïennes, je t'informerai personnellement. Œuvrons main dans la main."
Au contraire de Violence, la divine chouette était parvenu à se hisser plus haut et à embraser la fougue des âmes à un point nullement escompté. Sa sincérité aveugle ne lui avait apporté que punitions et tromperies mais ses mensonges et ses enjolivements, eux; s'étaient avérés d'une redoutable efficacité. Conforté dans l'idée selon laquelle il menait ses suivants d'une façon diablement fructueuse, Rêve mima son vis-à-vis en jetant aux enfants joueurs un regard prolongé puis laissa un illusoire soupir de contentement agiter sa duveteuse poitrine. De ses voix éthérées, il reprit :
"Tu sais tout aussi bien que moi de quoi la corruption grimpante est symptomatique... Qu'on le conçoive ou non, elle demeure un beau présage pour les tiens."
Une bourrasque vint agiter la toile fantomatique constituant l'habit du Suzerain de l'Irréel. L'affirmation pouvait sembler contradictoire et ce fut toutefois sans la moindre hésitation que Rêve pivota en direction du maître-espion pour lancer avec bienveillance et sérénité :
"L'inaction temporaire des Titans était un gage de leur suffisance. Trop fiers, ils considéraient à tort que vos actes n'étaient que des frétillements dénués de toute portée cosmique. Le rassemblement de leurs fidèles, l'escalade de la divine corruption ou encore la création des Archontes, tout cela n'est qu'une indiscutable marque de leur crainte. Les Dieux, lorsqu'ils ont l'absolue certitude de pouvoir écraser les vivants, n'ont point la nécessité de se livrer à de si nombreux artifices."
Si son bec métamorphe avait pu se tordre en un sourire, il l'aurait fait. En lieu et place, ce fut amicalement qu'un assortiment de serres faisant office de simulacre de dextre se posa sur l'épaule de Zephyr, ce en toute sollicitude :
"Vous êtes en guerre contre l'abstrait, la fatalité et le grandiose. Ce qui me grise, c'est que vous avez vos chances; n'en déplaise aux zélés."
Ramenant ensuite sa main griffue sous les pans de sa cape impériale, le Prince de l'imaginaire retourna braquer ses nébuleux iris sur l'astre lunaire qui se profilait à l'horizon. Son message d'espoir, loin des faux-semblants qu'il vomissait si impunément, était pour lui une conviction forte. Un peu de sincérité ne faisait effectivement aucun mal. Ses voix se firent plus ferventes et Rêve ajouta :
"Nous sommes indéniablement différents, mais cela ne rend pas nos efforts incompatibles. Nos routes ne sont pas les mêmes mais tu verras bien assez vite qu'elles se croiseront, ultimement."
Puisque les Hommes vouaient un culte au concret, la poésie céda sa place aux promesses :
"A la naissance d'une quelconque anomalie en terres shoumeïennes, je t'informerai personnellement. Œuvrons main dans la main."
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Le proverbe disait qu’il valait mieux être proche de ses ennemis que de ses amis. En l’occurrence, Rêve n’était ni l’un ni l’autre. Il n’était pas un ennemi puisqu’il avait « docilement » obéi aux ordres de la Griffe et qu’il n’avait jamais ouvertement défié le Reike. Il n’était pas non plus un ami, car cela demandait un certain degré d’intimité et de confiance l’un envers l’autre. Or, la confiance n’existait pas, pas encore du moins, elle devrait être à construire au fil du temps, si cela était seulement possible. Mais il y avait bien un point sur lequel le Voyageur avait raison : la corruption grimpante destinait le Reike à partir vers d’autres combats sans doute plus difficile les uns que les autres. Leur collaboration, donc, aurait lieu, et a tous les coups, elle serait marquée à la fois d’échecs et de succès. D’une part, toutes les pistes amenées par la chouette ne seraient pas justes. D’autre part, la plupart de ses observations et renseignements seraient également précieux, de sorte que les forces du maître-espion se renforceraient dans ces terres hostiles, pendant que le Démon lui-même renforcerait également son emprise à sa manière.
Zéphyr ne pouvait s’empêcher de se méfier de la créature démoniaque. Elle avait trop de paroles mielleuses pour qu’il la croie sincère. Peut-être était-il aussi plus imperméable à son influence, car tous deux tissaient leurs propres toiles, et qu’ils étaient – dans un certain sens – des rivaux qui jaugeaient leur propre degré d’influence. Pour autant, le maître-espion ne regrettait pas réellement d’avoir fait son offre au confrère de Savoir. Au mieux, il serait agréablement surpris et pourrait peut-être mieux comprendre comment pensait l’entité onirique. Au pire… Au pire, tout se passait mal, et l’un comme l’autre agrandiraient le fossé qui les séparait tous les deux. Mais ce n’était pas en le cantonnant au Doreï qu’ils régleraient le problème de son existence. Tout au contraire. Mieux valait se brûler en essayant de trouver des alliés – même temporaires – que d’être aveugle en ignorant les opportunités et les menaces que pouvaient représenter un tiers.
De toute façon, son vis-à-vis semblait aligné avec lui concernant les Titans. Rêve n’avait pas tort en soulignant que ces prétendus Divins avaient montré leur faiblesse en prenant des actions contre les mortels. Une divinité omnipotente n’avait pas besoin de lever le doigt pour qu’elle reste supérieure à ses créations : elle était métaphysiquement au-dessus de tout. Dans le cadre des Huit, on était loin de cette configurations, puisqu’ils avaient déjà été vaincus ou même emprisonnés par l’Empire.
Silencieux, Zéphyr se contente de l’écouter, et il ne bouge pas quand il pose une de ses griffes sur son épaule, dans un geste qui se veut amical.
- Et bien, tu seras aux premières loges pour voir notre lutte contre ces entités prétendument divines. Tu les verras s’écrouler et devenir des cendres.
Et Rêve, assurément, rêverait alors de prendre leur place, mais il n’était pas encore en voie de convaincre l’Empire, à ce niveau-là.
- Il est vrai que rien ne nous empêche d’œuvrer ensemble, et c’est bien la raison de ma venue. C’était aussi la raison pour laquelle il n’avait pas confié cette tâche à quelqu’un d’autres. Je suis curieux de savoir quand nos routes se croiseront encore. Et ce que nous en tirerons à ce moment-là. Impossible pour lui de dire s’il allait changer d’avis sur Rêve – et le voir sous un jour favorable – ou bien si ce serait l’inverse qui se produirait. J’attendrai patiemment de tes nouvelles. Et lui-même ferait en sorte que ses hommes resterent à sa disposition si jamais l’entité avait besoin d’une quelconque aide en terre shoumeïenne. Ce qui était sûr, c'est qu'il suivrait tout ça de près. Ce Démon méritait, sinon sa curiosité, au moins son intérêt.
Zéphyr ne pouvait s’empêcher de se méfier de la créature démoniaque. Elle avait trop de paroles mielleuses pour qu’il la croie sincère. Peut-être était-il aussi plus imperméable à son influence, car tous deux tissaient leurs propres toiles, et qu’ils étaient – dans un certain sens – des rivaux qui jaugeaient leur propre degré d’influence. Pour autant, le maître-espion ne regrettait pas réellement d’avoir fait son offre au confrère de Savoir. Au mieux, il serait agréablement surpris et pourrait peut-être mieux comprendre comment pensait l’entité onirique. Au pire… Au pire, tout se passait mal, et l’un comme l’autre agrandiraient le fossé qui les séparait tous les deux. Mais ce n’était pas en le cantonnant au Doreï qu’ils régleraient le problème de son existence. Tout au contraire. Mieux valait se brûler en essayant de trouver des alliés – même temporaires – que d’être aveugle en ignorant les opportunités et les menaces que pouvaient représenter un tiers.
De toute façon, son vis-à-vis semblait aligné avec lui concernant les Titans. Rêve n’avait pas tort en soulignant que ces prétendus Divins avaient montré leur faiblesse en prenant des actions contre les mortels. Une divinité omnipotente n’avait pas besoin de lever le doigt pour qu’elle reste supérieure à ses créations : elle était métaphysiquement au-dessus de tout. Dans le cadre des Huit, on était loin de cette configurations, puisqu’ils avaient déjà été vaincus ou même emprisonnés par l’Empire.
Silencieux, Zéphyr se contente de l’écouter, et il ne bouge pas quand il pose une de ses griffes sur son épaule, dans un geste qui se veut amical.
- Et bien, tu seras aux premières loges pour voir notre lutte contre ces entités prétendument divines. Tu les verras s’écrouler et devenir des cendres.
Et Rêve, assurément, rêverait alors de prendre leur place, mais il n’était pas encore en voie de convaincre l’Empire, à ce niveau-là.
- Il est vrai que rien ne nous empêche d’œuvrer ensemble, et c’est bien la raison de ma venue. C’était aussi la raison pour laquelle il n’avait pas confié cette tâche à quelqu’un d’autres. Je suis curieux de savoir quand nos routes se croiseront encore. Et ce que nous en tirerons à ce moment-là. Impossible pour lui de dire s’il allait changer d’avis sur Rêve – et le voir sous un jour favorable – ou bien si ce serait l’inverse qui se produirait. J’attendrai patiemment de tes nouvelles. Et lui-même ferait en sorte que ses hommes resterent à sa disposition si jamais l’entité avait besoin d’une quelconque aide en terre shoumeïenne. Ce qui était sûr, c'est qu'il suivrait tout ça de près. Ce Démon méritait, sinon sa curiosité, au moins son intérêt.
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