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  • Lun 21 Nov - 18:41
    Bourg-Argent était une petite ville située dans les terres du nord. Conquise par le Reike lors de la seconde guerre des titans, la bourgade s'était rangée du côté des mortels très vite, parfaitement consciente des risques qu'elle encourait si elle refusait de se soumettre, et de la fatalité de sa future conquête. Face à cette soumission rapide, l'Empire avait établi avec le bourgmestre un traité rapide qui autorisait la ville à continuer de servir de relais pour les différentes caravanes marchandes passant dans la région et surtout à continuer l'exploitation des quelques mines d'argent qu'elle possédait. Depuis la fin de la guerre, la ville prospérait relativement bien et il y faisait plutôt bon vivre, malgré le froid mordant la chair. De plus, la ville avait été laissée en autogestion, c'est à dire qu'aucune garnison impériale n'y avait été établie et seule la garde locale s'assurait du bon respect de l'ordre et de l'autorité. Enfin, le bourg était situé sur une colline entourée de champs givrés, lui offrant une position stratégique non négociable, et permettant à cette dernière d'être repérée à des lieux à la ronde attirant ainsi les aventuriers et autres voyageurs en quête de repos. Peut-être était-ce, au final, tous ces détails qui faisaient qu'aujourd'hui la ville demandait l'aide des forces de l'Empire.
    Tournant en rond dans son bureau, le bourgmestre était rongé à la fois par l'attente et l'inquiétude. Si ses gardes avaient repéré les troupes de Fictilem la veille, l'officier impérial et ses hommes ne s'étaient toujours pas présentés aux portes de la ville. Dix caravanes détruites, en moins de deux semaines. Il s'agissait d'une terrible affaire qui menaçait, non seulement la pérennité de la ville, mais également les intérêts de l'Empire. Alors, celui qu'on surnommait "Patte d'argent", avait fait ce qui lui semblait évident. Il avait envoyé une lettre à la capitale, implorant la venue d'une troupe. Et, à sa grande surprise, on l'avait informé de la venue dune troupe de spécialistes. Depuis, il avait attendu. Toujours dans cette froide angoisse d'une nouvelle attaque contre l'un des convois transitant par sa ville. Puis, finalement, l'un des gardes vint le chercher. Les forces de l'Empire arrivaient enfin et, avec elles, la promesse d'une future paix retrouvée. Indiquant à son vilain d'informer l'officier impérial qu'il les rejoindraient à l'auberge du tonneau percé, le bourgmestre entama sa préparation.

    *
    *  *


    Scrutant les murs de la ville, Deydreus soupira longuement, replaçant par la même occasion la cape qui recouvrait son armure d'ébène. La route avait été longue depuis la capitale. Pire encore, le temps n'avait pas été clément envers le vétéran et ses hommes. Tempêtes de sables, pluie, et maintenant premières neiges. Rien qui avait facilité leur progression. Lorsqu'enfin ils aperçurent la colline sur laquelle siégeait Bourg-argent, Deydreus avait failli prendre Alasker dans ses bras. Enfin, il aurait put le faire s'il avait été enclin à autre chose qu'une profonde lassitude dû au voyage. Ils avaient établi la veille un campement aux abords de la ville, volontairement. L'officier avait pris l'habitude de faire cela lorsqu'il était attendu quelque part. Soit il arrivait plus tôt que prévu, soit plus tard. Cela permettait de déjouer les potentiels pièges dressés contre ses hommes si un ennemi quelconque se décidait à les traquer. De plus, il souhaitait entrer en ville plus ou moins reposé, et non pas fatigué d'un long périple. Tournant légèrement la tête afin d'observer le reste de ses troupes, le vétéran prit un air satisfait sous son heaume noir de jais. La fatigue qu'il avait put voir la veille au soir s'était évanouie dans la nuit et seul une rigueur professionnelle se lisait dans les yeux de ces fantassins. A ses côtés, l'Enragé était présent. Une présence qui, au delà de la valeur stratégique, permettait à Deydreus d'être serein quant à ses arrières. Il ne comptait plus les combats remportés aux côtés de son ami lycanthrope, ni les blessures qu'ils avaient partagé. Pointant du doigt les murs de la bourgade, l'être aux yeux vairons tenta d'attirer l'attention de son bras droit.

    - Ils s'agitent, le bourgmestre a sans doute aboyé quelques ordres afin de préparer notre accueil. Egalement, remarque comme aucun convoi marchand n'a croisé notre route depuis le sud. Il y a effectivement quelque chose qui ne tourne pas rond ici. Allons. Ne les faisons pas attendre plus longtemps.

    D'un geste des pieds, Deydreus ordonna à sa monture d'avancer. Arrivé au niveau des portes, l'officier fut étonné de voir ces dernières grandes ouvertes, ainsi qu'une dizaine de gardes l'attendant. Leur tenue était plutôt acceptable pour de simples gardes et il devait bien reconnaitre qu'ils avaient l'air, pour le moment, plutôt discipliné. Aucun d'eux n'affichait une posture molle ou fainéante. En rang, ils attendaient que leur supérieur ne vienne accueillir les visiteurs, prêts à répondre au moindre ordre donné. Au fond de lui, Deydreus aurait aimé qu'il en soit de même pour toutes les forces de Reike. Un homme s'approcha alors de lui d'un pas déterminé. Ses courts cheveux blonds, couplés à sa barbe finement taillée l'aurait facilement fait passé pour un nobliau des terres du nord. Seulement, l'uniforme de la garde ainsi que son regard éreinté témoignait de sa basse extraction. S'arrêtant à quelques pieds de l'officier, le présumé chef de la garde salua formellement les nouveaux arrivants.  Fixant quelques longues secondes les deux dirigeants de la troupe noir et sang, il se râcla la gorge, tentant de ne pas gâcher ses premiers mots à l'égard des invités de son seigneur.

    - Messires, soyez les bienvenus à Bourg-argent. Si la météo n'est pas très clémente, nous espérons que vous apprécierez tout de même votre séjour ici bas. Je me nomme Konrad, chef de la garde de la ville. Patte-d'argent a demandé à ce que je vous conduise à l'auberge du Tonneau percé, qui sera votre lieu de repos pendant toute la durée de votre présence ici. L'établissement a été réquisitionné spécifiquement pour vous et vos hommes, et tous les frais sont à la charge de la ville. Veuillez me suivre s'il vous plaît.

    Haussant un sourcil, Deydreus ordonna à sa monture d'avancer, suivant au pas le fameux Konrad. Il était assez inhabituel que l'on ne loge l'officier et ses troupes. En temps normal, on les laissait stationner en dehors de la ville, ou bien lorsque cette dernière était munie d'une garnison Reikoise, on les invitait à y séjourner. Le fait que le bourgmestre prenne les devants et les installe dans une auberge au cœur de sa ville, témoignait à la fois du besoin qu'il avait de rendre les hommes de Deydreus visibles à qui que ce soit, et également sa volonté de faire, sans mauvais jeu de mots, patte blanche vis à vis des impériaux. Car c'était là la véritable raison de leur présence. Si les attaques pouvaient provenir de bandits ou autres malfrats, plusieurs signes témoignaient de la présence d'acolytes vénérant les titans. C'est pourquoi l'officier s'était rendu sur place spécifiquement. Car s'il ne s'était agit que de bandits, l'armée aurait probablement déployé des troupes secondaires afin de simplement sécuriser les routes. C'était là aussi une chose que les civils ne comprenaient pas nécessairement. Un Empire, était par définition étendu et en extension. De ce fait, la logistique et la gestion des troupes armées devait se faire minutieusement, au risque d'étirer inutilement les forces à disposition et d'affaiblir des positions qui auraient été habituellement défendues aisément. En revanche, la présence de cultistes était une chose grave, et il valait mieux agir vite afin d'éviter tout débordement, voir la sédition complète de la ville face à une inaction impériale. De plus, l'attaque des convois de minerais impliquait aussi potentiellement la transformation de ces derniers en armes et armures pouvant servir soit les rebelles soit les cultistes.
    Sortant de ses pensées alors qu'ils arrivaient vers la place de la ville, Deydreus remarqua rapidement les différentes barrières mises en place et qui formaient grossièrement un cercle de combat. Au dessus de ce dernier, pendaient plusieurs banderoles et autres fanions. On pouvait également voir diverses tables alignés sous des tonnelles de toiles et plusieurs petites tentes qui venaient à peine d'être construites.

    - Votre place ne sert-elle pas habituellement pour le marché? Ces installations doivent être encombrantes pour les différents marchands.
    - Hum? Ah, vous parlez probablement de l'arène et des tables. Cette période de l'année est habituellement dédiée à un tournoi local que nous organisons, attirant différents aventuriers souhaitant prouver leur valeur ou bien des chevaliers en quête de combats honorables. Nous appelons ça la "danse de l'épée". Durant ces festivités, le marché n'a lieu qu'une fois par semaine, dans des halles dédiées un peu plus au nord de la ville. Ce qui n'est pas plus mal aux vues des nombreuses tombées de neige.
    - Intéressant. Et ces festivités ont déjà débuté? Je ne vois pas grand monde.
    - Non, pas encore. Etant donné que nous avons subis de nombreuses attaques ces derniers jours, le bourgmestre a préféré décaler la Danse. Les habitants ont un peu râlé mais tout le monde comprend que nous ne pouvons pas nous permettre de lancer un événement aussi important pour l'économie de la ville avec un risque aussi élevé d'attaques.
    - Je vois.
    - Voici l'auberge. Venez, vous pouvez attacher votre monture contre le poteau juste là. Le fils de l'aubergiste est palefrenier de métier, il s'occupera de votre bête.

    Mettant pied à terre, Deydreus attacha donc comme convenu l'animal l'ayant transporté jusqu'à présent. Sentant le léger craquement de la fine neige sous ses pieds, l'officier se remit en marcha tandis que ses hommes se tenaient en rang sur la place, attendant la moindre instruction. Retournant au niveau du chef de la garde, l'officier attendit qu'Alasker ne le rejoigne pour continuer de marcher avec Konrad. Arrivant devant la porte de l'établissement, ce dernier se retourna après l'avoir ouverte et resta silencieux le temps que le duo ne donne ses ordres aux différents fantassins. Il valait mieux être prudent, au cas où l'ennemi tenterait quelque chose. Car c'était dans le relâchement que venait la faiblesse. Entrant finalement à la suite de Konrad et accompagné d'Alasker, Deydreus sentit l'air chaud du feu crépitant plus loin venir lécher son corps. Un peu devant eux et debout derrière l'une des nombreuses tables de l'auberge, se tenait un homme que l'officier identifia très rapidement comme étant le bourgmestre. Ses vêtements fins démontraient une appétance pour le chic et les broderies. Assez petit, l'homme arborait fièrement de longs cheveux bruns tressés et une moustache impériale. Ses yeux d'un bleu glacé fixaient les nouveaux arrivant tandis que ses lèvres fines s'étiraient en un léger sourire. Visuellement dans la quarantaine, l'homme avait tout de même bonne allure malgré les quelques rides qui s'étaient installées sur son visage anguleux. Pour le reste, l'homme possédait un grand signe distinctif. Sa jambe droite arborait une grande prothèse argentée à partir du genoux. D'ailleurs, les braies du bourgmestre avaient été conçus pour laisser spécifiquement apparaitre la jambe artificielle.

    - Permettez-moi de vous souhaiter à mon tour la bienvenue dans ma ville messires! Je suis celui qui a fait appel à vous. Sire Aliryon Gaedr. Surnommé "patte-d'argent" par toute la région en raison de... Et bien vous le voyez bien. Invitant le duo à venir s'asseoir à sa table, le bourgmestre enchaina de sa voix rauque. J'espère que le voyage depuis Ikusa n'aura pas été trop pénible, je sais que le climat ici est bien différent de l'aridité désertique du sud de l'empire. Prenez place, j'ai demandé à l'aubergiste de nous faire parvenir un peu de nourriture et à boire. J'ai beaucoup de choses à vous dire. Et une fois que nous en aurons terminé, vos hommes pourront venir s'installer.        
    Vrai Homme du Reike
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  • Mar 22 Nov - 18:55
    Contrairement à la plupart des hommes de l’Empire, Alasker aimait les terres du Nord. Pour le lycan, qui avait grandi dans le froid et l’austérité, la neige bordant les chemins de terres de la région était porteuse de souvenirs et d’apaisement. Il n’avait jamais aimé la chaleur étouffante du désert. L’airain de son armure chauffait bien plus vite au soleil que l’acier de ses comparses et si la douleur des brûlures qui en résultait l’aidait à alimenter sa rage en combat comme au repos, elle restait, fatalement, fort peu agréable. Le froid, au contraire, apaisait le corps et l’esprit, une fois les tremblements des premières minutes passées. Il encourageait à la détente en anesthésiant petit à petit le corps. Cela le rendait plus dangereux, évidemment. Plus séduisant. Souvent, les humains mouraient en s’endormant dans son étreinte. Mais pas les loups. Surtout pas celui-là.

    Le voyage jusqu’à la ville de Bourg-Argent avait duré quatorze jours. La première moitié s’était faite dans le désert, ce qui avait rendu le géant exécrable, prompt à l’emportement. Il avait manqué d’expédier son poing dans le visage d’un marchand itinérant lorsque ce dernier les avait dépassés en marmonnant dans son incompréhensible langue. Luttant de toutes ses forces contre ses instincts guerriers, Alasker s’était contenté de gronder rageusement un “bâtard d’elfe” qui avait obtenu quelques rires d’assentiments dans la troupe. Le conducteur de la caravane s’était empressé d’accélérer lorsqu’un lancier avait craché dans sa direction, et le calme était revenu.
    Retrospectivement, le géant aurait presque pu regretter son acte. Haineux, il l’avait toujours été, mais jamais pour des motifs aussi futiles que le racisme. Alasker méprisait chaque race avec la même intensité, même la sienne. Ses mots avaient pourtant franchi ses lèvres avec une déconcertante facilité, uniquement dans l’espoir qu’ils touchent suffisamment son destinataire pour qu’il tente quelque chose, n’importe quoi, dans le but de redorer son honneur. Mais le marchand avait simplement continué sa route, sans grande surprise. Un homme qui faisait les routes pour gagner sa vie avait en général assez de jugeote pour ne pas tenter la confrontation en croisant une colonne de soldats. Ce qui avait été le plus étonnant là-dedans, bien sûr, ç’avait été la réaction des autres gars.
    Dans la troupe, il y avait un elfe et trois demi-elfe. L’un d’eux, Esyleij, un grand blond aux oreilles indubitablement pointues, avait rit avec les autres en entendant l’insulte. Ça n'avait pas de sens. Mais les comportements des êtres humains étaient souvent incompréhensibles.

    Cet incident mis à part, le voyage s’était passé calmement. Peut-être un peu trop. Fort heureusement, à l’instant où la neige s’était mise à tomber, l’humeur d’Alasker avait changé. D’exécrable, il était passé à sympathique, presqu’enjoué. Sa lourde carcasse avait pris la tête de la troupe pour le plus grand bonheur des éclaireurs, qui avaient eu bien du mal à s’habituer au changement brutal de température. Les soirs, après l’installation du campement, il avait passé du temps en compagnie des hommes, même chanté et ris quelquefois avec eux. Sa bonne humeur avait été communicative pendant un temps, mais le froid assombrissait la plupart des esprits et le voyage s’était globalement terminé dans la morosité la plus absolue. L’arrivée aux portes de la ville avait eu des conséquences plutôt attendues. Les habitants ne pouvaient qu’adresser des oeillades inquiètes à cette bande de patibulaires soldats aux mines fermées, dirigés par un officier aussi froid que le vent du nord, juché sur un noir destrier caparaçonné et par une brute à la démarche animale.

    Alors qu’ils avançaient dans la ville, Alasker n’avait eu de cesse de remarquer le silence qui venait s’inscrire dans leur sillage. Parfois, des volets se fermaient. Les gardes de la ville, de leur côté, les avaient accueillis avec un peu plus de chaleur. Ils n’avaient pas l’air d’imbéciles et semblaient suffisamment professionnels pour comprendre que la troupe ne venait pas pour voler leur travail. Tant mieux. Décapiter quelques fortes têtes d’emblées aurait été problématique pour le maintien de l’ordre, ici-bas.
    Ils étaient arrivés dans l’auberge avec empressement, le chef de la garde, Konrad, n’étant manifestement pas un homme du genre à parler plus que nécessaire. Encore une bonne chose. Les beaux parleurs étaient trop souvent incompétents. Lorsqu’ils étaient entrés, deux soldats s’étaient immédiatement dirigés vers le grand Hongre de Deydreus pour s’assurer que le voyage l’avait laissé indemne. Alasker n’avait jamais compris l’intérêt que ses camarades portaient aux chevaux. Trop lourd pour en chevaucher un, il préférait, de toute façon, voyager à pied. Combien d’hommes s’étaient rompus le cou à cause des caprices de l’une de ces stupides bestioles? Pourtant, nombreux étaient les soldats de la troupe à fixer le destrier de Deydreus avec convoitise. Personne ne semblait partager son désintérêt pour ces tas de viande imbéciles. Peut-être était-ce le statut respecté de chevalier qu’ils convoitaient? Ca aurait déjà eu plus de sens que de simplement vouloir posséder un animal de compagnie coûteux, encombrant et disgracieux.

    A l’intérieur de l’auberge, ils avaient été accueillis par ce petit homme à la patte manquante, qui s’était empressé de les inviter à sa table. Là, le bien nommé “patte-d’argent” avait pu se présenter et expliquer des choses dont Alasker se fichait bien. Deydreus l’avait écouté, poliment. Alasker, de son côté, s’était mis à ruminer à l’instant où les lèvres du type s’étaient mises à bouger. Une jambe en argent, c’était un peu trop ostentatoire pour être synonyme d’autre chose que de la plus pure crânerie. Il catalogua instantanément le petit être de riche à la vie trop facile. Beaucoup de Bourgmestres souffraient de pareil statut. De celui-ci découlait bien souvent une faiblesse que les villes sous leurs ordres finissaient invariablement par payer, d’une manière ou d’une autre. Le lycan espéra qu’aucune rébellion ne couvait et que la famine ne traînait pas dans certains quartiers.
    Après sa présentation, un petit silence s’installa. Alasker retira son casque et le déposa sur la table, à sa droite et sentit un craquement dans sa nuque alors qu’il dodelinait de la tête pour apaiser la tension du voyage. L’aubergiste arriva à ce moment, un énorme plateau en main, chargé de trois assiettes dominées par une large bouteille. De lui-même, il versa généreusement un breuvage rougeâtre qui devait être une spécialité quelconque de la ville mais qui ne sentait clairement pas le vin, puis le bourgmestre et enfin le lycanthrope.
    Constatant que sa chope était à peine remplie de moitié, Alasker grimaça.
    “-Les bouteilles aussi sont percées, manifestement.” Grinça-t-il en scrutant l’épais liquide au fond du récipient. Le bourgmestre eut un sourire gêné. Deydreus s’efforça de demeurer stoïque.
    “-La situation est complexe, comme vous le savez sans doute.” Risqua tout de même le Bourgmestre, et il se lança dans un pénible exposé censé expliquer les raisons de leurs venues ici.
    Des marchands attaqués. Des routes peu sûres. Voilà qui valait le coup de convoquer des spécialistes en la matière. La grimace d’Alasker s’allongea pour ne plus quitter son faciès pendant toute la durée de la pénible plaidoirie. A la fin, il porta la chope à ses lèvres et but le contenu d’une traite.
    Il fallait plus mâcher que boire l’étrange spécialité. Mais il y avait de l'alcool dedans. Beaucoup. Et c’était mauvais. Très mauvais. Alasker se tourna vers Konrad, qui patientait, debout, à droite du Bourgmestre, les mains dans le dos. Les yeux d’encres du loup ne semblaient pas le mettre mal à l’aise, bien.
    “-Excusez-moi.” Fit-il avant de se lever. “Je vais m’entretenir avec le chef de votre garde pendant que…ça refroidit.
    Le géant sentait que son ami, toujours silencieux, avait aussi tout le mal du monde à accepter le fait d’avoir subi quatorze jours de voyage pour simplement massacrer une bande de brigands.  Il lui posa la main sur l’épaule et murmura :
    “-Il faudra dire aux hommes de manger quelque chose de très solide avant de boire cette saloperie.” Puis, d’un geste, le guerrier à la hache invita le chef de la garde à le suivre. Ce dernier hésita un temps avant d’enfin s’exécuter. A en juger par le regard que le seigneur de la ville lui lança, l'attitude du géant ne plaisait pas. Tant mieux. Depuis son arrivée dans la troupe, Alasker avait accepté d'endosser le rôle du désagréable. Du trouble-fête. Celui qui disait et faisait les choses que son chef ne pouvait se permettre de faire. Lorsqu'un imbécile devait être ridiculisé ou remis à sa place, il s'en chargeait et attirait son antipathie. Alors, Fictilem pouvait engager une conversation avec l'humilié sans craindre de subir son ire, déjà tout à fait centrée sur le "monstre" qui l'accompagnait. Sur les plus futés, ce genre de sournoiserie ne marchait pas toujours. Mais sur un bourgmestre ne voyant pas plus loin que les remparts de sa ville, elle avait fort peu de chance d'échouer.
    Ils laissèrent derrière-eux le duo de dirigeant, à l’instant où la voix de Deydreus se faisait entendre, et allèrent s’installer à une autre table, assez loin pour que le Bourgmestre ne puisse pas les entendre.

    “-Soyez honnête avec moi Konrad, est-ce que c'est une histoire de moyen?
    La question pris l’homme au dépourvu. Ses yeux se plissèrent et il jeta un regard du côté du Bourgmestre. Celui-ci, trop occupé à écouter ce que le chef de troupe était en train de lui expliquer avec un calme olympien, ne le remarqua pas.
    “-C’est moi qu’il faut regarder fiston."
    Privé du soutien de son supérieur, il dû se résigner à réorienter son attention sur le tueur qui le fixait avec amusement.
    "-Je ne saisis pas la question.” Répondit le blond. Il ne se démontait pas facilement. Ce qui impliquait une certaine fierté. Une désagréable sympathie pour le chef de la garde vint surprendre son vis-à-vis. “Pourquoi aurait-on besoin de plus de moyens?” Son regard vif disait pourtant qu’il saisissait très bien la question. Alasker se prêta tout de même au jeu, quand bien même enfoncer les portes ouvertes n’avait jamais été sa spécialité.
    “-Pour la garde. Former des recrues. Pourquoi pas une milice locale. En tout cas quelque chose qui botterait le cul aux pillards du coin avant qu’ils ne viennent vous piquer vos marchands. Vous êtes combien à porter les armes ici?
    -Cinquante-sept, moi inclus.
    Ca, c’était une surprise. Il s’était attendu à une trentaine, et encore. Un petit nombre qui aurait pu expliquer l’absence d’hardiesse de la garde. Cinquante-sept, pour une petite ville relai, c’était acceptable. Pas idéal. Mais ils avaient déjà vu pire. Alasker soupira.
    “-On va voir ça plus tard, il vous en faudra une centaine si des pillards ont remarqué votre mollesse.
    Piqué dans son égo, le chef de la garde céda :
    “-Nous avons des ordres…
    -Ah !" S'exclama en retour le lycan, sentant la venue prochaine d'une confidence risquant fort peu de le surprendre.
    Alasker haussa un sourcil, se pencha un peu plus en avant et la table grinça sous son poids. Tout sourire, il invita son nouvel ami à poursuivre :
    “-Continue fiston, je crois que ce que je vais entendre va me plaire.
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  • Mer 23 Nov - 20:16
    Dans son travail, Deydreus aimait beaucoup de choses. Il aimait la rigueur que ce dernier lui imposait, ainsi que les entraînements quotidiens. Pour lui, c'était dans le repos que la corruption et la faiblesse apparaissait. Il appréciait également grandement le respect de ses hommes et l'adversité de certains de ses ennemis. Même la dureté des différents voyages pouvaient, dans certaines occasions, lui être agréables. Mais, jamais, discuter avec des nobliaux et autres petits chefs ne lui avait plut. Le bourgmestre tombait, naturellement dans cette catégorie de personne qui parlait trop. Habituellement, ces individus aimaient s'entendre parler et lâchait continuellement un flot de mots rébarbatifs et redondants, afin d'appuyer sur leur intellect supérieur. En réalité, ils n'avaient d'ailleurs rien de supérieurs à leurs sous-fifres, si ce n'était la richesse de leur sang.

    Ecoutant silencieusement Patte-d'argent et son récit, l'officier eut la désagréable impression d'un déjà vu. Et pour cause, le bourgmestre ne faisait que lui répétait ce qu'il avait déjà établi par courrier, s'étendant cette fois encore plus sur l'importance des convois et leurs richesses tout en appuyant sur ses inquiétudes personnelles. Evidemment que les convois étaient importants, et pas que pour la survie d'une ville située dans les contrées du Nord. Quand Alasker se risqua à boire le contenue rougeâtre que leur proposait l'aubergiste, Deydreus observa sa réaction quelques secondes avant d'à son tour, boire le contenu de sa choppe. Le vétéran avait but beaucoup de breuvages alcoolisés dans sa vie. Certains, provenant des cactus près de la capitale avaient cette capacité d'arracher la gorge tout en brûlant l'intérieur de l'œsophage. Pourtant, il aurait préféré en boire à cet instant plutôt que cette étrange mixture. Ce n'était ni du vin, ni de l'hippocras. C'était juste mauvais. Cherchant à deviner l'arrière gout que laissait la boisson, il abandonna finalement sa tentative en constatant qu'à part la destruction de son palais par le degré d'alcoolémie présent, rien ne se dégageait réellement de la boisson. A part peut-être l'épaisseur de cette dernière, rappelant vaguement une quelconque liqueur que certains aubergiste utilisait lors de la création de boissons fantaisistes. L'Enragé fit alors une remarque concernant la dite boisson avant de laisser le duo pour s'entretenir avec le chef de la garde. Ses mots n'avaient pas plus, mais Deydreus s'en moquait éperdument. Alasker n'avait jamais été présent pour jouer les diplomates. Ses talents résidaient ailleurs et l'officier savait parfaitement que son ami, aussi désagréable pouvait-il paraître pour les autres, n'était pas stupide.

    - Votre compagnon manque de subtilité. J'imagine que l'étiquette n'est pas dans ses habitudes.

    Relevant les yeux vers Patte-d'argent, Deydreus fixa quelques secondes le bourgmestre qui affichait une mine mêlant colère retenue et dégout. Posant sa propre chope sur la table tout en se promettant de ne plus jamais y toucher, l'officier soupira longuement, attirant vers lui les yeux du chef de la ville.

    - Je ne lui demande pas de l'être. Mes hommes se doivent simplement d'être efficaces. Et Alasker est l'être le plus talentueux que j'ai rencontré dans son domaine d'expertise. D'ailleurs, je vous recommande de lui dire cela de face, si vous souhaitez voir l'étendue de ces talents.

    L'expression du bourgmestre changea alors, sa colère retenue laissant place à une légère peur. Deydreus n'aurait sut réellement dire s'il s'agissait d'une crainte vis à vis de l'abandon de la mission par les Serres Pourpres ou bien la crainte que l'officier n'ait l'intention de laisser l'Enragé seul avec lui.

    - Revenons à notre situation. Vous m'avez parlé des attaques sur les convois et leur importance, mais pas des environs ni des contre-mesures mises en place. Qu'ont donné les patrouilles aux alentours?
    - Il n'y a pas eu de patrouille.
    - Comment ça, "il n'y a pas eu de patrouilles"?
    - Cela n'aurait servi à rien, je connais ces terres et les différents endroits ou un groupe peut se terrer. De plus, avec la préparation du festival, j'ai préféré être certain qu'aucune menace ne pouvait nous frapper de l'intérieur.
    - Soit, mais vous parlez dans votre lettre de "potentiels rebelles". Qu'est-ce qui vous fait dire ça?
    - Et bien, chaque fois que nous changions d'itinéraires pour les caravanes, ou bien lorsque nous mettions en place des routes alternatives, notre ennemi parvenait tout de même à frapper. J'ai donc naturellement estimé qu'un espion se trouvait ici et que cela était l'œuvre des rebelles sauvages. Vous savez, je les ai combattu. Je sais comment ils pensent. Ils n'aiment pas le fait que notre Empereur ait stoppé ses conquêtes, qu'ils devaient adopter la vie Reikoise et abandonner leurs raids. Leur présence est très forte dans la région, bien plus que de vulgaires bandits de grands chemins.

    Observant l'architecture de l'auberge, Deydreus ne répondit même pas à la dernière remarque du bourgmestre. Plus que tout, il n'avait pas besoin qu'on le renseigne sur les motivations des rebelles du grand nord. Il connaissait bien assez son ennemi pour connaître toute leur histoire. Légèrement agacé par la situation et persuadé qu'on gâchait actuellement les ressources de l'Empire, l'officier laissa tout de même Patte-d'argent lui expliquer comment les rebelles avait mené de violents assauts contre la ville lors de la seconde guerre des titans et comment, alors qu'il se battait vaillamment, il avait perdu sa jambe à la suite d'un duel contre l'un de leurs chefs. Deydreus appréciait au moins cela chez le nobliau, il s'était battu et n'était pas resté simplement en arrière à se cloitrer dans ses fortifications. A vrai dire, c'était probablement la seul chose qu'il appréciait du personnage. Malheureusement, le guerrier qui méritait son respect était visiblement mort en même temps que les capacités de courses du bourgmestre. Dans sa convalescence et la paix qui l'avait accueilli, Patte-d'argent s'était encroûté, il s'était laissé allé au confort et à la fainéantise. Il avait pris un embonpoint témoignant de son manque d'exercice et les mesures qu'il avait pris contre les attaques démontraient qu'il avait laissé derrière lui toute logique stratégique. Pire, il s'était laissé dévorer par la peur du risque financier qu'impliquait ces attaques. Il n'avait pas pensé de manière pragmatique et préférait garder ses hommes près de lui, sous couvert d'enquête à l'encontre d'une potentielle présence rebelles. Un autre lâche de plus, qui devait gérer une ville prisonnière de ses décisions stupides.

    - Je crois avoir appris tout ce dont j'avais besoin. Nous nous mettrons au travail demain matin, mes hommes ont besoin de repos.
    - Tout naturellement.
    - Et de vous à moi, je préfère laisser un peu de temps à la ville pour qu'elle prenne connaissance de notre présence. Si des rebelles se terrent bel et bien parmi vos citoyens, alors ils tenteront quelque chose lorsque nous naviguerons dans les entrailles de vos rues. En attendant, je suppose que nous pourrons vous retrouver près de l'hôtel de ville?
    - Bien sûr, ma demeure se situe à l'étage de ce dernier, aussi n'hésitez pas à venir moi voir pour vos rapports, ou bien pour une demande d'information. Je vais vous laisser vous reposer et surtout vous installer convenablement. Oh et une dernière chose.
    - Oui?
    - Savourez bien les plats que notre aubergiste favori vous aura préparé, si "l'alcool de vouivre" n'est pas à votre gout, je suis certain que notre nourriture le sera. A plus tard messire.
    - A plus tard.

    Laissant le bourgmestre quitter l'auberge après avoir été rejoint par son chef de la garde, Deydreus analysa les mouvements irréguliers de Patte-d'argent avant de lâcher un long soupir sortir de sa gorge lorsqu'il fut rejoint par Alasker. Plongeant un couteau dans la viande rougeâtre devant lui, l'officier gouta finalement à la nourriture et dut reconnaître qu'au moins, cette dernière était comestible. Quand l'Enragé fut enfin installé, le vétéran décrocha la gourde qui pendait à sa ceinture pour la tendre au géant à l'armure écarlate.

    - Tu devrais boire une gorgée. Au moins, ça aidera à mieux apprécier la nourriture.

    Marquant une petite pause alors qu'il avalait les pommes de terres rissolées qui accompagnaient la viande, Deydreus enchaina presque instinctivement, persuadé que son ami l'écoutait.

    - Cette histoire ne sent pas bon. Outre l'incompétence évidente de ce bourgmestre, trop de détails ne collent pas. Même s'ils ont décâlé le festival, il devrait au moins y avoir un peu d'activités dans la ville. Pourtant, lorsque nous sommes entrés nous n'avons croisé que des maisons ternes et des rues désertes. Notre troupe n'a pas l'air sympathique, mais elle attire généralement la curiosité des plébéiens. Lorsque les gars seront installés et que tout le monde aura passé une nuit de repos, nous irons explorer Bourg-argent.

    Repoussant finalement l'assiette qui trônait devant lui, le chevalier à l'armure d'ébène essuya ses lèvres avec le morceau de tissu qu'on lui avait donné avec le plat.

    - Dis à Léonard, Ixchel, Godrek, Viryon et Aki qu'ils nous accompagneront en ville demain matin. Pour le reste, préviens Esyleij, Ikaryon et Vivien qu'ils formeront trois patrouilles. Je veux qu'ils observent les alentours de la ville afin de savoir si quelque chose de particulier s'y passe. Un campement caché, un charnier bestial, n'importe quoi. Ils fouilleront les champs gelés, la proximité des mines et les bois enneigés plus au nord. En attendant... Il s'étira rapidement avant de poser ses coudes sur le bois vernis de la table de l'auberge. Dis moi ce que tu as appris de notre cher Konrad.

    Une fois les échanges entre les deux leaders de la troupe des Serres pourpres furent achevés, Deydreus laissa enfin entrer ses hommes à l'intérieur de l'établissement. Réchauffés par la chaleur du feu, ces derniers s'installèrent rapidement et très vite, les rires et discussions prirent la place du silence ambiant. Même le tenancier de l'auberge et les quelques personnes travaillant avec lui affichèrent des mines bien plus détendues que lorsque le bourgmestre échangeait avec Deydreus plus tôt. Puis, peu après le repas, les ordres furent donnés et chacun reçut les instructions qui lui étaient destinées. Entrant dans sa chambre, le chevalier déposa ses deux épées contre la table servant de bureau avant de s'asseoir sur le lit. Ce dernier n'était pas spécialement mou, ni spécialement dur. On pouvait très facilement remarquer la pailles qui dépassaient du matelas et les plumes de l'oreiller étaient déjà écrasées à cause des anciens clients de l'auberge. Mais au moins, la couverture n'avait pas de puces et ils ne dormiraient pas dans une tente pendant toute la durée de leur mission. Enlevant peu à peu son armure, l'être aux yeux vairons prit de longues minutes dans cette affaire, s'assurant parfaitement que rien ne serait abimé et surtout, que l'huile protectrice de l'acier noir était toujours présente sur les nombreuses pièces de l'armure. Finalement allongé sur le lit, Deydreus fixa longuement le plafond. Cette mission était déjà ennuyeuse, et, il le sentait au fond de lui, la ville n'allait pas être particulièrement palpitante.
    Fermant finalement les yeux pour laisser le sommeil le conquérir, l'officier dériva doucement vers le royaume des songes pour revoir, de nouveau, l'enfer des champs de batailles et les cris des mourants.

    Il allait passer une bonne nuit.      
    Vrai Homme du Reike
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    Alasker Crudelis
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  • Jeu 24 Nov - 18:46
    Konrad s’était confié. Difficilement. Le chef de la garde n’était pas un homme qui goûtait l’idée de critiquer un supérieur et encore moins celle de se plaindre. Pour cela, Alasker le respectait. Mais comme beaucoup d’hommes du peuple, il manquait de jugeote. Face aux origines de noble du Bourgmestre, Konrad s’était simplement écrasé. Sans prendre la peine d’émettre un avis ou même, simplement, de s’en faire un. Sans la provocation de la part du nouveau venu au regard d’encre, jamais, le chef de la garde n’aurait pas pris conscience de sa propre absence de réaction. La mollesse. Un mal terriblement récurrent dans les coins reculés de l’empire.
    Après une dizaine de minutes de paroles échangées à voix basse, Konrad s’était retiré. Alasker n’avait rien dit, laissant avec indulgence l’homme d’arme affronter la honte à sa manière, dans le froid. Le Bourgmestre n’avait pas tardé à suivre, d’ailleurs, et le regard hautain que cette vermine s’était efforcée d’afficher en lui passant devant s’était délicieusement mis à fondre à l’instant où le géant avait souri. Ils essayaient toujours de cacher leurs peurs sous ce genre de grands airs. Encore une attitude incompréhensible de la part du genre humain.

    La faim le ramena au présent. La faim, et la perspective de pouvoir manger autre chose que des rations de voyages. Son stock personnel de viande séchée avait fondu comme neige au soleil avant la fin de la première semaine. Alors que le lycanthrope rejoignait son commandant à sa table, il se mit à espérer que l’aubergiste servait une meilleure viande que sa fichue boisson.
    Deydreus salua son retour en lui tendant sa gourde personnelle, qu’Alasker prit sans hésiter pour y boire une gorgée. Son palai, toujours enflammé par l’épaisse et horrible liqueur locale, en fut légèrement apaisé. Sans un mot, le géant affamé déposa la gourde sur la table et se mit à manger, prêt à emmagasiner le flot d'informations et d’ordres qui, il le savait, n’allait pas tarder à suivre.
    Et les ordres vinrent. Alasker les écouta avec attention, les yeux perdus dans le vide et les mâchoires occupées à broyer les os encastrés dans la viande servie. Retransmettre des instructions avait été, de loin, la plus difficile de ses obligations, au début de son service aux côtés de Deydreus. L’officier ne se répétait jamais mais s’exprimait de façon suffisamment claire pour que ses ordres soient limpides. Ce n’était pas ça le problème. Le problème, ça avait été la communication. L’esprit du géant stockait bien les informations, mais la retranscription s’avérait ardue. Il fallait parler sans provoquer de conflit. Rester suffisamment neutre pour ne pas envenimer les choses, lorsqu’un ordre particulièrement désagréable tombait. Mais être sec, lorsque certains se mettaient à rechigner. Sec et neutre. Deux mots qui ne voulaient rien dire, dans son monde. Alasker avait fini par comprendre que l’attitude protocolaire ne lui allait tout simplement pas et s’était mis à redistribuer les ordres à sa manière. En usant de sa stature, de sa force et de ses tendances lunatiques pour dissuader les râleurs de l’ouvrir.
    Une femme blonde, aux hanches un peu larges mais aux beaux yeux bleus s’affairant à nettoyer une table, à quelques pas de la leur, porta son regard dans leurs directions à l’entente des craquements. Il lui fit un petit signe de la main et elle se détourna, visiblement terrifiée. Un gloussement souleva la lourde carcasse du guerrier.
    “-Devine combien de gardes sont affectés à la défense du Bourgmestre et de sa famille.” Commença-t-il, une fois le soliloque de son ami terminé. “Ils sont douze. Six le jour et six la nuit. Pour cinquante-sept gardes en tout et pour tout.
    Court silence. Alasker se mit à rire, à défaut de pouvoir fracasser le crâne de l’imbécile à l’origine de l’ordre. D’un revers de poignet, il s’essuya la bouche puis reprit la gourde de son chef, pour se rincer le gosier.
    “-Je crois que ça résume bien le problème. C’est un Bourgmestre et il demande la protection d’un fichu ministre. Il est terrifié et se terre dans sa ville. On devrait lui couper la tête, placer quelqu’un d’autre à la tête de cette fichue ville et partir chercher un vrai combat là où on a vraiment besoin de nous.
    Cloué sur la poutre centrale du plafond de l’auberge, la tête d’un cerf aux longs bois les fixait, un air surpris éternellement ancré sur ses traits momifiés. Le géant se demanda quel genre de type pouvait éprouver la moindre fierté pour avoir tué quelque chose d’aussi banal qu’une proie mangeuse d’herbe, puis il se rappela du goût atroce de la boisson locale et compris que, malgré le réconfort du froid environnant, rien ni personne ne pourrait le contraindre à apprécier cette ville et ses habitants. Ils étaient dirigés par un lâche et semblaient tous atteints de médiocrité à un stade terminal.
    Les minutes passèrent et la conversation reprit. Alasker expliqua avec une absence notable de retenue que le Bourgmestre, avant d’avoir obtenu la confirmation de leur arrivée prochaine, s’était préparé à une éventuelle disette en s’accaparant quelques “réserves” alimentaires. Les mollassons le supportant à leur tête n’avaient même pas trouvé bon de montrer leur mécontentement à tel point qu’il doutait même que la ville ne soit pas du côté du Bourgmestre si un procès ou une quelconque forme de condamnation avait lieu. Ce n’était pas que les gens l’aimaient, d’après Konrad, mais ils étaient tellement habitués à le voir diriger que son manque de courage passait pour du bon sens. Le fait qu’il soit revenu estropié de la guerre l’aidait beaucoup. On ne pouvait décemment pas -en tout cas lorsqu’on était pas soi-même un guerrier- taxer un ancien combattant de lâche, après tout, n’avait-il pas eu le courage de faire sa part, jadis? Alors les gens avaient hoché la tête lors de son dernier discours, lorsqu’il avait déclaré que le temps était “peut-être” venu de se serrer la ceinture, quand bien même ses propres caves débordaient de réserves. Si des mécontents existaient, ils étaient en sous-nombre et probablement rejetés par le reste des habitants. Pitoyable.
    La conversation dériva petit-à-petit sur des sujets plus communs. Les blagues se succédèrent, puis Deydreus fit entrer dans l’établissement leurs hommes et le reste de la soirée s’avéra, au moins, un peu plus joyeux. Godreck et Aki se mirent à chanter -aussi mal que d’habitude- à l’instant où l’horrible boisson leur fut servie et même le gérant de l’établissement et ses employés finirent par avoir le sourire aux lèvres. Sans doute étaient-ils soulagés de constater que ces soldats étrangers n’étaient pas des soudards aux tendances bagarreuses ou pire, libidineuses. Ce dernier point aurait été particulièrement gênant puisque, derrière le comptoir, dans la cuisine, s’afférait une paire de blondinettes jumelles que l’aubergiste et sa femme s’étaient efforcés de cacher durant tout le début de soirée jusqu’à ce qu’ils soient sûrs que les nouveaux arrivants n’étaient pas du genre agressifs.
    Alasker, lorsqu’il s’installa enfin dans sa chambre, estima que les gérants se relâchaient un peu trop vite. Esyleij n’était certes pas un violeur mais un charmeur confirmé et les cicatrices d’Aki avaient tendance à séduire les pucelles aussi sûrement que le sucre attire les guêpes. Si ils ne voulaient pas avoir à nourrir des bâtards demi-elfes jusqu’aux restants de leurs jours, l’aubergiste et sa femme allaient devoir surveiller leurs protégées plus encore que les soldats.
    Il ricana et déposa sa hache à plat, sur le sol, et remarqua la fourrure de loup étendue le long des planches du parquet. Ses dents se découvrirent dans un rictus sauvage. Triste fin pour un si bon prédateur. Iratus n’avait rien contre la chasse, par grand froid, la fourrure d’un grand ours brun tué de ses mains trônait toujours sur ses épaules…Mais au moins, les restes de sa proie l’accompagnait dans ses voyages. La bête ne restait pas clouée au sol, condamnée à ne plus jamais voir le sang couler ni la neige tomber, dans une auberge miteuse, à se faire écraser par les pieds crasseux d’innombrables soulards. Un tel affront méritait une correction. Mais ces gens n’étaient pas leurs ennemis.
    Dommage.
    Jadis, il avait écorché un chef rebelle dont la tente de commandement était remplie de peaux de loups. Ça avait été une longue affaire, car la lame de la hache s’enfonçait parfois trop profondément et tranchait les muscles et se heurtait à l’os, parfois. Pour le maintenir en vie tout au long du processus, il avait dû s’appliquer. Surtout à la fin. La hampe de sa hache était devenue gluante de sang et des larmes coulaient de ses propres yeux, à cause de l’odeur. Le rebelle était tout de même mort avant que le moindre grain de sel ait été apposé sur ses plaies. Le cœur n’avait pas tenu.
    Mais au moins, la leçon avait été apprise.
    En y repensant, Alasker constata que cette longue mise à mort ne lui avait procuré aucun plaisir, pas la moindre satisfaction. Ça lui avait simplement semblé être…La chose à faire, vu les circonstances. Une fois dans son lit, il se demanda à qui appartenait la part de son esprit l’ayant incité à torturer aussi froidement un autre guerrier en sachant pertinemment que nulle satisfaction ne ressortirait de cet acte. L’homme? Ou le loup?
    Le lycanthrope s’endormit après s’être rappelé qu’aucun loup ne s’amusait jamais à faire souffrir une proie plus que nécessaire.

    Aucun cauchemar ne vint troubler son sommeil. Ni le moindre rêve.

    Au réveil, Alasker dû supporter une migraine. Il se leva et fit ses ablutions matinales en grognant. Puis, le lycanthrope sortit de sa chambre après avoir fixé son armure et entra dans le hall d’accueil de l’auberge pour découvrir Esyleij, accoudé au comptoir, souriant à l’une des deux jumelles qui répondait à ses élucubrations en enroulant l’une de ses mèches de cheveux autour de son doigt avec l’application d’un crocheteur de serrure.
    “-Dégage.” Gronda Alasker en passant devant l’elfe, qui s’exécuta aussitôt. La jeunette s’éloigna du comptoir en fixant le sol. Ceci fait, le géant alla s’asseoir à la table des lève-tôt, aux côtés de quatre autres soldats.
    “-Il a dormi au moins?” Manda-t-il en s’asseyant.
    Quelques ricanements filtrèrent de bouches occupées à mastiquer un pain encore chaud.
    “-Quand j’suis parti me coucher, ils commençaient tout juste à parler.” Répondit Léonard, qui était, de loin, le plus couche-tard en temps normal.
    Alasker leva les yeux au ciel et entrepris, comme tous les matins, de vérifier le tranchant de sa hache.
    “-Bien dormi, Al’?” Manda Esyleij en rejoignant leur table, tout sourire.
    “-Trop dormi. J’ai mal au crâne.” Il détourna ses yeux d’encre de la lourde lame pour les poser sur la silhouette longiligne de l’elfe. “Tu te souviens de ce que j’ai dit, hier, nan?
    -Bien sûr.” Le soldat-charmeur perdit un peu de sa contenance en constatant que son supérieur s’était levé du mauvais pied. Même si Alasker était apprécié dans la troupe, il savait que la plupart d’entre-eux craignaient ses accès de colère plus que les lames ennemies.
    “-Alors qu’est-ce que tu foutais à conter fleurette à cette pisseuse, au lieu de préparer des gars et les emmener dehors?
    Court silence. Ceux qui ne se savaient pas concernés ricanèrent. Ikaryon se leva de sa chaise et s’éclipsa sans un mot, suivi par l’elfe rappelé à l’ordre. Pendant un court instant, Alasker se fit l’impression d’être un professeur rabrouant des élèves un peu turbulents. Ce qu’ils étaient, en réalité. Les autres soldats reprirent leurs discussions, sans que le lycanthrope ne cherche à s’y intégrer. La migraine lui enflammait l’esprit et attirait l’attention de la bête, qui se réveillait en grattant derrière ses yeux avec toute la rage dont elle était capable.

    Au bout d’un moment qui sembla durer une éternité, Alasker sortit de l’auberge pour profiter un peu du soleil matinal. L’air glacé l’accueillit en mordant profondément dans la chair de ses joues et il prit conscience qu’il avait oublié son casque sur la table. Tant mieux. Le froid apaisa un peu la douleur. Sa mâchoire se desserra. Un homme conduisant une charrue chargée de bois coupé et tirée par deux bœufs l’avisa d’un regard inquiet en passant le long de la route qu’il obstruait partiellement. Iratus répondit à son air de chiot apeuré par un grondement, partiellement couvert par le boucan des rouges et des sabots foulant le sol gelé. Et puis le calme revint. Le loup interrompit ses grattements. Alasker accueillit cette paix en s’accordant le droit de sourire. Derrière-lui, au niveau de l’entrée, Esyleij et les autres soldats chargés de patrouiller à l’extérieur des murs de la ville adoptaient une formation approximative avant de se mettre en marche.
    “-Bon courage les gars.” Leur lança-t-il, plus par habitude qu’autre chose.
    “-Pas sûr qu’on en ait besoin, là où on va.” Lui répondit un des gars, son casque sous le bras, avant d’ajouter plus bas. “Tu parles d’un tas de merde.
    Le géant se mit à rire, compatissant. La route menant à la sortie nord de la ville était grossièrement pavée et remplie de trou. Les baraques alentour, presque toutes faites de terres et de pailles, n’avaient rien à voir avec les demeures du désert. Tout était fait pour garder la chaleur et l’esthétisme n’avait pas sa place ici-bas. Seule l’auberge et probablement l’église du village bénéficiaient du luxe d’avoir des murs en pierre et des vraies tuiles. Ce n’était pourtant pas une histoire de manque de moyens, puisqu’en sa nature de ville-relai, Bourg-argent devait tout de même avoir son lot d’approvisionnement régulier. C’était simplement la météo, le paysage à l’extérieur des murs et l’austérité du décor à l’intérieur qui donnait cette impression de tristesse absolue au tout. Même les avant-postes de sa jeunesse auraient semblé plus vivants.
    Lorsque Deydreus sortit à son tour de l’auberge, il était accompagné de Léonard et des autres. L’un d’eux lui jeta son casque, qu’Alasker attrapa à la volée pour immédiatement le coiffer en remerciant le lanceur d’un hochement de tête. Puis, le lycanthrope rejoignit son chef, qui montait sur son destrier.
    “-Les patrouilleurs extérieurs sont déjà partis, comme tu l’avais demandé. Avec ton autorisation, j’aimerais quitter la file une fois arrivé devant la maison du Bourgmestre, pour lui prouver à quel point cette idée d’avoir six gardes pour le protéger ne vaut rien.” Il marqua une pause, constatant que ce genre de demande nécessitait peut-être un peu plus qu’une explication aussi sommaire. “Je ne vais pas le tuer hein. Juste lui expliquer comment il pourrait mieux protéger ses citoyens.
    Le Chevalier Noir
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    Deydreus Fictilem
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  • Ven 25 Nov - 13:32
    S'étirant longuement, Deydreus sortit de son lit en silence. Levé comme à l'accoutumée aux premières lueurs du jour, l'officier s'était rapidement lavé avant d'entamer l'entretien de son armure et ses armes. Une vieille habitude qui restait ancrée dans sa psyché depuis Draakstrang. Une fois son entretien effectué, il avait enfilé son armure et était descendu rejoindre ses hommes plus bas. Seuls les cinq fantassins qui devaient l'accompagner demeuraient présents. Bien, Alasker avait donc relayé ses ordres à la perfection. S'approchant rapidement du bar pour boire quelque chose et grignoter un morceau de lard, le vétéran fit un signe de tête à ses hommes avant de sortir rapidement de l'établissement. La journée commençait et, il le savait, elle serait longue.

    Dehors, le froid vint rapidement saisir l'humain qui savoura intérieurement la brise glaciale. Il passait tellement de temps à naviguer dans les terres de l'Empire qu'il lui arrivait parfois d'oublier le plaisir de la fraicheur. Observant Alasker qui l'attendait, l'officier monta rapidement sur sa monture avant de commencer sa marche. La demande de son acolyte étira un large sourire à l'officier. Observant les bâtisses fragiles qui les entouraient et la pauvreté de la route qu'ils empruntaient, il soupira finalement.

    - Soit. Mais ne sois pas trop brutal. Nous ne sommes là que depuis un jour. Je ne veux pas d'incidents diplomatiques. Il serait malvenu de se faire sortir de la ville après une nuit, et alors même que nous n'avons fait aucun progrès sur cette affaire.

    Sans rien ajouter de plus, Deydreus reporta son attention sur la route et les quelques villageois qu'ils croisaient. Ces derniers, toujours un peu surpris de voir des hommes en armes naviguer dans leurs rues, s'écartaient presque naturellement afin de les laisser passer. S'ils reconnaissaient chez eux les tenues impériales, beaucoup s'étonnaient des couleurs que les hommes de Deydreus portaient. Les subtilités des bataillons et autres troupes échappaient bien souvent aux civils. Tout comme la difficulté d'une vie militaire, d'ailleurs. Car c'était là aussi quelque chose qui avait frappé l'officier. Malgré la formation militaire imposée par le Reike, beaucoup de civils oubliaient la rigueur de cette dernière aux fils des années. La plupart retournaient à leurs champs et autres cultures, oubliant parfois dans quel sens on devait tenir une épée. Cette absence de connaissance militaire était encore plus présente dans des territoires reculés ou fraichement conquis, comme les Terres du Nord. Certes, leur culture avait souvent tourné autour des conflits, mais dans les plus grosses bourgades, les citadins s'étaient tournés vers des tâches plus adéquates. L'avantage et le défaut d'avoir une garnison de garde pour assurer sa sécurité, sans doute. En vérité, ce n'était pas le refus de servir qui attristait Deydreus car il comprenait la nécessité des autres métiers civils et des intellectuels. Non, ce qui l'attristait, c'était la pauvreté psychologique de la plupart des vilains et leur absence de discipline, même dans leur propre travail.
    Sortant de ses pensées alors qu'ils croisaient une famille d'habitants, l'officier remarqua avec étonnement la pauvreté de cette dernière. En fait, c'était là une image récurrente qu'il avait depuis leur arrivée et qui lui déplaisait particulièrement. Toutes les personnes qu'ils pouvaient observer semblaient démunies, dans le besoin. Pourtant, le Reike était connu comme un empire où il faisait, en temps normal, bon vivre et où la pauvreté à proprement parler était minime. S'il voulait bien accepter le fait que l'attaque sur les convois avait déstabiliser l'approvisionnement en ressources, certains des habitants ne semblaient pas nécessiteux qu'à cause de cela. Soupirant longuement, Deydreus en arriva à cette triste conclusion. Le Bourgmestre s'en mettait probablement plein les poches, continuant une politique prédatrice sur sa propre population qui, éloignée du reste de l'Empire et habituée à ce fonctionnement, ne bronchait pas. Ils arrivèrent alors finalement sur la grand-place, d'où l'on pouvait observer l'hôtel de ville et la demeure de Patte-d'argent. Comme prévu, des gardes étaient établis devant l'entrée de cette dernière et semblaient aussi désabusés qu'ennuyés.

    - Je vais me rendre vers leurs halles pour voir à quoi ressemble leur marché et surtout écouter ce qu'il s'y dit. Amuse toi bien. On se retrouve plus tard a l'est de la ville, j'ai crut comprendre que c'était là bas que se trouvaient les bas-quartiers.

    Reprenant sa route, l'officier laissa donc sur place son ami. Si plusieurs officiers auraient put être inquiets quant aux motivations de l'Enragé, Deydreus avait pour sa part une confiance totale envers son compagnon. Ils avaient suffisamment voyagé et combattu ensemble pour que l'Envoyé ne connaisse le mode de fonctionnement du lycanthrope. Egalement, il avait lui même eu envie de venir retrouver le bourgmestre pour lui donner une leçon alors, il ne pouvait en vouloir à Alasker de vouloir le faire.
    Arrivant finalement au niveau des Halles, l'armure d'ébène attacha sa monture à l'un des poteaux prévus pour cela et chargea Aki et Léonard de surveiller cette dernière. D'un signe de tête approbateur, ils avaient accepté sans rechigner, malgré le côté ennuyeux de cette tâche. Pourtant, et paradoxalement, c'était eux qui avaient le plus de chances d'avoir de l'action dans les minutes qui allaient suivre. Une monture coutait cher. C'était un luxe que beaucoup de paysans aimeraient avoir et certains, poussés à bout, pouvaient être tentés de voler une telle bête pour la revendre ensuite au plus offrant. Même s'ils ignoraient tout du fonctionnement d'une bête de guerre. Reportant son attention sur les halles, l'officier entra finalement dans ces dernières d'un pas décidé. A l'intérieur, de grandes poutres soutenaient inlassablement la toiture du bâtiment. De ces dernières pendaient différents chandeliers qui venaient éclairer les nombreuses étales présentes. Contrairement au reste de la ville, les Halles possédaient au moins un peu d'animation. Outre les marchands qui s'affairaient à beugler les avantages de leurs marchandises, de nombreux villageois et autres visiteurs naviguaient dans les allées. Avançant à son tour dans ces dernières, Deydreus observait chacune des étales, comme s'il cherchait quelque chose de précis. Il passa devant des tapisseries à la qualité questionnable, ainsi que devant quelques bijoux façonnés sur place. Il fut même interpellé par un pauvre forgeron qui vantait les mérites de ses armes, bien qu'il ne proposait que quelques épées à l'acier de mauvaise qualité. Une fois les premiers marchands passé, l'officier porta son attention sur le reste des étales, et notamment celles qui proposaient de la nourriture. Il n'y avait aucune marchandise importée, que du local. Des pommes de terre, quelques carottes. Des choux. Parfois de la viande séchée ou leur "alcool de vouivre". Mais aucune épice particulière. Aucune tomate ou melon. Même les stands d'herboristes étaient d'une tristesse incroyable. Visiblement, l'absence des convois avait frappé les marchands de plein fouet et ces derniers étaient contraints à un stock très limité. S'arrêtant finalement devant un énième vendeur d'armes, l'officier prit une dague dans ses mains et la soupesa tandis que le marchand tentait de lui expliquer les milles et uns avantages de son piètre stylet. Reposant l'arme sur l'étale, le vétéran fixa de ses yeux vairons le vendeur qui laissa un hoquet surpris s'échapper de sa gorge.

    - Vous ne vendez que du matériel aussi mauvais, ou bien vous aussi vous manquez de stocks comme le reste des marchands?

    Un long soupir s'échappa alors de la gorge du marchand. Son air fatigué et déçu donnait à son visage bourru une expression pitoyable.

    - Que voulez-vous? On ne reçoit plus nos matières premières depuis plus de deux semaines. Mon fils forge habituellement les armes que je vends et je tire environ soixante pourcents de mes profits annuels du festival de la Danse de l'épée. Mais sans acier, le pauvre bougre ne peut que réutiliser le métal des vieilles fourches et outils paysans qui servent à labourer le sol. Rien de bon ne peut en sortir de ça. Enfin... De toutes façons, avec le report du festival, ce n'est pas comme si de nombreux visiteurs allaient venir en masse.
    - Pourtant, j'en vois tout de même un certain nombre.
    - Pff. Crachant dans un seau derrière lui, le vieil homme croisa ses bras contre son tablier noir. C'est juste les imbéciles qui sont venus en avance pour le festival. Ca fait quoi, une bonne semaine qu'ils sont là pour la plupart. Discutez avec eux et vous comprendrez qu'ils viennent juste ici chaque jour dans l''espoir fou que du matériel ne soit arrivé et qu'ils puissent profiter d'une bonne affaire. Lorsque le festival débute, tout part très vite alors il est pas rare que des petits malins ne viennent avant le début des hostilités pour se servir en premier. C'pas bête hein, sauf que dans notre situation actuelle, bha.... Il y a rien de bien folichon. Vous l'avez dit vous même, on propose que du matos de mauvaise qualité pour le moment. On a bien quelques caravanes qui arrivent de temps à autres mais... C'est surtout des vivres quoi, et du local. Nan, faudrait juste que les convois repassent par ici et on pourrait tout relancer quoi. Sinon, j'me demande si on ferait pas mieux de juste plier bagage et aller voir ailleurs.
    - Ces attaques, vous savez quelque chose?
    - La garde et le grand patron pensent qu'il s'agit de rebelles ou je ne sais quoi. Mais ça fait pas de sens. Deux ans que l'Empire nous a récupéré. Au tout début de la guerre on a cessé d'être indépendant. Alors pourquoi attaquer maintenant? Ca colle pas si vous voulez mon avis.
    - Je vois. Tenez. Il lança une pièce au marchand, qui sembla confus mais heureux de ce cadeau. C'est pour vous remerciez de votre franchise, et vous permettre d'acheter du bon matériel pour votre fils.

    Reprenant sa route, Deydreus passa le reste de la matinée à discuter avec différents marchands. Tous tenaient à peu près le même discours. Tous insistaient sur l'importance du rétablissement des routes commerciales et le début du festival. Se dirigeant à présent vers les bas quartiers à l'est de la ville, l'officier et ses hommes passèrent devant différentes demeures dont l'état rappelait vaguement les maisons détruites lors des sièges des guerres passées. Soupirant longuement Deydreus ne comprenait pas comment le bourgmestre avait put laisser sa ville en tel état de décrépitude. Il ne gérait pourtant pas une capitale, ni une population trop nombreuse. Outre son incompétence qui transpirait de cette gestion, cela témoignait clairement d'un égoïsme primaire. L'officier ne portait pas les faibles et nécessiteux dans son cœur. Loin de là. Mais il restait profondément convaincu qu'il était du devoir des forts de diriger et protéger les faibles. En aucun cas, il n'acceptait le fait de se complaire dans le luxe si les plébéiens crevaient dans les rues. Et de toutes façons, outre ses valeurs morales, c'était son devoir de veiller à ce que cela n'arrive pas. Mettant pied à terre, le chevalier à l'armure noire alla à la rencontre de presque toutes les familles du quartier abandonné. Chaque fois, il leur donna un peu d'argent. Pour ses hommes et pour les habitants eux même, l'acte semblait incroyablement généreux. Très vite, les regards craintifs à l'égard de l'armure d'ébène se changèrent en de doux sourires et airs admiratifs. Continuant sa route, Deydreus savait pourtant que rien ne venait par bonté d'âme. Il était à présent évident que Patte-d'argent était un être aussi perfide que nauséabond et, dans l'optique où il devrait potentiellement renverser le noble en place, il valait mieux avoir le soutien de la population. Par ces gestes, l'armure noire s'assurait un soutien non négociable. Passant devant un bordel improvisé, l'officier se permit même de discuter avec quelques filles et la maquerelle. Pourtant, la prostitution était illégale dans l'Empire. Mais, si la garde laissait faire, à quoi bon forcer? Et puis, même s'il exécrait la chose, ce n'était pas son devoir que de faire respecter les édits basiques. En revanche, celui lui donnait une arme supplémentaire contre le bourgmestre, au cas où. De plus, il n'était pas surprenant qu'une ville servant de plateau relais pour les marchands et accueillant un festival annuel soit propice à la prostitution. N'importe quelle personne affirmant que cela était étonnant n'avait jamais mis les pieds dans une grande ville. Même à Ikusa on pouvait trouver quelques bordels dissimulés. Des salons de thés à "bonne compagnie" comme certains nobles les appelaient. Ou bien encore des auberges "accueillantes". Les gens aimaient se croire moralement supérieurs aux bêtes et à leurs bas instincts mais, en réalité, tous se livraient à ce jeu charnel quand ils le pouvaient et faisaient preuve d'hypocrisie.

    Sortant finalement de ses pensées alors qu'ils arrivaient près d'un lavoir, Deydreus décida d'attendre ici. Ils étaient à l'entrée du quartier Est et, avant de s'y aventurer encore plus, il préférait attendre que son bras droit ne soit de retour, ne serait-ce que pour entendre le rapport de sa petite visite.  
    Vrai Homme du Reike
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    Alasker Crudelis
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  • Mer 7 Déc - 9:26
    Garvian n'était pas un enfant très sage. Il le savait et ça l'amusait sans l'inquiéter car, Garvian était aussi le fils du Bourgmestre et, donc, plus ou moins l'équivalent du fils de dieu à Bourg-Argent. Sylvas, son garde personnel, passait son temps à soupirer et à grogner en le suivant partout tel le plus fidèle des limiers. Il avait été le premier à le qualifier de "fils de dieu", bien que ce surnom n'ait eu, dans sa bouche, aucune intention de flatter l'égo du polisson. C'était un homme au visage glabre et triste, au corps trop sec pour sa propre armure et aux yeux trop vifs pour une telle profession. Il aimait répéter qu'en des temps plus juste, la précision de ses tirs à l'arc aurait pu séduire même un baron ou n'importe quel gros bonnet de l'empire…pour ensuite défier tous ceux qui tentaient de le contredire. Cela amusait beaucoup Garvian, qui ne ratait jamais un seul de ses défis de tireur d'élite. Souvent, il s'amusait à "choisir" la prochaine victime de Sylvas en commettant quelques forfaits au nez et à la barbe d'un commerçant, d'un chasseur ou même d'un noble, Sylvas venait ensuite, inlassablement, à sa rescousse et après quelques minutes d'échanges trop emportés, un défi ou mieux : une bagarre, débutait. Qu'importe ce que les apparences pouvaient en dire, son accompagnateur, frustré d'être né trop tard pour participer à la guerre contre les titans, adorait se battre pour prouver sa valeur qu'il pensait gâchée par des temps trop doux. Ainsi, le gamin espiègle et le garde vindicatif trouvaient en l'attitude de l'autre une source infinie de passe-temps amusants et tape-à-l'oeil, ce qui, évidemment, avait fini par valoir à l'étrange duo une certaine…
    Réputation.
    On les évitait poliment, puisqu’il était hors de question de manquer ouvertement de respect au fils du Bourgmestre et à son cinglé d’accompagnateur sous peine de subir une correction que chacun jugerait alors “amplement méritée”.
    Ce matin-ci, Garvian avait décidé -comme souvent- de flâner un peu du côté du jardin du Père Sognel, situé sur le flanc Ouest de l’Eglise de Bourg-Argent. A cette époque de l’année ce n’était guère plus qu’un ramassis de terre brune, teintée par le gris d’un gel quasi-constant, dominé en partie par un seul et unique arbre : un pommier, recouvrant de son ombre un banc de pierre tâché de mousse où Garvian allait s’installer pour scruter d’un air malicieux les passants de la route d’en face. De là, il pouvait aussi voir, au loin, l’humble maison de ses géniteurs -qui servait aussi d'hôtel de ville- et les quelques visiteurs que ces derniers s’efforçaient de recevoir au cours de l’année, principalement pour parler affaires. C’était un coin rêvé pour repérer de nouvelles proies.
    Mais…ce matin là, quelque chose d’absolument inattendu eut lieu.
    Sylvas, qui, comme de coutumes, se tenait debout, le bras droit posé sur sa lance plantée dans le sol, outrepassa ses droits en retenant durement par l’épaule le gamin alors que celui-ci venait de se lever, l’air malicieux, après avoir repéré une nouvelle victime.
    Cette proie, elle se tenait devant chez lui. Un grotesque casque à corne vissé sur le crâne, une armure rouge trop épaisse reposant sur ses épaules excessivement larges et une imposante hache de combat dans la main droite. Une sorte de géant que Garvian, frappé d’ignorance crasse, s’imaginait à la fois lourdaud et stupide. Comment une bête aussi grosse pourrait-elle être vive, après tout ?
    “-Lâches-moi !” Piailla l’enfant en tentant de se dégager.
    Sylvas répondit à cet ordre en enfonçant un peu plus ses doigts gantés dans l’épaule du polisson.
    “-N’avez-vous donc aucun instinct de conservation? Ce n’est pas un homme, qui se tient devant la maison de votre père.” Continua le garde, la gorge serrée par ce qui semblait être de…La peur?
    Garvian allait traîter son protecteur de lâche lorsqu’une cohorte de soldats en armure noire et rouge passèrent devant l’église, lui masquant la vue du géant. A la tête de ces derniers se tenait un chevalier noir, juché sur un destrier aux couleurs de sa bande. A travers les fentes de son heaume, l’enfant aperçut un regard bicolore évoquant à la fois la cruauté du froid et la létalité du poison. Une boule se forma dans sa gorge, ses bras se mirent à trembler et quelque chose dans sa poitrine se serra lorsque le cavalier les dépassa, sans leur accorder ne serait-ce qu’une oeillade.
    A ses côtés, Sylvas, soucieux de redorer son image après son accès de lâcheté, accorda un salut à la cohorte de soldats.
    Pas un seul ne le lui rendit.

    ***

    “-Et vous êtes?” Gronda l’un des gardes de la maison, à l’approche du géant d’airain.
    Alasker le toisa avec mépris. La porte de la maison, que le soudard gardait avec son collègue peinant à soutenir le poids de sa hallebarde plantée au sol, dominait deux marches de pierres encadrées de pots de fleurs étrangement garnis pour un tel environnement. Cette coquetterie botanique devait à elle seule valoir son pesant d’or.
    “-Pressé. Je veux voir votre patron.
    -Au nom de ?” Manda de nouveau le garde, qu’Alasker commençait à trouver antipathique. Sa cervelière lui donnait un air stupide que le regard fatigué renvoyé par ses deux petits yeux marrons trop enfoncés ne faisaient que renforcer. Au moins, ce n’était pas un pleutre. Le gars se tenait littéralement dans son ombre, mais sa carrure ou son aspect ne semblait pas l’empêcher de faire son travail. Le discret duvet gris qui ornait ses joues ainsi que les rides bordant les coins de ses yeux impliquaient que l’homme devait au moins avoir l’âge d’être père. Sans doute avait-il déjà vu son lot de costauds dans sa vie. A moins que la monotonie de sa propre existence ne l’ait simplement rendu suicidaire.
    “-Au nom du Reike, mon bonhomme. J’te montrerais bien mon tatouage d’allégeance mais si je déroule la partie de mon corps où on me l’a fait, je vais te complexer à vie.
    La blague eut le mérite de dérider l’antipathique et son comparse. Ils rirent comme tous les soudards riaient en entendant quelque chose d’un peu grivois.
    Et puis le sérieux revint, sans réussir à chasser les sourires.
    “-Bon et qu’est-ce que le Goliath veut à patte-d’argent?
    -C’est entre lui et moi. Et même si j’avais envie de le tuer, vous ne pourriez pas m’en empêcher et tu le sais mon vieux.
    L’autre, le silencieux, qui avait l’air aussi à l’aise avec sa hallebarde qu’une pie l’aurait été avec un lance-pierre, décida de se débarrasser de son vœu de silence à cet instant. Sa grosse tête chauve n’était protégée par aucun casque et la barbe blonde qui ornait son menton était trouée par une avalanche de cicatrices particulièrement laides. Pour un être humain, il semblait bien bâti.
    “-Si on tente pas de t’en empêcher, on perd notre boulot.
    -Ouaip.” Acquiesça l’autre. “Tu veux le tuer ?”
    Le regard d’encre se posa sur la pointe de la hallebarde pour ne plus la quitter.
    “-Nan.
    Le vieux le scruta de ses petits yeux fatigués.
    “-T’as pas l’air d’un menteur.” Conclut-il après un temps.
    “-Je suis nul aux cartes.
    Le chauve en tira l’évidente conclusion.
    “-Un gars nul aux cartes est un mauvais menteur.
    -Mais peut-être qu’il est très bon aux cartes.” Renchérit le vétéran, en posant sa main sur le pommeau de l’épée pendant à sa ceinture.
    Son comparse haussa ses larges épaules en extirpant le manche de sa hallebarde du sol.
    “-Qu’il bluffe ou pas, de toutes façons on a un jeu de merde, Rob’.

    ***

    Le premier réflexe que patte-d’argent eu, en entendant le géant gravir les escaliers menant à son bureau, fut de se précipiter sur sa vieille hache, suspendue au-dessus de la cheminée. Dans l’empressement du moment, le genoux de sa jambe valide se cogna contre le coin de la table basse où reposait le sablier qu’un riche marchand lui avait offert, jadis, pour le remercier de lui avoir vendu la recette du breuvage local.
    Le fragile cadeau de verre et de sable dégringola de son support, rebondit contre les boucles maintenant sa jambe factice en place et s’écrasa au sol pour éclater tout bonnement. Il jura et attrapa sa hache en tentant de ne pas voir en cette maladresse le signe que son temps sur cette terre était compté.
    Quelques instants plus tard, Alasker faisait irruption dans la pièce pour s’approcher de lui avec empressement. Les yeux écarquillés et les mains tremblantes, le Bourgmestre projeta le fer de sa hache en travers du torse de l’intrus, qui ne prit même pas la peine de l’esquiver. La lame glissa sur l’armure, le manche lui glissa des mains, puis le géant fut sur lui.
    Pour lui poser un doigt ganté sur le front.
    “-Alors?” Grinça l’animal en appuyant assez sur le front couvert de sueur pour que l’étrange contact devienne douloureux.
    Court silence.
    “-Qu…Quoi?
    -Ils t’ont été utiles, tes gardes?
    Patte-d’argent tenta de se redresser et récupérer un peu de prestance, mais le doigt enfoncé dans son front accentua encore sa pression. Il manqua de basculer en arrière.
    “-C’est une bonne question.” Hésita le Bourgmestre, incapable de se concentrer dans une situation aussi grotesque.
    “-Ils ne sont pas là, en tout cas. Ou peut-être qu’ils ne sont plus là.
    Enfin, la pression sur son front disparue. Le géant rouge recula de deux pas, finissant au passage de détruire le sablier tombé au sol. Patte-d’argent s’accorda le droit de respirer et épousseta nerveusement son ensemble en soie.
    “-Vous…Vous les avez tué?
    -Bien sûr que non.” Soupira Alasker. “Ils m’ont laissé passer. Pas parce qu’ils pensaient que je n’étais pas un danger pour vous puisque…” Un petit rire souleva l’imposante carcasse. “Soyons honnête, tout le monde est un danger pour quelqu’un avec des bras aussi faiblards. Mais simplement parce qu’ils savaient que je les tuerais s'ils m’en empêchaient. C’est ce qui arrive quand on transforme des hommes d’armes en foutues gargouilles de décorations, ils deviennent cyniques.
    Sur le visage du Bourgmestre, la honte se mêlait à l’indignation. Ces gardes étaient payés rubis sur l’ongle pour protéger son foyer ! La moindre des choses aurait été d’essayer.
    “-Les gens ne meurent pas facilement pour un chef médiocre mon vieux.” Continua Alasker, comme s’il avait pu lire dans ses pensées. “Encore moins pour un chef qui ne prend aucun risque. C’est humain. Tu leur montre l’exemple.
    Patte-d’argent soupira avant de se détourner à son tour. De sa démarche claudiquante, il se dirigea jusqu’à l’armoire couvrant le mur droit de la pièce pour en tirer une bouteille de verre noir qu’il déboucha d’un coup de dent. Alasker laissa un rictus d’amusement apparaître sur ses lèvres. Voilà des manières qui tenaient plus du soldat que du nobliaud.
    “-Vous avez des enfants?” Demanda le Bourgmestre avant de renverser le contenu de la bouteille au fond de son gosier.
    Alasker haussa les épaules.
    “-Je n’ai pas exactement une tête à faire rougir les femmes. Celles qui s’allongent pour moi le font contre une monnaie que je n’ai pas envie de donner.
    Patte-d’argent accepta l’argument d’un hochement de tête avant de lui tendre la bouteille. Son attitude guindée n’avait manifestement pas survécu à l’humiliation ayant initiée leur entrevue, même si sa diction demeurait toujours teintée d’arrogance. Alasker accepta le don en priant pour qu’il ne s’agisse pas d’une nouvelle bouteille de liqueur locale.
    “-Vous ne pouvez pas comprendre alors, et je le dis sans malice. Mon fils est un imbécile, mais sa sécurité est ma seule priorité.
    Alasker but à son tour avant de répondre. Avec soulagement, il constata que le contenu de cette bouteille-ci était un vin d’assez bonne qualité et éprouva presque de la honte à l’idée de le boire ainsi.
    “-Mais il n’est pas en sécurité. Tes gardes n’inspirent la crainte que des paysans qu’ils croient protéger. Ils n’ont plus fait couler le sang depuis longtemps, et je suis sûr que certains ne l’ont tout simplement jamais fait.
    Les yeux du Bourgmestre tentèrent de soutenir le regard du géant face à lui, sans succès.
    “-C’est pour cela que je vous ai appelé.
    -Et que crois-tu qu’il se passera, lorsque nous partirons?” Alasker gronda en déposant la bouteille sur le bureau. “Si les routes et les chemins continuent à être négligés, laissés sans surveillance, les marchands viendront de moins en moins. Vous serez cloîtrés dans votre ville, tous, comme des chiots apeurés. Votre isolement attisera l’intérêt et l’appétit de nouveaux prédateurs. Et lorsque les loups franchiront vos murailles, vos petits aboiements de protestations ne feront que les exciter. Je suis sûr que tu sais ce que les pillards font aux femmes et quel sort ils réservent aux enfants.” Le guerrier marqua une pause, le temps que l’idée -et surtout l’image- s’impriment dans l’esprit du gérant de la ville. “Laisse donc tes gardes se rappeler qu’ils sont des hommes. Et ils chasseront les loups hors de vos chemins eux-mêmes.

    ***

    En sortant de chez le Bourgmestre, Alasker prit le temps de rassurer les gardes attendant à l’entrée. Ils échangèrent quelques paroles vides de sens pour masquer leur malaise avant de reprendre leur poste, car telles étaient leurs instructions. Après leur entrevue, le guerrier d’airain savait que cet état de fait changerait. Du moins, l’espérait-il. Si le Bourgmestre refusait d’entendre raison et osait lui donner tort, alors la solution au problème de Bourg-argent serait toute trouvée. Mais quelque chose semblait s’être animé dans le regard du petit homme à la suite de son intrusion. Peut-être était-ce là les prémices d’une prise de conscience. D’un constat, amer certes, sur les erreurs commises. Ses erreurs.
    Alasker l’avait laissé dans sa honte en compagnie de sa bouteille de vin. Qu’importe ses choix futurs, le loup savait que le Bourgmestre ne les communiqueraient qu’au lendemain. Le temps d’éteindre les flammes de sa peur dans l’alcool puis de se remettre de la gueule de bois inhérente à ce genre de recours.
    Un couple de badauds manifestement frigorifiés le dépassa en dardant sur lui un regard que ses yeux de loup ne parvinrent que difficilement à déchiffrer comme issus de la crainte. La complexité des traits et attitudes des humains l’avait toujours laissé dubitatif. Surtout chez les civils. Les combattants, au moins, gardaient une part d’animosité en eux. Lorsqu’ils se battaient, ils montraient les dents et hurlaient leur rage. Lorsqu’on les ennuyait, ils grognaient. L’inquiétude et la crainte les forçaient à se ratatiner sur eux-mêmes et adopter une posture de combat. Ils riaient lorsque quelque chose les amusait et geignaient lorsque quelque chose leur faisait mal. Mais les civils? Certains pouvaient avoir une douzaine de sourires différents, et dans cette liste, l’un d’eux pouvait signifier l’agacement, le jugement ou même l’amour. Ça n'avait pas le moindre sens.
    Parfois, Alasker trichait en s’aidant de son odorat. Il permettait de détecter certaines émotions fortes via les effluves que les corps laissaient échapper lorsque les visages se fermaient. Mais pas les sentiments complexes.
    Ce qui lui convenait tout à fait. Un guerrier n’avait pas besoin des talents de déductions d’un politicien.
    En rejoignant la cohorte, il croisa quelques hommes aux visages plissés par l’effort, occupés à installer une tente que le géant devinait destinée au futur festival. Son passé de gladiateur lui revint en tête et un sourire franc écarta ses lèvres gercées par le froid ambiant. Il prit conscience que ranimer cette triste fête en y participant avec quelques-uns des gars de la troupe des Serres pouvait être une idée, une bonne. Un moyen d’égayer cette affectation bien trop ennuyeuse pour une bande habituée aux missions périlleuses. Le géant s’imagina tomber en face du chef de la garde, Konrad, et se demanda quel genre d’homme il était, épée à la main. La question lui arracha un gloussement, qu’une femme de petite vertue pris pour une invitation, en venant se dandiner devant lui. Le géant la chassa plus hargneusement qu’il l’aurait voulu. La faute à son parfum, bien trop enivrant pour un loup à l’odorat plus que performant qui réveillait sa migraine plus que ses pulsions bestiales.

    “-Le Bourgmestre devrait comprendre que ses gardes ne sont pas utilisés à bon escient, maintenant.
    La déclaration fit sursauter quelques gars de la troupe, qui ne l’avait pas vu arriver. Alasker les dépassa pour aller se tenir face au destrier de Deydreus, qui, comme de coûtume, émit une petite plainte pitoyable. Le géant toisa quelques instants la bête avec lassitude. Les chevaux avaient peur de lui. Même ceux de guerre. Ca avait quelque chose de profondément vexant car, en général, la seule chose qui pouvait faire paniquer un canasson de combat du Reike bien dressé restait la présence d’un serpent à proximité d’un de ses disgrâcieux sabots.
    “-Stupide bestiole.” Gronda-t-il en tapotant le sommet du crâne de la bête incriminée.
    La troupe se remit en marche alors qu’Alasker expliquait -en s’appliquant à n’omettre aucun détail- son “court” entretien avec le maître de la ville à Deydreus. Les soldats les plus proches s’esclaffèrent à l’entente du récit de la lâcheté des gardes de l’hôtel de ville et leurs leaders ne se fatiguèrent pas à les dissuader d’exprimer ainsi leur mépris. Cette mission prenait de plus en plus des airs de mauvaise farce, de toute façon.
    Autour d’eux, tandis qu’ils progressaient le long de la route principale du quartier Est, les habitations semblaient de plus en plus miteuses et, même si l’environnement ne s’avilissait pas jusqu’à devenir l’équivalent d’un taudis, il était évident que les Serres marchaient désormais dans la portion la plus “pauvre” de Bourg-Argent. Les passants, plus crasseux et pitoyables que les badauds lambdas, dardaient sur eux des regards désapprobateurs à la limite de l’effronterie mais aucun d’eux n’osaient encore exprimer sa désapprobation vocalement.
    Alors qu’ils approchaient d’un croisement au milieu duquel se trouvait un puits de pierre encerclé par quelques garnements, Alasker se souvint alors d’un dernier détail :
    “-Au fait, Dey’. Peut-être qu’on devrait inscrire quelques-uns des gars au festival. Ça nous dénouerait un peu les muscles, au moins. Et je sortirais champion d’une nouvelle série de duel.
    Le Chevalier Noir
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    Deydreus Fictilem
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  • Sam 10 Déc - 14:28
    L'arrivée d'Alasker avait été, comme à son habitude, pleine de brutalité. Ce n'était pas la violence brute. Seulement une aura bestiale qui perturbait encore certains hommes de la troupe. Pour Deydreus, l'aura que dégageait le lycanthrope était un synonyme de puissance qu'il ne pouvait que respecter.  Sa monture, en revanche, peinait toujours à se contenir à l'approche de l'armure d'airain et le chevalier se demanda si, un jour, elle finirait par arrêter d'hennir lorsqu'Alasker se trouvait près d'elle. D'un hochement de tête, il indiqua à la troupe de se remettre en marche, tandis que son compagnon entamait son long récit. L'armure d'ébène fut satisfaite de ce qu'elle entendait. Le second dirigeant de la troupe avait fait du bon travail et son coup d'éclat aurait sans aucun doute des répercussions. Le maire était un homme stupide, mais il demeurait un ancien soldat et la menace étant venue gronder dans son hôtel de ville ne pouvait pas sonner creux dans son esprit, Deydreus en était certain.

    Avançant dans le quartier Est, l'officier analysa lentement chaque bâtisse qu'ils dépassaient. Il observa le regard inquiet et accusateur de certains habitants. Visiblement abandonnés par leur propre seigneur, ces vilains s'étaient recroquevillés dans leur communautarisme et voyaient tout ce qui n'appartenait pas à leurs taudis comme un étranger venu piller les quelques rares ressources qu'ils possédaient encore. Pour peu, quelques gangs miteux pouvaient même se disputer l'autorité dans cet espace de la ville où, Deydreus le devinait facilement, la garde n'intervenait plus. Une zone de non droit, qui n'aimait que très peu le retour d'une force de l'ordre. D'une puissance pouvant terrasser ce que certains malfrats avaient mis une vie à construire. C'est ce que Deydreus avait toujours trouvé stupide avec les petites frappes et autres bandits de la pègre. Ils ne voyaient jamais assez loin. Consumés par leur vénalité, ils se réfugiaient dans le premier confort de vie qui s'offrait à eux. Ils ne voyaient jamais assez grand. Certains avaient soif de pouvoir, oui, mais ils manquaient tous de l'ambition altruiste qui pouvaient les maintenir au sommet. Tôt ou tard, une autre personne aux désirs viciés venait les faire chuter. Seul leur propre confort les intéressait. Ils ne cherchaient le pouvoir que pour se sentir en sécurité, pas pour faire changer les choses. Pas pour faire avancer le monde dans une direction, quelle qu'elle soit.
    Tournant derrière une énième chaumière et arrivant sur un croisement au puit délabré, le chevalier remarqua alors une forme qui se baladait de toits en toits, suivant la progression de la troupe noir et sang. S'il l'avait aperçue un peu plus tôt, Deydreus n'avait pas spécialement pris garde à cette dernière car elle ne semblait pas être une menace, restant assez passive. Plutôt dans l'observation. A présent, il la voyait se mouvoir plus rapidement. Elle cherchait à partir de là, pour prévenir quelqu'un, très probablement. Un guetteur, chargé de sonner l'alerte à la moindre intrusion sur un territoire donné. La suivant des yeux, Deydreus écouta le propos de l'armure d'airain qui se trouvait à ses côtés.

    - Il est vrai que pour l'heure toute cette mission résonne comme une longue farce. Je pense également que ce tournoi nous ferait du bien. Quand nous en aurons fini avec ce quartier, nous repasserons par l'hôtel de ville pour inscrire tous les volontaires. Cependant, informe les bien que s'ils ne terminent pas au moins dans la première partie de tableau, je serais extrêmement déçu.

    Pointant par la suite de son doigt ganté la forme qui continuait sa fuite, l'armure d'ébène attira l'attention de ses compagnons.

    - Je la veux vivante messieurs.

    Comme un seul homme, l'entièreté de la troupe se mit en branle. Dans un long cri d'excitation, les loups se mettaient en chasse. Une meute que l'ennui du voyage et du premier jour avait affamé. C'est aussi pour cela que Deydreus avait accepté l'idée du tournoi. Il savait que dans l'ennui, les corps se ramollissaient. Qu'ils se laissaient aller à la fainéantise et à la corruption. Et il était hors de question qu'un de ses hommes ne tombe dans l'une de ces deux catégories. Voir la troupe agir amusait également toujours l'officier. Les hommes qu'il avait recruté n'étaient pas des enfants de cœur et chacun d'eux avait connu l'enfer des combats. Tous brulaient d'un désir commun, d'une ambition les liant malgré des origines improbables. Ixchel était un ancien noble qui avait été rejeté de sa propre famille car dans un excès de colère il avait arraché le cœur d'une servante. Vivien quant à lui avait grandi dans les faubourgs de la capitale, survivant à une misère que lui imposait la pègre en tuant pour son compte. Lorsque Deydreus l'avait trouvé, le demi-elfe venait de s'échapper de prison pour la quatrième fois. Pourtant, aucun d'entre eux n'étaient capable de viol. Aucun d'eux ne se versait dans ce genre de pratique. Parce que leurs chefs l'interdisaient, oui, mais également car ce n'était pas leur mode de pensée. Ils chassaient et tuaient, comme des bêtes sauvages. Le reste n'était, hélas, qu'un des nombreux péchés que les races mortelles avaient choisi d'accepter en leur sein comme quelque chose de naturel. Avançant avec sa monture aux côtés d'Alasker, le vétéran entendait les cris surpris de la population qui assistait pour la première fois depuis des lunes à une battue.      

    - Navré de ne pas t'avoir demandé de te lancer à sa poursuite Alasker. Mais, je pense qu'il était important pour les autres de se lâcher. Après tout, ils n'ont pas put aller taquiner le bourgmestre comme toi. J'espère qu'ils l'attraperont. Sinon, nous serons contraint de raser tout ce quartier pitoyable jusqu'à la retrouver. Cela serait tellement dommage.

    La fin de la phrase de l'homme aux yeux vairons avait adopté un ton légèrement différent. Toujours monotone, la voix de l'officier s'était emplie d'un léger dégout. Pas pour la pauvreté, non, mais plutôt contre l'acceptation qu'avaient eu ces pauvres villageois. Ils avaient décidé que le sort qui les affectait était normal. Que c'était l'ordre des choses. Aucun n'avait ne serait-ce tenté de combattre la situation dans laquelle ils se trouvaient tous. Des moutons, broutant l'herbe qu'on leur laisse sans se soucier des loups qui égorgent leur troupeau au quotidien. Au final, la mort aurait représenté pour eux une libération vis à vis de leur propre lâcheté. Mais, ce n'était pas pour ça qu'ils étaient là aujourd'hui. La purge n'avait pas lieu d'être. Pas encore.

    Au bout de quelques minutes, une acclamation résonna à quelques rues de la place au puits. Par la suite, la troupe refit son apparition, se dirigeant vers les deux dirigeants. A l'avant du petit groupe, Léonard trainait une fillette qui gesticulaient pitoyablement. Les loques qui lui servaient de vêtements rappelaient vaguement les tenues des coureurs d'égouts de la capitale, tout en ayant l'exploit d'être en moins bon état. Ses cheveux blonds étaient gras et sales, tenus par le membre des Serres Rouges qui la tirait à bout de bras. Une fois arrivés au niveau de leurs supérieurs, les soldats se repositionnèrent naturellement tandis que Léonard jetait aux pieds de la monture du chevalier la gueuse. Dans un long hennissement, le cheval noire de Deydreus démontrait une haine étonnante pour la pauvresse. Sans s'en soucier, le vétéran fixa de ses yeux vairons la jeune fille qui toussotait et gémissait tandis qu'elle se redressait peu à peu dans la boue où elle avait été jetée.

    - Ton nom.

    Levant les yeux, la jeune femme essuya les larmes qui glissaient le long de la crasse recouvrant ses joues. Lorsque ses yeux verts rencontrèrent ceux de l'officier, un léger tremblement traversa son corps. Bien, elle avait au moins l'intelligence d'avoir peur.

    - Cl... Clémence.
    - Bien, Clémence. Tu vas nous dire pourquoi tu nous espionnais.

    Toujours affalée dans la boue, la coureuse d'égouts laissa son regard glisser sur l'armure d'airain qui siégeait aux côtés de Deydreus. Dans un hoquet terrifié, elle reporta rapidement son attention sur son premier interlocuteur.

    - Cœur-Noir m'a demandée de surveiller vos mouvements messire. D'aller le voir si vous tentiez de fouiller sa demeure...
    - Qui est-ce? Le chef des malfrats d'ici?
    - Il dirige tout le quartier Est et a la main sur les opérations extérieures. Mais je n'ai pas connaissances de ces dernières.

    Dans un silence glaçant, Deydreus descendit de sa monture. Confiant les rênes à Aki, il n'eut même pas besoin de lui faire comprendre qu'il devait ramener l'animal à l'auberge. S'approchant par la suite de la donzelle, l'officier souleva le menton de cette dernière d'un doigt gantée alors qu'elle avait baissé la tête instinctivement par soumission.

    - Et bien. Ma chère Clémence. Tu vas nous mener à lui.      
    Vrai Homme du Reike
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    Alasker Crudelis
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  • Mar 13 Déc - 17:21
    Clémence puait autant qu’un enclos de porc en plein été. Sa face était recouverte d’une imposante couche de crasse lui donnant un faux teint de nomade du désert et un relent pestilentiel s’échappait de ses gencives pourries. Puisqu’elle ne souffrait ni de gangrène, ni de lèpre, elle restait dans de meilleures conditions que les crève-la-faim des grandes villes mais cela ne l’empêchait pas d’être insupportable à suivre pour quiconque possédait un minimum d’odorat.
    Pour Alasker, le supplice était minimisé par l’habitude. Vétéran d’innombrables escarmouches et de deux guerres, il avait dû s’accoutumer, à force de les traverser, à la puanteur des champs de bataille et, pour tout dire, qu’importe son état, la sueur et la crasse d’une sans-le-sou restaient bien incapable d’égaler les émanations quasiment visibles s’extirpant des entrailles ouvertes d’un demi-millier de cadavres s’enfonçant lentement dans une terre rendue boueuse par le sang et l’urine.
    Ainsi, le loup suivait la guide d’aussi près que possible, la retenant sans la moindre délicatesse par une longue mèche de ses cheveux crasseux, préalablement enroulée autour de son gantelet. Lorsqu’elle pressait un peu trop le pas où que son regard cessait de porter droit devant, Alasker la rabrouait en tirant méchamment, suffisamment pour que sa tête parte en arrière, mais pas assez pour arracher un cheveux. La pauvrette avait déjà étouffé par deux fois un sanglot avant qu’ils n’aient quitté la place où ils l’avaient si sommairement interrogée.
    Les Serres suivaient l’étrange duo à pas de loups, habitués à voir le Géant de la troupe servir de pisteur. Autour d’eux, des regards curieux ou jugeant se fixaient sur eux sans que personne n’ose intervenir ou même simplement vocaliser son mécontentement. Les soldats, pas inquiets pour un sou, avançaient en formation sans prendre la peine de tirer leurs lames au clair. Lorsqu’un attroupement de curieux se formait le long de leur progression, les porteurs de boucliers levaient leurs écus en direction des imbéciles avant de leur ordonner de se retirer, ce qu’ils faisaient séance tenante avec toute la lâcheté qu’on pouvait attendre d’une bande de pouilleux.

    Le voyage dura un peu moins de dix minutes. Le groupe bifurqua dans une ruelle, puis une autre, découvrit une nouvelle place délabrée pour aussitôt la quitter et débarquer dans un cul-de-sac au bout duquel se trouvait une baraque assez large et entretenue pour avoir des airs d’auberge. Juché sur le toit de cette dernière, à un peu moins d’une quinzaine de pas de la guide crasseuse et de son accompagnateur en armure rouge,  un adolescent aussi sale que laid fixait l’arrivée de la troupe avec défiance et, semblait-il, un soupçon de satisfaction. Au premier coup d’oeil, Alasker devina que derrière ce rictus amusé se cachait une peur bien réelle : celle de sa hache.
    Le crâneur n’était pas le seul à les accueillir. Des ombres entourant la grande bicoque, plus large que longue, ne cessaient de surgir de patibulaires crève-la-faim armés de bricoles tordues ne pouvant que difficilement prétendre aux titres d’épées ou de dagues.
    D’une bourrade, Alasker se débarrassa de sa guide, qui alla s’étaler une nouvelle fois dans la froide terre sans que personne ne prenne la peine de s’en émouvoir. Parmi la foule de bandits faméliques, le loup remarqua un porteur d’arbalète semblant plus professionnel et en meilleure forme que les autres. Sans doute un vétéran traversant une mauvaise passe.
    Ou un mercenaire.
    “-Tu nous amènes de drôles de types, Clémence.” Siffla le petit crâneur en chassant, d’un revers de main, une mèche de sa tignasse rousse et graisseuse.
    L’intéressée se redressa et bredouilla quelque chose qu’Alasker n’écouta pas, trop occupé à identifier les menaces :
    Il y avait ce tireur à l’arbalète, qui pointait déjà son arme dans sa direction. Deux porteurs de lances improvisées, sur sa droite. L’un d’eux était assez épais pour planter son arme avec assez de force dans un plastron. Sur un coup de chance, la pointe en pierre taillée pouvait riper et traverser un gorgerin. Les sept porteurs de lames ne feraient guère plus qu’agiter leurs armes de manière erratique, attendant de pouvoir se jeter à trois contre un sur n’importe quel soldat en espérant que le poids de leurs corps suffirait à le jeter au sol. Il y avait aussi, évidemment, le petit con sur le toit, qui avait autant de potentiel létal qu’un moineau. Quant aux quelques anorexiques tentant d’avoir l’air menaçant en encadrant la porte d’entrée de la bicoque, ils portaient des masses et des haches qui se briseraient au premier coup sur un écu. Si ces types étaient les bandits à l’origine des attaques sur les marchands, alors ils avaient vite dilapidés la fortune supposément pillée.
    “-Tires-toi le costaud, laisse ton patron parler.” Osa le gosse, toujours sur son toit.
    Alasker pouffa. Le soubresaut de sa grosse carcasse surpris l’un des deux porteurs de lance, qui manqua de glisser dans la boue.
    “-Mon patron ne parle qu’aux hommes. Pas aux pisseux. Va chercher ton chef, qu’on voit si il a assez de poil au menton pour discuter avec le mien.
    Au-dessus d’eux, des nuages gris et épais s’étaient mis à cracher de gros flocons de neige trop fragiles pour tenir, une fois au sol. Les cheveux du jeunot se virent bientôt recouvert d’une discrète couche d’eau gelée qui, même s’il s’escrima à le cacher, lui déclencha une vague de frisson.

    Alors que les cieux faisaient pleuvoir le froid autour d’eux, Alasker, bien peu concerné par les possibles décisions du jeunot, repensa à cette histoire de tournoi avec un soupçon d’impatience. Ca serait la première fois qu’il prendrait part à un combat “festif” sans souffrir de la chaleur. A l’époque de l’arène, lorsque le géant répondait encore au nom d’Iratus sans grimacer, le soleil du désert entourant la capitale lui avait infligé plus de souffrance que la plupart des lames ayant lacéré son corps. L’astre brillant brûlait la chair pâle des lycans avec l’ardeur d’une flamme de torche. Avec ses ongles crasseux, tout au fond de sa cellule humide, il avait dû gratter fiévreusement des couches de peaux mortes, au travers desquels on pouvait entraperçevoir des bulles d'eau giclant tout bonnement hors des plaies à chaque effleurement. Les démangeaisons dues aux multiples infections l’avaient mené au bord de la folie. Longtemps, au début, il avait cauchemardé et pleuré honteusement à la veille de chaque combat, terrifié par l’impitoyable morsure de l’astre solaire. L’attente avant l’inévitable brûlure restait, de loin, l’un de ses plus mauvais souvenirs.
    Peut-être que ses souvenirs de l’arène auraient été plus heureux, s'ils avaient eu lieu à un endroit où le soleil était plus souvent masqué par la neige et la pluie.
    “-Bonjour mes amis !” S’exclama une voix enjouée, en ramenant l’esprit du géant au présent.

    Coeur-noir, puisque tel était son nom, était sorti tel un diable de sa boite, après que le gosse sur son toit ait bredouillé quelques inintelligibles imprécations à l’encontre du Lycan sur le pas de leur porte. Une chemise rouge parsemée de quelques motifs dorés, un pantalon de cuir noir et un ridicule chapeau d’archer orné d’une unique plume constituaient sa panoplie. Il avait l’allure d’un bouffon, avec ses solerets pointus brodés d’or et son sourire imbécile, mais le riche tissu couvrant son torse était cependant gonflé par ce qu’Alasker devinait être une cotte de maille et la rapière qui battait son flanc n’avait rien à voir avec l’ignoble quincaillerie de ses pairs. Le géant révisa son premier jugement : vu ce qu’il portait, ce type-là, au moins, avait participé aux pillages des caravanes de marchands ou, tout du moins, perçu une partie du butin.
    “-Je m’attendais à quelqu’un de moins…Coloré.” Tenta Alasker, désarçonné, alors que les rangs des Serres étaient secoués de quelques gloussements.
    “-Dit-il, peinturluré de rouge.” Répondit l’accusé, tout sourire. “Je suis Coeur-noir et vous êtes chez moi. Si tu souhaites continuer à me parler, tu devras le faire à proximité de nos lames après avoir pris soin de déposer la tienne dans la neige à tes pieds… ou m’envoyer quelqu’un qui aura les couilles de le faire à ta place.

    Autour du chef du quartier, les crève-la-faim qui lui servaient d’hommes semblaient ragaillardi. Ils partageaient tous, désormais, son sourire et son attitude défiante.
    On ne pouvait leur en vouloir. A défaut d’être particulièrement intimidant, “Coeur-noir” avait le mérite d’avoir une certaine prestance, avec ses longs cheveux blonds, ses yeux bleus perçants et son bouc impeccablement taillé. Il dénotait avec le reste de ses troupes, comme la plupart des mauvais chefs, mais au moins son corps svelte ne semblait pas porter la marque de la fainéantise et de la complaisance. Avec l’accent forcé qu’il se donnait, on aurait presque pu le prendre pour un noble.
    Alasker risqua un coup d’oeil dans son dos, en direction de l’armure d’ébène. Même si son chef décidait d’accepter l’invitation et de venir, sans arme, au milieu des malfrats, le géant doutait qu’il ne risque quoique ce soit. Durant la guerre contre les titans, leur troupe, déjà affaiblie par une semaine de combats sur le front, s’était trouvée contrainte de défendre le Pont de Pierre au Sud d’Eschen : une petite ville proche des marécages de la Jungle. Seule une demi-douzaine de miliciens était encore capable d’assister les troupes trop clairsemées des Serres. Les cultistes face à eux, bien supérieurs en nombre comme en armes, avaient fait pleuvoir sur leur barricade improvisée une centaines de flèches et de carreaux avant de se jeter sur eux, lames au clair.
    La hache d’Alasker avait fendu en deux les trois premiers inconscients et les deux lames de Deydreus s’étaient chargées des suivants, puis la véritable mêlée avait commencé. Toute une nuit, ils avaient tué pour éviter d’être tué..Le combat s’était terminé lorsque le Pont, fragilisé par des décennies de loyaux services, avait fini par céder sous le poids des cultistes écumants de rages. Le courant du fleuve avait emporté les restes du pont effondré et brisé les assaillants ayant accompagné les débris dans leurs chutes. A la fin de cette nuit, la pointe d’une lance brisée dépassait du plastron d’Alasker, deux flèches s’étaient frayées un chemin entre les plaques de son épaulière droite pour lacérer ses chairs et plus aucun milicien ne tenait debout. Les Serres qui avaient survécu étaient couverts de sang et de sueur, la plupart s’étaient simplement allongés dans l’herbe pour dormir, une fois sûrs que toute menace était écartée. Tout le monde avait écopé d’au moins une cicatrice, une sale et douloureuse blessure, pour se souvenir de cette nuit.
    Tout le monde, sauf Deydreus. L’armure noire était restée indemne, tout au long de l’échauffourée.
    Alors, ce n’était pas une bande de pouilleux comme les suiveurs de Coeur-noir qui risquait de lui faire grand mal.
    Alasker doutait simplement du fait que son chef n'ait ne serait-ce que l’envie de parlementer avec de pauvres coupe-jarrets.

    En heurtant le sol de plus en plus blanc à ses pieds, sa hache émit un bruit sourd qui fit sursauter les plus nerveux des bandits autour d’eux. Coeur-noir pencha la tête sur le côté. Et puis le géant avança en présentant ses mains ouvertes devant lui.
    “-Laissez-le approcher.” Ordonna avec sagesse le chef des bandits à ses sbires, qui s’étaient placés devant lui dans une parodie de position défensive.
    Alasker les dépassa sans leur accorder un regard. A sa décharge, le sourire de Coeur-noir ne vascilla pas à son approche, pas même lorsque son ombre vint totalement le recouvrir.
    Certains humains savaient remarquablement bien cacher leur peur.
    Une fois de nouveau immobile, le géant attendit l’attaque ou le quolibet, sans que ni l’un ni l’autre ne vienne. Le chef des bandits fit simplement un pas en avant pour venir lui chuchoter :
    “-J’ai besoin d’un coup de main.
    Le lycan dû déployer tout son talent pour ne pas laisser paraître sa surprise.
    “-Hein?
    -Moins fort. Il y a eu…Sécession. Disons. Des gars à moi sont devenus dingues. Ils se sont mis en tête de devenir des bandits de grands chemins. Ce sont eux, les coupables.
    Court silence. Les bandits alentour palpaient nerveusement leurs armes, l’air gêné.
    “-C’est une blague?
    -Non. Mais j’aurais préféré.
    Alasker pointa du doigt la soie de la chemise du pas-si-beau-parleur.
    “-Et tu vas me dire que ça, c’est un truc que t’as trouvé au marché du coin?
    -C’est un souvenir d’un duel fait en toute légalité, y’a des années. Demandez au Bourgmestre ou à la garde, ils étaient là.
    Alasker cligna des yeux, deux fois. Un bandit sur sa droite toussota. Et puis le géant tira de cette courte conversation une unique conclusion :
    “-Mais vous êtes sacrément nuls pour des bandits, non?
    Pour la première fois, le sourire factice de Coeur-Noir vascilla.
    “-Inutile d’être vexant. On se contente de tenir ce putain de quartier à la place de la garde.
    -Bon. Et vous savez où ils sont, ces bandits? Vous pouvez en parler à la garde ?
    -A la garde, non, j’ai des principes. Mais à vous oui.
    -Et si on en parle à la garde ensuite?
    -Bah je m’en fous. C’est plus mon problème. Mais j’ai des conditions avant de parler.

    Tandis qu’il revenait vers les rangs immobiles des Serres, Alasker remarqua qu’il éprouvait un mélange de dégoût et d’amusement à l’égard de cette ville. Jamais il n’avait vu un tel ramassis de lâches et d’incapables. Ils souhaitaient tous éviter la confrontation, rejeter la faute sur les autres et, maintenant, ces imbéciles allaient jusqu’à dénoncer d’anciens camarades pour faire bonne mesure.  Pitoyable. Mais distrayant. Pas étonnant que leur festival annuel se trouvait être une exposition de combat. Personne n’osait tirer sa lame en-dehors des festivités.
    En arrivant finalement face à son chef, Alasker laissa échapper un long soupir de lassitude.
    “-L’autre clown souhaite coopérer, Dey’. Apparemment, il sait où se trouvent les responsables des attaques mais il refuse de le dire tant que tu ne lui jures pas qu’aucun mal ne sera fait à ses copains ou à lui. Qu’est-ce qu’on fait?
    Il marqua une pause, le temps de remarquer les regards profondément agacés des soldats de la troupe, puis un sourire cruel se dessina sur ses lèvres :
    "-Après bon, si tu veux mon avis...Condition ou non, si on massacre ses gars et qu'on commence à le menacer de le découper en morceaux, il parlera même si on ne lui a rien juré."
    Le Chevalier Noir
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  • Jeu 15 Déc - 13:15
    Tout le long de l'échange entre Alasker et Cœur Noir, Deydreus avait observé en silence. Pendant toute cette mascarade, l'armure noire avait été aussi expressive qu'un bloc de pierre. L'officier ne se sentait pas en danger, et il restait simplement là, à attendre que son bras droit ne revienne vers lui pour l'informer des pitreries que lui avait craché le prétendu chef des malfrats. Des petites frappes sans potentiel. Voila ce qu'ils étaient tous. L'armure d'airain retourna finalement vers Deydreus et un compte rendu rapide fut fait. Massacrer ce petit monde était en effet une option tentante. Mais aux vues de leur équipement minable, cela n'aurait pas été amusant, même pour le plus faible membre des Serres. Soupirant longuement après les mots d'Alasker, le vétéran posa simplement sa main gantée sur l'épaule de son camarade avant d'avancer vers le bandit.

    - Comme je l'ai dit à votre lieutenant, j'ai des cond...

    Le geste avait été rapide. Tout du moins, il avait été plus efficace que la défense des deux hommes de main de Cœur Noir. S'écroulant contre le sol glacé, les deux corps venaient d'être frappés par Silence et Hurlement. Rengainant ses lames alors que les derniers gargouillis sanglants des sbires s'échappaient de leurs carcasses ensanglantées, l'homme aux yeux vairons posa son regard empoisonné dans les yeux surpris du malfrat, ignorant au passage les pauvrets qui se tournaient vers lui prêt à attaquer.

    - Les conditions. Tu n'es pas en droit de les imposer. Seuls les forts peuvent se le permettre. Tu peux feindre de contrôler la situation auprès de la garde de cette ville. Auprès de tes hommes. Mais pas avec moi. Je vois ce qu'il y a en toi. Enfoui derrière cette tenue colorée et derrière ce sourire narquois. Et si tu ne veux pas que je révèle au monde cette chose à l'aide de mes lames et continuer tes petites magouilles, alors tu coopèreras.

    Continuant de fixer le pauvre homme, Deydreus sentait derrière lui Alasker et les hommes se préparer. Prêts à se jeter sur ces proies trop faciles.

    - Je ne peux garantir votre sécurité pour la suite. Je ne peux contrôler la garde ni la volonté du bourgmestre. Je ne sais pas encore si l'envie que j'ai de vous tuer me passera ou non. Mais j'aurais mes informations. A toi de savoir si cela se fera dans la douleur ou non. A toi de savoir si tu veux prendre le risque de me satisfaire par ces dernières ou non.

    Deux secondes. Deux longues secondes où Cœur Noir repassa sa vie de malfrat en boucle dans son esprit. Il repensa à Guenièvre, la rouquine à forte poitrine à qui il avait volé la vertu dans une soirée mondaine. A l'offre qu'elle lui avait fait de partir avec elle et ses deux seins vers le sud. Qu'il avait refusé par égo, parce qu'il se sentait puissant dans cette ville du nord. Il repensa ensuite aux jumeaux et leur rire communicatif. A l'envie qu'ils étaient parvenus à éveiller en lui d'explorer de nouvelles choses, de se tester. Mais où il avait de nouveau fini par abandonner pour rester à Bourg Argent. S'en suivit ensuite d'autres souvenirs de sa triste vie, où le bandit réalisait peu à peu qu'il refusait systématiquement les offres qu'on lui avait donné, non pas par ambition, mais par peur de tout perdre. Tous ces choix, aujourd'hui, l'avaient emmené ici. Là. Face à ce monstre d'acier au regard étrange. Et à ses monstres derrière qui n'attendaient qu'un mot pour se jeter sur eux. Et c'était sans parler d'Esteban et Polux qui gisaient à présent sur le sol. Grand dieu, Cœur Noir n'avait même pas réussi à voir le geste de l'impérial qui lui faisait face. Il n'avait aucune chance, il le savait. Et il savait aussi tout comme la torture qui suivrait s'il ne coopérait pas serait douloureuse. Après tout, il avait fait bonne figure et était parvenu à faire agir le chef de leur troupe. C'était déjà suffisant pour ses hommes, pas vrai?  

    *
    *  *


    Marchant au devant de sa troupe, Deydreus avançait d'un pas rapide vers l'hôtel de ville. En lui, une profonde lassitude était venue s'instaurer pour manipuler son humeur déjà fatiguée. Toute cette mission. Toutes les craintes de cette ville et ses habitants. Ce n'avait été qu'une vaste et pitoyable farce. Des prétendus bandits de grands chemin engrainés par une garde paresseuse et inexploitée. Par une répression inexistante à la suite de choix ridicules imposés par un homme craintif.

    - Nous devrions tout bruler. Tout détruire pour laisser des hommes et des femmes plus forts reconstruire ces terres. Ils transpirent tous la lâcheté. Cela me donne envie de vomir. Un peu comme leur liqueur abjecte.

    Les mots de l'officier eurent au moins le mérite de faire rire les hommes. Bien, il valait mieux ne pas transmettre aux soldats sa propre frustration. De plus en plus, le tournoi se dessinait dans l'esprit du vétéran. Un moyen simple et ludique de permettre à la troupe de se défouler, de ne pas être venu ici, au final, que pour démêler des conflits enfantins entre adultes qui aboyaient plus qu'ils ne mordaient.
    Arrivant sur le pas de la porte, Deydreus ne prit même pas la peine de considérer les deux gardes. Aucun mot ne fut échangé. il passa, purement et simplement, tandis que derrière lui les troupes attendaient en formation. Patte-d'argent attendait sagement dans son bureau, remplissant divers documents rébarbatifs et pleins de subtilités qui échappaient au guerrier. Levant les yeux vers l'officier, le bourgmestre se releva en affichant une mine étrange. Dans ses yeux, un mélange de crainte et de contentement. Les mots d'Alasker trainaient visiblement encore dans son esprit.

    - Tout cela n'est qu'une farce.
    - P... Pardon?
    - Votre prétendue présence de rebelles, ou de cultistes. Ce n'est rien de cela. Et vous le saviez, n'est-ce pas?
    - Non, je vous jure que...
    - Alors c'est encore pire. Êtes-vous le dirigeant de cette ville, ou bien une personnalité fantoche qui prétend être ce qu'elle n'est pas?

    Les mots de l'officier laissèrent l'estropié pantois. En une journée, il avait été traité par des inconnus en visite de lâche et d'être stupide. Et il ne pouvait leur répondre, pas à eux.

    - Les attaques sur vos convois ne sont que le fruit de l'ambition démesurée d'imbéciles ayant fait chambre à part avec les bandits de Cœur Noir.
    - Je savais que l'imbécile y était pour quelque chose.
    - Il n'y est pour rien, justement. Il ne voulait pas s'en prendre aux convois. Il n'y gagnerait rien, son petit commerce ne fleurit que grâce au festival et au passage des marchands itinérants. Mais le plus grave dans tout cela, c'est votre inaction. Marquant une pause, l'armure noire s'avança dans la pièce, forçant l'estropié à reculer de quelques pas, par pur réflexe. Vous auriez pu stopper cet homme et ses opérations si vous en aviez l'envie, votre garde en est capable. Tout comme elle est capable d'arrêter les imbéciles dehors. Ce qui me laisse face à deux options. Soit vous êtes corrompu et touchez une part du bénéfice, soit vous êtes stupide. Comme vous avez demandé à l'Empire de venir vous voir, je pencherai plutôt pour la seconde option, mais vous ne le méritez pas.
    - Je n'ai fait que protéger les miens contre une menace que je considérais véritablement sérieuse.
    - Vous auriez protégé les votres en évitant que des quartiers comme l'est de la ville ne devienne aussi miteux. Vous les auriez protégé en laissant la garde agir plus librement. Et c'est ce que vous ferez à partir de ce jour.
    - Pardon?
    - Vous continuerez de diriger cette ville ainsi que ses ressources économiques. En revanche, laissez tout l'aspect sécuritaire au chef de votre garde. Vous n'êtes visiblement plus apte à prendre ce genre de décision.
    - Vous n'avez pas le droit de décider de la gestion de mes terres.
    - Au contraire, à partir du moment où vous m'avez fait venir ici, j'ai obtenu votre propre accord. De plus, ne soyez pas blessé par cette décision, elle ne fait qu'appliquer quelque chose qui était déjà là. Vous ne vous occupiez pas de la sécurité de la ville. Personne ne le faisait.

    Se retournant pour se diriger vers la sortie de la salle, Deydreus se stoppa au niveau de la porte tandis qu'il entendait le bourgmestre s'affaler dans son bureau en grognant.

    - Oh et, une dernière chose.
    - Oui?
    - Certains de mes hommes participeront à votre tournoi et aux festivités. Mon lieutenant notamment. Nous quitterons la ville après cela. Pour ce qui est de l'auberge, inutile de payer le tenancier, je m'en chargerai. Utilisez l'or économisé pour ordonner des travaux dans les quartiers pauvres. Notamment ce bordel miteux. Il est peut-être illégal, mais inutile qu'il soit aussi sale.
    - Et vous? Vous ne souhaitez pas vous inscrire?
    - Lorsque je sors mes lames, ce n'est que pour tuer.

    Quittant finalement la pièce, Deydreus continua sa route, descendant le long des escaliers de bois pour rejoindre le rez-de-chaussée. Il croisa alors le fils du bourgmestre, le prénommé Garvian. Ce dernier se plaqua contre le mur par réflexe, laissant passer le vétéran alors qu'il l'observait d'un regard à la fois terrifié et... Quelque part, peut être admiratif? L'ignorant complètement, Deydreus retrouva la morsure glacée de l'extérieur et l'ensemble de ses troupes. Avançant vers ces dernières, le vétéran fit un signe de tête à Alasker alors qu'un rictus amusé se dessinait derrière son heaume.

    - Bien. Nous en avons fini ici. La garde se chargera pour nous de ces pleutres qui se prétendent bandits de grands chemin. Nous quitterons la ville à la fin du festival. En attendant, nous siègerons à l'auberge qui nous avait été attribuée. Messieurs. Montrez pendant le tournoi à tous ces minables ce que veut dire le mot "violence".

    Dans une acclamation et un rire général, le groupe de soldats se remit en marche. Deydreus était profondément ennuyé par la tournure des événements mais, au moins, il savait qu'il serait diverti sous peu grâce au festival. La suite de la journée et la nuit furent relativement simple. Comme d'habitude, certains hommes étaient partis s'entrainer tandis que d'autres mangeaient. Les patrouilles extérieures étaient rentrées pour confirmer ce qu'Alasker et Deydreus avait appris dans la journée. A chaque fois, les traces montraient des hommes fuyant, qui cherchaient à esquiver les hommes de l'officier. Une fois dans sa chambre, le vétéran avait commencé à écrire le rapport de mission, qu'il comptait envoyer à l'administration impériale. Officiellement, le groupe de guerriers restait dans la ville nordique pour s'assurer du bon déroulé du festival ainsi que de la sécurité des habitants durant cette période. En vérité, Deydreus voulait surtout s'assurer que le bourgmestre suivait son conseil, ainsi que permettre à ses hommes de laisser leur soif de combat éclater. Car il n'y avait rien de pire que marcher dans la boue pendant des jours, pour simplement arriver dans un climat plus agréable. Le tournoi de la Danse de l'Epée allait débuter et, avec lui, peut-être qu'enfin un peu d'action pointerait le bout de son nez.    
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    Alasker Crudelis
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  • Ven 16 Déc - 18:15
    Le bouclier de Léonard intercepta le coup de masse filant vers son torse dans un fracas assourdissant. L’arme rebondit contre le bois, déséquilibrant son porteur, qui tomba en arrière lorsque son adversaire le poussa d’une bourrade avant de pointer sa lame sur la gorge qu’on lui offrait.
    Au sol, le vaincu pesta. Les quelques curieux qui observaient la scène en formant un cercle autour des deux combattants, ricanèrent. Puis Léonard rengaina son arme pour aider son compagnon d'entraînement à se relever. Esyleij, de nouveau sur ses deux jambes, épousseta l’arrière de son plastron couvert de neige fondu en fixant méchamment le vainqueur.
    “-Lors d’un vrai duel, je t’aurais tué.
    -C’est ce qu’ils disent tous lorsqu’ils mordent la poussière." Le sourire de Léonard et son amusement étaient transmissibles et les autres soldats ne mirent pas longtemps à partir dans une nouvelle crise de rire générale.
    L’ennuyeuse journée de la veille n’avait pas fatigué grand monde, parmi les fidèles Reikois. La plus grande partie de la troupe s’était réveillée très tôt, certains avant même que le soleil ne se lève, pour aménager un petit terrain de duel près des écuries bordant l’auberge de Bourg-Argent. Les places pour la participation au festival étaient limitée et les combats ayant lieu ici-bas avaient pour but de sélectionner les meilleurs duellistes de la bande en plus de leur échauffer les muscles.
    La neige n’avait pas cessé de tomber au cours de la nuit, si bien qu’une épaisse couche de poudreuse recouvrait le sol autour d’eux. Deux heures après le début des duels, le cercle d’entrainement, à force d’être piétiné, avait perdu en neige et gagné en boue. Léonard et son bouclier sortaient invaincus d’une série de trois duels, au terme desquels il avait pu éliminer Aki, Ixchel et maintenant Esyleij. Manifestement infatigable, son but avoué était clairement de se ménager un couloir vers le podium du festival avant même que celui-ci n’ait débuté. Plus personne n’osait entrer dans le cercle, maintenant que le grand brun avait tenu suffisamment longtemps pour connaître chaque centimètre du terrain.
    Honteux, Esyleij rejoignit les spectateurs en laissant un titan d’Airain prendre sa place.
    “-C’était un coup bien lent, pourquoi tu ne l’as pas simplement esquivé?” Demanda le titan en retirant son heaume cornu pour le jeter dans les bras d’Aki.
    Léonard hésita un court instant en avisant son nouvel adversaire, mais son enthousiasme reprit le dessus.
    “-Pourquoi esquiver quand on peut parer?” Répondit-il en haussant les épaules, puis il tendit son bouclier et sa lame d'entraînement à Vivien dans le but avoué de lui léguer sa place au centre.
    “-Reste.” Gronda le titan.
    Le grand brun fronça les sourcils alors que Vivien lui souriait sans accepter les armes offertes. Constatant que les autres, tout autour, l’observaient en souriant, il accepta l’ordre, se retourna en haussant les épaules et décrivit quelques moulinets dans le vide avec l’épée émoussée.
    “-Tu sais, j’comptais pas te piquer la première place, Al’.
    Alasker répondit à cet aveu par un petit rire. Puis il s’avança d’un pas. Léonard s’ancra au sol, son bouclier devant lui, attendant le coup…Et celui-ci vint sans tarder.
    Le poing du loup traversa le bouclier, qui explosa à l’impact et jeta en arrière son porteur sur trois bons mètres. Ses compagnons le rattrapèrent à la fin de sa glissade tandis qu’il s’évertuait à tousser pour récupérer le souffle dont on l’avait privé.
    “-Un bouclier, ça se brise.” Confia simplement Iratus en quittant le cercle à son tour. “T’as eu ton heure de gloire. Laisse les copains s’amuser un peu maintenant.

    Alasker rejoignit l’intérieur de la taverne en soupirant. La chaleur qui y régnait détendit un peu ses mâchoires, serrées par le froid. Au comptoir, l’une des deux jumelles, aux yeux rougies par les larmes qu’elle avait versé plus tôt dans la matinée, s’affairait à nettoyer une chope en fixant le vide. Vivien lui avait confié qu’elle et sa soeur avaient passé une partie de la nuit avec Esyleij, puis l’autre partie à subir les foudres de la colère de leur mère après que cette dernière ne les ait prises sur le fait à un moment gênant. Maintenant, le gérant et sa femme ne manquaient pas une occasion d’êtres désagréables avec les soldats du Reike qui, fort heureusement, prêtaient fort peu attention à leur attitude.
    L’inéluctabilité d’une telle conclusion ne privait pas celle-ci de sa dimension comique. Elle permettait d’apaiser un peu l’humeur générale, axée jusqu’alors sur une tendance à la morosité. Alasker avait même souri en remerciant la taulière lorsque cette dernière s’était permise de lui jeter quasiment au visage le petit déjeuner qu’il lui avait pourtant aimablement commandé.
    La noirceur de ses yeux se posa sur la lumière émanant de la cheminée de l’auberge. Faute de mieux à faire, le géant alla se tenir devant pour profiter d’un moment de calme. Un vieillard, assis sur une chaise à bascule près du feu, grommela dans son sommeil en agrippant le bord des couvertures qui le recouvraient. Le géant étouffa un ricanement dans l’espoir de ne pas troubler davantage le repos de l’ancêtre puis, une fois en place, perdit son regard dans la danse de l’incandescent foyer.
    Combien de fois s’était-il trouvé en une pareille situation? A fixer les flammes d’un feu de cheminée, dans un pays enneigé? A l’époque où il n’était encore qu’un louveteau découvrant le monde avec des yeux d’être humain, déjà, de pareils foyers avaient réchauffé ses froides journées. En y réfléchissant bien, il lui semblait que le feu des cheminées faisait partie des rares choses, dans ce monde, qui avaient toujours réussi à apaiser son esprit. L’alcool ne lui faisait aucun effet, ses sens de loups restaient insensibles à toute forme d’art et les caresses des quelques femmes acceptant de partager sa couche étaient certes agréables mais déclenchaient en lui un torrent d’émotions contradictoires n’ayant strictement rien à voir avec une quelconque forme de paix.
    “-Les responsables ont été châtiés.” Souffla une voix dans son dos.
    Le présent le ramena à lui à l’entente de ces quelques mots. Alasker secoua la tête, légèrement déboussolé, alors que Konrad, venait prendre place à ses côtés. Il l’observa silencieusement retirer ses gantelets souillés de boue et de sang pour placer ses mains nues devant l’âtre. Quelques écorchures parsemaient son visage et la dureté de ses yeux en disait long.
    “-Tu ressembles presqu’à un homme, fiston.” Le félicita Alasker en lui tapant sur l’épaule.
    La blague ne suffit pas à détendre le chef de la garde de la Ville. Son regard perdu dans le vide face à lui, Konrad repris :
    “-Il n’y a presque pas eu de pertes.
    Un soupçon de compassion se fit une place dans l’esprit du géant.
    “-Mais il y en a eu quand même, hein?” Un court silence accueillit la question rhétorique. “Tu t’habitueras à voir les hommes tomber. On ne fait pas ce travail lorsqu’on veut vivre aussi vieux que celui-là.” Ajouta-t-il, un doigt pointé en direction de l’ancêtre roupillant au coin du feu.
    Konrad laissa un petit sourire apparaître aux coins de ses lèvres fissurées par le froid alors que ses yeux découvraient le vieux.
    “-C’est le père du gérant de l’auberge.
    -Je m’en doutais.
    -D’aussi loin que je me souvienne, il a toujours été là.
    Quelque chose de dangereusement proche de la nostalgie se dessina dans les yeux de Konrad. Alasker aurait presque pu voir les souvenirs, heureux ou non, que la vision du vieux éveillait en lui. C’était courant chez les jeunes combattants. Ils devenaient mélancolique, après une escarmouche particulièrement violente. Les pilleurs de caravanes avaient dû le sentir passer.
    Mal à l’aise, le géant s’éclaircit la gorge.
    “-Tu venais pour quelque chose en particulier fiston?
    L’interrogé récupéra un peu de sa contenance et chassa la faiblesse de ses yeux comme de son esprit. Il se détourna du vieux pour se tenir droit devant Alasker.
    “-Je tenais à vous informer avant Patte-d’argent : La route est de nouveau sûre. Les bandits sont morts.” Commença-t-il, en employant un ton si officiel que le loup cru un instant être face à une nouvelle recrue. La posture du chef de la garde se détendit un peu, alors qu’il continuait, en baissant un peu le ton. “Et je voulais vous remercier. Cette ville avait vraiment besoin d’un coup de pied au cul.
    -Ce Bourgmestre, surtout.” Corrigea Alasker, en souriant. Il lui tendit la main, Konrad la serra, puis se détourna pour marcher vers la sortie. Cependant, avant d’ouvrir la porte, il fit volte face une nouvelle fois pour déclarer d’une voix forte :
    “-Au fait, le champion du tournoi : Sir Wolnir, s’est présenté à nos portes, ce matin. C’est un abominable hâbleur et un ami de Patte d’Argent, mais il est invaincu depuis six ans maintenant.
    Alasker hocha la tête et ricana :
    “-Six ans, c’est un bon record.

    En plus du lieutenant des Serres : Léonard, Vivien, Godreck et Ikaryon avaient été sélectionnés pour participer au tournoi. Le reste de la troupe s’était empressée de venir garnir les rangs des spectateurs. Des braseros avaient été allumés de parts et d’autres de l’arène qui avait, depuis l’arrivée de la troupe, été aménagée de sorte à ce que de larges toiles tendues protègent son sable des assauts de l’hiver. Les gradins, légèrement branlants, n’étaient pas remplis à ras-bord, comme Alasker s’y était attendu, mais ne souffraient tout de même pas de la honte de l’absence de succès. Des badauds, quelques gens de passage, des gardes en permission et quelques nobles se côtoyaient sur les bancs et se bâfrant sur les tables derrière “l’arène” en faisant fi du froid ambiant.
    Sur le chemin menant au festival, le géant avait, comme de coutumes, confié à Deydreus, juché sur son cheval hargneux, ce que le chef de la garde était venu lui dire, dans l’auberge.
    “-Est-ce que tu te rends compte que lorsqu’on va repartir de la ville, tu vas être le seul à avoir eu l’occas’ de faire couler un peu de sang? Les gars deviennent mauvais, même entre-eux. Heureusement qu’il y a le tournoi pour les dérider un peu.
    Ils avaient continué à discuter et le sujet de la conversation avait immanquablement fini par viser les “écarts” d’Esyleij. Le duo et quelques-uns de leurs hommes s’étaient mis à rire, puis, peu de temps après leur arrivée sur place, un crieur à la voix horriblement haut perché avait appelé tous les participants. Alasker, suivi par les quatre volontaires, s’était présenté au pupitre du gueulard, qui avait le nez rouge et les jambes courtes sous les encouragements du reste de la troupe.
    “-Nom et prénom?” Commença le petit homme au nez rouge.
    Alasker pris conscience qu’il s’agissait d’un gobelin emmitoufflé sous beaucoup trop d’étoffes et plissa les yeux.
    “-J’allais te poser la même question, mon gars.
    -Très drôle, nom et prénom !
    -Iratus. Ca sera très bien.
    -T’apparaîtras en dernier.” Grinça le gobelin en inscrivant quelque chose sur son pupitre avant de pointer, de sa plume, la hache d’Alasker. “J’imagine que c’est ton arme?
    -Tu veux son nom et son prénom aussi?
    -Nan. Mais j'tiens à rappeler que c’est un tournoi tout ce qu’il y a de plus amical. On évite de tuer, ici, en général. SUIVANT !!!
    Alasker hocha la tête et s’écarta alors que Léonard s’avançait à son tour.
    Calmement, alors que la modeste foule commençait à s’impatienter en scandant des chansons et des hymnes en infectant l’air de leurs haleines avinées, le géant alla s’asseoir sur un banc réservé aux participants, aux côtés d’un orc massif, à la peau aussi noire que le charbon, et se demanda comment la Morgenstern à deux mains qu’il portait pouvait causer autre chose que la mort, lorsqu’elle touchait au but.
    A sa vue, l’orc, qui apparaissait jusqu’à cet instant comme un être fier et défiant, baissa les yeux et s’écarta d’un air craintif. Alors, Alasker se rappela que cette ville était garnie de lâches.
    Et un affreux sourire se dessina sur ses lèvres.
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    Deydreus Fictilem
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  • Lun 19 Déc - 14:11
    Observant de ses yeux vairons les différents spectateurs qui s'amusaient et s'enivraient, Deydreus hésita l'espace d'un instant à repartir en direction de l'auberge. Il n'avait jamais été particulièrement amateur des tournois et autres événements festifs auxquels la population s'adonnait. Même si plusieurs hommes de sa troupe s'étaient engagés dans celui-ci, l'armure d'ébène n'y voyait tout de même aucun intérêt autre que celui de permettre à soldats las de se défouler. Lors de l'inscription, l'officier s'était tout de même amusé à observer les différents candidats, jaugeant leurs forces et faiblesses potentielles. Certains se feraient écraser rapidement, d'autres allaient tenir un peu, avant de finir par se faire écraser. Que ce soit par les Serres ou bien Alasker. De toute manière, il valait mieux être honnête. A partir du moment où l'Enragé s'était inscrit, l'issue avait été décidée.

    Au niveau de la table des provisions, le vétéran remarqua le fils du bourgmestre qui enchainait les verres d'hypocras comme s'il revenait du désert. A ses cotés, son garde du corps semblait complètement désabusé et fixait de temps à autre l'arène d'un regard envieux. Un peu plus loin, parmi des nobles déjà ivres, Patte-d'argent faisait ce qu'il savait faire. De la politique. Une tentative probablement fructueuse de convaincre les riches marchands de passer de nouveau vers sa ville maintenant que tout danger avait été écarté. D'un haussement d'épaules fatigué, l'armure noire se détourna du pitoyable spectacle pour venir s'installer contre l'un des nombreux bancs qui siégeait sous les tentes de la place. A sa vue, une femme et ses deux enfants s'éloignèrent, craintifs. Un sourire amusé vint s'installer sur les lèvres de l'officier alors qu'il repensait au discours d'Alasker. Il était vrai qu'à part lui, personne n'avait vraiment put faire quoique ce soit d'autres que marcher. D'ailleurs, les membres de la troupe qui n'avaient pas été inscrits étaient presque tous retournés s'entrainer derrière l'auberge de la ville dans un sentiment mêlé de honte et de frustration. Ils viendraient voir leurs camarades combattre, naturellement, mais l'officier savait qu'ils avaient besoin d'un peu de temps pour se ressaisir et oublier l'amertume de se savoir inférieur au reste du groupe. Pour sa part, l'armure d'ébène se moquait bien de voir ses soldats dans l'arène ou non. Il n'aurait même pas assisté aux combats de qualification si le bourgmestre ne lui avait pas spécifiquement demandé.

    Ces derniers avaient été particulièrement ennuyeux. Il n'y avait eu aucun enjeu véritable. Les Serres s'étaient naturellement qualifiés et passaient en phases à éliminations directes. Quelques individus avaient cependant attiré le regard de l'armure d'ébène, notamment un orc patibulaire à la peau noire, ainsi que le champion en titre. Un "Sire Wolnir" qui n'avait de sire que le nom. L'attitude du pugiliste était aussi abjecte que son visage. Mesurant dans les 1m90, l'athlète pesait facilement plusieurs livres de plus que Deydreus. Sa tenue était composée d'un gambison aux détails volontairement spectaculaires, par dessus lequel une cotte de mailles venait renforcer le tout. L'officier n'était pas parvenu à voir s'il s'agissait de mithril ou non. Encore au dessus, pour compléter l'ensemble, une armure gothique relativement classique venait entourer le tout. Les gravures qui couraient le long de cette dernière puaient la prétention d'un homme n'ayant connu que la colère des festivals mais jamais celle d'un vrai combat. En comparaison, l'armure d'airain d'Alasker possédait de multiples bosses, des rayures parfaitement visibles tandis qu'à certains endroits le cuivre s'était légèrement oxydé et perdait de sa superbe. C'était là l'armure d'un vrai guerrier. D'un être qui avait mis sa vie sur le fil du rasoir et s'en était sorti. De plus, ce champion pavanait parmi les donzelles, jouant de sa prétendue richesse et de son "talent inné" pour tenter de faire perler la vertu de pauvres vierges stupides. Il fallait bien cela pour compenser le nez trop gros de ce pauvre homme, ainsi que son front gigantesque. Les proportions de ce visage bourru n'avaient rien de normales et démontraient toute la profondeur d'intellect du champion. A sa ceinture, Deydreus remarqua cependant une arme original. Une lame fouet qui pendait timidement contre l'armure du bougre, tandis que dans son dos une hache barbue reflétait les rayons du soleil.

    Les combats de la phase suivante débutèrent alors. Dans un long soupir, Deydreus se redressa pour venir se placer un peu plus près de l'arène. S'il ne souhaitait toujours pas se mêler aux autres nobles qui de toutes façons étaient bien trop saouls pour pouvoir enchainer des phrases intelligentes, l'armure noire comptait tout de même observer ses troupes évoluer dans ce tournoi. Assez vite, les duels s'enchainèrent et les premiers éliminés durent quitter le terrain sous les cris amusés de personnes extatiques. Ikaryon se retrouva face à Godrek qu'il élimina au bout de quelques passes d'armes remarquables. Les deux bougres ricanèrent ensemble tandis que l'un retournait sur le banc des qualifiés. Vivien affronta ce qui ressemblait à un nain un peu trop confiant, et parvint à le sortir après une feinte que l'officier lui avait appris quelques jours plus tôt. Pour ce qui est de Léonard, ce dernier eut la malchance de tomber sur le champion en titre. Le combat fut rude, très rude. Les Serres présentes criaient pour encourager leur camarade qui tentait autant que possible d'esquiver le balai continue de la lame particulière de son adversaire. La technique de Wolnir était, il fallait bien l'admettre, plutôt bonne. A l'aide de la lame, il occupait l'espace de l'arène et décidait du rythme, imposant ses propres mouvements. Chaque fois que Léonard parvenait à passer ce barrage dansant, il devait faire face à la hache et la force de son adversaire qui venait frapper son écu avec violence, le repoussant de nouveau en arrière. A terme, et si Léonard ne faisait rien, ce rythme allait finir par créer une faiblesse dans sa défense qui lui couterait la victoire. Dans un ultime effort, le reikois se fendit en avant, frappant au genoux son adversaire qui fut au moins surpris de cette tentative. L'épée de Léonard tinta d'un son magistral lorsqu'elle rencontra l'intérieur de l'articulation de Wolnir. Dans un cri rauque, ce dernier manqua de tomber mais parvint à se stabiliser en enfonçant sa hache contre le bois des barricades de l'arène. Redressé, il pesta contre son adversaire tout en l'insulta, démontrant qu'en plus de son visage hideux, le bougre était aussi mauvais joueur. D'un violent coup de pied, il envoya du sable au visage du membre des Serres qui fut forcé de reculer sans pouvoir asséner un coup qui aurait conclut le combat. Enchainant ensuite à l'aide d'une passe d'armes mêlant lame-fouet et hache, le champion en titre parvint finalement à balayer un Léonard à bout de souffle. Le combat aurait put en rester là, et les choses auraient put demeurer joyeuses. Si ce n'avait été pour le comportement de nouveau abject du champion. Ce dernier asséna, à multiples reprises, de violents coups de pieds contre le reikois au sol. Frappant ses cottes ainsi que son visage, le bougre semblait se moquer des cris de la foule et des protestations de Patte-d'argent. Les Serres présentes observèrent la scène en silence, sans aucun cri ni râle à l'encontre du champion. Si chaque membre de la troupe souhaitait intervenir, tous savaient qu'ils n'en avaient pas le droit. Sur le banc, Ikaryon tremblait de rage aux côtés d'Alasker et de Vivien. On lisait à son visage toute l'envie qu'il avait d'arracher la jugulaire de Wolnir avec les dents s'il le fallait. Dans une ultime insulte et un ultime coup de pied, Wolnir leva finalement sa hache, prêt à l'abattre sur l'homme au sol. Et, dans un grognement sourd, lança sa frappe sous le regard médusé d'une foule que la violence avait fait sortir de sa torpeur alcoolisé. La lame de la hache termina sa course à quelques pieds de la tête du reikois inconscient. Parfaitement découpée au niveau du manche, l'arme s'était brisée dans la frappe, principalement à cause de Deydreus.

    Debout et face au champion au titre, l'officier terminait de rengainer Silence tandis que derrière lui les membres des Serres tiraient Léonard en dehors de la scène. Le souffle lourd du champion transporta dans un nuage de fumée la mauvaise haleine alcoolisée du "prétendu noble" guerrier jusqu'au vétéran qui ne put retenir une moue dégoutée sous son heaume. Dans ses yeux vairons, on pouvait lire tout le mépris qu'il avait pour un homme dont l'égo était si important que la simple possibilité de potentiellement perdre avait fait ressortir le pire en lui.

    - Un problème?

    La voix agressive du champion ne provoqua chez l'armure noire aucune réaction. Il ne fit que souffler longuement en réponse à l'intéressé tandis que derrière lui Patte-d'argent gueulait comme un âne, rouge de honte.

    - Je n'ai fait qu'empêcher un malheureux incident. Dans votre combat, la hache s'est abimée et vous auriez put causer la mort de votre adversaire. Et si un membre de ma troupe aurait péri dans un tournoi prétendument amical.... Je n'aurais eu d'autres choix que de tous vous tuer.

    Derrière Wolnir, le bourgmestre se figea dans une expression étrange. Car, tout le long du discours, Deydreus n'avait pas regardé le champion. Il n'avait fait que fixer le maître de la ville comme pour lui intimer à demi-mot de mieux s'occuper de son chien fou. Se retournant sans plus de cérémonie, l'armure noire récupéra la lame de la hache qui trainait au sol et la lança vers le champion en titre qui réceptionna cette dernière dans un grognement provocateur.
    S'approchant d'Aki, Deydreus observa quelques instants le visage tuméfié de Léonard et le sang qui voulait de ses lèvres et son nez. Soupirant longuement, le vétéran sortit sa bourse qu'il tendit à l'un des soldats présents.

    - Amenez le à l'auberge et alitez le. Aki, va voir l'herboriste au niveau du marché et achète de la consoude. Faites en une pâte à appliquer sur les hématomes qu'il aura surement aux côtés et sur le visage. Prends également du millepertuis pour en faire un mélange alcoolisé. Sur ses plaies, cela devrait aider la cicatrisation. Surtout sa lèvre fendue. S'ils n'en n'ont pas, achète leur de l'achillée. En cataplasme après avoir écrasé le tout, cela devrait faire le même effet. Un peu de lait de pavot aussi, au cas où. Que quelqu'un vienne me voir lorsqu'il sera debout, et qu'il ne soit jamais seul. Cet imbécile pourrait vouloir se venger à son réveil. Quand bien même ce type va être écrasé dans le tournoi.

    D'un signe de tête, les troupes se mirent en œuvre. Après quelques longues minutes, l'orchestre du tournoi reprit sa musique entrainante et les nobles firent mine d'oublier l'incident. S'appuyant sur la barricade usée de l'arène, Deydreus balaya des yeux le sable maintenant rougi par le sang de l'un des siens. Son regard glissa ensuite naturellement vers son bras droit, qui le fixait en silence. Aucun mot ne fut échangé. Aucun mouvement de tête ou de main. Mais une entente naturelle. Une transmission d'idées sans aucun effort. Du sang avait coulé dans ce tournoi. Et du sang, il y en aurait encore.
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  • Mer 21 Déc - 15:55
    La foule de Bourg-Argent l’avait toujours aimé autant que détesté. Ça faisait partie du mythe. Une armure clinquante protégeant un cœur noir disait-on, car l’originalité avait toujours fait défaut à la plèbe. Son rôle, qu’il acceptait sans problème, demandait une certaine…Disons…Cruauté. Sans quoi, aucun grand défenseur de la veuve et de l’orphelin ne viendrait jamais le défier au festival. Les redresseurs de torts, les freluquets assoiffés de justices et même quelques jouvenceaux soucieux de prouver à leurs promises qu’ils pouvaient se dresser face à l’injustice sans craindre la mort, tous ces imbéciles se bousculaient pour avoir la chance de se battre contre lui.
    Et perdre. Parfois, simplement le respect de leurs pairs. Parfois, carrément la vie. Et lui, Wolnir, continuait à amasser l’or et la gloire née de l’infâmie sous le regard courroucé de quelques bouseux pourtant autant assoiffés de sang que lui.

    “-Merci.” Gronda-t-il à l’intention d’un roturier chargé de lui fournir une nouvelle hache. L’homme, intimidé, lui adressa une courte révérence avant d’aller se réfugier dans les gradins. Une fois le festival terminé, Patte-d’Argent allait l’entendre. Son nouveau chien-chien, bien moins docile que le jeune Konrad, avait osé briser l’une de ses armes en interrompant au passage une exécution bien méritée. Pour qui se prenait-il? En sa qualité de noble et de vainqueur, il avait tout à fait le droit d’honorer son adversaire brisé d’une mort rapide. Une juste punition, qui valait mieux qu’une vie dans la boue, à se remémorer le déshonneur d’une telle défaite.
    Pourtant, la foule l’avait insulté lui, pas l’armure noire. Ces imbéciles étaient restés muets comme de foutus carpes lorsque ce type s’était mis entre lui et sa proie. Pour ça aussi, Patte-d’Argent allait l’entendre. Si il voulait continuer à se remplir les poches grâce à sa présence dans ce trou perdu, chaque année, alors, l’estropié allait devoir lui rendre des comptes.
    “-Suivant !” Beugla-t-il, assez fort pour que même l’orchestre ne puisse couvrir sa voix.
    Et le suivant vint. Un orc à la peau noire, massif, grognant tel un animal enragé à chaque coups qu’il tentait de porter. Wolnir le laissa s’agiter et s’épuiser pendant un peu moins de cinq minutes avant de lui porter un coup, un seul, qui le priva de deux doigts et de son imposante Morgenstern, qui alla s’écraser dans le sable déjà rougi par le sang du précédent inconscient ayant osé le défier. Avec sa main valide, le blessé déclara sa défaite d’un geste paniqué. Wolnir la lui accorda, satisfait par son apparente soumission. L’orchestre se mit à jouer l’air qu’il réservait aux victoires et la foule se lança dans une timide acclamation. Moyennement satisfait du peu d’enthousiasme de la foule, qu’il savait liée à sa petite incartade avec l’homme en armure noire, Wolnir se tourna de nouveau vers les gradins :
    “-Personne d’autre ?!” Gronda le champion entre ses dents serrées. “Suis-je donc déjà de nouveau le champion de Bourg-Argent?
    Les acclamations se stoppèrent, totalement. En plissant les yeux, le champion incontesté remarqua que tous les regards étaient dirigés derrière-lui. Un autre consanguin du nord venait de pénétrer dans l’arène. Et manifestement, celui-ci avait réussi l’exploit de paraître encore plus antipathique aux yeux de la populace que sa propre personne.
    Bien. Un autre méchant alors.
    Lentement, Wolnir se détourna de la foule pour découvrir l’identité de son adversaire. Et lorsque ses petits yeux purent enfin parcourir les plaques d’armures rougeâtres de la bête face à lui, il se surprit à contenir un mouvement de recul :
    C’était trop grand et surtout trop large d’épaules pour prétendre être un humain. Le casque à corne dans lequel cette chose enfermait son visage pouvait éventuellement dissimuler des traits de Drakyn ou d’Oni. Mais sa taille ou son poids n’étaient pas ce qui le dérangeait le plus.
    Cet honneur revenait à l’immobilité de sa posture. La bête se refusait à saluer, parader ou provoquer. Elle restait simplement debout, dans le sable, ses deux gantelets griffus fermement refermés sur l’imposante hache de guerre qui lui servait d’arme. Pas un mouvement ne lui était accordé.
    Et même si les ténèbres du heaume qu’il portait masquaient son visage, Wolnir savait qu’il le regardait.

    Le champion haussa les épaules et secoua la tête, autant pour ranimer la foule que pour chasser l’étrange impression que lui laissait ce type. Il avait déjà vaincu des guerriers aussi puissamment bâti. Ils étaient endurants, mais au final, l’exsanguination les mettait à genoux comme les autres. D’une torsion de poignet, Wolnir dirigea sa lame-fouet sur le plastron de son concurrent. Une manière de le saluer autant que de le sortir de son inquiétante immobilité.
    La pointe de la lame s’écrasa contre l’airain de l’armure, dans un fracas suraigu de tous les diables. L’orchestre reprit son office à l’entente du choc.
    Et son adversaire demeura immobile.
    Le coup n’avait pas suffit à le déséquilibrer. Il le fixait, toujours, sans reculer ou avancer d’un seul pas. Dans les gradins, une discrète clameur commençait à se détacher du brouhaha global. Wolnir remarqua une bande de soudards aux livrées noires et rouges s’agiter contre les barrières séparant l’arène des bancs. Ils hurlaient un nom ou un titre, que les instruments de l’orchestre peinaient à masquer :
    “-I-RA-TUS, I-RA-TUS !” Le champion remarqua une pointe de jalousie faire son chemin dans son esprit, qu’il s’empressa de chasser avec dédain.
    A quelques places de ces soldats écervelés, le fils du Maire le regardait, lui, mais les acclamations de sa faible voix ne parvenaient pas à percer le mur de son que les troubles-fêtes déployaient. Et puis il y avait l’armure noire. Ce salopard-ci aussi se contentait de le fixer sans bouger. Sa rage se mit à monter.
    “-SILENCE !” S'époumona-t-il, en projetant une nouvelle fois sa lame-serpent vers le golem immobile. L’arme n’avait rien à voir avec les vulgaires pièces de métal que les roturiers du coin agitaient aléatoirement sous son nez. Wolnir l’avait faite enchantée après sa première victoire. Son acier s’allongeait et ondulait lorsque son propriétaire le libérait, suivant ses ordres pas seulement par ses gestes mais aussi par ses pensées. Elle était, littéralement, une extension de son esprit désormais. Ainsi, jamais, cette lame ne lui avait fait défaut.
    Comme de coutume, la pointe de l’arme se mit à serpenter dans l’air de l’arène, louvoyant à droite, à gauche, pour troubler les sens du géant d’Airain, l’empêcher de prévoir où elle allait frapper. Le souffle que ses mouvements erratiques générait soulevait le sable de l’arène, le projetant avec violence dans toutes les directions tandis qu’elle tournait autour de sa cible, qui se refusait toujours à bouger. La foule retint son souffle et même les acclamations des imbéciles se stoppèrent, lorsque finalement, la lame-serpent frappa.
    Les armures lourdes ne possèdent que peu de points faibles. Les articulations, parfois. Les aisselles, souvent. La gorge, toujours. Et, sans surprise, Wolnir opta pour la solution la plus évidente.
    La pointe perça le bronze, la chair, les cartilages et les os avec succès pour réapparaître de l’autre côté…D’une main gantée.
    Ca y est, le salopard avait finalement bougé. Pragmatique, il avait préféré sacrifier l’une de ses mains pour sauver sa carotide en la mettant sur le trajet de sa lame-serpent. Wolnir ne put s'empêcher de sourire. Vicieusement, le champion se mit à faire tourner sa lame au sein de la plaie, impatient d’entendre l’abandon de ce grand salopard.
    Puis, quelque chose d’inattendu se passa. Son adversaire jeta bel et bien sa hache au sol, comme prévu…Mais au lieu de l’implorer pour avoir la vie sauve, il avait saisi de sa main valide la lame-fouet pour la tordre et… la tirer.
    La violence de l’attraction fut telle que Wolnir se refusa à y opposer sa propre force. Il lâcha simplement prise. Toute enchantée qu’elle était, sa propre arme alla rejoindre celle du géant d’airain, dans le sable rougie de l’arène. L’orchestre accéléra la cadence. Les acclamations reprirent de plus belle.
    Et puis, sans même prendre la peine de ramasser la hache à ses pieds, son adversaire se mit à marcher dans sa direction.
    Un peu plus de six pas les séparaient l’un de l’autre. Ces six pas, la chose face à lui les franchiraient en trois et, si elle pouvait commencer le corps à corps selon ses propres termes, il perdrait son titre de champion. Les tempes de Wolnir s’enflammèrent alors qu’il se jetait à la rencontre du golem. Le fer de sa propre hache fila jusqu’à l’articulation du coude du bras déjà à moitié invalidé par sa première frappe puis, au dernier moment, la vedette du tournoi feinta et redirigea son coup vers le crâne casqué sans perdre en vélocité ni en force. L’économie de mouvement, la fluidité, la précision et la puissance létale de l’attaque étaient indiscutables. Wolnir avait appris ce coup auprès d’un maître d’arme de Justice et l’avait reproduit un nombre incalculable de fois au cours d’innombrables duels d’honneurs ou lors de festivités semblables. C’était un sale coup, mais un beau. Personne n’arrivait jamais à le voir venir.

    “-Pas mal.” Souffla Alasker, critique, à l’intention de la carcasse brisée qui hurlait à ses pieds.
    L’orchestre ne jouait plus désormais. Seuls les gars de la troupe avaient encore assez de souffle pour animer le tournoi, et ils le faisaient en riant, telles des hyènes affamées. Le champion, pour sa part, pleurait plutôt comme une gamine en serrant le moignon de son bras gauche, qui se terminait désormais un peu avant le coude. Le sang giclait à gros bouillon au travers de la vilaine blessure et, à en juger l’odeur discutable qui se dégageait de sa bien belle armure, il s’était pissé dessus.
    Le combat s’était terminé au moment où, de sa main valide, Iratus avait intercepté le bras armé de son adversaire pour le tordre sèchement dans le mauvais sens. L’os du coude, qui s’était instantanément brisé, avait traversé la peau tendre au niveau de l’articulation en déchirant ce qui restait de ligaments et de veines. Pour bien faire, celui qui se savait déjà vainqueur avait projeté son pied gauche dans le torse de sa victime sans lâcher sa prise. Quelques côtes s’étaient brisées, puis l’ancien champion, emporté par la violence du coup, avait roulé dans le sable telle une poupée de chiffon.
    Soucieux de ne pas voir sa victime succomber à une hémorragie soudaine, le loup-garou appliqua, comme il convenait de le faire, une pression sur la plaie.
    Wolnir hurla de plus belle alors que le pied botté d’un géant venait écraser son moignon.
    Sans lui accorder un regard, Alasker prit soudainement conscience du fait que la moitié de bras manquante se trouvait toujours dans sa main droite. Il laissa le reliquat de chair et d’os s’écraser au sol, devant les yeux du champion au bord de l’apoplexie, puis remarqua, dans les gradins, le regard courroucé du crieur gobelin lui ayant demandé son nom, plus tôt.
    Quelques instants plus tard, on le déclarait vainqueur et Wolnir sombrait dans l’inconscience.

    “-C’est pas la peine de faire cette gueule, il vivra.
    Le gobelin grommela quelque chose d’inintelligible en lui tendant son prix : une médaille d’or cerclée d’argent, représentant grossièrement ce qui semblait être deux épées s’entrechoquant au-dessus d’une…Caravane? Tente ? Rien n’était sûr.
    “-C’était plutôt mérité, au final. ” Consentit le crieur, un discret sourire aux lèvres. “Désolé pour l’absence de cérémonies, mais c’est difficile de célébrer une victoire quand la moitié des spectateurs se retiennent de rendre leur déjeuner. Tu devrais plus souvent te battre en arène, j’suis sûr que tu t’ferais rapidement un nom.
    Alasker acquiesça, les traits fermés pour dissimuler son propre amusement.
    “-J’y penserais.” Souffla-t-il en se détournant finalement pour rejoindre la troupe de Serres qui l’attendait.
    Les gars trépignaient tout bonnement, surexcités au-delà des mots après la trempe que le soi-disant champion avait reçu. Leurs rires avaient paralysé de frousse une grande partie de la foule et même Patte-d’Argent avait préféré garder son gros derrière bien ancré sur son fauteuil plutôt que de venir pleurnicher aux pieds de Deydreus.
    “-J’te prendrais bien sur mes épaules pour célébrer la victoire, Al’, maiiiis…” Commença Esyleij avant d’être interrompu par le nouveau champion.
    “-On a déjà bien assez d’un seul blessé, fiston. Surtout pour une ville aussi merdique.” Il resserra les chaînes qui maintenaient la Salvatrice attachée à son dos, puis enchaîna. “Comment il va d’ailleurs?
    Ikaryon dépassa le demi-elfe pour répondre à sa place.
    “-Il s’est réveillé pendant qu’ils ramassaient les morceaux de l’autre fils de chienne. Apparemment il peut marcher. Le patron est allé le voir pour s’en assurer.
    Alasker acquiesça, légèrement soulagé. Autour d’eux, une foule de spectateurs médusés leur attribuait des regards terrifiés.
    “-Rejoignons-les, alors.

    Effectivement, Léonard était réveillé. Il pouvait marcher. Et même se battre, à en croire ses exclamations. Gorrek et Aki avaient dû le ceinturer pendant cinq bonnes minutes avant que le blessé accepte de tirer une croix sur sa vengeance. Lorsque Deydreus et quelques-uns des autres membres de la troupe l’avaient rejoint et qu’on lui avait expliqué qui s’était chargé de punir ce gros salopard de Wolnir, ses traits ravagés par son injuste correction s’étaient adoucis et il avait même réussi à rire avec les autres malgré ses côtes endolories. Pour s’assurer que ses jambes fonctionnaient correctement, il était sorti de l’auberge et avait commencé à marcher devant l’entrée, lentement au début, puis de plus en plus rapidement. C’était là qu’Alasker et le reste de la troupe l’avait trouvé, le teint rougi par le froid et le visage couvert d’ecchymoses.
    “-Le premier qui fait une blague, je le bute.” Avertit le blessé, l’air mauvais.
    “-T’en fais pas, j’lui suis tombé dessus à bras raccourcis.” Répondit à la volée Alasker en venant lui tapoter l’épaule. Quelques rires fusèrent, et puis le géant d’Airain abandonna son sourire : “Tu peux marcher ?
    -Si c’est pour se barrer de cette ville, ouai.
    -Bien. Dey est à l’intérieur?
    -Ouaip.
    Sans un mot de plus, le loup se détacha du blessé et du petit attroupement s’étant formé autour de celui-ci. D’un pas rapide, il se dirigea vers la porte d’entrée de l’auberge et dû s’écarter alors que Gorrek et Mitch en sortaient, manifestement aussi pressés que lui.
    Ce qui était, somme toute, plutôt bon signe.
    A l’intérieur de l’auberge, Deydreus finissait de converser avec le gérant de l’établissement, au comptoir. Manifestement, l’antipathie que le couple de tenanciers éprouvaient à l’égard des Serres n’avait pas survécu à la bourse que le chef des Serres leur avait confié, car un grand sourire illuminait désormais le visage rougeaud de l’aubergiste.
    “-C’est fou c’que cette ville peut avoir comme éclopé !” Commença Alasker en rejoignant le duo au comptoir. A sa vue, la joie apparente du chef d’établissement sembla s’amenuiser. Il le salua d’un hochement de tête qui n’obtint aucune réponse puis disparut derrière une rangée de chopes à laver. “Par pitié, dis-moi que Mitch et Gorrek partaient chercher ton cheval, qu’on se tire enfin de là.
    Le Chevalier Noir
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    Deydreus Fictilem
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  • Ven 23 Déc - 11:44
    Le champion de l'arène avait été écrasé. Humilié, et handicapé à vie. Bien, cela était une punition amplement méritée pour celui qui avait eu l'audace de s'en prendre à un membre des Serres Pourpres devant leurs propre chefs. Silencieux, Deydreus avait observé le combat avant de finalement s'en aller sans la moindre cérémonie, sans le moindre regard envers Patte-d'Argent. Ce dernier ne pouvait, au final, pas dire grande chose. Son chien fou c'était fait euthanasier mais, dans le fond, cela relancerait aussi à l'avenir tout l'intérêt du tournoi, car à présent n'importe qui pouvait devenir champion. Marchant rapidement, l'armure noire arriva finalement à l'auberge où elle s'en alla retrouver Léonard. Ce dernier, alité et encore groggys de son passage à tabac, beuglait déjà sur le fait qu'il allait punir celui qui avait osé l'humilier. Il se calma rapidement lorsqu'il aperçut le vétéran qui entrait dans la chambre. Ses deux camarades, qui le maintenaient jusqu'à présent contre le lit soufflèrent de soulagement alors qu'ils laissaient le blessé se redresser. S'approchant du lit, Deydreus fixa le soldat de ses deux yeux vairons. Baissant les yeux, Léonard affichait une honte certaine, comme un enfant qui avait déçu son père.

    - Tu n'as pas à rougir de ton combat, tu sais.

    Relevant les yeux, le membre de la troupe fixa son chef dans une expression étrange. S'il ne savait pas vraiment comment réagir aux compliments de son supérieur, le soldat avait visiblement du mal à digérer sa défaite.

    - Bien sûr que si. Perdre c'est une chose, devenir un sac de frappe, c'en est une autre.
    - Ne t'inquiète pas. Il est à son tour devenu le sac de frappe de quelqu'un d'autres. Alasker lui a fait comprendre qu'on ne s'en prenait pas à nous, pas impunément.
    - Parfait, c'est tout ce qu'il mérite, ce fils de putain.

    S'apprêtant à repartir, Deydreus s'arrêta lorsque Léonard l'interpella. Sur le pas de la porte, l'armure noire fit demi-tour pour revenir auprès du blessé.

    - Est-ce que, vous me trouvez faible?

    La question eut au moins le mérite de surprendre le vétéran. Tirant vers lui un tabouret et s'asseyant aux côtés du soldat, Deydreus retira son heaume et le posa contre sa cuisse.

    - Aucun de vous n'est faible. Aucun des membres des Serres ne peut l'être. Tu as été battu, oui. Ton adversaire était meilleur, c'est évident. Mais cela ne détermine pas ta faiblesse, car nous avons tous quelqu'un qui nous surpasse. Nous tombons tous un jour sur un adversaire plus coriace, ou plus retord. Je l'ai déjà dit, tu n'as pas à rougir de ta défaite. Tu as mis le champion en difficulté, tu avais démontré de la volonté et de l'acharnement. Et, au delà de tes performances individuelles, n'oublie jamais Léonard. Tu fais partie d'un groupe. D'un tout. D'une famille unique.

    Plongeant ses yeux vairons dans le regard de Léonard, l'officier observa le sang qui se trouvait encore dans le blanc des yeux de son interlocuteur.

    - Les Serres sont bien meilleures que la plupart des soldats que j'ai rencontré, ou combattu. Ensemble, vous représentez une formation que peu de choses sont capables de briser. Car vous vous entrainez, encore et encore, jusqu'à ce que vos corps lâchent. Votre détermination à demeurer dans l'excellence vous place, de facto, au dessus des autres. Vous disposez tous d'un potentiel, d'une hargne, qui vous laisse agir comme des loups parmi les agneaux. Tu as perdu, tu es meurtri dans ta chair et ton orgueil. Soigne ces plaies. N'oublie pas cette défaite et utilise la comme un catalyseur pour ta propre rage. Un idéal à atteindre. Car, le jour où une situation comme celle-ci se présentera de nouveau, tu sauras ce que l'amertume de la défaite représente, quel gout a la frustration.
    - Si j'en crois ce que je ressens, un gout ferreux de sang dans la bouche.
    - L'humour te revient, c'est bon signe. Te souviens-tu, Léonard, du jour de ton recrutement?
    - Je, oui.
    - Je m'en souviens également. Je te revois, couvert de sang alors que tu venais d'abattre trois cultistes qui avaient voulu violer cette fillette car elle avait osé blasphémer à l'encontre de leurs titans. Je revois ton regard, ta haine. Tout comme je revois les corps déchirés de ces malandrins et le visage rougit par les lames de cette enfant. Mais surtout, je me souviens de tes mots, lorsque je t'ai proposé de me rejoindre.
    - "Faites moi devenir plus fort"
    - Exactement. Et ce chemin est long, pénible, et douloureux. Et il passe également par quelques défaites de temps à autres. Tant que tu respires, tu peux avancer. Tant que la mort n'est pas venue t'embrasser, tu peux t'améliorer. Alors, reprend toi fils, car d'autres combats nous attendent, et lorsque le fracas des armes résonnera, nous compterons tous sur toi comme tu pourras compter sur nous. Relève la tête, et sois de nouveau un loup, n'abime pas tes crocs à trop ronger un os qui a aussi mauvais gout.

    Se redressant, Deydreus se détourna du soldat qui lui adressa un timide remerciement que l'officier ne releva pas. S'il savait l'importance de parler avec ses hommes et de les rassurer, l'armure noire n'était tout de même pas très sentimentale. Descendant pour rejoindre le cœur de l'auberge, le vétéran alla ensuite payer pour tout le temps passé avec ses hommes dans l'établissement. Soucieux du détail, l'homme aux yeux vairons se permit même de rajouter un bonus, pour "se faire pardonner" du dépucelage des filles du tenancier. Ce dernier accepta l'or dans un sourire bien trop grand pour être sincère. La scène amusa légèrement Deydreus, car il ne comprenait pas, au fond de lui, pourquoi les gens se comportaient ainsi. L'homme n'appréciait pas la présence des reikois, il était même devenu antipathique et provocateur lorsque ses filles avaient fauté. Mais, à présent qu'il avait assez d'or pour passer l'hiver fermé s'il le fallait, il riait et remerciait l'officier comme s'il était la réincarnation d'un dieu salvateur. Foutue hypocrisie. Il aurait pu se contenter de prendre l'or dans un remerciement simple, mais non, le bougre avait proposé au vétéran de boire de nouveau de leur liqueur insupportable, et Deydreus avait dut refuser poliment, prétextant un départ prochain. D'ailleurs, l'armure d'ébène interpella vivement Gorrek et Mitch pour leur demander d'aller préparer les chariots de provisions ainsi que sa monture. Au final, l'excuse du départ n'était pas si fausse que ça.

    Lorsqu'Alasker entra dans l'auberge, le vétéran s'amusa du changement d'attitude de l'aubergiste. Chassez le naturel, il revient au galop. C'était là plutôt vrai étant donné l'air craintif et méchant que le gros barbu tenancier affichait. Dans une excuse pitoyable, ce dernier disparut dans la cuisine, laissant les deux dirigeants des Serres seuls. Passant sa main gantée contre sa barbiche, l'officier fixa son bras droit tandis qu'il reposait un verre d'eau sur le comptoir.

    - Oui, je leur ai demandé de commencer à préparer notre départ. J'en ai assez, de tous ces imbéciles qui se prennent pour autre chose que ce qu'ils sont. Et surtout, j'en ai assez de perdre mon temps à ne rien faire quand de réelles menaces pèsent sur nous ailleurs. Viens, rejoignons les gars, nous devrions être partis dans une bonne heure, le temps de réunir les vivres pour le retour.

    Une heure passa alors. Les hommes de la troupe échangèrent de multiples blagues et autres anecdotes tandis qu'ils préparaient leur paquetage. Tous revenaient sur la manière qu'avait eu Alasker d'écraser le fameux Wolnir. Certains laissèrent même quelques commentaires osés à l'encontre du bourgmestre et son visage tout rouge. Léonard, malgré ses blessures, participaient aux manœuvres et ricanaient avec ses camarades. Même si on voyait que son amertume était toujours présente, le blondinet commençait à tourner la page comme lui avait demandé son chef. Puis, le groupe entama sa route, traversant la ville de la même façon qu'ils l'avaient faite en arrivant. S'arrêtant à l'hôtel de ville, Deydreus alla signaler son départ au vieil estropié. Ce dernier semblait aussi soulagé que soucieux du départ des reikois et malgré les altercations passées, remercia le vétéran. Peut-être avait-il, au final, compris que ce coup de pied au derrière avait été nécessaire, qu'il y avait effectivement des choses à corriger? Ou bien était-ce là, encore un faux semblant pour ne pas subir le courroux de l'être aux yeux vairons. A vrai dire, Deydreus s'en moquait bien. Ils quittaient la ville, et n'y reviendraient pas avant possiblement des années. Dans le cas contraire, cela signifiait que le bourgmestre avait encore échoué à sa tâche et, cette fois, aucun main ne saurait le protéger de la colère reikoise.

    Comme pour marquer leur départ, une fine neige commençait à tomber depuis le ciel gris des terres du nord. Observant les flacons qui se figeaient à l'intérieur de son gantelet, Deydreus pris une profonde respiration, savourant l'air glacé de cet environnement. Car il savait qu'une fois de retour à la capitale, il retrouverait l'aridité du désert et sa chaleur étouffante. Tournant légèrement la tête pour observer une dernière fois la tête pour observer les remparts de Bourg-Argent et ses demeures, un léger rictus se dessina sur les lèvres du chef des Serres Pourpes. C'était vrai ce qu'avait dit Alasker.

    C'était une grande ville de lâches.  
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