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Citoyen de La République
Abraham de Sforza
Messages : 208
crédits : 591
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: C
Le domaine De Casteille ne vivait pas ses meilleurs jours.
De l'extérieur, tout semblait être parfaitement en ordre. Les friches demeuraient impeccablement entretenues, la maisonnée voyait toujours ses fenêtres s'ouvrirent pour qu'un tapis y soit allègrement secoué lorsque venait l'heure d'y faire le ménage. On y voyait des silhouettes, affairées chacune à ce que le manoir conserve sa resplendissance d'antan. Les domestiques, heureux de pouvoir servir une maîtresse à la fois douce et juste, continuaient comme auparavant d'échanger plaisanteries et mondanités avec un indiscutable entrain tout en se chargeant de leurs besognes. Le Diable, comme à son habitude, était toujours dans les détails.
On en apercevait certains qui, par moments, jetaient par dessus leurs épaules des regards inquiets. D'autres s'adonnaient à d'amusantes conversations puis se mettaient subitement à murmurer, comme pour se prémunir de s'attirer les foudres de quelqu'un; ou plutôt de quelque chose. Des pièces où l'on ne toquait jamais avant d'entrer étaient désormais traitées avec plus de précautions, des œillades anxieuses s'étaient ajoutées aux salutations usuellement faites de bonhomie et d'enjouement. Un malhabile observateur n'y aurait vu que du feu, mais les plus coutumiers de la vie locale savaient sans mal identifier le brouillard de confusion qui régnait en ces lieux. Le manoir, radieux à de nombreux égards, était arpenté par une ombre qui n'y avait pas sa place.
Certains membres du personnel avaient disparu du jour au lendemain, ne remettant à l'hôte qu'une lettre de démission aussi impersonnelle que teintée de non-dits. On en parlait peu, on s'en plaignait encore moins. Nul n'avait jamais la certitude, même en des places réservées aux travailleurs; d'être parfaitement à l'abri d'oreilles indiscrètes ou même d'une paire d'yeux nappés d'un voile d'ombre. Lorsque par mégarde, un employé laissait son regard voguer jusqu'aux fenêtres du dernier étage depuis les jardins, il y voyait parfois deux iris rougeoyants et faisait mine de rien quand un glacial frisson le prenait à l'échine. Des semaines déjà, des semaines que la vie n'était plus aussi rose.
Le prédateur parasitaire s'était établi, avait étendu ses filandreux tendons de la cave au grenier et exerçait désormais une indéniable emprise sur ce territoire qu'il avait élu comme domicile. Fidèles mais point téméraires au point de vouloir se frotter aux griffes de la maudite créature qu'abritait les murs de la bâtisse, la plupart des témoins de ces fantomatiques apparitions qui accaparaient leurs esprits conservaient un silence allant du travail jusqu'à la chaume. Nul n'avait tenté de contacter les forces de l'ordre, personne n'avait pris le risque de donner suite aux interrogations des officiers républicains de passage. Justice devait être rendue, mais tous savaient que la témérité serait cruellement punie.
L'ombre disparaissait, parfois. On ne savait pas exactement quand elle quittait son antre, ni précisément quand elle décidait de s'y retourner. Des discussions nocturnes précédaient parfois ces départs, quelques larmes avaient peut être coulé mais nulle joute verbale n'avait été à déplorer. Son absence, bien que difficile à déterminer, était souvent remarquée lorsque le poids pesant sur les épaules des locaux se réduisait. C'était superstitieux, nimbé de peur, comme si le monstre n'était qu'un spectre hantant le manoir et que son aura s'étendait du sol au plafond. Encore une fois, on évitait d'y faire trop ouvertement allusion de peur de l'apercevoir subitement à l'angle d'un couloir ou au pied d'un arbre.
En ce jour, il était présent. Nul besoin de le croiser soi-même pour le savoir. Les étrangers auraient cru à la venue d'un esprit frappeur, des portes s'ouvrant et se refermant sans qu'une silhouette humaine ne soit vue. On avait entendu les grincements sur le parquet, les protestations du plancher lorsqu'une masse invisible s'y posaient et surtout, ces affreux tintements métalliques qui accompagnaient trop souvent les mouvements de cette chose dont on s'efforçait de taire le nom. De l'eau coulait, à chaque fois; on savait alors qu'il nettoyait les armes de ses innombrables crimes.
Le cœur de son nid n'était plus la pièce autrefois allouée au défunt Bastian. Ses rares affaires étaient entreposées au centre de tout, à savoir dans la chambre de leur maîtresse elle-même.
"Hélénaïs ?"
Abraham était accoudé contre une fenêtre, scrutant l'horizon avec cette inhumaine intensité qui n'avait pas pour mérite de le rendre charmant. Les rayons mourant d'un crépuscule orangé embaumaient son faciès d'une douce lueur et s'il était sinistre par essence, c'était curieusement avec un sourire aussi franc que chaleureux qu'il mirait les abords de son domaine d'emprunt.
Le déserteur bifurqua, plaquant une épaule contre le cadran de son point d'observation favori puis; avec un plaisir qu'il ne prit pas soin de maquiller; il admira longuement la demoiselle assise au bord du lit, entourée comme à son habitude de documents et autres attestations dont Abraham épluchait parfois les copies manuscrites en secret. Ce fut avec une audace telle qu'on l'eut dit emplie d'insouciance qu'il lança, le plus naturellement du monde :
"Que répondrais tu..."
D'un élégant mouvement, il quitta son support puis progressa avec une lenteur calculée jusqu'à son amante. Dirigeant l'une de ses paumes d'acier vers le tas de paperasse situé à la droite d'Hélénaïs, il fit naître par magie une légère bourrasque emportant les écrits pour venir les empiler avec une précision millimétrée à peine un mètre plus loin. Cela fait, il fit claquer un assortiment de griffes neuves et richement ornées; puis s'installa contre sa moitié et l'entoura aimablement de ses bras; ce pour finalement murmurer :
"...si je te disais que je t'aimais ?"
Il était temps d'y mettre des mots.
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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crédits : 1202
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Hélénaïs détestait cela. Elle méprisait ces moments où Abraham s’arrachait à leurs draps d’une manière qu’il espérait sans doute discrète. Souvent, elle faisait mine de dormir comme si son départ ne pouvait pas la troubler. D’autrefois elle se réveillait avec un lit vide à côté d’elle. Les premières fois, elle l’avait cherché avec inquiétude, tâtonnant du bout des doigts à la place qui était désormais la sienne et elle n’y trouvait qu’une chaleur diffuse. Elle ne lui avait jamais vraiment posé de questions, elle aurait dû mais elle en était incapable. Elle savait que la réponse serait dévastatrice, complètement à l'opposée de ses propres valeurs. Pire que tout, la jeune femme savait que cela ne changerait en rien l’affection qu’elle portait à cet homme. Une part d’elle se haïssait pour cela. Hélénaïs s’était toujours su faible, malgré ce que les gens aimaient dire de sa force de caractère. En vérité, elle n’était pas forte ; elle n’avait tout simplement pas eut le choix. Alors qu’Abraham, lui, était son choix. C’était elle qui taisait ses actes, elle aussi qui préférait le fuir lorsqu’elle sentait l’étrange odeur ferrugineuse qui émanait de lui lorsqu’il rentrait et elle encore qui s’inquiétait pour lui alors que c’était bien les autres qui le craignait et non l’inverse. Pourtant, elle sentait le poids de ses angoisses s’envoler lorsqu’elle reconnaissait la signature de sa magie aux abords du domaine, parfois elle laissait son senseur éveillé des nuits entières dans l’espoir de le sentir. Hélas, les allers et venus d’Abraham étaient aussi hasardeux que lui.
Au domaine, la vie était loin d’être paisible. Hélénaïs avait dû revoir l’organisation dans son entièreté. Et les départs inopinés n’avaient rien arrangé. Les premières semaines, il n’était pas rare qu’elle aille se coucher avec l’angoisse de retrouver une pile de lettres de démissions sur le secrétaire de son bureau. C’était arrivé, plusieurs fois et bien qu’elle en laissa partir certains avec regret, elle priait à chaque fois pour que jamais elle ne voit le nom d’Emérée y figurer. Ce ne fut jamais le cas. Mais une dispute avait eu lieu. La première qu’elles avaient jamais eut et la jeune maîtresse n’avait rien pu faire d’autre que de ravaler ses larmes en essuyant les brimades si franches de sa suivante. C’était pour cette raison que c’était elle qu’elle avait voulu à ses côtés ; parce qu’elle disait la vérité telle qu’elle devait être entendue. Elle ne se cachait jamais derrière un voile de déni comme le faisait la jeune De Casteille. Alors elle lui avait crié dessus, à tel point que la peau diaphane d’Hélénaïs avait réussi à pâlir un peu plus. Emérée l’avait traitée d’idiote et d’utopiste, elle avait juré qu’elle aurait encore préféré la voir s'acoquiner avec Arès Wessex, qu’elle détestait pourtant ouvertement. Elle n’avait rien rétorqué car aucun argument ne serait jamais à la mesure du choix qu’elle avait fait. Du paris complètement fou de prendre l’assassin de la présidente pour amant. Mais la jeune Shoumeïenne était resté. Malgré tout ce qu’elle pensait de sa dame et de l'araignée qui vivait dans sa chambre, elle avait consenti à continuer de l’aider.
Ensemble, Emérée et Hélénaïs avaient complètement changé l’organisation de la maisonnée. Elles avaient redistribuée les tâches aussi équitablement que possible, avaient attribué de nouveaux postes pour en céder d’autres. Ceux qui avisaient aux appartements de la jeune femme cependant échoyaient uniquement à Emérée, qui était la seule qui semblait ne pas craindre Abraham. Elle ne lui parlait pas, jamais, n’hésitait pas à l’ignorer s’il s’adressait à elle. Mais elle lui lançait encore et toujours de longs regards coléreux parfois d’un air de défi comme pour lui dire “essayez donc, voyez comment elle réagira si vous me faites du mal”. Emérée était les yeux d’Hélénaïs après tout, elle était faite pour observer et ce qu’elle voyait ne lui plaisait pas. La manière qu’elle avait d’attendre son retour, l’air affligé qu’elle arborait quand il s’en allait et la tristesse sur son visage lorsque l’odeur de mort qui l’accompagnait embaumé leur chambre. Mais rien n’était pire que la joie qu’elle lisait lorsqu’elle surprenait l’un de ces rares moments où ils étaient ensemble. Celle d’Hélénaïs comme celle d’Abraham. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne la brise, elle en était convaincue.
Le nez dans ses papiers, la jeune De Casteille appréciait l’instant aussi simple soit-il. Ils étaient, à son goût, trop rares. Tantôt car Abraham disparaissait pendant des heures et parfois pendant des jours, tantôt car c’était elle qui ne savait plus où donner de la tête. Son départ pour le Reike était imminent et elle n’avait jamais eut aussi peu envie de quitter sa maison. D’abord parce qu’elle craignait la réaction de ses domestiques en son absence mais surtout parce qu’elle craignait celle d’Abraham. Non pas qu’elle le cru capable de quelconque folie meurtrière mais bien parce qu’elle était terrifiée à l’idée de rentrer et de ne pas le trouver, d’être au Reike et de recevoir, un beau matin, des nouvelles du Razkaal. Si loin, elle ne pourrait rien faire. Le temps de faire le trajet inverse qu’il serait déjà, comme Zelevas, enfoui dans les entrailles de la prison. Ou mort. Et puis il y avait son poste de sénatrice qui, en raison de son départ prochain devait être aménagé de façon à ce que son travail ne pâtisse pas de son absence. Pour ce qui était du domaine viticole, elle l’avait entièrement délégué à Emérée.
- Oui ? Répondit-elle, intriguée, en levant le museau vers l’endroit d’où lui parvenait la voix de son amant. Bien qu’elle ne soit pas en mesure de le voir par elle-même, elle aimait l’imaginer accoudé à cette fenêtre. Sans savoir si cette image était proche de la réalité. Un silence s’installa et pendant un instant, elle crut qu’il n’allait rien ajouter. Cela lui arrivait parfois, comme s’il n’osait pas finir sa phrase, elle n’insistait jamais, se contentait de lui sourire en retournant à ses affaires. Elle constata qu’aujourd’hui était différent lorsque les papiers qu’elle lisait -en braille- lui échappèrent des mains. D’une petite moue contrite, elle les laissa filer. Le poids du corps d’Abraham s’enfonça dans le matelas à côté d’elle avant qu’elle ne sente ses bras se refermer autour des siens. Là, elle se laissa aller contre lui et vint reposer sa tête sur son épaule.
- Comment ? Aussi vite posée, sa tête se redressa pour se tourner vers son visage. Ses sourcils se haussèrent et elle sourit. La peau de ses joues rougie légèrement et un éclair fugace de joie illumina ses yeux bleuâtre avant d’être remplacé par une tristesse profonde. Brusquement, toute trace de bonheur avait déserté les traits de son visage.
- Je… Son regard papillonna comme si elle cherchait à mieux voir et du haut, ses sourcils se froncèrent vers le bas. - Tu n’es pas obligé Abraham. Un sujet qu’elle aurait préféré ne pas aborder. - Je ne t’ai jamais posé de question quant à tes occupations. Alors, sa main glissa sur l’avant bras qui l’enlaçait, - Tu n’as pas besoin d’utiliser de subterfuge pour adoucir ton départ. Je ne tiens pas à te garder sous cage et tu m’as promis d’œuvrer pour la République le reste…Le reste j’apprendrais à m’en accommoder. Ses derniers mots lui échappèrent péniblement. La joie qu’elle avait cru ressentir lui semblait désormais aussi lourde que du plomb, elle se sentait stupide d’avoir cru, l’espace d’un instant qu’il aurait pu l’aimer.
Au domaine, la vie était loin d’être paisible. Hélénaïs avait dû revoir l’organisation dans son entièreté. Et les départs inopinés n’avaient rien arrangé. Les premières semaines, il n’était pas rare qu’elle aille se coucher avec l’angoisse de retrouver une pile de lettres de démissions sur le secrétaire de son bureau. C’était arrivé, plusieurs fois et bien qu’elle en laissa partir certains avec regret, elle priait à chaque fois pour que jamais elle ne voit le nom d’Emérée y figurer. Ce ne fut jamais le cas. Mais une dispute avait eu lieu. La première qu’elles avaient jamais eut et la jeune maîtresse n’avait rien pu faire d’autre que de ravaler ses larmes en essuyant les brimades si franches de sa suivante. C’était pour cette raison que c’était elle qu’elle avait voulu à ses côtés ; parce qu’elle disait la vérité telle qu’elle devait être entendue. Elle ne se cachait jamais derrière un voile de déni comme le faisait la jeune De Casteille. Alors elle lui avait crié dessus, à tel point que la peau diaphane d’Hélénaïs avait réussi à pâlir un peu plus. Emérée l’avait traitée d’idiote et d’utopiste, elle avait juré qu’elle aurait encore préféré la voir s'acoquiner avec Arès Wessex, qu’elle détestait pourtant ouvertement. Elle n’avait rien rétorqué car aucun argument ne serait jamais à la mesure du choix qu’elle avait fait. Du paris complètement fou de prendre l’assassin de la présidente pour amant. Mais la jeune Shoumeïenne était resté. Malgré tout ce qu’elle pensait de sa dame et de l'araignée qui vivait dans sa chambre, elle avait consenti à continuer de l’aider.
Ensemble, Emérée et Hélénaïs avaient complètement changé l’organisation de la maisonnée. Elles avaient redistribuée les tâches aussi équitablement que possible, avaient attribué de nouveaux postes pour en céder d’autres. Ceux qui avisaient aux appartements de la jeune femme cependant échoyaient uniquement à Emérée, qui était la seule qui semblait ne pas craindre Abraham. Elle ne lui parlait pas, jamais, n’hésitait pas à l’ignorer s’il s’adressait à elle. Mais elle lui lançait encore et toujours de longs regards coléreux parfois d’un air de défi comme pour lui dire “essayez donc, voyez comment elle réagira si vous me faites du mal”. Emérée était les yeux d’Hélénaïs après tout, elle était faite pour observer et ce qu’elle voyait ne lui plaisait pas. La manière qu’elle avait d’attendre son retour, l’air affligé qu’elle arborait quand il s’en allait et la tristesse sur son visage lorsque l’odeur de mort qui l’accompagnait embaumé leur chambre. Mais rien n’était pire que la joie qu’elle lisait lorsqu’elle surprenait l’un de ces rares moments où ils étaient ensemble. Celle d’Hélénaïs comme celle d’Abraham. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne la brise, elle en était convaincue.
Le nez dans ses papiers, la jeune De Casteille appréciait l’instant aussi simple soit-il. Ils étaient, à son goût, trop rares. Tantôt car Abraham disparaissait pendant des heures et parfois pendant des jours, tantôt car c’était elle qui ne savait plus où donner de la tête. Son départ pour le Reike était imminent et elle n’avait jamais eut aussi peu envie de quitter sa maison. D’abord parce qu’elle craignait la réaction de ses domestiques en son absence mais surtout parce qu’elle craignait celle d’Abraham. Non pas qu’elle le cru capable de quelconque folie meurtrière mais bien parce qu’elle était terrifiée à l’idée de rentrer et de ne pas le trouver, d’être au Reike et de recevoir, un beau matin, des nouvelles du Razkaal. Si loin, elle ne pourrait rien faire. Le temps de faire le trajet inverse qu’il serait déjà, comme Zelevas, enfoui dans les entrailles de la prison. Ou mort. Et puis il y avait son poste de sénatrice qui, en raison de son départ prochain devait être aménagé de façon à ce que son travail ne pâtisse pas de son absence. Pour ce qui était du domaine viticole, elle l’avait entièrement délégué à Emérée.
- Oui ? Répondit-elle, intriguée, en levant le museau vers l’endroit d’où lui parvenait la voix de son amant. Bien qu’elle ne soit pas en mesure de le voir par elle-même, elle aimait l’imaginer accoudé à cette fenêtre. Sans savoir si cette image était proche de la réalité. Un silence s’installa et pendant un instant, elle crut qu’il n’allait rien ajouter. Cela lui arrivait parfois, comme s’il n’osait pas finir sa phrase, elle n’insistait jamais, se contentait de lui sourire en retournant à ses affaires. Elle constata qu’aujourd’hui était différent lorsque les papiers qu’elle lisait -en braille- lui échappèrent des mains. D’une petite moue contrite, elle les laissa filer. Le poids du corps d’Abraham s’enfonça dans le matelas à côté d’elle avant qu’elle ne sente ses bras se refermer autour des siens. Là, elle se laissa aller contre lui et vint reposer sa tête sur son épaule.
- Comment ? Aussi vite posée, sa tête se redressa pour se tourner vers son visage. Ses sourcils se haussèrent et elle sourit. La peau de ses joues rougie légèrement et un éclair fugace de joie illumina ses yeux bleuâtre avant d’être remplacé par une tristesse profonde. Brusquement, toute trace de bonheur avait déserté les traits de son visage.
- Je… Son regard papillonna comme si elle cherchait à mieux voir et du haut, ses sourcils se froncèrent vers le bas. - Tu n’es pas obligé Abraham. Un sujet qu’elle aurait préféré ne pas aborder. - Je ne t’ai jamais posé de question quant à tes occupations. Alors, sa main glissa sur l’avant bras qui l’enlaçait, - Tu n’as pas besoin d’utiliser de subterfuge pour adoucir ton départ. Je ne tiens pas à te garder sous cage et tu m’as promis d’œuvrer pour la République le reste…Le reste j’apprendrais à m’en accommoder. Ses derniers mots lui échappèrent péniblement. La joie qu’elle avait cru ressentir lui semblait désormais aussi lourde que du plomb, elle se sentait stupide d’avoir cru, l’espace d’un instant qu’il aurait pu l’aimer.
Citoyen de La République
Abraham de Sforza
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crédits : 591
crédits : 591
Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: C
Il y avait eu de nombreuses occasions de percer à jour les machinations perfides du cerbère et puisqu'il se savait observé par plus de paires d'yeux qu'il ne pouvait compter; il effectuait généralement ses coups bas avec subtilité et discrétion. Habitué désormais aux légères manifestations de magie permettant à Hélénaïs d'user de son senseur, Abraham s'appliquait à ne se montrer odieusement fourbe qu'en l'absence de celui-ci. Il lui était arrivé notamment d'user de télékinésie pour placer sciemment un objet pourtant convenablement rangé sur la route de sa belle, ce pour le simple plaisir malsain de la voir chanceler et de pouvoir la rattraper in extremis. Il s'en voulait atrocement, il se maudissait lorsqu'il la tourmentait de la sorte afin d'enfoncer plus profondément ses griffes dans le cœur si noble que le monde lui avait offert.
Le métal, à toute heure, lui dictait sa diabolique conduite.
Le cerbère se cachait aussi d'Emérée, cette insupportable harpie qu'il avait tenté de séduire à sa manière, ne sachant que trop bien quel lien étroit elle entretenait avec sa jeune employeuse. Toute tentative de rapport cordial s'était avéré infructueuse et si Abraham avait caressé à plusieurs reprises le fantasme de faire subir à cette peste un sort peu enviable; il s'était finalement résolu à la laisser en dehors de ses plans pour l'instant. Lorsqu'il obtenait au cours de ses pérégrinations nocturnes des informations concernant un réseau criminel dont il pouvait arracher une tête, Abraham se montrait systématiquement plus mielleux et attentionné, chose qu'Hélénaïs était irrémédiablement venu à noter. Il avait fait mine de ne rien voir jusqu'à présent mais la mélancolie lisible de sa formidable compagne devenait profondément intolérable.
Lui qui était usuellement si précautionneux, tant en amour qu'en escroquerie; fut absolument estomaqué lorsque sa déclaration sincère fut interprétée comme l'un de ses venimeux stratagèmes. Se faire attraper était une chose, être traité de menteur lorsqu'il se dévoilait enfin avec une rarissime honnêteté en était une autre. Cela lui fit terriblement mal, peut être au point d'ailleurs de lui permettre de se projeter et de concevoir l'étendue des plaies béantes qu'il infligeait chaque jour au cœur de son amante. Le sourire enjôleur du traître à la Nation s'affaissa lentement puis, sans se presser; il quitta l'étreinte de sa dulcinée et retourna se poster auprès de la fenêtre qu'il avait tout juste quitté. Hélénaïs n'appréciait pas qu'il hausse le ton et, fort heureusement, il ne le faisait jamais. Cela ne l'empêchait pas de la blesser, trop régulièrement pour que cela soit qualifié d'occasionnel écart :
"Je fais ce que la justice est incapable de faire."
Elle voulait parler ? Qu'il parle. Apposant l'une de ses mains contre le rebord de la fenêtre, il jeta à la seconde un regard qui avait perdu au fil du temps de son émerveillement. Dans une série de cliquetis mécaniques, les engins de Noirvitrail se déplièrent pour venir révéler des arabesques dentelées, des serres décorées d'épines et d'autres aiguilles tout aussi menaçantes que le reste de son sordide arsenal. Il trouvait une grande fierté dans ses derniers assauts et les jours passant, il avait fait de ce combat sa seconde raison d'être. Tout ce dont il rêvait aujourd'hui, c'était d'anéantir la vermine en toute noblesse et de pouvoir rentrer au soir pour profiter d'un amour dont il avait été privé durant sa vie entière. Les choses, malheureusement, n'étaient jamais aussi simples :
"La République sait pertinemment où se terre sa fange. Le mal arpente nos chaumes, il se niche dans nos égouts et se répand partout. Les indignes, les traîtres et les veules n'ont pas le courage de réduire ces menaces à néant et s'évertuent à maintenir, à la surface, un semblant d'ordre imposé dans le mensonge. Certains tirent les ficelles de leurs marionnettes pour leurs propres intérêts, d'autres n'ont pas le courage d'aller au bout de leurs propres pistes. Tu connais la phrase que j'ai le plus entendu, en travaillant avec les forces de l'ordre ?"
Il lui accorda un coup d'œil et si son visage grimaçant ne fut point visible pour Hélénaïs, les notes de mépris et de dégoût dans sa voix se distinguèrent sans le moindre mal :
"C'est pas mon problème."
Abraham se retourna, ce pour venir s'assoir au rebord intérieur de la fenêtre close. Face à Hélénaïs, il posa ses coudes sur ses genoux puis se pencha en avant pour ensuite ajouter :
"C'était jamais leur problème, toujours celui d'un autre. Cet autre, on ne le citait pas. D'honnêtes républicains sont enlevés ou tués chaque jour, des réfugiés shoumeïens sont revendus au marché noir pour servir d'esclaves à des barons de la drogue. Des gens comme Emérée, lorsqu'il n'ont pas le privilège de tomber sur personnes aussi nobles que toi, sont torturés ou exploités au quotidien. Le mal est dans nos murs et lorsqu'on le pointe du doigt, on nous répond toujours avec de l'esbrouffe. On dira que ces choses prennent du temps, qu'on ne peut agir sans prudence ou encore, dans les pires des cas; qu'un dossier va grimper plus haut dans la hiérarchie et qu'il n'est plus entre nos mains. Toujours la même rengaine; et le peuple en pâtit."
Son discours se faisait plus endiablé mais sa voix n'adoptait, au demeurant; aucun changement de timbre traduisant sa colère. Sa voix se fit même plus basse, à l'abri des éventuelles oreilles portées aux murs :
"Lors de ma dernière excursion, j'ai fait la connaissance de Salvatore de Cavanna, un soi-disant mercenaire de l'Ordre Verdigris. Multirécidiviste, il a déjà échappé par trois fois à nos tribunaux. Son implication dans les trafics d'enfants de la Pègre est absolument indéniable mais les arrestations ne semblent pas l'inquiéter puisque les affaires qui le concernent se concluent systématiquement dans la confusion, les défauts de preuves et les contradictions."
Son regard s'intensifia et il conclut sa sordide histoire :
"Il n'échappera plus à personne. Je préfère que les mères endeuillées soient vengées plutôt que flouées par ceux qui manient nos dignes lois avec impuissance et cupidité."
Abraham réalisa, face au silence de sa belle; que justifier ses actes n'était pas ce qu'elle attendait de lui. Poussant un long soupir désapprobateur, il retourna auprès d'elle et vint fléchir ses genoux pour se retrouver à son niveau. Par pitié, pas de larme. Il ne le supportait pas.
"Je suis... infiniment désolé de t'imposer cette vie-là. Je t'ai déjà dit la vérité, ma chère et tendre : je ne suis pas un Homme et bien que j'éprouve à ton égard les plus beaux des sentiments, je suis avant tout une arme. J'ai été conçu pour libérer la République du joug de ses démons, j'ai été pensé pour devenir le symbole d'une Ere de gloire et de paix."
Sa gorge se noua, il parut avoir bien de la peine à prononcer la suite. Posant timidement une main sur celle de la jeune femme, il inspira un grand coup puis se lança :
"Je n'ai qu'une fonction et je dois m'y tenir. Je ne peux pas agir autrement, je dois rester ce que je me suis engagé à incarner. Si ce poids est trop lourd à porter... si tu dois me désavouer pour être heureuse et qu'il n'y a pas dans ce bonheur une place pour moi; alors soit."
Sa voix s'éteignit et ne fut presque plus qu'un chuchotement :
"Mais ne t'avise pas, je t'en conjure; de remettre en cause la véracité de l'amour que j'éprouve pour toi. La flamme que je te déclare n'est pas, et ne sera jamais... un subterfuge."
Difficile de dire s'il s'agissait là d'une supplication ou d'une menace.
Le métal, à toute heure, lui dictait sa diabolique conduite.
Le cerbère se cachait aussi d'Emérée, cette insupportable harpie qu'il avait tenté de séduire à sa manière, ne sachant que trop bien quel lien étroit elle entretenait avec sa jeune employeuse. Toute tentative de rapport cordial s'était avéré infructueuse et si Abraham avait caressé à plusieurs reprises le fantasme de faire subir à cette peste un sort peu enviable; il s'était finalement résolu à la laisser en dehors de ses plans pour l'instant. Lorsqu'il obtenait au cours de ses pérégrinations nocturnes des informations concernant un réseau criminel dont il pouvait arracher une tête, Abraham se montrait systématiquement plus mielleux et attentionné, chose qu'Hélénaïs était irrémédiablement venu à noter. Il avait fait mine de ne rien voir jusqu'à présent mais la mélancolie lisible de sa formidable compagne devenait profondément intolérable.
Lui qui était usuellement si précautionneux, tant en amour qu'en escroquerie; fut absolument estomaqué lorsque sa déclaration sincère fut interprétée comme l'un de ses venimeux stratagèmes. Se faire attraper était une chose, être traité de menteur lorsqu'il se dévoilait enfin avec une rarissime honnêteté en était une autre. Cela lui fit terriblement mal, peut être au point d'ailleurs de lui permettre de se projeter et de concevoir l'étendue des plaies béantes qu'il infligeait chaque jour au cœur de son amante. Le sourire enjôleur du traître à la Nation s'affaissa lentement puis, sans se presser; il quitta l'étreinte de sa dulcinée et retourna se poster auprès de la fenêtre qu'il avait tout juste quitté. Hélénaïs n'appréciait pas qu'il hausse le ton et, fort heureusement, il ne le faisait jamais. Cela ne l'empêchait pas de la blesser, trop régulièrement pour que cela soit qualifié d'occasionnel écart :
"Je fais ce que la justice est incapable de faire."
Elle voulait parler ? Qu'il parle. Apposant l'une de ses mains contre le rebord de la fenêtre, il jeta à la seconde un regard qui avait perdu au fil du temps de son émerveillement. Dans une série de cliquetis mécaniques, les engins de Noirvitrail se déplièrent pour venir révéler des arabesques dentelées, des serres décorées d'épines et d'autres aiguilles tout aussi menaçantes que le reste de son sordide arsenal. Il trouvait une grande fierté dans ses derniers assauts et les jours passant, il avait fait de ce combat sa seconde raison d'être. Tout ce dont il rêvait aujourd'hui, c'était d'anéantir la vermine en toute noblesse et de pouvoir rentrer au soir pour profiter d'un amour dont il avait été privé durant sa vie entière. Les choses, malheureusement, n'étaient jamais aussi simples :
"La République sait pertinemment où se terre sa fange. Le mal arpente nos chaumes, il se niche dans nos égouts et se répand partout. Les indignes, les traîtres et les veules n'ont pas le courage de réduire ces menaces à néant et s'évertuent à maintenir, à la surface, un semblant d'ordre imposé dans le mensonge. Certains tirent les ficelles de leurs marionnettes pour leurs propres intérêts, d'autres n'ont pas le courage d'aller au bout de leurs propres pistes. Tu connais la phrase que j'ai le plus entendu, en travaillant avec les forces de l'ordre ?"
Il lui accorda un coup d'œil et si son visage grimaçant ne fut point visible pour Hélénaïs, les notes de mépris et de dégoût dans sa voix se distinguèrent sans le moindre mal :
"C'est pas mon problème."
Abraham se retourna, ce pour venir s'assoir au rebord intérieur de la fenêtre close. Face à Hélénaïs, il posa ses coudes sur ses genoux puis se pencha en avant pour ensuite ajouter :
"C'était jamais leur problème, toujours celui d'un autre. Cet autre, on ne le citait pas. D'honnêtes républicains sont enlevés ou tués chaque jour, des réfugiés shoumeïens sont revendus au marché noir pour servir d'esclaves à des barons de la drogue. Des gens comme Emérée, lorsqu'il n'ont pas le privilège de tomber sur personnes aussi nobles que toi, sont torturés ou exploités au quotidien. Le mal est dans nos murs et lorsqu'on le pointe du doigt, on nous répond toujours avec de l'esbrouffe. On dira que ces choses prennent du temps, qu'on ne peut agir sans prudence ou encore, dans les pires des cas; qu'un dossier va grimper plus haut dans la hiérarchie et qu'il n'est plus entre nos mains. Toujours la même rengaine; et le peuple en pâtit."
Son discours se faisait plus endiablé mais sa voix n'adoptait, au demeurant; aucun changement de timbre traduisant sa colère. Sa voix se fit même plus basse, à l'abri des éventuelles oreilles portées aux murs :
"Lors de ma dernière excursion, j'ai fait la connaissance de Salvatore de Cavanna, un soi-disant mercenaire de l'Ordre Verdigris. Multirécidiviste, il a déjà échappé par trois fois à nos tribunaux. Son implication dans les trafics d'enfants de la Pègre est absolument indéniable mais les arrestations ne semblent pas l'inquiéter puisque les affaires qui le concernent se concluent systématiquement dans la confusion, les défauts de preuves et les contradictions."
Son regard s'intensifia et il conclut sa sordide histoire :
"Il n'échappera plus à personne. Je préfère que les mères endeuillées soient vengées plutôt que flouées par ceux qui manient nos dignes lois avec impuissance et cupidité."
Abraham réalisa, face au silence de sa belle; que justifier ses actes n'était pas ce qu'elle attendait de lui. Poussant un long soupir désapprobateur, il retourna auprès d'elle et vint fléchir ses genoux pour se retrouver à son niveau. Par pitié, pas de larme. Il ne le supportait pas.
"Je suis... infiniment désolé de t'imposer cette vie-là. Je t'ai déjà dit la vérité, ma chère et tendre : je ne suis pas un Homme et bien que j'éprouve à ton égard les plus beaux des sentiments, je suis avant tout une arme. J'ai été conçu pour libérer la République du joug de ses démons, j'ai été pensé pour devenir le symbole d'une Ere de gloire et de paix."
Sa gorge se noua, il parut avoir bien de la peine à prononcer la suite. Posant timidement une main sur celle de la jeune femme, il inspira un grand coup puis se lança :
"Je n'ai qu'une fonction et je dois m'y tenir. Je ne peux pas agir autrement, je dois rester ce que je me suis engagé à incarner. Si ce poids est trop lourd à porter... si tu dois me désavouer pour être heureuse et qu'il n'y a pas dans ce bonheur une place pour moi; alors soit."
Sa voix s'éteignit et ne fut presque plus qu'un chuchotement :
"Mais ne t'avise pas, je t'en conjure; de remettre en cause la véracité de l'amour que j'éprouve pour toi. La flamme que je te déclare n'est pas, et ne sera jamais... un subterfuge."
Difficile de dire s'il s'agissait là d'une supplication ou d'une menace.
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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“C’est exactement pour ça que je déteste aborder ce sujet…” Songea Hélénaïs alors qu’elle sentait la lourdeur du métal délester ses épaules. Elle aurait voulu le retenir mais elle savait que ça ne servait à rien, sauf peut-être lui entailler les paumes sur les épines qui le recouvraient. A contre-coeur, elle le laissa s’éloigner et joignit ses mains sur ses genoux tout en prenant une grande inspiration. Abraham ne criait jamais, il ne se mettait jamais en colère, pas de celle que connaissent les humains normaux en tout cas et c’était une facette de lui qu’elle aimait particulièrement. Néanmoins, au fil des semaines elle avait appris à reconnaître le timbre neutre qui allait de paire avec des mots aussi incisifs que des lames de rasoirs mais surtout à le redouter. Aussi, à peine eut-il entamé sa phrase qu’elle sut ce qui l’attendait et devina qu’elle ne pouvait rien faire d’autre que de se confronter à la réalité qui était la leur. La même qu’elle fuyait depuis ce fameux soir où il était entré dans son bureau pour réclamer son aide.
Hélénaïs savait qu’il n’y avait que de la vérité dans ses paroles. Plus que n’importe qui, elle savait à quel point le gouvernement Républicain pouvait être faisandé et bancal, exactement comme sa police. Elle n’était pas sotte au point d’ignorer qu’elle jouait à un jeu où les dés étaient pipés. Pourtant elle n’avait de cesse de s’obstiner à y jouer loyalement, à se conformer aux lois et aux règles qui le régissait. Parce qu’elle avait toujours été convaincue que les choses pouvaient changer, que la violence n’était pas la solution et que les mots pouvaient être plus efficaces que toute la sauvagerie du monde. La jeune femme elle-même n’était pas certaine de parvenir un jour à ses fins, mais elle refusait de ne pas essayer. Malgré cela, elle comprenait Abraham. Aussi répugnante puisse être cette idée. Elle se souvenait encore de l’attaque à Liberty, il y avait de cela plusieurs mois, celle où Zelevas s’était lui-même condamné à mort et avec lui l’homme qui partageait son lit. Cette honte qu’elle avait ressentit à être incapable de protéger les siens, a devoir fuir sa propre patrie car elle était trop faible, trop fragile et trop aveugle pour faire quoi que ce soit. C’était ce sentiment d’impuissance qui l’avait mené jusqu’à Zelevas. Jusqu’à Abraham.
Le métal cliqueta à nouveau et elle devina qu’il avait quitté la fenêtre pour se rapprocher. Un nouveau crissement et elle le sentit s’abaisser face à elle, à hauteur de son visage. Ses mains la démangèrent ; d’aller se perdre sur ses joues, le long de son cou et dans ses cheveux. Mais il n’en avait pas terminé et quelque chose lui soufflait que la partie la moins agréable de cette conversation était sur le point d’arriver. La mâchoire serrée, elle essuya avec amertume ses paroles.
- J’ai choisi cette vie lorsque je t’ai choisis toi, en mon âme et conscience. Ne t’en excuses pas… Murmura-t-elle en tendant la main vers l’une des siennes. Lentement, elle la ramena vers elle, en ouvrit les griffes et la porta à sa joue. Son contact froid lui fit du bien. Elle ferma les yeux. - Tu ne te rends pas compte que tu es infiniment plus que ce que tu prétends être. A t’entendre tu n’es qu’une arme dépourvue de quoi que ce soit d’autre que de la nécessité de tuer. Même plus un soldat. Juste une machine. Mais les armes ne tombent pas amoureuses, Abraham, elles n’en sont pas capables. Lentement, laissant les paroles infuser dans son esprit, elle vint déposer ses lèvres sur la paume de sa main. Suffisamment longtemps pour que la froideur de l’alliage imprègne ses lèvres.
Enfin, elle rouvrit les yeux et libéra sa main.
- Tu es et tu resteras toujours un Homme pour moi. Je refuse de croire que tu n’es qu’un engin, qu’une créature sordide faite pour tuer. Mortifère était cela. Toi tu as le choix, tu l’as toujours eut depuis que tu ne te tiens plus aux côtés de Zelevas. Plus rien ne t’oblige à endosser ce rôle de la manière dont ils l’exigeaient . Tu es aimant, tu es doux. Tu n’es PAS cette chose que tu dépeint. Je refuse d’y croire. Désormais tu es libre d’agir à ta guise, libre d’emprunter un chemin différent. Un qui n’est pas empreint de toute… Cette violence. La seule chose qui te contraint, c’est toi-même. Contrairement à lui, le timbre de sa voix était tremblant partagé entre la colère et le chagrin. - Cet homme, ce Cavanna, peut-être que j'aurais pu faire quelque chose. N'importe quoi, qui ne t'aurais pas obligé à tuer une fois encore.
Du bout des doigts, elle vint caresser sa joue avant de lisser l’une des mèches cheveux qui entourait son visage meurtri.
- Je sais que la justice de République n’est pas… Fiable. Je sais qu’elle est corrompue à sa manière. Nous le savons tous. Mais tous les OR ne sont pas mauvais, tous les politiciens non plus. Un sourire désolé souleva le coin de ses lèvres. - Nous ne sommes pas tous bons à jeter, je te le promets. Néanmoins, elle ne pouvait nier que son pays se porterait mieux sans cet homme qu’il avait assassiné. Mais également qu’il avait probablement évité à bien des enfants un sort encore plus horrible que la mort. Et c’était bien là tout son drame personnel ; la rencontre tragique de la raison et du cœur qui se disputaient sa préférence.
- Ce n’est pas ton amour que je remet en cause. Reprit-elle si bassement qu’elle eut peur qu’il ne l’entende pas. - Il est la seule chose que j’ai jamais voulu. Tendrement, elle vint l’embrasser avant de se reculer. - Je suis désolé d’avoir douté. Et elle doutait encore qu'il puisse réellement l'aimer. Non pas à cause de sa nature à lui, mais à cause de la sienne à elle. Sauf qu'elle n'en pipa mot. Enfin, elle se leva du lit pour aller jusqu’à la fenêtre où elle laissa reposer ses doigts sur le verre, les rayons du soleil peinaient à la réchauffer.
A l’autre bout de la pièce l’on entendit un léger bruissement, suivi d’un miaulement discret presque interrogateur. Pantoufle, tiré de sa sieste par le soudain silence qui s’était installé, traversa la pièce de son pas léger pour venir se frotter contre les jambes de sa maîtresse qui le gratifia d’un sourire las puis voyant qu’elle n’était pas décidée à se pencher pour lui gratter la tête, tenta sa chance auprès d’Abraham qu’ironiquement, il ne craignait pas.
- Abraham… commença la jeune femme d’une voix qui ne présageait rien de bon, - Quel rôle Zelevas a-t-il joué dans ta transformation ?
Hélénaïs savait qu’il n’y avait que de la vérité dans ses paroles. Plus que n’importe qui, elle savait à quel point le gouvernement Républicain pouvait être faisandé et bancal, exactement comme sa police. Elle n’était pas sotte au point d’ignorer qu’elle jouait à un jeu où les dés étaient pipés. Pourtant elle n’avait de cesse de s’obstiner à y jouer loyalement, à se conformer aux lois et aux règles qui le régissait. Parce qu’elle avait toujours été convaincue que les choses pouvaient changer, que la violence n’était pas la solution et que les mots pouvaient être plus efficaces que toute la sauvagerie du monde. La jeune femme elle-même n’était pas certaine de parvenir un jour à ses fins, mais elle refusait de ne pas essayer. Malgré cela, elle comprenait Abraham. Aussi répugnante puisse être cette idée. Elle se souvenait encore de l’attaque à Liberty, il y avait de cela plusieurs mois, celle où Zelevas s’était lui-même condamné à mort et avec lui l’homme qui partageait son lit. Cette honte qu’elle avait ressentit à être incapable de protéger les siens, a devoir fuir sa propre patrie car elle était trop faible, trop fragile et trop aveugle pour faire quoi que ce soit. C’était ce sentiment d’impuissance qui l’avait mené jusqu’à Zelevas. Jusqu’à Abraham.
Le métal cliqueta à nouveau et elle devina qu’il avait quitté la fenêtre pour se rapprocher. Un nouveau crissement et elle le sentit s’abaisser face à elle, à hauteur de son visage. Ses mains la démangèrent ; d’aller se perdre sur ses joues, le long de son cou et dans ses cheveux. Mais il n’en avait pas terminé et quelque chose lui soufflait que la partie la moins agréable de cette conversation était sur le point d’arriver. La mâchoire serrée, elle essuya avec amertume ses paroles.
- J’ai choisi cette vie lorsque je t’ai choisis toi, en mon âme et conscience. Ne t’en excuses pas… Murmura-t-elle en tendant la main vers l’une des siennes. Lentement, elle la ramena vers elle, en ouvrit les griffes et la porta à sa joue. Son contact froid lui fit du bien. Elle ferma les yeux. - Tu ne te rends pas compte que tu es infiniment plus que ce que tu prétends être. A t’entendre tu n’es qu’une arme dépourvue de quoi que ce soit d’autre que de la nécessité de tuer. Même plus un soldat. Juste une machine. Mais les armes ne tombent pas amoureuses, Abraham, elles n’en sont pas capables. Lentement, laissant les paroles infuser dans son esprit, elle vint déposer ses lèvres sur la paume de sa main. Suffisamment longtemps pour que la froideur de l’alliage imprègne ses lèvres.
Enfin, elle rouvrit les yeux et libéra sa main.
- Tu es et tu resteras toujours un Homme pour moi. Je refuse de croire que tu n’es qu’un engin, qu’une créature sordide faite pour tuer. Mortifère était cela. Toi tu as le choix, tu l’as toujours eut depuis que tu ne te tiens plus aux côtés de Zelevas. Plus rien ne t’oblige à endosser ce rôle de la manière dont ils l’exigeaient . Tu es aimant, tu es doux. Tu n’es PAS cette chose que tu dépeint. Je refuse d’y croire. Désormais tu es libre d’agir à ta guise, libre d’emprunter un chemin différent. Un qui n’est pas empreint de toute… Cette violence. La seule chose qui te contraint, c’est toi-même. Contrairement à lui, le timbre de sa voix était tremblant partagé entre la colère et le chagrin. - Cet homme, ce Cavanna, peut-être que j'aurais pu faire quelque chose. N'importe quoi, qui ne t'aurais pas obligé à tuer une fois encore.
Du bout des doigts, elle vint caresser sa joue avant de lisser l’une des mèches cheveux qui entourait son visage meurtri.
- Je sais que la justice de République n’est pas… Fiable. Je sais qu’elle est corrompue à sa manière. Nous le savons tous. Mais tous les OR ne sont pas mauvais, tous les politiciens non plus. Un sourire désolé souleva le coin de ses lèvres. - Nous ne sommes pas tous bons à jeter, je te le promets. Néanmoins, elle ne pouvait nier que son pays se porterait mieux sans cet homme qu’il avait assassiné. Mais également qu’il avait probablement évité à bien des enfants un sort encore plus horrible que la mort. Et c’était bien là tout son drame personnel ; la rencontre tragique de la raison et du cœur qui se disputaient sa préférence.
- Ce n’est pas ton amour que je remet en cause. Reprit-elle si bassement qu’elle eut peur qu’il ne l’entende pas. - Il est la seule chose que j’ai jamais voulu. Tendrement, elle vint l’embrasser avant de se reculer. - Je suis désolé d’avoir douté. Et elle doutait encore qu'il puisse réellement l'aimer. Non pas à cause de sa nature à lui, mais à cause de la sienne à elle. Sauf qu'elle n'en pipa mot. Enfin, elle se leva du lit pour aller jusqu’à la fenêtre où elle laissa reposer ses doigts sur le verre, les rayons du soleil peinaient à la réchauffer.
A l’autre bout de la pièce l’on entendit un léger bruissement, suivi d’un miaulement discret presque interrogateur. Pantoufle, tiré de sa sieste par le soudain silence qui s’était installé, traversa la pièce de son pas léger pour venir se frotter contre les jambes de sa maîtresse qui le gratifia d’un sourire las puis voyant qu’elle n’était pas décidée à se pencher pour lui gratter la tête, tenta sa chance auprès d’Abraham qu’ironiquement, il ne craignait pas.
- Abraham… commença la jeune femme d’une voix qui ne présageait rien de bon, - Quel rôle Zelevas a-t-il joué dans ta transformation ?
Citoyen de La République
Abraham de Sforza
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: C
Capable de restreindre ses émotions, voir de les encager à merveille; Abraham usa des talents hérités suite à l'Exérèse pour se soustraire à la tristesse qu'il aurait indéniablement dû ressentir. Les places s'étaient inversées et si le renégat était somme toute satisfait de s'être fait entendre, il n'avait pas manqué de noter le langage fuyant du corps de sa moitié lorsqu'elle s'était éloigné de lui pour s'installer à la fenêtre. Observant Hélénaïs tandis qu'elle concluait son mélancolique discours, le cerbère n'entendit qu'à peine le roucoulement implorant du compagnon velu de sa belle et lorsqu'il le vit se frotter contre sa jambe, Abraham passa ses griffes sous le ventre de Pantoufle pour venir le soulever. S'installant au bord du lit, il déposa instinctivement le chat sur ses propres genoux et se mit à le caresser machinalement; mais aussi calmement.
Hélénaïs le disait empli de tendresse et Abraham, bien qu'il demeure muet, n'y voyait là qu'une demi vérité. La violence revêtait bien des formes et les pressions qu'il exerçait de par sa simple existence sur son amante constituaient déjà un mal, il le savait pertinemment. Elle n'avait pas le privilège de percer à jour ce cœur meurtri, elle était bien loin de savoir que sa première visite provenait non pas d'un romantique appel des cieux mais bel et bien du plus primaire instinct de survie. Elle le qualifiait d'Homme, espérant là le complimenter sur sa gentillesse alors que cette délicatesse dont elle se délectait tant n'avait été initialement que du mimétisme, une parodie de fougue caricaturée si efficacement que le comédien s'était perdu dans son rôle.
Aujourd'hui, les choses étaient peut être différentes. Abraham avait toujours été doué pour les introspections, plutôt sagace lorsqu'il s'agissait de se dénigrer mais aussi de saluer ses propres performances aux occasions qui le méritaient. Il était indiscutable qu'il éprouvait pour la jeune De Casteille de puissants sentiments, mais pouvaient ils seulement être qualifiés de marques amoureuses ? N'était ce pas tout bonnement l'expression de sa tragique condition ? On l'avait conçu pour suivre aveuglément un maître et depuis qu'il en était séparé, il avait sans doute inconsciemment cherché ailleurs la reconnaissance dont il était friand. Comment différencier l'amour de l'obsession gravée dans sa propre chair ?
Les yeux rougeoyants avaient temporairement quitté le dos d'Hélénaïs. Le regard porté sur la mine si satisfaite de Pantoufle, Abraham grattait le cou du chat de son aimée tout en songeant à ce qu'il pouvait bien répondre à de telles déclarations. Leurs moments d'intimité étaient usuellement réservés à la plénitude, ils étaient faits pour contraster avec l'horreur de l'extérieur. Abraham aurait préféré que cette conversation n'ait pas lieu mais, puisqu'il était drogué jusqu'à l'os aux sourires de sa belle, il consentit à continuer sur sa lancée :
"C'est moi qui suis désolé. J'avais promis que je ne serais pas de ceux qui t'infantilisent. Pour autant, tu n'as pas besoin que j'évoque les diableries dont se rendent responsables mes cibles pour me comprendre. Je sais déjà que tu me comprends, je ne devrais pas me sentir obligé de me justifier de la sorte."
Il leva les yeux au plafond, marquant une pause tout en passant ses mains griffues sur le dos d'un Pantoufle dont les ronronnements se faisaient bruyants sans devenir distrayants pour autant.
"... et je sais aussi que je ne suis pas qu'une arme, mon cœur. C'est juste que, tout comme toi; j'ai... besoin de faire quelque chose. Je ne supporte pas de ne pas avoir d'impact, je dois... être présent. Ce que je fais pour la République est gravé dans chaque fibre de mon être, au sens littéral de la chose. Même si je voulais cesser mes activités, que pourrais je faire d'autre ?"
Il exhala, puis quand Pantoufle décréta que les cajoleries avaient assez duré et qu'il décida de bondir pour aller se toiletter dans un autre coin de la pièce, Abraham remit ses coudes sur ses genoux et passa l'une de ses dextres métalliques dans ses cheveux pour finalement se mettre à masser sa nuque endolorie, sans doute avait elle été blessée par une vaine tentative de riposte de la part d'un malfrat quelconque. Hélénaïs pouvait sûrement s'en charger, mais la situation ne s'y prêtait pas.
"J'aurais volontiers rejoint les Officiers Républicains, les Effraies ou les Limiers. Je serais resté du côté de la loi malgré mes réticences à suivre sans broncher de vils corrupteurs. Je n'ai plus ce choix, Hélénaïs, je suis un paria. J'ai obéi aux ordres de deux des plus grandes figures républicaines et je suis tout de même pointé du doigt pour l'assassinat d'une dictatrice en puissance. Tu trouves que ça fait sens ?
Tu aurais voulu intervenir pour Cavanna, mais pour faire quoi ? Si tu avais consulté ses dossiers, que tu y avais décelé son indéniable culpabilité et qu'on t'avait humiliée, voir évincée, pour avoir voulu t'opposer à un jugement si ouvertement mensonger... comment l'aurais tu vécu ? Moi, c'était son impunité que je vivais mal."
Abraham se laissa tomber en arrière, s'allongeant sur ce lit moelleux dans lequel il prenait tant plaisir à se prélasser dés qu'il en avait l'occasion. Il avait appris à éviter d'y faire des trous, depuis; ce qui lui évitait d'avoir à s'excuser pour l'état des draps à chacune de ses venues. Pantoufle vint s'interrompre dans son nettoyage du soir lorsqu'il entendit le tintement des plaques de métal frottant les unes contre les autres mais il y retourna à peine cinq secondes plus tard, imperturbable. Les yeux toujours dirigés vers le plafond, le cerbère enchaîna :
"Zelevas était l'un des commanditaires les plus influents de Palladium. Il a presque tout organisé, du recrutement jusqu'à la supervision des expériences. Je ne sais pas s'il a personnellement contacté Athénaïs de Noirvitrail pour les prothèses, mais cela ne m'étonnerait même pas. C'est également lui qui a financé mon père, qui lui a fourni des locaux, des assistants ainsi qu'une couverture légale. Tout ça, c'était bien sûr de le cadre de la première étape de ma métamorphose..."
Le jeune homme aperçut un poil de chat dans l'une des mèches rebelles de ses propres cheveux et le préleva avec soin pour ensuite le repousser en soufflant dessus. Le naturel de ses explications contrastait si curieusement avec l'essence du propos.
"Mes premières missions se sont soldées par des réussites toutes relatives. Loin de devenir le soldat parfait que j'espérais être, j'ai multiplié les erreurs. Je ressentais encore pleinement la colère, la panique, puis bien sûr cette peur paralysante des femmes dont je t'ai parlé... une fois. C'est après ces déconvenues que j'ai proposé à Zelevas, en demandant d'abord conseil à mon père; de m'ôter encore un peu plus de mon humanité."
L'homme de fer se redressa finalement après s'être étiré puis accorda à nouveau son attention à Hélénaïs qui n'avait pas bougé, au delà d'un timide mouvement de tête.
"Il a refusé, tout d'abord. Pas qu'un peu d'ailleurs, il était même très formellement contre. Je m'en souviens, nous en avions parlé lors d'un petit déjeuner. Il m'a dit que je devais encore être patient, que j'étais trop immature pour prendre de telles décisions. Il a conclu en affirmant que nous avions lui et moi la souffrance en commun et que cette souffrance, justement, forgeait les hommes..."
Le silence fut un peu plus marqué que les fois précédentes. Pensif, Abraham s'interrogeait encore sur le sens des mots de son mentor. Il était toujours aussi bizarrement attristant de se dire qu'il n'aurait plus jamais le loisir de s'imprégner de la sagesse du Lion.
"Après l'assassinat de Goldheart, il a changé d'avis. Il est devenu fort angoissé, paranoïaque à vrai dire. Bien qu'il lui en coûte, il a fini par accepter mon offre. C'est ce jour là que l'ancien Abraham a rendu l'âme, et c'est aussi ce jour là où celui qui se tient devant toi est né..."
Subitement souriant, il se projeta en dehors du matelas pour se relever avec une agilité féline. Qu'il était curieux de montrer si joueur après avoir évoqué sans peine un meurtre de sang-froid. Tout en allégresse, il marcha tranquillement jusqu'à Hélénaïs et posa une main sur la hanche de cette dernière avant de l'embrasser au cou et de glisser :
"Et c'est de lui que tu es tombée amoureuse, si je ne m'abuse. Je n'ai donc aucune raison de regretter mon choix."
Il rit franchement. Placé dans le dos de la jeune politicienne, Abraham l'enserra à nouveau de ses bras et tout en jetant un long coup d'œil à l'horizon, puis il chuchota :
"Mais pourquoi cette question ?"
Hélénaïs le disait empli de tendresse et Abraham, bien qu'il demeure muet, n'y voyait là qu'une demi vérité. La violence revêtait bien des formes et les pressions qu'il exerçait de par sa simple existence sur son amante constituaient déjà un mal, il le savait pertinemment. Elle n'avait pas le privilège de percer à jour ce cœur meurtri, elle était bien loin de savoir que sa première visite provenait non pas d'un romantique appel des cieux mais bel et bien du plus primaire instinct de survie. Elle le qualifiait d'Homme, espérant là le complimenter sur sa gentillesse alors que cette délicatesse dont elle se délectait tant n'avait été initialement que du mimétisme, une parodie de fougue caricaturée si efficacement que le comédien s'était perdu dans son rôle.
Aujourd'hui, les choses étaient peut être différentes. Abraham avait toujours été doué pour les introspections, plutôt sagace lorsqu'il s'agissait de se dénigrer mais aussi de saluer ses propres performances aux occasions qui le méritaient. Il était indiscutable qu'il éprouvait pour la jeune De Casteille de puissants sentiments, mais pouvaient ils seulement être qualifiés de marques amoureuses ? N'était ce pas tout bonnement l'expression de sa tragique condition ? On l'avait conçu pour suivre aveuglément un maître et depuis qu'il en était séparé, il avait sans doute inconsciemment cherché ailleurs la reconnaissance dont il était friand. Comment différencier l'amour de l'obsession gravée dans sa propre chair ?
Les yeux rougeoyants avaient temporairement quitté le dos d'Hélénaïs. Le regard porté sur la mine si satisfaite de Pantoufle, Abraham grattait le cou du chat de son aimée tout en songeant à ce qu'il pouvait bien répondre à de telles déclarations. Leurs moments d'intimité étaient usuellement réservés à la plénitude, ils étaient faits pour contraster avec l'horreur de l'extérieur. Abraham aurait préféré que cette conversation n'ait pas lieu mais, puisqu'il était drogué jusqu'à l'os aux sourires de sa belle, il consentit à continuer sur sa lancée :
"C'est moi qui suis désolé. J'avais promis que je ne serais pas de ceux qui t'infantilisent. Pour autant, tu n'as pas besoin que j'évoque les diableries dont se rendent responsables mes cibles pour me comprendre. Je sais déjà que tu me comprends, je ne devrais pas me sentir obligé de me justifier de la sorte."
Il leva les yeux au plafond, marquant une pause tout en passant ses mains griffues sur le dos d'un Pantoufle dont les ronronnements se faisaient bruyants sans devenir distrayants pour autant.
"... et je sais aussi que je ne suis pas qu'une arme, mon cœur. C'est juste que, tout comme toi; j'ai... besoin de faire quelque chose. Je ne supporte pas de ne pas avoir d'impact, je dois... être présent. Ce que je fais pour la République est gravé dans chaque fibre de mon être, au sens littéral de la chose. Même si je voulais cesser mes activités, que pourrais je faire d'autre ?"
Il exhala, puis quand Pantoufle décréta que les cajoleries avaient assez duré et qu'il décida de bondir pour aller se toiletter dans un autre coin de la pièce, Abraham remit ses coudes sur ses genoux et passa l'une de ses dextres métalliques dans ses cheveux pour finalement se mettre à masser sa nuque endolorie, sans doute avait elle été blessée par une vaine tentative de riposte de la part d'un malfrat quelconque. Hélénaïs pouvait sûrement s'en charger, mais la situation ne s'y prêtait pas.
"J'aurais volontiers rejoint les Officiers Républicains, les Effraies ou les Limiers. Je serais resté du côté de la loi malgré mes réticences à suivre sans broncher de vils corrupteurs. Je n'ai plus ce choix, Hélénaïs, je suis un paria. J'ai obéi aux ordres de deux des plus grandes figures républicaines et je suis tout de même pointé du doigt pour l'assassinat d'une dictatrice en puissance. Tu trouves que ça fait sens ?
Tu aurais voulu intervenir pour Cavanna, mais pour faire quoi ? Si tu avais consulté ses dossiers, que tu y avais décelé son indéniable culpabilité et qu'on t'avait humiliée, voir évincée, pour avoir voulu t'opposer à un jugement si ouvertement mensonger... comment l'aurais tu vécu ? Moi, c'était son impunité que je vivais mal."
Abraham se laissa tomber en arrière, s'allongeant sur ce lit moelleux dans lequel il prenait tant plaisir à se prélasser dés qu'il en avait l'occasion. Il avait appris à éviter d'y faire des trous, depuis; ce qui lui évitait d'avoir à s'excuser pour l'état des draps à chacune de ses venues. Pantoufle vint s'interrompre dans son nettoyage du soir lorsqu'il entendit le tintement des plaques de métal frottant les unes contre les autres mais il y retourna à peine cinq secondes plus tard, imperturbable. Les yeux toujours dirigés vers le plafond, le cerbère enchaîna :
"Zelevas était l'un des commanditaires les plus influents de Palladium. Il a presque tout organisé, du recrutement jusqu'à la supervision des expériences. Je ne sais pas s'il a personnellement contacté Athénaïs de Noirvitrail pour les prothèses, mais cela ne m'étonnerait même pas. C'est également lui qui a financé mon père, qui lui a fourni des locaux, des assistants ainsi qu'une couverture légale. Tout ça, c'était bien sûr de le cadre de la première étape de ma métamorphose..."
Le jeune homme aperçut un poil de chat dans l'une des mèches rebelles de ses propres cheveux et le préleva avec soin pour ensuite le repousser en soufflant dessus. Le naturel de ses explications contrastait si curieusement avec l'essence du propos.
"Mes premières missions se sont soldées par des réussites toutes relatives. Loin de devenir le soldat parfait que j'espérais être, j'ai multiplié les erreurs. Je ressentais encore pleinement la colère, la panique, puis bien sûr cette peur paralysante des femmes dont je t'ai parlé... une fois. C'est après ces déconvenues que j'ai proposé à Zelevas, en demandant d'abord conseil à mon père; de m'ôter encore un peu plus de mon humanité."
L'homme de fer se redressa finalement après s'être étiré puis accorda à nouveau son attention à Hélénaïs qui n'avait pas bougé, au delà d'un timide mouvement de tête.
"Il a refusé, tout d'abord. Pas qu'un peu d'ailleurs, il était même très formellement contre. Je m'en souviens, nous en avions parlé lors d'un petit déjeuner. Il m'a dit que je devais encore être patient, que j'étais trop immature pour prendre de telles décisions. Il a conclu en affirmant que nous avions lui et moi la souffrance en commun et que cette souffrance, justement, forgeait les hommes..."
Le silence fut un peu plus marqué que les fois précédentes. Pensif, Abraham s'interrogeait encore sur le sens des mots de son mentor. Il était toujours aussi bizarrement attristant de se dire qu'il n'aurait plus jamais le loisir de s'imprégner de la sagesse du Lion.
"Après l'assassinat de Goldheart, il a changé d'avis. Il est devenu fort angoissé, paranoïaque à vrai dire. Bien qu'il lui en coûte, il a fini par accepter mon offre. C'est ce jour là que l'ancien Abraham a rendu l'âme, et c'est aussi ce jour là où celui qui se tient devant toi est né..."
Subitement souriant, il se projeta en dehors du matelas pour se relever avec une agilité féline. Qu'il était curieux de montrer si joueur après avoir évoqué sans peine un meurtre de sang-froid. Tout en allégresse, il marcha tranquillement jusqu'à Hélénaïs et posa une main sur la hanche de cette dernière avant de l'embrasser au cou et de glisser :
"Et c'est de lui que tu es tombée amoureuse, si je ne m'abuse. Je n'ai donc aucune raison de regretter mon choix."
Il rit franchement. Placé dans le dos de la jeune politicienne, Abraham l'enserra à nouveau de ses bras et tout en jetant un long coup d'œil à l'horizon, puis il chuchota :
"Mais pourquoi cette question ?"
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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Hélénaïs se taisait, forçait ses émotions à en faire de même, son visage à rester placide comme lors des jeux de dupes qu’impliquait son métier. Mais elle avait mal, si mal de l’entendre parler ainsi et elle avait, de toute façon, toujours été une bien mauvaise menteuse. Son regard en disait long, bien qu’opacifié et bleui par la maladie, il était une fenêtre sur la pléthore d’émotions contradictoires qui se bousculaient dans sa poitrine. Cet amour qu’il avait pour la République et qu’elle partageait était dans son fondement similaire mais pourtant tellement différent dans son expression. Ils voulaient tous deux la paix, ils voulaient tous deux la prospérité. Abraham était prêt à faire couler le sang pour cela alors qu’elle, ne rêvait que de pacifisme, de grands discours et d’espoir. Son monde était infiniment plus lumineux que le sien et c’était lors de ces discussions qu’elle remarquait le fossé qu’il existait entre eux. Hélénaïs craignait ardemment cette crevasse qui tendait, parfois, à les séparer mais que lui semblait parfaitement ignorer. Peut-être même n’en avait-il pas complètement conscience, trop obnubilé par son devoir qu’il l’avait toujours été. D’une certaine façon et quoi qu’elle puisse en dire, Abraham avait été façonné par et pour la République pour devenir Mortifère, Le Premier Né. Et si elle le croyait encore pleinement humain, il ne manquait jamais de lui rappeler qu’elle se trompait et ce n’était ni les grincements de ses articulations, ni son visage bousillé qui faisaient office de rappels.
Malgré les bruits qui lui parvenait ; Pantoufle qui émit d’abord un miaulement lorsqu’il le souleva puis qui finit par aller faire sa toilette plus loin, Abraham qui souffla sur un objet quelconque, elle s’obstina à fixer l’extérieur. Peut-être, à force de s’entêter, distinguerait-elle les réponses à ses questions. Néanmoins, les mots qu'il prononça lui firent relever la tête. "Il avait obéit aux deux des plus grandes instances Républicaines et il était tout de même montré du doigt pour l’assassinat d’une dictatrice en puissance". Le poul d’Hélénaïs s'accéléra brusquement tandis qu’une idée aussi démente que son amour pour lui était en train de germer dans son esprit. Se félicitant d’être de dos, elle put laisser l’esquisse d’un sourire flotter sur ses lèvres. C’était ambitieux, complètement fou mais il y avait de l’espoir. A grand renfort d’invectives silencieuses, la jeune De Casteille se força au calme. Juste à temps pour entendre ce qu’il disait sur Zelevas, un sujet encore suffisamment douloureux pour doucher son brusque engouement.
Parfois, lorsqu’elle n’arrivait pas à trouver le sommeil mais qu’Abraham était lover tout contre elle, le visage calme reposant contre sa poitrine, elle essayait d’imaginer l’homme qu’il avait été. Pas physiquement, c’était bien la dernière chose qui l’intéressait chez lui. Non, c’était son esprit qui l’intriguait. Comment était-il ? D’où lui venait sa peur des femmes ? A l’époque, l’aurait-il dédaigné ? Ou aurait-elle tout de même réussi à passer outre la terreur qu’elles lui inspiraient toutes ? C’était un peu cavalier de s’imaginer qu’elle aurait pu, un jour, être celle qui. Cela arrivait cependant. Il lui arrivait également de se demander si l’autre Abraham, celui qui n’avait pas sacrifier son humanité, aurait continué d’agir comme le faisait celui qui était en train de se glisser dans son dos. Sa seule consolation était de savoir que Zelvas s'était, au moins au début, opposé au sacrifice qu’il avait finalement consenti à le laisser faire. Pour cela, une part d’Hélénaïs le détesterait toujours, même par delà la mort.
Les lèvres sur la peau fine de son cou la firent frissonner et elle tendit machinalement la tête à l’opposé pour lui en laisser l’accès. De même, lorsqu’elle sentit ses contours derrière elle, elle se lova contre son corps pour que ses bras tout entier puissent se refermer autour d’elle. Ainsi, elle se sentait dans un cocon où rien d'autre que lui ne pouvait l’atteindre. Un cocon qu’elle aurait aimé ne jamais avoir à quitté. Hélas, rien n'était jamais aussi simple. Se dégageant de son étreinte, elle se retourna pour lui faire face.
- Je t’aurais aimé avant ou maintenant. Et elle le pensait. - Mais est-ce que tu ne crois pas que Zelevas… Par tous les dieux du Sekaï, cette conversation allait mal finir, elle en était certaine. - Que Zelevas avait raison. Sa main se porta immédiatement sur le torse du jeune homme comme si elle craignait qu’il ne lui échappe soudainement avant qu’elle ne puisse se justifier. - Je veux dire, il était terrifié et toi… Toi tu voulais être meilleur que tu ne l’étais. Ton humanité… C’était un sacrifice gigantesque. Je te l’ai dit lors de notre première rencontre, mon avis sur la question n’a pas changé. Son autre main se joignit à la première et ses doigts agrippèrent le tissu du vêtement qu’il portait. - Je ne regrette pas la personne que tu es. Poursuivit-elle. - Je sais que tu as atteint cet objectif que tu visais, que tu as enterré tes peurs mais est-ce qu’avec lui, tu n’as pas enterré d’autres choses qui avaient de la valeur ? Je ne te dis pas que j’ai raison mais j’aimerais… J’aimerais que tu y réfléchisses. Juste un peu et si ce n’est pas pour toi, alors fais le pour moi. S’il te plait.
Sa mâchoire se contracta. Ses émotions étaient différentes de cette joie qu’elle avait senti en lui lorsqu’il l’avait enlacé et elle se détestait de gâcher ainsi les rares moments heureux qui venaient jalonner la ténébreuse route qu’ils avaient décidé d'emprunter. Peu à peu, ses doigts se détachèrent de ses vêtements, comme si elle venait de réaliser qu’elle s’était tenu à lui.
- Tu ne seras pas éternellement un paria. Promit-elle autant à lui qu’à elle-même. Parce que c’était cela qui lui avait arraché un sourire un peu plus tôt, c’était cette idée complètement barrée mais pas sans espoir. Celle de le faire amnistier. Elle espérait en être capable, réussir à monter un dossier d’une telle envergure sans attirer l’attention sur eux serait une entreprise périlleuse et trouver les protagonistes plus encore. Impossible, lui soufflait sa raison. Mais Hélénaïs refusa de l’écouter, pas tant qu’elle n'aurait pas essayé. Rêveuse disait sa mère, bornée disait son père. Ils avaient tous les deux raison. Il aurait sans doute été plus sage d’en parler à Abraham, pourtant elle lui tue cette idée. Elle n'aurait sut supporter de lire la déception dans sa voix si elle échouait. - J’aurais pu revoir le dossier de Cavanna, si le jugement était faussé il doit bien en avoir des traces quelque part. Des preuves qui disparaissent, des falsifications. J’aurais pu essayer d’obtenir un nouveau jugement. Mais elle n’en était pas sûre et c’était ce manque d’assurance qui faisait qu’Abraham ne prendrait jamais son partie. Parce qu’il n’y avait rien de plus efficace qu’un sourire sous le menton pour s’assurer de punir un criminel. Hélénaïs pouvait au moins lui concéder ça. - J’aurais su m'accommoder des retombées. Je ne suis pas aussi fragile que j’en ai l’air. Dans son esprit tout du moins. Entrelaçant ses doigts aux siens, elle lui sourit avant de laisser son front reposer contre son torse. Un soupir las franchit la barrière de ses lèvres.
- La dernière fois que j’ai vu Zelevas, ce souvenir lui fendait toujours autant le cœur, elle doutait que le temps change jamais ce sentiment de regret qu’elle éprouvait à chaque fois qu’elle y pensait. - Il m’a chassé du manoir et… C’était comme s’il avait peur. Elle fronça les sourcils, cherchant à se remémorer exactement ce qui s’était passé. - Il m’a mise en garde. Contre toi. Et je ne le comprends pas. Encore moins s’il a consenti et même contribué à celui que tu es. Il a refusé que je t’appelle par ton prénom et m’a interdit de t’approcher à nouveau. Vous étiez… une équipe. Ça n'a pas de sens. Un soupir, agacé cette fois, lui échappa. - Mais j’imagine que ce devait être lié à cette paranoïa dont tu parlais. Je regrette de ne pas m’en être rendu compte.
Citoyen de La République
Abraham de Sforza
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
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Rang: C
Les frissons d'Hélénaïs ne manquèrent pas d'être perçus par le fin observateur à leur origine. Clairement trop joueur en vue des tragiques sujets qu'abordaient son amante, Abraham se plaisait tout simplement à caresser les bras de sa douce, à la cajoler tout en apposant sa joue contre ses cheveux immaculés ou même à glisser quelques furtifs bécots dans un cou qui lui avait sciemment été dévoilé. Bien loin de refuser les délicates attention du cerbère, elle ajusta sa posture pour accueillir pleinement l'embrassade. La majeure part de sa gestuelle traduisait une forme d'apaisement mais Abraham relevait toujours, dans certaines inflexions de voix ou dans de nerveux mouvements de doigts, que quelque chose clochait encore lourdement.
Les mots de sa belle âme furent lourds de sens, bien trop pour être dénigrés ou balayés d'un revers de main. Ces interrogations, toutes parfaitement légitimes et dotées d'une profondeur de réflexion évidente, ne pouvaient décemment pas avoir trouvé naissance dans de fugaces pensées. Il était limpide pour Abraham que ces questions avaient brûlé les lèvres de son amie depuis un certain temps et qu'elle trouvait tout juste le courage de les lui poser. C'était simultanément une bonne et une mauvaise nouvelle. Cela prouvait d'une part qu'elle lui faisait davantage confiance qu'auparavant, mais cela impliquait qu'elle allait s'attendre, à l'avenir, à des explications concernant les choix de son compagnon.
Hélénaïs se retourna, empoignant l'habit du renégat tout en l'amenant encore plus proche de lui. Ne pars plus, disait elle avec ses mains même si elle refusait à l'affirmer pleinement via son discours. Lorsqu'elle fit allusion à sa supposée fragilité, Abraham réprima un soupir désobligeant sans trop de peine, puis vint amoureusement caresser la tête de celle qui hantait ses rêves. Lorsqu'elle eut terminé de parler et qu'elle se confondit en excuses, Abraham ramena lentement la joue de son aimée contre son torse puis, après une profonde inspiration suivie par un pesant silence, il reprit aimablement :
"Je l'ai dit et je le pense. Si je t'avais connue auparavant et si nous nous étions aimés en ce temps, je n'aurais jamais songé à une telle transformation. Notre vie aurait été différente, c'est certain..."
Il la serra contre lui, se balançant lentement comme pour la bercer tandis qu'il enchaînait d'un ton étrangement attendri :
"...mais pourquoi s'interroger sur un passé imaginaire alors que nous avons tant à bâtir à deux ?"
Elle lui avait dit qu'il ne serait pas éternellement un paria et s'il la saluait pour la beauté de l'idée, il n'y croyait pas le moins du monde. On en avait fait un traître à la Nation, il ne bénéficiait d'aucun soutien politique au delà de celle qui, malheureusement, se ferait inévitablement taxée d'insouciance voir de bêtise pour avoir osé défendre un monstre tel que lui. Tous ceux auprès desquels il avait éventuellement œuvré un jour le désavouaient, l'injuriaient ou cherchaient à le condamner par tous les moyens. Hélénaïs, toute seule, ne pèserait jamais bien lourd dans la balance juridique. Leur idylle serait brève, probablement écourtée dans la sauvagerie d'un meurtre ou dans une arrestation inattendue signant la fin de sa sombre carrière... Abraham souhaitait en profiter tant qu'il en avait encore l'occasion.
Zelevas entra finalement dans l'équation et quand Hélénaïs lui révéla la source de ses curieuses demandes, Abraham ne se priva pas de laisser un sourire amusé déformer ses lèvres. Il avait entendu de loin les échanges, à l'abri derrière son voile d'invisibilité; et avait capté sans difficulté pourquoi son ancien mentor s'était fâché de la sorte. Il n'en avait, bien évidemment, tiré aucune forme de remord. Souriant, mais pas au point que cela puisse se lire dans son timbre de voix, il répondit enfin :
"Je lui ai demandé pourquoi il me craignait, lors de nos derniers moments avant son interpellation. Il a refusé de me répondre..."
Les câlineries ne cessèrent pas, mais Hélénaïs put peut être distinguer que, dans sa concentration, Abraham s'était mis à caresser le haut de sa tête avec un rythme proche de celui d'un métronome.
"Je crois qu'il... a eu peur de perdre le contrôle. Un être capable de trier ses émotions à la perfection, disposé à se rendre sciemment indifférent pour accomplir ses missions; c'est une évolution trop parfaite pour être entièrement maîtrisable. Je ne suis affecté dans mes décisions ni par la lubricité, ni par l'effroi ou même la rage. Je suis infiniment patient, je ne crains pas la douleur ou la mort. Zelevas était un grand homme, mais un homme néanmoins...
...et en tant que tel, peut être avait il l'humilité nécessaire pour se rendre compte qu'il ne pouvait convenablement manier une arme douée d'un esprit aussi affuté que le mien.
Je pense que, tout comme toi, il s'opposerait à ce que je fais aujourd'hui. Je conçois parfaitement à quel point mes méthodes sont éloignées de la philosophie républicaine, j'aimerais pouvoir agir différemment. Je suis simplement pris au piège, Hélénaïs. Je veux participer à redresser la Nation, hors celle-ci ne veut plus de moi."
Il éloigna un peu la joue d'Hélénaïs de son poitrail, puis passa une paire de griffes sous le menton de celle-ci et l'invita à relever son minois pour l'admirer. Plongé dans ces yeux qui ne le voyaient pas, il ajouta :
"Mais je n'ai pas tout perdu, tu sais ?
Tu as tout à fait raison, l'arme parfaite ne peut tomber amoureuse. Je suis prêt à mourir pour mes convictions, mais j'aimerais tant atteindre mes vieux jours en ta compagnie. Je suis incorruptible, insensible à la cupidité et à la luxure; cependant ton parfum et ton visage hantent chacune des nuits que je passe seul, à l'extérieur des murs de ton domaine. Je suis censé ne rien craindre, pourtant te perdre est la seule et unique chose qui me terrifie en ce bas monde. En ce sens, je n'ai jamais atteint cet idéal dont je rêvais et puisque tu es entrée dans ma vie, je ne ferai pas l'erreur de me soustraire à cette dernière once d'humanité qui me relie encore à toi. Tu donnes du sens à ce qui n'en aurait plus en ton absence."
Il l'embrassa passionnément, puis lorsque leurs lèvres se séparèrent après quelques instants, il conclut tout en passant ses griffes dans les mèches claires qui cernaient son visage :
"Que devrais je faire à présent pour ne plus te voir si triste ? Qu'attends tu vraiment de moi, mon aimée ?"
Les mots de sa belle âme furent lourds de sens, bien trop pour être dénigrés ou balayés d'un revers de main. Ces interrogations, toutes parfaitement légitimes et dotées d'une profondeur de réflexion évidente, ne pouvaient décemment pas avoir trouvé naissance dans de fugaces pensées. Il était limpide pour Abraham que ces questions avaient brûlé les lèvres de son amie depuis un certain temps et qu'elle trouvait tout juste le courage de les lui poser. C'était simultanément une bonne et une mauvaise nouvelle. Cela prouvait d'une part qu'elle lui faisait davantage confiance qu'auparavant, mais cela impliquait qu'elle allait s'attendre, à l'avenir, à des explications concernant les choix de son compagnon.
Hélénaïs se retourna, empoignant l'habit du renégat tout en l'amenant encore plus proche de lui. Ne pars plus, disait elle avec ses mains même si elle refusait à l'affirmer pleinement via son discours. Lorsqu'elle fit allusion à sa supposée fragilité, Abraham réprima un soupir désobligeant sans trop de peine, puis vint amoureusement caresser la tête de celle qui hantait ses rêves. Lorsqu'elle eut terminé de parler et qu'elle se confondit en excuses, Abraham ramena lentement la joue de son aimée contre son torse puis, après une profonde inspiration suivie par un pesant silence, il reprit aimablement :
"Je l'ai dit et je le pense. Si je t'avais connue auparavant et si nous nous étions aimés en ce temps, je n'aurais jamais songé à une telle transformation. Notre vie aurait été différente, c'est certain..."
Il la serra contre lui, se balançant lentement comme pour la bercer tandis qu'il enchaînait d'un ton étrangement attendri :
"...mais pourquoi s'interroger sur un passé imaginaire alors que nous avons tant à bâtir à deux ?"
Elle lui avait dit qu'il ne serait pas éternellement un paria et s'il la saluait pour la beauté de l'idée, il n'y croyait pas le moins du monde. On en avait fait un traître à la Nation, il ne bénéficiait d'aucun soutien politique au delà de celle qui, malheureusement, se ferait inévitablement taxée d'insouciance voir de bêtise pour avoir osé défendre un monstre tel que lui. Tous ceux auprès desquels il avait éventuellement œuvré un jour le désavouaient, l'injuriaient ou cherchaient à le condamner par tous les moyens. Hélénaïs, toute seule, ne pèserait jamais bien lourd dans la balance juridique. Leur idylle serait brève, probablement écourtée dans la sauvagerie d'un meurtre ou dans une arrestation inattendue signant la fin de sa sombre carrière... Abraham souhaitait en profiter tant qu'il en avait encore l'occasion.
Zelevas entra finalement dans l'équation et quand Hélénaïs lui révéla la source de ses curieuses demandes, Abraham ne se priva pas de laisser un sourire amusé déformer ses lèvres. Il avait entendu de loin les échanges, à l'abri derrière son voile d'invisibilité; et avait capté sans difficulté pourquoi son ancien mentor s'était fâché de la sorte. Il n'en avait, bien évidemment, tiré aucune forme de remord. Souriant, mais pas au point que cela puisse se lire dans son timbre de voix, il répondit enfin :
"Je lui ai demandé pourquoi il me craignait, lors de nos derniers moments avant son interpellation. Il a refusé de me répondre..."
Les câlineries ne cessèrent pas, mais Hélénaïs put peut être distinguer que, dans sa concentration, Abraham s'était mis à caresser le haut de sa tête avec un rythme proche de celui d'un métronome.
"Je crois qu'il... a eu peur de perdre le contrôle. Un être capable de trier ses émotions à la perfection, disposé à se rendre sciemment indifférent pour accomplir ses missions; c'est une évolution trop parfaite pour être entièrement maîtrisable. Je ne suis affecté dans mes décisions ni par la lubricité, ni par l'effroi ou même la rage. Je suis infiniment patient, je ne crains pas la douleur ou la mort. Zelevas était un grand homme, mais un homme néanmoins...
...et en tant que tel, peut être avait il l'humilité nécessaire pour se rendre compte qu'il ne pouvait convenablement manier une arme douée d'un esprit aussi affuté que le mien.
Je pense que, tout comme toi, il s'opposerait à ce que je fais aujourd'hui. Je conçois parfaitement à quel point mes méthodes sont éloignées de la philosophie républicaine, j'aimerais pouvoir agir différemment. Je suis simplement pris au piège, Hélénaïs. Je veux participer à redresser la Nation, hors celle-ci ne veut plus de moi."
Il éloigna un peu la joue d'Hélénaïs de son poitrail, puis passa une paire de griffes sous le menton de celle-ci et l'invita à relever son minois pour l'admirer. Plongé dans ces yeux qui ne le voyaient pas, il ajouta :
"Mais je n'ai pas tout perdu, tu sais ?
Tu as tout à fait raison, l'arme parfaite ne peut tomber amoureuse. Je suis prêt à mourir pour mes convictions, mais j'aimerais tant atteindre mes vieux jours en ta compagnie. Je suis incorruptible, insensible à la cupidité et à la luxure; cependant ton parfum et ton visage hantent chacune des nuits que je passe seul, à l'extérieur des murs de ton domaine. Je suis censé ne rien craindre, pourtant te perdre est la seule et unique chose qui me terrifie en ce bas monde. En ce sens, je n'ai jamais atteint cet idéal dont je rêvais et puisque tu es entrée dans ma vie, je ne ferai pas l'erreur de me soustraire à cette dernière once d'humanité qui me relie encore à toi. Tu donnes du sens à ce qui n'en aurait plus en ton absence."
Il l'embrassa passionnément, puis lorsque leurs lèvres se séparèrent après quelques instants, il conclut tout en passant ses griffes dans les mèches claires qui cernaient son visage :
"Que devrais je faire à présent pour ne plus te voir si triste ? Qu'attends tu vraiment de moi, mon aimée ?"
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Hélénaïs de Casteille
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Hélénaïs s’émerveillait toujours de la perfection avec laquelle son corps se lovait contre le sien ; les pièces d’un puzzle pour trop longtemps séparés. Alors lorsqu’il l’attira contre lui dans un roulis de cliquetis mécaniques, elle se laissa aller, humant son parfum et l’odeur caractéristique d’huile dont elle ne savait plus se défaire mais qu’elle arrivait toujours à distinguer, même à travers celle plus âpre du sang. Ses propres bras l’entourèrent au niveau de la taille pour venir le serrer en retour avec la conviction réconfortante que ses mots ne l'avait pas mis en colère. En vérité, elle n’était même pas certaine qu’il en soit capable, il était toujours si calme, si mesuré et si sûr de lui. Comme si rien en ce bas monde ne pouvait ébranler cette grandiose maîtrise et, contre toutes attentes, Hélénaïs découvrit que c’était en partie la vérité. Parfois, elle aurait payé cher pour retourner dans l’esprit d’Abraham. Pour fouiller les méandres qui le constituaient. Pas à la recherche de ses secrets, elle l’aimait bien trop pour oser les violer, mais pour mieux le comprendre. Pour observer, de ses propres “yeux” la façon dont il fonctionnait et pourquoi, parfois, ils avaient tant de mal à se comprendre. Oh oui, c’était quelque chose dont elle mourrait d’envie. Pourtant l’idée la terrifiait tout autant car elle redoutait d’y rencontrer une vérité qu’elle n’était guère prête à concevoir et encore moins à accepter ; que son amour était autrement plus barbare et cruel qu’elle ne pouvait l’imaginer. Qu’il était le monstre qui se tapis dans l’ombre et que les gens comme elle redoutent, dont la grise nuance pouvait, trop souvent, devenir d’un noir d’encre. Elle redoutait d’y voir la vérité mais aussi les mensonges, sur lui, sur elle, sur eux.
- Parce que j’aurais voulu t’épargner ce sacrifice. Souffla-t-elle contre les vêtements d’Abraham qui noyaient complètement ses paroles. Néanmoins, elle devait se rendre à l’évidence : se morfondre éternellement ne ramènerait pas cette part d’humanité qu’il avait laissé lui échapper. Au moins avaient-ils la chance de s’être trouvés et d’avoir, devant eux, une perspective d’avenir. Aussi obscure soit-elle.
La main d’Abraham qui glissa dans contre sa tête lui arracha un nouveau frisson et pendant un instant, elle se rappela toutes ces soirées qu’ils avaient pu dérober à l’insu des dieux et ou de la même manière, il avait niché ses griffes ses cheveux. Parfois pour les empoigner, d’autrefois pour les caresser comme il était en train de le faire. Un imperceptible mouvement de sourcils l’agita cependant lorsqu’elle remarqua le mouvement machinal. Aussi précis que le tic tac d’une horloge. La jeune De Casteille ne se déroba pas et écouta religieusement, peinant à imaginer ce Zelevas complètement apeuré qu’il lui décrivait. A ses yeux et aussi loin que ses souvenirs remontaient, il avait toujours été un homme puissant doté d’un bagou qui, petite, l’avait toujours fasciné. En grandissant cette fascination s’était muée en admiration et plus tard en crainte. Mais jamais il ne lui avait inspiré cet homme craintif et aux abois. Pas même ce jour-là, où il l’avait chassé de chez elle sans savoir que c’était là, la dernière conversation qu’ils auraient jamais. Des fois, elle se demandait si elle aurait pu changer les choses. Une question qui revenait souvent, songea-t-elle tout en repoussant cette pensée. Hélénaïs devrait apprendre qu’hélas, elle n’était pas en mesure de sauver tout le monde, pour l’instant en tout cas.
- Un jour viendra où elle voudra à nouveau de toi, mon amour. Lui dit-elle calmement mais sans hésitation alors qu’il lui faisait redresser la tête dans sa direction.
Hélénaïs avait depuis longtemps cessé de vouloir être aimée, elle s’était fait une raison et avait eu de nombreuses années pour encaisser la chose. Mais l’arrivée d’Abraham avait changé cela. Une nuit à peine avait suffit à démolir ce qu’elle s’était échiné à bâtir durant des années. Pour la première fois de sa vie, elle avait voulu que quelqu’un tombe amoureux d’elle et maintenant que c’était le cas, cela lui paraissait parfaitement incongru. Le plus saugrenue étant sans doute qu’elle trouvait plus inconcevable qu’il ait pu s’éprendre d’elle malgré sa condition, qu’elle de l’aimer malgré la sienne. Plus que tout elle redoutait qu’un beau jour, il retrouve la raison et s’en aille aussi brusquement qu’il était entré dans sa vie. Et puis il y avait ses propres sentiments. Eux qui, pourtant, ne s’étaient jamais affolés pour qui que ce soit, avaient été suppliciés par Abraham. Elle ne l’avait pas aimé tout de suite. D’abord, elle l’avait désiré. Ardemment. Mais c’était le temps, sa présence constante à ses côtés, la douceur de ses attentions malgré la rudesse de sa personne qui avait achevé de lui octroyer toute son affection. Ainsi, elle s’était aventurée sur le chemin périlleux et inconnu de l’amour.
Soupirant contre ses lèvres, la jeune femme répondit au baiser qu’il lui donna avec tendresse et peut-être même un peu plus que cela mais elle le laissa s’échapper lorsqu’il recula.
- Ce n’est pas de la tristesse. Ce n’était pas complètement un mensonge. - Je m’inquiète. Ses mains vinrent entourer son menton puis ses joues et enfin, ses pouces caressèrent ses pommettes passant lentement sur les cicatrices qu’elle commençait à connaître par cœur. - Pour toi. De ton absence de peur, de ta capacité à étouffer ce qui garde les Hommes en vie. Si tu ne crains pas la mort, alors tu ne la fuis pas. Je ne suis rien de plus qu’une politicienne, Abraham. Ma vie n’est guère plus en danger que celles de mes paires. C’est pour la tienne que tu devrais t’inquiéter. Je sais -je suppose- que tu es fort. Probablement au-delà de ce que j’imagine, mais c’est quand même de ta vie que j’aimerais que tu te soucis. Parce que moi, je m’en soucis. Une demande qui, ainsi formulée, lui parut horriblement égoïste. - Je ne veux pas te perdre. Je ne peux pas te perdre. Ses lèvres se pincèrent mais ses caresses ne cessèrent pas un seul instant. - Tu es la dernière personne qu’il me reste Abraham. Zelevas était comme un père pour moi et désormais il n’est rien de plus qu’un souvenir. Je refuse qu’il t’arrive la même chose. Ou pire, mais elle n’avait pas besoin de le formuler.
Lentement, elle libéra son visage et recula d’un pas, heurtant silencieusement la fenêtre derrière elle. Son visage était empourpré jusqu’aux oreilles mais son port était digne.
- Je t’aime. Je t’aime vraiment et… Je ne suis pas sûre de savoir exactement comment gérer ça. C’est bien la première fois. Elle eut un rire nerveux. Dieu qu’elle était gauche. - Je ne sais pas pourquoi Zelevas tenait tant à ce que je me tienne loin de toi et je m’en veux de ne pas respecter ses dernières volontés. Mais ce que je sais en revanche c’est que je suis effrayée par l’idée de vivre dans un monde dont tu ne fais plus partie. Alors s’il te plait, ne me laisse pas.
Et avant que l’un d’eux n’ait pu ajouter quoi que ce soit, un coup sec retentit à la porte qui s’ouvrit à la volée sur une Emérée dont le calme de façade ne trompait personne.
- Ma dame, commença-t-elle en fixant la maîtresse de maison, - Quelqu’un demande à vous voir.
- Quelqu’un ? Hélénaïs activa son senseur et fronça les sourcils lorsqu’elle découvrit une signature qui lui était parfaitement inconnue. Sa mâchoire se contracta légèrement avant qu’elle ne se fende de l’un de ces sourires menteurs qu’elle utilisait lorsque quelque chose l’alarmait mais qu’elle ne voulait rien en laisser paraître. - Je n’en aurais pas pour longtemps. Se hissant sur la pointe des pieds, elle embrassa amoureusement la joue de son amant avant de le contourner et quitta la pièce.
Emérée, qui s’était avancée dans la pièce presque jusqu’à eux, ne suivit pas immédiatement le mouvement. Son regard s’était mué en acier et essayait, tant bien que mal, de transpercer la carapace d’Abraham.
- Vous êtes un problème. Siffla la jeune femme. - Et vous l’entraînerez dans votre chute. Prétendez bien ce que vous voulez mais pas qu’il s’agit d’amour. Finit-elle par lui cracher tout en tournant les talons, un peu trop vite pour paraître assurée. D’un pas rapide, elle longea le corridor puis bifurqua à une intersection pour rejoindre Hélénaïs qui l’attendait en haut des escaliers.
- Qui est donc notre ami ?
- Un Officier Républicain, je crois.
Hélénaïs soupira et se demanda, non sans ironie, si la République avait l’intention de faire défiler tout l’Office dans son salon. Depuis la condamnation de Zelevas et la fuite d’Abraham, ils avaient été nombreux à se présenter pour la questionner. Néanmoins, une visite aussi tardive avait de quoi intriguée.
- Alors tout ira bien. Tu l’as installé dans le salon habituel ?
Emérée acquiesça et, ensemble, elles descendirent à l’étage. La jeune femme n’abandonna sa maitresse que lorsqu’elle dû entrer dans le salon puis referma les portes derrière. La pièce était silencieuse et l’on entendait qu’un feu crépiter à intervalles irréguliers dans la cheminée. Pendant un instant, Hélénaïs se crut seule. Jusqu’à ce qu’un bruissement n’attire son attention. Une présentation des plus étranges.
- Bonjour, lança-t-elle tandis que son visage affichait ce sourire patient et énigmatique qu’elle portait comme un masque. - L’Office avait d’autres questions à me poser ? Je pensais en avoir terminé la dernière fois déjà. Un rire, léger et qui se voulait naturel, franchit la barrière de ses lèvres.
Le silence sembla s’étirer. Puis une voix d’outre-tombe lui répondit :
- Ce n’est pas l’Office qui m'envoie. C’est le Razkaal.
L’estomac d’Hélénaïs lui tomba dans les talons.
- Parce que j’aurais voulu t’épargner ce sacrifice. Souffla-t-elle contre les vêtements d’Abraham qui noyaient complètement ses paroles. Néanmoins, elle devait se rendre à l’évidence : se morfondre éternellement ne ramènerait pas cette part d’humanité qu’il avait laissé lui échapper. Au moins avaient-ils la chance de s’être trouvés et d’avoir, devant eux, une perspective d’avenir. Aussi obscure soit-elle.
La main d’Abraham qui glissa dans contre sa tête lui arracha un nouveau frisson et pendant un instant, elle se rappela toutes ces soirées qu’ils avaient pu dérober à l’insu des dieux et ou de la même manière, il avait niché ses griffes ses cheveux. Parfois pour les empoigner, d’autrefois pour les caresser comme il était en train de le faire. Un imperceptible mouvement de sourcils l’agita cependant lorsqu’elle remarqua le mouvement machinal. Aussi précis que le tic tac d’une horloge. La jeune De Casteille ne se déroba pas et écouta religieusement, peinant à imaginer ce Zelevas complètement apeuré qu’il lui décrivait. A ses yeux et aussi loin que ses souvenirs remontaient, il avait toujours été un homme puissant doté d’un bagou qui, petite, l’avait toujours fasciné. En grandissant cette fascination s’était muée en admiration et plus tard en crainte. Mais jamais il ne lui avait inspiré cet homme craintif et aux abois. Pas même ce jour-là, où il l’avait chassé de chez elle sans savoir que c’était là, la dernière conversation qu’ils auraient jamais. Des fois, elle se demandait si elle aurait pu changer les choses. Une question qui revenait souvent, songea-t-elle tout en repoussant cette pensée. Hélénaïs devrait apprendre qu’hélas, elle n’était pas en mesure de sauver tout le monde, pour l’instant en tout cas.
- Un jour viendra où elle voudra à nouveau de toi, mon amour. Lui dit-elle calmement mais sans hésitation alors qu’il lui faisait redresser la tête dans sa direction.
Hélénaïs avait depuis longtemps cessé de vouloir être aimée, elle s’était fait une raison et avait eu de nombreuses années pour encaisser la chose. Mais l’arrivée d’Abraham avait changé cela. Une nuit à peine avait suffit à démolir ce qu’elle s’était échiné à bâtir durant des années. Pour la première fois de sa vie, elle avait voulu que quelqu’un tombe amoureux d’elle et maintenant que c’était le cas, cela lui paraissait parfaitement incongru. Le plus saugrenue étant sans doute qu’elle trouvait plus inconcevable qu’il ait pu s’éprendre d’elle malgré sa condition, qu’elle de l’aimer malgré la sienne. Plus que tout elle redoutait qu’un beau jour, il retrouve la raison et s’en aille aussi brusquement qu’il était entré dans sa vie. Et puis il y avait ses propres sentiments. Eux qui, pourtant, ne s’étaient jamais affolés pour qui que ce soit, avaient été suppliciés par Abraham. Elle ne l’avait pas aimé tout de suite. D’abord, elle l’avait désiré. Ardemment. Mais c’était le temps, sa présence constante à ses côtés, la douceur de ses attentions malgré la rudesse de sa personne qui avait achevé de lui octroyer toute son affection. Ainsi, elle s’était aventurée sur le chemin périlleux et inconnu de l’amour.
Soupirant contre ses lèvres, la jeune femme répondit au baiser qu’il lui donna avec tendresse et peut-être même un peu plus que cela mais elle le laissa s’échapper lorsqu’il recula.
- Ce n’est pas de la tristesse. Ce n’était pas complètement un mensonge. - Je m’inquiète. Ses mains vinrent entourer son menton puis ses joues et enfin, ses pouces caressèrent ses pommettes passant lentement sur les cicatrices qu’elle commençait à connaître par cœur. - Pour toi. De ton absence de peur, de ta capacité à étouffer ce qui garde les Hommes en vie. Si tu ne crains pas la mort, alors tu ne la fuis pas. Je ne suis rien de plus qu’une politicienne, Abraham. Ma vie n’est guère plus en danger que celles de mes paires. C’est pour la tienne que tu devrais t’inquiéter. Je sais -je suppose- que tu es fort. Probablement au-delà de ce que j’imagine, mais c’est quand même de ta vie que j’aimerais que tu te soucis. Parce que moi, je m’en soucis. Une demande qui, ainsi formulée, lui parut horriblement égoïste. - Je ne veux pas te perdre. Je ne peux pas te perdre. Ses lèvres se pincèrent mais ses caresses ne cessèrent pas un seul instant. - Tu es la dernière personne qu’il me reste Abraham. Zelevas était comme un père pour moi et désormais il n’est rien de plus qu’un souvenir. Je refuse qu’il t’arrive la même chose. Ou pire, mais elle n’avait pas besoin de le formuler.
Lentement, elle libéra son visage et recula d’un pas, heurtant silencieusement la fenêtre derrière elle. Son visage était empourpré jusqu’aux oreilles mais son port était digne.
- Je t’aime. Je t’aime vraiment et… Je ne suis pas sûre de savoir exactement comment gérer ça. C’est bien la première fois. Elle eut un rire nerveux. Dieu qu’elle était gauche. - Je ne sais pas pourquoi Zelevas tenait tant à ce que je me tienne loin de toi et je m’en veux de ne pas respecter ses dernières volontés. Mais ce que je sais en revanche c’est que je suis effrayée par l’idée de vivre dans un monde dont tu ne fais plus partie. Alors s’il te plait, ne me laisse pas.
Et avant que l’un d’eux n’ait pu ajouter quoi que ce soit, un coup sec retentit à la porte qui s’ouvrit à la volée sur une Emérée dont le calme de façade ne trompait personne.
- Ma dame, commença-t-elle en fixant la maîtresse de maison, - Quelqu’un demande à vous voir.
- Quelqu’un ? Hélénaïs activa son senseur et fronça les sourcils lorsqu’elle découvrit une signature qui lui était parfaitement inconnue. Sa mâchoire se contracta légèrement avant qu’elle ne se fende de l’un de ces sourires menteurs qu’elle utilisait lorsque quelque chose l’alarmait mais qu’elle ne voulait rien en laisser paraître. - Je n’en aurais pas pour longtemps. Se hissant sur la pointe des pieds, elle embrassa amoureusement la joue de son amant avant de le contourner et quitta la pièce.
Emérée, qui s’était avancée dans la pièce presque jusqu’à eux, ne suivit pas immédiatement le mouvement. Son regard s’était mué en acier et essayait, tant bien que mal, de transpercer la carapace d’Abraham.
- Vous êtes un problème. Siffla la jeune femme. - Et vous l’entraînerez dans votre chute. Prétendez bien ce que vous voulez mais pas qu’il s’agit d’amour. Finit-elle par lui cracher tout en tournant les talons, un peu trop vite pour paraître assurée. D’un pas rapide, elle longea le corridor puis bifurqua à une intersection pour rejoindre Hélénaïs qui l’attendait en haut des escaliers.
- Qui est donc notre ami ?
- Un Officier Républicain, je crois.
Hélénaïs soupira et se demanda, non sans ironie, si la République avait l’intention de faire défiler tout l’Office dans son salon. Depuis la condamnation de Zelevas et la fuite d’Abraham, ils avaient été nombreux à se présenter pour la questionner. Néanmoins, une visite aussi tardive avait de quoi intriguée.
- Alors tout ira bien. Tu l’as installé dans le salon habituel ?
Emérée acquiesça et, ensemble, elles descendirent à l’étage. La jeune femme n’abandonna sa maitresse que lorsqu’elle dû entrer dans le salon puis referma les portes derrière. La pièce était silencieuse et l’on entendait qu’un feu crépiter à intervalles irréguliers dans la cheminée. Pendant un instant, Hélénaïs se crut seule. Jusqu’à ce qu’un bruissement n’attire son attention. Une présentation des plus étranges.
- Bonjour, lança-t-elle tandis que son visage affichait ce sourire patient et énigmatique qu’elle portait comme un masque. - L’Office avait d’autres questions à me poser ? Je pensais en avoir terminé la dernière fois déjà. Un rire, léger et qui se voulait naturel, franchit la barrière de ses lèvres.
Le silence sembla s’étirer. Puis une voix d’outre-tombe lui répondit :
- Ce n’est pas l’Office qui m'envoie. C’est le Razkaal.
L’estomac d’Hélénaïs lui tomba dans les talons.
Citoyen de La République
Abraham de Sforza
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: C
Les mots d'Hélénaïs avaient pour Abraham une valeur qu'il ne prêtait que si rarement aux propos tenus par les mortels. Une agréable montée de chaleur le prit au poitrail puis vint s'immiscer jusque dans sa nuque lorsqu'à l'issue de leur baiser, elle lui confia que ce qu'ils partageaient dépassait de loin ce qu'elle avait vécu jusqu'à présent. Bien qu'il fut doté d'une assurance dont seuls les êtres aussi extraordinaires que lui pouvaient être pourvus, le monstre de métal entrevoyait à peine que malgré les innombrables embuches semées sur sa route, il avait finalement réussi à obtenir ce trésor auquel il avait prétendu depuis son plus jeune âge. Qu'il aurait aimé, en réalité; pouvoir éprouver un amour aussi inconditionnel et sain que celui qu'elle ressentait à son égard.
Abraham ouvrit doucement la bouche pour répondre à la tragique déclaration de son amante, seulement pour être abruptement interrompu par l'ouverture presque brutale de la porte. Tenant toujours Hélénaïs entre ses griffes, il accorda à l'intruse un regard glacial puis sentit dans la légère contraction musculaire de sa moitié qu'elle venait instinctivement de faire usage de son senseur afin d'identifier l'arrivant auquel venait de faire allusion Emérée. Surpris par une si tardive visite de la part des forces de l'ordre, Abraham cessa aussitôt de sourire et traita cette inconvenante arrivée avec tout le sérieux dont il pouvait faire preuve. Ce fut donc plutôt sobrement qu'il laissa la maîtresse des lieux poser un bref baiser sur sa joue, la tension s'était frayé un chemin dans l'un de leurs rares instants de plénitude.
Ajoutant l'insulte à l'injure, la servante du domaine ne se priva pas de l'occasion pour saisir une énième opportunité de s'en prendre à celui qu'elle considérait comme un véritable parasite. Abraham, ne lui faisant que l'offrande de se montrer dédaigneux et irrespectueux, afficha un sourire presque aussi mesquin qu'arrogant avant de rétorquer en toute goguenardise :
"Je ne suis pas n'importe quel problème, je suis son problème."
Lorsqu'elle tourna les talons après sa marque de défiance, Abraham n'attendit pas qu'elle s'éclipse entièrement pour lui emboîter le pas. Un furtif crépitement électrique se fit entendre lorsque son sort d'invisibilité fut déclenché et alors qu'il s'éclipsait pour ne devenir qu'un mirage, il glissa quelques mots nimbés de pur venin :
"Les vôtres sont la lessive, les courses et la vaisselle. Tâchez de vous en souvenir."
Ce fut à l'intersection suivante que la chimère indécelable se sépara d'Emérée, redevenant ainsi cet effroyable fantôme que craignait l'ensemble des membres du personnel. Elle entendit bien qu'il déverrouillait une fenêtre dans un couloir adjacent mais n'y accorda qu'une bien maigre attention car, après tout, elle préférait savoir le monstre de la maisonnée dehors plutôt que dedans.
_
- Grisaille:
Dans un grincement de cuir froissé, Nestor dit la Grisaille s'écarta du mur contre lequel il s'était appuyé jusqu'à être enfin gratifié de la présence de celle qu'il était venu rencontrer. Blanche comme la lune mais pas vilaine pour un sou, elle avait tout de la noble donzelle modèle dont on lui avait vanté les mérites. Loin d'être malpropre, Nestor devait quant à lui au moins admettre qu'il n'avait pas la prestance d'une dame de la haute en temps normal et qu'en période d'enquête, il se négligeait d'autant plus.
Il était un homme dur, un solide gaillard âgé bientôt d'une quarantaine d'années, noir de peau et rugueux comme une lime à métaux. Son surnom, Grisaille, il le devait à son goût prononcé pour les longs manteaux gris qu'il portait en toutes occasions ainsi qu'à la fâcheuse tendance qu'il avait à plomber l'ambiance de par son invariable sérieux. Plutôt discret, il avait une certaine élégance en dépit des diverses écorchures recouvrant les bordures de ses manches.
Si Hélénaïs n'était point atteinte d'une cécité si intégrale, elle aurait pu remarquer qu'un élément était particulièrement notable chez l'individu, car son visage déjà bien endurci par des traits bourrus et hachés au couteau perdait toute éventuelle douceur restante du fait des deux yeux de serpent jaunâtres qui semblaient scruter les âmes de ceux sur lesquels ils se posaient. L'étranger, après avoir signifié son appartenance aux forces du Razkaal, se mit à arpenter le salon comme si celui-ci lui appartenait, ce avec une lenteur théâtrale que l'on aurait curieusement pu qualifier de provocatrice.
"Nestor Vilarquebuse. Enchanté, Madame de Casteille."
Il se fendit d'un sourire peu affable et dévoila à une lointaine Emérée des quenottes brillantes, certaines ayant été remplacées par des pièces dorées. La servante se contenta d'offrir une risette faussement serviable avant de disposer et lorsque les portes se refermèrent, un timide son d'impact issu du jardin attira maigrement l'attention de Grisaille, le poussant au silence jusqu'à ce qu'il décide finalement de s'en détourner et de tirer d'une poche intérieure de son veston un calepin devenu noir d'inscriptions.
"En premier lieu, soyez assurée que je suis platement navré de vous contraindre à une si tardive entrevue. Les ordres sont les ordres et mes employeurs ne s'encombrent que très rarement de la plus élémentaire des politesses. C'est malheureux, mais c'est ainsi."
Il n'obtint qu'un sourire entendu de la part de la demoiselle et si elle tenta vainement de répondre, il n'en eut cure car son discours reprit presque aussitôt qu'il s'était interrompu. S'armant d'un fusain dont ses doigts étaient d'ailleurs déjà bien recouverts, il passa en revue certaines pages de ses notes d'enquêteur puis relança d'un ton partiellement enthousiaste :
"En conséquence, je ne vais pas passer par quatre chemins. L'enquête concernant Abraham de Sforza, alias Mortifère; piétine plus que nous le voudrions. La bête est en liberté et malgré nos efforts, celle-ci se dissimule avec une surprenante efficacité en dépit de l'aspect pour le moins... atypique, de son apparence."
Sans lever ses yeux d'ambre de ses documents, Grisaille ajouta avec une froideur hors norme :
"Si vous voulez savoir comment se porte le fameux Zelevas, je vous devance. Il va mal, très mal même. Nos geôles n'ont rien de clémentes, même pour les monstres les plus diaboliques du Sekaï. Vous vous doutez donc bien qu'un vieillard, aussi bravache soit-il, n'a pas les épaules pour endurer tel châtiment. Son sort est rude, je le conçois; mais sachez qu'il est plus dur encore de se faire triturer l'esprit par magie du soir au matin."
Le regard reptilien de Nestor passa prestement du carnet au visage d'Hélénaïs. Il se mit à griffonner, brisant le silence mortuaire du salon l'espace de quelques instants, puis rabaissa les yeux et continua :
"Vous aurez certainement du mal à me croire, mais j'en suis désolé; madame."
Cessant momentanément de massacrer ses papiers, il passa les documents sous son bras et circula encore un peu dans la pièce, rôdant tel un dragon autour de celle qu'il semblait avoir élue comme proie. Rien ne reliait Abraham et Hélénaïs, alors pourquoi tant d'empressement et de cœur à l'ouvrage ?
"Pas pour Zelevas, bien sûr. Pour vous. A force d'étudier les souvenirs récents ainsi que la psyché du détenu, nous avons établi la portée du lien qui vous unissait. Cet homme tient à vous, c'est indéniable; je pense d'ailleurs que c'est tout à fait sincère dans votre cas. Je suis donc profondément confus d'avoir à vous informer de la tristesse de sa condition car j'ai cru comprendre que l'affection quasi familiale qu'il vous portait était réciproque. Il était un peu... comme un oncle pour vous; n'est-ce pas ?"
Les pas de Grisaille se firent plus bruyants aux oreilles d'Hélénaïs à mesure qu'il s'approchait d'elle tout en jaugeant ses expressions et ses tics nerveux avec la même minutie qu'employait Abraham lorsqu'il la dévorait du regard.
"Il tenait tant à vous d'ailleurs, qu'il vous a lourdement sermonné concernant notre fameux Abraham. Zelevas paraissait craindre son propre chien de garde depuis la dernière opération qu'il lui avait fait subir. Curieux, vous ne trouvez pas ? Plus précisément, il semblait être terrifié à l'idée que cet Abraham puisse vous nuire d'une façon ou d'une autre."
Hélénaïs l'entendit à nouveau triturer ses documents, marquant sur des parchemins de douteuses références alors qu'il l'observait :
"Et il y a de quoi. Depuis la disparition de Mortifère, nous lui attribuons au moins quinze morts ainsi que trois blessés, dont deux officiers républicains."
Le fusain s'arrêta, marquant une pause emplie de pure tension; puis la conclusion vint en un souffle :
"Et vous êtes la dernière personne avec laquelle Mortifère aurait discuté avant l'arrestation du Sénateur. Pouvez-vous me faire le récit de cet échange, très chère ?"
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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Hélénaïs n’appréciait pas du tout cette façon qu’avait Nestor Vilarquebuse d’arpenter son salon comme s’il était le sien. A vrai dire, elle n’aimait pas qu’il soit là tout court. Avoir vu défiler pléthore d'Officiers Républicain était une chose mais avoir un limier dans son salon n’était jamais de bon augure, même lorsqu’on était innocent. Ce qui était loin d’être son cas. L’atmosphère dans la pièce était lourde, presque palpable et elle avait l’impression qu'une couverture de plomb lui était tombée sur les épaules dès que les portes s’étaient fermées derrière elle. Le pire dans tout ça étant probablement qu’elle était incapable de jauger l’homme qui lui faisait face comme elle le sentait le faire. Elle se contenta donc de rester un moment immobile pour lui en laisser tout le loisir comme si elle n’avait rien à cacher. Puis lorsqu’elle estima que le temps offert était suffisant, elle rejoignit d’un pas qu’elle espérait assuré le canapé qui l’accueillit avant que ses jambes ne flageolent trop violemment. Son dos droit était irréprochable, digne de la sénatrice qu’elle était et de la réputation qu’on lui attribuait. Néanmoins, la ligne de ses épaules était crispée, beaucoup trop. Mais ce n’était guère étonnant dans cette situation et elle misa sur cette réflexion pour espérer passer inaperçu.
Nestor était bien plus bavard qu’Hélénaïs ne l’aurait présagée et pendant un instant, elle crut que cela allait adoucir l’angoisse de sa présence en ses lieux. Son avis changea cependant lorsqu’il évoqua Zelevas, même son sourire patient fut terrassé au profit d’une mine déconfite et d’un désespoir aussi profond que le néant et qui n’avait rien de feint. C’était donc cela qu'ils faisaient au Razkaal ? Triturer l’esprit de d’Elusie jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus d’autre choix que la mort ou la folie. Les deux étant toujours préférable à la raison. Mais cela la mettait en colère, de les imaginer prendre plaisir à le torturer lui qui, parmi tous les prisonniers avait probablement commis le crime le moins sordide. “Il s’agit tout de même du meurtre de la présidente, ta présidente.” Lui souffla sa conscience, la forçant à cligner des yeux à plusieurs reprises.
Son air se renfrogna lorsqu’il évoqua ses liens avec le sénateur. Un oncle avait-il dit. Hélénaïs ne savait pas si c’était vrai. Un oncle, un mentor, un ami ? Il avait été toutes ces choses à la fois. Elle était jeune lorsque son père avait rendu l’âme et si elle avait appris dès sa plus tendre enfance à gérer le domaine, c’était lui qui avait fait office de renfort. Lui qui avait soutenu sa mère avec tant d’abnégation, lui avait toujours répondu aux lettres qu’elle lui avait adressé lorsqu’elle se retrouvait face à une situation qui lui échappait. Plus tard, c’était encore lui avait encouragé sa carrière politique et lui avait permis de récupérer un siège qui, jamais, ne lui était revenu de droit. Quoi qu’elle puisse en dire, la jeune De Casteille devait beaucoup à Zelevas. “Oncle” était trop peu fort pour nommer l’affection qu’elle lui portait.
Mais bientôt chagrin et affliction laissèrent place à un sentiment bien plus insidieux et qu’elle ne connaissait que trop bien ces dernières semaines ; la peur. Tandis qu’il parlait et qu’elle l’écoutait, Vilarquebuse n’avait eu de cesse de marcher tantôt d’un rythme calme, tantôt plus rapidement. Désormais, elle le sentait se rapprocher comme un chat qui tournerait autour d’une souris. Hélénaïs ne lui fit pas l’aumône d’avoir l’air inquiète. Son regard brumeux restait inlassablement rivés vers l’âtre noircis de la cheminée. Et elle laissait les paroles couler sur elle comme un torrent, s’armant de tout son sang froid pour ne pas ciller, ni hausser les sourcils. “Tout va bien” s’admonesta-t-elle alors qu’il se trouvait plus proche de la vérité qu’aucun autre officier ne l’avait jamais été. Pourtant, à l’annonce du nombre de morts, elle tressaillit. Un rien, pas grand chose, mais elle fut certaine qu’il l’avait capté car il se remit à griffonner dans son maudit carnet.
“Des officiers républicains ?” Ne put-elle s’empêcher de demander à l’esprit d’Abraham, sachant pertinemment qu’elle ne recevrait aucune réponse.
Hélénaïs avait du mal à respirer. Son corset lui donnait l’impression de lui saigner les côtés et ses jupes d’être sur le point de l’étouffer. Pendant quelques secondes, elle dû lutter pour ne pas s’enfuir de la pièce en courant à toutes jambes. C’eut été une idée catastrophique mais ô combien réconfortante ; celle de ne plus se trouvait dans la même pièce que cet homme. Toutefois, elle savait qu’une telle chose les condamnerait tous sans exception. Alors, après que le silence ce soit étiré jusqu’à en devenir gênant, elle prit une grande inspiration.
- N’allez pas croire que l’amour filial qui m’unissait au sénateur d’Elusie m’ait valu d’être dans ses confidences. Je dirais même que nous étions quelque peu en froid dernièrement. Sa voix était assurée, loin de ce qu’elle ressentait réellement. Mais c’était là son métier ; parler. - J’imagine que vos hommes ont aussi dû découvrir cela. Malgré toute l’affection que je lui portais, je me suis opposée à lui lors de l’assemblée de l’été dernier. Nos liens en ont quelques peu… pâtis. La vérité était légèrement différente : Hélénaïs avait craint un courroux qui n’était jamais venu, une épée de Damoclès qui n’avait finalement jamais pendue au-dessus de sa tête. Elle s’était sentie sotte à l’époque, plus encore aujourd’hui. Mais si ce souvenir pouvait lui permettre de se disculper alors qu’il en soit ainsi. - Tout comme vous avez pu constater que je n’avais jamais rencontré… Ses lèvres pincèrent, elle déglutit péniblement et enfin prononça ce nom qu’elle exécrait : - ...Mortifère avant la toute fin et encore, c’était un hasard.
Un véritable hasard qui plus est. Zelevas ne lui avait jamais parlé de son homme de main où peut-être l’avait-il mentionné sans qu’elle n’y fasse attention.
- Vous courrez après des chimères, monsieur. Ajouta-t-elle d’une voix posée. - Et je crains que la conversation que vous avons eu ce jour-là ne soit un brin ennuyeuse. Comme le silence s’étirait, elle supposa qu’elle devait continuer. - La bataille de Liberty m’avait quelque peu… chamboulée et j’ai voulu trouver des réponses auprès de quelqu’un qui me connaissait suffisamment pour me montrer le chemin à suivre. Alors j’ai rendu visite au sénateur. C’est Mortifère, elle buta à nouveau sur son nom, - qui était présent et m'a accueillit. Naturellement, nous en sommes venu à nous faire la conversion et, bien que mauvaise menteuse, Hélénaïs savait une chose : il n’y avait pas de meilleur mensonge que celui qui dit la vérité, - nous en sommes venu à parler de lui. De l’homme qu’il était, de l’homme qu’il est et de l’homme qu’il aimerait être. Il a également eut l’obligeance de m’expliquer -assez simplement- comment était constituée sa personne étant donné que je ne pouvais le voir par moi-même. Machinalement, elle frotta l’index qu’elle avait entaillé ce jour-là contre son pouce. - Le sujet à ensuite dérivé sur ma propre maladie et nous en sommes resté là. Rien de plus.
Durant toute sa fable, elle avait cessé de respirer. Maintenant qu’elle s’était débarrassée de son mensonge, elle se sentait un peu plus légère. Quittant son assise et s’aidant de son senseur pour s’éloigner autant que possible de l’intru, elle s'approcha d’une bibliothèque murale où elle laissa courir ses doigts.
- D’après ce que j’ai compris, Mortifère a été conçu pour protéger la République et ses citoyens. Il ne s’en prendrait pas à moi. Pas tant que je ne menace pas l’équilibre du pays. Hélénaïs savait qu’elle aurait mieux fait de se taire mais c’était plus fort qu’elle. - Cela aussi, vous avez dû le voir dans l’esprit du sénateur. Sa main s’arrêta sur un livre en braille dont elle dévala la tranche d’un air distrait. - Est-ce qu’il méritait véritablement de finir au Razkaal ? Demanda-t-elle en sachant pertinemment que l’homme qui lui faisait face n’aurait probablement pas une once d’empathie. - C’était l’un des vôtres autrefois, aujourd’hui vous le détenez avec les plus fous et les plus sanguinaires de nos ennemis. Ce n’est pas juste. Sa voix n’était plus qu’un murmure.
Nestor était bien plus bavard qu’Hélénaïs ne l’aurait présagée et pendant un instant, elle crut que cela allait adoucir l’angoisse de sa présence en ses lieux. Son avis changea cependant lorsqu’il évoqua Zelevas, même son sourire patient fut terrassé au profit d’une mine déconfite et d’un désespoir aussi profond que le néant et qui n’avait rien de feint. C’était donc cela qu'ils faisaient au Razkaal ? Triturer l’esprit de d’Elusie jusqu’à ce qu’il ne lui reste plus d’autre choix que la mort ou la folie. Les deux étant toujours préférable à la raison. Mais cela la mettait en colère, de les imaginer prendre plaisir à le torturer lui qui, parmi tous les prisonniers avait probablement commis le crime le moins sordide. “Il s’agit tout de même du meurtre de la présidente, ta présidente.” Lui souffla sa conscience, la forçant à cligner des yeux à plusieurs reprises.
Son air se renfrogna lorsqu’il évoqua ses liens avec le sénateur. Un oncle avait-il dit. Hélénaïs ne savait pas si c’était vrai. Un oncle, un mentor, un ami ? Il avait été toutes ces choses à la fois. Elle était jeune lorsque son père avait rendu l’âme et si elle avait appris dès sa plus tendre enfance à gérer le domaine, c’était lui qui avait fait office de renfort. Lui qui avait soutenu sa mère avec tant d’abnégation, lui avait toujours répondu aux lettres qu’elle lui avait adressé lorsqu’elle se retrouvait face à une situation qui lui échappait. Plus tard, c’était encore lui avait encouragé sa carrière politique et lui avait permis de récupérer un siège qui, jamais, ne lui était revenu de droit. Quoi qu’elle puisse en dire, la jeune De Casteille devait beaucoup à Zelevas. “Oncle” était trop peu fort pour nommer l’affection qu’elle lui portait.
Mais bientôt chagrin et affliction laissèrent place à un sentiment bien plus insidieux et qu’elle ne connaissait que trop bien ces dernières semaines ; la peur. Tandis qu’il parlait et qu’elle l’écoutait, Vilarquebuse n’avait eu de cesse de marcher tantôt d’un rythme calme, tantôt plus rapidement. Désormais, elle le sentait se rapprocher comme un chat qui tournerait autour d’une souris. Hélénaïs ne lui fit pas l’aumône d’avoir l’air inquiète. Son regard brumeux restait inlassablement rivés vers l’âtre noircis de la cheminée. Et elle laissait les paroles couler sur elle comme un torrent, s’armant de tout son sang froid pour ne pas ciller, ni hausser les sourcils. “Tout va bien” s’admonesta-t-elle alors qu’il se trouvait plus proche de la vérité qu’aucun autre officier ne l’avait jamais été. Pourtant, à l’annonce du nombre de morts, elle tressaillit. Un rien, pas grand chose, mais elle fut certaine qu’il l’avait capté car il se remit à griffonner dans son maudit carnet.
“Des officiers républicains ?” Ne put-elle s’empêcher de demander à l’esprit d’Abraham, sachant pertinemment qu’elle ne recevrait aucune réponse.
Hélénaïs avait du mal à respirer. Son corset lui donnait l’impression de lui saigner les côtés et ses jupes d’être sur le point de l’étouffer. Pendant quelques secondes, elle dû lutter pour ne pas s’enfuir de la pièce en courant à toutes jambes. C’eut été une idée catastrophique mais ô combien réconfortante ; celle de ne plus se trouvait dans la même pièce que cet homme. Toutefois, elle savait qu’une telle chose les condamnerait tous sans exception. Alors, après que le silence ce soit étiré jusqu’à en devenir gênant, elle prit une grande inspiration.
- N’allez pas croire que l’amour filial qui m’unissait au sénateur d’Elusie m’ait valu d’être dans ses confidences. Je dirais même que nous étions quelque peu en froid dernièrement. Sa voix était assurée, loin de ce qu’elle ressentait réellement. Mais c’était là son métier ; parler. - J’imagine que vos hommes ont aussi dû découvrir cela. Malgré toute l’affection que je lui portais, je me suis opposée à lui lors de l’assemblée de l’été dernier. Nos liens en ont quelques peu… pâtis. La vérité était légèrement différente : Hélénaïs avait craint un courroux qui n’était jamais venu, une épée de Damoclès qui n’avait finalement jamais pendue au-dessus de sa tête. Elle s’était sentie sotte à l’époque, plus encore aujourd’hui. Mais si ce souvenir pouvait lui permettre de se disculper alors qu’il en soit ainsi. - Tout comme vous avez pu constater que je n’avais jamais rencontré… Ses lèvres pincèrent, elle déglutit péniblement et enfin prononça ce nom qu’elle exécrait : - ...Mortifère avant la toute fin et encore, c’était un hasard.
Un véritable hasard qui plus est. Zelevas ne lui avait jamais parlé de son homme de main où peut-être l’avait-il mentionné sans qu’elle n’y fasse attention.
- Vous courrez après des chimères, monsieur. Ajouta-t-elle d’une voix posée. - Et je crains que la conversation que vous avons eu ce jour-là ne soit un brin ennuyeuse. Comme le silence s’étirait, elle supposa qu’elle devait continuer. - La bataille de Liberty m’avait quelque peu… chamboulée et j’ai voulu trouver des réponses auprès de quelqu’un qui me connaissait suffisamment pour me montrer le chemin à suivre. Alors j’ai rendu visite au sénateur. C’est Mortifère, elle buta à nouveau sur son nom, - qui était présent et m'a accueillit. Naturellement, nous en sommes venu à nous faire la conversion et, bien que mauvaise menteuse, Hélénaïs savait une chose : il n’y avait pas de meilleur mensonge que celui qui dit la vérité, - nous en sommes venu à parler de lui. De l’homme qu’il était, de l’homme qu’il est et de l’homme qu’il aimerait être. Il a également eut l’obligeance de m’expliquer -assez simplement- comment était constituée sa personne étant donné que je ne pouvais le voir par moi-même. Machinalement, elle frotta l’index qu’elle avait entaillé ce jour-là contre son pouce. - Le sujet à ensuite dérivé sur ma propre maladie et nous en sommes resté là. Rien de plus.
Durant toute sa fable, elle avait cessé de respirer. Maintenant qu’elle s’était débarrassée de son mensonge, elle se sentait un peu plus légère. Quittant son assise et s’aidant de son senseur pour s’éloigner autant que possible de l’intru, elle s'approcha d’une bibliothèque murale où elle laissa courir ses doigts.
- D’après ce que j’ai compris, Mortifère a été conçu pour protéger la République et ses citoyens. Il ne s’en prendrait pas à moi. Pas tant que je ne menace pas l’équilibre du pays. Hélénaïs savait qu’elle aurait mieux fait de se taire mais c’était plus fort qu’elle. - Cela aussi, vous avez dû le voir dans l’esprit du sénateur. Sa main s’arrêta sur un livre en braille dont elle dévala la tranche d’un air distrait. - Est-ce qu’il méritait véritablement de finir au Razkaal ? Demanda-t-elle en sachant pertinemment que l’homme qui lui faisait face n’aurait probablement pas une once d’empathie. - C’était l’un des vôtres autrefois, aujourd’hui vous le détenez avec les plus fous et les plus sanguinaires de nos ennemis. Ce n’est pas juste. Sa voix n’était plus qu’un murmure.
Citoyen de La République
Abraham de Sforza
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: C
Seul le son régulier du fusain griffonnant énergiquement le papier vint ponctuer le discours mensonger d'Hélénaïs. Le salon était embaumé d'une telle nappe d'angoisse et de non-dits que l'atmosphère paraissait palpable, tant et si bien que l'indésirable observateur situé aux abords de la pièce en venait lui-même à contracter instinctivement la mâchoire. Ciblé par une impulsion télépathique qu'il aurait aisément pu bloquer s'il en avait eu le besoin, Abraham reconnut sans le moindre mal la signature arcanique de son amante et ce fut donc sans broncher qu'il laissa le message magique pénétrer son esprit.
Les officiers républicains, bien qu'ils aient survécu, n'avaient malheureusement été qu'un obstacle dans l'accomplissement de l'un des assassinats nocturnes dont s'était rendu responsable le Cerbère en liberté. A l'issue d'un sanglant affrontement avec une poignée de malfrats dont il avait projeté d'écourter les carrières, Abraham avait fait face à deux recrues trop investies dans leur travail pour leur propre bien. S'il n'avait bien évidemment pas occis ce duo de garnements, le géant de métal devait toutefois admettre qu'il s'était montré peu avenant en leur présence et que, dans la fougue du moment, il avait probablement brisé quelques côtes ainsi qu'un fémur...
Incapable de répondre aux dires de sa belle, Abraham demeura donc aussi inerte qu'une fantomatique statue et se contenta de scruter avec une entière attention l'étrange personnage aux yeux reptiliens qui jetait à Hélénaïs une œillade sordide. La conversation tournait indéniablement au vinaigre mais même si Abraham brûlait d'envie de s'infiltrer dans le salon afin de froidement décapiter le Limier, il ne fit rien de ces pulsions. Les déplacements d'un enquêteur tel que ce "Grisaille" étaient systématiquement contrôlés et annotés dans leurs documents, il était donc hors de question de s'en prendre à lui alors qu'il se trouvait pile dans la tanière de l'araignée.
"Vous avez bien compris, oui. C'est pour ça qu'il a été créé..."
Non content d'occulter toute forme d'empathie au profit de ses interrogations perverses, Grisaille décida d'imiter la maîtresse des lieux sans y être invité et mit son séant sur l'une des assises du séjour. Lâchant brièvement le calepin, Nestor s'appuya sur l'accoudoir et se mit à fixer avec une intensité dérangeante celle qui pouvait peut être sentir son aura malgré le mal qui la frappait. Elle paraissait relativement triste, mais surtout agacée par l'aspect invasif de l'entrevue. Anxieuse, peut être ? Cela ne signifiait pas grand chose en l'état, la simple présence du Limier étant à elle seule un juste motif pour trépigner sur place en jouant nerveusement avec des plis de napperons. Il ne put s'empêcher de noter néanmoins que la jeune femme semblait tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant d'évoquer le nom du meurtrier. La crainte était elle contagieuse ? Quinze morts, ça avait usuellement de quoi effrayer, remarque. Un changement de stratégie était indiqué.
"Madame de Casteille..."
Croisant les doigts allongés de ses mains marquées aux jointures par d'innombrables batailles, Grisaille soupira discrètement puis se lança d'un ton moins ostensiblement hostile.
"J'ose imaginer à quel point ma venue vous dérange et je n'en prends nulle offense. Vous avez beaucoup à faire, des responsabilités en pagaille ainsi qu'un drame à digérer. Pour une jeune femme, même aussi forte que vous; c'est un défi que l'on préfère généralement ne pas avoir à relever. Je m'excuse de vous accabler avec mes mauvaises nouvelles mais si je me suis montré si brutal, c'est avant tout parce que j'estime que vous disposez d'un indiscutable droit à la vérité."
Son ton se fit légèrement plus doux, un contraste bienvenue avec le timbre provocateur qu'il avait emprunté jusqu'à présent :
"C'est juste, très chère. Il n'y a rien de plus juste.
Je ne suis pas supposé vous le dire, mais j'avais beaucoup de respect pour Sieur Fraternitas, personnellement comme politiquement. Je ne vais pas prétendre que je suis tombé d'aussi haut que vous lorsque j'ai appris pour lui, mais cela m'a quand même fait... réfléchir, à défaut. Zelevas était un sacré roublard, dans ses jeunes années; cela ne l'a pas empêché de donner à tous l'impression qu'il s'était acheté une conduite au fil du temps. Je voulais croire en lui, en ses projets, en l'idéal d'une République forte et unie..."
Les iris serpentins se fendirent davantage, s'affinant pour n'être plus qu'une paire de lames d'ébène. De plus en plus vouté et penché en avant à mesure qu'il discourait, Grisaille compléta :
"Vous ne pouvez pas savoir ce qu'il a fait subir à Mortifère et vous ne pouvez même pas concevoir dans quel état la psyché de ce garçon a été laissée. L'individu avec lequel vous pensez avoir échangé normalement n'est au mieux qu'une coquille vide, au pire la bête la plus inhumaine qu'il vous ait été donné de côtoyer. Le traitement qui a été réservé à celui qui fut un jour Abraham de Sforza est tout bonnement inqualifiable et le fait de savoir que Zelevas a si directement supervisé cette torture me donne la nausée. Nous n'avons jamais, même lors des Grandes Guerres, traité un prisonnier avec une telle sauvagerie. Les sorcières de l'Assemblée ont été interrogées avec plus d'égard que ce pauvre homme..."
Puis vint le final de ce chapitre, une once de venin sonnant avec une dure honnêteté :
"Je pense que Zelevas a parfaitement sa place au Razkaal et, pour ce qu'il a fait, j'estime même égoïstement qu'il doit souffrir. J'ai honte de devoir le compter dans les rangs de nos vétérans, je considère qu'il salit à lui seul l'insigne que je porte.
Il faut que vous compreniez que l'homme qu'incarnait le Sénateur n'était qu'un mirage. J'ai vu des centaines de cas comme lui et sachez que tous les monstres de son espèce pensent être les héros de leur propre histoire..."
Le profil d'Hélénaïs lui semblait aisément déchiffrable. Bienveillante, aimable, en somme une vraie une petite sainte aveugle dont profitaient les parasites issus de tous les recoins du Sekaï. Elle ne parlerait pas sous pression, si elle avait quelque chose à cacher. L'émotionnel, dans un contexte tel que celui-ci, il n'y avait que ça de vrai :
"Abraham est certes une victime, mais ce qu'il est devenu aujourd'hui est avant tout un danger pour notre Nation. Nous avons lu dans l'esprit de Zelevas ce qu'il craignait chez sa créature, nous savons pourquoi il tient tant à ce qu'Abraham soit enfermé à son tour. Laissez moi vous dire que les scènes de crime sur lesquelles je suis intervenu donnent d'explicites détails quant à la créativité dont Mortifère sait faire preuve.
Ne voyons pas les choses sous une lumière mensongère : Abraham n'est pas une arme redoutable que l'on peinerait à contrôler, il n'est qu'un homme malade auquel il nous faut tendre la main."
Nouveau soupir, plus long encore que le précédent. Ce fut d'une voix dénuée d'agressivité qu'il demanda finalement :
"Vous questionner constitue aujourd'hui ma seule piste. Le suspect dissimule son empreinte magique lors de la plupart de ses méfaits car s'il est effectivement aliéné, il est néanmoins bien au fait de nos méthodes et sait se cacher. Il se joue de nous et pour chaque jour qui passe, des cadavres s'empilent à la pelle. N'avez-vous rien à me dire de plus ? A t-il fait allusion à un lieu, à une personne, à un quelconque échappatoire ? Racontez moi cette histoire "d'homme qu'il aimerait être". Remémorez vous la conversation dans ses moindres aspects, je vous en conjure. Même un grain de sable peut éventuellement nous mener quelque part."
Les officiers républicains, bien qu'ils aient survécu, n'avaient malheureusement été qu'un obstacle dans l'accomplissement de l'un des assassinats nocturnes dont s'était rendu responsable le Cerbère en liberté. A l'issue d'un sanglant affrontement avec une poignée de malfrats dont il avait projeté d'écourter les carrières, Abraham avait fait face à deux recrues trop investies dans leur travail pour leur propre bien. S'il n'avait bien évidemment pas occis ce duo de garnements, le géant de métal devait toutefois admettre qu'il s'était montré peu avenant en leur présence et que, dans la fougue du moment, il avait probablement brisé quelques côtes ainsi qu'un fémur...
Incapable de répondre aux dires de sa belle, Abraham demeura donc aussi inerte qu'une fantomatique statue et se contenta de scruter avec une entière attention l'étrange personnage aux yeux reptiliens qui jetait à Hélénaïs une œillade sordide. La conversation tournait indéniablement au vinaigre mais même si Abraham brûlait d'envie de s'infiltrer dans le salon afin de froidement décapiter le Limier, il ne fit rien de ces pulsions. Les déplacements d'un enquêteur tel que ce "Grisaille" étaient systématiquement contrôlés et annotés dans leurs documents, il était donc hors de question de s'en prendre à lui alors qu'il se trouvait pile dans la tanière de l'araignée.
"Vous avez bien compris, oui. C'est pour ça qu'il a été créé..."
Non content d'occulter toute forme d'empathie au profit de ses interrogations perverses, Grisaille décida d'imiter la maîtresse des lieux sans y être invité et mit son séant sur l'une des assises du séjour. Lâchant brièvement le calepin, Nestor s'appuya sur l'accoudoir et se mit à fixer avec une intensité dérangeante celle qui pouvait peut être sentir son aura malgré le mal qui la frappait. Elle paraissait relativement triste, mais surtout agacée par l'aspect invasif de l'entrevue. Anxieuse, peut être ? Cela ne signifiait pas grand chose en l'état, la simple présence du Limier étant à elle seule un juste motif pour trépigner sur place en jouant nerveusement avec des plis de napperons. Il ne put s'empêcher de noter néanmoins que la jeune femme semblait tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant d'évoquer le nom du meurtrier. La crainte était elle contagieuse ? Quinze morts, ça avait usuellement de quoi effrayer, remarque. Un changement de stratégie était indiqué.
"Madame de Casteille..."
Croisant les doigts allongés de ses mains marquées aux jointures par d'innombrables batailles, Grisaille soupira discrètement puis se lança d'un ton moins ostensiblement hostile.
"J'ose imaginer à quel point ma venue vous dérange et je n'en prends nulle offense. Vous avez beaucoup à faire, des responsabilités en pagaille ainsi qu'un drame à digérer. Pour une jeune femme, même aussi forte que vous; c'est un défi que l'on préfère généralement ne pas avoir à relever. Je m'excuse de vous accabler avec mes mauvaises nouvelles mais si je me suis montré si brutal, c'est avant tout parce que j'estime que vous disposez d'un indiscutable droit à la vérité."
Son ton se fit légèrement plus doux, un contraste bienvenue avec le timbre provocateur qu'il avait emprunté jusqu'à présent :
"C'est juste, très chère. Il n'y a rien de plus juste.
Je ne suis pas supposé vous le dire, mais j'avais beaucoup de respect pour Sieur Fraternitas, personnellement comme politiquement. Je ne vais pas prétendre que je suis tombé d'aussi haut que vous lorsque j'ai appris pour lui, mais cela m'a quand même fait... réfléchir, à défaut. Zelevas était un sacré roublard, dans ses jeunes années; cela ne l'a pas empêché de donner à tous l'impression qu'il s'était acheté une conduite au fil du temps. Je voulais croire en lui, en ses projets, en l'idéal d'une République forte et unie..."
Les iris serpentins se fendirent davantage, s'affinant pour n'être plus qu'une paire de lames d'ébène. De plus en plus vouté et penché en avant à mesure qu'il discourait, Grisaille compléta :
"Vous ne pouvez pas savoir ce qu'il a fait subir à Mortifère et vous ne pouvez même pas concevoir dans quel état la psyché de ce garçon a été laissée. L'individu avec lequel vous pensez avoir échangé normalement n'est au mieux qu'une coquille vide, au pire la bête la plus inhumaine qu'il vous ait été donné de côtoyer. Le traitement qui a été réservé à celui qui fut un jour Abraham de Sforza est tout bonnement inqualifiable et le fait de savoir que Zelevas a si directement supervisé cette torture me donne la nausée. Nous n'avons jamais, même lors des Grandes Guerres, traité un prisonnier avec une telle sauvagerie. Les sorcières de l'Assemblée ont été interrogées avec plus d'égard que ce pauvre homme..."
Puis vint le final de ce chapitre, une once de venin sonnant avec une dure honnêteté :
"Je pense que Zelevas a parfaitement sa place au Razkaal et, pour ce qu'il a fait, j'estime même égoïstement qu'il doit souffrir. J'ai honte de devoir le compter dans les rangs de nos vétérans, je considère qu'il salit à lui seul l'insigne que je porte.
Il faut que vous compreniez que l'homme qu'incarnait le Sénateur n'était qu'un mirage. J'ai vu des centaines de cas comme lui et sachez que tous les monstres de son espèce pensent être les héros de leur propre histoire..."
Le profil d'Hélénaïs lui semblait aisément déchiffrable. Bienveillante, aimable, en somme une vraie une petite sainte aveugle dont profitaient les parasites issus de tous les recoins du Sekaï. Elle ne parlerait pas sous pression, si elle avait quelque chose à cacher. L'émotionnel, dans un contexte tel que celui-ci, il n'y avait que ça de vrai :
"Abraham est certes une victime, mais ce qu'il est devenu aujourd'hui est avant tout un danger pour notre Nation. Nous avons lu dans l'esprit de Zelevas ce qu'il craignait chez sa créature, nous savons pourquoi il tient tant à ce qu'Abraham soit enfermé à son tour. Laissez moi vous dire que les scènes de crime sur lesquelles je suis intervenu donnent d'explicites détails quant à la créativité dont Mortifère sait faire preuve.
Ne voyons pas les choses sous une lumière mensongère : Abraham n'est pas une arme redoutable que l'on peinerait à contrôler, il n'est qu'un homme malade auquel il nous faut tendre la main."
Nouveau soupir, plus long encore que le précédent. Ce fut d'une voix dénuée d'agressivité qu'il demanda finalement :
"Vous questionner constitue aujourd'hui ma seule piste. Le suspect dissimule son empreinte magique lors de la plupart de ses méfaits car s'il est effectivement aliéné, il est néanmoins bien au fait de nos méthodes et sait se cacher. Il se joue de nous et pour chaque jour qui passe, des cadavres s'empilent à la pelle. N'avez-vous rien à me dire de plus ? A t-il fait allusion à un lieu, à une personne, à un quelconque échappatoire ? Racontez moi cette histoire "d'homme qu'il aimerait être". Remémorez vous la conversation dans ses moindres aspects, je vous en conjure. Même un grain de sable peut éventuellement nous mener quelque part."
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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Dehors le temps virait à l’orage comme un écho aux sentiments d’Hélénaïs. Elle ne s’en rendit compte que lorsqu’elle perçut le clapotis des gouttes sur les grandes fenêtres du salon qui donnait sur le jardin.
“Comme ce jour-là.” Songea-t-elle avec amertume. Les choses tendaient à se répéter inlassablement. La mort de son père, la maladie de sa mère, la mort de Zelevas, l’aliénation d’Abraham.
Démêler le vrai du faux était pour elle aussi difficile que lui demande de démêler une pelote de laine. Hélénaïs était sensible à la gentillesse et le discours de Vilarquebuse était devenu soudainement bien plus doux qu’elle ne s’y était attendu. Assez pour réussir à la désarçonner et manquer de lui faire baisser ses défenses. “Idiote.” tempêta-t-elle alors que son ongle venait, rageur, riper sur le tranche du livre avec lequel elle n’avait pas cessé de jouer. Le discours de son invité surprise était encore pire que le précédent car il était empreint d’une douceur et d’une compassion qui l’amenait immanquablement à la confiance. Il avait compris son fonctionnement avec une facilité qui la mettait en rage. Souvent, on louait sa gentillesse et son humanité. Aujourd’hui, elle les détestait. Tout comme elle se méprisait de ne pas savoir mieux mentir, mieux détourner l’attention. S’ils se faisaient prendre à cause d’elle, elle s’en voudrait toute sa vie - qui serait diamétralement plus courte que prévu-.
Horrifier était un euphémisme lorsque Nestor passa enfin à table. La jeune de Casteille n’avait de cesse de perdre des couleurs alors que les mots échappaient à sa bouche, semblable à un dégueulis de paroles interminables. Lui sommer de se taire, le lui interdire même et le chasser de chez elle étaient les trois seules choses qu’elle voulait. Mais elle restait là, debout devant le buffet, à arracher les dorures d’un livre dont elle ne pouvait, de toute façon, pas admirer la beauté. Zelevas s’était-il rendu coupable de ça ? Avait-il infligé un tel traitement à Abraham ? Son esprit était en surchauffe, Hélénaïs repassait inlassablement les conversations qu’elle avait eu avec chacun des deux hommes. Celles avec son amant tout particulièrement. A peine quelques minutes auparavant, elle lui avait demandé le rôle qu’il avait joué dans la création de Mortifère. Et il lui avait répondu. Soudainement, arraché des profondeurs de ses souvenirs, les cris d’Abraham et les images fugaces qu’il l’avait laissé entrevoir lui revinrent. Vacillant sur ses jambes, elle plaqua une main sur son ventre pour retenir de justesse un haut-le-cœur. Qu’avait-il réellement subi ? Que lui avait-il épargné ? Activant son senseur une nouvelle fois, elle repéra sa signature magique derrière elle, par delà la fenêtre et dut lutter contre l’envie qu’elle avait de se retourner. Sachant pertinemment qu’elle n’y trouverait rien de plus que rien.
Une coquille vide, un danger, une créature, une arme, un homme malade, voilà ce qu’il voyait d’Abraham, ce que la République voyait de lui. Personne ne voulait voir au-delà de l’étiquette qui lui avait été affublée. A moins que ce ne soit elle, qui soit trop aveuglé par ses sentiments pour voir que celui qui se tenait à ses côtés n’était rien de plus que la bête qu’ils dépeignaient tous. La respiration d’Hélénaïs s’accéléra. Des cadavres qui s’empilent. Elle accéléra encore. Quinze victimes, deux officiers Républicain. Elle tira sur son corset pour dégager un peu sa poitrine et au diable la bienséance.
- J’ai connu le sénateur toute mon enfance. L’esquisse d’un sourire souleva faiblement les coins de ses lèvres. - Il m’a porté lorsque j’étais enfant, m’a accompagné dans les jardins de sa demeure lorsque j’étais adolescente et m’a guidé dans les entrailles du sénat lorsque j’étais adulte… L’homme que vous dépeignez… Il lui fallut quelques secondes pour retenir le flot d’émotions qui obstruait sa gorge. - Je refuse de croire qu’il est celui que j’ai connu. Zelevas n’était pas un homme bon, je le sais, mais il n’est pas le monstre que vous prétendez qu’il est ! S’exclama-t-elle un peu trop vivement. D’une main tremblante, elle se frotta les yeux avant de relever la tête vers le plafond pour ravaler les larmes qui manquaient de lui échapper. - Pourquoi aurait-il ainsi torturé Abr-... Mortifère ? Il était… Il était son homme de main bon sang. Ils avaient besoin l’un de l’autre. Ils étaient… Une équipe. Et l’écho de ses paroles la renvoyait à nouveau à la conversation qu’elle avait quitté seulement quelques minutes auparavant.
Hélénaïs ne comprenait plus rien, elle ne savait à qui se fier. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle s’en serait remise à Abraham. Elle l’aurait suppliée de lui raconter la vérité, aussi horrible soit-elle. Elle lui aurait demandé si ce que disait Nestor était un autre mensonge tout droit façonné par le limier ou bien si, toute sa vie et toute leur relation était basé sur un mensonge. La jeune femme n’était pas sans savoir que l’humanité de son amant avait été entachée et amoindrie mais elle ne lui avait pas été entièrement arrachée. Il en subsistait une once, un ridicule morceau, pas plus gros qu’une tête d’allumette et dont elle refusait de voir la flamme ne serait-ce que vaciller.
- Mortifère m’a dit qu’il voulait servir la République. Être l’arme qui permettrait d’apporter la paix, la gloire et la prospérité à notre pays. Il voulait être plus fort et transcender sa propre humanité. Sa mâchoire se contracta d’abord puis elle ouvrit la bouche pour avaler une goulée d’air si précieuse. - Il exècre sa propre médiocrité. Soupira-t-elle péniblement en venant prendre appui sur le meuble derrière elle. Elle regrettait d’avoir quitté le divan, maintenant qu’il y était installé, elle n’avait d’autre choix que de rester debout. - Je vous l’ai dit, je ne l’ai rencontré qu’une seule fois mais… Elle ferma les yeux, hésitant à aller fermer la fenêtre. Ses phalanges blanchirent sur le bord d’un meuble qu’elle agrippa. - Il n’était pas une coquille vide. Il a prétendu qu’il était encore capable d’amour et que c’était cela qui le poussait à protéger sa patrie. Un nouveau soupir, elle avait l'impression de le trahir. Pourtant c'était en ne disant rien, qu'elle le ferait. C'eut été trop suspect. - Il a également évoqué un père qui a fait de lui ce qu’il est. Mais j’imagine qu’il parlait du sénateur.
Hélénaïs se détacha enfin du meuble pour avancer vers la fenêtre où le clapotis des gouttes s’était transformé en claquement. Le tonnerre commençait doucement à gronder au loin, se rapprochant inexorablement. Ses doigts longèrent la vitre glaciale, exactement comme elle l’avait fait un peu plus tôt dans sa propre chambre puis elle revint vers le limier pour s’arrêter juste à côté de l’accoudoir où il prenait appui.
- Vous avez dit que vous aviez découvert ce que craignait Zelevas chez Mortifère, qu’est-ce ?
“Comme ce jour-là.” Songea-t-elle avec amertume. Les choses tendaient à se répéter inlassablement. La mort de son père, la maladie de sa mère, la mort de Zelevas, l’aliénation d’Abraham.
Démêler le vrai du faux était pour elle aussi difficile que lui demande de démêler une pelote de laine. Hélénaïs était sensible à la gentillesse et le discours de Vilarquebuse était devenu soudainement bien plus doux qu’elle ne s’y était attendu. Assez pour réussir à la désarçonner et manquer de lui faire baisser ses défenses. “Idiote.” tempêta-t-elle alors que son ongle venait, rageur, riper sur le tranche du livre avec lequel elle n’avait pas cessé de jouer. Le discours de son invité surprise était encore pire que le précédent car il était empreint d’une douceur et d’une compassion qui l’amenait immanquablement à la confiance. Il avait compris son fonctionnement avec une facilité qui la mettait en rage. Souvent, on louait sa gentillesse et son humanité. Aujourd’hui, elle les détestait. Tout comme elle se méprisait de ne pas savoir mieux mentir, mieux détourner l’attention. S’ils se faisaient prendre à cause d’elle, elle s’en voudrait toute sa vie - qui serait diamétralement plus courte que prévu-.
Horrifier était un euphémisme lorsque Nestor passa enfin à table. La jeune de Casteille n’avait de cesse de perdre des couleurs alors que les mots échappaient à sa bouche, semblable à un dégueulis de paroles interminables. Lui sommer de se taire, le lui interdire même et le chasser de chez elle étaient les trois seules choses qu’elle voulait. Mais elle restait là, debout devant le buffet, à arracher les dorures d’un livre dont elle ne pouvait, de toute façon, pas admirer la beauté. Zelevas s’était-il rendu coupable de ça ? Avait-il infligé un tel traitement à Abraham ? Son esprit était en surchauffe, Hélénaïs repassait inlassablement les conversations qu’elle avait eu avec chacun des deux hommes. Celles avec son amant tout particulièrement. A peine quelques minutes auparavant, elle lui avait demandé le rôle qu’il avait joué dans la création de Mortifère. Et il lui avait répondu. Soudainement, arraché des profondeurs de ses souvenirs, les cris d’Abraham et les images fugaces qu’il l’avait laissé entrevoir lui revinrent. Vacillant sur ses jambes, elle plaqua une main sur son ventre pour retenir de justesse un haut-le-cœur. Qu’avait-il réellement subi ? Que lui avait-il épargné ? Activant son senseur une nouvelle fois, elle repéra sa signature magique derrière elle, par delà la fenêtre et dut lutter contre l’envie qu’elle avait de se retourner. Sachant pertinemment qu’elle n’y trouverait rien de plus que rien.
Une coquille vide, un danger, une créature, une arme, un homme malade, voilà ce qu’il voyait d’Abraham, ce que la République voyait de lui. Personne ne voulait voir au-delà de l’étiquette qui lui avait été affublée. A moins que ce ne soit elle, qui soit trop aveuglé par ses sentiments pour voir que celui qui se tenait à ses côtés n’était rien de plus que la bête qu’ils dépeignaient tous. La respiration d’Hélénaïs s’accéléra. Des cadavres qui s’empilent. Elle accéléra encore. Quinze victimes, deux officiers Républicain. Elle tira sur son corset pour dégager un peu sa poitrine et au diable la bienséance.
- J’ai connu le sénateur toute mon enfance. L’esquisse d’un sourire souleva faiblement les coins de ses lèvres. - Il m’a porté lorsque j’étais enfant, m’a accompagné dans les jardins de sa demeure lorsque j’étais adolescente et m’a guidé dans les entrailles du sénat lorsque j’étais adulte… L’homme que vous dépeignez… Il lui fallut quelques secondes pour retenir le flot d’émotions qui obstruait sa gorge. - Je refuse de croire qu’il est celui que j’ai connu. Zelevas n’était pas un homme bon, je le sais, mais il n’est pas le monstre que vous prétendez qu’il est ! S’exclama-t-elle un peu trop vivement. D’une main tremblante, elle se frotta les yeux avant de relever la tête vers le plafond pour ravaler les larmes qui manquaient de lui échapper. - Pourquoi aurait-il ainsi torturé Abr-... Mortifère ? Il était… Il était son homme de main bon sang. Ils avaient besoin l’un de l’autre. Ils étaient… Une équipe. Et l’écho de ses paroles la renvoyait à nouveau à la conversation qu’elle avait quitté seulement quelques minutes auparavant.
Hélénaïs ne comprenait plus rien, elle ne savait à qui se fier. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle s’en serait remise à Abraham. Elle l’aurait suppliée de lui raconter la vérité, aussi horrible soit-elle. Elle lui aurait demandé si ce que disait Nestor était un autre mensonge tout droit façonné par le limier ou bien si, toute sa vie et toute leur relation était basé sur un mensonge. La jeune femme n’était pas sans savoir que l’humanité de son amant avait été entachée et amoindrie mais elle ne lui avait pas été entièrement arrachée. Il en subsistait une once, un ridicule morceau, pas plus gros qu’une tête d’allumette et dont elle refusait de voir la flamme ne serait-ce que vaciller.
- Mortifère m’a dit qu’il voulait servir la République. Être l’arme qui permettrait d’apporter la paix, la gloire et la prospérité à notre pays. Il voulait être plus fort et transcender sa propre humanité. Sa mâchoire se contracta d’abord puis elle ouvrit la bouche pour avaler une goulée d’air si précieuse. - Il exècre sa propre médiocrité. Soupira-t-elle péniblement en venant prendre appui sur le meuble derrière elle. Elle regrettait d’avoir quitté le divan, maintenant qu’il y était installé, elle n’avait d’autre choix que de rester debout. - Je vous l’ai dit, je ne l’ai rencontré qu’une seule fois mais… Elle ferma les yeux, hésitant à aller fermer la fenêtre. Ses phalanges blanchirent sur le bord d’un meuble qu’elle agrippa. - Il n’était pas une coquille vide. Il a prétendu qu’il était encore capable d’amour et que c’était cela qui le poussait à protéger sa patrie. Un nouveau soupir, elle avait l'impression de le trahir. Pourtant c'était en ne disant rien, qu'elle le ferait. C'eut été trop suspect. - Il a également évoqué un père qui a fait de lui ce qu’il est. Mais j’imagine qu’il parlait du sénateur.
Hélénaïs se détacha enfin du meuble pour avancer vers la fenêtre où le clapotis des gouttes s’était transformé en claquement. Le tonnerre commençait doucement à gronder au loin, se rapprochant inexorablement. Ses doigts longèrent la vitre glaciale, exactement comme elle l’avait fait un peu plus tôt dans sa propre chambre puis elle revint vers le limier pour s’arrêter juste à côté de l’accoudoir où il prenait appui.
- Vous avez dit que vous aviez découvert ce que craignait Zelevas chez Mortifère, qu’est-ce ?
Citoyen de La République
Abraham de Sforza
Messages : 208
crédits : 591
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: C
Exhalant longuement tout en croisant les doigts, Grisaille abaissa brusquement la tête tout en rassemblant ses pensées. Elle était tombé droit dans ses filets, sa méthodologie faiseuse de miracles ayant encore une fois excellé. Dans ce genre de cas de figures somme toute particuliers, il forçait une idée selon laquelle il n'était pas question de pousser le suspect à collaborer, mais à coopérer. La nuance pouvait sembler minime, mais lorsque le Limier s'exposait sciemment en révélant ouvertement ses besoins, il obtenait parfois des résultats formidables grâce à la corde sensible qu'était l'héroïsme. Hélénaïs avait justement l'étoffe d'une héroïne et non d'une complice, c'était sur ce plan que comptait jouer l'enquêteur. Pourquoi en revanche butait elle tant sur le nom et le surnom d'Abraham ? L'avait-il revue, malmenée ou menacée peut être ? Sans risette, Grisaille lança d'une voix maussade :
"Vous venez de vous répondre, madame. Il était son homme de main, son équipier, j'entends par là un naïf capable de vouer jusqu'à sa vie à la cause du Sénateur.
Zelevas connaissait la situation familiale d'Abraham, il savait pertinemment que ce jeune homme en mal de reconnaissance était perdu, isolé du monde et de nos valeurs. Le Sénateur Fraternitas a volontairement alimenté ce désir, il a fait miroiter à sa victime un idéal de grandeur et de gloire pour n'en faire à terme qu'un chien de garde dont il a finalement tranché l'âme en deux. Seriez vous capable d'anéantir quelqu'un qui vous accorde un tel crédit ? Pourriez vous sacrifier ainsi une personne qui vous serait aussi entièrement dédiée ? Zelevas, l'homme que vous croyez connaître, l'a fait."
Sa tête se releva et ses yeux reptiliens glissèrent pour se river avec attention sur les doigts d'Hélénaïs qui, visiblement, était désormais plus en proie à la nervosité qu'à la frustration. On ne lisait pas si aisément les gens et Nestor avait une expérience suffisante du terrain pour savoir qu'il ne pouvait s'agir que d'une humble réponse anodine face à l'angoisse occasionnée par une interaction avec les forces de l'ordre. Il le releva quand même, se gardant toutefois d'en faire immédiatement mention dans son carnet.
"Il voulait à la fois d'une arme capable d'exécuter les ordres avec brio, mais également d'un homme à même de contourner les lois lorsqu'elles manquaient d'humanité. Soustraire Mortifère à une si grande part de sa propre identité constituait un choix potentiellement avantageux... mais néanmoins risqué. Libéré de sa laisse ainsi que de ses valeurs humaines, Abraham pouvait à tout moment s'éloigner des valeurs et de la philosophie républicaine, se reforgeant ainsi un nouvel idéal à la fois législatif et moral. C'était de cet être libre et indéfinissable, à la fois surhumain et pourtant profondément atrophié sur le plan émotionnel, que le Sénateur avait peur."
Levant les yeux au ciel, il ajouta :
"Ce sont ses mots. Enfin... ses mots, vous m'avez compris. C'est ce qu'on a récupéré."
Malgré une entente cordiale, il restait bon de rappeler à l'interrogée que la justice avait le bras long et que pour faire le bien, les Limiers étaient capables de faire le pire; ce en toute légalité. Combien de temps allait elle rester à l'abri de ces ignobles sondes mentales que réservaient les traqueurs républicains à leurs proies ? C'était une interrogation que Grisaille voulait qu'elle visualise.
"Ce père auquel Abraham fait allusion n'est pas le Sénateur, non. Il s'agit d'un criminel que nous peinons à identifier, un praticien de l'ombre adepte de chirurgies douteuses. Du peu qu'on connaît de lui, il se fait sobrement surnommer le Docteur et il dispose de connaissances si infiniment rares qu'on en vient à se demander s'il s'agit bien d'une créature mortelle faite de chair et de sang. Abraham a sans doute développé un attachement irrationnel pour cette mystérieuse personne. Il méprise son propre géniteur et considère donc sûrement, du fait de sa "renaissance"; que ce Docteur est sa seule véritable figure paternelle. On a déjà vu ça en d'autres circonstances, ça n'a rien d'exceptionnel."
Ce fut au demeurant avec un détachement certain que l'enquêter lança, plus posément qu'auparavant :
"Je crois à votre histoire. Je crois même au discours d'Abraham tel que vous me le contez, en fait. Je ne vais pas vous le cacher, ceux qu'il a supposément assassiné n'étaient pas des enfants de chœur, loin de là d'ailleurs. A mon humble avis, notre ami mécanisé se pense pourvu d'une divine mission car c'est avec une véritable frénésie qu'il tue au choix des criminels récidivistes ou des gros bonnets de la Pègre."
Il ricana, un trait d'humour étrange en vue de la situation. Détendre l'atmosphère lui paraissait indiqué.
"Il nous enlève de sacrés épines du pied, ça va sans dire."
Et à peine quelques secondes plus tard, le rictus s'affaissa et le mortuaire sérieux refit surface :
"Mais la justice républicaine, ce n'est pas ça. La justice est implacable, saine de par son absolue équité. La justice n'a pas de serres de rapace et n'abat pas ses crocs sur les dissidents et les perturbateurs sans aucune forme de distinction. Nous sommes un peuple adepte du progrès, de l'humanisme et des innovations. Si nous mordons nos parias à la gorge plutôt que de leur accorder une digne sanction à l'issue d'un procès, nous devenons indistinguables des bêtes sauvages que nous décrions. La République est une terre de droits et de devoirs, là est notre fierté. N'est-ce pas, madame ?"
Refermant son calepin d'un coup sec, Grisaille rangea ses notes dans la poche d'où elles provenaient et offrit à la jeune femme un sourire si grand qu'il en devint audible :
"Je vous remercie pour votre hospitalité, j'estime avoir progressé et je considère vous avoir assez éprouvée pour ajourd'hui. Notez que nous serons peut être amenés à nous revoir dans un futur proche mais ne vous minez pas trop tout de même, nous allons interpeler notre fuyard tôt ou tard et nous le ferons dans le plus grand respect de ses droits.
Si un quelconque souvenir vous revient, n'hésitez pas à passer par l'Office Républicain. Des questions ?"
"Vous venez de vous répondre, madame. Il était son homme de main, son équipier, j'entends par là un naïf capable de vouer jusqu'à sa vie à la cause du Sénateur.
Zelevas connaissait la situation familiale d'Abraham, il savait pertinemment que ce jeune homme en mal de reconnaissance était perdu, isolé du monde et de nos valeurs. Le Sénateur Fraternitas a volontairement alimenté ce désir, il a fait miroiter à sa victime un idéal de grandeur et de gloire pour n'en faire à terme qu'un chien de garde dont il a finalement tranché l'âme en deux. Seriez vous capable d'anéantir quelqu'un qui vous accorde un tel crédit ? Pourriez vous sacrifier ainsi une personne qui vous serait aussi entièrement dédiée ? Zelevas, l'homme que vous croyez connaître, l'a fait."
Sa tête se releva et ses yeux reptiliens glissèrent pour se river avec attention sur les doigts d'Hélénaïs qui, visiblement, était désormais plus en proie à la nervosité qu'à la frustration. On ne lisait pas si aisément les gens et Nestor avait une expérience suffisante du terrain pour savoir qu'il ne pouvait s'agir que d'une humble réponse anodine face à l'angoisse occasionnée par une interaction avec les forces de l'ordre. Il le releva quand même, se gardant toutefois d'en faire immédiatement mention dans son carnet.
"Il voulait à la fois d'une arme capable d'exécuter les ordres avec brio, mais également d'un homme à même de contourner les lois lorsqu'elles manquaient d'humanité. Soustraire Mortifère à une si grande part de sa propre identité constituait un choix potentiellement avantageux... mais néanmoins risqué. Libéré de sa laisse ainsi que de ses valeurs humaines, Abraham pouvait à tout moment s'éloigner des valeurs et de la philosophie républicaine, se reforgeant ainsi un nouvel idéal à la fois législatif et moral. C'était de cet être libre et indéfinissable, à la fois surhumain et pourtant profondément atrophié sur le plan émotionnel, que le Sénateur avait peur."
Levant les yeux au ciel, il ajouta :
"Ce sont ses mots. Enfin... ses mots, vous m'avez compris. C'est ce qu'on a récupéré."
Malgré une entente cordiale, il restait bon de rappeler à l'interrogée que la justice avait le bras long et que pour faire le bien, les Limiers étaient capables de faire le pire; ce en toute légalité. Combien de temps allait elle rester à l'abri de ces ignobles sondes mentales que réservaient les traqueurs républicains à leurs proies ? C'était une interrogation que Grisaille voulait qu'elle visualise.
"Ce père auquel Abraham fait allusion n'est pas le Sénateur, non. Il s'agit d'un criminel que nous peinons à identifier, un praticien de l'ombre adepte de chirurgies douteuses. Du peu qu'on connaît de lui, il se fait sobrement surnommer le Docteur et il dispose de connaissances si infiniment rares qu'on en vient à se demander s'il s'agit bien d'une créature mortelle faite de chair et de sang. Abraham a sans doute développé un attachement irrationnel pour cette mystérieuse personne. Il méprise son propre géniteur et considère donc sûrement, du fait de sa "renaissance"; que ce Docteur est sa seule véritable figure paternelle. On a déjà vu ça en d'autres circonstances, ça n'a rien d'exceptionnel."
Ce fut au demeurant avec un détachement certain que l'enquêter lança, plus posément qu'auparavant :
"Je crois à votre histoire. Je crois même au discours d'Abraham tel que vous me le contez, en fait. Je ne vais pas vous le cacher, ceux qu'il a supposément assassiné n'étaient pas des enfants de chœur, loin de là d'ailleurs. A mon humble avis, notre ami mécanisé se pense pourvu d'une divine mission car c'est avec une véritable frénésie qu'il tue au choix des criminels récidivistes ou des gros bonnets de la Pègre."
Il ricana, un trait d'humour étrange en vue de la situation. Détendre l'atmosphère lui paraissait indiqué.
"Il nous enlève de sacrés épines du pied, ça va sans dire."
Et à peine quelques secondes plus tard, le rictus s'affaissa et le mortuaire sérieux refit surface :
"Mais la justice républicaine, ce n'est pas ça. La justice est implacable, saine de par son absolue équité. La justice n'a pas de serres de rapace et n'abat pas ses crocs sur les dissidents et les perturbateurs sans aucune forme de distinction. Nous sommes un peuple adepte du progrès, de l'humanisme et des innovations. Si nous mordons nos parias à la gorge plutôt que de leur accorder une digne sanction à l'issue d'un procès, nous devenons indistinguables des bêtes sauvages que nous décrions. La République est une terre de droits et de devoirs, là est notre fierté. N'est-ce pas, madame ?"
Refermant son calepin d'un coup sec, Grisaille rangea ses notes dans la poche d'où elles provenaient et offrit à la jeune femme un sourire si grand qu'il en devint audible :
"Je vous remercie pour votre hospitalité, j'estime avoir progressé et je considère vous avoir assez éprouvée pour ajourd'hui. Notez que nous serons peut être amenés à nous revoir dans un futur proche mais ne vous minez pas trop tout de même, nous allons interpeler notre fuyard tôt ou tard et nous le ferons dans le plus grand respect de ses droits.
Si un quelconque souvenir vous revient, n'hésitez pas à passer par l'Office Républicain. Des questions ?"
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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crédits : 1202
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Les limiers avaient toujours eu une réputation, bonne ou mauvaise. Ils étaient connus et reconnus au sein de la République et même au-delà. Aucune personne saine d’esprit n’aurait pas craint l’un de ces hommes, pas avec toutes les rumeurs qui couraient à leur sujet. Bien que l’on ne sache jamais vraiment si elles étaient fondées, après tout ce qui se passait au Razkaal y restait jalousement gardé. Autant les prisonniers que les bourreaux et leurs actes. Hélénaïs était aussi pâle qu’un mort ; contrastant avec la peau brune de Vilarquebuse. Pour autant, elle ne se démontait pas d’un sous, gardant le regard rivé dans sa direction alors qu’il lui dépeignait avec un flegme terrifiant le reste des sévices que Zelevas avait fait subir à Abraham. Sans oser ouvrir la bouche, elle ne put s’empêcher de se demander comment il avait pu lui rester loyal jusqu’au dernier instant car c’était bien ce qui c’était passé. Lorsque était venu la toute fin, que l’office les avaient acculés ce n’était pas le soldat qui c’était retourné contre son supérieur. C’était le sénateur qui avait tourné le dos à Abraham. C’avait été une image fugace présenté dans son esprit parmi une multitude d’images probablement triées sur le volet avant de les lui présenter, mais elle était certaine qu’il ne lui avait pas menti. N’est-ce pas ?
Bien qu’elle ne put s’en assurer, Hélénaïs recula lorsqu’elle eut l’impression de sentir le regard de l’intru dévaler sa silhouette et noter en détail la moindre de ses réactions. Lentement, elle se réfugia à nouveau près de la bibliothèque murale et glissa les doigts dans les pans de sa robe pour les occuper. A entendre Nestor, Abraham était un véritable inconnu, autant pour lui-même que pour les autres et elle constata avec morosité que c’était une réalité. Son amour pour lui était l’unique certitude qu’elle avait en cet instant, le reste n’était que constitué que ce qu’il voulait bien lui montrer ou, au contraire, omettait volontairement. Quelle avait été son enfance ? Qui était-il avant ? Quelle avait été sa vie ? Ses rêves, ses ambitions ? Pourquoi avait-il eu ces peurs qui l’avait poussé à devenir cette chose qu’il était aujourd’hui ? Hélénaïs n’était pas sans savoir qu’ils venaient tous deux de milieux parfaitement différents et que la vie d’Abraham était de loin bien plus difficile que la sienne, même avant qu’il ne revête le manteau lugubre de Mortifère. Mais c’était tout et malgré les maigres questions qu’elle avait osé poser, il n’en était jamais rien ressorti de concluant. Au moins savait-elle que ce n’était pas le géniteur d’Abraham qui avait apposé sur lui toutes ces modifications, un bien piètre réconfort au regard de tout ce qu’elle ignorait encore.
La jeune De Casteille était assez d’accord avec ce que le limier était en train de lui dire. Sa nation, celle qu’elle chérissait tant, était saine et juste. Départie de toute violence et respectueuse des droits de tous. Mais était-ce vraiment bien le cas actuellement ? Se remémorant la conversation tenue quelques minutes auparavant, elle ne put s’empêcher de songer que peut-être la République n’était pas aussi belle qu’elle le prétendait. En vérité, il aurait fallut être ignorant pour déclarer qu’elle n’était pas corrompue. Un corruption qu’Hélénaïs tentait de vaincre avec les armes à sa disposition et qui serait probablement un combat sans fin. Un combat qu’Abraham menait sur son propre front, à sa manière. Un hypocrisie de la part du limier qui, autant qu’elle si ce n’était mieux, devait savoir que sous la surface tout est toujours plus sombre. Il l’a prenait pour une imbécile et elle ne chercha pas à le détromper, elle préférait encore qu’il la sous-estime plutôt que le contraire.
“Emérée.” Appela-t-elle mentalement et elle entendit une paire de pas s’activer puis la porte s'ouvrit presque un peu trop rapidement.
- Merci à vous, monsieur, d’avoir prit le temps de venir jusqu’ici. Je suis… Elle prit une courte inspiration et se fendit d’un large sourire. - Ravie d’avoir pu contribuer à vous aider. Bien que je crains de ne vous avoir rien apprit que vous ne saviez déjà. Emérée va vous raccompagner jusqu’à la sortie, je vous souhaite un bon retour. “Je souhaite surtout ne jamais vous revoir.” Songea-t-elle en maintenant un sourire patient jusqu’à ce que les pas se soient suffisamment éloignés pour qu’elle soit certaine qu’il ne referait pas demi-tour. Alors seulement, elle s’arracha au meuble pour aller fermer la fenêtre avant de rejoindre le canapé. Son sourire s'évapora lui aussi, laissant place à une mine sinistre.
Ses épaules s’affaissèrent à peine fut-elle installée. Sans chercher à dissimuler son trouble, ses coudes se plantèrent dans ses genoux et elle enfouit son visage dans ses mains. Bon sang, elle était passée à un cheveux de vomir au visage du limier et pour l’heure son estomac dansait encore la sarabande dans son ventre. C'était exactement comme ce soir, celui où Abraham était venu requérir son aide et où la peur et la tristesse l’avait accablé avec tellement de violence qu’elle en avait été malade.
- Tout va bien ? Demanda la voix basse d’Emérée, légèrement penchée à ses côtés.
- Oui… Oui, tout va bien. Pourtant ses doigts s’enfoncèrent dans ses cheveux, au niveau de ses tempes. - Apporte moi un verre, de quelque chose pourvu que ce soit suffisamment fort. L’alcool n’était guère une solution, Hélénaïs le savait, mais cela avait toujours le chic pour l’apaiser et aujourd’hui, elle en avait bien besoin. S'éclipsant un instant près d’un bar, sa suivante remplit un verre qu’elle lui rapporta ; un whisky avec de l’orange. Hélénaïs faillit s’étrangler lorsqu’elle avala la première gorgée. Non pas à cause de la brûlure de sa boisson mais parce que c’était exactement celle que Zelevas lui avait servi avant de la chasser de chez lui. Finalement, elle eut un petit rire nerveux et prit une nouvelle gorgée. - Tu sais, rien ne te force à rester ici. Je sais que tu désapprouves ce qui se passe.
- Ce n’est pas vos actions que je désapprouve. Répondit la jeune femme, non sans scruter soucieusement les alentours. - C’est lui. Sa présence. Il est un problème.
- Mon problème. Contra Hélénaïs, - Je peux l’endosser toute seule.
Emérée pinça les lèvres puis s’avança avant de s’asseoir aux côtés de la jeune femme.
- Il vous fera tuer. Vous avez entendu ce qu’à dit cet homme… ? Ces gens qu’il a mis à mort. Il n’a que faire de vous, tout ce qui l’intéresse c’est votre influence et votre protection. Vous êtes une nécessité, pas un choix. Il est égoïste, ne pense qu'à lui et à ses objectifs. Ca n'est pas de l'affection.
- Tu as écouté aux portes ? S’offusqua Hélénaïs.
- Non ! Se récria-t-elle à voix basse. - Enfin si mais… Quinze personnes madame et avec ce qu’il a subi… Je vous en prie. Soyez lucide.
La maîtresse de maison était sur le point de rétorquer, lorsqu’un cliquetis métallique lui fit légèrement relever la tête.
- Laisse nous, Emérée.
Bien qu’elle ne put s’en assurer, Hélénaïs recula lorsqu’elle eut l’impression de sentir le regard de l’intru dévaler sa silhouette et noter en détail la moindre de ses réactions. Lentement, elle se réfugia à nouveau près de la bibliothèque murale et glissa les doigts dans les pans de sa robe pour les occuper. A entendre Nestor, Abraham était un véritable inconnu, autant pour lui-même que pour les autres et elle constata avec morosité que c’était une réalité. Son amour pour lui était l’unique certitude qu’elle avait en cet instant, le reste n’était que constitué que ce qu’il voulait bien lui montrer ou, au contraire, omettait volontairement. Quelle avait été son enfance ? Qui était-il avant ? Quelle avait été sa vie ? Ses rêves, ses ambitions ? Pourquoi avait-il eu ces peurs qui l’avait poussé à devenir cette chose qu’il était aujourd’hui ? Hélénaïs n’était pas sans savoir qu’ils venaient tous deux de milieux parfaitement différents et que la vie d’Abraham était de loin bien plus difficile que la sienne, même avant qu’il ne revête le manteau lugubre de Mortifère. Mais c’était tout et malgré les maigres questions qu’elle avait osé poser, il n’en était jamais rien ressorti de concluant. Au moins savait-elle que ce n’était pas le géniteur d’Abraham qui avait apposé sur lui toutes ces modifications, un bien piètre réconfort au regard de tout ce qu’elle ignorait encore.
La jeune De Casteille était assez d’accord avec ce que le limier était en train de lui dire. Sa nation, celle qu’elle chérissait tant, était saine et juste. Départie de toute violence et respectueuse des droits de tous. Mais était-ce vraiment bien le cas actuellement ? Se remémorant la conversation tenue quelques minutes auparavant, elle ne put s’empêcher de songer que peut-être la République n’était pas aussi belle qu’elle le prétendait. En vérité, il aurait fallut être ignorant pour déclarer qu’elle n’était pas corrompue. Un corruption qu’Hélénaïs tentait de vaincre avec les armes à sa disposition et qui serait probablement un combat sans fin. Un combat qu’Abraham menait sur son propre front, à sa manière. Un hypocrisie de la part du limier qui, autant qu’elle si ce n’était mieux, devait savoir que sous la surface tout est toujours plus sombre. Il l’a prenait pour une imbécile et elle ne chercha pas à le détromper, elle préférait encore qu’il la sous-estime plutôt que le contraire.
“Emérée.” Appela-t-elle mentalement et elle entendit une paire de pas s’activer puis la porte s'ouvrit presque un peu trop rapidement.
- Merci à vous, monsieur, d’avoir prit le temps de venir jusqu’ici. Je suis… Elle prit une courte inspiration et se fendit d’un large sourire. - Ravie d’avoir pu contribuer à vous aider. Bien que je crains de ne vous avoir rien apprit que vous ne saviez déjà. Emérée va vous raccompagner jusqu’à la sortie, je vous souhaite un bon retour. “Je souhaite surtout ne jamais vous revoir.” Songea-t-elle en maintenant un sourire patient jusqu’à ce que les pas se soient suffisamment éloignés pour qu’elle soit certaine qu’il ne referait pas demi-tour. Alors seulement, elle s’arracha au meuble pour aller fermer la fenêtre avant de rejoindre le canapé. Son sourire s'évapora lui aussi, laissant place à une mine sinistre.
Ses épaules s’affaissèrent à peine fut-elle installée. Sans chercher à dissimuler son trouble, ses coudes se plantèrent dans ses genoux et elle enfouit son visage dans ses mains. Bon sang, elle était passée à un cheveux de vomir au visage du limier et pour l’heure son estomac dansait encore la sarabande dans son ventre. C'était exactement comme ce soir, celui où Abraham était venu requérir son aide et où la peur et la tristesse l’avait accablé avec tellement de violence qu’elle en avait été malade.
- Tout va bien ? Demanda la voix basse d’Emérée, légèrement penchée à ses côtés.
- Oui… Oui, tout va bien. Pourtant ses doigts s’enfoncèrent dans ses cheveux, au niveau de ses tempes. - Apporte moi un verre, de quelque chose pourvu que ce soit suffisamment fort. L’alcool n’était guère une solution, Hélénaïs le savait, mais cela avait toujours le chic pour l’apaiser et aujourd’hui, elle en avait bien besoin. S'éclipsant un instant près d’un bar, sa suivante remplit un verre qu’elle lui rapporta ; un whisky avec de l’orange. Hélénaïs faillit s’étrangler lorsqu’elle avala la première gorgée. Non pas à cause de la brûlure de sa boisson mais parce que c’était exactement celle que Zelevas lui avait servi avant de la chasser de chez lui. Finalement, elle eut un petit rire nerveux et prit une nouvelle gorgée. - Tu sais, rien ne te force à rester ici. Je sais que tu désapprouves ce qui se passe.
- Ce n’est pas vos actions que je désapprouve. Répondit la jeune femme, non sans scruter soucieusement les alentours. - C’est lui. Sa présence. Il est un problème.
- Mon problème. Contra Hélénaïs, - Je peux l’endosser toute seule.
Emérée pinça les lèvres puis s’avança avant de s’asseoir aux côtés de la jeune femme.
- Il vous fera tuer. Vous avez entendu ce qu’à dit cet homme… ? Ces gens qu’il a mis à mort. Il n’a que faire de vous, tout ce qui l’intéresse c’est votre influence et votre protection. Vous êtes une nécessité, pas un choix. Il est égoïste, ne pense qu'à lui et à ses objectifs. Ca n'est pas de l'affection.
- Tu as écouté aux portes ? S’offusqua Hélénaïs.
- Non ! Se récria-t-elle à voix basse. - Enfin si mais… Quinze personnes madame et avec ce qu’il a subi… Je vous en prie. Soyez lucide.
La maîtresse de maison était sur le point de rétorquer, lorsqu’un cliquetis métallique lui fit légèrement relever la tête.
- Laisse nous, Emérée.
Citoyen de La République
Abraham de Sforza
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
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"Rien appris ? Détrompez vous, cette visite peut sembler très brève mais elle a été ma seule entrevue fructueuse depuis... bien trop longtemps. Je vous l'ai dit, chaque détail compte."
Tout en prononçant ces mots, Grisaille secoua rapidement le carnet mal entretenu sur lequel il avait inscrit quelques mystérieuses annotations depuis son entrée en scène. Véritables pense-bêtes ou simple stratagème visant à déstabiliser les interrogés ? Nul ne pouvait le dire. Arborant une mine emplie de bête satisfaction; le Limier prit soin de vérifier qu'il n'avait oublié aucun de ses effets personnels sur son assise et lorsque cela fut fait, il adressa une instinctive révérence à la demoiselle et s'éclipsa poliment, non sans rajouter d'abord quelques mots de soutien détenant une étrange aura :
"...Et prenez soin de vous, madame de Casteille. Les gens comme vous, les gens bien... nous en avons besoin à la tête de ce pays."
Et ce fut tout. Raccompagné jusqu'à la porte d'entrée par les domestiques, Nestor s'immobilisa une minute sur le palier et sans accorder une quelconque attention à la pluie battante qui commençait déjà tremper son long manteau cri, il laissa ses yeux serpentins voguer aux quatre coins du jardin. Son observation du paysage ne sembla le mener à aucune conclusion notable et il se contenta donc d'ajuster son col ainsi que sa capuche de toile avant de s'engouffrer dans la tempête naissante.
Tandis que ce vieux serpent de Vilarquebuse quittait pour de bon le domaine de la noble jeune femme, une porte vitrée s'ouvrait ailleurs pour y accueillir la bête immonde que tous étaient si désireux de jeter aux flammes. Ne surprenant qu'à peine la conversation entre Hélénaïs et Emérée lors de son détour, Abraham ne s'offusqua guère d'entre la chipie de service se montrer toujours plus méfiante à son égard. Il ne lui reconnaissait que peu de torts et si elle avait tendance à l'agacer, c'était principalement parce qu'elle disait vrai.
Le craquement électrique devenu si commun en cette demeure se fit entendre et, dans une impulsion électrique, Abraham réapparut au beau milieu de la pièce. Son regard croisa celui de la domestique et, relativement étrangement, ce ne fut pas l'habituelle expression renfrognée et emplie de ressentiments que le renégat vit dans la grimace de la shoumeïenne. Pivotant très légèrement la tête en biais en signe d'intérêt, il mit un certain temps à décrypter ce qui ressemblait presque à une mine implorante. Ne lui avez-vous pas fait assez de mal ? semblaient dire ces yeux qu'on eut dit sur le point de se border de larmes. Abraham, malheureusement; n'en était plus à considérer un éventuel départ.
S'accrochant comme une lamproie à un cœur qui ne pouvait accueillir toute la noirceur qu'était la sienne, le Cerbère déchu n'eut pas besoin de faire signe à Emérée de disposer pour qu'elle y consente à contrecœur, Hélénaïs s'étant montré plus que clair sur la question. Elle avait déjà suffisamment outrepassé ses droits pour aujourd'hui et le savait, mais son plus redoutable ennemi n'était certainement pas prédestiné à une victoire pour autant. La venue du Limier venait d'ajouter du sel aux plaies, alimentant ainsi des doutes déjà tenaces concernant l'effarante déraison de cette nouvelle vie. Abraham et la domestique n'échangèrent pas un mot, rien de plus d'ailleurs qu'une œillade noire; puis la jeune intruse prit la porte et s'en alla vaquer à ses occupations.
Abraham n'engagea pas immédiatement la conversation avec sa moitié. Il n'y eut ni soupir, ni tentative de relativiser la gravité du moment. Dans un tel contexte, il savait qu'il ne suffirait pas d'un peu de poésie et de palabres enrobées de sucre afin de se tirer du mauvais pas dans lequel on venait de plonger. A la pensée d'être ainsi enfermé dans une énième bataille destinée à justifier ses positions, le renégat sentit poindre une bien féroce frustration. Ne pouvait on pas les laisser en paix ? N'était ce pas déjà suffisamment difficile pour eux deux de vivre leur idylle en dépit de tous les obstacles ?
Il progressa lorsqu'Hélénaïs porta une nouvelle fois sa boisson à sa bouche, comme si ce geste pourtant bien peu ostentatoire constituait une invitation à converser. Passant furtivement derrière l'assise de son amante, Abraham s'abaissa dans un léger grincement d'acier éprouvé et passa ses bras arachnéens autour des épaules de la jeune femme, l'embaumant ainsi dans une froide embrassade. Réalisant tout juste à quel point sa courte sortie l'avait trempé, il s'écarta subitement d'Hélénaïs lorsque quelques gouttes commencèrent à perler depuis ses cheveux bruns pour venir s'échouer sur le cou exposé de la belle. Ce timide câlin ne dura donc qu'un court instant mais cela fut suffisant pour qu'Abraham puisse établir, dans sa généralité, l'actuel mode de pensée de celle qui l'obsédait tant.
Elle ne l'accueillait pas avec passion mais ne le rejetait pas pour autant; et elle lui réservait donc un traitement silencieux par confusion et non pas colère. En circulant dans la salle, Abraham trouva un linge propre qui avait sans doute été laissé près d'une table davantage pour de l'alimentaire que pour qu'il fasse sa toilette mais cela lui sembla convenable en de telles circonstances. Il n'avait pas le temps de faire un tour par une salle de bain, il était hors de question de laisser Hélénaïs seule avec ses pensées; c'était du moins ce que lui dictait son instinct. Assez sommairement, Abraham amena le tissu à ses cheveux et les sécha au mieux; ce pour ensuite se défaire du veston que lui avait d'ailleurs offert sa précieuse amie. En chemise humide, il retourna aux côtés de sa dulcinée et constata non sans inquiétude qu'elle n'avait pas bougé d'un pouce, visiblement choquée par les propos de Vilarquebuse. Se glissant presque sans un bruit sur l'assise, il s'y adossa puis se risqua à poser ses griffes sur l'une des épaules de sa douce, l'approchant ainsi de lui pour l'inciter à poser sa tête contre son torse. Son verre serré contre elle, Hélénaïs semblait à deux doigts de l'explosion.
"Je te demande pardon."
Des excuses, encore. Il était rare qu'il en ait besoin si régulièrement et bien qu'elles aient un certain effet en temps normal, elles avaient tendance à en perdre drastiquement lorsque l'on en abusait. Abraham, fort heureusement, n'avait pas la bêtise d'en rester là :
"Non pas que je t'ai caché quoi que ce soit, mais toutes les vérités ne sont pas bonnes à entendre. Pas aussi... frontalement, je suppose. J'ai voulu te préserver de tout cela, de ce que je fais à l'extérieur... L'occasion ne se présente pas vraiment et tu te doutes que je n'ai que rarement envie de sacrifier nos moments à deux en évoquant de si noirs sujets."
Inspirant un grand coup, il s'enfonça un peu plus dans le canapé et commença naturellement à toucher les bords du verre de whisky de sa main libre tandis que l'autre dextre venait caresser la tête d'Hélénaïs tout en douceur. C'était généralement par ces petits moments de pure intimité qu'il lui faisait perdre en lucidité, l'amenant dans un rêve où elle pouvait se projeter plutôt que le la laisser s'enfermer dans la mélancolie du réel. Affectueusement, il apposa une tempe contre l'épaule de son amante et conclut en marmonnant :
"Nul secret entre nous. Si une interrogation te chagrine, j'y réponds sans détour.
A quoi penses tu, mon cœur ?"
Tout en prononçant ces mots, Grisaille secoua rapidement le carnet mal entretenu sur lequel il avait inscrit quelques mystérieuses annotations depuis son entrée en scène. Véritables pense-bêtes ou simple stratagème visant à déstabiliser les interrogés ? Nul ne pouvait le dire. Arborant une mine emplie de bête satisfaction; le Limier prit soin de vérifier qu'il n'avait oublié aucun de ses effets personnels sur son assise et lorsque cela fut fait, il adressa une instinctive révérence à la demoiselle et s'éclipsa poliment, non sans rajouter d'abord quelques mots de soutien détenant une étrange aura :
"...Et prenez soin de vous, madame de Casteille. Les gens comme vous, les gens bien... nous en avons besoin à la tête de ce pays."
Et ce fut tout. Raccompagné jusqu'à la porte d'entrée par les domestiques, Nestor s'immobilisa une minute sur le palier et sans accorder une quelconque attention à la pluie battante qui commençait déjà tremper son long manteau cri, il laissa ses yeux serpentins voguer aux quatre coins du jardin. Son observation du paysage ne sembla le mener à aucune conclusion notable et il se contenta donc d'ajuster son col ainsi que sa capuche de toile avant de s'engouffrer dans la tempête naissante.
Tandis que ce vieux serpent de Vilarquebuse quittait pour de bon le domaine de la noble jeune femme, une porte vitrée s'ouvrait ailleurs pour y accueillir la bête immonde que tous étaient si désireux de jeter aux flammes. Ne surprenant qu'à peine la conversation entre Hélénaïs et Emérée lors de son détour, Abraham ne s'offusqua guère d'entre la chipie de service se montrer toujours plus méfiante à son égard. Il ne lui reconnaissait que peu de torts et si elle avait tendance à l'agacer, c'était principalement parce qu'elle disait vrai.
Le craquement électrique devenu si commun en cette demeure se fit entendre et, dans une impulsion électrique, Abraham réapparut au beau milieu de la pièce. Son regard croisa celui de la domestique et, relativement étrangement, ce ne fut pas l'habituelle expression renfrognée et emplie de ressentiments que le renégat vit dans la grimace de la shoumeïenne. Pivotant très légèrement la tête en biais en signe d'intérêt, il mit un certain temps à décrypter ce qui ressemblait presque à une mine implorante. Ne lui avez-vous pas fait assez de mal ? semblaient dire ces yeux qu'on eut dit sur le point de se border de larmes. Abraham, malheureusement; n'en était plus à considérer un éventuel départ.
S'accrochant comme une lamproie à un cœur qui ne pouvait accueillir toute la noirceur qu'était la sienne, le Cerbère déchu n'eut pas besoin de faire signe à Emérée de disposer pour qu'elle y consente à contrecœur, Hélénaïs s'étant montré plus que clair sur la question. Elle avait déjà suffisamment outrepassé ses droits pour aujourd'hui et le savait, mais son plus redoutable ennemi n'était certainement pas prédestiné à une victoire pour autant. La venue du Limier venait d'ajouter du sel aux plaies, alimentant ainsi des doutes déjà tenaces concernant l'effarante déraison de cette nouvelle vie. Abraham et la domestique n'échangèrent pas un mot, rien de plus d'ailleurs qu'une œillade noire; puis la jeune intruse prit la porte et s'en alla vaquer à ses occupations.
Abraham n'engagea pas immédiatement la conversation avec sa moitié. Il n'y eut ni soupir, ni tentative de relativiser la gravité du moment. Dans un tel contexte, il savait qu'il ne suffirait pas d'un peu de poésie et de palabres enrobées de sucre afin de se tirer du mauvais pas dans lequel on venait de plonger. A la pensée d'être ainsi enfermé dans une énième bataille destinée à justifier ses positions, le renégat sentit poindre une bien féroce frustration. Ne pouvait on pas les laisser en paix ? N'était ce pas déjà suffisamment difficile pour eux deux de vivre leur idylle en dépit de tous les obstacles ?
Il progressa lorsqu'Hélénaïs porta une nouvelle fois sa boisson à sa bouche, comme si ce geste pourtant bien peu ostentatoire constituait une invitation à converser. Passant furtivement derrière l'assise de son amante, Abraham s'abaissa dans un léger grincement d'acier éprouvé et passa ses bras arachnéens autour des épaules de la jeune femme, l'embaumant ainsi dans une froide embrassade. Réalisant tout juste à quel point sa courte sortie l'avait trempé, il s'écarta subitement d'Hélénaïs lorsque quelques gouttes commencèrent à perler depuis ses cheveux bruns pour venir s'échouer sur le cou exposé de la belle. Ce timide câlin ne dura donc qu'un court instant mais cela fut suffisant pour qu'Abraham puisse établir, dans sa généralité, l'actuel mode de pensée de celle qui l'obsédait tant.
Elle ne l'accueillait pas avec passion mais ne le rejetait pas pour autant; et elle lui réservait donc un traitement silencieux par confusion et non pas colère. En circulant dans la salle, Abraham trouva un linge propre qui avait sans doute été laissé près d'une table davantage pour de l'alimentaire que pour qu'il fasse sa toilette mais cela lui sembla convenable en de telles circonstances. Il n'avait pas le temps de faire un tour par une salle de bain, il était hors de question de laisser Hélénaïs seule avec ses pensées; c'était du moins ce que lui dictait son instinct. Assez sommairement, Abraham amena le tissu à ses cheveux et les sécha au mieux; ce pour ensuite se défaire du veston que lui avait d'ailleurs offert sa précieuse amie. En chemise humide, il retourna aux côtés de sa dulcinée et constata non sans inquiétude qu'elle n'avait pas bougé d'un pouce, visiblement choquée par les propos de Vilarquebuse. Se glissant presque sans un bruit sur l'assise, il s'y adossa puis se risqua à poser ses griffes sur l'une des épaules de sa douce, l'approchant ainsi de lui pour l'inciter à poser sa tête contre son torse. Son verre serré contre elle, Hélénaïs semblait à deux doigts de l'explosion.
"Je te demande pardon."
Des excuses, encore. Il était rare qu'il en ait besoin si régulièrement et bien qu'elles aient un certain effet en temps normal, elles avaient tendance à en perdre drastiquement lorsque l'on en abusait. Abraham, fort heureusement, n'avait pas la bêtise d'en rester là :
"Non pas que je t'ai caché quoi que ce soit, mais toutes les vérités ne sont pas bonnes à entendre. Pas aussi... frontalement, je suppose. J'ai voulu te préserver de tout cela, de ce que je fais à l'extérieur... L'occasion ne se présente pas vraiment et tu te doutes que je n'ai que rarement envie de sacrifier nos moments à deux en évoquant de si noirs sujets."
Inspirant un grand coup, il s'enfonça un peu plus dans le canapé et commença naturellement à toucher les bords du verre de whisky de sa main libre tandis que l'autre dextre venait caresser la tête d'Hélénaïs tout en douceur. C'était généralement par ces petits moments de pure intimité qu'il lui faisait perdre en lucidité, l'amenant dans un rêve où elle pouvait se projeter plutôt que le la laisser s'enfermer dans la mélancolie du réel. Affectueusement, il apposa une tempe contre l'épaule de son amante et conclut en marmonnant :
"Nul secret entre nous. Si une interrogation te chagrine, j'y réponds sans détour.
A quoi penses tu, mon cœur ?"
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