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Citoyen du monde
Qultarn
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Info personnage
Race: Drakyn
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal mauvais
Rang: D
Qultarn fit quelques pas hésitants jusqu’à arriver à l’ombre d’un rocher qui le protégea brièvement des rayons du soleil de l’après-midi. Il avait laissé le hongre quelques kilomètres plus tôt quand, à bout de force, l’animal s’était effondré dans le sable, manquant de l’entraîner avec lui, sous lui. Il aurait pu se casser la jambe, finir coincé sous la bête, et au vu de son état de fatigue, ç’aurait été une véritable gageure que de s’en sortir. Pourtant, la monture dérobée dans un manoir campagnard à côté de la Mer des Anciens n’avait pas lésiné sur ses efforts.
Ils avaient d’abord chevauché vers le sud, esquivant les patrouilles de miliciens à sa recherche. La nuit, bien qu’à peine éclairée, n’avait pas su rompre les chevilles de la bête au pas sûr. Puis, quand la situation était devenue désespérée et le bras de mer suffisamment resserré, il avait mené le hongre dans l’eau. Malgré les poids du drakyn et de son armure, ils étaient parvenus de l’autre côté, dans ce qui était officiellement le territoire shoumeïen. En réalité, personne n’exerçait de contrôle sur cette zone, de ce que Qultarn savait. D’ailleurs, les soldats reikois s’étaient procuré un bac, et une flottille d’embarcations de pêche, pour le poursuivre.
Le cheval n’avait eu pour seul repos que le droit de marcher à côté de son cavalier en reprenant son souffle. Puis, le sable dur de la rive laissant place aux collines verdoyantes de l’ex-Confédération, Qultarn était remonté en selle et avait aiguillé sa monture exténuée, jusqu’à semer définitivement ses poursuivants. Qu’ils aient été attaqués par des monstres ou aient simplement fait demi-tour ne changeait rien : il avait réussi à s’échapper, et malgré son échec à libérer Zeï, sa destination était désormais proche.
Au loin, les montagnes qui longeaient la Mer des Anciens, côté Shoumeï, formaient une tache sombre sur l’horizon. Plus au sud, l’Arbre-Monde leur répondait, s’élançant vers le ciel tel un pilier de la terre. Qultarn le fixa quelques minutes, hypnotisé et fasciné par son envergure, l’épaisseur du tronc et des branches, et la façon qu’il avait de couvrir le lointain. Les battements de son coeur s’accélérèrent perceptiblement, et le pillard prit une gorgée d’eau tiède pour faire passer le choc. S’il avait entendu les légendes et les racontars avec une part de scepticisme, le voir en vrai donnait une impression toute autre.
Il avait fini le pain et le fromage laissés par Charlotte avant de traverser le bras d’eau, et son estomac lui rappela que que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas fait un réel repas. Pourtant, c’était surtout la fatigué qui pesait sur ses tempes, et ses yeux qui le démangeaient du désir de se gratter autant que dee se fermer. Il hésita brièvement à se reposer quelques minutes ou une heure dans une fissure de la roche, mais, d’une part, elle semblait trop étroite, et d’autre part, les créatures qui rôdaient aux alentours ne se priveraient sans doute pas de le dévorer à la première occasion.
Avec l’entêtement de la foi et du désir de survivre, il se remit en marche d’un pas pesant, avec son bras en écharpe dont les sutures avaient pour certaines déjà lâché. Heureusement, la plaie semblait avoir suffisamment coagulé pour arrêter l’hémorragie. Il craignait cependant le moment où il faudrait décrocher le tissu qui s’était collé à la blessures, une perspective douloureuse qui ne lui inspirait aucune anticipation. Mais d’abord, Benedictus et sa cathédrale.
****
Qultarn ne savait si c’était la fatigue, la faim, la blessure ou une conjonction des trois, mais l’atmosphère lui semblait plus pesante, comme si une chape de plomb pesait sur lui, qu’il se trouvait immergé sous l’eau. Des formes sombre apparaissaient et disparaissaient à l’orée de sa vision, signe d’épuisement dont il était familier. Il concentra ses pensées sur Zeï, sur ce qu’elle lui avait appris pendant les longs mois de surveillance au plus profond du Berceau. Il pourrait dormir deux jours une fois qu’il aurait mangé et montré patte blanche auprès des vrais fidèles. Il serait simplement trop absurde de s’effondrer à quelques centaines de mètres du but, alors même qu’il arrivait aux faubourgs de la ville.
Et quelle ville !
Ses grands bâtiments, détruits par la colère des Dieux, gisaient éventrés dans l’ombre de l’Arbre-Monde, et des individus y circulaient, vêtus de capes et dont les visages étaient masqués par les ténèbres et la distance. Un souffle de vent le porta brusquement de quelques pas vers l’avant, à côté d’une statue renversée, dédiée à un antique prêtre et dont le visage recouvert d’inscriptions moqueuses servait de latrines. Qultarn tourna brusquement la tête vers la droite pour voir une silhouette découpée dans l’embrasure d’une porte disparaisse aussitôt dans un sifflement. Il lui sembla y percevoir quelques mots l’enjoignant à avancer.
Il hésita à dégainer son épée, mais son armure de facture reikoise et sa mine de drakyn constituaient déjà un message au contenu douteux. Avec un énième soupir, il reprit sa route parmi les ruines, suivant les grands boulevards qui menaient au centre de la cité. A mesure qu’il avançait, les maisons basses et démembrées laissaient la place à des bâtiments plus hauts, plus grands, et qui avaient manifestement été réparés, reconstitués, avec les moyens du bord. Si l’ensemble donnait une impression de délaissement et de survie fastidieuse dans l’ombre du regard des Dieux, les zélotes qui vivaient là l’observaient sans mot dire à mesure qu’il trouvait son chemin en contournant les énormes blocs de pierre tombés des hôtels particuliers qui longeaient l’avenue.
Qultarn arriva finalement à la cathédrale, et tomba à genoux. Dévotion, soulagement, épuisement, tout se mêlait dans son coeur et son esprit pour former un sentiment d’euphorie qui ne fut même pas terni quand des hommes d’armes sortirent du lieu de culte et l’encerclèrent. D’une main fatigué, il déboucla son ceinturon pour laisser tomber son épée au sol dans un clinquement qui résonna à ses oreilles, et fit glisser son bouclier autour de son bras blessé, jusqu’à ce qu’il rejoigne sa lame. Puis, faisant glisser le fourreau devant lui, il inclina la tête jusqu’à ce que son front touche les pavés sales du parvis.
« Ô Titans, votre enfant se présente à vous, prêt à servir. »
Prophétesse
Siame
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Race: Ange
Vocation: Mage soutien
Alignement: Loyal mauvais
Rang: B - Cardinal
La plupart du temps, la Haute Cathédrale était plongée dans un silence religieux, lourd et profond. Inquiétant. Très loin de l’agitation commune du cloître d’avant la guerre, car peu étaient ceux encore capables de prouver une véritable dévotion au Culte des Divins. Si ce n’était pas la Corruption qui faisait fuir la population, la foi, elle, partageait à ce jour plus que jamais auparavant—suscitant l’hostilité profonde ou une complète adhésion. Oui, ils n’étaient que peu sur le parvis, mais ils étaient fidèles. Véritablement. On ne pouvait que l’être, lorsque qu’un mal inexpliqué et inexplicable menaçait de ronger votre Âme. Personne ne posait pied sur le marbre de la Cathédrale avec l'espoir d’un jour revenir en arrière : la Corruption finissait toujours par vous rattraper. Tous ici, étaient capables de reconnaître leurs pairs, non pas pour la couleur de leur uniforme, ni pour le tatouage gravé dans leur chair : mais parce que chacun ici avait choisi de sacrifier sa propre vie au Culte, conscient des voies brumeuses, sans retour, qu’ils choisissaient d’emprunter. Et le moindre visage inconnu suffisait à provoquer confusion et méfiance dans le quotidien installé sur Bénédictus depuis la reprise de la ville par la Volonté des Titans.
L’arrivée de Qultran n’était donc pas passée inaperçue. Sur le parvis, les quelques dévots qui se trouvaient présents l’avaient d’abord observé avec méfiance—et des murmures ombrageux avaient remplacé le silence. Aucun n’avait pris l’initiative de s’approcher du reikois. Ce n’était pas leur rôle. Ni celui de l’accueillir, ni de décider s’il avait bel et bien sa place ici.
— Nous devrions prévenir la Prophétesse…
Le claquement des talons sur le marbre avait retenti au même instant. Et les fidèles présents avaient appris à reconnaître le son de ses pas : l’aplomb avec lequel elle piétinait la pierre du parvis de la Haute Cathédrale, pour y laisser une trace de son passage, comme on noircissait les pages d’un livre.
— Inutile. Je suis là.
— Il dit être venu pour servir les Titans. Mais c'est un...
Sans s’arrêter, elle hocha la tête en guise de réponse et fendit le groupe en direction du nouvel arrivant, brisant la barrière formée par la demi-douzaine de gardes, leur silhouette enveloppée par un calme feutré.
— Reikois… C’était une évidence, mais elle avait eu besoin de le dire, pour ne pas avoir à annoncer une vérité plus palpable encore : il était, par définition, un ennemi. Par précaution, elle utilisa le Shierak. Vous êtes loin de chez vous. Mais vous êtes tout de même arrivé jusqu’ici, quand la Corruption aurait dû ronger votre chair avant même que vous ne posiez pied dans la ville…
Cela ne pouvait vouloir dire qu’une chose. La méfiance de l’Ange se disputait à une forme de curiosité fureteuse. À première vue – bien qu’elle s’en assurerait par la suite – il ne démontrait aucun signe de la gangrène noire et humide sévissant sur le lieu. Ce qui signifiait que l’essence de l’Arbre Monde l’acceptait. D’une manière ou d’une autre. À cette heure-ci, Siame était incapable de deviner que les frémissements perfides de la Chuchoteuse enfièvraient l’esprit du reikois—ni que ceux-ci avaient aiguillé son destin jusqu’ici.
— Laissez-moi voir votre visage, demanda-t-elle gravement.
Elle le regarda en silence, observant imperturbablement les détails du faciès qui se releva vers elle : la peau dorée, les yeux graves, soulignés de cernes violacés et marbrés de gris, comme un fruit gâté. Il était jeune, songea-t-elle devant la mèche blanche retombant juvénilement sur son front, entre deux cornes. Et s’il disait vrai, si ses intentions étaient sincères : sa foi n’en serait que plus fertile. Siame se baissa à son tour, pour se mettre à sa hauteur, son regard d’acier fixé sur celui du mortel qui lui faisait face—et ses cheveux blancs s’enroulèrent comme du velours sur ses épaules. Au-delà de l’épuisement, il dégageait quelque chose de différent de la plupart de ceux du peuple barbare qu’elle avait un jour croisé : une forme de sérénité, envers lui-même, ou peut-être envers ses choix. La chose irradiait de lui, pourtant roué de coups et au bord de l'épuisement, incertain de trouver ici ce qu'il était venu chercher. Il n'avait pourtant pas reculé devant l'écueil, et si la Prophétesse restait prudente, elle ne pouvait que respecter cette étonnante témérité... C'est ce qu'elle avait d'abord pensé, avant de se rectifier intérieurement—car si téméraire il avait été, fou, il l'était davantage. Parce qu'on ne venait pas offrir son Âme à la Corruption avec l'espoir de se racheter un jour...
— À en juger par la fatigue sur vos traits, le voyage a été difficile. Un silence, et ses lèvres s’étaient allongés d’un sourire posé. Tant mieux, trancha-t-elle. On ne veut personne ici qui n’est pas prêt à se sacrifier pour les Titans.
Elle avait conscience de la dureté de ses mots – davantage encore de celle de son apparence, de la ligne maigre de ses lèvres, et celle, infranchissable, de son regard. Tous ces artifices qui n’avaient pour objectif que de tenir les gens à distance : plus encore depuis qu’elle avait retrouvé Bénédictus, et tout ce que cela signifiait. Ce qui se construisait dans l’enceinte de ses murs constituait une preuve on ne peut plus véritable d’une ère nouvelle, d’un futur à la gloire éteinte de ses Maîtres et par la même occasion, de ses pairs.
— Et si c’est bien pour cela que vous êtes venu jusqu’à nous… Son regard vacilla une seconde sur le violet délavé de son armure. Vous allez avoir beaucoup à me raconter. On lui connaissait sa méfiance toute prononcée. Quel est votre nom ?
Elle avait attendu la réponse avant de se redresser. À peine eut-elle pris une maigre distance, que les fidèles composants la garde de la Haute Cathédrale s’étaient interposés entre les deux, bougeant à l’unisson. Siame s’était immobilisée.
— Qultarn… Puis-je vous faire confiance ? Notre garde vous croit visiblement capable de m’égorger et de repeindre le dallage de la Cathédrale de mon sang. Elle se retourna calmement vers lui. Voulez-vous bien leur confier votre épée ? Elle vous sera rendue une fois que nous serons certains… de votre loyauté.
L’arrivée de Qultran n’était donc pas passée inaperçue. Sur le parvis, les quelques dévots qui se trouvaient présents l’avaient d’abord observé avec méfiance—et des murmures ombrageux avaient remplacé le silence. Aucun n’avait pris l’initiative de s’approcher du reikois. Ce n’était pas leur rôle. Ni celui de l’accueillir, ni de décider s’il avait bel et bien sa place ici.
— Nous devrions prévenir la Prophétesse…
Le claquement des talons sur le marbre avait retenti au même instant. Et les fidèles présents avaient appris à reconnaître le son de ses pas : l’aplomb avec lequel elle piétinait la pierre du parvis de la Haute Cathédrale, pour y laisser une trace de son passage, comme on noircissait les pages d’un livre.
— Inutile. Je suis là.
— Il dit être venu pour servir les Titans. Mais c'est un...
Sans s’arrêter, elle hocha la tête en guise de réponse et fendit le groupe en direction du nouvel arrivant, brisant la barrière formée par la demi-douzaine de gardes, leur silhouette enveloppée par un calme feutré.
— Reikois… C’était une évidence, mais elle avait eu besoin de le dire, pour ne pas avoir à annoncer une vérité plus palpable encore : il était, par définition, un ennemi. Par précaution, elle utilisa le Shierak. Vous êtes loin de chez vous. Mais vous êtes tout de même arrivé jusqu’ici, quand la Corruption aurait dû ronger votre chair avant même que vous ne posiez pied dans la ville…
Cela ne pouvait vouloir dire qu’une chose. La méfiance de l’Ange se disputait à une forme de curiosité fureteuse. À première vue – bien qu’elle s’en assurerait par la suite – il ne démontrait aucun signe de la gangrène noire et humide sévissant sur le lieu. Ce qui signifiait que l’essence de l’Arbre Monde l’acceptait. D’une manière ou d’une autre. À cette heure-ci, Siame était incapable de deviner que les frémissements perfides de la Chuchoteuse enfièvraient l’esprit du reikois—ni que ceux-ci avaient aiguillé son destin jusqu’ici.
— Laissez-moi voir votre visage, demanda-t-elle gravement.
Elle le regarda en silence, observant imperturbablement les détails du faciès qui se releva vers elle : la peau dorée, les yeux graves, soulignés de cernes violacés et marbrés de gris, comme un fruit gâté. Il était jeune, songea-t-elle devant la mèche blanche retombant juvénilement sur son front, entre deux cornes. Et s’il disait vrai, si ses intentions étaient sincères : sa foi n’en serait que plus fertile. Siame se baissa à son tour, pour se mettre à sa hauteur, son regard d’acier fixé sur celui du mortel qui lui faisait face—et ses cheveux blancs s’enroulèrent comme du velours sur ses épaules. Au-delà de l’épuisement, il dégageait quelque chose de différent de la plupart de ceux du peuple barbare qu’elle avait un jour croisé : une forme de sérénité, envers lui-même, ou peut-être envers ses choix. La chose irradiait de lui, pourtant roué de coups et au bord de l'épuisement, incertain de trouver ici ce qu'il était venu chercher. Il n'avait pourtant pas reculé devant l'écueil, et si la Prophétesse restait prudente, elle ne pouvait que respecter cette étonnante témérité... C'est ce qu'elle avait d'abord pensé, avant de se rectifier intérieurement—car si téméraire il avait été, fou, il l'était davantage. Parce qu'on ne venait pas offrir son Âme à la Corruption avec l'espoir de se racheter un jour...
— À en juger par la fatigue sur vos traits, le voyage a été difficile. Un silence, et ses lèvres s’étaient allongés d’un sourire posé. Tant mieux, trancha-t-elle. On ne veut personne ici qui n’est pas prêt à se sacrifier pour les Titans.
Elle avait conscience de la dureté de ses mots – davantage encore de celle de son apparence, de la ligne maigre de ses lèvres, et celle, infranchissable, de son regard. Tous ces artifices qui n’avaient pour objectif que de tenir les gens à distance : plus encore depuis qu’elle avait retrouvé Bénédictus, et tout ce que cela signifiait. Ce qui se construisait dans l’enceinte de ses murs constituait une preuve on ne peut plus véritable d’une ère nouvelle, d’un futur à la gloire éteinte de ses Maîtres et par la même occasion, de ses pairs.
— Et si c’est bien pour cela que vous êtes venu jusqu’à nous… Son regard vacilla une seconde sur le violet délavé de son armure. Vous allez avoir beaucoup à me raconter. On lui connaissait sa méfiance toute prononcée. Quel est votre nom ?
Elle avait attendu la réponse avant de se redresser. À peine eut-elle pris une maigre distance, que les fidèles composants la garde de la Haute Cathédrale s’étaient interposés entre les deux, bougeant à l’unisson. Siame s’était immobilisée.
— Qultarn… Puis-je vous faire confiance ? Notre garde vous croit visiblement capable de m’égorger et de repeindre le dallage de la Cathédrale de mon sang. Elle se retourna calmement vers lui. Voulez-vous bien leur confier votre épée ? Elle vous sera rendue une fois que nous serons certains… de votre loyauté.
CENDRES
Citoyen du monde
Qultarn
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Race: Drakyn
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Encerclé par un ordre de chevaliers vêtus des pieds à la tête d’une armure aussi noire que les ombres de l’intérieur de la Cathédrale, Qultarn n’attendit pas longtemps avant que le son de pieds sur le sol de marbre puis des pavés ne résonne bizarrement devant lui. Il n’osa pas lever la tête quand la vérité de son origine fut dévoilée aux yeux de tous. Elle n’était pourtant pas bien secrète, songea-t-il, engoncé qu’il était dans une armure de facture impériale, tout comme son épée et son bouclier. Ce dernier portait même encore le symbole draconique du Reike. Plus discrètes, des marques émaillaient ses protections, sans même parler des deux tatouages en voie de dissipation sur sa jambe. Selon les rumeurs, des mages dotés d’un senseur suffisamment puissant pouvaient les détecter et les identifier.
Il redressa son visage, toujours sur les genoux, en direction de la nouvelle arrivante, dont il n’avait entendu que la voix jusqu’à présent. Une longue robe qui avait dû être d’un rouge éclatant par le passé, délavé désormais, descendait jusqu’aux pieds d’une ange au teint d’une pâleur qui pouvait être aussi bien d’une pureté d’albâtre que maladif. D’une finesse confinant à la maigreur, elle gardait cependant des courbes aiguicheuses. Des yeux gris immenses le jaugeaient gravement dans un visage cerclé d’une chevelure encore plus blanche que sa peau. Il aurait été persuadé qu’il s’agissait d’une ange, s’il avait pu voir la moindre plume, mais la surprise et l’hésitation le firent cligner des yeux.
La Prophétesse, comme elle avait été nommée par les quelques fidèles qui observaient la situation du pourtour du parvis ou de l’entrée de la Cathédrale, continuait de chercher son visage à la recherche de quelque chose. Etait-ce une marque de traîtrise, ou la preuve de sa Foi ? Serait-ce marqué sur son faciès ? Il en doutait, sinon, il serait beaucoup trop aisé de trouver les fidèles et de les éliminer pour l’Empire. Mais son titre avait une portée et une signification qui, allié à des compétences occultes ou incompréhensibles pour le drakyn, permettrait peut-être à la jeune femme d’obtenir les réponses qu’elle cherchait.
« Je suis prêt à me sacrifier s’il le faut, si les Titans le demandent, assura Qultarn en baffouillant presque tant les mots se précipitaient hors de ses lèvres. »
La fatigue du voyage, des blessures, commençaient à prélever leur dû sur le soldat, et il sentait son esprit ralentir, se focaliser sur des éléments absurdes en en laissant filer d’autres. Un brin d’herbe poussait de façon têtue entre deux pavés juste devant lui, à moitié plié par le poids de son épée, et du bout du doigt il décala le fourreau pour que la plante se redresse enfin. Un chevalier à côté de lui posa la main sur le pommeau de son arme et la fit cliqueter contre sa jambière en signe d’avertissement. Il recula doucement le bras.
« Je m’appelle Qultarn Emurlahn, fils d’Erlya. Et je peux tout vous raconter. »
Il se doutait bien de toute façon que sa venue susciterait des interrogations et qu’il devrait justifier de sa présence. Zeï l’avait assuré que sa Foi serait le seul pré-requis, et que tant qu’elle ne vacillerait pas, alors il serait en sécurité. Il y croyait, dur comme fer, et ce bouclier serait le seul dont il aurait réellement besoin ici, parmi ses futurs frères et soeurs. Aussi, quand la Prophétesse demanda à ce qu’il abandonne ses armes derrière lui, il n’y vit aucune objection. Cela l’allègerait d’autant, et il ne souhaitait d’ailleurs pas spécialement continuer à arborer des symboles reikois sur lui. Il se nota de repeindre son écu et de gratter les marques sur son armure. Les divinistes possédaient d’ailleurs sûrement pléthore d’armoiries sur lesquelles il ne s’était jamais penché, par absence de besoin.
« Je... Oui, oui, bien entendu, Prophétesse. »
Il se redressa toute sa taille, surplombant largement la jeune femme et certains des chevaliers qui l’entouraient. Son épée et son bouclier restèrent au sol, tout comme son havresac qu’il laissa tomber, aussi vide que sa gourde. Le couteau qu’il portait à la ceinture les rejoignit prestement, avant qu’il ne regarde les gardes pour chercher leur assentiment. Le plus proche de l’entrée de la cathédrale hocha la tête et s’écarta d’un pas, ce que Qultarn prit comme le signal que tout était bon. Il leva les yeux vers le ciel, pour se donner un dernier regard du bâtiment dans lequel il allait pénétrer.
Les arches couraient en tout sens, à la poursuite de flèches majestueuses qui filaient vers le ciel. La pierre, noire ou noircie, se fondait presque dans les nuages qui surplombaient la ville, et une armée de sculptures émaillait la cathédrale. Certaines étaient des monstres menaçants, aux gueules ouvertes sur des crocs aussi aiguisés que des épées, tandis que d’autres étaient des statues régaliennes et intimidantes. Les vitraux étaient autant de bouches béantes sur l’obscurité de l’intérieur, et seuls quelques fragments de verre coloré étaient encore accrochés aux bords des ouvertures, rappelaient que, jadis, la lumière devait se déverser et prendre des teintes multicolores au sein du lieu de culte.
Derrière, les croyants inclinèrent la tête en signe de dévotion, faisait quelques signes, saluant la Prophétesse dont le visage semblait auréolé d’une couronne de lumière tandis qu’elle se découpait sur le pas de la Haute-Cathédrale, rouge et blanche sur le fond d’une pénombre presque granuleuse.
Sans un regard en arrière, il enjamba son équipement et passa la double-porte ouverte à sa suite.
Prophétesse
Siame
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Race: Ange
Vocation: Mage soutien
Alignement: Loyal mauvais
Rang: B - Cardinal
On les avait regardé traverser le parvis, les yeux des fidèles rivés sur l’inconnu, le dévorant avec autant de curiosité que de méfiance. Devant eux, les flèches de la Haute Cathédrale griffaient le ciel et une brume lourde lapait l’horizon. À l’intérieur, ceux qui s’y trouvaient gardaient le silence, comme si la moindre parole, le moindre souffle tutoyait le sacrilège. Mais pas pour Siame. Le lieu était devenu, d’une façon, sa maison. Si sa foi n’avait rien de comparable avec celle des mortels côtoyant les lieux—ses désirs de rétribution étaient ancrés si profondément chez elle que la Corruption s’infiltrait dans chacune de ses fissures comme une évidence. L’Ange, sereine, s’insinua entre les rangées de bancs, le Drakyn à sa suite.
— La première chose, Qultarn : appelez-moi Siame, s’il vous plaît. Elle l’avait dit sans agressivité, mais il ne fallait pas y voir la moindre modestie : le nom lui avait été donné par Aurya, et pour cette simple raison, il supplantait tout titre.
Elle s’arrêta au centre de la nef pour se retourner vers les figures saintes, leur regard noyé sous des voiles de suie et leur marbre veiné de noir. Les Huit se dressaient devant eux, et d’un geste du menton, elle désigna Aurya. Les reikois aimaient revendiquer leur ascendance, comme lui l’avait fait, en se présentant.
— Ma Créatrice. J’imagine que l’on peut dire qu’elle est ma Mère… Une fossette mélancolique creusa sa joue. "Siame, fille d’Aurya”. Et son regard glissa sur les icônes des autres Titans. Mais ils sont tous nos Maîtres, d’une façon.
Elle-même avait toujours songé avoir un petit peu de chacun d’entre eux. Comme si sa Mère n’avait pas été la seule à la façonner ; parce que sans l’empreinte indélébile de chacun, elle n’aurait été qu’une version émaciée de ce qu’elle était alors. Sa loyauté envers les Titans, Siame l’avait remise en question, de nombreuses fois. On ne pouvait réellement espérer d’elle une ferveur similaire à celle des mortels. Pourtant, il y a chez l’Ange une forme de sincérité envers le divin qu’on ne peut lui retirer—parce que ce serait remettre en question 10 000 ans de vie et d’histoires. Elle ne vivait en ce Monde, que parce qu’Ils existaient. Et compartimenter le lien qui la rattachait à sa Maîtresse Titanide et sa propre individualité avait été le travail de longues années. Mais Qultarn… Elle coula un regard au Drakyn à ses côtés. Qultarn était une autre histoire. Il n’avait rien à faire là, et qu’il puisse prétendre vouloir donner sa vie au Culte de la Volonté et servir leurs intérêts tenait lieu d'une erreur dans la matrice. De par la nation dans laquelle il avait grandi, un tel revirement n’avait rien de naturel.
— La mort est certaine ; elle est le sort commun à tous. Ou presque, ajouta-t-elle intérieurement en songeant à son immortalité. Mais si vous êtes venus servir les Huit, sincèrement, alors tâchez de rester en vie, voulez-vous ? Elle se retourna pour lui faire face et son sourire s’élargit légèrement, tandis qu’elle analysait les traits du Drakyn, comme à son habitude. Les fidèles sont aujourd'hui moins nombreux que jadis... Et votre peuple – elle lorgna sur le dragon estampillé sur les plaques de son armure – a déjà fait suffisamment de martyrs à Célestia. Une pause, un silence en guise de commémoration. Le sacrifice dont je parle est ailleurs. Siame le regarda un long moment, sans ciller. Inutile de vous cacher la vérité : je ne vous fais pas confiance. Mais pour une raison que j’ignore, l’Arbre Monde semble vous avoir accepté... Et j’aimerais comprendre pourquoi.
Elle devina à la tension dans ses épaules, le bafouillement avec lequel les mots se sont échappés de ses lèvres, que lui-même cherchait encore les réponses qui lui manquaient. Elle le couva d'une œillade magnanime.
— Que vous est-il arrivé, Qultarn ? Demanda-t-elle d’une voix plus mince. Une ride perplexe se creusa dans ses sourcils. Commencez par le début…
Elle jeta un dernier regard aux cheveux ébouriffés et aux cicatrices qui couraient le long de son visage. Dans ce Monde, les Hommes se battaient comme les chiens le faisaient. Parce que c’était dans leurs gênes. Parce que se battre, c’était aussi survivre : et c’est ce que la Volonté tentait de faire, dans ce Sekaï qui ne cessait de s’embourgeoiser. Pas de gloire, pour ceux qui avaient choisi de sacrifier leur sanité à la Corruption. Que des condamnés. Rien que des fous, des fanatiques, des enragés à la chair abimée. Rien que la vengeance. Et de quoi Qultarn pouvait-il bien vouloir se venger ? Lui qui avait grandi dans la nation la plus prospère que cette Terre connaissait. L’Ange slaloma entre les bancs, jusqu’à une porte, près du transept, qui donnait sur l’arrière de la Cathédrale. Elle posa une main sur le bois de celle-ci, interrompant son geste, avant de la pousser.
— Que diriez-vous de contempler directement dans les yeux ce qui vous attend ? Vous me raconterez sur le chemin.
Autour d’eux, les flammes de chandeliers rallumés par les fidèles vacillaient sur leur passage, dessinant des ombres difformes sur les murs. Les flaques de cire fondue, encore chaude, sur le marbre noircissaient déjà comme du pétrole. Il semblait qu’ici, l’air aspirait l’essence des Vivants, comme pour nourrir sa propre déchéance. Un son de cloche retentit, comme un gémissement, dans ce lieu qui n’attendait plus aucun salut. Seulement le néant.
— La première chose, Qultarn : appelez-moi Siame, s’il vous plaît. Elle l’avait dit sans agressivité, mais il ne fallait pas y voir la moindre modestie : le nom lui avait été donné par Aurya, et pour cette simple raison, il supplantait tout titre.
Elle s’arrêta au centre de la nef pour se retourner vers les figures saintes, leur regard noyé sous des voiles de suie et leur marbre veiné de noir. Les Huit se dressaient devant eux, et d’un geste du menton, elle désigna Aurya. Les reikois aimaient revendiquer leur ascendance, comme lui l’avait fait, en se présentant.
— Ma Créatrice. J’imagine que l’on peut dire qu’elle est ma Mère… Une fossette mélancolique creusa sa joue. "Siame, fille d’Aurya”. Et son regard glissa sur les icônes des autres Titans. Mais ils sont tous nos Maîtres, d’une façon.
Elle-même avait toujours songé avoir un petit peu de chacun d’entre eux. Comme si sa Mère n’avait pas été la seule à la façonner ; parce que sans l’empreinte indélébile de chacun, elle n’aurait été qu’une version émaciée de ce qu’elle était alors. Sa loyauté envers les Titans, Siame l’avait remise en question, de nombreuses fois. On ne pouvait réellement espérer d’elle une ferveur similaire à celle des mortels. Pourtant, il y a chez l’Ange une forme de sincérité envers le divin qu’on ne peut lui retirer—parce que ce serait remettre en question 10 000 ans de vie et d’histoires. Elle ne vivait en ce Monde, que parce qu’Ils existaient. Et compartimenter le lien qui la rattachait à sa Maîtresse Titanide et sa propre individualité avait été le travail de longues années. Mais Qultarn… Elle coula un regard au Drakyn à ses côtés. Qultarn était une autre histoire. Il n’avait rien à faire là, et qu’il puisse prétendre vouloir donner sa vie au Culte de la Volonté et servir leurs intérêts tenait lieu d'une erreur dans la matrice. De par la nation dans laquelle il avait grandi, un tel revirement n’avait rien de naturel.
— La mort est certaine ; elle est le sort commun à tous. Ou presque, ajouta-t-elle intérieurement en songeant à son immortalité. Mais si vous êtes venus servir les Huit, sincèrement, alors tâchez de rester en vie, voulez-vous ? Elle se retourna pour lui faire face et son sourire s’élargit légèrement, tandis qu’elle analysait les traits du Drakyn, comme à son habitude. Les fidèles sont aujourd'hui moins nombreux que jadis... Et votre peuple – elle lorgna sur le dragon estampillé sur les plaques de son armure – a déjà fait suffisamment de martyrs à Célestia. Une pause, un silence en guise de commémoration. Le sacrifice dont je parle est ailleurs. Siame le regarda un long moment, sans ciller. Inutile de vous cacher la vérité : je ne vous fais pas confiance. Mais pour une raison que j’ignore, l’Arbre Monde semble vous avoir accepté... Et j’aimerais comprendre pourquoi.
Elle devina à la tension dans ses épaules, le bafouillement avec lequel les mots se sont échappés de ses lèvres, que lui-même cherchait encore les réponses qui lui manquaient. Elle le couva d'une œillade magnanime.
— Que vous est-il arrivé, Qultarn ? Demanda-t-elle d’une voix plus mince. Une ride perplexe se creusa dans ses sourcils. Commencez par le début…
Elle jeta un dernier regard aux cheveux ébouriffés et aux cicatrices qui couraient le long de son visage. Dans ce Monde, les Hommes se battaient comme les chiens le faisaient. Parce que c’était dans leurs gênes. Parce que se battre, c’était aussi survivre : et c’est ce que la Volonté tentait de faire, dans ce Sekaï qui ne cessait de s’embourgeoiser. Pas de gloire, pour ceux qui avaient choisi de sacrifier leur sanité à la Corruption. Que des condamnés. Rien que des fous, des fanatiques, des enragés à la chair abimée. Rien que la vengeance. Et de quoi Qultarn pouvait-il bien vouloir se venger ? Lui qui avait grandi dans la nation la plus prospère que cette Terre connaissait. L’Ange slaloma entre les bancs, jusqu’à une porte, près du transept, qui donnait sur l’arrière de la Cathédrale. Elle posa une main sur le bois de celle-ci, interrompant son geste, avant de la pousser.
— Que diriez-vous de contempler directement dans les yeux ce qui vous attend ? Vous me raconterez sur le chemin.
Autour d’eux, les flammes de chandeliers rallumés par les fidèles vacillaient sur leur passage, dessinant des ombres difformes sur les murs. Les flaques de cire fondue, encore chaude, sur le marbre noircissaient déjà comme du pétrole. Il semblait qu’ici, l’air aspirait l’essence des Vivants, comme pour nourrir sa propre déchéance. Un son de cloche retentit, comme un gémissement, dans ce lieu qui n’attendait plus aucun salut. Seulement le néant.
CENDRES
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