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Citoyen de La République
Athénaïs de Noirvitrail
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A mon seul désir …
Avec Désir
Le vin se répandit sur sa robe carmin, gâchant irrémédiablement le tissu acheté à prix d’or chez le tailleur de la rue des filatiers de Justice. Le serviteur se confondit en excuses, son teint déjà cireux virant au blanc craie quand il sentit sur lui le regard outragé de la demoiselle dont le demi-masque de porcelaine noire cachait la partie supérieure de son visage. Un pincement de lèvres, une crispation musculaire et les deux poings serrés indiquèrent à la pauvre estafette que son heure était venue et, tandis qu’il ramassait la coupe d’argent tombée sur le dallage de marbre blanc.
« Par les Astres, mais quel empoté vous faites ! s’emporta la dame. Une robe toute neuve ! »
Le serviteur remit la coupe sur le plateau et entreprit d’essuyer le sol en baragouinant dans un accent typique de la capitale. Le pauvre se confondait en excuses et transpirait déjà à grosses gouttes, tremblant dans son costume mal taillé. Se relevant difficilement, il crut défaillir lorsqu’il vit les regards des autres convives tournés vers lui. Une quinzaine d’individus, tous apprêtés pour une réception mondaine, masques, loups et demi-masques sur le visage, contemplaient le serviteur et la dame, grimaces narquoises au visage. Dans la grande salle de réception où tous se restauraient, ce genre d’incident pouvait faire et défaire des réputations. La victime eut été trop douce, on l’aurait fait passer pour laxiste. Eut-elle été trop dure, elle serait passée pour cruelle. Qu’importe la réaction, tous en feraient leurs choux gras. Pour gagner à ce petit jeu, il incombait à tous les participants de ce genre d’évènements mondains de surveiller leurs arrières, ainsi que les allées et venues des serviteurs, chaque plateau de verre de vin se transformant en incident diplomatique potentiel.
La demoiselle à la peau sombre esquissa un geste de sa main gantée vers la tache de vin, mais se retint au dernier moment d’y toucher, estimant qu’une telle action aurait tôt fait de répandre le liquide sur d’autres parties de sa mise. Frustrée, la victime afficha une moue contrariée et tourna les talons, vitupérant contre le manque de savoir-être et de savoir-faire des serviteurs dans cette maisonnée. Passant devant les convives aux airs goguenards, pouffant de rire derrière leurs masques facétieux, la belle leur accorda un regard courroucé. Eh, quoi ! Ces pitres ne se sentaient-ils plus pisser ?! Elle leur aurait bien rendu la monnaie de leur pièce en les balançant d’un coup sec au travers des grandes menuiseries de bois peint et de verre coloré, mais elle avait un peu de tenue, elle au moins !
La soirée avait pourtant si bien commencé ! Leur hôte, le gentilhomme de la Villevieille, était un grand mécène des arts et des lettres du sud de Courage. Sa parentèle était reconnue pour avoir participé financièrement à la création du Musée de Courage, ce qui n’était pas un mince exploit au sein de la République, tant le projet avait suscité des commentaires peu sympathiques. Au final, tous ses détracteurs s’étaient retrouvés parmi les supporters actifs du projet sitôt que le Musée avait commencé à dégager des bénéfices. Comme quoi, s’il y avait une chose sur laquelle tous les Républicains s’accordaient, c’était sur l’argent. Toujours est-il que la famille de Villevieille jouissait d’une certaine réputation à Courage, en tant que mécène des arts, activité qui lui était permise grâce aux rentes générées par des siècles d’exploitation viticole. Le vin de Villevieille était connu dans toute la République pour ses qualités gustatives et la famille et les viticulteurs étaient assis sur une manne confortable, qui leur assurait la prospérité. De telles rentrées d’argent par le biais de la production de vin permettait au gentilhomme Armand de Villevieille de jouir d’une influence certaine dans la politique couragéenne, mais aussi de se montrer grand philanthrope, en finançant largement les artistes les plus en vue de la région.
La réputation d’esthète d’Armand de Villevieille lui permettait de donner de somptueuses réception pour promouvoir les artistes les plus en vue de la société républicaine. Triés sur le volet pour leur audace, leur vision du monde, ou pour leurs réalisations emblématiques, les invités de Villevieille se regroupaient une fois tous les trois mois pour parler des dernières nouveautés, exposer leurs travaux et faire de l’entregent. Tout ce petit monde se connaissait, s’entretenait et gravitait autour des mêmes buffets. C’était une société miniature, où le simple fait d’être introduit par un pair garantissait un succès – ou à minima des commandes – auprès de la haute société républicaine. Tout le monde se souvenait des trois portraits de madame de Beaupré réalisés par le Gigalopo, peintre jusqu’alors inconnu, révélé à l’occasion des fêtes données par Armand de Villevieille, il y a de cela dix ans. L’homme travaillait aujourd’hui auprès de la Présidence de la République, en tant que peintre officiel affecté à la réalisation des portraits des plus grands politiciens de la République. Son coup de pinceau ravageur était capable, dit-on, de plonger au cœur de votre âme.
Mais les réceptions de Villevieille n’étaient pas que des réunions du gratin du gotha de la société artistique et littéraire. C’était aussi un grand moment d’exposition. Dans les grandes galeries du manoir de Villevieille, on exposait de magnifiques œuvres locales ou d’origine plus exotiques. Il se murmurait que certaines de ces œuvres faisaient autrefois partie de collections shouméennes qui avaient été miraculeusement sauvées des pillages perpétrés par les Reikois lors de la prise de Maël. Non seulement de Villevieille se faisait mécène, mais il se faisait aussi indirectement une réputation de défenseur des arts et des lettres, ce qui faisait toujours son petit effet auprès de la bonne société bourgeoise … à supposer que cela soit vrai. Exposées dans les grandes galeries du manoir sous des éclairages particulier, ces œuvres étaient scrutées avec attention, chaque invité se faisant fort d’en reconnaître l’auteur et de déclarer qu’il était de ses amis proches pour épater la galerie !
Obtenir une invitation pour une soirée au manoir de Villevieille n’était pas mince affaire. Triés sur le volet, les invités se devaient d’apporter quelque chose au manoir : généralement une œuvre à présenter, un écrit inédit, … Ainsi, outre le fait d’être dans les petits papiers du maître des lieux ou d’être coopté, il convenait de montrer patte blanche en présentant une raison solide d’être intégré dans ce cercle de notables, notamment en apportant une œuvre personnelle, ou celle d’un de ses affidés. Mademoiselle Chrisabelle de Noirvitrail, quatrième sœur d’Athénaïs de Noirvitrail, avait obtenu son invitation par le biais de Dorylis de Rockraven, la Grande Mécène de la République. Si cette dernière ne pouvait venir d’elle-même à cette réception, ses activités de Sénatrice lui imposant de nombreuses nouvelles responsabilités, elle avait fait jouer sa réputation pour permettre à mademoiselle Chrisabelle de participer à ces festivités.
La jeune femme avait apporté pour l’occasion une copie de ses propres croquis réalisés à l’occasion du voyage réalisé au Shoumeï avec Myriem de Boktor. Les croquis rendaient compte des paysages magnifiques et dévastés de l’ancienne fédération théocratique, que peu avaient eu l’occasion de contempler depuis le début de la guerre contre les Titans. Si ce n’était qu’un avant-goût de ce qu’elle savait faire, la demoiselle préférait réserver ses meilleurs effets pour plus tard : il convenait, en toutes choses, de ne jamais dévoiler tout son jeu.
La soirée avait admirablement commencé. Les convives s’étaient rassemblés dans les grandes galeries et commentaient avec force critique les œuvres exposées, tout en se restaurant avec les mets préparés par les serviteurs du manoir. Le maître de maison était sensé arriver un peu plus tard dans la soirée et annoncer le programme des réjouissances. Mais en son absence, les convives étaient sensés pratiquer l’activité préférée de tout Républicain qui se respectait : sociabiliser. Cachés derrière des loups de tissu finement ouvragés, des masques de porcelaine ou des éventails, le gratin du gotha républicain devisait et s’amusait – souvent aux dépends des autres – faisant et défaisant les réputations entre deux tintements de verre et quelques mots bien sentis.
Dès lors, l’arrivée impromptue d’une tache de vin sur sa belle robe était d’ordre à faire capoter les plans de Chrisabelle de Noirvitrail pour faire valoir ses talents auprès de la bonne société. Elle se souvenait du patrice Hermont de Saintimières, cloué au pilori pour avoir assez peu porté du jaune poussin lors du discours de Mirelda Goldheart, il y a quelques années. L’affaire n’était pas parue dans les journaux, mais le bruit avait couru aussi vite qu’un Officier Républicain vers le troquet le plus proche après son service. Un faux-pas vestimentaire était vite un sujet de dérision bien plus grave que de perdre une affaire commerciale.
Quittant la salle des festivités et s’enfonçant dans le manoir labyrinthique, la demoiselle au tempérament de feu n’accorda même pas un regard à l’assemblée qui se gaussait de son infortune. Ils pouvaient tous aller à Xo’Rath ! Elle leur rendrait la monnaie de leur pièce un de ces jours ! Et cet empoté de serviteur ! Lui allait passer un sale quart d’heure si elle le retrouvait plus tard ! Mais pour l’heure, elle avait besoin de faire nettoyer la tache sur sa robe. Le manoir devait bien disposer de salles d’eau : un mécène richissime comme de Villevieille devait bien avoir les moyens de posséder de l’eau courante, ou un objet magique capable de délivrer de l’eau.
Marchant à pas rapide dans les couloirs et le dédale d’escalier, la jeune femme sembla se perdre, chaque couloir révélant un dédale supplémentaire d’alcôves, de salles et de galeries. Alors que la frustration s’emparait d’elle, son regard accrocha une porte entrouverte dont la lumière intérieure laissait apparaître un carrelage de marbre blanc et noir. Il n’en fallait pas plus pour indiquer à Chrisabelle la potentialité d’une salle d’eau ! Fière de ses qualités d’observatrice, la Quatrième poussa l’ouvrant de bois et découvrit, à son plus grand déplaisir, qu’il ne s’agissait pas d’une salle d’eau, mais d’un vestibule – fort bien aménagé et spacieux au demeurant.
« Peste et coryza … maugréa-t-elle, déçue de s’être faite berner par un carrelage.
Alors qu’elle s’apprêtait à revenir sur ses pas, quelque chose attira son attention dans le vestibule. Au fond de la pièce, à côté d’élégantes armoires de bois sombre, se tenait un mannequin drapé dans une tenue qui captura son regard. Il s’agissait d’une magnifique robe rouge et noire, complétée par un demi-masque de porcelaine noire et par des escarpins aussi sombres que la nuit. La demoiselle s’approcha, intriguée par le vêtement. Comment se faisait-il que de Villevieille possédât une telle merveille ? Peut-être que ce vêtement avait-il appartenu à une amante cachée ? De mémoire, on ne lui connaissait pas d’épouse …
Chrisabelle ausculta la robe … Elle paraissait parfaitement à sa taille …
Indécise, elle recula d’un pas. Oh ! Et puis la belle affaire ! Les serviteurs de Villevieille avaient merdé dans les grandes largeurs, il était tout naturel qu’elle cherche réparation d’une manière élégante. Chrisabelle passa ses doigts sur le tissu … Cette robe était fascinante dans ses détails et dans ses moindres coutures. D’un geste, elle commença à défaire la robe de son mannequin et se prépara à la mettre.
Cette soirée n’était peut-être pas aussi foutue qu’elle le pensait. Avec un peu de chance, elle paraîtrait pile poil au moment du discours de son hôte !
CENDRES« Par les Astres, mais quel empoté vous faites ! s’emporta la dame. Une robe toute neuve ! »
Le serviteur remit la coupe sur le plateau et entreprit d’essuyer le sol en baragouinant dans un accent typique de la capitale. Le pauvre se confondait en excuses et transpirait déjà à grosses gouttes, tremblant dans son costume mal taillé. Se relevant difficilement, il crut défaillir lorsqu’il vit les regards des autres convives tournés vers lui. Une quinzaine d’individus, tous apprêtés pour une réception mondaine, masques, loups et demi-masques sur le visage, contemplaient le serviteur et la dame, grimaces narquoises au visage. Dans la grande salle de réception où tous se restauraient, ce genre d’incident pouvait faire et défaire des réputations. La victime eut été trop douce, on l’aurait fait passer pour laxiste. Eut-elle été trop dure, elle serait passée pour cruelle. Qu’importe la réaction, tous en feraient leurs choux gras. Pour gagner à ce petit jeu, il incombait à tous les participants de ce genre d’évènements mondains de surveiller leurs arrières, ainsi que les allées et venues des serviteurs, chaque plateau de verre de vin se transformant en incident diplomatique potentiel.
La demoiselle à la peau sombre esquissa un geste de sa main gantée vers la tache de vin, mais se retint au dernier moment d’y toucher, estimant qu’une telle action aurait tôt fait de répandre le liquide sur d’autres parties de sa mise. Frustrée, la victime afficha une moue contrariée et tourna les talons, vitupérant contre le manque de savoir-être et de savoir-faire des serviteurs dans cette maisonnée. Passant devant les convives aux airs goguenards, pouffant de rire derrière leurs masques facétieux, la belle leur accorda un regard courroucé. Eh, quoi ! Ces pitres ne se sentaient-ils plus pisser ?! Elle leur aurait bien rendu la monnaie de leur pièce en les balançant d’un coup sec au travers des grandes menuiseries de bois peint et de verre coloré, mais elle avait un peu de tenue, elle au moins !
La soirée avait pourtant si bien commencé ! Leur hôte, le gentilhomme de la Villevieille, était un grand mécène des arts et des lettres du sud de Courage. Sa parentèle était reconnue pour avoir participé financièrement à la création du Musée de Courage, ce qui n’était pas un mince exploit au sein de la République, tant le projet avait suscité des commentaires peu sympathiques. Au final, tous ses détracteurs s’étaient retrouvés parmi les supporters actifs du projet sitôt que le Musée avait commencé à dégager des bénéfices. Comme quoi, s’il y avait une chose sur laquelle tous les Républicains s’accordaient, c’était sur l’argent. Toujours est-il que la famille de Villevieille jouissait d’une certaine réputation à Courage, en tant que mécène des arts, activité qui lui était permise grâce aux rentes générées par des siècles d’exploitation viticole. Le vin de Villevieille était connu dans toute la République pour ses qualités gustatives et la famille et les viticulteurs étaient assis sur une manne confortable, qui leur assurait la prospérité. De telles rentrées d’argent par le biais de la production de vin permettait au gentilhomme Armand de Villevieille de jouir d’une influence certaine dans la politique couragéenne, mais aussi de se montrer grand philanthrope, en finançant largement les artistes les plus en vue de la région.
La réputation d’esthète d’Armand de Villevieille lui permettait de donner de somptueuses réception pour promouvoir les artistes les plus en vue de la société républicaine. Triés sur le volet pour leur audace, leur vision du monde, ou pour leurs réalisations emblématiques, les invités de Villevieille se regroupaient une fois tous les trois mois pour parler des dernières nouveautés, exposer leurs travaux et faire de l’entregent. Tout ce petit monde se connaissait, s’entretenait et gravitait autour des mêmes buffets. C’était une société miniature, où le simple fait d’être introduit par un pair garantissait un succès – ou à minima des commandes – auprès de la haute société républicaine. Tout le monde se souvenait des trois portraits de madame de Beaupré réalisés par le Gigalopo, peintre jusqu’alors inconnu, révélé à l’occasion des fêtes données par Armand de Villevieille, il y a de cela dix ans. L’homme travaillait aujourd’hui auprès de la Présidence de la République, en tant que peintre officiel affecté à la réalisation des portraits des plus grands politiciens de la République. Son coup de pinceau ravageur était capable, dit-on, de plonger au cœur de votre âme.
Mais les réceptions de Villevieille n’étaient pas que des réunions du gratin du gotha de la société artistique et littéraire. C’était aussi un grand moment d’exposition. Dans les grandes galeries du manoir de Villevieille, on exposait de magnifiques œuvres locales ou d’origine plus exotiques. Il se murmurait que certaines de ces œuvres faisaient autrefois partie de collections shouméennes qui avaient été miraculeusement sauvées des pillages perpétrés par les Reikois lors de la prise de Maël. Non seulement de Villevieille se faisait mécène, mais il se faisait aussi indirectement une réputation de défenseur des arts et des lettres, ce qui faisait toujours son petit effet auprès de la bonne société bourgeoise … à supposer que cela soit vrai. Exposées dans les grandes galeries du manoir sous des éclairages particulier, ces œuvres étaient scrutées avec attention, chaque invité se faisant fort d’en reconnaître l’auteur et de déclarer qu’il était de ses amis proches pour épater la galerie !
Obtenir une invitation pour une soirée au manoir de Villevieille n’était pas mince affaire. Triés sur le volet, les invités se devaient d’apporter quelque chose au manoir : généralement une œuvre à présenter, un écrit inédit, … Ainsi, outre le fait d’être dans les petits papiers du maître des lieux ou d’être coopté, il convenait de montrer patte blanche en présentant une raison solide d’être intégré dans ce cercle de notables, notamment en apportant une œuvre personnelle, ou celle d’un de ses affidés. Mademoiselle Chrisabelle de Noirvitrail, quatrième sœur d’Athénaïs de Noirvitrail, avait obtenu son invitation par le biais de Dorylis de Rockraven, la Grande Mécène de la République. Si cette dernière ne pouvait venir d’elle-même à cette réception, ses activités de Sénatrice lui imposant de nombreuses nouvelles responsabilités, elle avait fait jouer sa réputation pour permettre à mademoiselle Chrisabelle de participer à ces festivités.
La jeune femme avait apporté pour l’occasion une copie de ses propres croquis réalisés à l’occasion du voyage réalisé au Shoumeï avec Myriem de Boktor. Les croquis rendaient compte des paysages magnifiques et dévastés de l’ancienne fédération théocratique, que peu avaient eu l’occasion de contempler depuis le début de la guerre contre les Titans. Si ce n’était qu’un avant-goût de ce qu’elle savait faire, la demoiselle préférait réserver ses meilleurs effets pour plus tard : il convenait, en toutes choses, de ne jamais dévoiler tout son jeu.
La soirée avait admirablement commencé. Les convives s’étaient rassemblés dans les grandes galeries et commentaient avec force critique les œuvres exposées, tout en se restaurant avec les mets préparés par les serviteurs du manoir. Le maître de maison était sensé arriver un peu plus tard dans la soirée et annoncer le programme des réjouissances. Mais en son absence, les convives étaient sensés pratiquer l’activité préférée de tout Républicain qui se respectait : sociabiliser. Cachés derrière des loups de tissu finement ouvragés, des masques de porcelaine ou des éventails, le gratin du gotha républicain devisait et s’amusait – souvent aux dépends des autres – faisant et défaisant les réputations entre deux tintements de verre et quelques mots bien sentis.
Dès lors, l’arrivée impromptue d’une tache de vin sur sa belle robe était d’ordre à faire capoter les plans de Chrisabelle de Noirvitrail pour faire valoir ses talents auprès de la bonne société. Elle se souvenait du patrice Hermont de Saintimières, cloué au pilori pour avoir assez peu porté du jaune poussin lors du discours de Mirelda Goldheart, il y a quelques années. L’affaire n’était pas parue dans les journaux, mais le bruit avait couru aussi vite qu’un Officier Républicain vers le troquet le plus proche après son service. Un faux-pas vestimentaire était vite un sujet de dérision bien plus grave que de perdre une affaire commerciale.
Quittant la salle des festivités et s’enfonçant dans le manoir labyrinthique, la demoiselle au tempérament de feu n’accorda même pas un regard à l’assemblée qui se gaussait de son infortune. Ils pouvaient tous aller à Xo’Rath ! Elle leur rendrait la monnaie de leur pièce un de ces jours ! Et cet empoté de serviteur ! Lui allait passer un sale quart d’heure si elle le retrouvait plus tard ! Mais pour l’heure, elle avait besoin de faire nettoyer la tache sur sa robe. Le manoir devait bien disposer de salles d’eau : un mécène richissime comme de Villevieille devait bien avoir les moyens de posséder de l’eau courante, ou un objet magique capable de délivrer de l’eau.
Marchant à pas rapide dans les couloirs et le dédale d’escalier, la jeune femme sembla se perdre, chaque couloir révélant un dédale supplémentaire d’alcôves, de salles et de galeries. Alors que la frustration s’emparait d’elle, son regard accrocha une porte entrouverte dont la lumière intérieure laissait apparaître un carrelage de marbre blanc et noir. Il n’en fallait pas plus pour indiquer à Chrisabelle la potentialité d’une salle d’eau ! Fière de ses qualités d’observatrice, la Quatrième poussa l’ouvrant de bois et découvrit, à son plus grand déplaisir, qu’il ne s’agissait pas d’une salle d’eau, mais d’un vestibule – fort bien aménagé et spacieux au demeurant.
« Peste et coryza … maugréa-t-elle, déçue de s’être faite berner par un carrelage.
Alors qu’elle s’apprêtait à revenir sur ses pas, quelque chose attira son attention dans le vestibule. Au fond de la pièce, à côté d’élégantes armoires de bois sombre, se tenait un mannequin drapé dans une tenue qui captura son regard. Il s’agissait d’une magnifique robe rouge et noire, complétée par un demi-masque de porcelaine noire et par des escarpins aussi sombres que la nuit. La demoiselle s’approcha, intriguée par le vêtement. Comment se faisait-il que de Villevieille possédât une telle merveille ? Peut-être que ce vêtement avait-il appartenu à une amante cachée ? De mémoire, on ne lui connaissait pas d’épouse …
Chrisabelle ausculta la robe … Elle paraissait parfaitement à sa taille …
Indécise, elle recula d’un pas. Oh ! Et puis la belle affaire ! Les serviteurs de Villevieille avaient merdé dans les grandes largeurs, il était tout naturel qu’elle cherche réparation d’une manière élégante. Chrisabelle passa ses doigts sur le tissu … Cette robe était fascinante dans ses détails et dans ses moindres coutures. D’un geste, elle commença à défaire la robe de son mannequin et se prépara à la mettre.
Cette soirée n’était peut-être pas aussi foutue qu’elle le pensait. Avec un peu de chance, elle paraîtrait pile poil au moment du discours de son hôte !
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Citoyen du monde
Désir
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Info personnage
Race: Démon
Vocation: Guerrier assassin
Alignement: Chaotique neutre
Rang: D
En enfilade Le son de la musique avait emplit les airs, et même là où je me trouvais je pouvais en discerner les moindres notes. Élans gracieux, douces sérénades, les mélodies se succédaient et ma patience, bien que proverbiale, commençait à s’amenuiser tant les airs étaient pour certains entrainants. Je me suis donc levé, entraînant le mannequin avec moi pour entrouvrir la porte. La personne qui m’essaierait serait sans doute curieuse. C’est ainsi que j’avais simplement vu la chose avant de me replacer, attendant le moment opportun pour me réajuster rapidement au moment où quelqu’un entrerait, de manière à ce que nos dimensions soient en harmonie. Les festivités allaient bon train et, les sens tendus vers la porte qui me séparait de quelques délices, je parvenait à percevoir des bribes de ce qui se passait. J’étais bien entendu ici grâce à l’aide d’un réseau me concernant. Des facilitateurs de tous bords, ne cherchant qu’à me rétribuer de mes actions passées envers l’un de leurs ancêtres, de leurs parents, de leurs pairs. Cela ou tout juste des bienfaiteurs, souhaitant partager mes bienfaits avec le plus de monde possible, ignorant même pour certains les actes maléfiques que j’ai pu amplifier. L’on m’avait fait entrer dans cette fort large demeure donc, sous la forme d’une pièce à exposer secrètement et d’un artiste posthume, supposé mort après m’avoir achevé. Le mécène m’ayant proposé n’était pas attaché au “travail” qui m’avait hypothétiquement donné la vie mais n’en dépréciait pas la valeur. Au contraire, c’était tout ce qui avait pu lui permettre de rentrer dans ce prestigieux cercle de passionnés d’art, de critiques culinaires et de persifleurs toujours prêt à se moquer d’un plus malchanceux qu’eux. Du reste, il était un honnête marchand. Un peu décrépit, il appréciait beaucoup les soirées mondaines et secrètes puisque c’était l’occasion de montrer son petit-fils, lui aussi marchand, mais lui non engagé encore. Son rêve était ainsi donc comblé, mais celui de la personne qui avançait d’un pas furieux vers la porte ne l’était sans doute pas. Une beauté.. exotique diront nous, un fragment du Reike déporté, trahit par la couleur de son cuir presque aussi soyeux que ma soie au toucher. Les détails m’échappaient encore tant la lumière faisait défaut, mais je distinguais suffisamment ses formes, même à travers la robe ruinée qu’elle portait, pour pouvoir m’adapter à sa morphologie. Elle pestait, bien… Les forts sentiments étaient comme une porte d’entrée à mes talents et une personne colérique est moins susceptible de réfléchir à deux fois. Exotique, tempérament de feu, visiblement bien éduquée tout de même, nous resterons donc sur quelque chose de solennel, une pointe un peu sulfureuse. Alors que je changeais de couleur pour adopter les couleurs d’une ancienne livrée royale aux armoiries pourpres chatoyantes, subtilement soulignés par des accents sombres et noirs, ma soie duvetant pour donner cette sensation d’une courte fourrure infiniment douce. Il ne s’agissait pas de bâcler le travail, et tout pendant que la belle pesteuse hésitait tout en m’auscultant, j’ajustais rapidement les détails qu’elle n’observait pas sur le moment. Puis elle se décida, commençant tout lentement à se défaire de celle que j’allais remplacer. Je n’étais pas le seul observateur, apparemment. Un charmant jeune homme quelque peu polisson profitait également du spectacle après avoir simplement repoussé la porte de manière à ce que personne ne nous perturbe. Son regard s’était fait tour à tour désireux, embarrassé, amusé et excité par la situation. Peut-être était-il habitué à l’exercice, car je remarquais sa tendance à ne pas focaliser son regard directement sur la belle à la peau aussi sombre que son observateur. Cette manière de détourner sa vision, de réduire sa présence, faisait paraître clairement qu’il était rôdé à l’exercice de s’insinuer furtivement partout et n’importe quand. Le chenapan n’avait pas contemplé tout du long, profitant des moments ou l’exquise furie se trouvait la plus dépourvue pour vérifier que personne ne venait à troubler cette situation pour le moins trépidante. Nous nous unissions ensuite, moi et elle, et je glissais sur elle, profitant de chaque instant pour caresser la dame, épouser ses formes et éviter tout inconfort, me guidant aux sensations que mon hôte éprouvait et qui commençaient tout juste à franchir mes perceptions. Cette courte nudité l’avait un peu rafraîchie, peut-être un peu trop, et je dépensais un peu de mon mana pour m’échauffer légèrement, avant qu’elle ne se rende compte qu’elle ne pouvait pas véritablement m’enfiler sans aide. Le curieux voyeur s’approcha silencieusement, respirant normalement pour enfin attirer l’attention de la femme de sa convoitise. -Permettez.. s’excusa-t-il avec un accent aux "r" roulant rapidement avant d’attraper les lacets dans le dos de Chrisabelle. Je n’ai pas pu m'empêcher de venir vous aider en vous voyant depuis la porte, expliqua-t-il. Rassurez vous, je n’ai rien vu. Un écho de la propre voix de la femme viendrait s’échouer contre son esprit, comme une pensée parasite, intrusive. "Il n’a pas signalé notre vol, pas plus qu’il n’a fait profiter de la situation à d’autres", s’entendrait elle penser. Mais était ce vraiment elle qui pensait cela ? Bien sûr que non. Elle était furieuse l’instant d’avant, et elle était sans doute passée par une allégresse en m’enfilant, puis en surprise honteuse, en surprise curieuse, mais de là à accepter la chose ? Difficile de la sonder dès maintenant, mon talent s’était tout d’abord manifesté en une voix similaire à la sienne dans sa tête pour l’influencer, mes autres dons prendraient plus de temps à s’installer. L’homme termina de lacer ce qu’il pensait juste, et je profitais du fait qu’il recule avant de se retourner pour corriger ses erreurs dans le dos de ma porteuse. Le voyeur paraissait contrit, mains levées, même si cela pouvait être faux. Il avait filouté jusque là, pourquoi s’arrêter.. Il jouait visiblement simplement les cartes et la main qu’il connaissait le plus, mélangeant des manières de vaurien et celles d’un gentleman pour donner cet espèce de mélange de bandit au grand cœur. Ses vêtements étaient bien assortis, sombres et soulignés par des veines dorées. Son odeur n’était pas enivrante, son parfum tout juste perceptible, pour lui accorder plus d’aisance sans doute dans ses déplacements feutrés. --- Il y a nombre de choses que je ne soupçonnais pas concernant cet homme.. --- Tout d’abord qu’il se laisserait faire si la demoiselle qui me portait décidait de le malmener pour s’être rincé l'œil, et qu’il signalerait juste que c’était logique et qu’il comprenait. Si interrogé sur sa personne, il se désignerait comme étant Aarav, simplement Aarav. De même, sa présence dans cette pièce précisément était dûe à la première peinture de Chrisabelle. Si d’autres l’avait trouvé correcte sans plus, le sujet qu’avait dépeint l’étrangère d’origine parlait au sang du voyageur. Shoumei était son origine à lui, et c’était la première fois qu’il posait ses yeux sur quelque chose représentant ce qu’avait été, jadis, l’apogée de son peuple maintenant déchu. Si questionné sur sa vie, il déclarerait qu’il vit en homme libre, et pille lui-même les voleurs, les brigands pour vivre au jour le jour d’aventures. Sa présence dans cet événement étant lié à une prise fortunée qu’il avait ravis à une meute de semi-monstres, une collection de sabres provenant d’une partie de l’histoire de l’origine même du Reike. L’on lui avait procuré vêtements et passage en ce lieux, et si aux premiers abords il n’avait pas trop aimé l’air assez philistin des gens des sphères hautes, il avouerait avec un demi sourire amusé qu’il était heureux de voir que certaines personnes aux pensées plus libres étaient également présentes. Si rabroué pour ses manières, son intrusion sans se signaler, le suave aux cheveux noirs comme la nuit soulignerait qu’elle non plus n’était pas toute blanche dans cette affaire avant de désigner des yeux la robe qu’elle venait de voler. |
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