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  • Mar 8 Aoû - 12:18

    Nineveh

    Lorsque cette lettre te parviendra, je serai mort depuis un moment déjà.
    Je n’ignore pas que l’éloignement et la vie de chacun nous aura tenu éloigné et aujourd’hui, depuis l’au-delà, il m’est difficile de t’en vouloir si tu refuses.
    Néanmoins, les circonstances étant ce qu’elles sont, je me vois obligé de te demander de l’aide. Mes jours sont comptés et aucun médecin ne saurait y faire, tant le chagrin est une maladie de l’âme avant d’être une maladie du corps.
    Je te prie, te supplie même, de te rendre à ma demeure et de t’occuper de mes filles en mon absence. J’ai déjà pris toutes les dispositions nécessaires à ce que ton séjour soit le plus bref et le plus agréable possible : tu seras traitée comme une membre de la famille. En fonction des finances et de ton humeur, tu pourras piocher dans mon coffre (ou ce qu’il en reste) pour ton voyage de retour.
    Connaissant ta mémoire, les noms Erika et Chloe t’inspirent encore le bonheur et la sympathie. Mes filles ont bien grandies, Erika la cadette, est très précoce du haut de ses quatorze ans et nul doute qu’elle sera un jour admise à Magic. Sa grande sœur Chloe, a un excellent potentiel, mais elle persiste à le gâcher en rébellion et en frasques qui nuisent à sa réputation et surtout, son futur. J’aimerais qu’elle fête son dix-neuvième printemps dans le calme et l’ordre, plutôt que le chaos d’un bal populaire.
    Leur tante doit venir les chercher d’ici deux semaines environ. En attendant, j’aimerais que tu t’occupes d’elles. Je crains pour leur futur et avec ma fin prématurée, je m’inquiète de ce qu’elles pourraient faire.
    En espérant que tu acceptes cette requête, au nom des quelques heureux souvenirs que nous avons tissé avant et durant la guerre. Au nom de la fraternité entre les médecins.

    Ton collègue, Donagh Baker.

    PS : j’ai pris la liberté d’adresser une lettre similaire à un ami nommé Keremir, un nain qui m’a rendu service par le passé. J’ignore si comme toi, il répondra à mon appel. J’espère que vous vous entendrez bien.


    Nineveh décroche les yeux de la lettre, puis a un coup d’œil vers le grand manoir en périphérie de Justice : murs de pierre, grilles en fer forgé, allée d’honneur, jardin zen. Si certains médecins ont choisi la pauvreté, il est clair que Baker n’était pas de ceux-là. Le manoir en lui-même, s’il n’est pas un déchaînement de luxe décadent comme ailleurs en République, reste une très belle demeure où on vit bien.
    Elle a un coup d’œil vers un dawi qui se tient non loin de là, lui aussi devant le portail ?

    « Keremir ? Nineveh de Basileïa, j’ai connu Baker dans les séminaires de médecine qu’il donnait. Enchantée de faire votre connaissance. » Annonce l’elfe en s’inclinant devant le nain. « Je vois que nous avons tous les deux répondu à l’appel de Baker, paix à son âme. »

    Quelques instants plus tard, c’est une présence autre qui se manifeste à l’entrée, la gouvernante de la maison à en juger par son costume tiré à quatre épingles. Une élémentaire de métal à en juger par ses cheveux blancs et ses yeux violets, peau de porcelaine et surtout, son pas lourd. D’ordinaire, les femmes ont un pas léger, imperceptible. Le sien est une pulsation sourde qui résonne dans le sol, elle marche avec la régularité d’un métronome et si l’on n’y fait pas attention, il est difficile de le percevoir. Pourtant, elle porte dans chacun de ses pas la densité du métal.

    « Mes respects, » commence la maîtresse de maison d’une voix calme, un brin détachée mais emprunte de sérieux. « Je m’appelle Evgenia Kurgan, mais tout le monde me surnomme Mamasha. Au vu des récits de Donagh, je déduis que vous êtes Keremir Longue-Hache et Nineveh de Basileïa. Je suis l’intendante de la maison Baker, à votre service. »

    Une fois les salutations passées, elle leur ouvre le portail et une fois qu’elle a refermé derrière eux, les invite à la suivre. Toujours de cet air détaché, elle leur explique les dernières nouvelles.

    « Monsieur Baker est mort il y a une semaine d’une maladie du foie. Il a refusé tous les médecins et tous les apothicaires que j’ai pu lui suggérer. Il a seulement accepté la présence de l’aumônier pour ses derniers instants. De mon opinion personnelle, Donagh s’est laissé partir. Cela faisait un long moment qu’il n’était plus vraiment parmi nous. » Une once de tristesse traverse sa voix, elle se reprend bien vite pour redonner de cette façade professionnelle. « Inutile de vous dire que ses filles sont furieuses et désemparées. Erika qui d’ordinaire est très bavarde, devient de plus en plus mutique à mesure des jours qui passent. De son côté, Chloé est toujours aussi colérique, voire plus que d’habitude. Éternelle rebelle, il est difficile d’avoir une conversation avec elle sans que la jeune fille ne se braque. » Elle leur ouvre le manoir. « Très honnêtement, cela me fait de la peine de voir les filles dans cet état. J’ai essayé de leur parler, mais… »

    C’est l’intendante. Il est difficile d’endosser le rôle de mère lorsqu’on est déjà occupé à faire tourner une maison qui doit bien compter quatre ou cinq domestiques. Lorsqu’on s’incarne en une comptable froide et détachée pendant des années, difficile de monter au créneau au pire moment

    « J’espère que vous réussirez là où j’ai échoué.
    -Un instant, j’ai cru comprendre que vous avez lu la missive qui nous était destiné ? »
    Demande Nineveh, plus curieuse que suspicieuse.
    « Oui, j’ai rédigé la lettre sous la dictée de Donagh. Il en était déjà à là, quand il a décidé de vous écrire.
    -Il s’est décidé au dernier moment.
    -Même après sa mort, je vais faire preuve de loyauté envers mon maître et dire qu’il a essayé de faire les choses bien, même s’il a tenté au tout dernier moment. »


    Du Baker tout craché.
    Ce qui amène Nineveh à une autre question.

    « Y-a-t-il d’autres problèmes dont nous devrions être informés ? De vieilles dettes ? Ou alors des rivaux qui chercheraient à s’en prendre à la maisonnée ?
    -J’ai, de mon initiative personnelle, déjà pris acte de ce côté. Il ne devrait rien arriver aux filles, à la maison ou à votre personne. Pour des raisons de discrétion, je vous demanderai simplement de ne pas aller acheter de chaux vive lors de votre séjour ici. Cela risquerait de susciter des haussements de sourcil chez les marchands du cru. »
    Compris.

    Et probablement pas de jardinage du côté des rosiers en fleurs aussi.
    Evgenia arrive enfin à la cuisine ou elle s’attelle à préparer le repas du soir.

    « J’ai conscience que tout cela est difficile à digérer d’un seul coup. Si vous souhaitez prendre congé jusqu’au dîner, j’ai fait préparer vos chambres et un bain chaud. Les filles dorment à l’étage. Ma chambre est au rez-de-chaussée près des cuisines, si vous me cherchez, j’y suis probablement. Si vous avez la moindre question, n’hésitez pas, il est un peu tard pour que cette maison ait des secrets. En particulier à l’égard de ceux qui sont venus par bonté d’âme. »

    Evgenia:

    Chloé:

    Erika:
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  • Jeu 10 Aoû - 18:50
    Donagh Baker... Voilà un nom que Kérémir n'avait pas entendu depuis bien des années maintenant, et il n'était même pas sûr que l'homme arborant ce nom avait survécu à la guerre. Dévoué qu'il était à son métier, il aurait eu maintes occasions de mourir au front, et pourtant le nom sur la lettre était bien réel. Ce vieux briscard avait non seulement réchappé de la guerre, mais il avait en plus réussi à le retrouver, et rapidement qui plus est. Certes, la providence avait voulu que Kérémir tombe par hasard sur le messager en route pour Kazan alors qu'il essayait de s'informer auprès de la guilde des aventuriers sur le chemin le plus sûr à suivre, mais ce gringalet avait apparemment réussi à parvenir jusqu'ici en à peine trois jours depuis la plus grande ville de la République. Même s'il avait du chercher son destinataire dans la nature, avec une telle rapidité il l'aurait probablement trouvé en l'espace de deux semaines.

    "Tu m'avais dit naguère que si j'avais besoin de ton aide, tu répondrais sans hésiter car il en allait de ta parole de nain." Dire qu'il s'était souvenu de cette vieille promesse après autant de temps, à croire que son voyage à Kazan venait à peine de se terminer alors que ça datait d'une bonne décennie. Devait-il vraiment répondre à cet appel ? Sa conscience lui enjoignait de le faire, mais ce serait une aventure fastidieuse pour honorer sa parole auprès d'un homme mort... en République. - Argh quelle poisse... Messager, pouvez-vous transmettre une lettre à ma famille ? Si je dois vraiment me taper ça, faudrait au moins que je donne de mes nouvelles vu que je pourrai pas rentrer les voir. Salopard de Baker, t'as de la chance que je sois le plus buté des nains. Ce furent là ses derniers mots vis-à-vis du jeune homme avant qu'il ne prenne les voiles.

    Justice... Lui qui n'avait jamais mis les pieds en République et qui n'éprouvait que peu de sympathie pour ces tocards d'aristocrates dégonflés qui en tapissaient le territoire, voilà qu'il devait aller dans l'une de ses plus grandes villes parce qu'un cadavre le lui avait demandé. Pourquoi fallait-il que Baker soit républicain, c'était un homme bon et humble qui n'hésitait pas à se fourrer dans les pires situations parce que son métier le demandait, quelque part son seul défaut jusqu'ici avait été de mesurer quarante centimètres de trop et de ne pas aimer les railleries, alors pourquoi ? Tant de questions qui ne trouveraient jamais de réponse tandis que Kérémir empruntait pour la première fois les sentiers menant à ce pays qu'il n'appréciait guère. Et pour ne rien arranger, il dut même piocher dans ses économies pour louer une calèche parce que soit-disant on ne le laisserait pas se balader librement avec son équipement de chasseur. - Nom d'un... Ooooooh, ça va c'est bon prenez le votre argent j'ai pas que ça à faire. avait-il lâché à l'égard de l'officier qu'il avait croisé aux alentours de la prestigieuse ville.

    Au terme d'interminables et redondantes péripéties, il était enfin arrivé devant la demeure de son ami défunt, et à peine quelques minutes plus tard, une silhouette vint le rejoindre devant le portail. Il en avait presque oublié qu'il ne serait pas seul dans cette entreprise, une ancienne collègue à Baker allait venir le seconder dans cette étrange entreprise. Une grande perche défigurée comme si elle avait eu le malheur de piquer un somme sur un tas de braises encore chaudes, une bien curieuse apparence, loin des classiques cicatrices que Kérémir pouvait lui-même arborer.

    - Ouais ouais, c'est bien Kérémir. Ugh... J'en reviens toujours pas d'avoir accepté de faire ça... C'est un chic type que j'ai connu quand il ramassait des feuilles par chez nous pour une quelconque expérience, je lui ai sauvé les miches deux trois fois là-bas... puis il a sauvé nos villages d'une épidémie. J'avais promis de lui rendre la pareille un jour, longue histoire.

    Ils en restèrent là pour les présentations, une dame austère vint les accueillir avant de déblatérer nombre de platitudes et d'explications noyées dans des phrases beaucoup trop compliquées. Donagh était mort et ses filles étaient inconsolables, est-ce que ça valait vraiment la peine de s'étaler pendant cinq minutes pour leur expliquer ça ? Maudits républicains... Toutefois, Nineveh souleva un point troublant, des gens pouvaient-ils vraiment en avoir après la maisonnée ? Ces gens étaient-ils vraiment si tordus qu'ils s'en prendraient à une famille de médecins ? Certes Kérémir pourrait garder un œil ouvert la nuit mais il n'avait pas spécialement envie de saccager la propriété de son hôte dans l'affaire, il savait reconnaître une fine architecture quand il en voyait une et le manoir ne laissait absolument pas à désirer.

    - Si vous permettez juste, j'ai du me coltiner une calèche jusqu'ici, je la ramènerai demain mais pour l'heure la pauvre bête va avoir besoin d'un endroit où se reposer.

    Evgenia lui indiqua qu'ils avaient effectivement une petite écurie pour les besoins de transport de la famille et qu'il pourrait y laisser le poney avant d'entrer. Elle lui proposa même d'envoyer l'un des domestiques retourner la calèche le lendemain s'il désirait rester au manoir. Et une fois à l'intérieur, elle leur offrit chambres et bain s'ils voulaient se reposer avant le dîner, ce que Kérémir accepta volontiers. Il fallait dire qu'un bain ne ferait pas de mal après un aussi long trajet, surtout pour lui qui sentait fort le nain, un moment de sérénité bien mérité avant le début des problèmes.

    Il serait bien bien resté dans sa chambre jusqu'au dîner, mais il avait des obligations à tenir, la moindre des choses était de se concerter un peu plus longuement avec sa partenaire d'infortune s'ils devaient être amenés à coopérer, alors il redescendit après avoir enfilé sa tunique de ville, un bout de tissu rapiécé et fatigué qu'il emmenait avec lui depuis plus d'un an. Encore fallait-il trouver le salon, il y avait tellement de pièces dans cette bâtisse qu'il aurait juré être passé trois fois à côté du même bureau, il lui fallut bien une dizaine de minutes avant de trouver son chemin dans ce labyrinthe. Avec tout le temps qu'il avait déjà perdu auparavant il arriva dans le salon pratiquement au même moment que les domestiques partaient informer les résidents restants.

    Nineveh finit également par faire son apparition avec cette tête invraisemblable, et il ne put s'empêcher de demander :

    - C'est naturel ce que vous avez au visage ? J'en ai vu de sales blessures et des maladies répugnantes mais à part si vous avez fourré votre tête dans un seau de lave, je peux pas expliquer comment vous vous êtes fait ça.

    Mais à peine avait-il eu le temps d'en placer une qu'un grondement se fit entendre depuis l'étage.

    - J'y crois pas ! Elle les a vraiment faits venir ?! Cette vieille carne d'Evgenia elle va m'entendre, je n'ai PAS besoin d'une nourrice !

    Des vociférations qui annonçaient bien la couleur du pétrin dans lequel les deux acolytes insoupçonnés venaient de se fourrer.
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    Anonymous
  • Jeu 10 Aoû - 22:12
    « C’est Baker. » Résume sobrement Nineveh en entendant les paroles de Keremir devant le portail.

    Le reste est de l’histoire ancienne. Le nain a lui aussi une dette envers Baker et les gens de parole ont le malheur de toujours vouloir la tenir, même quand ils pourraient faire la sourde oreille. C’est à ça qu’on les reconnaît de toute manière. L’histoire de la calèche sera réglée demain.
    Ce qui ne laisse plus que le gros morceau pour ce soir : les filles.
    En prenant son bain et en enfilant des frustes d’intérieur : une chemise grise qui a vu de meilleurs jours et un pantalon brun qui lui aussi, en a trop vu. Les patins sont de sortie et pour être honnête, cela fait du bien de marcher sur du carrelage et pas sur un sol en terre battue. Elle tire un plaisir coupable de séjourner dans de si beaux appartements et si le couvert est à la hauteur du gîte, elle va se régaler. Manger en étant toute belle et toute propre, on a rarement vu un tel privilège.
    Keremir de son côté, semble avoir d’autres préoccupations à en juger par sa question.
    Enfin, jusqu’à entendre le tonnerre de l’étage.
    Nineveh profite du bref répit pour répondre au nain.

    « Semi-naturel : j’ai eu un accident tout ce qu’il y a de plus ordinaire quand j’étais petite. J’ai corrigé l’aspect cosmétique pour donner un effet cratère, plutôt que les cicatrices ordinaires de brûlures. Je n’ai jamais eu le cœur de les gommer entièrement, elles font partie de moi et en un sens, elles intimident les patients comme les brigands. » Elle a un sourire, « j’espère qu’elles ne sont pas trop incommodantes. J’ai conscience qu’elles peuvent désarçonner. »

    Chloé s’invite dans la conversation avec toute la subtilité d’un rhinocéros qui charge et sans surprise, la jeune fille a un haussement de sourcil en voyant l’apparence de Nineveh. Puis se ressaisit très vite.

    « Je n’ai pas besoin d’une nourrice, j’ignore ce qu’Evgenia pense. Mais la dernière chose dont j’ai besoin après ce qui est arrivé à mon père, c’est de deux inconnus qui me disent comment gérer ma vie. C’est la maison de ma sœur et la mienne, pas celle d’Evgenia, ni la vôtre. » S’agite Chloé.

    C’est dommage, elle pourrait avoir un argument si elle prenait une seconde pour se calmer. Mais en un sens, comment lui en vouloir, sachant ce qu’elle traverse ? Nineveh a enterré des proches et ce n’est jamais simple, même quand on est une personne familière de la mort. Alors pour une adolescente qui vient tout juste d’atteindre l’âge légal de boire de l’alcool… La médecin secoue la tête.

    « Je n’ai pas l’intention de rester assise à écouter des boniments sur la vie et des anecdotes de jeunesse. » Déclare Chloé en pointant un doigt accusateur vers les deux.
    « Maître nain, je crois qu’elle parle de vous et du temps ou vous étiez imberbe. » Tente Nineveh pour apaiser l’atmosphère, « ou la lointaine époque où j’avais encore un visage symétrique et lisse. »

    Mais rien n’y fait et Chloé part se disputer avec Evgenia qui monte d’un ton elle aussi. L’elfe, un peu perdue, lève un index plein d’initiative mais qui hélas, ne sait guère où pointer si ce n’est au plafond, hésitante sur la meilleure manière de procéder.

    « Pour être honnête, Kérémir, j’avoue ne pas être la meilleure pour ce genre de situation. Enfin, je pense qu’elle a besoin d’un câlin. Mais plus facile à dire qu’à faire. »

    Finalement, c’est une deuxième foulée dans les escaliers qui oriente la médecin et en un sens, lui donne la marche à suivre : Erika. La jeune fille descend les escaliers, pressentant l’heure de manger et croise le regard conjoint du nain et de l’elfe sur elle. Sans un mot, elle se contente d’une courbette bien basse.

    « Si vous voulez bien m’excuser. » Se contente de dire la cadette avant de prendre congé.

    Nineveh a une moue songeuse. Elle aussi a besoin d’un câlin.

    « Keremir, j’ignore comment était Baker avec vous… Toi ? Est-ce qu’on peut se tutoyer ? Bref, je ne m’attendais pas à ce que les filles Baker aient ce tempérament. Nous devrions rejoindre tout le beau monde dans la salle à manger avant qu’il n’y ait une nouvelle dispute. »

    Et en arrivant dans la salle à manger, quelle surprise.
    Si on excepte tout le faste de la maison, avec la grande table d’ébène et les chaises finement sculptées, c’est sur la table qu’on retrouve le plus captivant pour l’œil. Le repas est riche en fruits de mers et poissons du lac Rebirth, sans compter les efforts de présentation pour les entrées et le plat de résistance. A en juger par la fatigue et les mains rouges d’Evgenia, elle s’est donnée en cuisine pour être à la hauteur des invités et des filles.
    Les sœurs sont sur le côté gauche de la grande table à manger, dos aux fenêtres. Evgenia est de l’autre côté, sur la droite, à ce qui normalement, devrait être la place de la maîtresse de maison si elle était encore de ce monde. Au centre : la place du chef de famille qui est vide.
    Reste à savoir où se placer.
    Nineveh suggère d’un signe de main de se poser du côté des filles.

    Mais pour être honnête, à voir Chloé qui est en train de fumer sur place, on se demande s’il y a une bonne position à table.
    Invité
    Invité
    Anonymous
  • Mer 23 Aoû - 20:50
    Mais quel genre d'accident pouvait bien mener à une telle défiguration ? Même les pires accidents de forge ne laissaient pas des séquelles aussi importantes, pas au visage en tout cas, et encore moins à un ouvrier expérimenté. Une erreur de manipulation magique peut-être ? Pauvre fille si c'était le cas, se prendre une gerbe de flammes au visage en étant gosse et être marqué à vie il ne le souhaitait à personne, et encore moins à des gens de constitution plus faible qui auraient du mal à s'en remettre contrairement aux roches vivantes qu'étaient les nains. Au moins elle avait l'air de bien vivre la chose aujourd'hui c'était déjà ça de pris. Il lui aurait bien rétorqué qu'il avait vu plus perturbant et que de toute façon les marques faisaient partie de son quotidien depuis qu'il était lui-même gamin, mais la furie de l'étage ne lui en laisserait pas l'occasion. Elle avait massacré les marches de l'escalier si fort que Kérémir aurait juré en entendre une ou deux grincer en se reprenant sa forme initiale, quel gâchis de bon bois.

    Et les paroles ne furent pas beaucoup plus agréables, Chloé vomissait jérémiade sur jérémiade, de quoi lui donner mal à la tête. Oh il sentait déjà l'envie de la remettre à sa place, une bonne vieille engueulade de nain il n'y avait que ça de vrai pour calmer les fortes têtes, enfin... sauf face à d'autres nains tout aussi têtus mais ça c'était un autre problème que les siens ignoraient systématiquement. Après tout, il fallait bien que les enfants tiennent leur attitude de quelque part. Une phrase de plus et il aurait éclaté mais Nineveh fut la première à prendre la parole, coupant court à l'échauffement de son propre sang, et de toute façon Chloé avait déjà disparu pour aller importuner la gouvernante qui venait d'apparaître à l'autre bout du salon en compagnie d'une aide de cuisine.

    - Elle a besoin d'une bonne torgnole surtout, ça ou d'aller frapper un tronc jusqu'à ce qu'elle se fatigue. On peut jamais rien tirer d'un brailleur, ils sont trop occupés à s'arracher la gorge.

    Dans les faits, Nineveh avait sans doute raison et Kérémir était aussi parent de deux enfants, il se doutait qu'au fond la demoiselle avait besoin de tendresse pour l'aider à faire son deuil, mais ce n'était juste pas envisageable sans passer outre de sa façade hargneuse. Et vu que les problèmes n'arrivaient pas seuls, Erika fit aussi une brève apparition avant de disparaître dans un coin du salon. Autant une forte tête c'était gérable mais ça... Il n'y avait rien de pire qu'un enfant dépressif et renfermé, gueuler ne servait souvent à rien pour capter leur attention et les consoler demandait des efforts conséquents. Kérémir roula des yeux, quelle belle aventure en perspective. Une fois encore, l'elfe à côté de lui le tira de sa torpeur.

    - Hmm ? Oh... Ha ! Ne jamais demander ça à un nain, t'es finie l'elfe... Nineveh c'est ça ? Plus sérieusement, Baker hein ? Un chic type, s'il faisait pas trois têtes de trop j'aurais pu le prendre pour un cousin éloigné tellement il était passionné, plus d'une fois que j'ai du le tirer par le col à la tombée de la nuit. Je te raconterai, par contre je garantis pas que je vais rester calme à table, si la grande l'ouvre encore comme ça, ça va barder.

    Autant la mettre en garde, même si c'était une médecin, Kérémir ne savait pas comment elle réagissait face aux situations un peu trop houleuses. Il n'ajouta rien et prit la direction de la salle à manger. Que de victuailles disposées sur la nappe, pour peu il se serait cru au palais royal d'Ikusa, ça changeait considérablement du gruau de taverne et des cuisses braisées en pleine nature, et c'était sans parler de la table. Assiettes en fine porcelaine, couverts en argent, des bougies disposées ça et là, de quoi lui faire se demander s'il avait vraiment sa place au milieu de ce tableau pour le moins pittoresque. Est-ce qu'il allait vraiment devoir faire des efforts de bienséance en plus de tout le reste ? Puissent les dieux de la forge avoir pitié de lui, le séjour promettait d'être long.

    Nineveh suggérait de s'installer du côté de filles mais Kérémir ne l'entendait pas de cette oreille, ils étaient là pour elles, à quoi bon ne même pas les regarder en face pour leur première soirée ensemble ? Il hocha la tête en signe de désapprobation et s'avança résolument vers la chaise en face d'Erika en se contentant de lancer un regard à Evgenia pour être sûr qu'il ne s'apprêtait pas à faire une boulette. Aucune réaction, elle avait l'air trop éreintée pour réagir de toute façon, Chloé en revanche... un volcan prêt à entrer en éruption.

    Kérémir n'avait aucune idée des coutumes républicaines à table, est-ce qu'il fallait attendre un signal, faire une prière... ? J'espère que le repas vous plaira. annonça la gouvernante. Autant ne pas chercher plus loin, il attrapa la délicate fourchette d'argent et s'attaqua à l'entrée de fruits de mer en silence. C'était... spécial comme recette, il n'avait pas forcément l'habitude des produits marins, encore moins de tout ce qui ne relevait pas du poisson. Face à lui, Erika se contentait de fixer le fond de son assiette sans piper mot tandis que Chloé fulminait sur sa chaise entre deux bouchées avec ses yeux qui rebondissaient du nain à l'elfe en passant par la gouvernante.

    Puis soudainement elle repoussa sa chaise avant de se relever. - Ça ne fait aucun sens, pourquoi est-ce que je devrais manger à la même table que de parfaits inconnus ?! Répondez moi Evgenia, combien de temps est-ce que vous allez faire durer cette farce ?! Puis elle tourna les talons et quitta la table en passant derrière sa sœur. - Je n'ai pas faim et ils n'ont rien à faire là, bonne nuit !

    Sacré caractère, si cochon que les bougies avaient commencé à rougeoyer, signe que Kérémir perdait son calme. Pourquoi est-ce qu'il se retenait de lui sauter dessus ? Sa promesse lui tenait-elle autant à cœur ? En tout cas, Chloé avait quitté la pièce et personne n'avait osé réagir, pas même Evgenia qui s'était contentée de lâcher un long soupir et de faire signe à son commis de cuisine de ranger la part de la diablesse, histoire que cette bonne nourriture ne finisse pas aux ordures. Puis elle prit péniblement la parole.

    - Je suis navrée pour ce que vous venez de voir, comme annoncé la situation est assez... tendue en ce moment.

    - Laissez, je m'occuperai de son cas demain, j'ai ma petite idée sur comment je vais m'y prendre. répondit-il avant de reporter son regard qui Erika qui refusait catégoriquement de relever les yeux. - Elles ont quelque chose de prévu demain ? On a pas exactement été mis au courant du programme de la maison avant d'arriver.

    Evgenia soupira une nouvelle fois. - Un tuteur doit passer dans deux jours pour Erika, elle prenait des cours avant tout ceci. Quand à dame Chloé... Je ne sais pas, elle refuse de me parler de ce qu'elle fait en ville et ça fait quatre jours qu'elle n'a plus quitté la demeure, ça en devient désespérant.

    - Hrmph... Elle va m'entendre c'est sûr. Par contre Nineveh, si t'as une solution pour la petite en face de nous je suis preneur, elle est en train de se décomposer sous mes yeux là. Des mots durs sans doute, mais c'était l'impression que donnait Erika, pour peu on aurait pu croire qu'elle essayait de fusionner avec l'assiette tellement elle s'obstinait à fixer les deux crevettes déposées en son centre. - Oy Erika, je suis presque sûr que c'est pas comme ça qu'on mange ici. ajouta t-il en claquant des doigts devant la jeune adolescente.
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