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Hodur se déplaçait principalement à cheval au sein du Reike. Dans le domaine familial dont il était désormais le seul maître à bord – drôle d’expression pour une âme ayant perdu tragiquement ses parents dans le naufrage d’un navire, maudits soient ces bâtiments démoniaques –, il possédait une écurie charmante d’une dizaine de bêtes. Un palefrenier passait chaque matin pour changer les box, il pansait les robes de toutes les couleurs, sortait les animaux et leur permettait de se défouler dans le pré, par tous temps. Hodur avait une préférence parmi les équidés. Une jument d’une dizaine d’année palomino, le pelage brillant sous le soleil, le regard vif, la voix touchante. Ses deux apprenties s’étaient vu offrir leur propre monture. Alais un hongre bai brûlé, Fadma une jument pommelée. Il n’était pas rare que le trio disparaisse quelques heures au tombé du jour, trottant dans les rues plus ou moins animées, retrouvant les chemins de terre, galopant entre les arbres, sautant par-dessus les souches. Ils revenaient hilares – si l’on exceptait Hodur, l’homme ayant en effet la fâcheuse manie de tirer la tête quel que soit l’événement qui apparaissait dans sa vie longue et presque tranquille.
Ce soir, il avait quitté les filles pour une balade nocturne dans la solitude la plus complète. Chasseuse d’Argent, sa jument, ne se dépêchait pas. Elle regardait à droite, à gauche, poussait un hennissement qui réchauffait le cœur de son cavalier émérite, s’octroyait quelques pas de danse. Sûrement ne comprenait-elle pas le silence absolu de son maître, habituée aux deux pipelettes qui couraient dans les allées et les écuries. Elles donnaient mal à la tête, et Hodur devait parfois leur faire la remarque, doucement, tout doucement, superbe façon d’être parfaitement obéi. Elles hochaient la tête, s’excusaient, riaient tout bas et fuyaient vers une tâche nouvelle à accomplir. L’homme soufflait du nez, à peine agacé, et les armes revenaient entre ses doigts. Une auberge, les lames frottent contre ses flancs. Il met pied à terre, pousse la porte. Le bruit, immédiat. Désagréable, mais les années passant, il a appris à faire abstraction et cette vie dont il ne profite pas égaie son palpitant. C’est étrange de vivre dans le silence de d’apprécier les mortels s’amusant. Il voudrait pouvoir les rejoindre, sourire, s’ouvrir, mais voilà qui est impossible, voilà qui est trop compliqué pour le Grand Maître Forgeron du Reike. Il n’y arrive pas. La jument en sécurité à l’extérieur, bien attachée à un poteau, il lui jette un coup d’œil par la fenêtre pour s’assurer qu’elle va bien, prêt à bondir en cas de problème. Mais rien ne se passe. Un tenancier se dépêche vers lui. Ils se connaissent, même si jamais ils ne se sont échangé un mot, Hodur n’ayant jamais ouvert la bouche, trop timide, trop droit dans ses bottes, habitué à ce qu’on ne dise rien. C’est bien mieux ainsi. La carte présentant les plats entre les mains, il désigne son désir du soir, un couple de boissons. Hochement de tête, l’aubergiste s’en va promptement. Les minutes défilent et l’élémentaire observe. Les rires, la joie. Il n’en fait pas partie. Il est seul, il a oublié ses crayons, son papier. Les poésies germent pourtant dans un coin de son crâne. Il espère ne point les oublier. Le repas arrive. Il penche légèrement la tête, reconnaissant. Il restera deux heures trente dans l’établissement.
Puis il s’enfuit, rejoint la nature. Il n’a pas envie de rentrer, pas encore. Les serviteurs ne l’attendent plus. Chaque soir, c’est la même rengaine. Le maître ne sera pas présent, ils mangeront seuls avec les deux apprenties. La nourriture est pourtant excellente, mais le forgeron a ses manières, a ses traditions qui demeurent depuis de longues années. Il ne faut point y toucher. Tous s’y sont faits. En rentrant, son lit sera impeccable. Trop grand pour un seul homme, cependant. Hodur n’a jamais connu la caresse d’un amour sincère. Ce n’est pas grave. L’animal et l’homme se promènent, à quoi pensent-ils ? Nul ne le sait. L’on ne peut lire les volutes de Hodur. Elles sont complexes, inaccessibles. Soudain, une lumière attire son regard. Quelques pas, elle se fait vive. Un feu. À voix basse, les âmes discutent. Se connaissent-elles ? Il n’en a aucune idée. Le cheval hennit joyeusement, se dépêchent. Des sourires, et le visage fermé de l’homme. Il saute à terre, s’installe à leurs côtés. Il tient la bride de la bête pour qu’elle ne s’aventure pas trop loin. Celle-ci baisse l’encolure, attrape quelques brins d’herbe doux. Elle semble ravie. Hodur a trouvé du monde. Il ne dira rien. Il partira quand l’heure sera venue de s’échapper en silence. On lui tend une boisson alcoolisée. Tendre mouvement de la tête en guise de remerciement, les lèvres touchent la chope, la gorge avale une goulée charmante. La boisson n’est pas désagréable. Il profite, il savoure. Il observe lui aussi ce qui se vit à ses côtés. Deux femmes, un homme. Et Hodur. A-t-il seulement le droit d’être là ? Rien n’est moins sûr.
Ce soir, il avait quitté les filles pour une balade nocturne dans la solitude la plus complète. Chasseuse d’Argent, sa jument, ne se dépêchait pas. Elle regardait à droite, à gauche, poussait un hennissement qui réchauffait le cœur de son cavalier émérite, s’octroyait quelques pas de danse. Sûrement ne comprenait-elle pas le silence absolu de son maître, habituée aux deux pipelettes qui couraient dans les allées et les écuries. Elles donnaient mal à la tête, et Hodur devait parfois leur faire la remarque, doucement, tout doucement, superbe façon d’être parfaitement obéi. Elles hochaient la tête, s’excusaient, riaient tout bas et fuyaient vers une tâche nouvelle à accomplir. L’homme soufflait du nez, à peine agacé, et les armes revenaient entre ses doigts. Une auberge, les lames frottent contre ses flancs. Il met pied à terre, pousse la porte. Le bruit, immédiat. Désagréable, mais les années passant, il a appris à faire abstraction et cette vie dont il ne profite pas égaie son palpitant. C’est étrange de vivre dans le silence de d’apprécier les mortels s’amusant. Il voudrait pouvoir les rejoindre, sourire, s’ouvrir, mais voilà qui est impossible, voilà qui est trop compliqué pour le Grand Maître Forgeron du Reike. Il n’y arrive pas. La jument en sécurité à l’extérieur, bien attachée à un poteau, il lui jette un coup d’œil par la fenêtre pour s’assurer qu’elle va bien, prêt à bondir en cas de problème. Mais rien ne se passe. Un tenancier se dépêche vers lui. Ils se connaissent, même si jamais ils ne se sont échangé un mot, Hodur n’ayant jamais ouvert la bouche, trop timide, trop droit dans ses bottes, habitué à ce qu’on ne dise rien. C’est bien mieux ainsi. La carte présentant les plats entre les mains, il désigne son désir du soir, un couple de boissons. Hochement de tête, l’aubergiste s’en va promptement. Les minutes défilent et l’élémentaire observe. Les rires, la joie. Il n’en fait pas partie. Il est seul, il a oublié ses crayons, son papier. Les poésies germent pourtant dans un coin de son crâne. Il espère ne point les oublier. Le repas arrive. Il penche légèrement la tête, reconnaissant. Il restera deux heures trente dans l’établissement.
Puis il s’enfuit, rejoint la nature. Il n’a pas envie de rentrer, pas encore. Les serviteurs ne l’attendent plus. Chaque soir, c’est la même rengaine. Le maître ne sera pas présent, ils mangeront seuls avec les deux apprenties. La nourriture est pourtant excellente, mais le forgeron a ses manières, a ses traditions qui demeurent depuis de longues années. Il ne faut point y toucher. Tous s’y sont faits. En rentrant, son lit sera impeccable. Trop grand pour un seul homme, cependant. Hodur n’a jamais connu la caresse d’un amour sincère. Ce n’est pas grave. L’animal et l’homme se promènent, à quoi pensent-ils ? Nul ne le sait. L’on ne peut lire les volutes de Hodur. Elles sont complexes, inaccessibles. Soudain, une lumière attire son regard. Quelques pas, elle se fait vive. Un feu. À voix basse, les âmes discutent. Se connaissent-elles ? Il n’en a aucune idée. Le cheval hennit joyeusement, se dépêchent. Des sourires, et le visage fermé de l’homme. Il saute à terre, s’installe à leurs côtés. Il tient la bride de la bête pour qu’elle ne s’aventure pas trop loin. Celle-ci baisse l’encolure, attrape quelques brins d’herbe doux. Elle semble ravie. Hodur a trouvé du monde. Il ne dira rien. Il partira quand l’heure sera venue de s’échapper en silence. On lui tend une boisson alcoolisée. Tendre mouvement de la tête en guise de remerciement, les lèvres touchent la chope, la gorge avale une goulée charmante. La boisson n’est pas désagréable. Il profite, il savoure. Il observe lui aussi ce qui se vit à ses côtés. Deux femmes, un homme. Et Hodur. A-t-il seulement le droit d’être là ? Rien n’est moins sûr.
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Dix-Sept Juillet de l'An 4 du Second Âge.
Elle plisse les yeux, allongée sur le ventre dans le sable et les herbes drues, à souffler sur les braises balbutiantes de son feu. Le couple qui l’accompagne est assis à quelques coudées, eux aussi s’installent et se mettent à l’aise sous la voûte étoilée, déballant de leurs sacs quelques provisions à l’odeur alléchante. Tandis que Zi Mei ajoute des brindilles et des branchages à son feu, elle hume et se délecte de ce parfum de viande. Son regard glisse vers le couple et, au prix d’un effort difficile contre son estomac criant famine, elle tente de cacher ses désirs. Et « tenter » est bien le mot, car les deux autres ne peuvent s’empêcher de laisser un rire leur échapper en la voyant ainsi, presque la bave aux lèvres.
Il n’en faut pas plus aux deux bonnes âmes pour proposer de partager leur pitance avec la porte-sabre. Ce qu’elle ne peut évidemment pas refuser tant son ventre grommèle et hurle famine.
- Franchement, là... Elle lève l’index comme pour prévenir de la pause qui s’installe alors qu’elle s’empiffre de trop de viande séchée pour sa bouche. Mmmh… ‘aut ‘ire que ‘ous ‘e ‘au’ez ‘a ‘i’e ! Face aux regards perplexes et dubitatifs, elle prend le temps de mâcher en pointant sa joue de l’index avant de finalement avaler. Je disais que vous me sauvez la mise ! Fallait que je croûte, j’en pouvais plus. Et je me voyais mal partir chasser le lapin avec une journée pareille dans les pattes ! Mais… Elle se lèche les doigts un à un avant tendre sa corne pour qu’on la serve. C’est souvent qu’on en croise des maraudeurs sur ces routes ?
- Pas que je sache. Répond le bonhomme en mordant à pleines dents dans un bout de viande. On préviendra les autorités une fois en ville. Dès demain matin.
- M’est avis que c’était certainement pas les seuls. Rétorque Zi Mei dans un hochement tête, tout en levant sa corne à ses deux nouveaux camarades. Vu les tatouages, moi j’dis, y a d’autres vide-goussets de la même bande dans la région.
Zi Mei se dresse sur ses jambes, là dans le noir, quelqu’un s’avance. Sa main libre rejoint la garde de sa lame, celle qu’elle porte à la taille, sur le côté et non pas l'imposante lame dans son dos. Puisque jusqu’à preuve du contraire, ce qui arrive semble avoir une allure humaine. Les saltimbanques, eux, sont plus aises de recevoir celui qui met pied à terre et s’installe près de leur feu. Tandis qu’il se fait offrir à boire, Zi Mei coule un regard vers la masse informe à quelques enjambées. Ladite masse se redresse, lentement et émet un râle, dévoilant sa taille imposante. Patapouf approche, il se fiche éperdument des bipèdes, non ce qui l’intéresse lui, c'est le cheval.
- Un inconnu dans la nuit, s’assoit près du feu, sans prononcer un seul mot. Déclame la jeune femme en observant le nouvel arrivant de pied en cap. Paf ! Elle lève sa corne triomphalement. J’ai fait un haïku ! Elle siffle son alcool d'une traite, la laisse tomber sa corne au sol puis désigne l’homme à la peau bleutée. Qui s’installe auprès de notre feu ? Et fais-moi voir les paumes de tes mains tant que t’y es.
Il n’en faut pas plus aux deux bonnes âmes pour proposer de partager leur pitance avec la porte-sabre. Ce qu’elle ne peut évidemment pas refuser tant son ventre grommèle et hurle famine.
- Franchement, là... Elle lève l’index comme pour prévenir de la pause qui s’installe alors qu’elle s’empiffre de trop de viande séchée pour sa bouche. Mmmh… ‘aut ‘ire que ‘ous ‘e ‘au’ez ‘a ‘i’e ! Face aux regards perplexes et dubitatifs, elle prend le temps de mâcher en pointant sa joue de l’index avant de finalement avaler. Je disais que vous me sauvez la mise ! Fallait que je croûte, j’en pouvais plus. Et je me voyais mal partir chasser le lapin avec une journée pareille dans les pattes ! Mais… Elle se lèche les doigts un à un avant tendre sa corne pour qu’on la serve. C’est souvent qu’on en croise des maraudeurs sur ces routes ?
- Pas que je sache. Répond le bonhomme en mordant à pleines dents dans un bout de viande. On préviendra les autorités une fois en ville. Dès demain matin.
- M’est avis que c’était certainement pas les seuls. Rétorque Zi Mei dans un hochement tête, tout en levant sa corne à ses deux nouveaux camarades. Vu les tatouages, moi j’dis, y a d’autres vide-goussets de la même bande dans la région.
Zi Mei se dresse sur ses jambes, là dans le noir, quelqu’un s’avance. Sa main libre rejoint la garde de sa lame, celle qu’elle porte à la taille, sur le côté et non pas l'imposante lame dans son dos. Puisque jusqu’à preuve du contraire, ce qui arrive semble avoir une allure humaine. Les saltimbanques, eux, sont plus aises de recevoir celui qui met pied à terre et s’installe près de leur feu. Tandis qu’il se fait offrir à boire, Zi Mei coule un regard vers la masse informe à quelques enjambées. Ladite masse se redresse, lentement et émet un râle, dévoilant sa taille imposante. Patapouf approche, il se fiche éperdument des bipèdes, non ce qui l’intéresse lui, c'est le cheval.
- Un inconnu dans la nuit, s’assoit près du feu, sans prononcer un seul mot. Déclame la jeune femme en observant le nouvel arrivant de pied en cap. Paf ! Elle lève sa corne triomphalement. J’ai fait un haïku ! Elle siffle son alcool d'une traite, la laisse tomber sa corne au sol puis désigne l’homme à la peau bleutée. Qui s’installe auprès de notre feu ? Et fais-moi voir les paumes de tes mains tant que t’y es.
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Ce n’est pas grave d’être silencieux, se dit Hodur. Les autres âmes parleront pour lui, puis ne lui prêteront plus attention. Lui restera là, en silence, à écouter. Les doigts touchent la corne charmante qui lui a été tendue, les lèvres trempent dans le liquide ambré. Ce n’est pas mauvais, mais il préfère le vin de chez lui. Hodur est un homme riche, alors il profite des meilleures bouteilles cachées à l’abri dans sa cave fermée à clé pour que les deux filles curieuses ne goûtent pas à tout. Elles doivent attendre l’heure des repas. L’homme tient bien l’alcool, alors il lui arrive, après être rentré de son escapade nocturne, de s’offrir un verre. Pas plus. Il remue tendrement le vin sanglant au fond de son verre, puis il laisse sa langue se délecter.
Les personnes autour de lui papotent. Hodur laisse son esprit s’échapper de son corps, s’éloigner un peu. La jument hennit doucement alors qu’un aazho s’approche d’elle. Le maître n’oppose aucune résistance, il laisse les deux animaux faire connaissance, éventuellement s’amuser ensemble. Le cheval est bien plus sociable que son cavalier, mais il ne le juge pas. C’est cela qui est bien avec les non-humains : la douceur dans leur regard ne s’en va jamais complètement, et l’on se sent en sécurité à leurs côtés. Ils ne parlent pas, ils n’ont pas la méchanceté ancrée dans leur corps. Le regard les caresse délicatement, et une voix s’élève à ses côtés. La jeune femme assise tout près a parlé, a commenté son arrivée remarquée, qui pourtant se voulait discrète. Hodur se retient de grimacer. Oui, c’est surprenant. S’asseoir aux côtés d’inconnus devrait délier sa langue, lui provoquer quelque parole, et il n’en est rien. Il aurait dû saluer, mais il connaît ses salutations, pleines de poésie, de rimes et de bizarrerie. L’on aurait froncé les sourcils, le malaise peut-être se serait installé autour du feu. À quoi bon ? Pourtant, il ne sait faire autrement. Maman parlait ainsi, et en la fréquentant tous les jours, en l’aimant, papa a commencé à s’exprimer de la même façon. Les enfants ont donc été élevés dans le verbe, dans les mots qui s’envolent et flottent au-dessus des têtes en ricanant. Pour le commun des mortels, cela est ridicule. Pour Hodur, c’est une fierté qu’il a encore du mal à assumer, malgré les années qui passent. Cela est logique, la jeune femme lui demande son identité, qu’il peinera à décliner simplement. Elle demande à voir ses mains, et les interrogations apparaissent dans son esprit embrumé par le repas copieux, par le long chemin parcouru, peut-être un peu aussi par l’alcool. Il s’exécute simplement, tend ses paumes dans l’obscurité quasiment complète. Pourquoi ? Comment ? Cela n’a pas d’importance. Elle ne tracera pas les lignes de ses mains au couteau, cela est certain, alors il se conforte dans une semi-tranquilité, comme s’il était en confiance, mais pas tout à fait. Que diable vient-il donc faire là ?
Les personnes autour de lui papotent. Hodur laisse son esprit s’échapper de son corps, s’éloigner un peu. La jument hennit doucement alors qu’un aazho s’approche d’elle. Le maître n’oppose aucune résistance, il laisse les deux animaux faire connaissance, éventuellement s’amuser ensemble. Le cheval est bien plus sociable que son cavalier, mais il ne le juge pas. C’est cela qui est bien avec les non-humains : la douceur dans leur regard ne s’en va jamais complètement, et l’on se sent en sécurité à leurs côtés. Ils ne parlent pas, ils n’ont pas la méchanceté ancrée dans leur corps. Le regard les caresse délicatement, et une voix s’élève à ses côtés. La jeune femme assise tout près a parlé, a commenté son arrivée remarquée, qui pourtant se voulait discrète. Hodur se retient de grimacer. Oui, c’est surprenant. S’asseoir aux côtés d’inconnus devrait délier sa langue, lui provoquer quelque parole, et il n’en est rien. Il aurait dû saluer, mais il connaît ses salutations, pleines de poésie, de rimes et de bizarrerie. L’on aurait froncé les sourcils, le malaise peut-être se serait installé autour du feu. À quoi bon ? Pourtant, il ne sait faire autrement. Maman parlait ainsi, et en la fréquentant tous les jours, en l’aimant, papa a commencé à s’exprimer de la même façon. Les enfants ont donc été élevés dans le verbe, dans les mots qui s’envolent et flottent au-dessus des têtes en ricanant. Pour le commun des mortels, cela est ridicule. Pour Hodur, c’est une fierté qu’il a encore du mal à assumer, malgré les années qui passent. Cela est logique, la jeune femme lui demande son identité, qu’il peinera à décliner simplement. Elle demande à voir ses mains, et les interrogations apparaissent dans son esprit embrumé par le repas copieux, par le long chemin parcouru, peut-être un peu aussi par l’alcool. Il s’exécute simplement, tend ses paumes dans l’obscurité quasiment complète. Pourquoi ? Comment ? Cela n’a pas d’importance. Elle ne tracera pas les lignes de ses mains au couteau, cela est certain, alors il se conforte dans une semi-tranquilité, comme s’il était en confiance, mais pas tout à fait. Que diable vient-il donc faire là ?
Je me nomme Hodur, je suis forgeron.
Je me suis égaré par ici, le chemin a été long.
Je me suis égaré par ici, le chemin a été long.
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