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Arme des Veilleurs
Savoir
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Les ombres sont immobiles. Figées. Le temps s’est arrêté. Seule. Le froid a cessé aussi. Chaud.
Chaud.
Chaud.
Trop chaud, beaucoup trop chaud. Ça brûle!
Elle sent quelque chose, ce n’est pas normal, elle a oublié comment ça fait, ses sens s’affolent et son corps s’embrase, sa perception la parasite, la puissance et la précision des sensations physiques qu’elle relève à nouveau est trop importante pour son cerveau atrophié. Elle tente de se débattre mais ne parvient à rien, des couleurs se mettent à apparaître dans les ombres, elles dansent langoureusement dans le noir, ce sont des teintes de rouge, d’orange, parfois de jaune, des teintes chaudes et sanguines qui ne font qu’amplifier la chaleur qu’elle souffre en silence incapable d’hurler. Elle a mal. Tellement mal. Et chaud. Elle se rend compte qu’elle pense, ça l’effraie, elle ne parvient pas à formuler quoi que ce soit de clair dans son esprit, mais elle est consciente, elle est là et elle pense. Des mots se forment, des manifestations concrètes de son état, “douleur”, elle se souvient de celui là, le mot lui est familier et étrangement elle sait qu’elle ne devrait pas en vouloir mais elle s’y rattrape comme un phare dans la nuit, “souffrance”, c’est un peu similaire, mais il y a une nuance qui lui échappe.
“Violence”
D’un seul coup c’est comme si son cerveau se rappelait comment envoyer ses signaux électriques à son corps, ses efforts pour se libérer de son supplice paient tous en un instant. Ses yeux s’écarquillent grand ouverts, accueillant la lumière aveuglante des quelques bougies qui éclairent la salle à en brûler sa rétine. Ses bras et ses jambes se projettent dans toutes les directions, sans but précis, juste l’espoir vain d’échapper au bourreau qu’est l’existence, tout son corps rejoint ses membres dans une crise de spasmes archaïques. Ses oreilles se mettent aussi à s’éveiller, la cacophonie de voix qui hurlent alarmés autour d’elle est assourdissants, elle voit des hommes et des femmes se précipiter sur elle, la plaquer contre une paroi. Le contact physique est insupportable, elle est écrasée et sa peau semble vouloir se déchirer à chaque instant qu’on la touche. Dans un réflexe longuement oublié, la bouche de Praelia Matricus s’ouvre, mais rien n’en sort. Elle a oublié comment parler. Comment produire des sons.
La peur l’envahit comme une bête insidieuse, c’est une force primale qu’elle est incapable de contenir, ses boyaux paraissent se tordre et sont prêts à lui étriper le ventre tant ils la font souffrir, l’hypersensibilité de son corps tout justement réstauré lui fait subir chaque stimuli comme dix fois ce qu’il est réellement, et les émotions viscérales n’échappent pas à ce traitement. On lui prends les bras, les mains, on l'aplati douloureusement contre le lit ou la table sur laquelle elle est allongée, on hurle de chercher des renforts, les paroles, elle se souvient des paroles. Ses oreilles vont crever, les sons explosent dans sa tête en une myriade d’ondes résonnantes qui lui fendent le crâne, ses yeux sont aveuglés, la lumière est si vive, son cerveau ne la supporte pas. La sensation de brûlure qui la possède la consume sauvagement, dans ses mouvements aléatoires sa tête se baisse et elle aperçoit son corps nu. Des veines de feu serpentent sur sa peau, des craquelures incandescentes desquelles rayonnent une sorte d’énergie ardente, mais le reste est normal, même son tatouage sur son sein droit lui renvoie son regard. Une brèche de plus apparaît sur son derme, sinuant le long de son sternum en laissant dans son sillage une énième griffure illuminée. Une fois de plus, elle ouvre la bouche, et cette fois ce qui en sort n’est rien que Praelia ne reconnaisse:
”hh…cr… … a-aa-aaaaA-aAaaAAAaAAAAAAAAHHHHHH”
Penser est trop douloureux. Alors, elle ne fait rien, depuis combien de temps est-elle allongée là, dans la cellule? Inerte. Pour éviter de réfléchir et de sombrer dans la folie, elle se concentre sur le physique, sur ce qu’elle ressent, ça fait un petit moment qu’elle a quitté l’aile médicale mais elle ne saurait pas dire combien de jours, de semaines, peut-être de mois se sont écoulés depuis qu’elle est enfermée. Ses muscles sont tellement raides qu’elle est persuadée qu’ils se briseraient si elle se remettait debout, ses articulations lui font mal, le moindre geste, le moindre changement d’angle de ses coudes, hanches, genoux, cou, n’importe quoi lui donne l’impression que ses os sont en papier de verre râclent contre sa chair. Elle ne respire que très peu, son corps est en vie mais son esprit est comme mort, les gardes qui passent devant sa cellule s’arrêtent souvent quelques minutes pour être sûr de percevoir le soulèvement lent de son dos quand elle inspire. Elle est allongée, face contre terre à la jonction entre deux murs, recroquevillée sur les fers en métal noir, elle aime bien ses fers, ils sont froids, comme le sol, la pierre est froide aussi. Ça lui fait du bien. Depuis le temps qu’elle est là elle a eu l’occasion de contrôler plusieurs fois l’évolution des veines ardentes qui la parsème, elles se résorbent très lentement, refermant derrière elles la peau comme si de rien n’était. Elle peut sentir l’énergie étrangère quitter son corps au fur et à mesure que ces marques s’effacent, lentement, sûrement. Elle passe ses journées dans une léthargie profonde à les regarder se clore toutes seules, un dixième de millimètre après l’autre au rythme du temps qui passe. La captive se sent en sécurité dans cet endroit, elle a mal, mais c’est supportable. Son état physique s’améliore. La seule chose qui la terrifie, c’est lorsque ses gardiens tentent de la nourrir et de l’abreuver. Désormais elle le fait toute seule, mais les première fois…
La voix, putain la voix bordel de merde, elle avait parlé dans sa tête, enfin c’était sa voix à elle, mais… à elle? ou… la sienne? Elle préfère juste ne pas y penser, ne plus y penser. Elle continue de vivre, de respirer, de regarder les petites failles luminescentes qui parcourent son corps s’effacer comme si elles n’étaient qu’un mauvais souvenir, une image rémanente d’un cauchemar dont elle s’était réveillée. Elle continue de vivre, de respi-
Les portes au bout du couloir s’ouvrent dans un grincement métallique grave, le volume est tenable, elle a pu se réhabituer aux sons maintenant, tout comme ses yeux s’étaient lentement réadapter à voir de la lumière. Non pas qu’il y en ait à foison ici de toute façon, sa voix par contre… elle n’a pas réessayé de s’en servir depuis qu’elle s’était réveillée dans le bloc médical, elle avait perdu connaissance juste après avoir hurlé, elle se souvient du son de sa voix… elle essaie de se concentrer sur le souvenir pour s’en rappeler, mais c’est difficile, elle a encore du mal à conceptualiser des pensées abstraites quand il y a des distractions, et là les bruits de pas qui se rapprochent de sa cellule l’empêchent de se concentrer.
Chaud.
Chaud.
Trop chaud, beaucoup trop chaud. Ça brûle!
Elle sent quelque chose, ce n’est pas normal, elle a oublié comment ça fait, ses sens s’affolent et son corps s’embrase, sa perception la parasite, la puissance et la précision des sensations physiques qu’elle relève à nouveau est trop importante pour son cerveau atrophié. Elle tente de se débattre mais ne parvient à rien, des couleurs se mettent à apparaître dans les ombres, elles dansent langoureusement dans le noir, ce sont des teintes de rouge, d’orange, parfois de jaune, des teintes chaudes et sanguines qui ne font qu’amplifier la chaleur qu’elle souffre en silence incapable d’hurler. Elle a mal. Tellement mal. Et chaud. Elle se rend compte qu’elle pense, ça l’effraie, elle ne parvient pas à formuler quoi que ce soit de clair dans son esprit, mais elle est consciente, elle est là et elle pense. Des mots se forment, des manifestations concrètes de son état, “douleur”, elle se souvient de celui là, le mot lui est familier et étrangement elle sait qu’elle ne devrait pas en vouloir mais elle s’y rattrape comme un phare dans la nuit, “souffrance”, c’est un peu similaire, mais il y a une nuance qui lui échappe.
“Violence”
D’un seul coup c’est comme si son cerveau se rappelait comment envoyer ses signaux électriques à son corps, ses efforts pour se libérer de son supplice paient tous en un instant. Ses yeux s’écarquillent grand ouverts, accueillant la lumière aveuglante des quelques bougies qui éclairent la salle à en brûler sa rétine. Ses bras et ses jambes se projettent dans toutes les directions, sans but précis, juste l’espoir vain d’échapper au bourreau qu’est l’existence, tout son corps rejoint ses membres dans une crise de spasmes archaïques. Ses oreilles se mettent aussi à s’éveiller, la cacophonie de voix qui hurlent alarmés autour d’elle est assourdissants, elle voit des hommes et des femmes se précipiter sur elle, la plaquer contre une paroi. Le contact physique est insupportable, elle est écrasée et sa peau semble vouloir se déchirer à chaque instant qu’on la touche. Dans un réflexe longuement oublié, la bouche de Praelia Matricus s’ouvre, mais rien n’en sort. Elle a oublié comment parler. Comment produire des sons.
La peur l’envahit comme une bête insidieuse, c’est une force primale qu’elle est incapable de contenir, ses boyaux paraissent se tordre et sont prêts à lui étriper le ventre tant ils la font souffrir, l’hypersensibilité de son corps tout justement réstauré lui fait subir chaque stimuli comme dix fois ce qu’il est réellement, et les émotions viscérales n’échappent pas à ce traitement. On lui prends les bras, les mains, on l'aplati douloureusement contre le lit ou la table sur laquelle elle est allongée, on hurle de chercher des renforts, les paroles, elle se souvient des paroles. Ses oreilles vont crever, les sons explosent dans sa tête en une myriade d’ondes résonnantes qui lui fendent le crâne, ses yeux sont aveuglés, la lumière est si vive, son cerveau ne la supporte pas. La sensation de brûlure qui la possède la consume sauvagement, dans ses mouvements aléatoires sa tête se baisse et elle aperçoit son corps nu. Des veines de feu serpentent sur sa peau, des craquelures incandescentes desquelles rayonnent une sorte d’énergie ardente, mais le reste est normal, même son tatouage sur son sein droit lui renvoie son regard. Une brèche de plus apparaît sur son derme, sinuant le long de son sternum en laissant dans son sillage une énième griffure illuminée. Une fois de plus, elle ouvre la bouche, et cette fois ce qui en sort n’est rien que Praelia ne reconnaisse:
”hh…cr… … a-aa-aaaaA-aAaaAAAaAAAAAAAAHHHHHH”
Penser est trop douloureux. Alors, elle ne fait rien, depuis combien de temps est-elle allongée là, dans la cellule? Inerte. Pour éviter de réfléchir et de sombrer dans la folie, elle se concentre sur le physique, sur ce qu’elle ressent, ça fait un petit moment qu’elle a quitté l’aile médicale mais elle ne saurait pas dire combien de jours, de semaines, peut-être de mois se sont écoulés depuis qu’elle est enfermée. Ses muscles sont tellement raides qu’elle est persuadée qu’ils se briseraient si elle se remettait debout, ses articulations lui font mal, le moindre geste, le moindre changement d’angle de ses coudes, hanches, genoux, cou, n’importe quoi lui donne l’impression que ses os sont en papier de verre râclent contre sa chair. Elle ne respire que très peu, son corps est en vie mais son esprit est comme mort, les gardes qui passent devant sa cellule s’arrêtent souvent quelques minutes pour être sûr de percevoir le soulèvement lent de son dos quand elle inspire. Elle est allongée, face contre terre à la jonction entre deux murs, recroquevillée sur les fers en métal noir, elle aime bien ses fers, ils sont froids, comme le sol, la pierre est froide aussi. Ça lui fait du bien. Depuis le temps qu’elle est là elle a eu l’occasion de contrôler plusieurs fois l’évolution des veines ardentes qui la parsème, elles se résorbent très lentement, refermant derrière elles la peau comme si de rien n’était. Elle peut sentir l’énergie étrangère quitter son corps au fur et à mesure que ces marques s’effacent, lentement, sûrement. Elle passe ses journées dans une léthargie profonde à les regarder se clore toutes seules, un dixième de millimètre après l’autre au rythme du temps qui passe. La captive se sent en sécurité dans cet endroit, elle a mal, mais c’est supportable. Son état physique s’améliore. La seule chose qui la terrifie, c’est lorsque ses gardiens tentent de la nourrir et de l’abreuver. Désormais elle le fait toute seule, mais les première fois…
”TUE LES TOUS”
La voix, putain la voix bordel de merde, elle avait parlé dans sa tête, enfin c’était sa voix à elle, mais… à elle? ou… la sienne? Elle préfère juste ne pas y penser, ne plus y penser. Elle continue de vivre, de respirer, de regarder les petites failles luminescentes qui parcourent son corps s’effacer comme si elles n’étaient qu’un mauvais souvenir, une image rémanente d’un cauchemar dont elle s’était réveillée. Elle continue de vivre, de respi-
Les portes au bout du couloir s’ouvrent dans un grincement métallique grave, le volume est tenable, elle a pu se réhabituer aux sons maintenant, tout comme ses yeux s’étaient lentement réadapter à voir de la lumière. Non pas qu’il y en ait à foison ici de toute façon, sa voix par contre… elle n’a pas réessayé de s’en servir depuis qu’elle s’était réveillée dans le bloc médical, elle avait perdu connaissance juste après avoir hurlé, elle se souvient du son de sa voix… elle essaie de se concentrer sur le souvenir pour s’en rappeler, mais c’est difficile, elle a encore du mal à conceptualiser des pensées abstraites quand il y a des distractions, et là les bruits de pas qui se rapprochent de sa cellule l’empêchent de se concentrer.
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Lorsque Zéphyr pose un pied sur l’île du Berceau, il sent aussitôt les effets de la forteresse anti-magie s’abattre sur lui. Ses pouvoirs, ses facultés sont réduits à leur plus simple appareil. Le maître-espion ne s’en étonne guère, il connaît depuis longtemps cet état de fait. Mais c’est une chose de le savoir, c’en est une autre que de l’expérimenter et de sentir la restriction de son énergie magique. Il faut bien admettre que c’est quelque peu désagréable. C’est comme si une chappe de plomb s’abat sur vous sans crier gare, et qu’au lieu de courir comme vous en avez l’habitude, vous êtes réduits à marcher lentement, très lentement, alors que vous savez pouvoir mieux faire, en beaucoup moins de temps que cela. Pour autant, l’assassin ne laisse rien paraître de son ressenti et se contente de balayer l’île désolée du regard. Tout est mort en ces lieux. Selon certains, ce petit morceau de terre était autrefois aussi vivant que la jungle de Sang, mais il n’y a plus aucune trace de vie ce îlot. Seulement une vaste forteresse créée lors de la guerre des Titans pour enfermer les ennemis du Reike – et parmi eux se trouve d’ailleurs la titanide Zei, prisonnière de sa geôle en adamantine. Mais ce n’est pour elle que le bretteur vient sur les lieux. Accompagné du bras droit de Deydreus, Alasker, le duo vient pour interroger une tout autre cible : une inconnue qui est apparue à Sable d’Or, après que Khal ait détruit une épée démoniaque. L’entité a été brisée par les Reikois qui ont lutté contre elle mais, contre toute-attente, le démon a laissé derrière lui une femme inconsciente, qui a aussitôt été neutralisée et envoyée au Berceau. Représente-t-elle une menace ? Sait-elle des choses compromettantes, par exemple sur ce qu’il s’est passé à la ville portuaire ? Pour être honnête, Zéphyr n’en a aucune idée. Et c’est bien pour cela qu’il est ici : pour trouver des réponses et savoir quoi faire de cette femme qui semble être née dans l’Empire.
Evidemment, on n’arrive pas au Berceau par hasard. Pour arriver jusqu’à l’île, le maître-espion a bien sûr demandé l’autorisation au couple royal, et la Griffe a évidemment permis à son bras droit de l’accompagner. En conséquence, les Akkelanaks eux aussi sont prévenus, et l’un d’eux vient même dans leur direction. Il devra les conduire à leur prisonnière, et Zéphyr ne lui en veut pas particulièrement que la discussion soit assez sommaire. Une brève salutation, la déclinaison de leur identité avec une lettre d’autorisation du couple royal, et les voilà en train de marcher dans la forteresse du Berceau.
Loin de s’enquérir de la pluie et du beau temps, l’assassin va droit au but. Comment a réagi la prisonnière de son incarcération ? A-t-elle dit qui elle était ? A-t-elle cherché à avoir des interactions ? Comment était son comportement ? Le lycanthrope peut bien sûr se mêler à la conversation s’il le souhaite, mais le but de son compagnon est d’en apprendre davantage sur l’état de la geôlière d’ici à ce qu’ils arrivent à sa cellule. L’Akkelanak ne se fait pas prier pour lui répondre et les informations qu’il leur donne sont quelque peu particulières.
La demoiselle est consciente. C’est un fait. Elle voit, elle sent, elle entend, et tous ses sens devraient fonctionner normalement. Mais... Elle ne parle pas. Elle existe, tout simplement, mais elle est amorphe, telle une coquille vide à laquelle on a enlevé toute substance. Lorsqu’elle s’est réveillée la toute première fois, l’inconnue a été tellement agitée qu’il a fallu l’immobiliser en urgence, mais alors même qu’elle ouvrait la bouche pour articuler un cri, ou au moins une parole, aucun son n’a franchi ses lèvres. Telle une bête acculée qui se replie dans sa tanière, dans un dernier élan de désespoir, elle a fini par hurler d’une voix éraillée, et il a fallu beaucoup de temps pour qu’elle réapprenne à manger et à s’alimenter toute seule. Lorsqu’enfin elle a pu retrouver son autonomie – au moins sur ce point –, elle a pu quitter la zone de soin de la Forteresse pour être placée dans une cellule à part. Ses géôliers ont d’ailleurs remarqué d’étranges veines sombres qui parcourent tout son corps. Un effet probablement dû à la possession dont elle a été victime. Ces marques semblent se résorber progressivement, certainement à cause de l’anti-magie qui règne sur la Forteresse et qui oblige donc le corps de sa victime à retrouver toute son intégrité.
Mais si le corps de la femme se stabilise, il n’en va pas de même pour son esprit.
- Elle n’a eu aucune conversation avec les Gardiens, leur signale leur guide. Elle n’a même pas essayé et nous ne l’avons pas encouragée en ce sens. Elle est une prisonnière que nous devons surveiller, pas autre chose. Tant qu’elle est en vie, notre mission est accomplie. Il n’est donc pas garanti que vous en tiriez quelque chose.
Zéphyr ne fait aucun commentaire dans l’immédiat. Des semaines ont passé depuis l’incarcération de la jeune femme. D’abord parce que ni le guerrier, ni le lycanthrope n'ont eu de temps à lui consacrer. Pour le maître-espion, le conseil de la Main a été prioritaire ; de même, retrouver les anomalies vues dans ses visions, renforcer leur système de défense et le réseau des espions ont toutes été des matières qui ont attiré son attention. Alasker, quant à lui, est le bras droit de la Griffe en personne. Il a d’autres chats à fouetter que s’intéresser à une demoiselle qui a surgi de l’inconnu au beau milieu de Sable d’Or.
Pour autant, maintenant que les choses se sont un peu “calmées” (ce qui est, somme toute, assez relatif), il est temps d’accorder à cette Reikoise l’attention qui lui est due. Rien n’indique néanmoins que ça lui sera bénéfique. Les deux guerriers ne sont pas particulièrement des tendres, et ils n’ont pas l’empathie ni la bonté d’Ayshara. Est-ce que la femme va passer un mauvais quart d’heure ? C’est possible. Tout va dépendre de ses réactions, sans doute. Et si elle va coopérer ou non.
Leur guide leur ouvre la cellule, et Zéphyr se permet d’entrer dans la pièce d’un mouvement leste. Ses yeux ambrés se posent aussitôt sur la prisonnière et, il n’y a pas à dire, elle paraît bien misérable, recroquevillée comme elle est contre le mur. Des fers sont attachés à ses poignets et à ses pieds. Elle a une tunique propre aux prisonniers du Berceau, simple et utilitaire tout au plus. Sa peau est pâle, ce qui fait davantage ressortir encore les veines sombres qui se résorbent de plus en plus chaque jour. Mais outre ce détail atypique, ce qui attire l’attention de l’assassin, évidemment, c’est son regard. L’inconnue n’est pas particulièrement belle, avec ses cheveux bruns carrés et ses yeux noisettes. Si elle n’aura jamais la prétention de concourir à un concours de beauté, ce qui interpelle le maître-espion, c’est son expression, mélange de crainte, peut-être, mais aussi, et surtout d’aphasie. Saura-t-elle et voudra-t-elle communiquer ? Ils vont vite être fixés.
- Nous avons été envoyés ici pour en apprendre plus sur vous.
La voix de l’espion résonne dans la cellule, une voix calme et maîtrisée, pas grave ni colérique, mais qui est aussi claire que du cristal. Normalement, si cette dame a une once d’intelligence, elle devrait le comprendre. D’ailleurs, Zéphyr guette la moindre réaction qui trahisse les sentiments de la jeune femme.
- Vous êtes apparue dans une ville portuaire de Sable d’Or, dans le territoire du Reike. Au beau milieu d’une attaque de morts-vivants générée par des serviteurs de X’O-rath. Le guerrier marque une pause volontaire, cherchant à ne pas aller trop vite pour bien observer la jeune femme et être certain qu’elle arrive à suivre son propos. Si tant est qu’elle y arrive. Les Gardiens n’ayant pas discuté avec elle... Il est dur de dire si elle est totalement folle ou pleinement en possession de ses capacités psychiques. Avant cela, un combat avec une épée démoniaque a eu lieu. Elle a été stoppée par des combattants Reikois. Des collègues même d’Alasker, mais il ne le précise pas. Quand la lame a été brisée, voilà que vous êtes apparue en étant inconsciente. Alors voici mes premières questions.
Le maître-espion se cale contre le mur, toujours debout, les yeux fixés sur elle, en allant droit au but.
- Qui êtes-vous ? Votre nom, votre prénom, votre clan. Vous devez bien avoir une histoire qui vous appartienne. Vous êtes reikoise, votre tatouage le prouve. Un premier silence. Ensuite, quel lien avez-vous eu avec l’épée qui a été brisée ? Une autre pause, pour voir si une terreur ou un sentiment quelconque naît dans ses yeux. Mais l'homme n'a pas fini et il reprend. Pourquoi vous êtes-retrouvé à Sable d’Or ? Ca devient ici un sujet plus brûlant. Avez-vous un lien avec l’attaque ? Car c’est surtout cela, en plus de son identité, qui l’intéresse. Zéphyr lance un regard à Alasker pour lui signifier qu’il pourra prendre bientôt le relais, puis, il se reconcentre sur la prisonnière, penche légèrement la tête sur le côté, et d’une voix un peu plus froide, il déclare : J'ignore quels sont vos buts, vos aspirations, et vos liens avec le démon, mais vous avez tout intérêt à nous répondre si vous voulez un jour sortir d’ici ou si vous voulez tout simplement rester en vie.
Souhaite-t-elle continuer à vivre ou à quitter le Berceau, ça, c'est une autre question.
Evidemment, on n’arrive pas au Berceau par hasard. Pour arriver jusqu’à l’île, le maître-espion a bien sûr demandé l’autorisation au couple royal, et la Griffe a évidemment permis à son bras droit de l’accompagner. En conséquence, les Akkelanaks eux aussi sont prévenus, et l’un d’eux vient même dans leur direction. Il devra les conduire à leur prisonnière, et Zéphyr ne lui en veut pas particulièrement que la discussion soit assez sommaire. Une brève salutation, la déclinaison de leur identité avec une lettre d’autorisation du couple royal, et les voilà en train de marcher dans la forteresse du Berceau.
Loin de s’enquérir de la pluie et du beau temps, l’assassin va droit au but. Comment a réagi la prisonnière de son incarcération ? A-t-elle dit qui elle était ? A-t-elle cherché à avoir des interactions ? Comment était son comportement ? Le lycanthrope peut bien sûr se mêler à la conversation s’il le souhaite, mais le but de son compagnon est d’en apprendre davantage sur l’état de la geôlière d’ici à ce qu’ils arrivent à sa cellule. L’Akkelanak ne se fait pas prier pour lui répondre et les informations qu’il leur donne sont quelque peu particulières.
La demoiselle est consciente. C’est un fait. Elle voit, elle sent, elle entend, et tous ses sens devraient fonctionner normalement. Mais... Elle ne parle pas. Elle existe, tout simplement, mais elle est amorphe, telle une coquille vide à laquelle on a enlevé toute substance. Lorsqu’elle s’est réveillée la toute première fois, l’inconnue a été tellement agitée qu’il a fallu l’immobiliser en urgence, mais alors même qu’elle ouvrait la bouche pour articuler un cri, ou au moins une parole, aucun son n’a franchi ses lèvres. Telle une bête acculée qui se replie dans sa tanière, dans un dernier élan de désespoir, elle a fini par hurler d’une voix éraillée, et il a fallu beaucoup de temps pour qu’elle réapprenne à manger et à s’alimenter toute seule. Lorsqu’enfin elle a pu retrouver son autonomie – au moins sur ce point –, elle a pu quitter la zone de soin de la Forteresse pour être placée dans une cellule à part. Ses géôliers ont d’ailleurs remarqué d’étranges veines sombres qui parcourent tout son corps. Un effet probablement dû à la possession dont elle a été victime. Ces marques semblent se résorber progressivement, certainement à cause de l’anti-magie qui règne sur la Forteresse et qui oblige donc le corps de sa victime à retrouver toute son intégrité.
Mais si le corps de la femme se stabilise, il n’en va pas de même pour son esprit.
- Elle n’a eu aucune conversation avec les Gardiens, leur signale leur guide. Elle n’a même pas essayé et nous ne l’avons pas encouragée en ce sens. Elle est une prisonnière que nous devons surveiller, pas autre chose. Tant qu’elle est en vie, notre mission est accomplie. Il n’est donc pas garanti que vous en tiriez quelque chose.
Zéphyr ne fait aucun commentaire dans l’immédiat. Des semaines ont passé depuis l’incarcération de la jeune femme. D’abord parce que ni le guerrier, ni le lycanthrope n'ont eu de temps à lui consacrer. Pour le maître-espion, le conseil de la Main a été prioritaire ; de même, retrouver les anomalies vues dans ses visions, renforcer leur système de défense et le réseau des espions ont toutes été des matières qui ont attiré son attention. Alasker, quant à lui, est le bras droit de la Griffe en personne. Il a d’autres chats à fouetter que s’intéresser à une demoiselle qui a surgi de l’inconnu au beau milieu de Sable d’Or.
Pour autant, maintenant que les choses se sont un peu “calmées” (ce qui est, somme toute, assez relatif), il est temps d’accorder à cette Reikoise l’attention qui lui est due. Rien n’indique néanmoins que ça lui sera bénéfique. Les deux guerriers ne sont pas particulièrement des tendres, et ils n’ont pas l’empathie ni la bonté d’Ayshara. Est-ce que la femme va passer un mauvais quart d’heure ? C’est possible. Tout va dépendre de ses réactions, sans doute. Et si elle va coopérer ou non.
Leur guide leur ouvre la cellule, et Zéphyr se permet d’entrer dans la pièce d’un mouvement leste. Ses yeux ambrés se posent aussitôt sur la prisonnière et, il n’y a pas à dire, elle paraît bien misérable, recroquevillée comme elle est contre le mur. Des fers sont attachés à ses poignets et à ses pieds. Elle a une tunique propre aux prisonniers du Berceau, simple et utilitaire tout au plus. Sa peau est pâle, ce qui fait davantage ressortir encore les veines sombres qui se résorbent de plus en plus chaque jour. Mais outre ce détail atypique, ce qui attire l’attention de l’assassin, évidemment, c’est son regard. L’inconnue n’est pas particulièrement belle, avec ses cheveux bruns carrés et ses yeux noisettes. Si elle n’aura jamais la prétention de concourir à un concours de beauté, ce qui interpelle le maître-espion, c’est son expression, mélange de crainte, peut-être, mais aussi, et surtout d’aphasie. Saura-t-elle et voudra-t-elle communiquer ? Ils vont vite être fixés.
- Nous avons été envoyés ici pour en apprendre plus sur vous.
La voix de l’espion résonne dans la cellule, une voix calme et maîtrisée, pas grave ni colérique, mais qui est aussi claire que du cristal. Normalement, si cette dame a une once d’intelligence, elle devrait le comprendre. D’ailleurs, Zéphyr guette la moindre réaction qui trahisse les sentiments de la jeune femme.
- Vous êtes apparue dans une ville portuaire de Sable d’Or, dans le territoire du Reike. Au beau milieu d’une attaque de morts-vivants générée par des serviteurs de X’O-rath. Le guerrier marque une pause volontaire, cherchant à ne pas aller trop vite pour bien observer la jeune femme et être certain qu’elle arrive à suivre son propos. Si tant est qu’elle y arrive. Les Gardiens n’ayant pas discuté avec elle... Il est dur de dire si elle est totalement folle ou pleinement en possession de ses capacités psychiques. Avant cela, un combat avec une épée démoniaque a eu lieu. Elle a été stoppée par des combattants Reikois. Des collègues même d’Alasker, mais il ne le précise pas. Quand la lame a été brisée, voilà que vous êtes apparue en étant inconsciente. Alors voici mes premières questions.
Le maître-espion se cale contre le mur, toujours debout, les yeux fixés sur elle, en allant droit au but.
- Qui êtes-vous ? Votre nom, votre prénom, votre clan. Vous devez bien avoir une histoire qui vous appartienne. Vous êtes reikoise, votre tatouage le prouve. Un premier silence. Ensuite, quel lien avez-vous eu avec l’épée qui a été brisée ? Une autre pause, pour voir si une terreur ou un sentiment quelconque naît dans ses yeux. Mais l'homme n'a pas fini et il reprend. Pourquoi vous êtes-retrouvé à Sable d’Or ? Ca devient ici un sujet plus brûlant. Avez-vous un lien avec l’attaque ? Car c’est surtout cela, en plus de son identité, qui l’intéresse. Zéphyr lance un regard à Alasker pour lui signifier qu’il pourra prendre bientôt le relais, puis, il se reconcentre sur la prisonnière, penche légèrement la tête sur le côté, et d’une voix un peu plus froide, il déclare : J'ignore quels sont vos buts, vos aspirations, et vos liens avec le démon, mais vous avez tout intérêt à nous répondre si vous voulez un jour sortir d’ici ou si vous voulez tout simplement rester en vie.
Souhaite-t-elle continuer à vivre ou à quitter le Berceau, ça, c'est une autre question.
Vrai Homme du Reike
Alasker Crudelis
Messages : 217
crédits : 2706
crédits : 2706
Info personnage
Race: Loup-Garou
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: B
Ce n’était guère plus qu’une gamine. Une jeune adulte, figée dans une attitude d’enfant traumatisée, ou peut-être simplement attardée. Les stries rayonnantes parsemant sa peau restaient véritablement les seuls indices rappelant à ses interrogateurs à quel point ce dont elle venait s’était révélé dangereux, à Sable d’Or. Mais elles ne suffisaient pas à inquiéter le duo. Pire, ces étranges stigmates attisaient l’instinct de prédateur du plus imposant d’entre-eux, celui qui occultait, par sa seule présence, totalement la lumière provenant de l’extérieur de la cellule, pour projeter son ombre si grotesquement imposante sur le visage traumatisé de l’enfant démoniaque. Et qui cachait son horrible visage derrière un heaume de bronze et de cornes.
Le loup enfermé dans son corps, ne cessant jamais de gratter les parois sanglantes de son esprit, savait reconnaître un adversaire lorsqu’il en voyait un. Et elle n’en était pas un. Aussi certain que le famélique Zephyr était désormais leur frère d’arme, lié par le sang qu’ils avaient versé sur le sable d’une ville assiégée par la mort, l’animal et l’homme composant Iratus s’accordaient sur le fait que cette gamine perdue ne pouvait être une menace, même mineure.
Et cela ne réfrénait nullement leurs pulsions meurtrières. Puisque si elle n’était pas un autre prédateur, alors, fatalement…
L’enfant aux veines de feu ne pouvait être qu’une proie.
Pour les êtres normaux, l’idée même de devoir résister à la tentation de cueillir une vie sans défense paraît…Grotesque. Sacrilège. Tabou. Tant de mots ne voulant rien dire, chez les loups comme chez les guerriers. Pour ceux qui, comme Alasker, s’étaient condamnés à la bestialité en goûtant le sang et la chair de leurs adversaires, la tentation prenait des airs de supplice. Une torture, qu’un seul coup de hache, qu’un seul revers de lame, pouvait régler. Iratus, depuis son entrée dans la cellule, n’avait eu de cesse de se demander quel goût ses veines et capillaires de feu auraient, une fois extirpées de cette peau maladive, à la fois trop tendre et trop pâle. Il désirait plus que tout le savoir. Fourrer son museau tout au fond de cette frêle cage-thoracique, sectionner d’un coup de croc l’aorte, puis boire directement à la source son précieux fluide vital. C’était tout ce que la vulnérabilité évidente de la jeunette provoquait en lui.
Mais Alasker s’était dressé lui-même, au prix d’innombrables nuits de pleine lune passées à souffrir de faim et de rage. Céder, perdre face à l’appétit du loup…Cela n’arrivait que lorsqu’il avait besoin de la bête.
Ce qui n’était pas le cas. Pas pour l’instant, du moins.
D’un coup d'œil en direction de Zephyr, Alasker s’assura que le maître-espion avait bien fini ses déclarations. La pluie de questions que le maître-espion avait déchaîné sur la fille démoniaque se heurtait désormais au mur de mutisme que l'enfant traumatisée dressait entre elle et ceux qui venaient troubler son morbide repli.
Le géant comptait bien y remédier à sa manière. Abattre les murs, voilà qui rentrait clairement dans ses compétences. Que ces derniers s'avèrent métaphoriques ou non, il se savait capable de les détruire. Lorsque la force ne suffisait pas, la cruauté pouvait ronger les protections d'un esprit prostré aussi sûrement que le plus nocif des acides.
Avant de venir, lorsque Zephyr était venu solliciter son aide, Alasker et le maître-espion avaient longuement échangé les informations qu'ils disposaient au sujet de l'entité dont l'enfant était issu. Il avait été le seul à prononcer le mot "démon", et pas de manière hasardeuse. Mawdryn, son frère, dont l'enveloppe se voyait désormais à la fois occupée et dénaturée par le boucher de l'ancienne Kyouji : Tarcus, lui avait montré de la plus terrible manière ce que les créatures de leur espèce pouvaient infliger aux mortels. Si Alasker s'était bien gardé de parler de Tarcus à l'oreille du Reike, le géant n'avait su réfréner son envie de nommer ce mal étrange correctement.
Démon.
Un nom redouté des dieux comme des hommes, à ce qu'on disait. Auréolé de mystère et de crainte. On savait si peu de ces entités et, pourtant, les enfants tremblaient à leur mention, à la nuit tombée. Les mages rêvaient d'en soumettre un à leurs volontés.
Et les tueurs comme lui priaient chaque jour pour obtenir l'occasion d'en affronter un dans sa toute puissance.
Pour l'heure, le seul indice, l’unique source d'information qu'ils avaient au sujet de cette potentielle nouvelle menace s'avérait être cette enfant débile, enfermée dans un corps d'adulte aux veines de feux, que les Akkelanak ne semblaient pas même considérer comme dangereuse, simplement folle à lier.
Zephyr, bien sûr, n'avait pas manqué de collecter tout ce qui était possible d'obtenir, au sujet de l'entité vaincue. Alasker, plus terre-à-terre, s'était pour sa part contenté de retenir une chose et une seule : une image mentale, faite des souvenirs des principaux témoins, réformée le plus fidèlement possible, dans son crâne éternellement torturé, avec une telle obsession que sa mémoire à ce sujet en était devenu eidétique. L'image d'une tizona immaculée. De cette épée jadis consciente. Qu'un forgeron, sous ses ordres, avait forgé. Une réplique imparfaite, faite d’un acier blanc censé rappeler la brillance de l’originelle. Au pommeau trop large. A la lame disproportionnellement longue. Déséquilibrée, dysfonctionnelle, et pourtant si terriblement tranchante.
Une copie, qu'il avait amené ici. En ces lieux dévoreurs de magie.
Le géant dégaina la lame en la tirant d'en-dessous de sa cape de fourrure. Elle avait l'air d'un jouet entre ses mains gantées. Peser le pour et le contre d'une telle décision n'avait pas été trop ardu. Même sans magie, il était toujours un guerrier en armure de deux quintaux, entraîné, bien nourri et horriblement hargneux. Un seul de ses bras suffirait à la neutraliser en cas de réaction violente. Alors, Alasker ne se souciait pas de ce qui se pouvait se passer, une fois la lame sortie.
Il s'avança simplement d'un pas, pour planter la tizona blanche dans le sol froid d'une cellule hantée par la folie.
"-Hé, gamine." L'interpella-t'il d'une voix évoquant à la fois l'éboulement d'une carrière, une tempête de lame au milieu d'un champ de bataille et la faim dévorante d'un animal enragé.
Le loup et l'oreille avaient étudié chacune des possibilités s'offrant à eux pour cette première entrevue. Le silence face aux questions. Un sursaut d'agressivité démente, une fois confronté à l'épée. Peut-être une éventuelle tentative de suicide. Les muscles du monstre étaient bandés, préparés à coller une éventuelle furie contre le mur le plus proche, au premier bond, au premier piaillement.
Mais la réaction tardait. Parce qu'elle ne regardait pas dans cette direction. Complètement amorphe, l'enfant fixait le vide, sur la gauche de l'Oreille du Reike -officiellement simple ministre- et refusait de glisser ses yeux en direction de l'épée, peut-être à dessein.
Pendant un court instant, l’image de Mawdryn, figé face aux murs ensanglantés de la chambre où Zachiel l’avait, de guerre lasse, enfermé, se superposa à celle de l’enfant aussi immobile qu’emprisonnée et, soudain, Iratus se surprit à reconsidérer son premier jugement, concernant la prisonnière. Mawdryn, avant que l’Impardonné n’enfonce ses griffes tout au fond de son crâne, s’était avéré être un grand combattant, avec autant de force que de courage. Tarcus avait mis des semaines à prendre le contrôle de son corps, à récupérer entièrement son ancienne identité. Pour se faire, il avait infligé à l’enveloppe -qu’il partageait pourtant avec Mawdryn- des sévices au-delà des mots. Avec ses ongles. Ses dents. Les parois autour de lui. Il avait massacré sa propre carcasse, l’avait poussé à affronter le manque de sommeil, la faim, la douleur et la soif, jusqu’à ce que l’ancien Mawdryn daigne abandonner le commandement pour laisser à celui-qui-avait-été Mawdryn tous les droits. Se pouvait-il que…quelque chose de semblable soit en train de se jouer, ici? Cette femme était-elle simplement le démon de l’épée, réincarné en une forme diablement humaine et inoffensive?
L’idée que Tarcus puisse avoir quoique ce soit à voir avec la souillure d’une foutue épée consciente le fit grimacer. Non. C’était impossible. Ceux de son sang avaient toujours été supérieurs, si détestables pouvaient-ils être. Elle n'avait rien à voir avec l'Impardonné. Ce n'était pas le même cas de figure. Se persuader de cela restait, de toute manière, sa seule façon de poursuivre ce qu'il avait commencé en amenant la lame ici.
“-Foutu légume.”
Agacé, le géant adressa une oeillade à Zéphyr, lui indiquant de reculer pour lui laisser de la place. Ses gantelets glissèrent le long du pommeau, de la garde, pour finalement venir enserrer la lame.
Cela mit un peu de temps, mais l'arme parvint à traverser le cuir et le bronze protégeant l'intérieur de ses mains. Le fluide vital, libéré de sa cellule de chair et de muscle, se faufila par la plaie ouverte pour découvrir la surface immaculée de la tizona. Lentement, une large goutte cramoisie descendit le long du fil de l’épée, offrant aux témoins de la scène un avant-goût de l’oeuvre perpétuée par l’arme dont était issue cette pâle copie.
Sans se soucier du spectacle ou de la discrète douleur commençant à naître au creux de sa paume meurtrie, Alasker, d’un mouvement vif, brutal, projeta un peu de son propre sang en direction de la prisonnière. Les gouttelettes volèrent. Certaines allèrent s’étaler sur la roche du mur, derrière-elle. Mais la plus aventureuse préféra s’épanouir sur la joue crasseuse de l’énigme anonyme.
Le silence se fit. Le temps sembla se figer.
Et un sourire hideux se forma sur le visage du géant d’airain.
Le loup enfermé dans son corps, ne cessant jamais de gratter les parois sanglantes de son esprit, savait reconnaître un adversaire lorsqu’il en voyait un. Et elle n’en était pas un. Aussi certain que le famélique Zephyr était désormais leur frère d’arme, lié par le sang qu’ils avaient versé sur le sable d’une ville assiégée par la mort, l’animal et l’homme composant Iratus s’accordaient sur le fait que cette gamine perdue ne pouvait être une menace, même mineure.
Et cela ne réfrénait nullement leurs pulsions meurtrières. Puisque si elle n’était pas un autre prédateur, alors, fatalement…
L’enfant aux veines de feu ne pouvait être qu’une proie.
Pour les êtres normaux, l’idée même de devoir résister à la tentation de cueillir une vie sans défense paraît…Grotesque. Sacrilège. Tabou. Tant de mots ne voulant rien dire, chez les loups comme chez les guerriers. Pour ceux qui, comme Alasker, s’étaient condamnés à la bestialité en goûtant le sang et la chair de leurs adversaires, la tentation prenait des airs de supplice. Une torture, qu’un seul coup de hache, qu’un seul revers de lame, pouvait régler. Iratus, depuis son entrée dans la cellule, n’avait eu de cesse de se demander quel goût ses veines et capillaires de feu auraient, une fois extirpées de cette peau maladive, à la fois trop tendre et trop pâle. Il désirait plus que tout le savoir. Fourrer son museau tout au fond de cette frêle cage-thoracique, sectionner d’un coup de croc l’aorte, puis boire directement à la source son précieux fluide vital. C’était tout ce que la vulnérabilité évidente de la jeunette provoquait en lui.
Mais Alasker s’était dressé lui-même, au prix d’innombrables nuits de pleine lune passées à souffrir de faim et de rage. Céder, perdre face à l’appétit du loup…Cela n’arrivait que lorsqu’il avait besoin de la bête.
Ce qui n’était pas le cas. Pas pour l’instant, du moins.
D’un coup d'œil en direction de Zephyr, Alasker s’assura que le maître-espion avait bien fini ses déclarations. La pluie de questions que le maître-espion avait déchaîné sur la fille démoniaque se heurtait désormais au mur de mutisme que l'enfant traumatisée dressait entre elle et ceux qui venaient troubler son morbide repli.
Le géant comptait bien y remédier à sa manière. Abattre les murs, voilà qui rentrait clairement dans ses compétences. Que ces derniers s'avèrent métaphoriques ou non, il se savait capable de les détruire. Lorsque la force ne suffisait pas, la cruauté pouvait ronger les protections d'un esprit prostré aussi sûrement que le plus nocif des acides.
Avant de venir, lorsque Zephyr était venu solliciter son aide, Alasker et le maître-espion avaient longuement échangé les informations qu'ils disposaient au sujet de l'entité dont l'enfant était issu. Il avait été le seul à prononcer le mot "démon", et pas de manière hasardeuse. Mawdryn, son frère, dont l'enveloppe se voyait désormais à la fois occupée et dénaturée par le boucher de l'ancienne Kyouji : Tarcus, lui avait montré de la plus terrible manière ce que les créatures de leur espèce pouvaient infliger aux mortels. Si Alasker s'était bien gardé de parler de Tarcus à l'oreille du Reike, le géant n'avait su réfréner son envie de nommer ce mal étrange correctement.
Démon.
Un nom redouté des dieux comme des hommes, à ce qu'on disait. Auréolé de mystère et de crainte. On savait si peu de ces entités et, pourtant, les enfants tremblaient à leur mention, à la nuit tombée. Les mages rêvaient d'en soumettre un à leurs volontés.
Et les tueurs comme lui priaient chaque jour pour obtenir l'occasion d'en affronter un dans sa toute puissance.
Pour l'heure, le seul indice, l’unique source d'information qu'ils avaient au sujet de cette potentielle nouvelle menace s'avérait être cette enfant débile, enfermée dans un corps d'adulte aux veines de feux, que les Akkelanak ne semblaient pas même considérer comme dangereuse, simplement folle à lier.
Zephyr, bien sûr, n'avait pas manqué de collecter tout ce qui était possible d'obtenir, au sujet de l'entité vaincue. Alasker, plus terre-à-terre, s'était pour sa part contenté de retenir une chose et une seule : une image mentale, faite des souvenirs des principaux témoins, réformée le plus fidèlement possible, dans son crâne éternellement torturé, avec une telle obsession que sa mémoire à ce sujet en était devenu eidétique. L'image d'une tizona immaculée. De cette épée jadis consciente. Qu'un forgeron, sous ses ordres, avait forgé. Une réplique imparfaite, faite d’un acier blanc censé rappeler la brillance de l’originelle. Au pommeau trop large. A la lame disproportionnellement longue. Déséquilibrée, dysfonctionnelle, et pourtant si terriblement tranchante.
Une copie, qu'il avait amené ici. En ces lieux dévoreurs de magie.
Le géant dégaina la lame en la tirant d'en-dessous de sa cape de fourrure. Elle avait l'air d'un jouet entre ses mains gantées. Peser le pour et le contre d'une telle décision n'avait pas été trop ardu. Même sans magie, il était toujours un guerrier en armure de deux quintaux, entraîné, bien nourri et horriblement hargneux. Un seul de ses bras suffirait à la neutraliser en cas de réaction violente. Alors, Alasker ne se souciait pas de ce qui se pouvait se passer, une fois la lame sortie.
Il s'avança simplement d'un pas, pour planter la tizona blanche dans le sol froid d'une cellule hantée par la folie.
"-Hé, gamine." L'interpella-t'il d'une voix évoquant à la fois l'éboulement d'une carrière, une tempête de lame au milieu d'un champ de bataille et la faim dévorante d'un animal enragé.
Le loup et l'oreille avaient étudié chacune des possibilités s'offrant à eux pour cette première entrevue. Le silence face aux questions. Un sursaut d'agressivité démente, une fois confronté à l'épée. Peut-être une éventuelle tentative de suicide. Les muscles du monstre étaient bandés, préparés à coller une éventuelle furie contre le mur le plus proche, au premier bond, au premier piaillement.
Mais la réaction tardait. Parce qu'elle ne regardait pas dans cette direction. Complètement amorphe, l'enfant fixait le vide, sur la gauche de l'Oreille du Reike -officiellement simple ministre- et refusait de glisser ses yeux en direction de l'épée, peut-être à dessein.
Pendant un court instant, l’image de Mawdryn, figé face aux murs ensanglantés de la chambre où Zachiel l’avait, de guerre lasse, enfermé, se superposa à celle de l’enfant aussi immobile qu’emprisonnée et, soudain, Iratus se surprit à reconsidérer son premier jugement, concernant la prisonnière. Mawdryn, avant que l’Impardonné n’enfonce ses griffes tout au fond de son crâne, s’était avéré être un grand combattant, avec autant de force que de courage. Tarcus avait mis des semaines à prendre le contrôle de son corps, à récupérer entièrement son ancienne identité. Pour se faire, il avait infligé à l’enveloppe -qu’il partageait pourtant avec Mawdryn- des sévices au-delà des mots. Avec ses ongles. Ses dents. Les parois autour de lui. Il avait massacré sa propre carcasse, l’avait poussé à affronter le manque de sommeil, la faim, la douleur et la soif, jusqu’à ce que l’ancien Mawdryn daigne abandonner le commandement pour laisser à celui-qui-avait-été Mawdryn tous les droits. Se pouvait-il que…quelque chose de semblable soit en train de se jouer, ici? Cette femme était-elle simplement le démon de l’épée, réincarné en une forme diablement humaine et inoffensive?
L’idée que Tarcus puisse avoir quoique ce soit à voir avec la souillure d’une foutue épée consciente le fit grimacer. Non. C’était impossible. Ceux de son sang avaient toujours été supérieurs, si détestables pouvaient-ils être. Elle n'avait rien à voir avec l'Impardonné. Ce n'était pas le même cas de figure. Se persuader de cela restait, de toute manière, sa seule façon de poursuivre ce qu'il avait commencé en amenant la lame ici.
“-Foutu légume.”
Agacé, le géant adressa une oeillade à Zéphyr, lui indiquant de reculer pour lui laisser de la place. Ses gantelets glissèrent le long du pommeau, de la garde, pour finalement venir enserrer la lame.
Cela mit un peu de temps, mais l'arme parvint à traverser le cuir et le bronze protégeant l'intérieur de ses mains. Le fluide vital, libéré de sa cellule de chair et de muscle, se faufila par la plaie ouverte pour découvrir la surface immaculée de la tizona. Lentement, une large goutte cramoisie descendit le long du fil de l’épée, offrant aux témoins de la scène un avant-goût de l’oeuvre perpétuée par l’arme dont était issue cette pâle copie.
Sans se soucier du spectacle ou de la discrète douleur commençant à naître au creux de sa paume meurtrie, Alasker, d’un mouvement vif, brutal, projeta un peu de son propre sang en direction de la prisonnière. Les gouttelettes volèrent. Certaines allèrent s’étaler sur la roche du mur, derrière-elle. Mais la plus aventureuse préféra s’épanouir sur la joue crasseuse de l’énigme anonyme.
Le silence se fit. Le temps sembla se figer.
Et un sourire hideux se forma sur le visage du géant d’airain.
Arme des Veilleurs
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Penser est trop douloureux. Alors, elle ne fait rien, les pas se rapprochent de sa cellule. La porte s’ouvre. Praelia regarde ses fers à ses poignets, elle ne doit pas chercher à comprendre, elle ne doit pas chercher à entendre. Le sens des mots est trop lourd, les bribes qu’elle avait entendu des gardes et des Akkelanaks sont apeurants, elle refuse de les écouter. Les mots sont trop vi… viiii… virulents. Virulent, c’est bien comme mot, mais ça reste dérangeant, en l’entendant résonner dans sa tête elle sent quelque chose qui ne va pas, quelque chose qu’elle repousse désespérément de sa conscience pour éviter d’avoir à en entrevoir la nature. Sa respiration change imperceptiblement de rythme et s’accélère un tout petit peu tandis qu’une voix bien réelle parle à côté d’elle. Elle refuse d’écouter, elle refuse de ressentir, de percevoir, il ne faut pas, elle ne doit pas. La voix continue, puis se tait. Praelia se concentre sur sa respiration, sa poitrine se soulève très légèrement et sa gorge nouée se déplie pour accueillir l’air froid et humide de la cellule, mais c’est agréable, c’est mieux que son corps brûlant. Elle aime le froid, le froid lui fait du bien. Elle aime ses fers aussi, ils sont froids, c’est doux. C’est agréable. La voix se tait et le silence retombe sur la pièce, elle ne sait pas si les pas sont partis, elle n’y a pas fait attention, elle le refuse. Une autre voix, elle ne peut pas s’empêcher d’inconsciemment noter la différence entre celle ci et la précédente, la première était plus douce, plus calme, la deuxième gronde. Les yeux de Praelia s’écarquillent mais nul ne peut les voir, ses paupières atrophiées exorbitées qui encadrent ses yeux malades semblent vouloir se cacher dans ses orbites tellement elle les ouvre grand. Cette voix. Cette voix elle l’a déjà entendue, elle le sait. Elle le sait elle le sait elle le sait elle l- La voix parle à nouveau. Elle l’a déjà entendue, à la fois mais pas vraiment. Comme toutes les voix des guerriers macabres qui ont parcouru les âges, elle les connait de manière subconsciemment morbide, pour avoir partagé la peine des âmes qu’ils damnent.
Non, elle ne doit pas céder. Elle ne veut pas entendre la voix du Démon. Pas maintenant, pas là, elle ne peut pas, si elle s’abandonne une nouvelle fois à sa mercie elle sait ce qui l’attendra et son esprit, mue par une pulsion instinctive de survie, sait qu’il doit tout mettre en oeuvre pour ne pas sombrer une nouvelle fois dans l’océan de… de… v-vi-v… … V…
Chaud.
Chaud.
Trop chaud, beaucoup trop chaud. Ça brûle, mais ce n’est pas elle, ce n’est ni son corps, ni les veines ardentes. C’est une goutte. Chaude. Liquide, ça coule.
Le premier mouvement que l’Oreille et le Tovyr peuvent voir de la part de la captive se fait enfin, la femme couchée par terre sur le côté, dos à eux, soulève une main tremblante et l’apporte très lentement jusqu’à sa joue, comme si le geste en lui même lui coûte un effort maladif qu’une mourante ne devrait pas se permettre de dépenser. Les doigts hasardeux et instables approchent inexorablement de la joue de la gamine, jusqu’à ce qu’un ongle fissuré touche enfin la perle de carmin lycanthrope. La main de Praelia se fige un instant, levée au dessus de sa tête en suspend, son doigt posé contre sa joue comme une fille un peu trop niaise entrain de se faire une réflexion, puis son bras descend mollement jusqu’au sol pour apporter sa paume devant ses yeux invisibles à ses ‘invités’. L’instant d’après, elle n’est plus là.
Ses pupilles noires s’attardent quelques instants sur la couleur plus foncée de ses anneaux limbiques bruns, c’est un détail qu’elle a toujours aimé à propos de ses yeux, le coeur lavallière de son iris est plus clair que le pourtour plutôt noisette qui les entoure, donnant ainsi à son regard un poids qui lui avait immanquablement toujours rendu service en tant que femme mercenaire parmis les reikois. Pourtant, pendant qu’une Praelia Matricus confuse dévisage ses propres prunelles dans son reflet, elle ne perçoit pas ces teintes marron habituelles, mais de simples nuances de rouge, et pour cause, elle se regarde dans le sang. Nue, à quatre pattes sur ses genoux et ses mains, les bras tendus. Le liquide visqueux et chaud lui arrive jusqu’aux poignets et ses tibias trempent complètement dans la marre d’humeur rouge. Ses cheveux bruns, sales et décoiffés, tombent vers la surface et les pointes les plus longues perturbent le ménisque tranquille du sang, oscillant vaguement en laissant de petites vibrations au rythme de sa respiration. Le silence est tel qu’elle croit un instant être sourde, mais les battements de son propre coeur dans ses tempes lui prouvent le contraire, chaque palpitation accroissant son anxiété irrationnelle que quelque chose de terrible va se produire si elle bouge ne serait-ce que d’un cil. Sa tête se met à trembler, elle ne sait pas combien de secondes s’écoulent, d’heures ou de minutes, elle n’a plus aucune notion du temps. Ses muscles contractés pour éviter le moindre mouvement lui font mal, ses yeux n’osent pas s’extirper du regard de son propre miroitement, de peur de déclencher ce qu’elle redoute tant. Elle ne sait pas encore quoi, mais elle sait qu’elle ne veut pas le savoir. Ses forces s’amenuisent, ses membres chevrotent sous l’effort interminable, ne sachant pas combien de temps elle a déjà tenu, combien de temps elle pourrait encore tenir. Elle ploie. Mortelle. Ses coudes se plient sous son propre poids et elle s’écroule la tête la première dans l’hémoglobine, elle ferme les yeux et les machoires mais le sang envahit ses narines, tache ses lèvres, investi sa bouche et teinte ses papilles, le goût métallique, l’odeur ferreuse est étouffante.
Non, non pitié non. Mais aucun son ne sort de sa bouche, le sang empâte sa langue et tait sa complainte. Ses cheveux sont lourds, imbibés du carmin, elle pousse sur ses mains mais ne parvient pas à se relever, trop faible. Elle ouvre les yeux. Terrorisée.
Les crânes, des centaines, des milliers de crânes, ceux de chacune de ses victimes, de ceux qui sont tombés depuis la genèse des races sous les coups des tyrans, des guerriers, des combattants ou plus simplement des mortels, à ceux qui ont un jour manié une arme dans le but d'ôter une vie. Ils sont tous là à souffrir pour l’éternité malgré le cycle perpétuel des âmes, à attendre une réincarnation qui ne viendra jamais parce qu’ils ne sont que des fragments esseulés de souvenirs échoués. Praelia hurle, mais le sang rentre dans ses poumons et son corps coule en passant de l’autre côté de la surface, elle sent la gravité s’inverser et se retrouve allongée sur le dos, ses yeux incrédules regardant un ciel incandescent dont les flammes dévorantes sont parsemées de motifs flous.
Elle plisse les yeux pour tenter de les discerner, d’en isoler un, mais les formes sont trop fugaces, trop éphémères pour qu’elle n’y parvienne. Alors ses yeux descendent vers son propre corps. Sa peau est tachée de vermeil séché, elle baigne encore dans un fond d’humeur dont le niveau a baissé, ce n’est plus qu’une fine pellicule, entre les feux célestes et l’océan rouge, la couleur est omniprésente. Entre ses seins, elle voit l’horizon s’étaler devant elle à l’infini en une ligne parfaite, rompue uniquement par la forme de ses orteils, alors elle se relève. Et elle cours.
Elle cours sans jamais s’arrêter, elle cours sans se fatiguer, elle cours pour fuir l’inévitable, pour semer l’inesquivable. Elle cours pour se sauver, mais elle n’ira jamais assez loin, assez vite. Elle peut les entendre derrière elle, les voix qui s’élèvent et gémissent de douleur, des hurlements de souffrances entremêlés de complaintes funèbres, de pleurs, de quémande de pitié. Les derniers instants de chaque âme qui a un jour foulé Sekaï pour arriver à une fin brutale.
Elle cours et ses pieds nus projettent des éclaboussures ensanglantées sur son passage, les gerbes de gouttes lévitant en apesanteur comme des cerises interdites, preuves de son passage. Preuve de sa culpabilité. Chacun de ses pas est une perturbation de plus sur la mer de sang à la surface immaculée et parfaitement morte, chaque fois que sa plante s’abat sur le sol, le son provoqué déchire ses tympans, plus encore que l’orchestre cacophonique des déchirement de souffrance qui montent de toute part.
Elle continue de courir, mais la Multitude la poursuit, elle peut sentir les mains tentaculaires lui caresser les omoplates dans sa cavalcade effrénée, les doigts des manieurs lèchent ses membres, ses jambes, dégustent ses épaules, elle cours et elle hurle, comme si ça allait l’aider.
”AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHH”
Le mur sombre de sa cellule découpe parfaitement la forme frêle de son doigt qu’elle tient devant ses yeux, fixés sur la tache rougeâtre qui s’écoule vers le bas de son index, la gamine se rend compte qu’il lui a suffit d’un moment, d’un simple moment d’égarement, pour être de nouveau happée par les ténèbres infinis du Démon. En un instant, sa psychée refoulée s’est engouffrée dans la plus infime brèche pour y déverser le torrent de haine pluri-millénaire dans lequel elle a nagé plus de deux ans. Praelia sent son ventre se tordre, ses tripes se contorsionnent douloureusement et un spasme ébranle subitement tout son corps qui se redresse avec une énergie insoupçonnée pour se mettre à quatre pattes, sa bouche s’ouvre et elle vomit sauvagement de la bile sur le sol. Les contractions la secouent encore de quelques soubresauts épars, puis plus rien. Épuisée, elle s’apprête à s’affaler de nouveau par terre quand dans un mouvement involontaire de la tête, son champ de vision attrape quelque chose qui allume tout ses signaux d’alarme, et la suite s'enchaîne avec une rapidité foudroyante. Un éclat de lumière bien trop familier, une réflection qu’elle a pu voir encore et encore, parfois dans des souvenirs, parfois en réalité, mais surtout dans ses derniers instants de mémoire avant de sombrer. Elle est là, devant elle, la tizona blanche, elle peut presque entendre sa voix l’appeler, elle peut sentir d’ici sa soif de… de…
Sa voix éclate dans la cellule du Berceau avec une puissance soudaine et surprenante, mais ce que sa volonté souhaite faire, son corps désobéissant et encore marqué ne peut forcément le traduire, et son hurlement se transforme en râlement rauque alors que ses cordes vocales s’effritent. Dans le même temps elle bondit sur ses pieds, animée par l’énergie du désespoir, de la peur viscérale qu’elle possède envers une entité qui s’est emparé d’elle et lui a tout volé, elle se jette le plus vite possible à l’opposé du Géant d’Airain qui se tient debout devant elle, l’Épée Famélique en main, à même sa peau. Praelia s’écarte d’un saut maladroit et titubant vers le coin le plus éloigné de sa cellule, mais ses fers l’empêchent de creuse la distance, alors la gamine se retourne d’un coup vers ses liens d’acier, et elle tire. Elle tire en dépit de la souffrance, en dépit de l’hypersensibilité de son cerveau aux stimulis physiques, elle tire en dépit de la douleur amplifiée qu’elle ressent et de la chaleur qui s’est subitement accrue depuis qu’elle panique. Le fer entame sa peau, déchire, meurtri et écrase la peau de ses poignets, le supplice est insoutenable, mais il n’est rien en comparaison de ce qui l’attend si le Démon l’attrape à nouveau. Si elle est aussi terrifiée, si elle ne tente pas tout simplement de mettre fin à ses jours, c’est parce qu’elle sait très bien que la mort ne sera pas une fin.
Elle ne sera qu’un crâne de plus sous la surface.
Elle tire et enfin, ils cèdent, non pas les fers, mais les os de sa main. Dans un craquement sinistre, ses pouces se brisent sous la force du désespoir et les menottes broient les articulations de ses poignets et ses métacarpes en la libérant, sa voix n’est plus qu’une lamentation sifflante et éraillée, ses larmes gardent humides ses yeux exorbités par l’effroi. Enfin libre, elle peut faire les quelques derniers pas qui lui permettent de se terrer dans le coin de la cellule. Elle se rend compte qu’elle ne peut pas aller plus loin, et la silhouette d’Alasker demeure toujours là, impassible, Violence en main. Praelia est la proie acculée qui n’a comme seul échappatoire que de montrer les crocs à son prédateur. Tout ses sens en émoi, elle est prostrée là, les jambes écartées, prête à bondir, ses bras blessées contre les deux murs, les doigts ballants et les mains dodelinant dans le vide à des angles impossibles tandis que ses poignets ne font plus contact avec ses radius. Elle ne remarque même pas la présence du deuxième homme un peu à côté du guerrier en armure rouge, bien trop focalisée sur l’Incarnation de la Guerre qui repose dans la patte de l’Enragé. Avec un énième hurlement brisé, Praelia s’élance droit sur Alasker, un poing levé pour porter le premier coup, et quand sa main s’écrase avec un son creux sur le plastron de l'Équarrisseur de Sable-d’Or, le deuxième bras de Praelia arrive déjà pour porter une seconde attaque insignifiante.
Il est un héraut
Non, elle ne doit pas céder. Elle ne veut pas entendre la voix du Démon. Pas maintenant, pas là, elle ne peut pas, si elle s’abandonne une nouvelle fois à sa mercie elle sait ce qui l’attendra et son esprit, mue par une pulsion instinctive de survie, sait qu’il doit tout mettre en oeuvre pour ne pas sombrer une nouvelle fois dans l’océan de… de… v-vi-v… … V…
Chaud.
Chaud.
Trop chaud, beaucoup trop chaud. Ça brûle, mais ce n’est pas elle, ce n’est ni son corps, ni les veines ardentes. C’est une goutte. Chaude. Liquide, ça coule.
Le premier mouvement que l’Oreille et le Tovyr peuvent voir de la part de la captive se fait enfin, la femme couchée par terre sur le côté, dos à eux, soulève une main tremblante et l’apporte très lentement jusqu’à sa joue, comme si le geste en lui même lui coûte un effort maladif qu’une mourante ne devrait pas se permettre de dépenser. Les doigts hasardeux et instables approchent inexorablement de la joue de la gamine, jusqu’à ce qu’un ongle fissuré touche enfin la perle de carmin lycanthrope. La main de Praelia se fige un instant, levée au dessus de sa tête en suspend, son doigt posé contre sa joue comme une fille un peu trop niaise entrain de se faire une réflexion, puis son bras descend mollement jusqu’au sol pour apporter sa paume devant ses yeux invisibles à ses ‘invités’. L’instant d’après, elle n’est plus là.
Ses pupilles noires s’attardent quelques instants sur la couleur plus foncée de ses anneaux limbiques bruns, c’est un détail qu’elle a toujours aimé à propos de ses yeux, le coeur lavallière de son iris est plus clair que le pourtour plutôt noisette qui les entoure, donnant ainsi à son regard un poids qui lui avait immanquablement toujours rendu service en tant que femme mercenaire parmis les reikois. Pourtant, pendant qu’une Praelia Matricus confuse dévisage ses propres prunelles dans son reflet, elle ne perçoit pas ces teintes marron habituelles, mais de simples nuances de rouge, et pour cause, elle se regarde dans le sang. Nue, à quatre pattes sur ses genoux et ses mains, les bras tendus. Le liquide visqueux et chaud lui arrive jusqu’aux poignets et ses tibias trempent complètement dans la marre d’humeur rouge. Ses cheveux bruns, sales et décoiffés, tombent vers la surface et les pointes les plus longues perturbent le ménisque tranquille du sang, oscillant vaguement en laissant de petites vibrations au rythme de sa respiration. Le silence est tel qu’elle croit un instant être sourde, mais les battements de son propre coeur dans ses tempes lui prouvent le contraire, chaque palpitation accroissant son anxiété irrationnelle que quelque chose de terrible va se produire si elle bouge ne serait-ce que d’un cil. Sa tête se met à trembler, elle ne sait pas combien de secondes s’écoulent, d’heures ou de minutes, elle n’a plus aucune notion du temps. Ses muscles contractés pour éviter le moindre mouvement lui font mal, ses yeux n’osent pas s’extirper du regard de son propre miroitement, de peur de déclencher ce qu’elle redoute tant. Elle ne sait pas encore quoi, mais elle sait qu’elle ne veut pas le savoir. Ses forces s’amenuisent, ses membres chevrotent sous l’effort interminable, ne sachant pas combien de temps elle a déjà tenu, combien de temps elle pourrait encore tenir. Elle ploie. Mortelle. Ses coudes se plient sous son propre poids et elle s’écroule la tête la première dans l’hémoglobine, elle ferme les yeux et les machoires mais le sang envahit ses narines, tache ses lèvres, investi sa bouche et teinte ses papilles, le goût métallique, l’odeur ferreuse est étouffante.
ennivrante
Non, non pitié non. Mais aucun son ne sort de sa bouche, le sang empâte sa langue et tait sa complainte. Ses cheveux sont lourds, imbibés du carmin, elle pousse sur ses mains mais ne parvient pas à se relever, trop faible. Elle ouvre les yeux. Terrorisée.
Ils lui rendent tous son regard. Terrorisés.
Les crânes, des centaines, des milliers de crânes, ceux de chacune de ses victimes, de ceux qui sont tombés depuis la genèse des races sous les coups des tyrans, des guerriers, des combattants ou plus simplement des mortels, à ceux qui ont un jour manié une arme dans le but d'ôter une vie. Ils sont tous là à souffrir pour l’éternité malgré le cycle perpétuel des âmes, à attendre une réincarnation qui ne viendra jamais parce qu’ils ne sont que des fragments esseulés de souvenirs échoués. Praelia hurle, mais le sang rentre dans ses poumons et son corps coule en passant de l’autre côté de la surface, elle sent la gravité s’inverser et se retrouve allongée sur le dos, ses yeux incrédules regardant un ciel incandescent dont les flammes dévorantes sont parsemées de motifs flous.
Elle plisse les yeux pour tenter de les discerner, d’en isoler un, mais les formes sont trop fugaces, trop éphémères pour qu’elle n’y parvienne. Alors ses yeux descendent vers son propre corps. Sa peau est tachée de vermeil séché, elle baigne encore dans un fond d’humeur dont le niveau a baissé, ce n’est plus qu’une fine pellicule, entre les feux célestes et l’océan rouge, la couleur est omniprésente. Entre ses seins, elle voit l’horizon s’étaler devant elle à l’infini en une ligne parfaite, rompue uniquement par la forme de ses orteils, alors elle se relève. Et elle cours.
Elle cours sans jamais s’arrêter, elle cours sans se fatiguer, elle cours pour fuir l’inévitable, pour semer l’inesquivable. Elle cours pour se sauver, mais elle n’ira jamais assez loin, assez vite. Elle peut les entendre derrière elle, les voix qui s’élèvent et gémissent de douleur, des hurlements de souffrances entremêlés de complaintes funèbres, de pleurs, de quémande de pitié. Les derniers instants de chaque âme qui a un jour foulé Sekaï pour arriver à une fin brutale.
Violente.
Elle cours et ses pieds nus projettent des éclaboussures ensanglantées sur son passage, les gerbes de gouttes lévitant en apesanteur comme des cerises interdites, preuves de son passage. Preuve de sa culpabilité. Chacun de ses pas est une perturbation de plus sur la mer de sang à la surface immaculée et parfaitement morte, chaque fois que sa plante s’abat sur le sol, le son provoqué déchire ses tympans, plus encore que l’orchestre cacophonique des déchirement de souffrance qui montent de toute part.
Je suis toi, et tu es moi.
Elle continue de courir, mais la Multitude la poursuit, elle peut sentir les mains tentaculaires lui caresser les omoplates dans sa cavalcade effrénée, les doigts des manieurs lèchent ses membres, ses jambes, dégustent ses épaules, elle cours et elle hurle, comme si ça allait l’aider.
”AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHH”
Le mur sombre de sa cellule découpe parfaitement la forme frêle de son doigt qu’elle tient devant ses yeux, fixés sur la tache rougeâtre qui s’écoule vers le bas de son index, la gamine se rend compte qu’il lui a suffit d’un moment, d’un simple moment d’égarement, pour être de nouveau happée par les ténèbres infinis du Démon. En un instant, sa psychée refoulée s’est engouffrée dans la plus infime brèche pour y déverser le torrent de haine pluri-millénaire dans lequel elle a nagé plus de deux ans. Praelia sent son ventre se tordre, ses tripes se contorsionnent douloureusement et un spasme ébranle subitement tout son corps qui se redresse avec une énergie insoupçonnée pour se mettre à quatre pattes, sa bouche s’ouvre et elle vomit sauvagement de la bile sur le sol. Les contractions la secouent encore de quelques soubresauts épars, puis plus rien. Épuisée, elle s’apprête à s’affaler de nouveau par terre quand dans un mouvement involontaire de la tête, son champ de vision attrape quelque chose qui allume tout ses signaux d’alarme, et la suite s'enchaîne avec une rapidité foudroyante. Un éclat de lumière bien trop familier, une réflection qu’elle a pu voir encore et encore, parfois dans des souvenirs, parfois en réalité, mais surtout dans ses derniers instants de mémoire avant de sombrer. Elle est là, devant elle, la tizona blanche, elle peut presque entendre sa voix l’appeler, elle peut sentir d’ici sa soif de… de…
Dis le.
Non
Dis le.
NON!
DIS LE!
”SA SOIF DE VIOLENCE!!!”
Sa voix éclate dans la cellule du Berceau avec une puissance soudaine et surprenante, mais ce que sa volonté souhaite faire, son corps désobéissant et encore marqué ne peut forcément le traduire, et son hurlement se transforme en râlement rauque alors que ses cordes vocales s’effritent. Dans le même temps elle bondit sur ses pieds, animée par l’énergie du désespoir, de la peur viscérale qu’elle possède envers une entité qui s’est emparé d’elle et lui a tout volé, elle se jette le plus vite possible à l’opposé du Géant d’Airain qui se tient debout devant elle, l’Épée Famélique en main, à même sa peau. Praelia s’écarte d’un saut maladroit et titubant vers le coin le plus éloigné de sa cellule, mais ses fers l’empêchent de creuse la distance, alors la gamine se retourne d’un coup vers ses liens d’acier, et elle tire. Elle tire en dépit de la souffrance, en dépit de l’hypersensibilité de son cerveau aux stimulis physiques, elle tire en dépit de la douleur amplifiée qu’elle ressent et de la chaleur qui s’est subitement accrue depuis qu’elle panique. Le fer entame sa peau, déchire, meurtri et écrase la peau de ses poignets, le supplice est insoutenable, mais il n’est rien en comparaison de ce qui l’attend si le Démon l’attrape à nouveau. Si elle est aussi terrifiée, si elle ne tente pas tout simplement de mettre fin à ses jours, c’est parce qu’elle sait très bien que la mort ne sera pas une fin.
Elle ne sera qu’un crâne de plus sous la surface.
Elle tire et enfin, ils cèdent, non pas les fers, mais les os de sa main. Dans un craquement sinistre, ses pouces se brisent sous la force du désespoir et les menottes broient les articulations de ses poignets et ses métacarpes en la libérant, sa voix n’est plus qu’une lamentation sifflante et éraillée, ses larmes gardent humides ses yeux exorbités par l’effroi. Enfin libre, elle peut faire les quelques derniers pas qui lui permettent de se terrer dans le coin de la cellule. Elle se rend compte qu’elle ne peut pas aller plus loin, et la silhouette d’Alasker demeure toujours là, impassible, Violence en main. Praelia est la proie acculée qui n’a comme seul échappatoire que de montrer les crocs à son prédateur. Tout ses sens en émoi, elle est prostrée là, les jambes écartées, prête à bondir, ses bras blessées contre les deux murs, les doigts ballants et les mains dodelinant dans le vide à des angles impossibles tandis que ses poignets ne font plus contact avec ses radius. Elle ne remarque même pas la présence du deuxième homme un peu à côté du guerrier en armure rouge, bien trop focalisée sur l’Incarnation de la Guerre qui repose dans la patte de l’Enragé. Avec un énième hurlement brisé, Praelia s’élance droit sur Alasker, un poing levé pour porter le premier coup, et quand sa main s’écrase avec un son creux sur le plastron de l'Équarrisseur de Sable-d’Or, le deuxième bras de Praelia arrive déjà pour porter une seconde attaque insignifiante.
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Adossé au mur de la cellule, Zéphyr contemple ce déchet humain. La jeune femme face à lui est tellement chétive, qu’on dirait une brindille que même le maître-espion pourrait briser. Ne parlons même pas d’Alasker qui a, de son côté, une force surhumaine conséquente, et qui pourrait donc la réduire en miette d’un claquement de main. Pour autant, ce n’est pas parce que la demoiselle est faible que l’un et l’autre vont montrer forcément de la compassion. On ne trouve pas de personnes empathiques au Berceau, et ceux qui viennent enquêter sur les détenus ne sont généralement pas là pour faire ami-ami avec ledit prisonnier. Pour l’heure, les deux guerriers n’ont pas besoin de communiquer pour être d’accord : cette inconnue n’est pas une menace et ne le sera jamais tant qu’elle restera dans cet état de prostration. C’est une bonne nouvelle en soi, puisque cela veut dire que seule l’entité démoniaque était réellement dangereuse. Cependant, il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Si cette gamine ne fait pas le poids face à eux, il faut déterminer quoi faire de cette misérable. L’emprisonner à vie ? La tuer ? Choisir une autre solution ? Le bretteur ne s’est pas encore décidé, et il ne fait aucun doute que les prochaines minutes seront capitales pour décider du destin de cette étrangère.
Evidemment, l’assassin n’est pas dans l’esprit d’Alasker, et il ne songe pas un instant que la partie animale de son compagnon a songé dès les premiers instants à goûter le sang de cette proie inoffensive. Mais quand bien même l’aurait-il su qu’il n’aurait pas bougé. Le bras-droit de la Griffe et le chef des Dévoreurs sait se maîtriser, prendre le pas sur ses pulsions et sur ce que lui susurre la bête sauvage qui est en lui.
Entamant le premier les hostilités, c’est Zéphyr qui pose ses premières questions. Espère-t-il des réponses ? A dire vrai, la situation est si nébuleuse qu’il est autant prêt à un silence mutin qu’à une femme désespérée et prête à tout pour s’en sortir. Mais bien vite, l’évidence saute aux yeux. La jeune femme ne veut pas, ou ne peut pas répondre. Elle se contente juste d’écarquiller les yeux le plus possible, sans pour autant réagir. Signe qu’elle perçoit son environnement, peut-être, mais qu’elle se protège également elle-même psychologiquement pour ne pas devoir affronter la dure réalité qui est la sienne. Le conseiller royal n’en est ni déçu, ni soulagé. La voir parler aurait simplement facilité les choses. Mais non. Leur interlocutrice choisit le silence. Soit. Qu’à cela ne tienne. L’Oreille lance un regard à Alasker suffisamment clair pour lui faire comprendre qu’il lui passe la main. Ce sombre binôme n'est pas, ne sera jamais tendre et ne cherchera absolument pas à réconforter leurs cibles. Dès lors, le lycanthrope va avoir tout le loisir de provoquer cette enfant débile et affaiblie, pour réveiller son esprit léthargique. Evidemment, le sabreur lui-même ne sera pas en reste, mais pour le moment, il reste davantage en retrait afin d’observer soigneusement les réactions de l’humaine à la peau pâle, parsemée de veines sombres qui se résorbent lentement, mais sûrement, selon les Akkelanaks.
Et c’est ainsi que le frère d’arme de Deydreus dégaine une arme immaculée. Une tizona qui est la réplique du démon qui a possédé cette femme. C’est une initiative que le maître-espion doit saluer. Quoi de mieux que de confronter la prisonnière à son ancien bourreau ? Oh, bien sûr, Violence est morte, détruite par la puissance de Kahl et par le travail d’équipe de ses camarades. Mais cela, l’esprit fracturé de la femme ne peut pas s’en rendre compte : aussitôt verra-t-elle la lame qu’elle la confondra certainement avec le démon qui l’a soumise totalement à sa volonté. Peut-on rester indifférent à celui qui nous a possédé pendant des mois, voire des années ? Attentif, Zéphyr regarde le loup planter l’arme dans le sol froid de la cellule, puis plante son regard dans celui de Praelia et guette n’importe quelle réaction qui trahirait qu’elle ait conscience de son environnement. Va-t-elle rester silencieuse ? Va-t-elle se recroqueviller encore plus ? Entrer dans une crise de panique ? Se rebeller ? Tenter de suicider ? Faire preuve d’agressivité ? Les deux hommes ont envisagé toutes les possibilités, et chacun d’eux est prêt à réagir si cela dégénère. Pourtant… Celle-ci s’obstine à regarder le vide, vers la gauche du conseiller royal. Est-ce une tentative de fuite ? De ne pas affronter ses actions et son passé ?
« Futile, » songe aussitôt le maître-espion. L’inconnue croit-elle seulement qu’ils vont attendre patiemment qu’elle ose regarder l’épée ? Non. C’est eux qui mènent la danse, dans cette cellule et l’assassin n’est pas le moins surpris quand le géan d’airain lui demande de rester en retrait alors qu’il se saisit de la lame blanche. Serrant de sa main la réplique de l’épée, du sang finit par couler de sa paume, et dans un geste vif, Alasker projette son sang contre la demoiselle.
Un liquide chaud se pose sur elle.
Un liquide qui, généralement, indique presque toujours l’usage de la violence.
Quand est-ce que le sang coule ? Quand on fait preuve de maladresse. Mais il se répand encore plus quand les hommes partent en guerre, quand ils s’affrontent, quand ils se mesurent dans des batailles féroces et cruelles. Enfermée dans le démon, la femme a peut-être ressenti la violence de son porteur. Réceptacle de l’entité, a-t-elle été enfermée dans un cocon où ses sens étaient emprisonnés, où son existence était presque réduite à néant ? Ou bien est-ce que la joie cruelle de Violence, ses rencontres et ses échecs, ses tentations et ses parties de chasse lui parvenaient même de manière voilée ? Si c’est bel et bien le cas, impossible que le liquide vermillon ne fasse aucun effet sur elle. Si la tizona a également exercé une quelconque influence sur son esprit… Si elle se souvient un temps soit peu de sa rencontre et de sa soumission au démon… Oh, l’humaine se souviendra de quelque chose et réagira d’une quelconque façon.
Zéphyr ne sourit pas de façon hideuse comme son camarade reikois. Mais alerte, il observe. Et voilà que la prisonnière pose une main tremblante sur la goutte qui coule sur sa joue. Elle est parcourue de tremblements, comme si elle est effroyablement malade et proche de l’agonie. Son ongle se pose sur la goutte de sang ; quelques instants après, elle ramène enfin sa main devant ses yeux et puis… Il y a comme un silence, un moment hors du temps où l’âme de la prisonnière est en pleine introspection. Et puis, le voilà enfin. Ce spasme qui trahit enfin une réaction corporelle. D’ailleurs, la femme se met à quatre pattes avec une vivacité insoupçonnée, pour vomir tout ce qui reste dans son estomac. Elle crache de la bile, puis semble être prête à s’affaler encore. Sauf qu’elle rencontre du regard l’épée plantée dans le sol froid de la cellule. L’Oreille la voit alors ouvrir la bouche pour qu’un son rauque, éraillé, ne sorte de sa bouche.
Un cri, un râle, un hurlement qui s’effrite, tant ses cordes vocales n’ont plus été utilisées depuis longtemps. Zéphyr n’a pas le temps de s’interroger sur ce qu’elle vient de dire, car l’inconnue bondit sur ses pieds pour se précipiter le plus loin de l’épée et par conséquent du géant d’airain. Tiens donc. Elle a peur ? Pour la première fois, l’ombre d’un sourire apparaît sur le visage du maître-espion. Cela veut dire qu’elle a totalement repris pied avec la réalité, et qu’elle ne pourra plus fuir dans une prétendue immobilité de l’esprit. Désespérée, la jeune femme tire sur ses liens comme pour mettre de la distance entre elle et la lame immaculée. La gamine tente tout pour s’éloigner. Zéphyr est même sûr que, s’il ouvrait la porte de sa cellule et lui tendait les clés de ses fers, elle se précipiterait dans le couloir au plus grand étonnement des Akkelanaks.
Mais l’assassin ne lui offre pas la liberté. Au contraire, il se redresse du mur contre il était adossé et plonge son regard doré dans ceux de la gamine terrorisée alors qu’il s’avance vers le milieu de la salle, à mi-chemin entre l’épée et l’inconnue blâfarde.
- C’est inutile.
Son ton calme contraste particulièrement avec la panique qui est visible sur le visage de l’étrangère. Son corps répond à son esprit terrorisé et il n’est même pas sûr qu’elle l’ait entendu, ni même que ses propos l’aient rassuré d’ailleurs. Mais un craquement sinistre n’attire son attention. Celui de ses pouces qui se brisent et se disloquent à cause de la force de sa traction. Sa peau elle-même est rougie et ensanglantée à cause de sa lutte désespérée contre les fers, mais le plus important, c’est qu’elle est désormais libre de ses liens. Sa voix est sifflante, ses yeux humides à cause de ses larmes, mais tout ce qu’Alasker et Zéphyr ne voient, c’est le regard d’une gazelle acculée par un prédateur trop puissant pour elle.
Alors elle se précipite.
Pour frapper.
Pour se défendre.
Pour survivre, car pas un instant, elle ne semble songer à s’ôter elle-même la vie.
Ou bien est-ce une façon désespérée de mourir ? L’Oreille ne prend pas la peine de réfléchir à cette possibilité. Il y a des moments où l’instinct prend le pas sur la réflexion, et c’est presque tout naturellement qu’il s’interpose sur le chemin de la gamine, qui se jette ainsi, non pas sur l’épée et Alasker, mais bien sur lui.
Entre un assassin bien formé et une jeune femme affaiblie et désespérée, il y a un abîme. Et si les deux Reikois ont estimé que pas un instant elle n’était une menace lorsqu’ils sont entrés dans la salle, c’est malheureusement encore le cas maintenant, si bien que Zéphyr esquive son premier point d’un solide mouvement de rein, avant qu’il ne vienne contrattaquer à son tour.
D’abord, il attaque sa poitrine au niveau du plexus solaire.
Il est inutile de sortir ses armes. Ses poings suffiront, et en l’état, son coup a pour unique objectif de la déstabiliser en rompant son élan, mais plus encore, de couper son souffle et donc toute agressivité de sa part.
Mais le maître-espion n’a pas fini.
Dans un même élan, son autre poing vient frapper le cou de la jeune femme, qui n’a d’autres choix que d’être momentanément étourdie. Peut-être voit-elle des lucioles, peut-être a-t-elle déjà perdu toute force qui lui permette de lutter, mais l’homme ne lui laisse pas l’occasion de contrattaquer ou même de tituber. Enchainant son attaque, il finit par la plaquer au sol en lui faisant une clé de bras. Le bras gauche de sa cible est momentanément maintenu dans son dos et un des genoux de l'assassin est plaqué contre la poitrine de femme afin de la contrôler (sans l’empêcher toutefois de respirer). Zéphyr la force ainsi à être immobile et – comble de l’ironie – à être infiniment proche de la tizona blanche. En effet, le nez de la demoiselle est à quelques centimètres à peine de l’arme immaculée et la voix froide du bretteur résonne dans la pièce.
- Regarde-la.
La lame est évidemment silencieuse, mais il semble que la demoiselle n’ait pas compris que c’était une copie.
Donc autant jouer là-dessus.
Autant jouer sur la violence qui doit régner dans son cœur en ce moment-même.
- Regarde cette épée qui a supprimé tant de vies, qui a causé des massacres, qui t’a emprisonnée ou accueillie en son sein.
La folle aura beau paniqué, supplié, il ne la lâchera pas.
- Tu as peur ? Zéphyr ricane. Réjouis-toi, gamine. Ca veut dire que tu es encore en vie. Et que tu as encore une once d’intelligence.
L’espion relève un instant la tête pour jeter un œil à Alasker. Il y a encore des choses à jouer, que ce soit avec l’épée ou avec la présence intimidante de son ami.
- Assume ce que tu as fait. Et assume ce que tu es.
Mais qui était-elle vraiment ? C’était avant tout à elle de le décider.
Arme des Veilleurs
Savoir
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Les larmes restent en suspend dans les airs, elles sont figées dans ce tableau d’une sordide tragédie en pleine chute vers le sol froid des pierres du Berceau. Ces gouttes de perles pures, échappées des yeux du semblant de femme chétif qui se bat pour sa survie, déforment les quelques rayons de lumière qui osent les traverser en venant depuis la fente d’aération avare dans le mur. La fragile main brandie par Praelia elle aussi est arrêtée dans sa course le temps d’un tableau, d’une peinture de tristesse, cette main blanche au tein pâli par le manque de soleil, par l’état de faiblesse latent de la jeune femme, teinté du carmin pernicieux de son propre sang qui suinte à travers les écorchures de ses poignets brisés et égratignés. Alors que les yeux écarquillés de la victime démoniaque ne calculent que la présence du Géant d’Airain et de la Lame Famélique factice, ils ne prêtent nul attention à la figure qui semble danser dans l’ombre du monolithe Dévoreur et s’avancer vers elle. Ce n’est que quand le temps s’écoule à nouveau et que son poing file droit dans les airs à côté de cette silhouette que Praelia remarque l’obstacle dominant sur son chemin, mais son regard de terreur n’a pas le temps d’apercevoir l’attaque maîtrisée et précise du Maître Espion. Son cerveau sur-stimulé par son existence encore trop récente pour ses propres sens enregistre presque immédiatement le contact, une déflagration de douleur qui surgit furieusement dans sa poitrine. Elle peut sentir chaque parcelle de ses cellules s’insurger face à la sensation sourde qui se propage cruellement dans sa chair, elle peut la sentir dans ses os, dans chacune de ses côtes, de la pointe qui les relie au sternum, le long de sa cage thoracique, jusqu’à sa colonne vertébrale. Elle peut sentir l’onde de choc se réverbérer au fond de son dos et revenir par rebond jusqu’à sa poitrine comme une explosion, et sous l’impact du coup, sa chair ploie, son os s’enfonce contre ses organes, elle peut les sentir se comprimer, elle peut sentir ses poumons se contracter contre leur gré. Son diaphragme descend malgré lui pour céder l’espace mais il est trop tard désormais, l’air est forcé en dehors de ses bronches et l’accoup qu’elle subit fait planter ses réflexes moteurs. Entre la douleur et l’arythmie momentanée de sa respiration dû à la perturbation extérieure, sa moelle épinière ne sait pas quoi faire et panique, son corps envoie des signaux contradictoires. La femme s’écroule, mais sa chute n’atteint pas le sol, pas encore. Ses perceptions la voient virevolter soudainement, elle devient objet, chose hors de son contrôle tandis qu’un autre la fait valser, dans la myriade de sensations elle peine à reconnaître la torsion de son bras dans son dos, et enfin c’est un autre coup qui lui est asséné, mais cette fois c’est celui reconnaissable, du sol contre sa joue.
Penser est trop douloureux. De toute façon elle n’y arrive pas, dans cet instant même, elle ne parvient pas à formuler quoi que ce soit, sa conscience encore balbutiante est surchargée d’informations à traiter et comme si elle avait conservé les dernières secondes en mémoire tampon sans les analyser, elle encaisse d’un seul coup la réalisation de sa douleur. Son hurlement déchire une fois de plus l’espace,
”AAAAAAA-”
Impossible pour elle de faire plus, elle n’a plus d’air, un objet dur lui fusille les omoplates et elle ne parvient plus à respirer, l’objet se rétracte un peu, et sa poitrine parvient à soulever son dos péniblement tandis qu’elle se met à hoqueter face contre terre pour reprendre son souffle.
”Ka-ark-kahf kaf kof!!”
Des larmes scintillent toujours des coins de ses yeux, coulant inlassablement depuis qu’elle s’est mise en mouvement, depuis qu’elle l’a aperçu elle, enfin ça. Elle? Praelia se mettait à penser de cette horreur comme une personne maintenant? Non, non non nonnonnonno- Ses pensées l’assaillent encore et sa psychée, comme une auto-protection dont elle même n’a pas conscience, s’éteint une fois de plus. Les yeux marrons de la jeune femme perdent leur éclat, ses paupières reprennent une ouverture normale et ses traits se débloquent, seules les ruisseaux larmoyants qui maculent ses joues et son nez sont les témoins de son emportement à l’instant, si on omet ses l’état de ses poignets. Le type qui la maintient plaquée par terre, il a parlé. Qu’est-ce qu’il a dit? Elle ne savait pas. Regarder, il lui a dit de regarder? Elle va regarder. Elle doit regarder, c’est plus simple de ne pas réfléchir. De faire juste ce qu’on lui demande.
Alors elle regarde.
Un oeil. Pas un oeil, un reflet d’un oeil. Dans le blanc de la Tizona sa pupille fixe bêtement le dessin de sa propre image, représentation altérée par la géométrie de la lame, lui renvoyant une projection fantasmée de son subconscient. Ce reflet, ce n’est pas elle, c’est elle prisonnière du Démon. C’est ce qu’elle a été forcée d’être, ce qu’elle n’a jamais voulu être. C’est ce qu’elle a fait sans le vouloir. C’est les actes qu’elle a commis sans les faire. Ce qu’elle n’est plus. Si elle a choisi de poser sa main sur cette épée autrefois, si elle savait que l’arme était maudite, si elle savait que le Démon pouvait ne faire qu’un avec son propriétaire, elle n’avait jamais voulu de tout ce qui arriva ensuite. Elle le savait, que ça pourrait arriver, est-ce que ça signifiait qu’elle le désirait pour autant? Non. Bien sûr que non, jamais elle n’avait voulu torturer tout ces gens, tuer tout ces gens, manipuler, tromper, soudoyer, profiter, déchoir, absorber, éliminer, étriper, éviscérer, énucl- elle ne l’avait pas voulu. Si elle l’avait pu elle aurait tout arrêté, elle aurait même préféré mourir et emporter le Démon avec elle que de le laisser continuer son carnage insatiable. Elle aurait même préféré simplement disparaître, quitte à laisser l’engeance prospérer plutôt que d’être forcée à assister à cette démonstration perpétuelle de haine. Si elle avait su les risques, mais les avait quand même encouru dans un espoir plus noble, est-ce qu’on pouvait la tenir pour responsable de ce qui s’était passé? Est-ce qu’on pouvait lui reprocher d’avoir tenté sa chance?
“Pour tuer un Titan…”
- Image Graphique, body horror:
Les mots râclent comme des engrenages râpeux de l’usure, craquant sa voix inaudible dans une complainte monotone, silencieuse et pathétique, ce qu’elle aurait aimé prononcer, elle le mime du bout des lèvres, l’air prend à peine l’emprunte des sonorités, sortant en sifflant de ses cordes vocales. Sa vue se trouble alors que les larmes se font plus nombreuses. La figure traître qu’elle distingue à peine dans le reflet de la Tizona damnée lui renvoie un sourire, ce n’est pas son visage, il a ses traits, ses yeux, son nez, sa bouche, mais il n’a pas son expression. L’alter-égo se moque d’elle, il ricane même, elle sait pourquoi bien sûr, mais elle refuse de lui donner raison, elle rirait sans doute si elle était à sa place, si les rôles étaient inversés, parce qu’elle doit admettre qu’elle est risible, pitoyable même. Ce reflet dans l’épée, c’est la part d’elle qui acceptait le Démon. La part d’elle qui jubilait de sa puissance. La part d’elle qui l’a poussé à saisir le pommeau de l’arme lorsqu’elle l’a trouvé sur un champs de bataille pendant la guerre divine et qui l’a empêché de lâcher l’artéfact quand elle s’est rendu compte de sa nature véritable. C’est sa violence. Dans son regard trouble, la forme de son reflet change et prend un autre visage, horrifique, similaire à ceux de la marre de sang dans laquelle elle courrait encore quelques instants plus tôt. Sa violence la toise d’un regard accusateur, comme si elle avait commise de plein gré toutes les atrocités dont le Démon était responsable. Pourtant Praelia ne comprend pas pourquoi c’est son reflet qui l’accable alors qu’il sait très bien que c’est lui le responsable, c’est lui qui a invité le Démon en elle, lui qui lui a donné autant de puissance sur son esprit, c’est lui, c’est de sa faute. Pas de la sienne. Praelia voulait juste défendre son pays, tuer les tyrans, gagner. C’était tout. Ça a toujours été tout. Est-ce qu’avoir assisté à ces horreurs la rend responsable de ce qui s’est passé? Est-ce que son incapacité à y mettre un terme la rend complice de tout ceci? Est-ce que… Le reflet ricane en entendant la pensée se formuler dans leur esprit commun. Est-ce que tout cela fait partie d’elle, de la même manière que sa violence est une partie d’elle? Penser est trop douloureux, et là, Praelia a vraiment très mal. Elle se rend compte de sa proximité avec le Démon, de son appel, elle réalise sa posture, celle d’une proie plaquée au sol, dans une cellule, sans échappatoire. Elle se rend compte lentement, de la réalité des choses. Elle prend enfin conscience, dans un fracas terrible de ses mécanismes de blocages mentaux, qu’elle est vivante.
Elle est vivante.
Ses yeux se ferment sous la douleur, incapable de les maintenir ouverts plus longtemps, sa poitrine serrée si fort qu’elle a l’impression que ses côtes essaient d’empaler son coeur, Praelia crispe ses mâchoires jusqu’à sentir ses molaires grincer sous l’effort, prêtes à se rompre à tout moment. Un couinement compulsif s’échappe de sa gorge, un son étranglé, suraigu, sangloté avec violence. Son corps crispé retombe mollement contre le sol comme un abandon. Elle est vivante, ça veut dire que tout continue, mais plus grave encore ça veut dire que ce n’est pas la fin, qu’elle va devoir faire face au monde après ce qui s’est passé, que ce n’était pas un rêve, tout était bien réel. Sa voix monte une nouvelle fois, accompagnée du trémolo inévitable que sa gorge serrée ne peut que produire.
”J-... J-j-... … J-j-je.”
Je. C’est pas mal, je, c’est déjà un début. C’est extrêmement douloureux. Donner forme aux mots, les transposer de pensée pure à matière vibrante, en sons, c’est leur donner une réalité, c’est leur donner une puissance et une force que Praelia donnerait tout au monde et plus encore pour les renier au plus profond d’elle même et simplement les oublier, sauf que le monde lui, n’a pas l’air décidé à la laisser faire si simplement, chaque vocalise est un poignard en travers de sa poitrine, de sa gorge, de sa tête, de son coeur, de ses émotions, chaque son lui donne envie d’arrêter, de retourner dans la douceur de la léthargie. Ce serait facile, elle n’aurait plus à réfléchir, elle n’aurait plus aussi mal, elle serait juste là, à exister sans être, à survivre sans vivre. Alors pourquoi? Pourquoi est-ce qu’elle ne cède pas à la facilité? Il suffit pourtant d’y tendre la main et de se laisser emporter à nouveau dans l’absence, mais quelque chose quelque part au fond d’elle l’empêche de le faire, comme un clairon d’alarme frénétique et désespéré qui s’époumone pour parvenir à la maintenir consciente. Pourquoi? Cette petite chose, cette petite impulsion de vie qui étouffe en elle, d’où lui vient-elle? Elle ne sait pas, et malgré son ignorance, Praelia refuse de l’abandonner, si cette étincelle tient bon, alors elle peut le faire aussi, entre trois larmes et deux sanglots elle parvient à réarticuler:
”Je”
…
”Je P-...P-p…” Les deux sons sont difficiles à enchaîner pour sa bouche vacillante, elle avait hurlé une phrase entière tout à l’heure, sous le coup de la folie, elle pouvait bien parvenir à aligner deux mots non? ”P… rrrr Peurrr. Aaaaaaééya.” Trop vite, et pas assez fort, on l’entend trop mal. ”Je Prrraélleuleuleuuu Prrraéleu-ii-aaa”
C’est comme si un cadenas venait de sauter, sur une porte à douze verrous, elle se sentait un peu plus légère, mais pas sortie d’affaire. Sa poitrine s’emballe en s’accélérant. Son rythme cardiaque s’accélère, son coeur se met à marteler dans sa poitrine et elle ne parvient pas à l’en empêcher. D’un seul coup ses yeux se rouvrent et le reflet dans la lame hurle de rire, à la différence que cette fois elle aussi, elle rit hystériquement, un rire guttural et mauvais, un rire de démence folle qui nourrit cette étincelle de force pour lui rendre l’énergie qu’elle avait dans sa lutte pour sa survie. Praelia a l’impression que son pharynx va se fendre en deux à force de rire comme ça, les jointures de ses lèvres se fissurent et du sang commence à baver depuis leur commissure tandis que le corps de la gamine se contracte et qu’elle recommence à se débattre, plus violemment encore, mais toujours pas de taille à faire face au Maître Espion. Posant sa main blessée libre contre le sol, sa bouche riante, ses yeux pleurants, la jeune femme force d’un seul coup contre les pierres de la cellule et pivote son buste autour du point d’appuis de Zéphyr, le genou de ce dernier rencontre subitement le sol tandis que la femme s’y dérobe. Un claquement sec annonce le déboîtement de son bras et de son épaule, victime de la clé de bras, tandis que la furie se retourne pour attraper le regard de l’Oreille, son bras désarticulé tordu dans son dos à un angle impossible, son visage meurtri en un fouilli d’éraflures, de sang et de larmes.
”TUEZ LA. DÉTRUISEZ LA. DÉTRUISEZ VIOLENCE!”
Les pupilles du Maître Espion semblent se dilater, les deux ronds noirs impassibles envahissent tout, et bientôt elle sombre dans l'obscurité, se sentant partir.
Vrai Homme du Reike
Alasker Crudelis
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Info personnage
Race: Loup-Garou
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: B
Ce grand malade de Kirk, le tortionnaire des Dévoreurs, lui avait un jour confié -dans l’un de ses rares moments d’étrange sociabilité- que rien ne le rendait plus enclin à la cruauté que la terreur de ses victimes. Selon le Drakyn collecteur d’oreille, lorsque ses ennemis venaient ainsi s’humilier en affichant ouvertement leur faiblesse aux yeux de tous, le mélange de mépris et de rage qu’une telle vision lui conférait le plongeait immanquablement dans une sorte de transe dont il ne ressortait qu’en se bâfrant dans le sang et la mort. Une phrase excessivement grandiloquente, d’autant plus inutile que Kirk semblait, de base, toujours animé par un mélange de mépris et de rage. Sa cruauté était en réalité loin de se limiter aux faiblards, et chaque Dévoreur avait eu l’occasion de le voir faire montre d’une créativité déroutante dans la punition de cibles coriaces se refusant au contraire le droit de supplier pour une mort rapide.
Alasker, pour sa part, n’avait jamais partagé les tendances excessivement sadiques d’un tortionnaire. Le combat, la chasse et la domination de ses adversaires lui suffisaient largement. Mais, dans de rares cas, les plus pitoyables créatures parvenaient à éveiller une part de ce sadisme si profondément humain que Kirk se targuait de maîtriser avec tant de naturel. Dans ces moments, le Géant d’Airain redoublait -lui aussi- d’ardeur pour briser, détruire, faire souffrir ceux qui se tenaient à genoux devant sa hache, sans armes et l’échine courbée telle la plus docile des brebis.
Mais pas là. Pas cette fois.
Parce que cette gamine, si profondément ridicule pouvait-elle être, ne se contentait pas de simplement s’humilier. Elle se lacérait. Elle se brisait. Avec plus d’acharnement qu’un tortionnaire. De manière plus frénétique que les plus tordus représentants de cette damnée profession. Elle pleurait et bredouillait, comme un animal désaxé tentant de singer les comportements de son maître humain, de goûter la langue des bipèdes.
Pour un prédateur comme lui, pour le loup qui partageait son enveloppe, un tel comportement ne pouvait impliquer qu’une chose : Sornög. Teinté, en Shierak-Qiya. Corrompu. Malade.
Et aucun chasseur digne de ce nom ne se repaissait d’une chair infectée.
Impassible, le monstre d’airain et de rage observait la folle redécouvrir le son de sa propre voix, plaquée au sol par Zephyr, bavant sur le pavé. Suppliant qu’on détruise l’objet inanimé qu’elle confondait avec la source de ses plus sombres cauchemars. Le ricanement de Zephyr s’était presque perdu dans le chaos des élucubrations sans queue ni tête de la fillette aux veines de feu. Presque. Une note trop mélodieuse, trop naturelle, dans cet océan de discordance.
“-Je ne te pensais pas si cruel.” Avoua-t-il simplement, sans cesser de fixer l’enfant née adulte d’une lame brisée, ou de de tenir la réplique imparfaite de celle qui l’avait engendrée.
Un grincement, dans son dos, attira son attention. Un Akkelanak au visage buriné et à la barbe aussi noire que drue fixait la scène en faisant montre d’autant d’empathie que le “ministre” et son comparse à l’armure écarlate. Alasker lui adressa un regard interrogateur, qui descendit jusqu’à la pointe de la lance, pendant dans le dos du garde. Un silence tout relatif s’installa entre les deux brutes, puis le protecteur du berceau fit son office en posant l’évidente question :
“-Tout va bien?”
Un rire dépourvu d’humour comme de patience s’extirpa de la carcasse du géant d’Airain. Il s’écarta d’un pas, pour laisser au nouveau venu le plaisir d’observer pleinement la scène se déroulant dans la cellule.
“-J’hésitais à appeler des renforts.” Glissa-t-il, sarcastique. “Vous servez le thé?”
Le garde gronda dans sa barbe et s’éloigna, se forçant au mutisme. Avec lui, la lumière émanant de la flamme dansant au bout de sa torche laissa place aux ténèbres du couloir sur lequel donnait la cellule. Alasker soupira en faisant craquer ses articulations éternellement endolories puis entrepris de s’accroupir pour mieux essayer de comprendre ce que cette pauvre folle déblatérait.
L’écoute pris un peu moins d’une minute, et tout ce qu’il parvint à traduire s’avéra, fatalement, être l’évidente supplique qu’elle répéta à plusieurs reprises, juste avant qu’elle ne cède à une inconscience bien méritée.
“-J’ai déjà vu des crises comme celle-ci.” Fit-il remarquer au maître-espion, en attrapant la nuque de la gamine aux veines de feu pour la secouer délicatement, à la recherche du moindre signe de convulsions. “Certains de mes gars ne sont guère dans un meilleur état, avant une bataille.”
Et les moins équilibrés avaient l’air à peu près autant maître d’eux-mêmes pendant une bataille, mais il était inutile de paraître plus alarmiste que nécessaire, après tout. Ses lèvres s’étirèrent dans une grimace dépréciatrice tandis qu’il vérifiait les battements de coeur de la jeune femme. Le parallèle avec Tarcus semblait aussi évident qu’impossible. Violence, la lame, avait été détruite moins d’un mois auparavant. La renaissance de l’Impardonné n’avait pris pas loin de deux millénaires pour se faire correctement. Alasker ne se prétendait pas expert en démonisme, mais un mois lui paraissait être une échéance particulièrement courte, pour le retour d’un démon en ce monde après sa totale annihilation.
“-Je crois que tu peux la lâcher, elle reviendra pas à elle-même avant quelques petites heures. Et vu ce qu’elle s’est collée, elle va avoir besoin de soins avant notre prochaine discussion.”
***
Il y avait de l'eau, quelques exemplaires de thé étrangement rares, surtout pour un lieu aussi austère, et bien trop d'alcool de fouettard, dans le hall où les gardiens des lieux amenèrent leurs invités. Alasker bu trois gorgées d'eau fraîche avant d'instantanément mordre dans un large morceau de viande séchée traînant dans sa besace, puis s'installa devant l'âtre s'efforçant de chauffer la pièce malgré sa taille démesurée. Le plafond, trop haut, était noyé dans des ténèbres qu'aucune flamme ne parvenait à repousser, et quelques chaînes à l'utilité inconnue pendaient ça et là depuis les hauteurs. Les sièges traînant dans les environs étaient faits de bois craquant, tous recouverts de poussières au point d’en paraître gris. Celui qu'Alasker s'était attribué s'égosillait en protestations craquantes, à chaque fois que l'armure rouge avait le malheur d'effleurer son dossier.
"-Je pense qu'elle est folle à lier." Entama-t-il en mâchonnant la viande."Pas possédée, peut-être malade, mais surtout cinglée. Ce genre d'interrogatoire ne mènera à rien. Je sais reconnaître une gamine apeurée d’une cinglée qui se fout de souffrir ou de mourir.” Une grande bouchée descendit tout au fond de sa gorge et le géant s’essuya la bouche d’un revers de gantelet. La fausse épée démoniaque posée à ses pieds, parfaitement inerte et dépourvue du moindre soupçon de conscience, luisait tant et si bien qu’elle paraissait capable d’absorber la lumière des flammes dévorant l’âtre face à elle. “C’est de ça qu’elle a peur. Si je la brise devant elle, y’a moyen que notre amie devienne muette ou qu’au contraire elle se sente libérée. Difficile à dire pour être honnête. Tu vas me dire que je suis cinglé aussi, mais j’ai ptet’ une solution plus simple, si on veut en avoir le coeur net.”
Une esquille d’os se coinça entre ses canines. Un chapelet de jurons plus tard, le géant jetait les restes dans les flammes, qui les dévorèrent avec l’appétit d’un ogre. Une odeur de viande brûlée envahit aussitôt la pièce. Les effluves de chairs calcinées, combinées aux chaines se balançant depuis les ténèbres du plafond, achevèrent de conférer aux environs une allure de cauchemar bien trop réel.
Ce qui ne sembla nullement perturber le monstre d’airain, assis sur sa chaise.
“-Zeph’, c’est une connerie de la garder ici. On l’enferme dans un coin qui empeste l’anti-magie, c’qu’y fait qu’on est incapable de savoir ce qu’elle est véritablement. Ce qui lui reste d’esprit meurt à petit feu dans le noir et son potentiel, si elle en a un, reste gâché.”
Les dents du loup grincèrent et quelques clignements d’yeux plus tard, il se levait et se détournait des flammes pour fixer le maître des espions du Reike de son regard d’encre. Parler trop ouvertement de ses propres connaissances en matière d’intrusion, de réincarnation démoniaque, à un esprit aussi vif que celui du freluquet risquait, hélas, de trahir ses propres secrets. Fort heureusement, sa réputation de boucher -loin d’être usurpée qui plus est- jouait en sa faveur : Avec le temps, tous ceux qui le connaissaient finissaient invariablement par penser que les étranges et sinistres connaissances d’Iratus provenaient presqu’exclusivement de mésaventures ou de précédents massacres orchestrés de ses propres mains. Seul Deydreus et ses frères de sang connaissaient son appétence pour l’histoire guerrière et les récits d’antan.
Et personne d’autre que Tarcus et lui-même ne savait pour… Eh bien, Tarcus.
“-On devrait la sortir d’ici. Voir ce qu’elle vaut. Les démons sont des créatures magiques. Le sien, s’il existe encore, ne pourra pas se manifester ici. Emmenons-la ailleurs. Donnons-lui l’occasion de mordre un peu ses chaînes. La possibilité de s’enfuir. Si le démon ressort en elle, je l’achèverais sans problèmes. Dans le cas inverse…On ne laisse pas une gamine paumée moisir dans une cellule à rien faire. Ce lieu n’est pas fait pour héberger des victimes. Elle se laissera mourir avant qu’on obtienne la moindre réponse intéressante.”
Le sort de la gamine ne l’intéressait pas outre mesure, évidemment. Il y avait autre chose. Quelque chose qu’Alasker ne pouvait pas avouer à son comparse, bien que le loup lui attribuait une confiance significative depuis les sables d’or. La partie belliqueuse de son être se refusait à simplement interroger une civile traumatisée. Iratus était venu dans le but de défier un démon, de rire à la face d’un de ces usurpateurs imbéciles avant de lui briser l’échine. Et ce vœu, dans la situation actuelle, se retrouvait anéanti par cette pauvre biche perdue et piégée. Dehors, loin des barrières anti-magiques du berceau, les choses pouvaient s’avérer différentes.
Et le bronze divin de sa nouvelle Salvatrice pourrait enfin avoir l’occasion de goûter au sang démoniaque.
Alasker, pour sa part, n’avait jamais partagé les tendances excessivement sadiques d’un tortionnaire. Le combat, la chasse et la domination de ses adversaires lui suffisaient largement. Mais, dans de rares cas, les plus pitoyables créatures parvenaient à éveiller une part de ce sadisme si profondément humain que Kirk se targuait de maîtriser avec tant de naturel. Dans ces moments, le Géant d’Airain redoublait -lui aussi- d’ardeur pour briser, détruire, faire souffrir ceux qui se tenaient à genoux devant sa hache, sans armes et l’échine courbée telle la plus docile des brebis.
Mais pas là. Pas cette fois.
Parce que cette gamine, si profondément ridicule pouvait-elle être, ne se contentait pas de simplement s’humilier. Elle se lacérait. Elle se brisait. Avec plus d’acharnement qu’un tortionnaire. De manière plus frénétique que les plus tordus représentants de cette damnée profession. Elle pleurait et bredouillait, comme un animal désaxé tentant de singer les comportements de son maître humain, de goûter la langue des bipèdes.
Pour un prédateur comme lui, pour le loup qui partageait son enveloppe, un tel comportement ne pouvait impliquer qu’une chose : Sornög. Teinté, en Shierak-Qiya. Corrompu. Malade.
Et aucun chasseur digne de ce nom ne se repaissait d’une chair infectée.
Impassible, le monstre d’airain et de rage observait la folle redécouvrir le son de sa propre voix, plaquée au sol par Zephyr, bavant sur le pavé. Suppliant qu’on détruise l’objet inanimé qu’elle confondait avec la source de ses plus sombres cauchemars. Le ricanement de Zephyr s’était presque perdu dans le chaos des élucubrations sans queue ni tête de la fillette aux veines de feu. Presque. Une note trop mélodieuse, trop naturelle, dans cet océan de discordance.
“-Je ne te pensais pas si cruel.” Avoua-t-il simplement, sans cesser de fixer l’enfant née adulte d’une lame brisée, ou de de tenir la réplique imparfaite de celle qui l’avait engendrée.
Un grincement, dans son dos, attira son attention. Un Akkelanak au visage buriné et à la barbe aussi noire que drue fixait la scène en faisant montre d’autant d’empathie que le “ministre” et son comparse à l’armure écarlate. Alasker lui adressa un regard interrogateur, qui descendit jusqu’à la pointe de la lance, pendant dans le dos du garde. Un silence tout relatif s’installa entre les deux brutes, puis le protecteur du berceau fit son office en posant l’évidente question :
“-Tout va bien?”
Un rire dépourvu d’humour comme de patience s’extirpa de la carcasse du géant d’Airain. Il s’écarta d’un pas, pour laisser au nouveau venu le plaisir d’observer pleinement la scène se déroulant dans la cellule.
“-J’hésitais à appeler des renforts.” Glissa-t-il, sarcastique. “Vous servez le thé?”
Le garde gronda dans sa barbe et s’éloigna, se forçant au mutisme. Avec lui, la lumière émanant de la flamme dansant au bout de sa torche laissa place aux ténèbres du couloir sur lequel donnait la cellule. Alasker soupira en faisant craquer ses articulations éternellement endolories puis entrepris de s’accroupir pour mieux essayer de comprendre ce que cette pauvre folle déblatérait.
L’écoute pris un peu moins d’une minute, et tout ce qu’il parvint à traduire s’avéra, fatalement, être l’évidente supplique qu’elle répéta à plusieurs reprises, juste avant qu’elle ne cède à une inconscience bien méritée.
“-J’ai déjà vu des crises comme celle-ci.” Fit-il remarquer au maître-espion, en attrapant la nuque de la gamine aux veines de feu pour la secouer délicatement, à la recherche du moindre signe de convulsions. “Certains de mes gars ne sont guère dans un meilleur état, avant une bataille.”
Et les moins équilibrés avaient l’air à peu près autant maître d’eux-mêmes pendant une bataille, mais il était inutile de paraître plus alarmiste que nécessaire, après tout. Ses lèvres s’étirèrent dans une grimace dépréciatrice tandis qu’il vérifiait les battements de coeur de la jeune femme. Le parallèle avec Tarcus semblait aussi évident qu’impossible. Violence, la lame, avait été détruite moins d’un mois auparavant. La renaissance de l’Impardonné n’avait pris pas loin de deux millénaires pour se faire correctement. Alasker ne se prétendait pas expert en démonisme, mais un mois lui paraissait être une échéance particulièrement courte, pour le retour d’un démon en ce monde après sa totale annihilation.
“-Je crois que tu peux la lâcher, elle reviendra pas à elle-même avant quelques petites heures. Et vu ce qu’elle s’est collée, elle va avoir besoin de soins avant notre prochaine discussion.”
***
Il y avait de l'eau, quelques exemplaires de thé étrangement rares, surtout pour un lieu aussi austère, et bien trop d'alcool de fouettard, dans le hall où les gardiens des lieux amenèrent leurs invités. Alasker bu trois gorgées d'eau fraîche avant d'instantanément mordre dans un large morceau de viande séchée traînant dans sa besace, puis s'installa devant l'âtre s'efforçant de chauffer la pièce malgré sa taille démesurée. Le plafond, trop haut, était noyé dans des ténèbres qu'aucune flamme ne parvenait à repousser, et quelques chaînes à l'utilité inconnue pendaient ça et là depuis les hauteurs. Les sièges traînant dans les environs étaient faits de bois craquant, tous recouverts de poussières au point d’en paraître gris. Celui qu'Alasker s'était attribué s'égosillait en protestations craquantes, à chaque fois que l'armure rouge avait le malheur d'effleurer son dossier.
"-Je pense qu'elle est folle à lier." Entama-t-il en mâchonnant la viande."Pas possédée, peut-être malade, mais surtout cinglée. Ce genre d'interrogatoire ne mènera à rien. Je sais reconnaître une gamine apeurée d’une cinglée qui se fout de souffrir ou de mourir.” Une grande bouchée descendit tout au fond de sa gorge et le géant s’essuya la bouche d’un revers de gantelet. La fausse épée démoniaque posée à ses pieds, parfaitement inerte et dépourvue du moindre soupçon de conscience, luisait tant et si bien qu’elle paraissait capable d’absorber la lumière des flammes dévorant l’âtre face à elle. “C’est de ça qu’elle a peur. Si je la brise devant elle, y’a moyen que notre amie devienne muette ou qu’au contraire elle se sente libérée. Difficile à dire pour être honnête. Tu vas me dire que je suis cinglé aussi, mais j’ai ptet’ une solution plus simple, si on veut en avoir le coeur net.”
Une esquille d’os se coinça entre ses canines. Un chapelet de jurons plus tard, le géant jetait les restes dans les flammes, qui les dévorèrent avec l’appétit d’un ogre. Une odeur de viande brûlée envahit aussitôt la pièce. Les effluves de chairs calcinées, combinées aux chaines se balançant depuis les ténèbres du plafond, achevèrent de conférer aux environs une allure de cauchemar bien trop réel.
Ce qui ne sembla nullement perturber le monstre d’airain, assis sur sa chaise.
“-Zeph’, c’est une connerie de la garder ici. On l’enferme dans un coin qui empeste l’anti-magie, c’qu’y fait qu’on est incapable de savoir ce qu’elle est véritablement. Ce qui lui reste d’esprit meurt à petit feu dans le noir et son potentiel, si elle en a un, reste gâché.”
Les dents du loup grincèrent et quelques clignements d’yeux plus tard, il se levait et se détournait des flammes pour fixer le maître des espions du Reike de son regard d’encre. Parler trop ouvertement de ses propres connaissances en matière d’intrusion, de réincarnation démoniaque, à un esprit aussi vif que celui du freluquet risquait, hélas, de trahir ses propres secrets. Fort heureusement, sa réputation de boucher -loin d’être usurpée qui plus est- jouait en sa faveur : Avec le temps, tous ceux qui le connaissaient finissaient invariablement par penser que les étranges et sinistres connaissances d’Iratus provenaient presqu’exclusivement de mésaventures ou de précédents massacres orchestrés de ses propres mains. Seul Deydreus et ses frères de sang connaissaient son appétence pour l’histoire guerrière et les récits d’antan.
Et personne d’autre que Tarcus et lui-même ne savait pour… Eh bien, Tarcus.
“-On devrait la sortir d’ici. Voir ce qu’elle vaut. Les démons sont des créatures magiques. Le sien, s’il existe encore, ne pourra pas se manifester ici. Emmenons-la ailleurs. Donnons-lui l’occasion de mordre un peu ses chaînes. La possibilité de s’enfuir. Si le démon ressort en elle, je l’achèverais sans problèmes. Dans le cas inverse…On ne laisse pas une gamine paumée moisir dans une cellule à rien faire. Ce lieu n’est pas fait pour héberger des victimes. Elle se laissera mourir avant qu’on obtienne la moindre réponse intéressante.”
Le sort de la gamine ne l’intéressait pas outre mesure, évidemment. Il y avait autre chose. Quelque chose qu’Alasker ne pouvait pas avouer à son comparse, bien que le loup lui attribuait une confiance significative depuis les sables d’or. La partie belliqueuse de son être se refusait à simplement interroger une civile traumatisée. Iratus était venu dans le but de défier un démon, de rire à la face d’un de ces usurpateurs imbéciles avant de lui briser l’échine. Et ce vœu, dans la situation actuelle, se retrouvait anéanti par cette pauvre biche perdue et piégée. Dehors, loin des barrières anti-magiques du berceau, les choses pouvaient s’avérer différentes.
Et le bronze divin de sa nouvelle Salvatrice pourrait enfin avoir l’occasion de goûter au sang démoniaque.
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Son coup fera mal, Zéphyr le sait bien. Pourtant, il n’a pas l’ombre d’un remords alors qu’il plaque cette ombre chétive au sol. La femme est trop affaiblie pour être vraiment un danger pour lui ou Alasker, et privée de ses pouvoirs, elle n’a pas réellement de ressources pour se défendre. En l’état, seule la douleur doit la transpercer de part en part, tous ses sens et ses nerfs doivent s’affoler, et le maître-espion met ce temps à profit pour bien l’immobiliser.
Bien sûr, elle hurle.
Ou essaie de hurler.
Ses poumons, privés d’air, n’arrivent pas à correctement exprimer le cri de sa peur, de son âme, de sa souffrance. Alors elle hoquette, elle inspire, des larmes scintillent même au coin de ses yeux. Pas de quoi susciter la pitié du conseiller royal, cependant. De son point de vue, la prisonnière est inoffensive, mais cela ne veut pas pour autant dire qu’ils doivent la materner et lui tapoter le dos comme s’ils étaient les meilleurs amis du monde. Et de fait, le maître-espion semble inexorable alors qu’il la maintient allongée sur le sol froid du Berceau. Il bloque son bras d’une torsion habilement maîtrisée et il lui dit de regarder la réplique. C’est là que, pour la première fois qu’ils ont mis les pieds dans cette pièce, la jeune femme semble obtempérer. Parce qu’elle n’a pas le choix peut-être ? En tout cas, son cerveau semble avoir compris et elle tourne ses pupilles vers l’épée.
Ce qu’il se passe ensuite a surtout lieux dans sa tête et Zéphyr ne peut entrer dans ses pensées – l’eut-il pu que ça n’aurait pas été la meilleure des idées. Par contre, elle pleure, elle siffle, autant de signes qui l’enjoignent à exprimer des sentiments enfouis, à la sortir un peu plus de son cocon mental, et de son isolement psychique. Elle est obligée de reprendre pied avec la réalité, d’affronter ses plus grandes peurs et ses plus grands démons. D’ailleurs, tiens ? Voilà qu’elle arrive à prononcer une syllabe. Oh, certes, elle bégaie. Mais c’est toujours mieux que rien. Silencieux, immobile, Zéphyr attend. L’une des plus grandes vertus des espions, c’est la patience, et ça tombe bien, l’homme aux yeux ambrés en est doté. Alors il attend, jusqu’à ce qu’elle sache articuler quelque chose de compréhensible.
Et elle leur balance alors le sentiment le plus humain qui soit.
La peur.
« C’est bien, gamine. Si tu as peur, c’est que tu es vivante », songe laconiquement Zéphyr.
C’est à peine si le Reikois prête attention au gardien qui se présente sur le seuil de la cellule. Toute son attention est rivée sur la demoiselle qu’il maintient au sol. Elle semble d’ailleurs articuler un mot en particulier, que Zéphyr s’efforce de décoder malgré ses problèmes d’articulation. Un nom sort alors. Pra-é-lieu-a, que le maître-espion finit par réduire en « Praélia » ou « Praellia ». Son prénom… ? C’est une information plus précieuse que ça en a l’air, mais le guerrier n’a pas le temps de l’exploiter ni de l’interroger davantage : la prisonnière est en effet prise d’hystérie, puis elle s’arc-boute, se débat, essaie de se dégager de son emprise, mais tout ce qu’elle arrive à faire ainsi, c’est à se déboiter le bras et à se le casser sans plus atteindre. Insensible à la douleur, au moins un court un instant, elle plonge son regard dans le visage du Reikois, leur hurle de détruire le Démon, et puis tombe dans l’inconscience. Le silence remplace le bruit survolté de sa démence, et Zéphyr rattrape ce déchet humain, sans pour autant baisser totalement sa garde. C’est seulement alors qu’il réagit à la remarque du géant d’airain, selon qui il a été cruel. Le membre de la Main se contente alors d’hausser les épaules, ne niant pas spécialement la dureté dont il a fait preuve.
- Aurions-nous été trop tendre que dans trois jours, nous n’aurions eu aucun résultat notable. Et toi et moi avons autre chose à faire pour le compte de l’Empire. Cela dit, ajoute-t-il honnêtement, je n’y ai pas vraiment pris plaisir non plus. On ne peut pas apprécier quoi que ce soit quand on regarde cette loque humaine. Le guerrier laisse le lycanthrope attraper la gamine et la secouer délicatement comme il en a envie, puis, quand son frère d’arme est satisfait, il s’en va la déposer contre un mur de la cellule. Les gardiens s’en occuperont bientôt. Lorsqu’enfin, le tovyr propose de la laisser, le maître-espion acquiesce d’un geste de la tête.
- Nous n’en tirerons plus rien aujourd’hui, approuve Zéphyr, et elle aura besoin de soins, effectivement. Profitons-en pour nous restaurer pendant ce temps-là suggère-t-il.
Sachant qu’évidemment, ils en profiteront pour décider de leurs prochaines actions.
Le feu dans l’âtre donnait un aspect presque lugubre à la pièce dans laquelle ils avaient été conduits. Si le feu éclairait de facto ses alentours immédiats, diffusant une chaleur agréable ainsi qu’une lumière gaie et vivante au fond de la cheminée, les murs, eux, semblaient être hantés par des ombres dansantes et insaisissables, comme si l’obscurité des lieux se cachaient dans les pierres de la forteresse. En parcourant la salle du regard, Zéphyr s’amusa un court instant à imaginer où il pourrait se cacher des caches ou des passages secrets mais, loin de s’attarder sur une rêverie inutile, il songea à leur problème immédiat. La fille…
Contrairement à Alasker, Zéphyr préfèra rester debout, se restaurant avec les propres vivres qu’il a apportées dans sa besace. De la viande séchée qu’il fit passer avec de l’eau. Le gardien qui les avait menés jusqu’ici leur avait demandé ce qu’ils avaient tirés de cette entrevue, et laconique, Zéphyr avait répondu qu’ils en avaient appris suffisamment pour tirer des premières conclusions. Peut-être que l’homme avait été surpris que la gamine eût autant réagi en si peu de temps, mais discret, il n’avait pas investigué plus. Et si tôt les avait-il amené dans la pièce qu’il avait disparu.
Le conseiller laissa donc Alasker tirer ses premiers conlusions, et sans grande surprise, leur point de vue se rejoignait.
« Un être humain sensé a toujours peur de la douleur. C’est instinctif : le corps n’aime pas souffrir, et il envoie des signaux pour que son propriétaire puisse ne pas passer un point de non retour. Or cette femme a rompu ma clé de bras sans hésitation. Je doute qu’elle ait peur de la mort : ce serait un bienheureux repos pour elle. Afin de s’empêcher de penser, sans doute.
Mais voilà que le tovyr propose une solution pour le moins… innovante. Qui feraient certainement bondir les plus puristes et les hommes les plus conservateurs. Comment ? Libérer une prisonnière ? La laisser retrouver une liberté même éphémère ? Mais n’est-ce pas pour rien qu’on l’a enfermée ? Le guerrier pourrait imaginer sans mal les protestations des bourgeois ou des nobles qu’ils fréquentent, pourtant, c’est bien un sourire appréciateur qui apparaît sur ses traits lorsque le lycanthrope lui suggère bel et bien de la faire sortir de la Forteresse du Berceau.
- Il est vrai que, si on la laisse enfermée ici, elle risque de s’éteindre comme une bougie qui finit de se consumer, faute d’avoir de quoi brûler. Et après notre première entrevue, je ne pense pas qu’elle sera très coopérative. Briser l’épée comporte également trop de risques. Si on le fait, on aurait plutôt intérêt à faire cela dehors pour que son esprit torturé fasse éventuellement ressurgir ses compétences et ses pensées. Pour l’heure, je pense qu’elle risque plutôt de repartir dans un état d’aphasie si elle voit la réplique être détruite ici. Alors que si elle est dehors… Elle sera obligée de s’assumer, de survivre. Je ne crains pas tellement ses compétences puisque le Démon est théoriquement détruit : il ne restera donc que les siennes à gérer, et puisqu’elle est encore à la limite de l’état de prostration, elle sera sans doute gauche et ne retrouvera pas leur maîtrise totale en une fraction de seconde. Mais nous ne devrons pas hésiter à la tuer si nous la jugeons nécessaire.
Un silence, puis :
- Les Gardiens ne voient pas en elle une menace particulière. Je vais aller leur demander s’ils peuvent aller la libérer à un endroit convenu. Peut-être même pourrions-nous mettre la réplique pas loin de son point de débarquement, là où elle serait obligée de tomber dessus. Isolée, sans aucun soutien, mais avec ses capacités endormies, cela risque de créer un électrochoc, et elle risque de vouloir se confronter à sa peur, ou de vouloir fuir le plus vite possible. La dernière possibilité est la plus probable. Mais tu as une vitesse suffisante pour la talonner, et moi, je ne serais pas en reste. S’il le faut, nous l’acculerons d’une manière ou d’une autre. Et il y a bien des dangers, que ce soit en dehors ou dans l’île du Berceau.
Zéphyr ponctue ses réflexions de quelques moments où il achève de se restaurer, puis, il propose :
- Allons trouver les Gardiens pour qu’ils la fassent sortir de la forteresse.
Cela donnerait assurément quelque chose de plus intéressant qu’un interrogatoire en cellule.
Les akkelanachs avaient peut-être été surpris, mais ils n’avaient pas fait de chichis face à l’Oreille et au second de la Griffe. Le maître-espion avait expliqué brièvement le plan des deux combattants, et leur interlocuteur avait eu le bon sens de ne rien montrer de ses pensées à ce sujet. L’homme leur avait juste demandé s’ils étaient sûrs de gérer la gamine à l’extérieur, car les Gardiens n’assumeraient pas les actions de leur prisonnière une fois en dehors de l’île. Une chose compréhensible, et Zéphyr avait simplement fait savoir qu’ils n’hésiteraient pas à régler le compte du démon ou de la fillette si celle-ci devenait un véritable danger sur les terres du désert.
Les choses avaient ensuite été rapidement mises en place. Les géoliers avaient fini de soigner Praélia, et ils l’avaient donc embarquée sans un mot d’explication. Les yeux bandés pour qu’elles ne puissent pas saisir son environnement ni voir où elle était conduite, elle avait aussi été menottée pour qu’elle ne cause aucun problème lors de sa libération. La jeune femme avait tout juste pu comprendre qu’elle était conduite à l’extérieur, à cause du vent du large qui soufflait dans ses cheveux. Puis, on l’avait monté dans une barque, dans un silence de mort. Difficile pour elle de comprendre combien ils étaient, à moins qu’elle n’ait cherché à compter le nombre de respirations sur leur embarcation. L’eut-elle fait qu’elle se serait rendue compte qu’ils n’étaient que deux, puisque les deux autres Reikois étaient dans une chaloupe à part.
Après le temps de la traversée, l’Akkelanach avait aidé la fille chétive à descendre, puis lui avait retiré assez sèchement le bandeau. Pour la prisonnière qui avait été enfermée des semaines durant, la chaleur du soleil, la sensation du vent, le bruit du sable sous ses pas, même le clapotis de l’eau devaient être une fourmillade de sensation. D’abord aveuglée par la luminosité ambiante, il fallut certainement un temps à ses pupilles pour voir correctement autour d’elle. Temps que le Gardien mit à profit pour se retirer afin de revenir à sa demeure. Quand Praélia eut enfin l’opportunité de contempler les environs, elle put se croire seule, libre, solitaire également.
Jusqu’à ce que son regard rombe sur l’épée plantée soigneusement dans le sable à quelques dizaines de mètres de son emplacement. Qu’Alasker soit derrière l’arme ou caché grâce à quelques éléments du décor, Zéphyr, lui, maintient son invisibilité en restant à une dizaine de mètres de distance de la fillette.
Que va-t-elle faire maintenant ? C’est à elle de décider. Combattre ou fuir, utiliser ses pouvoirs ou rester immobile, ce qui va suivre est un pur mystère, mais ils seront fixés rapidement.
Bien sûr, elle hurle.
Ou essaie de hurler.
Ses poumons, privés d’air, n’arrivent pas à correctement exprimer le cri de sa peur, de son âme, de sa souffrance. Alors elle hoquette, elle inspire, des larmes scintillent même au coin de ses yeux. Pas de quoi susciter la pitié du conseiller royal, cependant. De son point de vue, la prisonnière est inoffensive, mais cela ne veut pas pour autant dire qu’ils doivent la materner et lui tapoter le dos comme s’ils étaient les meilleurs amis du monde. Et de fait, le maître-espion semble inexorable alors qu’il la maintient allongée sur le sol froid du Berceau. Il bloque son bras d’une torsion habilement maîtrisée et il lui dit de regarder la réplique. C’est là que, pour la première fois qu’ils ont mis les pieds dans cette pièce, la jeune femme semble obtempérer. Parce qu’elle n’a pas le choix peut-être ? En tout cas, son cerveau semble avoir compris et elle tourne ses pupilles vers l’épée.
Ce qu’il se passe ensuite a surtout lieux dans sa tête et Zéphyr ne peut entrer dans ses pensées – l’eut-il pu que ça n’aurait pas été la meilleure des idées. Par contre, elle pleure, elle siffle, autant de signes qui l’enjoignent à exprimer des sentiments enfouis, à la sortir un peu plus de son cocon mental, et de son isolement psychique. Elle est obligée de reprendre pied avec la réalité, d’affronter ses plus grandes peurs et ses plus grands démons. D’ailleurs, tiens ? Voilà qu’elle arrive à prononcer une syllabe. Oh, certes, elle bégaie. Mais c’est toujours mieux que rien. Silencieux, immobile, Zéphyr attend. L’une des plus grandes vertus des espions, c’est la patience, et ça tombe bien, l’homme aux yeux ambrés en est doté. Alors il attend, jusqu’à ce qu’elle sache articuler quelque chose de compréhensible.
Et elle leur balance alors le sentiment le plus humain qui soit.
La peur.
« C’est bien, gamine. Si tu as peur, c’est que tu es vivante », songe laconiquement Zéphyr.
C’est à peine si le Reikois prête attention au gardien qui se présente sur le seuil de la cellule. Toute son attention est rivée sur la demoiselle qu’il maintient au sol. Elle semble d’ailleurs articuler un mot en particulier, que Zéphyr s’efforce de décoder malgré ses problèmes d’articulation. Un nom sort alors. Pra-é-lieu-a, que le maître-espion finit par réduire en « Praélia » ou « Praellia ». Son prénom… ? C’est une information plus précieuse que ça en a l’air, mais le guerrier n’a pas le temps de l’exploiter ni de l’interroger davantage : la prisonnière est en effet prise d’hystérie, puis elle s’arc-boute, se débat, essaie de se dégager de son emprise, mais tout ce qu’elle arrive à faire ainsi, c’est à se déboiter le bras et à se le casser sans plus atteindre. Insensible à la douleur, au moins un court un instant, elle plonge son regard dans le visage du Reikois, leur hurle de détruire le Démon, et puis tombe dans l’inconscience. Le silence remplace le bruit survolté de sa démence, et Zéphyr rattrape ce déchet humain, sans pour autant baisser totalement sa garde. C’est seulement alors qu’il réagit à la remarque du géant d’airain, selon qui il a été cruel. Le membre de la Main se contente alors d’hausser les épaules, ne niant pas spécialement la dureté dont il a fait preuve.
- Aurions-nous été trop tendre que dans trois jours, nous n’aurions eu aucun résultat notable. Et toi et moi avons autre chose à faire pour le compte de l’Empire. Cela dit, ajoute-t-il honnêtement, je n’y ai pas vraiment pris plaisir non plus. On ne peut pas apprécier quoi que ce soit quand on regarde cette loque humaine. Le guerrier laisse le lycanthrope attraper la gamine et la secouer délicatement comme il en a envie, puis, quand son frère d’arme est satisfait, il s’en va la déposer contre un mur de la cellule. Les gardiens s’en occuperont bientôt. Lorsqu’enfin, le tovyr propose de la laisser, le maître-espion acquiesce d’un geste de la tête.
- Nous n’en tirerons plus rien aujourd’hui, approuve Zéphyr, et elle aura besoin de soins, effectivement. Profitons-en pour nous restaurer pendant ce temps-là suggère-t-il.
Sachant qu’évidemment, ils en profiteront pour décider de leurs prochaines actions.
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Le feu dans l’âtre donnait un aspect presque lugubre à la pièce dans laquelle ils avaient été conduits. Si le feu éclairait de facto ses alentours immédiats, diffusant une chaleur agréable ainsi qu’une lumière gaie et vivante au fond de la cheminée, les murs, eux, semblaient être hantés par des ombres dansantes et insaisissables, comme si l’obscurité des lieux se cachaient dans les pierres de la forteresse. En parcourant la salle du regard, Zéphyr s’amusa un court instant à imaginer où il pourrait se cacher des caches ou des passages secrets mais, loin de s’attarder sur une rêverie inutile, il songea à leur problème immédiat. La fille…
Contrairement à Alasker, Zéphyr préfèra rester debout, se restaurant avec les propres vivres qu’il a apportées dans sa besace. De la viande séchée qu’il fit passer avec de l’eau. Le gardien qui les avait menés jusqu’ici leur avait demandé ce qu’ils avaient tirés de cette entrevue, et laconique, Zéphyr avait répondu qu’ils en avaient appris suffisamment pour tirer des premières conclusions. Peut-être que l’homme avait été surpris que la gamine eût autant réagi en si peu de temps, mais discret, il n’avait pas investigué plus. Et si tôt les avait-il amené dans la pièce qu’il avait disparu.
Le conseiller laissa donc Alasker tirer ses premiers conlusions, et sans grande surprise, leur point de vue se rejoignait.
« Un être humain sensé a toujours peur de la douleur. C’est instinctif : le corps n’aime pas souffrir, et il envoie des signaux pour que son propriétaire puisse ne pas passer un point de non retour. Or cette femme a rompu ma clé de bras sans hésitation. Je doute qu’elle ait peur de la mort : ce serait un bienheureux repos pour elle. Afin de s’empêcher de penser, sans doute.
Mais voilà que le tovyr propose une solution pour le moins… innovante. Qui feraient certainement bondir les plus puristes et les hommes les plus conservateurs. Comment ? Libérer une prisonnière ? La laisser retrouver une liberté même éphémère ? Mais n’est-ce pas pour rien qu’on l’a enfermée ? Le guerrier pourrait imaginer sans mal les protestations des bourgeois ou des nobles qu’ils fréquentent, pourtant, c’est bien un sourire appréciateur qui apparaît sur ses traits lorsque le lycanthrope lui suggère bel et bien de la faire sortir de la Forteresse du Berceau.
- Il est vrai que, si on la laisse enfermée ici, elle risque de s’éteindre comme une bougie qui finit de se consumer, faute d’avoir de quoi brûler. Et après notre première entrevue, je ne pense pas qu’elle sera très coopérative. Briser l’épée comporte également trop de risques. Si on le fait, on aurait plutôt intérêt à faire cela dehors pour que son esprit torturé fasse éventuellement ressurgir ses compétences et ses pensées. Pour l’heure, je pense qu’elle risque plutôt de repartir dans un état d’aphasie si elle voit la réplique être détruite ici. Alors que si elle est dehors… Elle sera obligée de s’assumer, de survivre. Je ne crains pas tellement ses compétences puisque le Démon est théoriquement détruit : il ne restera donc que les siennes à gérer, et puisqu’elle est encore à la limite de l’état de prostration, elle sera sans doute gauche et ne retrouvera pas leur maîtrise totale en une fraction de seconde. Mais nous ne devrons pas hésiter à la tuer si nous la jugeons nécessaire.
Un silence, puis :
- Les Gardiens ne voient pas en elle une menace particulière. Je vais aller leur demander s’ils peuvent aller la libérer à un endroit convenu. Peut-être même pourrions-nous mettre la réplique pas loin de son point de débarquement, là où elle serait obligée de tomber dessus. Isolée, sans aucun soutien, mais avec ses capacités endormies, cela risque de créer un électrochoc, et elle risque de vouloir se confronter à sa peur, ou de vouloir fuir le plus vite possible. La dernière possibilité est la plus probable. Mais tu as une vitesse suffisante pour la talonner, et moi, je ne serais pas en reste. S’il le faut, nous l’acculerons d’une manière ou d’une autre. Et il y a bien des dangers, que ce soit en dehors ou dans l’île du Berceau.
Zéphyr ponctue ses réflexions de quelques moments où il achève de se restaurer, puis, il propose :
- Allons trouver les Gardiens pour qu’ils la fassent sortir de la forteresse.
Cela donnerait assurément quelque chose de plus intéressant qu’un interrogatoire en cellule.
***
Les akkelanachs avaient peut-être été surpris, mais ils n’avaient pas fait de chichis face à l’Oreille et au second de la Griffe. Le maître-espion avait expliqué brièvement le plan des deux combattants, et leur interlocuteur avait eu le bon sens de ne rien montrer de ses pensées à ce sujet. L’homme leur avait juste demandé s’ils étaient sûrs de gérer la gamine à l’extérieur, car les Gardiens n’assumeraient pas les actions de leur prisonnière une fois en dehors de l’île. Une chose compréhensible, et Zéphyr avait simplement fait savoir qu’ils n’hésiteraient pas à régler le compte du démon ou de la fillette si celle-ci devenait un véritable danger sur les terres du désert.
Les choses avaient ensuite été rapidement mises en place. Les géoliers avaient fini de soigner Praélia, et ils l’avaient donc embarquée sans un mot d’explication. Les yeux bandés pour qu’elles ne puissent pas saisir son environnement ni voir où elle était conduite, elle avait aussi été menottée pour qu’elle ne cause aucun problème lors de sa libération. La jeune femme avait tout juste pu comprendre qu’elle était conduite à l’extérieur, à cause du vent du large qui soufflait dans ses cheveux. Puis, on l’avait monté dans une barque, dans un silence de mort. Difficile pour elle de comprendre combien ils étaient, à moins qu’elle n’ait cherché à compter le nombre de respirations sur leur embarcation. L’eut-elle fait qu’elle se serait rendue compte qu’ils n’étaient que deux, puisque les deux autres Reikois étaient dans une chaloupe à part.
Après le temps de la traversée, l’Akkelanach avait aidé la fille chétive à descendre, puis lui avait retiré assez sèchement le bandeau. Pour la prisonnière qui avait été enfermée des semaines durant, la chaleur du soleil, la sensation du vent, le bruit du sable sous ses pas, même le clapotis de l’eau devaient être une fourmillade de sensation. D’abord aveuglée par la luminosité ambiante, il fallut certainement un temps à ses pupilles pour voir correctement autour d’elle. Temps que le Gardien mit à profit pour se retirer afin de revenir à sa demeure. Quand Praélia eut enfin l’opportunité de contempler les environs, elle put se croire seule, libre, solitaire également.
Jusqu’à ce que son regard rombe sur l’épée plantée soigneusement dans le sable à quelques dizaines de mètres de son emplacement. Qu’Alasker soit derrière l’arme ou caché grâce à quelques éléments du décor, Zéphyr, lui, maintient son invisibilité en restant à une dizaine de mètres de distance de la fillette.
Que va-t-elle faire maintenant ? C’est à elle de décider. Combattre ou fuir, utiliser ses pouvoirs ou rester immobile, ce qui va suivre est un pur mystère, mais ils seront fixés rapidement.
Arme des Veilleurs
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Trop chaud, trop de bruit, trop de sensations, elle brûle, c’est serré, c’est chaud, c’est trop chaud, ses oreilles, elle a mal, elle se déchire, le bâillon, elle hurle, elle brûle, c’est trop, elle a mal, son crâne, elle a mal, sa peau fond, elle a mal, elle s’étouffe, elle
Le ruban étripe la peau de son visage lorsqu’il est retiré de force. La lumière s’engouffre dans ses yeux, elle calcine sa rétine. Le tonnerre des vagues détruit ses tympans. Le vent effrite sa peau comme un abrasif. Elle hurle de douleur. On la lâche, elle s’effondre par terre, sans s’arrêter de crier. Elle n’est pas blessée, mais l’avalanche de stimulis est une torture pour son lobe pariétal encore atrophié. Elle se recroqueville, se plaçant à quatre pattes sur ses genoux, le sable pénètre sa peau comme des milliers d’aiguilles. Praelia plaque ses mains contre ses yeux pour les protéger de la lumière, les fermer ne suffit pas, la translucence de ses paupières n’occulte pas assez la luminosité de l’été. Ses oreilles la serinent de la cacophonie de l’extérieur en comparaison avec le calme morbide du Berceau. Elle plaque ses mains sur ses oreilles, ses yeux la font souffrir. Elle veut mettre fin à la souffrance. Ses doigts nerveux se plantent dans sa propre peau et commencent laisser des marques à blanc dans ses tempes.
Elle est là.
Elle l’a vue en se protégeant les tympans, une tizona, blanche, immaculée, plantée dans le sable, là, devant elle, comme il y a quatre ans, comme une simple arme abandonnée. Elle attend, patiemment, elle l’invite, elle veut être saisie, elle veut à nouveau envahir, dominer, tuer, massacrer.
Non.
Tout en grognant, Praelia se soumet elle-même à la torture, elle frotte son genoux contre le sable, elle arque son dos, pose sa main au sol pour prendre appui, ses doigts peinent à se mettre à plat pour pouvoir la hisser, elle force sur sa paume. Sa jambe se replie sous son ventre et elle applique son pieds par terre, mais son genoux tremble, sa cuisse ne parvient pas à déployer la force nécessaire, ou plutôt son cerveau n’arrive pas à mobiliser les nerfs correctement. Sa jambe dérape une première fois. Elle tente de se lever. Elle réessaye, perds l’équilibre, s’affale sur le côté. Elle crie à l’encontre de Violence.
”Toi…”
En relevant grossièrement ses fesses, elle parvient à se tenir de façon précaire sur ses pieds, s’aidant toujours de ses mains contre le sol, son regard fixé sur la réplique du Démon est chargé de haine. Elle est comme un chien d’attaque, prêt à bondir sur une proie, une image contrastant avec la faiblesse de son corps.
”TOI!”
D’un coup elle se relève, et pour la première fois depuis sa réapparition à Sable-d’Or, pour la première fois depuis son réveil dans la salle de soin du Berceau, elle est debout par elle-même. Quand ses mains quittent le sol et qu’elle se dresse sur ses jambes, son dos se courbe vers l’arrière et sa voix retentit en un râle inhumain.
”CHAOS!”
Soudainement, quelque chose monte en Praelia. Une rage dormante, sourde, se réveille dans sa poitrine, elle allume une flamme incandescente dans l’esprit de l’ancienne mercenaire possédée à la vue de l’entité démoniaque. La mana environnante s’engouffre dans le corps de la gamine, libérée de l’influence du Berceau, elle est à nouveau capable de canaliser sa magie. La force de la reikoise, augmentée par les reliquats de la possession famélique, surpasse ce que le corps de la femme est capable de supporter. Alors qu’elle canalise une magie trop puissante pour son fragile état, sa peau se fend en plusieurs endroits, les veines incandescentes sinuent à nouveau à travers son corps, fendant sans distinction ventre, bras, jambes, cou et même un oeil scindé en deux par l’apparition de la vénule. La douleur irradiante accompagne la fission de son corps, et Praelia se meut d’un seul coup en direction de la Tizona, son poing brandit avec une rapidité surprenante par rapport à l’état dans lequel elle se trouvait quelques secondes auparavant. Sa main fermée dont les ongles rentrent dans sa paume jusqu’au sang rencontre l’acier de la réplique, et avec la force déployée par sa magie, la chair frêle de Praelia fracasse le métal de l’épée avec aisance. Les éclats blancs sont projetés comme des étoiles filantes par la force de l’impact, Praelia se tient debout, chancelante mais alerte, les yeux exorbités et un sourire carnassier sur son visage devant les restes de la lame plantée brisée plantés dans le sol. L’air de folie commence à imprégner sa face, tordant ses lèvres et faisant retentir sa voix éraillée:
”JE VAIS TOUS VOUS DÉTRUIRE! TOI ET TES SOEURS! JE VAIS VOUS EXTERMINER UN PAR UN ET DÉTRUIRE VOTRE COMPENDIUM!”
Et alors qu’elle s’engage un peu plus dans sa transe guerrière et macabre, ses deux mains se joignent au dessus de sa tête en une manchette bancale, et elle abat à répétition ses poings de toutes ses forces contre le sable, créant des gerbes massives de sable coup après coup.
Vrai Homme du Reike
Alasker Crudelis
Messages : 217
crédits : 2706
crédits : 2706
Info personnage
Race: Loup-Garou
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: B
Alasker n'avait pas exactement cherché à se dissimuler. Les bras croisés, à trois pas de la Tisona désormais défunte, le géant d'airain et le loup en lui s'étaient préparés à courser la gamine dans le cas où son regard de biche effrayée se serait porté sur l'horizon plutôt que sur la lame.
Mais de course, il n'y avait point eu. A la place, une nouvelle séance d'observation malsaine s'était déroulée sur la plage. L'enfant colérique, en faisant preuve d'une force surnaturelle pour une créature de son gabarit, s'était défoulée sur l'acier blanc, l'avait broyé entre ses fines petites mains…
Et cela, pour tout dire, n'avait pas manqué de déclencher un sursaut d'intérêt chez la brute. Bien plus que les hurlements ineptes et les élucubrations sans queue ni tête, la puissance de ses coups désespérés, l'intensité de cette rage née de la disparition de toute santé mentale puait la voie sanglante, celle des berserkers. Des siens.
Peut-être qu'au final, elle n'était pas qu'une simple petite chose brisée.
“-Suffit.” Décida-t-il en posant un genou à terre pour enserrer le crâne de la gamine entre ses doigts et pousser jusqu'à ce que son visage s'enfonce dans le sable. La tueuse d'épée factice s'arc-bouta, prenant soudainement conscience de la présence de cet agresseur qui -pourtant- jamais ne s'était caché. Magnanime, il la laissa tourner la tête sur le côté, de sorte à ce que son nez morveux puisse s'extirper du sable pour inhaler autre chose que le sol. Quelques tentatives de soubresauts plus tard, elle finissait par abandonner l'idée d'échapper à la poigne de fer de la brute.
“-Ma patience est la seule chose qui sépare ta nuque de ma hache, petite.” Commença-t-il, sur le ton de la conversation. “Alors essaie de rester calme.”
Ses sens trop développés ne connaissaient que trop bien l'odeur âcre de la peur. La transpiration excessive des proies, les larmes salées, l'urine parfois, la bile trop souvent. Les corps fragiles de ceux qui vivaient pour mourir ne manquaient jamais de se trahir au pire moment. Alasker détestait ces effluves. Elles étaient annonciatrice de tout ce qu'il aimait accomplir, et pourtant, le chef des Dévoreurs ne pouvait s'empêcher de la haïr de la plus pure des manières.
Et il ne la détectait pas ici. Peut-être était-ce dû à l’engeance particulière dont était issue cette gamine aux veines de feu. Ou peut-être qu'elle avait su transformer la terreur infâme de ses premières “retrouvailles” avec la lame en quelque chose de plus létal. Quelque chose qui ne puait pas l'urine et la bile mais le sang et les flammes.
“-Elle est dangereuse, au final.” Consentit-il à l'attention d'un Zephyr toujours dissimulé. “Mais peut-être contrôlable.” Il se pencha un peu plus, de sorte à ce que ses mots résonnent dans le crâne traumatisé de celle qui mangeait le sable sous sa poigne.”Qu'en dis-tu petite chose ? Devrais-je te relâcher ? Vas-tu essayer de fuir, de retrouver ta liberté comme tu as retrouvé ta voix?”
La question n'en était pas vraiment une. Elle ne nécessitait -en tout cas- aucune réponse, puisque l'avis du bourreau était déjà tranché et sa décision prise.
Iratus détourna son attention de la prisonnière et laissa dériver les ténèbres de son regard vers l'horizon.
Il y avait pire comme lieu pour mourir. Le sable de la plage était chauffé par un soleil certes bien présent mais loin d'être aussi impitoyable qu'à la capitale. Les reflets de l'astre incandescents ondulaient à la surface d'une mer définitivement plus accueillante que le lieu du dernier séjour de la folle et, au loin, sur la terre ferme, on pouvait deviner les formes alambiquées de quelques baraques de pécheurs. Souiller un tableau aussi pittoresque en ajoutant à cette plage de sable fin un cadavre sans tête relèverait presque du sacrilège, à la réflexion.
Mais Alasker n'avait jamais été du genre très pieux.
“-Elle est costaud. Vraiment. Surtout pour une gamine dans cet état.”
Sentant que son comparse à la silhouette filiforme s’approchait pour profiter un peu plus du spectacle et -surtout- faire ses propres estimations, Alasker attrapa de sa main libre l’un des éclats brisés de l’épée.
“-C’est pas donné à n’importe quel cul-terreux, de casser une épée à main nue.” Un rire sans humour souleva sa carcasse et il lécha ses lèvres rendues sèches par l’air marin. “Au moins elle a encore assez de conscience pour avoir frappé le plat de la lame. En plus, on commence à comprendre ce qu’elle dit. J’appelle ça un progrès, moi. On retente la conversation?”
La brute jeta l’éclat derrière-lui et gronda en sentant un regain de résistance de la part de la petite chose colérique.
“-Je vais te relâcher maintenant et nous allons parler. Si tu te mutiles sur quoique ce soit d'autre, je cesserais de perdre du temps avec toi. Et je suis certain que tu saisis ce que ça implique.” Iratus n’avait pas même pris la peine de prendre un ton menaçant, puisqu’il semblait évident que l’instinct de conservation de sa prise s’en était allé depuis des lustres. Son annonce n’était rien de plus qu’une proposition. L’enfant de l’épée se voyait offrir un choix : se comporter comme quelque chose d’à peu près humain et parler. Ou céder à la rage une dernière fois et mourir telle une créature incompréhensible et stupide.
Tant pis pour la chasse au démon. Cette enveloppe fragile restait -de toute façon- trop faible pour représenter le moindre défi, même sortie de la prison et son champ d'anti-magie. Le maître espion et son comparse irascible allaient devoir se contenter d’un interrogatoire de plus et de la récolte de maigres informations au sujet d’une créature déjà vaincue.
Épuisé par l’infructueuse attente, le loup dans son crâne se replia, laissant à l’homme la pleine possession de leur moyen.
Et la première action de la part humaine d’Iratus fut de partager sa liberté retrouvée avec sa fausse proie.
“-Recommençons depuis le début.” Gronda-t-il en se redressant. “Ton nom? Ton lien avec l’épée? Parle. Vite.”
Mais de course, il n'y avait point eu. A la place, une nouvelle séance d'observation malsaine s'était déroulée sur la plage. L'enfant colérique, en faisant preuve d'une force surnaturelle pour une créature de son gabarit, s'était défoulée sur l'acier blanc, l'avait broyé entre ses fines petites mains…
Et cela, pour tout dire, n'avait pas manqué de déclencher un sursaut d'intérêt chez la brute. Bien plus que les hurlements ineptes et les élucubrations sans queue ni tête, la puissance de ses coups désespérés, l'intensité de cette rage née de la disparition de toute santé mentale puait la voie sanglante, celle des berserkers. Des siens.
Peut-être qu'au final, elle n'était pas qu'une simple petite chose brisée.
“-Suffit.” Décida-t-il en posant un genou à terre pour enserrer le crâne de la gamine entre ses doigts et pousser jusqu'à ce que son visage s'enfonce dans le sable. La tueuse d'épée factice s'arc-bouta, prenant soudainement conscience de la présence de cet agresseur qui -pourtant- jamais ne s'était caché. Magnanime, il la laissa tourner la tête sur le côté, de sorte à ce que son nez morveux puisse s'extirper du sable pour inhaler autre chose que le sol. Quelques tentatives de soubresauts plus tard, elle finissait par abandonner l'idée d'échapper à la poigne de fer de la brute.
“-Ma patience est la seule chose qui sépare ta nuque de ma hache, petite.” Commença-t-il, sur le ton de la conversation. “Alors essaie de rester calme.”
Ses sens trop développés ne connaissaient que trop bien l'odeur âcre de la peur. La transpiration excessive des proies, les larmes salées, l'urine parfois, la bile trop souvent. Les corps fragiles de ceux qui vivaient pour mourir ne manquaient jamais de se trahir au pire moment. Alasker détestait ces effluves. Elles étaient annonciatrice de tout ce qu'il aimait accomplir, et pourtant, le chef des Dévoreurs ne pouvait s'empêcher de la haïr de la plus pure des manières.
Et il ne la détectait pas ici. Peut-être était-ce dû à l’engeance particulière dont était issue cette gamine aux veines de feu. Ou peut-être qu'elle avait su transformer la terreur infâme de ses premières “retrouvailles” avec la lame en quelque chose de plus létal. Quelque chose qui ne puait pas l'urine et la bile mais le sang et les flammes.
“-Elle est dangereuse, au final.” Consentit-il à l'attention d'un Zephyr toujours dissimulé. “Mais peut-être contrôlable.” Il se pencha un peu plus, de sorte à ce que ses mots résonnent dans le crâne traumatisé de celle qui mangeait le sable sous sa poigne.”Qu'en dis-tu petite chose ? Devrais-je te relâcher ? Vas-tu essayer de fuir, de retrouver ta liberté comme tu as retrouvé ta voix?”
La question n'en était pas vraiment une. Elle ne nécessitait -en tout cas- aucune réponse, puisque l'avis du bourreau était déjà tranché et sa décision prise.
Iratus détourna son attention de la prisonnière et laissa dériver les ténèbres de son regard vers l'horizon.
Il y avait pire comme lieu pour mourir. Le sable de la plage était chauffé par un soleil certes bien présent mais loin d'être aussi impitoyable qu'à la capitale. Les reflets de l'astre incandescents ondulaient à la surface d'une mer définitivement plus accueillante que le lieu du dernier séjour de la folle et, au loin, sur la terre ferme, on pouvait deviner les formes alambiquées de quelques baraques de pécheurs. Souiller un tableau aussi pittoresque en ajoutant à cette plage de sable fin un cadavre sans tête relèverait presque du sacrilège, à la réflexion.
Mais Alasker n'avait jamais été du genre très pieux.
“-Elle est costaud. Vraiment. Surtout pour une gamine dans cet état.”
Sentant que son comparse à la silhouette filiforme s’approchait pour profiter un peu plus du spectacle et -surtout- faire ses propres estimations, Alasker attrapa de sa main libre l’un des éclats brisés de l’épée.
“-C’est pas donné à n’importe quel cul-terreux, de casser une épée à main nue.” Un rire sans humour souleva sa carcasse et il lécha ses lèvres rendues sèches par l’air marin. “Au moins elle a encore assez de conscience pour avoir frappé le plat de la lame. En plus, on commence à comprendre ce qu’elle dit. J’appelle ça un progrès, moi. On retente la conversation?”
La brute jeta l’éclat derrière-lui et gronda en sentant un regain de résistance de la part de la petite chose colérique.
“-Je vais te relâcher maintenant et nous allons parler. Si tu te mutiles sur quoique ce soit d'autre, je cesserais de perdre du temps avec toi. Et je suis certain que tu saisis ce que ça implique.” Iratus n’avait pas même pris la peine de prendre un ton menaçant, puisqu’il semblait évident que l’instinct de conservation de sa prise s’en était allé depuis des lustres. Son annonce n’était rien de plus qu’une proposition. L’enfant de l’épée se voyait offrir un choix : se comporter comme quelque chose d’à peu près humain et parler. Ou céder à la rage une dernière fois et mourir telle une créature incompréhensible et stupide.
Tant pis pour la chasse au démon. Cette enveloppe fragile restait -de toute façon- trop faible pour représenter le moindre défi, même sortie de la prison et son champ d'anti-magie. Le maître espion et son comparse irascible allaient devoir se contenter d’un interrogatoire de plus et de la récolte de maigres informations au sujet d’une créature déjà vaincue.
Épuisé par l’infructueuse attente, le loup dans son crâne se replia, laissant à l’homme la pleine possession de leur moyen.
Et la première action de la part humaine d’Iratus fut de partager sa liberté retrouvée avec sa fausse proie.
“-Recommençons depuis le début.” Gronda-t-il en se redressant. “Ton nom? Ton lien avec l’épée? Parle. Vite.”
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Dissimulé par son invisibilité, Zéphyr observe dans un premier temps les réactions de la gamine. Bien sûr, c’est d’abord le contact avec les éléments qui la torture : le sable, le soleil, la chaleur, même le son des vagues a de quoi lui offrir des stimuli qui tranchent avec la « paix » relative de sa cellule. Elle s’effondre, elle crie même mais personne ne lui vient à l’aide. Son corps s’habituera de toute façon, car il s’obligera à survivre, et ce à n’importe quel prix. La nature humaine est ainsi faite.
Cela étant dit, leur principal intérêt dans l’immédiat, c’est que leur cible a aperçu l’épée. La fameuse tizona blanche, derrière laquelle se trouve Alasker. Et le résultat est plutôt satisfaisant. La demoiselle ne fuit pas, ne cherche pas à se cacher, non. Rien de tout cela. Au contraire, une brusque fureur envahit la petite, une colère qui lui donne le courage de ne plus réfléchir, de ne plus être dominée par la peur. Si celle-ci veut l’éteindre, elle est désormais inoffensive, se heurtant à la barrière inextinguible de sa rage. Et voilà qu’elle frappe. Elle frappe, elle frappe, elle crie. Maintenant qu’elle l’a atteinte, maintenant qu’elle a retrouvé l’usage de ses jambes, il est impossible que le morceau en métal lui échappe. Un incendie s’est déclenché dans son âme, et d’ailleurs, la lame de la réplique se brise en plusieurs éclats qui tombent mollement sur le sable. La femme est tellement concentrée sur sa cible qu’elle ne remarque même pas le géant d’airain à ses côtés. Pourtant, on ne peut pas dire que le lycanthrope est d’un naturel discret, imposant comme il est. Estimant qu’il en a assez vu, le maître-espion rompt sa magie pour s’approcher de son frère d’arme. Celui-ci a saisi la tête de la gamine en lui enjoignant de rester calme, et Zéphyr le laisse faire à sa guise, jusqu’à ce que la principale concernée cesse de se contorsionner comme une furie. Enfin, quand le bras-droit de Deydreus prend la parole, il acquiesce sobrement.
- On a bien fait de la faire sortir. On n’aurait pas vu son potentiel, au Berceau.
L’Oreille n’attend pas une réponse particulière de la part de la gamine. Alasker lui demande bien si elle va fuir, mais cela est davantage rhétorique, et tous les trois savent, pressentent tout du moins, que la femme chétive ne va pas supplier pour sa vie dans un océan de larmes. Non, elle a en elle un feu qui n’est pas encore satisfait, une âme qui réclame vengeance, qui entrevoit déjà un but dans son existence.
Achever les démons, notamment ce fameux « Compendium ».
C’est cela qui va l’empêcher de mourir.
- Elle a certes une force qui se démarque, mais ce qui m’intéresse le plus, c’est son caractère. Elle vient enfin de s’éveiller et de sortir de son apathie. Je ne m’attendais pas à découvrir une furie, mais c’est une agréable surprise. On retente la conversation, mais il va falloir la calmer avant.
Et qui de mieux qu’Alasker pour mettre les choses au clair ? La gamine a le choix de parler et de se tenir un peu près tranquille ou bien elle a le choix de mourir. Evidemment, elle peut aussi tenter de fuir, mais il est illusoire d’espérer qu’elle échappera à ses poursuivants. De toute façon, elle ne tiendrait pas dans un territoire aussi hostile.
Laissant Alasker débuter leur second interrogatoire, Zéphyr regarde la gamine être libérée de la poigne du géant. S’il a des questions, il ne les pose pas directement après son comparse, préférant qu’elle réponde déjà à ces premiers éléments. Mais bientôt, la voix de l’Oreille résonne dans la plaine de sable, et il fixe la gamine d’un air scrutateur :
- Tu as parlé du Conpendium. Explique-nous ce que tu sais à ce sujet.
Après tout, mieux valait prévenir que guérir, non ?
Ramassant un des éclats de l’épée brisée, Zéphyr la fait briller à l’éclat du soleil et il poursuit :
- Vu ton comportement, tu dois savoir ce qu’il t’est arrivé. Et vu ta rage, tu sembles haïr ton porteur. Que ferais-tu si on t’offrait l’opportunité d’annihiler ceux que tu détestes ?
A aucun moment, Zéphyr ne promet qu’ils réaliseront son vœu, mais l’homme veut voir la dose de violence qui réside en son cœur. Car si le Démon est définitivement mort, il a toutefois laissé des séquelles dans l’âme de Praelia. La question est comment exploiter son potentiel. Et Zéphyr en a déjà une petite idée, si le chef des Dévoreurs est toujours partant pour la prendre sous son aile.
Cela étant dit, leur principal intérêt dans l’immédiat, c’est que leur cible a aperçu l’épée. La fameuse tizona blanche, derrière laquelle se trouve Alasker. Et le résultat est plutôt satisfaisant. La demoiselle ne fuit pas, ne cherche pas à se cacher, non. Rien de tout cela. Au contraire, une brusque fureur envahit la petite, une colère qui lui donne le courage de ne plus réfléchir, de ne plus être dominée par la peur. Si celle-ci veut l’éteindre, elle est désormais inoffensive, se heurtant à la barrière inextinguible de sa rage. Et voilà qu’elle frappe. Elle frappe, elle frappe, elle crie. Maintenant qu’elle l’a atteinte, maintenant qu’elle a retrouvé l’usage de ses jambes, il est impossible que le morceau en métal lui échappe. Un incendie s’est déclenché dans son âme, et d’ailleurs, la lame de la réplique se brise en plusieurs éclats qui tombent mollement sur le sable. La femme est tellement concentrée sur sa cible qu’elle ne remarque même pas le géant d’airain à ses côtés. Pourtant, on ne peut pas dire que le lycanthrope est d’un naturel discret, imposant comme il est. Estimant qu’il en a assez vu, le maître-espion rompt sa magie pour s’approcher de son frère d’arme. Celui-ci a saisi la tête de la gamine en lui enjoignant de rester calme, et Zéphyr le laisse faire à sa guise, jusqu’à ce que la principale concernée cesse de se contorsionner comme une furie. Enfin, quand le bras-droit de Deydreus prend la parole, il acquiesce sobrement.
- On a bien fait de la faire sortir. On n’aurait pas vu son potentiel, au Berceau.
L’Oreille n’attend pas une réponse particulière de la part de la gamine. Alasker lui demande bien si elle va fuir, mais cela est davantage rhétorique, et tous les trois savent, pressentent tout du moins, que la femme chétive ne va pas supplier pour sa vie dans un océan de larmes. Non, elle a en elle un feu qui n’est pas encore satisfait, une âme qui réclame vengeance, qui entrevoit déjà un but dans son existence.
Achever les démons, notamment ce fameux « Compendium ».
C’est cela qui va l’empêcher de mourir.
- Elle a certes une force qui se démarque, mais ce qui m’intéresse le plus, c’est son caractère. Elle vient enfin de s’éveiller et de sortir de son apathie. Je ne m’attendais pas à découvrir une furie, mais c’est une agréable surprise. On retente la conversation, mais il va falloir la calmer avant.
Et qui de mieux qu’Alasker pour mettre les choses au clair ? La gamine a le choix de parler et de se tenir un peu près tranquille ou bien elle a le choix de mourir. Evidemment, elle peut aussi tenter de fuir, mais il est illusoire d’espérer qu’elle échappera à ses poursuivants. De toute façon, elle ne tiendrait pas dans un territoire aussi hostile.
Laissant Alasker débuter leur second interrogatoire, Zéphyr regarde la gamine être libérée de la poigne du géant. S’il a des questions, il ne les pose pas directement après son comparse, préférant qu’elle réponde déjà à ces premiers éléments. Mais bientôt, la voix de l’Oreille résonne dans la plaine de sable, et il fixe la gamine d’un air scrutateur :
- Tu as parlé du Conpendium. Explique-nous ce que tu sais à ce sujet.
Après tout, mieux valait prévenir que guérir, non ?
Ramassant un des éclats de l’épée brisée, Zéphyr la fait briller à l’éclat du soleil et il poursuit :
- Vu ton comportement, tu dois savoir ce qu’il t’est arrivé. Et vu ta rage, tu sembles haïr ton porteur. Que ferais-tu si on t’offrait l’opportunité d’annihiler ceux que tu détestes ?
A aucun moment, Zéphyr ne promet qu’ils réaliseront son vœu, mais l’homme veut voir la dose de violence qui réside en son cœur. Car si le Démon est définitivement mort, il a toutefois laissé des séquelles dans l’âme de Praelia. La question est comment exploiter son potentiel. Et Zéphyr en a déjà une petite idée, si le chef des Dévoreurs est toujours partant pour la prendre sous son aile.
Arme des Veilleurs
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La lame famélique enfin en morceau, Praelia peut sentir un sentiment la prendre d’assaut, elle n’a pas le temps d’en identifier la nature que des doigts énormes enserrent son crâne, et soudainement elle prend conscience de la présence du géant d’airain à ses côtés. Elle l’avait vu, mais tout simplement occulté, obnubilée par la tizona blanche et ce qu’elle représentait pour elle. Praelia, fortifiée par les reliquats de magie démoniaque qui parcouraient son corps en maculant sa peau de veines incandescentes, ne parvenait même pas à osciller. L’emprise que le Tovyr avait sur elle est tout simplement imparable. Elle grogne, sa tête dans le sable ne peut pas articuler. Les grains s’engouffrent dans son nez. Elle étouffe. Ses grognements rageurs sont comme coulés dans le sable et ses bras ne cessent de griffer le sol à la recherche d’un appuis quelconque pour s’en extirper, mais ce n’est que lorsqu’Alasker lui permet enfin de détourner la tête qu’elle respire goulument. Praelia gesticule encore un peu, puis la folie se meurt quelques peu en l’absence de stimulis, et la jeune femme commence à devenir de plus en plus docile, jusqu’à replonger dans un immobilisme latent. Les veinules rougeoyantes sur sa peau se résorbent pour reprendre l’état qu’elles avaient adopté au Berceau. Son dos monte et descend cependant à un rythme élevé, elle semble à bout de souffle et ce n’est pas à cause de l’étouffement temporaire infligé par le berserker. Praelia commence enfin à se calmer et le guerrier la menace avec un ton calme.
C’est là.
C’est à ce moment là qu’elle comprend.
Il y a quelque chose dans cette voix, quelque chose qui la canalise. L’espace d’un instant, la brume qui macule son esprit s’éclipse et elle prend conscience de sa condition, elle se rend compte de la foule de souvenirs qui habitent sa tête et qui ne sont pas les siens, ni ceux du Démon, des fragments des derniers instants ou des moments de violence vécus par les mortels et qui façonnaient ensemble l’entité qui s’étaient emparée d’elle, elle se rend compte du poids sur sa propre psychée que ces morceaux d’âme ont sur elle. Mais surtout elle se rend compte d’une chose. La voix de ce guerrier elle l’a déjà entendue, perdue quelque part dans un éclat. Elle s’accroche désespérément à ce timbre si particulièrement rocailleux, à cette sonorité grave qui fait écho en elle avec un simple fragment de sa psychée détruite. Elle sait qu’elle n’est plus très loin d’un moment non pas de paix, mais de stabilité au milieu de la tourmente chaotique de ses pensées. Elle l’écoute encore un peu parler. Elle cligne fortement des yeux sous l’effort pour se concentrer sur sa voix, ”...tite chose? Devrais-je te relâcher? Vas-tu essayer de fuir, de retrou…” Relâcher… relâcher? Elle rouvre ses prunelles, cette fois écarquillées par la réalisation, qu’elle le tient, qu’elle l’a retrouvé, dans son esprit, perdue au milieu de la tempête de souvenirs, le maelström s’écarte et laisse place à un unique mémoire.
La voix baryton du Dévoreur lui revient, Praelia est debout, ses vêtements sont mals agencés et son utérus lui fait affreusement mal, elle a la tête baissée, regardant à travers des larmes de colère ses cheveux blonds qui tombent sur son torse, ses hailles ensanglantées par une humeur qui n’est pas la sienne, ses fers qui lui maintiennent les mains et les jambes, les gants des deux soldats reikois qui la gardent debout, le sable sombre au sol entre ses pieds déchaussés… la voix.
”...ainteant, vous nous déshonorez, vous salissez notre victoire avec ce genre de… Pratiques?”
On la force à marcher, elle s’avance, Praelia redresse la tête, elle voit le Géant d’Airain, elle murmure:
”C’est lui.”
La jeune mercenaire continue de gesticuler contre le sable chaud de la plage, la poigne d’Alasker est écrasante et sa tempe donne la sensation d’exploser, elle peut presque déjà entendre son propre crâne craqueler sous la pression comme tant d’autres squelettes l’ont fait sous la force de ces mêmes doigts. Elle a laissé s’échapper sa concentration et ne parvient plus à effleurer cet instant de rationalité qui l’avait momentanément sauvée du tourment continuel. Praelia, toujours maintenue par le Tovyr, répète l’exercice une fois de plus, elle se concentre sur la voix dont la sonorité grave fait trembler jusqu’à son corps au rythme des cordes vocales du lycanthrope.
”Je vais te relâcher maintenant et nous allons parler…” Son ton change radicalement, et quand Praelia rouvre ses yeux elle est debout dans une tente, entourée par quelques hommes. ”Je ne peux pas te rendre ta liberté”
La jeune femme est secouée par une violente colère, une indignation qui la prend à la gorge alors qu’elle se tient droite et fière devant Alasker, regardant ses yeux noirs insondables, elle crache au sol de dédain. Quand Praelia prend la parole, sa voix est ferme:
”Je me fiche bien de ta ‘liberté’... ” Praelia brûle furieusement d’une envie vengeresse. ”Je veux un duel. Avec toi.”
La jeune mercenaire fait quelques moulinets et observe l’Iratus mettre son heaume à corne, le symbole de sa mort imminente.
”Mon nom est Alasker Crudelis. Quel est le tiens, guerrière?”
Elle déglutit, son regard embrasé dévisage le néant qui se cache dans la visière du casque rouge qui la domine en hauteur.
”Praelia Matricus. Assez parlé, maintenant.”
Le fer se croise.
Brutalité. Violence. Fureur.
La Salvatrice lui ouvre le torse.
Praelia, confuse, regarde en tombant les yeux stoïques de son adversaire.
Quand le poids se libère enfin de sa tête et qu’elle revient à elle, la jeune femme porte immédiatement une main à sa tempe et masse son crâne endoloris. Elle continue de gémir de douleur et de retenue, poussant des grognements presque animals tandis qu’elle combat le bourdonnement sourds des souvenirs de Violence qui affluent à nouveau dans son esprit, elle se rattache à cette voix comme à un phare dans la tempête. Alors qu’Alasker se relevait à ses côtés, elle tente également de se remettre d’aplomb mais ne parvient qu’à se hisser à quatre pattes comme un vulgaire chien tenu en laisse. Sous l’effort surhumain qu’elle fournit, ses mains se crispent dans le sable et y laissent des marques de griffures, ses poings blanchissent, ses gémissements deviennent des plaintes naissantes. Puis la voix. Il lui demande son nom, encore.
”Je… je te l’ai… déjà dis.” Elle peine à articuler à cause de ses mâchoires crispées par la douleur mentale. ”Je m’appelle… Praelia… Matricus.” Elle pose une main contre la grive rouge d’Iratus. ”L’épée… je l’avais trouvée… je, je croyais qu’elle me… ” Qu’est-ce qu’elle croyais déjà? En se posant la question, elle est prise d’un torrent de souffrance alors qu’elle ravive les vagues brisantes d’impétueuses mémoires démoniaques. ”je cRoyaIs QU’AaAAAA!!?!” Elle attrape sa tête, tombe contre le sable, respire bruyamment, la bave aux lèvres. Une autre voix s’élève, mais celle ci n’a pas le même effet que celle du berserker, ce n’est pas cette fois le son de cette voix qui lui arrache une réaction mais plutôt un des mots qu’elle prononce: Compendium.
Les veines de feu se remettent à croître à partir de son sein gauche, irradiant son corps d’une douleur sourde qui lui arrache un glapissement étouffé, mais cette fois elle serre les dents et incline sa tête pour regarder le maître espion, soufflant entre ses lèvres tirées à travers le supplice, ses yeux larmoyants de rage frustrée sont explicites:
”C’est ça, c’est là d’où elle vient. Le Compendium, il est à Melorn, elles étaient sept, Violence les a vu. Elle avait peur d’une d’elle.” Les sensations qui lui remontent des souvenirs du Démon sont éparses et floues, mais elles affluent en alimentant la soif qui n’est pas la sienne, la soif de violence, la soif de Violence. ”SAVOIR, ELLE AVAIT PEUR DE SAVOIR ET MAINTENANT IL ARRIVE.” Et quand Zéphyr lui demande ensuite ce qu’elle ferait face aux Démons, face au Soeurs, Praelia se laisse totalement emportée par sa folie furieuse tandis que les serpents de feu sur sa peau s’accroissent encore, ”HA HAHA AHA HA! JE LES TUERAI! JE LES TUERAI TOUTES JUSQU’À LA DERNIÈRE! JE TUERAI TOUT LES DÉMONS!”
Arqueboutée avec un dos trop cambré, la main toujours agrippée sur la genouillère du colosse, elle semble être en proie à une pleine crise de folie, pourtant dès que sa menace impotente est prononcée par sa bouche, Praelia semble subir le contre-coup sévère de la surutilisation de son corps encore affaibli par sa rémission et son séjour au Berceau. Les veines se rétractent, elle bascule en arrière et s’effondre au sol, ses cheveux bruns se mêlant au sable chaud. Sa poitrine se soulève difficilement et sa respiration se fait travaillée, ses yeux tentent de se fixer dans le ciel, vagues, ils peinent à trouver un point d’accroche, puis ils se posent sur la silhouette du casque à corne, obscurcie par le contrejour, il cache le soleil qui lui dessine une auréole lugubre et le fait paraitre pour une divinité morbide, pour sa mort imminente. Ses paupières sont lourdes, le noir envahit le bleu azur du ciel, la main de Praelia relâche faiblement sa prise sur l’armure carmine, et alors que ses doigts effleurent la jambière, elle bouge faiblement ses lèvres:
”Alasker… hh … Crudelis… ?”
Vrai Homme du Reike
Alasker Crudelis
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Info personnage
Race: Loup-Garou
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: B
Les griffes d'un massif gantelet d'airain vinrent délicatement se poser sur l'épaule de la petite chose perdue, aux pieds de leur propriétaire. Dans un geste d'une douceur blasphématoire pour ces doigts qui avaient traversé la chair et les os de dizaines de malchanceux pour leur dérober cœurs et poumons, ils remontèrent ensuite le long de la clavicule, frôlant la peau crasseuse en prenant soin de ne jamais l'égratigner, avant de lentement venir enlacer le cou trop fin d'une gamine aux veines de feu et aux yeux projetant un regard de biche effrayée et confuse, perdue à un mille lieues de la réalité.
L'instinct, toujours l'instinct. Alasker avait, depuis sa naissance en ce monde froid, encore et toujours fonctionné à l'instinct. Aller à son encontre, c'était se condamner à la folie de la normalité et de ses défauts évidents. Lorsque son cœur et ses viscères se tordaient de méfiance à la vue d'une chose quelconque, il s'arrangeait en général pour faire disparaître l'origine de son malaise de la plus directe des manières. Une méthode simple et efficace, qui fonctionnait depuis toujours. Nul besoin d'être stratège lorsqu'on voyait le monde par les yeux d'un prédateur.
Hélas, c'était tout le problème ici.
"-J'sais pas pour toi, mais j'ai rien compris à son histoire de savoir. Est-ce que tous les démons sont infoutus de se dégoter des noms normaux?"
Son cœur ne se tordait pas à la vue de la gamine. Son esprit comme le reste refusaient de la voir en menace, alors même que tout indiquait qu'elle était corrompue. Teintée, altérée, définitivement et profondément par l'engeance démoniaque. Une créature à mi-chemin entre l'humaine folle à lier et une goule aux traits plus gracieux qu'en général. Des aliénés, il en avait déjà vu. En réalité, les plus cinglés s’avéraient être -la plupart du temps- ses propres hommes. Tarcus lui-même avait passé les premières semaines de sa nouvelle vie à s’écorcher le visage contre les parois de sa cellule jusqu’à ce que l’os apparaisse et que ses yeux dépourvus de paupières soient déchaussés de leurs orbites. Tulkas lui avait dit, un jour, alors qu’ils supervisaient l'entraînement des nouvelles recrues des Serres. Comment l’avait-il renommé déjà? “Le chapelain des égarés”.
Alors, qu’y avait-il de surprenant à ce qu’une littérale enfant du démon vienne bredouiller son nom entre deux crises de folie? A bien y réfléchir, l’existence de cette gamine restait bien moins teintée de honte que celle de Sanguin le cannibal, Kirk le tortionnaire ou du Boucher le baiseur de cadavres. Les seules fautes qu’on pouvait jusqu’alors lui incomber étaient celles que son père lui avait transmises à sa renaissance.
Enfin, sa haine des démons la rendait -sans surprise- plus aimable aux yeux du loup que la plupart des créatures avides de gloires et d'or infestant les rues de l'Empire telle une maladie. D'expérience, le géant savait qu'une haine partagée était le meilleur moyen de s'arroger la fidélité et l'obéissance des guerriers les plus dangereux. Et malgré ce que son instinct lui dictait, Alasker avait bien conscience que sa prisonnière était dangereuse. Restait maintenant à savoir à quel point.
“-Étrange, elle connaît mon nom.” Observa-t-il sans lâcher le cou de Praelia. Les yeux du géant sondèrent le voile de folie recouvrant le regard de la prisonnière hagarde, puis il claqua de la langue, mal à l’aise.
Le pragmatisme et la réflexion étaient deux attributs propres aux Serres Poupres, pas aux Dévoreurs. La raison, après tout, n’avait jamais eu grand chose à voir avec les berserkers à la livrée écarlate. Et c’était principalement pour cela qu’Iratus appréciait la présence de Zephyr : Le maître-espion avait la tête aussi froide qu’un glaçon, au sein duquel un millier de calculs et de possibilités fourmillaient sans discontinuer, loin de subir les assauts de l’appel de la chasse. Nulle migraine débilitante n’altérait son jugement. L’idée qui était en train de fleurir au sein de sa caboche couturée de cicatrice, l’Oreille pourrait la décortiquer et l’analyser d’une manière dont il pouvait seulement rêver.
“-J’ai déjà vu un comportement semblable parmi mes gars, Zeph’. C’qu’y est certain c’est qu’elle ne fait pas semblant d’être aliénée. Elle l’est. Son esprit est en ruine.” De sa main libre, la brute vint agiter un index devant la face de la prisonnière, qui continua de le fixer, lui, sans prêter attention au mouvement plus proche de son museau crasseux. “Un médecin de guerre m’en avait parlé pour Sanguin, c’est d’la catatonie. Quand l’appel du sang ne chante pas dans son crâne, c’est un foutu mollusque. Mais si quelqu’un sort une lame, il se met à bouffer des jugulaires. Je pense qu’elle est pareille.”
Pour prouver ses dires, la brute porta la main à l’une des hachettes pendant à sa ceinture de chaîne. Immédiatement, l’apparente passivité de la guerrière brisée disparue. Ses yeux quittèrent le géant et se portèrent sur la lame. Ses poings aux ongles brisés se serrèrent et sa lèvre inférieure se découvrit dans un rictus haineux.
Alasker resserra sa prise, juste un peu. La compression de ses artères jugulaires détendit la prisonnière en quelques secondes. Il la retint lorsque ses yeux se fermèrent et que l’inconscience l’emporta, une fois de plus.
“-On n'apprendra jamais rien d’elle ou du compendium dans une cellule.” Reprit-il en vérifiant que la fille de démon battait des paupières en s'efforçant de revenir à elle, comme il se devait. “Parce que dans une cellule, y’a pas de lames. Y’a pas de sang. Y’a rien qui éveillera ce qui reste d’elle. Tu saisis? Il faut qu’elle puisse se battre pour que son existence lui revienne.”
Finalement, la prise sur l’enfant démoniaque se relâcha. Alasker s’écarta d’elle, la laissant, léthargique, dans le sable, pour faire quelques pas en direction de Zephyr.
“-Elle ne fuit même pas et elle n’essaiera pas, je pense. Comme j’disais, cette gamine n’est pas si différente de mes Dévoreurs. Avec un peu de conditionnement, elle pourrait nous être utile. Si…Praelia, doit se battre pour nous révéler ses secrets, autant qu’elle le fasse pour l’Empire.”
L'instinct, toujours l'instinct. Alasker avait, depuis sa naissance en ce monde froid, encore et toujours fonctionné à l'instinct. Aller à son encontre, c'était se condamner à la folie de la normalité et de ses défauts évidents. Lorsque son cœur et ses viscères se tordaient de méfiance à la vue d'une chose quelconque, il s'arrangeait en général pour faire disparaître l'origine de son malaise de la plus directe des manières. Une méthode simple et efficace, qui fonctionnait depuis toujours. Nul besoin d'être stratège lorsqu'on voyait le monde par les yeux d'un prédateur.
Hélas, c'était tout le problème ici.
"-J'sais pas pour toi, mais j'ai rien compris à son histoire de savoir. Est-ce que tous les démons sont infoutus de se dégoter des noms normaux?"
Son cœur ne se tordait pas à la vue de la gamine. Son esprit comme le reste refusaient de la voir en menace, alors même que tout indiquait qu'elle était corrompue. Teintée, altérée, définitivement et profondément par l'engeance démoniaque. Une créature à mi-chemin entre l'humaine folle à lier et une goule aux traits plus gracieux qu'en général. Des aliénés, il en avait déjà vu. En réalité, les plus cinglés s’avéraient être -la plupart du temps- ses propres hommes. Tarcus lui-même avait passé les premières semaines de sa nouvelle vie à s’écorcher le visage contre les parois de sa cellule jusqu’à ce que l’os apparaisse et que ses yeux dépourvus de paupières soient déchaussés de leurs orbites. Tulkas lui avait dit, un jour, alors qu’ils supervisaient l'entraînement des nouvelles recrues des Serres. Comment l’avait-il renommé déjà? “Le chapelain des égarés”.
Alors, qu’y avait-il de surprenant à ce qu’une littérale enfant du démon vienne bredouiller son nom entre deux crises de folie? A bien y réfléchir, l’existence de cette gamine restait bien moins teintée de honte que celle de Sanguin le cannibal, Kirk le tortionnaire ou du Boucher le baiseur de cadavres. Les seules fautes qu’on pouvait jusqu’alors lui incomber étaient celles que son père lui avait transmises à sa renaissance.
Enfin, sa haine des démons la rendait -sans surprise- plus aimable aux yeux du loup que la plupart des créatures avides de gloires et d'or infestant les rues de l'Empire telle une maladie. D'expérience, le géant savait qu'une haine partagée était le meilleur moyen de s'arroger la fidélité et l'obéissance des guerriers les plus dangereux. Et malgré ce que son instinct lui dictait, Alasker avait bien conscience que sa prisonnière était dangereuse. Restait maintenant à savoir à quel point.
“-Étrange, elle connaît mon nom.” Observa-t-il sans lâcher le cou de Praelia. Les yeux du géant sondèrent le voile de folie recouvrant le regard de la prisonnière hagarde, puis il claqua de la langue, mal à l’aise.
Le pragmatisme et la réflexion étaient deux attributs propres aux Serres Poupres, pas aux Dévoreurs. La raison, après tout, n’avait jamais eu grand chose à voir avec les berserkers à la livrée écarlate. Et c’était principalement pour cela qu’Iratus appréciait la présence de Zephyr : Le maître-espion avait la tête aussi froide qu’un glaçon, au sein duquel un millier de calculs et de possibilités fourmillaient sans discontinuer, loin de subir les assauts de l’appel de la chasse. Nulle migraine débilitante n’altérait son jugement. L’idée qui était en train de fleurir au sein de sa caboche couturée de cicatrice, l’Oreille pourrait la décortiquer et l’analyser d’une manière dont il pouvait seulement rêver.
“-J’ai déjà vu un comportement semblable parmi mes gars, Zeph’. C’qu’y est certain c’est qu’elle ne fait pas semblant d’être aliénée. Elle l’est. Son esprit est en ruine.” De sa main libre, la brute vint agiter un index devant la face de la prisonnière, qui continua de le fixer, lui, sans prêter attention au mouvement plus proche de son museau crasseux. “Un médecin de guerre m’en avait parlé pour Sanguin, c’est d’la catatonie. Quand l’appel du sang ne chante pas dans son crâne, c’est un foutu mollusque. Mais si quelqu’un sort une lame, il se met à bouffer des jugulaires. Je pense qu’elle est pareille.”
Pour prouver ses dires, la brute porta la main à l’une des hachettes pendant à sa ceinture de chaîne. Immédiatement, l’apparente passivité de la guerrière brisée disparue. Ses yeux quittèrent le géant et se portèrent sur la lame. Ses poings aux ongles brisés se serrèrent et sa lèvre inférieure se découvrit dans un rictus haineux.
Alasker resserra sa prise, juste un peu. La compression de ses artères jugulaires détendit la prisonnière en quelques secondes. Il la retint lorsque ses yeux se fermèrent et que l’inconscience l’emporta, une fois de plus.
“-On n'apprendra jamais rien d’elle ou du compendium dans une cellule.” Reprit-il en vérifiant que la fille de démon battait des paupières en s'efforçant de revenir à elle, comme il se devait. “Parce que dans une cellule, y’a pas de lames. Y’a pas de sang. Y’a rien qui éveillera ce qui reste d’elle. Tu saisis? Il faut qu’elle puisse se battre pour que son existence lui revienne.”
Finalement, la prise sur l’enfant démoniaque se relâcha. Alasker s’écarta d’elle, la laissant, léthargique, dans le sable, pour faire quelques pas en direction de Zephyr.
“-Elle ne fuit même pas et elle n’essaiera pas, je pense. Comme j’disais, cette gamine n’est pas si différente de mes Dévoreurs. Avec un peu de conditionnement, elle pourrait nous être utile. Si…Praelia, doit se battre pour nous révéler ses secrets, autant qu’elle le fasse pour l’Empire.”
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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La gamine gesticule, grogne comme une bête sauvage, et ce jusqu’à ce qu’Alasker la menace d’un ton calme. Etonnamment, la jeune femme devient plus placide à partir de ce moment, comme si le son de sa voix l’avait interpelée ou permis de revenir sur terre. Zéphyr ne se doute pas de ce qu’elle ressent à l’intérieur d’elle, et est à mille lieux de savoir qu’elle se souvient d’une chose passée, enfouie dans le temps, qui concerne essentiellement le tovyr, au demeurant. Il hausse cependant un sourcil quand elle répond à son frère d’arme. Elle lui a déjà dit son identité ? Quand ? Praelia Matricus… Lui, ce nom ne lui dit rien, et le maître-espion jette un œil interrogatif au géant d’airain. Mais celui-ci n’est pas plus avancé apparemment. Soit. C’est étrange qu’elle le connaissait… Mais c’est techniquement un fait secondaire, qu’ils peuvent toujours creuser plus tard. Ce n’est pas comme si le second de Deydreus était en danger par cette brindille vivante qu’était Praelia. Même si bien des monstres pouvaient se cacher derrière des apparences inoffensives…
Ce qui est certain, c’est que le mot « Compendium » réveille la haine de la jeune femme devant eux. Et la gamine leur en dit suffisamment pour que Zéphyr puisse prendre en main la suite des opérations. Deux mots suffisent : Melorn et Savoir. Associés au nom du projet, l’Oreille a largement de quoi aller fouiller dans la cité elfique. Et puis… Si Violence craignait Savoir… Et si ce dernier arrive… Cela ne peut être que d’autant plus intéressant pour le Reike. Non pas qu’il ferait confiance de manière aveugle aux démons, mais si chacun était tourné vers le même objectif, cela pouvait être intéressant. Et s’ils ne l’étaient pas… Son rôle consistait aussi à éliminer les menaces.
En tous les cas, le regard songeur de Zéphyr montrera déjà bien à son homologue que le maître-espion réfléchit déjà à ses prochaines actions. Trouver Savoir. Analyser ce qu’était le Compendium. Se renseigner sur les Septs. Evaluer leurs forces, leurs faiblesses, leur apport ou non pour le Reike. Les yeux de l’Oreille sont clairement animés d’un enthousiasme qui est pas feint et qui montre, s’il en est, qu’il a hâte de partir en chasse après l’entité démoniaque. Pour autant, le bretteur répond quand même au tovyr, avec un léger sourire en coin.
- Violence, Savoir. Je connaîtrai bientôt le nom des cinq autres. Ses mots résonnent presque comme une promesse. Quant à leurs noms… Reconnais qu’ils ont l’avantage d’exprimer une idée. Si tu sais comme ils s’appellent, tu es fixé sur leurs intérêts principaux. De mon point de vue, je trouve ça pratique. Un sourire orne les lèvres de Zéphyr, conscient que le lycanthrope ne partagera pas forcément son point de vue. Mais cela n’a pas d’importance. L’assassin ramène son regard sur la jeune femme qui s’est évanouie. Rien ne serait plus simple que de la tuer, d’autant qu’elle est totalement folle à lier. Son esprit est en morceau, la gamine a une rage intérieure qui la rend très instable, et jamais au grand jamais elle ne saura retrouver une vie normale, quel que soit son pays. Mais les Dévoreurs sont un groupe à part, qui intègrent justement les dérangés comme elle. Il est impossible en l’état de lui extirper davantage d’informations, mais si on lui donne l’opportunité de se battre – fut-ce comme une brute animée uniquement par la haine – cela permettrait effectivement de lui évoquer des souvenirs, de déterrer ce qu’elle gardait enfoui. De comprendre comment elle connaissait Alasker, de voir si elle avait des souvenirs tirés de sa cohabitation avec Violence.
- Je présume que l’avoir sous ta direction ne te dérange pas.
Ce n’est même pas une question, tant Zéphyr est sûr de lui.
- De mon côté, je ne vois pas d’inconvénients à ce qu’elle rejoigne tes hommes. Les Serres ne lui iront pas. L’armée régulière encore moins. La laisser libre reviendrait à laisser une folle en liberté. Le Berceau serait du gâchis, inerte qu’elle était dans sa cellule. La mettre dans le bataillon des janissaires reviendrait à détruire toutes les informations qu’elle possède. Ca aussi, je m’y refuse.
Oui, vraiment, l’option des Dévoreurs, c’est le mieux, pour elle.
- Si les combats lui font remonter des souvenirs, il suffira que tu me les signales.
De toute façon, ce ne serait ni la première ni la dernière fois que Zéphyr fréquenterait les Dévoreurs. Certes, il était trop différent d’eux pour faire partie de leurs troupes, mais contrairement à d’autres officiers dans l’armée, qui les verrait avec crainte, voire avec peur, l’Oreille n’avait jamais vu d’inconvénient à les accompagner, voire à se mesurer avec eux à l’occasion.
- En tous les cas, tu as ton rang de tovyr, j’ai mon rang d’Oreille. Cela suffit pour qu’on l’emmène, puisque nous avons eu l’autorisation impériale pour venir l’examiner.
Qui sait, peut-être même que pendant le voyage où ils quitteraient le Berceau, Praelia pourrait leur révéler encore une ou deux choses.
Mais dans tous les cas, Zéphyr était quelqu’un de patient.
Et puisqu’il avait Savoir en vue, il pouvait déjà se mettre à traquer ce démon.
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Ce qui est certain, c’est que le mot « Compendium » réveille la haine de la jeune femme devant eux. Et la gamine leur en dit suffisamment pour que Zéphyr puisse prendre en main la suite des opérations. Deux mots suffisent : Melorn et Savoir. Associés au nom du projet, l’Oreille a largement de quoi aller fouiller dans la cité elfique. Et puis… Si Violence craignait Savoir… Et si ce dernier arrive… Cela ne peut être que d’autant plus intéressant pour le Reike. Non pas qu’il ferait confiance de manière aveugle aux démons, mais si chacun était tourné vers le même objectif, cela pouvait être intéressant. Et s’ils ne l’étaient pas… Son rôle consistait aussi à éliminer les menaces.
En tous les cas, le regard songeur de Zéphyr montrera déjà bien à son homologue que le maître-espion réfléchit déjà à ses prochaines actions. Trouver Savoir. Analyser ce qu’était le Compendium. Se renseigner sur les Septs. Evaluer leurs forces, leurs faiblesses, leur apport ou non pour le Reike. Les yeux de l’Oreille sont clairement animés d’un enthousiasme qui est pas feint et qui montre, s’il en est, qu’il a hâte de partir en chasse après l’entité démoniaque. Pour autant, le bretteur répond quand même au tovyr, avec un léger sourire en coin.
- Violence, Savoir. Je connaîtrai bientôt le nom des cinq autres. Ses mots résonnent presque comme une promesse. Quant à leurs noms… Reconnais qu’ils ont l’avantage d’exprimer une idée. Si tu sais comme ils s’appellent, tu es fixé sur leurs intérêts principaux. De mon point de vue, je trouve ça pratique. Un sourire orne les lèvres de Zéphyr, conscient que le lycanthrope ne partagera pas forcément son point de vue. Mais cela n’a pas d’importance. L’assassin ramène son regard sur la jeune femme qui s’est évanouie. Rien ne serait plus simple que de la tuer, d’autant qu’elle est totalement folle à lier. Son esprit est en morceau, la gamine a une rage intérieure qui la rend très instable, et jamais au grand jamais elle ne saura retrouver une vie normale, quel que soit son pays. Mais les Dévoreurs sont un groupe à part, qui intègrent justement les dérangés comme elle. Il est impossible en l’état de lui extirper davantage d’informations, mais si on lui donne l’opportunité de se battre – fut-ce comme une brute animée uniquement par la haine – cela permettrait effectivement de lui évoquer des souvenirs, de déterrer ce qu’elle gardait enfoui. De comprendre comment elle connaissait Alasker, de voir si elle avait des souvenirs tirés de sa cohabitation avec Violence.
- Je présume que l’avoir sous ta direction ne te dérange pas.
Ce n’est même pas une question, tant Zéphyr est sûr de lui.
- De mon côté, je ne vois pas d’inconvénients à ce qu’elle rejoigne tes hommes. Les Serres ne lui iront pas. L’armée régulière encore moins. La laisser libre reviendrait à laisser une folle en liberté. Le Berceau serait du gâchis, inerte qu’elle était dans sa cellule. La mettre dans le bataillon des janissaires reviendrait à détruire toutes les informations qu’elle possède. Ca aussi, je m’y refuse.
Oui, vraiment, l’option des Dévoreurs, c’est le mieux, pour elle.
- Si les combats lui font remonter des souvenirs, il suffira que tu me les signales.
De toute façon, ce ne serait ni la première ni la dernière fois que Zéphyr fréquenterait les Dévoreurs. Certes, il était trop différent d’eux pour faire partie de leurs troupes, mais contrairement à d’autres officiers dans l’armée, qui les verrait avec crainte, voire avec peur, l’Oreille n’avait jamais vu d’inconvénient à les accompagner, voire à se mesurer avec eux à l’occasion.
- En tous les cas, tu as ton rang de tovyr, j’ai mon rang d’Oreille. Cela suffit pour qu’on l’emmène, puisque nous avons eu l’autorisation impériale pour venir l’examiner.
Qui sait, peut-être même que pendant le voyage où ils quitteraient le Berceau, Praelia pourrait leur révéler encore une ou deux choses.
Mais dans tous les cas, Zéphyr était quelqu’un de patient.
Et puisqu’il avait Savoir en vue, il pouvait déjà se mettre à traquer ce démon.
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