Parfois la vie ne tient qu'à un fil, une rencontre et des mots échangés et ce jour ne faisait pas exception à cette règle. J'avais pris la route de Celestia il y a quelques jours déjà, je savais que l'automne bien installé trouverait la neige bien implantée dans les monts Célestia, l'hiver arrivait tôt dans nos montagnes je le savais depuis longtemps. Mon retour avait été le résultat de ma conversation avec la grande oratrice de Xo'rath, Morndrizel, ses paroles avaient réveillé en moi la vrai foi qui m'avait toujours habité. J'avais compris que je ma place avait toujours été à Mael, sur les terres des de Boktor. Que mon devoir envers mes gens passait aussi par la terre elle-même. Loin de chez nous, de notre foyer, nous n'étions pas entiers, pas complets et nous manquions aussi à nos terres. Notre culture, notre foi, notre mode de vie, pouvait s'implanter ailleurs mais nos racines peineraient à se replanter, c'était ainsi que je l'avais compris.

Alors j'étais rentrée, j'avais repris mes terres, récupéré mon Manoir et mes gens étaient revenus, ils n'attendaient que cela. Les familles restées sur place nous avaient accueillis à bras ouverts, heureux de nous voir rentrer, et de constater que nous étions les mêmes, la même foi brûlait en nous et nos idéaux étaient inchangés. Et j'avais la conviction que cette guerre finie nous allions devoir entamer la vrai combat, celui pour la préservation de notre culture et de notre vie, nous ne devions pas nous faire écraser par les Reike.

Les choses suivaient donc leur cours lentement mais surement et il n'était pas question de se précipiter. Je savais que j'avais besoin d'aide, d'appui pour oeuvrer dans le Protectorat de Mael et dans mon esprit et mon coeur résonnait un nom "le Nouvel Ordre". Je ne savais pas trop quoi en attendre, ce qu'ils pourraient m'apporter ou ce que moi je pourrais leur apporter mais je devais aller voir, aller les rencontrer, faire mon chemin de croix, seule.

J'avais reçu des hurlements en réponse à mon choix, Mélyssa qui me rappelait que j'avais un enfant en bas-âge qui avait besoin de moi, qu'elle n'était pas sa mère, Wan qui me trouvait imprudente et craignait les réactions de certaines personnes au vue des rumeurs qui circulaient sur cet ordre en Shoumei. Et malgré cela je n'avais qu'une idée, y aller et je suis quelqu'un de particulièrement tétu.

Alors j'ai pris la route pour Célestia, je connaissais la route, j'y était déjà allée de nombreuses fois par le passé, allant même dans certaines grottes rencontrer des clans nains qui minaient des métaux précieux et rares. La route s'était passée sans encombre, la majeure partie du temps je galopais et une fois au pied des montagnes nous avons changé de rythme avec ma fidèle jument, nous avons avancé avec prudence. J'étais partie les fontes pleines de nourriture séchée, une toile de tente imperméable, une couverture épaisse, des vêtements chauds, des bottes de cuir souples, j'étais équipée. J'avais même pris une épée courte et une dague même si mes compétences en combat restaient minimes je savais me défendre.

Ce matin là, il neigeait, je marchais aux côtés de ma jument, nous étions toutes les deux fatiguées et cette ascension était compliquée. Nous étions déjà dans les hauteurs des montagnes, en direction du sommet et du quartier général de l'Ordre normalement. Le souffle me manquait, mes muscles étaient douloureux, mais ma détermination immense, j'avais un but à attendre et des guides à trouver. Et déjà dans le ciel se découpaient les traits majestueux de l'antique citadelle, je touchais au but. J'avançais lentement pour me retrouver près des portes.

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CENDRES

J’avais suivi ma route sans l’ombre d’une hésitation, sans la moindre peur ou appréhension. Pourtant les rumeurs concernant le Nouvel Ordre étaient venus à mes oreilles et ce n’étaient pas des récits d’Ordre doux, bienfaisants, on parlait de soldats qui jugeaient ceux qu’ils considéraient comme hérétiques, non croyants… Et j’avais écouté les conseils donnés à demi mot par un démon qui semblait garder une énorme rancune du dirigeant de cet ordre. Mais malgré cela, j’avais gardé en tête les paroles de Morndrizel et je sentais le besoin de venir tester ma propre foi en ce lieu.

La veille ma quête avait failli prendre fin un peu avant le sommet quand une avalanche m’avait surprise avec ma jument. J’avais réussi à nous protéger mais nous n’étions sorti de là que grâce à l’intervention salvatrice de Dante, un membre de cet Ordre. Il m’avait accueilli dans une grotte, nourrie, je m’étais réchauffée près du feu et nous avions parlé de longues heures durant avant que je ne dorme quelques heures bienfaitrices. J’avais repris la dernière ascension le matin même, quelques dizaines de mètres de dénivelé encore à franchir pour atteindre les hauteurs et les portes du sacro saint lieu de culte.

J’étais aux portes du Temple, arrivée à quelques pas de ma destination quand un homme vint à ma rencontre. Si je pouvais maintenant dire que j’avais vu Gunnhildr deux fois dans ma vie, il était un autre puissant du Shoumeï que j’avais vu, entendu, écouté en plusieurs occasions quand bien même cela semblait venir d’une autre vie, d’un autre temps. L’homme qui m’aborda avec chaleur et fermeté mêlées n’était autre que Seagan, le lumina qui avait disait-on changé drastiquement avec la guerre et ce qu’il avait probablement vécu de son côté, loin des fronts de Shoumeï.

J’appréhendais cette rencontre au même titre que je l’avais désirée, j’étais ici en partie pour voir cet Homme, l’écouter, comprendre, et savoir si je pouvais me fier au Nouvel Ordre ou seule mes croyances étaient en accord avec eux.

- Je vous remercie pour l’accueil.

J’avais failli ajouter Seagan, mais je n’avais pas osé, et je ne savais pas comment le nommer en ce lieu, grand prêtre, dirigeant, je ne m’étais même pas posée la question avant d’arriver. Je suis descendue de cheval et j’ai pris ses brides par la main en m’avançant jusqu’au célèbre Lumina. Je n’avais jamais approché le grand prêtre, je le pensais plus petit que moi, les siens n’étaient pas grands en général mais non il faisait ma taille, comme quoi on imagine des choses quand on regarde le monde d’en dessous, d’en bas d’une estrade notamment, dans un temple en admirant la chaire de ce dernier…

Je répondis moi aussi par un sourire franc, c’était dans ma nature d’être généreuse et chaleureuse après tout. La question posée ensuite était simple en apparence mais elle avait tellement d’implication, devais-je faire un récit détaillé de ce que j’en pensais? Je choisis que non, j’allais répondre avec simplicité, j’étais certes une bavarde reconnue mais quand les sujets étaient d’importance, je n’étais pas une grande oratrice pour ma part. Alors je répondis avec mon coeur, sincèrement.

- Je suis venue à la rencontre de ce Nouvel Ordre justement, les on-dits et rumeurs se déversent dans les plaines mais trier le bon grain de l’ivraie n’est pas chose aisée alors j’ai choisi de venir… ressentir ce lieu, ces habitants pour me faire ma propre opinion.

Et j’avais cette habitude de laisser toujours mon empathie à l’écoute des gens avec qui je parlais, pour mieux saisir leurs émotions, intentions, après je ne savais pas dénouer vérité et mensonge, je ne me fiais qu’aux émotions des gens.

- J’ai bien tenté les voies dont vous parlez dans succès. J’ai essayé de collaborer avec le Reike quand ils ont débarqué à Mael, qu’ils ont pris le contrôle de la ville et de nos vies, j’ai tenté de suivre leur façon de faire pour aider les maeliens surtout, mais j’ai vite compris qu’ils n’avaient pas besoin de notre aide, ils prenaient tout ce dont ils avaient besoin sans se soucier des habitants. J’étais l’Intendante du Port de Mael, mais cette charge me fut ôtée, il n’était pas question d’une maelienne gère les allers et venues des navires, controle les cargaisons, s’immisce dans leur gestion… Alors quand ils ont commencé à dénigrer notre mode de vie en plus de nous imposer le leur j’ai pris la mer avec ceux de mes terres ne voulant ou ne pouvant pas se plier à cela. Certains diront que nous avons fuit et en un sens c’est vrai, nous n’avions aucune raison d’aller au front, combattre les titans. Et soigner les blessés, enterrer les morts chaque jour n’est pas chose agréable.

Je peinais moi même à garder mon calme en parlant de cela, la remontée de ces souvenirs m’était douloureuse toujours et je sentais toujours mon impuissance à pouvoir agir, à avoir un poids quelconque dans cette histoire. quand au reste…

- Nous avons atterri dans les Oasis, loin de l’armée du Reike, trop occupée ailleurs, nous avons vécu la bàs librement un temps mais ce n’était pas une vie pérenne alors je suis allée voir les républicains. Si en apparence les portes sont ouvertes pour les réfugiés la réalité est autre. L’argent est la seule chose qu’ils aiment et respectent vraiment et seuls les fortunés peuvent refaire leur vie décemment, les autres… deviennent des esclaves invisibles et sans chaine de leur système. Mais c’est là-bas que j’ai appris l’existence du Nouvel Ordre, d’une voie autre, elle est craint par certains mais je ne me sens pas concernée pour tout avouer, je n’ai nulle appréhension, je suis ici pour écouter, comprendre et faire mes choix.

Si Seagan cherchait la vérité il la verrait, je livrais ce que je pensais et croyais sans appréhension aucune.


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