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  • Lun 2 Jan - 17:23
    Le silence de la forêt des pins argentés était assourdissant. Avançant prudemment, Hespérion tendait l’oreille pour repérer le moindre petit son qui pourrait l’avertir que la mort lui courrait après. Il savait qu’à tout instant quelque chose pourrait sortir des fourrés et l’envoyer d’un seul coup dans le monde des âmes rejoindre les gardiens qu’il était venu honorer. La guerre était terminée et les terres de Schoumei avaient retrouvé un semblant de paix. Pourtant, le jeune Ombra savait qu’il n’en était rien. Le spectre de Sancta et de feu la cité de Bénédictus marquaient encore ces terres du passage des divins. Un passage jonché de cadavres et de rancœur.

    Repoussant les feuillages tout en prenant garde à ne pas se blesser avec les épines des pins, Hespérion dévoila une clairière. Sans un bruit, il se glissa à la lumière du soleil couchant, perdant son regard dans un vide insondable. Il était revenu ici après 3 longues années sans avoir pu s’approcher. En ce lieu où il avait fait la rencontre de son frère Aren et que sa vie avait pris un autre sens. Aujourd’hui, tout avait changé. Le sol était marqué de pas. Ennemi ou fuyards ? Impossible de le déterminer. Cet endroit si paisible avait été piétiné, transformé… dégradé, mais à ses yeux, il avait toujours la même importance. Il reconnaissait le pin sous lequel il s’était abrité et sous lequel il avait rencontré l’enfant. Il s’agenouilla et déposa sa main sur le sol comme s’il cherchait à ressentir cet instant perdu comme au premier jour.

    Revenir aujourd’hui réveillait bien des émotions, mais il les fit taire pour le moment. Il avait fort à faire. Avec le recul des armées et le chaos qui les suivait, il en avait profité pour revenir aux sources pour faire son deuil. Il l’avait fait depuis longtemps, mais il ne l’avait pas encore extériorisé et véritablement exprimé au travers de la seule façon qu’il connaissait : prier. Prier les gardiens pour ceux qui avaient disparu et qui étaient maintenant en leur royaume.

    Le bruit d’une branche brisée le fit tourner la tête. Le soleil s’était couché et la clairière n’était maintenant plus éclairée que par la lueur de la lune et des étoiles. C’était le moment parfait pour faire ce qu’il avait à faire et le destin venait de lui apporter ce dont il avait besoin. Devant lui, un lièvre furetait dans l’herbe, cherchant quelque pitance parmi les épines mortes qui jonchaient le sol. Inconscient de l’ombra qui l’épiait sous le couvert d’un arbre. Dans la pénombre, son corps était difficile à distinguer, voir quasiment impossible pour les créatures qui voyaient le plus mal dans le noir. Hespérion non plus n’y voyait pas grand-chose, mais le petit animal était dans la lumière du soir, alors que lui non. Insouciant de son destin, le lapin continua à fureter tandis que l’Ombra agitait silencieusement ses doigts dans le vide. Un léger courant d’air balaya la clairière, d’abord doux, il se fit soudain plus violent, soulevant la proie qui ne vit qu’un éclair de lumière avant de rendre l’âme.

    Hespérion s’approcha du lapin grillé, frottant ses doigts encore engourdis par la décharge d’électricité qu’il venait de projeter. Ce n’était pas le moyen le plus discret et orthodoxe de chasser un animal pour le sacrifice rituel, mais il s’en contenterait. Il prit la proie et commença à la préparer, retirant d’abord tout le sang qui déposa avec le plus grand respect dans un bol cérémoniel, puis il récupéra délicatement le cœur. La magie l’avait un peu abîmé, mais il était encore intact. En il dépeça le reste pour en faire son repas, ne gardant que les os pour la suite. Il alluma un feu pour cuire sa nourriture et se laissa aller contre un arbre en dégustant cette pause bien méritée. La nuit allait être longue, alors autant en profiter un petit peu.

    Une fois sa collation au fond de son estomac maintenant rassasié, il s’empara du bol rituel et utilisa le sang pour dessiner des motifs réguliers à même sa peau. C’étaient des peintures assez primaires, sans réel art, mais pourtant pleines de forces. L’odeur du sang désormais froid lui monta aux narines, les emplissant d’une fragrance métallique assez désagréable. Il passa ses doigts le long des lignes, canalisant la magie de glace pour figer la peinture sur sa peau au prix de grimaces quelque peu surfaites. Une fois fini, il déposa le cœur au centre de la clairière et utilisa le reste de sang pour dessiner un cercle tout autour. Enfin, il s’agenouilla devant lui, fermant les yeux et commençant à chuter une prière quasi inaudible évoquant le voyage des âmes de la naissance à la mort et au-delà.
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  • Mar 3 Jan - 20:30
    Qu'elle aimait les ténèbres.

    En l'absence de lumière, le poilu et le plumé évolue timidement, entouré de ténèbres meurtriers, où se cachaient les plus horribles des pièges et créatures, prêtes à les tuer d'un seul coup de griffe si jamais ils posaient la moindre patte hors de la pathétique source de lumière qu'ils avaient pu se procurer. Oui, depuis ses timides début, le poilu avait toujours détesté les ombres. S'il avait été content de trouver la lumière qui brûle, c'était parce qu'elle pouvait dissiper un peu de ces ténèbres, lui offrant un petit espace où survivre et attendre que le soleil revienne éclairer ses lieux. Parce que si l'ombre est mort froide et soudaine, la lumière est salvation éclairée, source de vie repoussant les entités maléfiques qui se terraient loin d'elle. Et c'était pour ça qu'elle s'imaginait qu'ils avaient leurs petites... maisons, c'était le terme. Leurs petites maisons étaient illuminées la uit, ainsi que les rues de leurs amas de maisons, pour continuellement repousser ces dernières. Qu'ils faisaient distinction entre eux, nés de la lumière, et ces créatures à la peau d'obsidienne si craintives de la moindre petite source de lueur.

    Qu'elle était contente, donc, de pouvoir confortablement vivre dans ces deux mondes. Oui, elle aimait la lumière, par instinct poilu regrettable et aussi grâce à la chaleur du soleil, mais Stheno accueillait les passages de mère lune avec plaisir. C'était là qu'elle pouvait se reposer, cachée des ombres et des plantes, mais quand elle ne se sentait pas fatiguée, la nuit n'était que nouveau terrain de chasse. Certains animaux, particulièrement des plumés, devenaient alors proies eux-même, vulnérables à ses flèches maintenant qu'ils étaient sortis de leurs trous. Pour elle, en effet, la confusion des ombres n'en était pas une : elle pouvait très facilement évoluer parmi ces dernières, parce que ses yeux étaient entraînés pour percevoir même sans source de lumière évidente. Il ne lui fallait que quelques clignements d'yeux, et elle pouvait voir dans les ténèbres aussi bien que ses nobles ancêtres, les serpents. Peut-être mieux encore, à sa grande fierté. Une ombre où se perdrait un noble reptile ne l'empêcherait jamais de caler ses flèches ou, selon ses envies, d'assouvir sa faim sans devoir tirer une flèche.

    La maman plumée était partie dès qu'elle avait entendue une masse beaucoup plus grosse qu'elle s'approcher, réalisant que son petit bec et ses petites serres n'allaient pas faire grand chose. Elle s'était envolée sans attendre, laissant à Stheno le soin d'enrouler sa queue autour du tronc de l'arbre avant d'attraper les oeufs niché dans leurs nids, les gobant d'un geste du poignet à chaque fois. Ils étaient trop petits pour la contenter, c'était vrai, mais elle appréciait l'idée de voler à une moman plumée sa descendance plus que la nourriture elle-même. De voir l'effort commun de deux plumés, le triomphe de leurs deux vies de laisser leurs gènes prospérer au travers des âges, et de tout démolir alors qu'elle se pensait sauve sur son arbre. Oh, elle n'en était pas finie, Stheno le savait. La maman plumée irait vers un papa plumé pour recommencer le coup et Stheno ne sera pas là pour la lui voler.

    Mais elle appréciait l'idée de bloquer le chemin de la vie alors qu'il était sur le point de commencer.

    Pour se récompenser de son triomphe, et aussi en dessert, Stheno utilisa sa position sur-élevée pour regarder en bas, enroulant sa langue plusieurs fois autour d'un oeuf puis le traînant dans sa mâchoire en même temps. En bas, sa prochaine proie devenait évidente : un longue-oreille, en quête de nourriture, trainait en bas. Se voyant munie de nourriture plus substantielle, la blonde décida de le laisser vivre pendant quelques secondes, occupée qu'elle était avec son dernier oeuf. Clarté digestive obligée, elle faisait tourner l'oeuf dans plusieurs directions, le maintenant fermement entre ses doigts. Elle était née de ça, elle-aussi. Un oeuf plus gros, évidemment, mais quand même un oeuf : c'était étrange, de se dire ça. Qu'un être vivant pouvait se cacher derrière cette fragile petite paroi blanche. Comment ça marchait, d'ailleurs ? Comment est-ce qu'une maman plumée à plusieurs oeufs en elle ? Ils sont gros même comparé à elle.

    Est-ce qu'elle lance l'enfant dans un oeuf et l'oeuf se referme et l'enfant grandit dedans ? Mais qui donne les oeufs ? Le monsieur les pond ? Mais comment est-ce que l'autre poilu avait pu-

    Un éclat de lumière en bas, si soudain que Stheno déroula sa queue de l'arbre pour se jeter en arrière, les yeux tout écarquillés et alertes alors qu'elle atterrit sur ses deux bras, la queue nouée comme un ressort, prête à fuir le danger. Très légèrement, elle pencha la tête sur le côté et sa langue sortit de sa bouche entre-ouverte comme une de ses flèches, attrapant l'oeuf avant qu'il ne puisse toucher le sol et, par réflexes, l'engloutissant de façon tout aussi rapide. Elle s'en lécha même les lèvres par réflexe, même alors que le reste de son visage était inexpressif, guidé purement par un instinct animal devant le bruit, la lumière et le danger qui venait de tuer le longue-oreilles en bas.

    Qui venait de tuer sa proie.

    Sa curiosité piquée, Stheno ne vint pas promptement disparaître dans les ténèbres de la forêt, établissant autant de distance que possible d'un coup pour ne pas être la prochaine victime de la lance-lumière qui venait de carboniser son prochain met. Avec hésitation, le geste silencieux, la jeune hybride se plaqua simplement au sol, le visage toujours complètement inexpressif. Puis, "marchant" à deux bras, la queue ondulante, elle se rapprocha de la clairière où avait été occis le petit animal, curieuse de voir l'animal qui venait de le pourfendre avec autant de fracas. Sa puissante vue, nullement affaiblie par les ténèbres, vit loin, loin, pour voir...

    Elle faillit prendre son arc en ce moment. Un poilu. Devant elle. Qui dépeçait sa proie, lui retirant tout le sang pour le ranger dans un truc creux. Et lui enlevant des parties du corps. Le geste était détaillé, recherché, pas un geste amateur, mais en plus Stheno put constater qu'il avait une peau d'ébène, différente de celle d'un poilu. Surprenant? Vii, mais en plus il avait deux cornes, ce qui n'était pas normal. Il devait être un cornu. Pis il avait des ongles très longs mais pas des griffes, donc un onglet elle se disait. Les cornes avaient un air fendu, elle remarqua, mais vu que c'était peut-être son premier cornu, elle ne put vraiment le remarquer. Il devait être bête et se prendre beaucoup de murs !

    Sa peau luisait, par endroits, sans qu'elle ne se concentre dessus : quand elle essayait, la lumière s'en allait, puis revenait quand elle regardait ailleurs, puis s'en allait encore. Mais que quoi d'abord ? Elle perdu bien quelques minutes à essayer de regarder sa lumière sans en perdre la trace, lui permettant de festoyer du cadavre de sa proie, puis d'appliquer son sang sur sa peau, puis d'appliquer le sang autour de lui et-et- et Stheno ne comprenait rien à ce qu'il faisait. Mais elle se disait qu'elle avait faim et qu'il avait laissé un peu du longue-oreilles. Donc, elle pouvait se servir, vu qu'il le lui avait volé.

    Elle lui aurait lancée une branchette à la tête, mais en fait, elle se disait que ce Pa-Lumière méritait de se faire piquer l'organe, vu qu'il avait piquée sa proie de base. Après, après... bah, elle voulait un peu voir sa réaction. Et aussi juste l'embêter un peu. Mais aussi assumer sa faim, vu que ça ne faisait que quelques minutes depuis son dernier repas. Se levant donc, Stheno décida de sortir de la protection des arbres, rampant vers le milieu du cercle d'un air casuel, le visage déjà fendu d'un léger sourire. Puis, si elle n'était pas interrompue dans son humble tâche, alors elle irait empoigner le... le truc du longue-oreille pour se le jeter dans le gosier, comme ça, tout tranquillement. C'était pas gros un longue-oreille, et ça c'était encore plus petit, mais ça tiendrait.

    Puis, si elle venait à réussir, elle se tourna vers le Pa-Lumière, le remerciant d'un simple mouvement de la tête, et se massant l'estomac. Elle savait que c'était un geste de bien avoir mangé.

    Il n'était pas le premier qu'elle avait observé en silence, comme ça, sur plusieurs minutes.
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