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  • Sam 20 Juil - 1:52
    Il était une fois, une époque lointaine, bien lointaine des contes de fées, des âmes gémeaux, du noir et du blanc, une époque troublée où s’agitent les forces de deux mondes opposés dans un combat primal pour le droit le plus fondamental, celui de vivre et de laisser mourir.



    Dans les cieux nuageux où se perdent les rayons de soleil qui ne trouveront jamais la terre ferme, le froid mordant du vent glacial de l’hiver refroidit lourdement l’humidité de l’atmosphère en une constellation givrée de cristaux fractals merveilleux. Un de ces petits flocons, aux branches étoilées qui reflètent la lumière prismatique du divin, chute de son perchoir de coton, alourdi par la glace encore humide qui le compose. Il descend délicatement avec toute la légèreté du monde, descendant du royaume divin des cieux pour rencontrer le monde sordide qui l’attend en dessous. En bas, c’est un enfer qui s’étend à perte de vue. Petit flocon n’a pas la chance de se poser sur le dôme protecteur du dernier bastion elfique qu’on peut encore voir au loin comme une coquille fragile qui ressort de l’horizon, mais il continue sa course vers les plaines ravagées par la guerre, la maladie, la magie, les Titans, les mortels et le temps.

    En bas, c’est un univers tout entier de désolation, il ne reste que des ruines démolies par la folie des créateurs et la rage de vivre du peuple de Sekaï. Il ne reste que des cadavres à perte de vue, croupissant dans la boue, l’eau et le sang, parfois ensevelis sous des tonnes de terre, parfois écrasés par des forces inconnues tant et si bien qu’il n’y a plus rien de reconnaissable des corps, juste une mixture vaguement rougeâtre dont certains os protubérant rappellent l’être vivant qu’ils étaient d’antan. Il ne reste que les reliquats d’un affrontement colossal, le terrain déformé par le déchaînement de magie des Divins d’une part et des humains, nains, elfes d’exception de l’autre. D’énormes étendues vitrifiées par la chaleur des flammes purificatrices, des cratères noirâtre où une foudre punitive a frappé, des reliefs topologiques aux géométries trop parfaites à cause des déchaînements d’arcanes telluriques, des creux innondés par une eau ou une glace surnaturelles et des sols stérilisés par les poisons magiques, le monde est stigmatisé par une guerre que le paysage ne sera pas prêt d’oublier.

    Les Titans ont affronté les elfes pour la destruction de Melorn et ces derniers ont résisté, mais le prix en vies mortelles s’est révélé si élevé que les survivants ne peuvent se déclarer vainqueur, un lourd rappel du non-conformisme du monde devant la binarité aussi simple d’un gagnant et d’un perdant, du bien et du mal, du noir et du blanc. Sur le champs de bataille, une multitude d’armes et de corps hérissent la boue comme les poils dressés d’une peau glacée, et plus impressionnantes encore sont les colossales armes de pierre d’une taille titanesque, plantées dans le sol irrégulièrement à travers le paysage, rémanences de la présence des Titans, d’attaques formidables de pierre ou d’invocations gargantuesques. Ces lames solides parsèment le paysage comme les seuls arbres qui trônent sur la mort semée en sillons rangés à travers les terres. À quelques endroits, ça et là, des gouffres sont encore visibles d’endroits où ces lames divines se sont enfoncées pendant les combats, creusant des losanges abyssaux selon la tranche de l’arme, parfois effondrés sur eux-mêmes, parfois engloutis par les eaux et le sang.

    Au milieu de la désolation, un homme marche d’un pas lent dans un silence respectueux des âmes des défunts qui hantent encore certainement les cendres trop fraîches, ou alors ce n’est là que le fruit de sa solitude. Un livre flotte à ses côtés avec une plume qui le suit à la trace, la pointe virevoltant sporadiquement pour inscrire les notes que cette personne relève lascivement. Quel meilleur laboratoire que les champs de batailles souillés de sang? Vêtu d’un manteau de voyage dont la couleur originale est masquée par la boue et la crasse, il s’arrête en face d’une des épines de pierre qui défigure le paysage. La personne tend un bras vers la pierre colossale et vérifie l’absence de radiations titanesque de la roche, seulement après s’être assuré qu’elle est bien inerte, il écarte les pans de sa cape, dévoilant une épaisse veste en fourrure noire pour contrer le froid des terres nordiques, et il fouille dans une des nombreuses sacoches de cuir accrochées le long de ses bretelles pour en sortir un petit racloir de prélèvement et un flacon adéquat. Il gratte la surface de l’épée gargantuesque pour faire tomber quelques poussière de la matière dans le bocal avant de le thésauriser précieusement dans sa besace, et il lève ensuite la tête vers le pommeau de l’arme, faisant ainsi basculer sa capuche vers l’arrière.

    Son visage est dur et ses traits sont anguleux, ses sourcils froncés au repos lui donnent une morphologie naturellement abrupte, il possède de petits yeux aux iris pêche, d’une couleur crème délavée où ne brille aucune lueur, pas même celle du soleil qui se cache derrière les nuages. Son nez droit et épais siège au dessus d’une bouche aux lèvres rêches et gercées par le froid, les cristaux de givre qui peignent sa moustache et son début de barbe cachent à peine les creux de ses fossettes dûs à la fatigue. Des cheveux blancs mal coiffés aux longueurs irrégulières encadrent un front plissé par la dureté de la vie, et que ce soit à cause des angles saillants, des rides d’aigreur ou des cernes exténués, son visage fermé demeure sérieusement inexpressif. Il se tient debout au milieu du champs de bataille, regardant pensivement les cieux devant cette épée gigantesque qui ne saurait pourtant atteindre les nuages, et en écartant un peu plus les plis de sa cape pour les rassembler dans sa main et la ramener devant lui par dessus son épaule, il dévoile une surprenante paire d’ailes. Des membranes fines et translucides, à l’apparence cassante mais d’une beauté saisissante, se déplient en partant d’un trou du vêtement entre ses omoplates pour s’agiter d’un faible mouvement, et comme par magie le fae imite son livre et sa plume en s’envolant vers le pommeau de l’arme de pierre. Il pose un pieds une vingtaine de mètres au dessus du sol, ses cheveux balayés par les vents mordants de l’hiver pendant qu’il place sa main en visière pour constater un peu mieux l’étendue des ravages. Il n’y a que les empreintes de la guerre à perte de vue et Melorn qui demeure stoïquement debout au loin, mais il n’a nulle envie de gagner cette ville, il est déjà là où il veut être.

    Un petit flocon de neige passe devant le fae, il tend la main pour l'effleurer et ses yeux crèmes suivent mélancoliquement la trajectoire du petit cristal givré qui oscille dans sa chute vers la base de la lame rocheuse enfoncée dans le sol. L’homme fronce alors les sourcils en remarquant quelque chose de singulier, il y a un jeu entre le sol et le pilier, comme si le Titan qui l’y avait enfoncé avait cherché à l’en déloger sans succès, ou comme s’il s’était appuyé dessus et l’avait fait creuser un peu plus la terre. Ce qui interpelle cependant le chercheur magicien, ce n’est pas cette singularité si insignifiante, mais plutôt la forme minuscule qui git en contrebas et qui paraît encore bouger. On dirait… une ange, les ailes du fae vibrillonnent comme pour rappeler la différence drastique entre elles-même et la paire d’élytres divines dont l’une des rémiges brisée git futile aux côtés de sa propriétaire. Elle semble recroquevillée sur le sol et ne bouge pas, mais ce sont les secousses chaotiques qui animent son corps qui ont attiré l’attention de l’observateur du charnier.

    Quittant la garde de l’arme sur laquelle il était perché, l’homme aux cheveux blancs descend rejoindre la fille d’Aurya, et au fur et à mesure qu’il quitte les cieux et que les hurlements du vent cessent, ils sont aussitôt remplacés par ceux de la survivante. Un des sévères sourcils de l’homme frémit en entendant les plaintes déchirantes qui émanent de la rescapée, ce n’est pas qu’une blessure charnelle qui arrache ces suppliques, c’est le cri d’un coeur qui saigne, d’une âme toute autant en peine que la Nature en ces lieux. Le fae s’immobilise à quelques mètres au dessus de cet oiseau perdu, repliant ses jambes en tailleur dans les airs, il se penche en avant pour mieux la regarder. Elle est face contre terre, une de ses ailes apparait bien brisée, et une blessure hideuse défait la perfection titanide de son corps à sa jambe droite. D’ici il ne voit pas son visage, mais ses vêtements déchirés dévoilent assez de ses formes pour qu’il juge de sa divine conception, et la détresse dans sa voix, elle trahit la douleur d’une âme qui a perdu jusqu’à se perdre soi-même, la présence d’une souffrance déboussolée par la perspective de l’avenir dépeuplé… il connait ces cris, il avait poussé les mêmes, allongé sur le rivage d’un étang, il y a très, très longtemps.

    Son regard continue de fixer l’opaline précieuse qui se tord de douleur en dessous de lui, elle s’étouffe dans ses pleurs, hoquète pour rattraper son souffle et hurle et gémit et pleure et lamente et crache et glapit tant que ses cordes vocales le lui permettent, tant qu’elle a encore la force de souffrir à voix haute. Le voyageur réfléchit tandis que se dépose sur la chevelure angélique teintée de saleté, le petit flocon de neige esseulé, il est perdu dans la contemplation de la seule trace de vie à des kilomètres à la ronde, mais quelle pitoyable démonstration de vie, d’un geste de son doigt il extirpe un scalpel volant d’une trousse à sa cuisse, lame pointée, prête à fuser pour accorder un acte de grâce à cette frêle victime à la fois de la cruauté du monde et de celle plus perfide encore de ses créateurs.

    Elle appelle sa soeur.

    Sur le visage d’ordinaire placide de l’homme au dessus d’elle, un début d’expression se dessine, ses yeux s’agrandissent un instant alors que quelque chose en lui réagit à cet appel désespéré, l’espace d’un court instant il se revoit, dans le sable, échoué et lessivé par les eaux des rapides, appelant un frère qu’il ne reverra plus jamais. Si la froideur cruelle de ce champs de bataille perdu dans la toundra des terres nordiques ne se réchauffera jamais, le givre de son coeur fond un peu. La plume et le livre s’affairent à noter ses remarques tandis que le scalpel retombe doucement dans sa main à l’arrêt de sa télékinésie, et il range l’outil à sa place alors qu’il abaisse son corps vers le sol. Ce n’est que quand sa botte se dépose dans la boue devant l’ange qu’elle réagit enfin à sa présence, et le fae debout devant elle s’agenouille doucement, tout doucement en face d’elle. Perché sur la pointe des pieds, les mains croisées sur ses genoux, il est penché en avant pour la dévisager, et avec un très faible sourire d’une sincère prise de pitié, il murmure:

    ”N’es-tu pas une une fragile petite chose?”

    Son visage est hideux, distordu par des sentiments trop humain pour son corps divin, ceux de la perte, de l’échec, de l’oubli, de la haine, de la tristesse, du deuil. Le voyageur pince ses lèvres devant tant de souffrance, mais il reste sur le qui-vive, prêt à envoyer une soldat du divin rejoindre les autres fantômes errants de ces plaines s’il se trouve qu’elle aurait surprenamment encore de quoi se battre.

    ”Dis moi, qu’est-ce que je devrai faire de toi?”
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  • Dim 28 Juil - 19:06

    Être dépecée vivante aurait sans doute été préférable. La douleur aurait été moins lancinante.

    Misérable, gisant dans la boue comme si elle n’était pas un ange, Phèdre était une masse de souffrance à peine contenue. Elle gémissait à travers ses dents serrées, teintées d’un sang vermillon qui n’était pas que le sien. Sa peau opaline était mouchetée de noir et sa robe blanche n’était guère plus qu’une guenille.

    En d’autres circonstances elle se serait intéressée à ce genre de détails mais aujourd’hui, elle s’en fichait éperdument. Parce qu’elle avait mal, tellement mal. Tout en elle n’était plus qu’un océan de détresse. Sa chair était meurtri, son corps était brisé mais ce n’était rien comparé à la violence du désespoir qui l’assaillit lorsqu’elle revit le visage de Siame disparaître en même temps que le sol sur lequel elles se trouvaient s'effondrait. Elles avaient été séparées. Combien de temps ? Phèdre était incapable de le dire. Peut-être Siame avait-elle réussi à s’envoler et à rejoindre les autres. Peut-être était-elle, elle aussi blessée, en train de ramper pour échapper à une mort aussi pitoyable que celle que Phèdre fuyait. L’ange aussi avait été englouti par l'effondrement ; un pant de mur l’avait entraîné dans les entrailles du bâtiment en train de chuter et elle ne devait son salut qu’à la grâce des Huit qui l’avaient préservés. Seule, elle s’était traîné parmi les décombres, avait arraché sa jambe au piège où il était empalé. La panique avait manqué de l’assaillir mais sa crainte de la solitude avait été un moteur suffisamment puissant pour qu’elle ne se laisse pas mourir dans ce tombeau poussiéreux. Et puis la lumière avait percé entre deux monceaux de bois de charpente. A peine assez large pour laisser son corps frêle s’y faufiler. Mais Phèdre était un ange et elle avait des ailes. Un vieil ange, les dieux en soient loués, que la souffrance physique n'effrayait plus depuis bien longtemps. Alors elle s’était simplement brisé une aile comme l’on déciderait de casser un morceau de bois pour le feu. Les os pouvaient se ressouder, s’était-elle dit car si elle ne craignait pas la douleur, elle n’y était pas étrangère. Ainsi, elle s’était délivré de sa cage souterraine avant de perdre connaissance.

    Rien. Il n’y avait plus rien sauf l’odeur de la poussière, de la mort, du sang et de l’eau croupie lorsqu’elle avait rouvert les yeux. Autour d’elle, le monde semblait avoir arrêté de tourner. Il était sombre, seulement fait de gris, de noir et de silence. Combien de temps s’était-il écoulé depuis qu’elle avait chuté ? La brume s’enroulait autour de son corps gelé comme un amant, le froid s’était ancré jusque dans ses os. Sans doute aurait-elle dû mourir. C’eut été logique. Mais la mort ne semblait pas encline à lui tendre les bras et l’avait laissé là, esseulé dans la plaine infinie de cadavres qui constituait désormais les faubourgs de Melorn.

    Pourquoi les siens étaient-ils partit sans elle ? Phèdre se redressa sur les coudes. L’avaient-ils cru morte ? Les plaies sur ses avants bras la brûlèrent lorsqu’elle les fit racler dans la boue. L’avaient-ils chercher ? Son pied endoloris heurta une aspérité et elle hurla réponse, cherchant à extirper son membre de l’étaux de la terre humide. Dans un bruit de succion infect elle y parvint. Est-ce qu’ils l’avaient abandonnés ? Ce qu’elle découvrit à l’extrémité de sa cheville ne présageait rien de bon : un liquide blanchâtre s'échappait de la plaie boursouflée. Phèdre n’était pas mortelle mais elle savait que son corps se pliait hélas aux mêmes règles. Alors dans un sursaut d’instinct de conservation, elle rampa plus loin, jusqu’aux pieds d’un pilier où la vase était moins nauséabonde, le vent moins violent mais quand elle l’atteignit la terre ouvrit sa bouche béante sous elle et l’avala tout entière.

    “Siame est morte.” Fut la première pensée qui vint à Phèdre quand elle ouvrit les yeux. Ce fut également la dernière lorsqu’elle sombra dans l’inconscience.

    “L’on m’a pris ma sœur.” Fut sa première pensée le second jour. Mais également la dernière lorsque son esprit s’éteignit.

    “Je suis seule.” Fut sa première pensée au troisième jour. “Je ne veux pas être seule. Pitié. Je ne veux pas être seule.” Fut sa deuxième pensée au troisième. “Achevez-moi, je vous en prie.” Fut la troisième. Quel intérêt y avait-il à exister si sa sœur n’était plus ? Parce qu’il n’y avait aucune autre raison pour que Phèdre gise lamentablement ici-bas : Siame était morte. Sinon rien ne l'empêcherait de retrouver sa cadette. Rien ne pouvait arrêter l’amour des jumelles, le croyait-elle tout du moins suffisamment pour préférer la mort à la vie sans elle.

    Bientôt plus que la solitude, ce furent le froid et la fièvre qui s’imposèrent à Phèdre, écrasant son corps, accablant son esprit. Des larmes amères se mirent à couler creusant des sillons de peau blanc sur ses joues sales.

    - Siame. Gémit-elle d’une voix éraillée, muette depuis trop longtemps. - Rendez la moi. Rendez là moi. Une supplique. Un ordre. Une demande. Une prière. - Rendez-moi ma sœur…  Pitié. Un ange, supplier, réclamer de la pitié ? Pour cette seule raison, Phèdre savait qu’elle ne méritait pas que l’on accède à son souhait. Mais elle n’en avait cure. Elle voulait sa sœur, la chaleur de sa voix, la protection de ses bras, le réconfort de son odeur. Et si pour l’avoir elle devait se couvrir déshonneur, soit.

    Elle n’était pas seule, remarqua-t-elle lorsqu’elle une paire de botte se posa suffisamment près de son visage pour qu’elle ne conscientise sa présence. Ses sanglots se tarirent aussi vite qu’ils lui était venu et par réflexe, elle tenta de dissimuler son faciès derrière ses plumes. Comme si un rempart duveteux pouvait la mettre à l'abris de quoi que ce soit. Hélas son aile ne fit que lui arracher un hoquet douloureux.

    L’homme se baissa, lentement. Bientôt il fut assez proche pour qu’elle discerne la couleur de ses yeux et lui des siens. Qui était-ce ? Un envoyé des huit ? “Je ne suis pas fragile.” avait-elle envie de lui rétorquer. Mais ne l’était-elle pas ? Allongé dans la vase comme une bête à l’agonie.

    Son regard se planta dans celui de l’inconnu de longues secondes avant qu’elle ne laisse retomber sa tête sur le côté, lasse.

    - Finissez ce qu’ils ont commencé… Souffla-t-elle. - Vous êtes avec eux, n’est-ce pas ? Les infidèles. Les mortels. Ses yeux se perdirent un instant dans le vide, loin, très loin de l’endroit où ils se trouvaient. Ils étaient dans le passé. Dans un monde où Zachary était en vie, dans un monde où ils avaient pu vivre, dans un monde où Siame se tenait à ses côtés et où les divins étaient tout. Puis elle revint à elle et l’observa. Il n’était pas beau, il n’était pas laid non plus mais il serait le dernier qu’elle verrait. Un rire léger, un peu fou s’arracha à ses lèvres tremblantes. - Je ne voulais juste pas être seule. Puis ses iris azur disparurent derrière ses paupières et elle soupira. D’aise ? De soulagement ? De terreur.

    Par les dieux qu’il fasse vite.
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  • Mer 7 Aoû - 2:51
    Et de son miroir brisé, il espère recoller les morceaux, et pendant qu’il se coupe les doigts à ramasser les éclats il nie de ses pensées l’évidence même:

    Qu’importe à quel point il s’appliquera à le réparer, l’image sera toujours fêlée.




    Elle soutint son regard un moment, avant de s’affaler de nouveau dans la boue. Sa chevelure sale ne laisse plus que difficilement deviner sa blancheur naturelle, comme une image du reste de ce champs de ruine et de désolation, la beauté de Sekaï violée par l’ire des Titans, une ange magnifique saccagée pour un conflit insensé. Ironique. Le Voyageur sent ses lèvres se serrer à l’entente des mots désespérés de la fille d’Aurya, il connait cette douleur, celle de perdre une moitié, une vraie moitié, pas celle du soi-disant amour, celle de la fraternité. La sensation qu’un pilier de sa vie, un roc immuable présent depuis sa naissance même, une partie intégrante non seulement de sa famille mais de ses racines, de sa personnalité, de ses souvenirs, qui s’efface à jamais. Sans rien pouvoir y faire. Impuissant. Nul. Débile. Perdu. Il offre à l’ange un sourire contri d’une compassion encore douloureuse, c’est marrant parce qu’il aurait cru qu’après les années d’errance et le passage du temps une telle cicatrice se serait refermée dans son coeur, il a vu des choses bien plus horribles durant ses études interminables des ars obscura, et pourtant. L’ange fait bonne figure mais les tressaillements de douleur brisent la cohérence de sa façade, sur ses joues des traces éclaircies descendent de ses yeux jusqu’à son menton là où ses larmes ont emporté la crasse sur leur passage, ses paupières rouges et ses iris encore embuées ne le trompent aucunement. Malgré tout elle essaie quand même d’être forte. L’homme sourit, c’est déjà bien plus que ce qu’il n’avait réussi à faire à sa place.

    Quand elle manifeste sa peur de l’esseulement, elle ferme doucement ses yeux comme pour accepter le trépas qu’elle croit voir venir de sa main, mais le fae au lieu d’achever l’animal blessé, imite son soupir. Accroupit devant elle, il écarte les pans de son manteau pour porter sa main à la sacoche attachée à sa cuisse, il détache simplement le bouton de la fermeture et guide d’un index baladeur un scalpel en dehors de son étui, pour l’amener dans sa main.

    ”Les infidèles? Les mortels, immortels, Titans, Gardiens… c’est finit tout ça, il n’y a plus de camp. Il n’y en a jamais eu.”

    Elle rouvre ses délicates iris dont la couleur lui renvoie celle des cieux, avant de le regarder avec un air las, le voyageur sait bien qu’elle n’a que faire de sa philosophie de comptoir, il se voit à travers elle, il se projette en elle, qu’importe si c’est différent, qu’importe s’il n’a rien d’un immortel, d’un hymne au parfait, qu’importe s’il n’a perdu qu’un frère, il y a quelque chose en elle qui résonne en lui, et c’est ça qu’il appel. Il brandit le scalpel à mi-chemin de leurs regards entremêlés, la lame coupant parfaitement son visage en deux dans sa ligne de vue.

    ”Est-ce que tu penses vouloir mourir?”

    Lentement, sans rien exprimer de plus que ce même air de pitié condescendante, il tend sa main libre pour saisir le bras de l’ange et le tire à lui, doucement, il remonte lentement sa main le long de son avant-bras, glissant jusqu’au poignet avant d’écarter ses doigts nus et rougis par le froid, blanchis par le sang, le scalpel vient magiquement s’y glisser et le voyageur resserre de ses deux mains la poigne de la fille des Titans autour du manche froid de l’acier, il guide délicatement l’index de l’ange le long du plat de la lame pour assurer sa prise dessus, et replie enfin son coude pour lui faire tendre la pointe affutée contre son propre cou.

    ”Là, juste ici, c’est ta carotide.” Une goutte de raisiné sacré perle sur l’outil des profanes sciences, l’homme incline sa tête pour se rapprocher un peu plus de l’ange, son regard quitte les iris de la belle pour descendre le long de son cou jusqu’à la pointe de l’outil et à ces fragiles petits doigts aux creux de ses gants. ”Est-ce que tu veux mourir? C’est une question très simple, il suffit d’y répondre par oui ou par non. Un instant, c’est tout ce dont tu aurais besoin, un petit coup rapide comme tout, tu auras mal, ça va brûler, ensuite tu auras froid et ton cerveau commencera à paniquer, réponse classique quand il asphyxie, après ça tu vas rapidement t’engourdir, ce ne sera pas un bon moment à passer, ce sera de plus en plus confus mais après ça ce sera fini.” Il raffermit sa prise autour des doigts de l’ange, remontant ses yeux pour les plonger de nouveau dans son regard à elle tout en continuant d’une voix attendrie par une compassion qu’il s’était oublié. ”Mmh?”

    La pointe du bistouri s’enfonce d’un millimètre de plus dans sa chair sous la crispation de la chérubine maculant sa nuque d’un nuage de lait dont la pureté ressort au milieu de la noirceur immonde de l’après-guerre.

    ”Ah.” Le visage de l’homme se crispe un peu plus, son sourire triste se fait plus large et ses yeux tombant contemplent la tragédie de cette créature échouée. ”C’est là tout le problème. N’est-ce pas? Tu ne veux pas que ça finisse, tu veux que ça redevienne comme avant. Tu veux la revoir, ta soeur. Tu veux que quelqu’un te dise, que ce n’est pas grave, que tout va s’arranger, que ce n’est qu’une mauvaise farce et que demain le monde reviendra comme il doit l’être... avec elle.” En parlant, il écarte subrepticement ses doigts gantés de la main frêle de l’ange, la laissant décider toute seule de son destin. ”Je ne peux rien te dire de tout ça, mais je peux te dire que ce n’est pas de ta faute.”

    Le simple fait qu’elle ait réussi à s’extirper du gouffre dans lequel elle s’était retrouvée coincée tantôt suffisait à prouver son point, elle ne voulait pas mourir, il y avait en elle comme il y avait eu en lui cette pulsion du tréfond de ses tripes, une volonté incompréhensible mais inéchappable de vivre. Quel qu’en soit le prix. Qu’importe la douleur. Il fallait vivre. Pourquoi? Pourquoi est-ce qu’elle avait survécu? Pourquoi est-ce qu’il avait survécu? Il ne le savait toujours pas, elle ne le saura sans doute jamais.

    ”Ce n’est pas de ta faute.” Il dépose sa main sur la tête de l’ange souillée, écarte doucement ses cheveux pour découvrir un peu plus de ce visage si parfait et si terrible à la fois. ”Je ne peux pas te rendre ta soeur, mais je peux te rendre autre chose que tu as perdu…”

    Il retire sa main et dévie son regard sur le cadavre d’un autre ange à quelques mètres de là, les soeurs et frères du divin jonchent le champ de bataille, preuve mortes de la vincibilité du très-haut, comme si leur fuite au Royaume Divin n’avait pas suffit. Le Voyageur agite ses doigts d’un mouvement d’appel et le cadavre s’anime. Son aile se relève, se tord à un angle impossible à la base de l’omoplate et dans un craquement sordide, s’arrache à feu son propriétaire, avant d’arriver à hauteur du fae, lévitant devant son visage en parallèle de l’aile blessée de sa trouvaille. Il se lève, contourne la silhouette affalée de l’ange du désespoir et s’agenouille de nouveau aux côtés des rémiges meurtries, il apporte l’aile qu’il a arraché avec lui à titre de comparatif et d’un mouvement d’écartement de l’index et du majeur, il rompt les tissus du membre mort pour mettre à vif tendons et nerfs, ses yeux inspectent l’anatomie attentivement, étudiant le parcours des lymphes, l’agencement des canaux, ses doigts oscillent au dessus de l’aile brisée au sol, tentant de retracer les mêmes emplacements. Quand il trouve un point satisfaisant, situé sous la fracture, il glisse une main dans une autre de ses besaces et sort le duo virevoltant de la seringue et son flacon. L’outil de ponction perce l’opercule en cuir fin pour s’abreuver du liquide jaunâtre à base de belle de jour, et le Voyageur vérifie l’absence de bulle d’air avant de se saisir de l’appareil, mais il regarde l’ange un instant de plus avant de procéder. Hésitant.

    ”... je vais… je vais te redonner une raison d’être. J’ai besoin d’un assistant, et puisque tu as été crée parfaite… ” Il entrouvre la même sacoche d’où il a extirpé le flacon d’antidouleur et plonge la seringue dans une autre fiole toujours rangée, sa translucence apparente dissimulée à l’abris des regards. ”... alors tu seras parfaite pour le rôle.”

    L’aiguille s’enfonce et injecte la belle de jour coupée à l’opiacé dans la veine porteuse de l’aile. La dose aura de quoi la sonner un moment.
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  • Ven 9 Aoû - 10:54
    Etait-ce cela mourir ? Flotter comme si elle était dans les airs mais sans avoir besoin de battre des ailes, ne plus rien ressentir. Ni la douleur de l’absence de sa sœur, ni celle d’avoir perdu aussi bien les siens que la guerre. La caresse du vent n’en était plus une et derrière ses yeux, il n’y avait rien d’autre que la noirceur de l’oubli. Cela l’avait toujours terrifié ; qu’après il n’y ait rien. Malgré ses plus de cinq mille ans d'existence, elle ne voulait pas mourir. Même elle avait été surprise par cette révélation. Lorsque ce mortel lui avait tendu le scalpel, elle avait failli soupirer de soulagement. Son calvaire était sur le point de prendre fin. Elle se voyait trancher son artère exactement là où il lui avait dit, elle se sentait se vider de son sang, l’essence même de la vie quittant ses veines alors qu’elle glissait dans un repos infini où elle rejoindrait sa Siame. Tout cela, elle l’avait vu, elle l’avait senti, elle aurait presque pu prédire cet après fait de rien mais qui aurait été son ultime tout. Pourtant sa main était restée immobile. Suspendu contre sa peau laiteuse, incapable de la transpercer. C’était comme si quelqu’un l’avait retenue, empêchée de s’arracher à son existence amoindrie. Ils la rejetaient. Ses maîtres ne voulaient plus d’elle, c’était la seule raison pour qu’elle n’en ait pas été capable. Ils préféraient la voir errer à jamais esseulée dans un monde qui n’était plus le sien, plutôt que de l’avoir à leurs côtés pour l’éternité. Pour Phèdre, il n’y aurait pas de royaume des morts. Elle était seule. Sa punition pour avoir échoué, leurs punitions. Elle avait failli fondre en larme, hurler et supplier mais rien n’avait franchi la barrière de ses lèvres. Ni sanglots, ni suppliques, même ses larmes avaient cessés de couler ; la douleur fulgurante qui lui déchirait la poitrine les absorbaient déjà toutes de l’intérieur.

    Phèdre avait gardé les yeux rivés sur le mortel sans réagir, sans tenter de comprendre ce qu’il cherchait à faire de l’aile qu’il venait d’arracher à son frère d’arme. Pas plus qu’elle n'essaya de se dérober lorsqu’il s’approcha d’elle. Que pourrait-il y avoir de pire que ce qu’elle vivait ? De souvenir d’ange, Phèdre n’avait jamais ressentit une douleur pareille. Pas physique, son aile déchirée, son pied endoloris et ses diverses contusions n’étaient  rien face à l’abandon. Un chien galeux qu'on laisse sur un bord de chemin, c’est tout ce qu’elle est. Alors elle l’avait laissé la piquer, son corps parcourut par un frisson désagréable avant qu’elle ne voit le monde vaciller et qu’elle se laisse sombrer sans résister. Depuis, elle flottait dans cet étrange nuage de paix incolore où des visages du passé se mirent à défiler.

    D’abord il y eut celui de Martha, l’exécrable bonne femme. Phèdre rêvait encore parfois de l’étrangler de ses propres mains. Puis il y eut Joseph, le fauconnier et Sgaeyl. Qu’était devenu ce faucon  ? Celui que sa sœur lui avait offert. Pourquoi ne volait-elle plus avec lui ? Puis cela lui revint : l’animal était mort depuis bien longtemps. Emporté, comme toutes les créatures mortelles par le temps qui passe. Nés pour mourir, nés déjà morts. Ce qui ne l’avait pas empêché d’en aimer un. De l'aimer avec tant de hargne qu’elle s’était écorchée jusqu’à l’âme. Elle avait gravé son existence en elle pour qu’il la reconnaisse, si d’aventure son âme recroisait la sienne.

    - Zach… Plus un souffle qu’un mot, son visage souriant apparut dans son esprit. La douleur sembla percer à travers la brume des opiacés mais ils la maintinrent à distance et elle s’évapora à nouveau. Tout comme son visage aux yeux mordorés. Ce fut ensuite Siame qui prit place derrière ses paupières. Son visage anguleux, aux hautes pommettes et au menton pointu. - Je veux rentrer à la maison. Murmura Phèdre à sa sœur. Mais l’ange se borna à la fixer en souriant sans la voir avant, d’elle aussi, disparaître. C’aurait dû faire mal, mais ça ne le fit pas et Phèdre la regarda simplement s’effacer comme le ferait une volute de fumée balayé par le vent.

    Le temps était subjectif, il n’existait plus et les minutes, peut-être les heures ou même les jours défilèrent sans que Phèdre ne les voient passer. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle était incapable de savoir où elle se trouvait et encore moins dire à combien de temps remontait sa rencontre avec le mortel. Allongé sur une surface molle, elle se redressa péniblement. L’humidité de la lande avait laissé place à la douce chaleur d’un foyer dont les flammes oranges faisaient danser une étrange valse aux ombres sur le mur. Les cheveux collés à son front à cause de la sueur, Phèdre y passa une main. Elle se sentait horriblement vaseuse et lourde, comme si son corps pesait désormais plus de cent kilos.

    - Où suis-je ? Demanda-t-elle d’une voix râpeuse, sans savoir si quelqu’un se trouvait à ses côtés. Il faisait sombre mais ses yeux peinaient à rester ouvert, comme si une quelconque force l’obligeait à les garder clos.

    Autour d’elle le monde avait complètement changé. Les amas de corps étaient remplacés par des meubles, la boue par de la pierre, la lande par un lit, des couvertures et des murs que le vent glacial n’arrivait pas à pénétrer. Ses yeux se plissèrent alors qu’elle se forçait à analyser, à tenter de reconnaître l’endroit où elle se trouvait. Mais c’était impossible, Phèdre n’était jamais venu ici. Lentement, ses muscles tiraillant chaque parcelle de son corps, elle se redressa, s’avisa de sa nudité sans s’en émouvoir. Son aile lui faisait un mal de chien, elle restait pendante dans son dos et si elle essaya une fois de la ramener à son côté ce fut la seule.

    - Il y a quelqu’un ? Sa voix était plus claire cette fois, mais l’hésitation y perçait aisément. La crainte aussi.

    Avant qu’elle ne puisse faire quoi que ce soit, sa nausée s’intensifia et les draps ne durent leur salut qu’à la vitesse où elle réussit à se pencher par-dessus pour vomir sur le sol.
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  • Ven 9 Aoû - 16:57

    L’oubli est tendre, l’oubli est envoûtant.

    S’oublier soi c’est facile, oublier le passé, beaucoup moins.



    Le Voyageur dévisage l’ange après avoir injecté l’entièreté du sérum dans son aile, la petite tête blanche vacille, elle ne semble ni résister ni se plaindre, simplement s’abandonner à l’instant présent en silence. Le fae attend que le corps tendu de la blessée se relâche, et il se redresse debout en rangeant ses instruments. Le livre flottant dans les airs s’ouvre grand pour accueillir la plume au creux de se reliure et l’obscurantiste referme l’ouvrage d’un geste sec de la main.

    ”Il va falloir rentrer.”

    Il aurait aimé parcourir un peu plus les champs de bataille encore frais des Titans mais sa trouvaille le force à devoir avorter sa petite promenade champêtre au milieu des morts et des décombres. D’un mouvement ascendant du bras, il soulève deux corps d’anges abattus aux environs, un spécimen mâle, une femelle, les deux pantins désarticulés viennent léviter derrière lui pêle mêle, empilés l’un sur l’autre dans l’air. Il baisse la tête pour regarder la troisième qui git à ses pieds, encore vivante mais le regard creux, son crâne dodelinant doucement alors que ses yeux semblent voir l’invisible, et la bouche de l’homme se plisse sous la réflexion. Comment la porter? Il s’accroupit de nouveaux aux côtés de l’aile et tâte d’abord délicatement l’élytre brisée, puis plus fort ensuite, constatant l’absence de réaction de la sujette outre de faibles gémissements. Que l’opiacé fasse déjà autant effet est surprenant, est-ce lié à une quelconque propriété de ce sang blanc? Ou est-ce que la veine qu’il a piqué remonte directement au coeur à l’implantation de l’aile dans le dos? Il ne saurait dire pour l’instant… mais ça viendra. Le Voyageur saisit les épaules et le flanc de l’ange et la retourne sur le dos avant de passer un bras sous ses genoux, l’autre sous son aisselle qui attrape le dos, et il soulève avec un certain effort le corps inerte ou presque de la femme. Elle pèse son poids, mais il devrait y arriver, l’homme aux cheveux blancs fait demi-tour et se remet en route, suivi par les cadavres flottants et les objets volants.

    Un des avantages de la guerre, c’est qu’il n’est plus aussi difficile qu’en temps normal de trouver un toit sous lequel dormir. Le mage avait repéré cette bâtisse qui devait certainement être une propriété nobiliaire avant de servir vraisemblablement de caserne réquisitionnée, mais quand il y était arrivé quelques jours plus tôt, il n’y avait ni les anciens occupants ni les nouveaux pour lui dire qu’il devait repartir. Une si grande maison abandonnée de tous qui resterait certainement oubliée jusqu’à ce que les mortels reconquièrent leurs terres dévastées, le fae passe la porte en bois noir et dépose les cadavres à l’entrée, il s’en occupera plus tard, et monte à l’étage pour atteindre une des trois chambres de la bâtisse. Il allonge l’ange, et alors qu’il ajuste sa position sur le lit pour éviter d’aggraver la situation de son aile, il l’entend murmurer. Un prénom. Zach. Les yeux de l’homme s’attardent quelques instants sur le visage angélique en se questionnant, un père? Un frère? Un ami? Un amant? Qu’importe au final, probablement mort, peut-être même dans la tourbière dont il vient de l’extraire, peut-être est-ce même celui qu’il a ramené à des fins de dissection. Peut-être. Ou peut-être n’est-ce pas un nom mais un lieu, ou un mot incomplet, inutile de passer du temps sur les divagations d’une camée, elle doit planer encore assez fort vu la dose qu’il lui a servie.

    Le Voyageur masse ses bras endoloris et retire son propre manteau qu’il jette sur le fauteuil qui trône devant la cheminée, d’un mouvement de la main il ordonne à quelques bûches de la réserve de se jeter dans l’âtre et il utilise ensuite son briquet à amadou pour démarrer le foyer. Il gèle à l’intérieur depuis qu’il est parti la veille et le froid est toujours aussi mordant sur ces maudites terres nordiques, autant ne pas ajouter l’hypothermie à la liste des maux de la rescapée. Le fae se retourne vers la silhouette qui se trémousse sur le lit entre deux hallucinations, et sa voix rendue rauque par l’air glacial du dehors raisonne dans la maison:

    ”À moi!”

    Quelques instants plus tard, une forme singulière fait son apparition dans le cadre de la porte, un cube façonné dans une roche noire à la géométrie quasi parfaite, autour duquel orbitent deux anneaux dorés coaxiaux fait irruption dans la pièce. L’objet mesure plus d’un mètre de côté, et lévite dans les airs à quelques dizaines de centimètres du plafond.

    ”Ouverture.”

    Sous son injonction, les anneaux accroissent leurs diamètres et la roche noire à la surface régulière se scinde légèrement, révélant des tiroirs de pierre qui s’imbriquent entre eux pour former un cub une fois refermés les uns sur les autres. Une multitude d’outils et de feuillets annotés se dévoilent ainsi à sa vue et le mage noir récupère le nécessaire de soin qu’il voulait obtenir. Laissant le reste de ses affaires flotter au gré du courant d’air et refermant la porte par impulsion télékinétique, il s’approche du corps inerte et débute son office.

    Il s’empare de ciseaux volants et commence déjà par découper la robe au niveau de l’épaule, créant un passage alternatif pour l’aile brisée qu’il ne saurait faire passer dans le vêtement sans plus l’abîmer. L’homme retire délicatement la robe de son corps, prenant soin de ne pas la brusquer malgré les effets encore puissants de l’opiacé, il la met complètement à nue sur le drap et l’espace d’un instant, l’esprit pourtant aigri de l’érudit se perd dans la contemplation de ce corps à l’image de sa mère Titanide. Les courbes descendent le long de cette silhouette avec une harmonie fluide qui rappelle les voluptueuses coulées d’ambres le long des écorces de pin, sa peau ecchymosée ne parvient pas à éclipser son teint de nacre, et quand la paume du fae se perd d’un air absent sur les reliefs délicats de son ventre, il relève la même douceur que les soies des îles. Il reprend son oeuvre en voyant ce même derme se hérisser doucement dû au froid, il ne devrait pas traîner. Le mage répertorie d’abord les blessures ouvertes sur le corps de l’ange en la manipulant précautionneusement, il vérifie que ses articulations plient correctement, omettant d’actionner sa jambe droite et son aile ostensiblement brisée.

    ”Pince, coton, alcool.”

    Les objets virevoltent à travers la pièce, partant du cube ouvert pour venir léviter devant ses yeux à hauteur de sa tête, et il saisit un peu de fibre nuageuse de la tête de l’outil, l’imbibe d’un alcool fort et neutre et tamponne faiblement les multiples coupures et taillades qui blasphèment l’oeuvre d’art. Les gémissements de la victime reviennent, inaudibles, à peine perceptibles, elle divague toujours, ses yeux s’ouvrant de plus en plus rarement, pourtant son poul est rassurant, alors l’homme continue. Il applique des cataplasmes sur les taillades plus grandes, laisse les coupures cicatriser à l’air libre comme il se doit après les avoir stérilisées, et il s’attaque ensuite au plus gros morceau. S’asseyant au bout du lit, le mage noir relève légèrement le pieds de l’ange sur ses propres genoux et se penche sur le trou béant qui le traverse de part en part.

    ”T-t-t.” Il semble réfléchir un instant avant de dire, ”Bronze.”

    Une barre métallique virevolte jusqu’à lui et il l’éclate par télékinésie, fragmentant des échardes du matériau avant de ne se concentrer que sur une seule d’entre elle, il la forme, la travaille attentivement pour lui donner la forme qu’il désire, et saisit un écarteur qu’il enfonce dans la plaie pour retirer les chairs meurtries du passage. Un instant d’hésitation l’envahi en regardant l’hémorragie laiteuse. Il réhausse la tête pour vérifier que l’ange soit toujours inconsciente, et ses yeux reviennent sur la plaie.

    ”Fio… Fiole.” Il enfonce un peu plus l’écarteur contre les tissus, faisant suinter le sang depuis la veine touchée qui vient couler le long de son mollet, et tombe dans le récipient en verre. Le Voyageur thésaurise le sang précieusement dans le coffre de roche et reprend les soins.

    L’écharde de bronze vient se river contre l’os nettoyé, s’imbriquant dans le creux laissé par le squelette fracturé, il permettra à la chair de se reconstruire autour proprement, il nettoie un peu plus la plaie, tari les saignements et coud magiquement la blessure avant d’appliquer un fermoir autour du membre. Il sursaute quand il se laisse surprendre par un autre murmure de l’ange.

    ”Je… veux ren…trer à l…a maison.”

    L’homme regarde la figure angélique et sent son coeur louper un battement à la vue de cette créature si magnifiquement triste, il y a une beauté navrante dans cette misère qu’il ne saurait saisir du bout de ses doigts pour la coucher sur une toile, parce qu’une peinture seule ne fera jamais justice à toute la douleur de leur vie. Parce qu’une chanson ne saurait conter leur souffrance. Parce qu’elle est leur, et leur uniquement. Le Voyageur pose une main fatiguée sur le front de l’ange endormie, caressant la ligne de ses cheveux blancs du bout de son pouce, son propre regard ternie par la naissance d’un reflet humide.

    ”Moi aussi petite ange…” Ses yeux se plongent dans les flammes de l’âtre à travers les baldaquins poussiéreux, voyant dans le feu vorace qui consume les bûches, ses propres souvenirs qu’il préfèrerait offrir au brasier. ”... Moi aussi.”

    Avec un pincement de lèvre de plus et une déglutition difficile, il applique une atèle contre l’aile rompue et place enfin l’ange sous les draps du lit, bien au chaud. Il trace son chemin de retour jusqu’à l’entrée suivi par son coffre de pierre aux anneaux virevoltants et par les quelques outils déjà déballés, et commence à faire léviter les cadavres pour les allonger sur la table de la remise. La dissection se déroule sans réelle découverte majeure, l’arcaniste est plutôt déçu de constater que les propriétés angéliques varient d’un individu à l’autre mais que le gros de leur anatomie à quelques exceptions près sont similaires à celles de l’humain. Les différences se basent surtout autour des ailes et du dos, et des fonctions vitales en rapport avec le vieillissement. Le livre de notes est immobile au dessus du billard où git le corps de l’ange masculin, dépecé et ouvert en grand, ses organes posés à même les plans de travail dans la pièce où règne une odeur de mort et de souffre. L’homme passe une main dans ses cheveux et soupire de frustration, avant de procéder de même avec la femme, il l’ouvre, ausculte, inspecte, découpe, échantillonne… la plume gribouille sur le livre, esquisse croquis et vues anatomiques, anotte, répertorie.

    ”Tiens donc.”

    C’est en arrivant à l’appareil reproducteur qu’il relève une massive différence, la structure des ovaires est étrange, les trompes de fallopes se terminent sur des billes d’une taille plus allongée que chez l’humaine.

    ”Vernier.”

    Il positionne l’outil de mesure contre l’organe avec un air intrigué et pince doucement la poche ovarienne avec les dents de l’instrument. Deux centimètres de plus, de quoi provoquer un froncement de sourcil chez l’érudit, il récupère un bistouri et ouvre la couche corticale pour l’inspecter. Sur ses yeux trônent des lunettes bien particulières, dont la lentille droite et dotée sur la branche de plusieurs bascules portant des focales progressives, lui permettant d’augmenter par effet de loupe sa capacité visuelle. Il règle au plus petit la résolution de son optique et inspecte l’organe sexuel avec une certaine curiosité.

    ”L’âge du sujet est incohérent avec le nombre d’ovocytes restant dans le follicule ovarien.” La plume s’active pour rattraper ses paroles en les couchant sur le papier. ”Hypothèse de la destruction des organismes proto cellulaires recevable, mais improbable. Le corps est froid et les dégâts constatés ne sont pas d’origine physique, il se pourrait que les ovocytes soient d’origine divine…” Il regarde son mur, ses yeux alternant entre les différents organes déposés là et les bocaux d’affaires abandonnées de la remise tandis qu’il réfléchit aux possibilités. ”... donc ils sont peut-être susceptibles à la magie… ou alors euhhh… hmm. Possibilité de fabrication?” Est-ce qu’un ange possède un nombre donné d’ovocytes? Ces créatures sont parfaites et possèdent une vie supposément éternelle, à supposer qu’elles puissent éternellement enfanter, est-ce qu’elles fabriquent leurs propres oeufs au cours de leur vie au lieu… mais dans ce cas…

    Il baisse la tête et écarte un des tissus utérin du bout de la lame du scalpel, regardant attentivement la paroi vaginale et l’endomètre flasque. Les anges ne possèdent pas de connection magique particulière non plus avec les autres plans, ils sont passablement ancrés dans la réalité. D’où tirent-ils leur immortalité? Ils violent les lois de base de la biologie, il y a là un secret que le fae veut s’efforcer de percer, mais il ne sait pas par où commencer, si ce n’est par la genèse de ces créatures divines. La spécificité de leurs organes reproducteurs chez la femme accapare son attention, mais il se sent encore ignorant, frustré, ces organes morts ne lui apporteront pas tant de réponses que ça… il réprime l’envie impulsive d’aller à l’étage et d’utiliser le spécimen vivant qui attend sagement dans un lit.

    Je veux rentrer à la maison.

    Il frissonne. Légèrement en colère contre lui-même d’avoir eu cette idée sordide, avant d’être légèrement surpris par ce sentiment. Pourquoi avait-il le moindre état-d’âme? Comme pour se rassurer lui-même il essuie ses mains sur un torchon et laisse les corps continuer d’embaumer la remise, gravissant les marches des escaliers et faisant irruption dans la chambre de la convalescente, il marche jusqu’au lit dont il écarte les rideaux avant d’écarter les draps, révélant la figure angélique qui sommeille maintenant paisiblement au chaud. Un frisson parcours le corps inconscient sous la soudaine exposition à l’air froid, mais ce n’est ni cette peau tremblante ni cette poitrine dénudée, ni même l’intérêt premier du Voyageur qui l’avait attiré dans la chambre qui s’accapare son regard. Les yeux décontenancés de l’homme sont rivés sur la perle unique qui pointe à la commissure des paupières de l’ange, qui dévale le long de sa tempe, se perd dans le champs de neige de ses cheveux. comme le pleurs silencieux d’un stalactite, comme le flocon qui fond et se fait pluie sur le pétale d’une fleur. Et au lieu de violer d’abord son sommeil avant son intimité, sa main de boucher, sa main ignoble, dépourvue d’étique et de pitié, vient pourtant se nicher aux côtés de sa joue, et essuie le tracé humide de sa souffrance sur son visage. Comme si en effaçant la preuve, il pouvait effacer sa douleur, et à travers elle purger également la sienne. Il remarque les poussières et les copeaux de boue séchés qui maculent encore ses cheveux, et entreprend de la laver avant de la laisser encore se reposer.

    Deux jours de plus passés à veiller, chasser, relire ses notes, travailler ses recherches arcaniques, lire des bouquins de magie. Il n’aime pas rester immobile aussi longtemps, mais il n’a pas non plus envie d’abandonner l’ange. Le fae en a besoin pour ses recherches, c’est important, il doit expérimenter la maigre piste qu’il tient, il n’oublie pas non plus l’échantillon de sang blanc qu’il a récupéré dessus. Les corps ont quitté la remise pour rejoindre un talus lambda à l’extérieur, et il reste assis dans un fauteuil dans le petit salon à l’étage, la pièce voisine de la chambre de l’ange, à feuilleter un recueil sur les propriété des sédiments touchés par les auras titanesques. Sa tête s’alourdit devant le désintérêt envers l’écrit lorsqu’un faible son de voix retentit à côté, et il saute sur ses pieds pour trottiner jusqu’à la porte de la chambre, suivi par son coffre fantasque. En arrivant dans la pièce, il esquisse un large sourire en voyant l’ange assise sur le rebord du lit, sourire qui s’affaisse un peu en apercevant ensuite le contenu de ses tripes sur le sol. D’un revers de la main, la vomissure se ramasse d’elle-même pour aller se déposer dans le pot de chambre et le mage noir s’approche de la convalescente, avant de s’arrêter à quelques pas d’elle.

    ”J’éviterai de poser le pieds par terre.” Il avance un peu plus vers elle en décroissant les bras, et sa main ouverte appelle un manche serti d’une lumithrite. Tout en parlant, il s’approche de l’ange lentement et tend une main vers son visage. ”Je peux?” Ramassant ses cheveux sur le côté pour dégager sa tête, il s’approche doucement d’elle et la regarde de face, ses yeux plongés dans les siens, leurs visage à quelques centimètres l’un de l’autre, il écarte du bout du pouce et de l’index les paupières de l’oeil gauche et insuffle un peu de sa mana dans la lumithrite, provoquant le jaillissement d’un faisceau radieux de la pierre qui induit le rétrécissement de la pupille azurée. Bizarre. la réaction est non seulement lente mais en plus le diamètre est toujours un peu trop gros. Est-ce que son corps élimine plus lentement l’opiacé? Il ôte l’instrument de sa vue pour éviter de lui faire plus mal au crâne que nécessaire et s’écarte d’elle. ”Tu as faim? Soif?”

    Inutile de demander comment elle va. Il ne peut rien faire quant à la réponse.
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  • Lun 12 Aoû - 22:40
    Les yeux ouverts comme des soucoupes, toujours penchée au-dessus du lit, Phèdre continuait de lutter contre les soubresauts de son estomac. Il se tordait encore et encore comme s’il s’était transformé en anguille. Le goût de la bile avait même envahi ses narines, si bien que même en inspirant par le nez elle était à nouveau prise de nausée. Sa tête, brumeuse, lui faisait un mal de chien qui était à peine éclipsé par celle de son aile qui s’était éveillée en même temps qu’elle s’était penché avec trop de brusquerie. Elle se sentait faible. Elle était faible. Et elle détestait cela. La respiration encore hachée et non sans un rictus douloureux, elle chassa les couvertures qui la gardaient encore prisonnière. L’air frais fit remonter un frisson bienvenu le long de son échine dont la pâleur mortelle était plus saisissante que jamais. Il ne lui fallut qu’un regard pour remarquer son pied recousu, et un second par-dessus son épaule pour découvrir que son aile aussi avait été rafistolée. Il lui serait sûrement impossible de reprendre son envol immédiatement, dans quelques jours dans le meilleur des cas, dans des semaines dans le pire. Prise au piège, voilà ce qu’elle était.

    Phèdre avait peur. Elle était même terrifiée en vérité. Ses yeux n’avaient de cesse d’aller et venir dans la pièce comme si à force de la regarder, d’en noter tous les détails, elle pourrait trouver une solution. Hélas il n’y avait ici que de la poussière, beaucoup de poussière, des tas de bouquins aussi vieux qu’elle, quelques encriers à l’encre sèche depuis des jours et des draps mangés par les mites. Nuls tableaux pour dévoiler l’identité des propriétaires, pas de lettre abandonnée avec un quelconque cachet de cire. Il n’y avait rien pour la guider ici. Elle était sur le point de se lever lorsqu’il se présenta sur le pas de la porte. C’était lui, le mortel qui s’était agenouillé à son côté et l’avait… Qu’avait-il fait au juste ? Il avait enfoncé une aiguille quelque part entre ses plumes et… Et elle ne se souvenait de rien. Son esprit avait sombré aussi vite qu’elle avait décidé qu’il était temps pour elle de vivre. Elle n’avait pas cherché à l’en empêcher, au contraire. L’oubli qu’il lui avait proposé était tout ce qu’elle avait voulu, tout ce qu’elle voulait. A cette pensée, la souffrance dans sa poitrine se réveilla ; elle revit Siame chuter en même temps qu’elle, sa main échappant à la sienne. A celle-ci se mêla celle de l’absence de Zachary, qui ne s’était jamais vraiment atténuée mais qu’elle avait su tenir en respect avec l’amour qu’elle éprouvait pour son aînée. L’ange manqua de vomir encore une fois.

    - J’éviterai d’approcher. Murmura-t-elle en retour entre ses dents serrées. L’image qu’elle renvoyait était déjà suffisamment miséreuse pour qu’elle ne s’abstienne de vomir sur quelqu’un. Mais l’homme ne l’entendit pas ou n’eut cure de ce qu’elle avait à dire et en quelques enjambées il fut face à elle, une main tendue vers son visage. Cette même main qui lui avait tendu le scalpel mais qui ne l’avait pas tué. Pourquoi ? Tandis qu’elle se posait la question, elle opina du chef et il commença son examen. D’un grognement, elle lui signifia ce qu’elle pensait du faisceau lumineux qu’il lui braqua dans l'œil mais elle ne se déroba pas. Son toucher était froid et contrastait agréablement avec la chaleur qui émanait de sa peau.

    - De l’eau. Coassa-t-elle en s’humectant les lèvres malgré sa langue aussi sèche que du papier mâché. Du reste, elle était certaine que son estomac ne supporterait pas la moindre nourriture. Sa nausée n’était, de toute façon, pas encore passée. S’essayer à l'exercice de la digestion n’était pas dans ses priorités.

    - Qui es-tu ? La question avait fusé entre ses lèvres gercées avant même que son esprit n’ait eu le temps de la formuler, son haussement de sourcil fut le seul indice quant à sa propre surprise. Mais elle décida de poursuivre sur sa lancée. - C’était toi, n’est-ce pas ? Sur le champ de bataille. Son esprit était encore embrouillé, mais elle le reconnaissait. Silencieuse, elle le dévisagea. Ses cheveux longs, son visage, ses yeux, son port de tête, la droiture de ses épaules. De son pourpoint jusqu’à la pointe de ses bottes. - Pourquoi un mortel voudrait-il garder un ange en vie ? Elle plissa les yeux et ne se détourna que lorsqu’on lui fit apporter ce qu’elle avait demandé. Elle but son verre d’une traite. - Encore… Demanda-t-elle en tendant le gobelet vide. Une fois re-remplit, elle le vida à nouveau.

    Elle aurait pu utiliser sa magie sur lui, songea-t-elle. Pour s’assurer qu’il l’a serve, qu’il ne lui fasse pas de mal ou n’importe quoi d’autre. Pourtant elle n’en fit rien et se contenta de rester ainsi assise, bien droite, son corps brûlant malgré l’air frais de la pièce. Phèdre aurait voulu se lever pour le regarder bien en face pour reprendre le dessus. Mais son esprit brisé le lui refusait. Qu’il fasse d’elle ce qu’il voulait, elle n’était plus rien. Pas après qu’elle ait tout perdu. Il était presque surprenant que les Huit l’ai autorisés à survivre. Puis elle se souvint ; ils l’avaient laissés vivre. Pas les autres. Ils lui avaient refusé une place à leurs côtés pour l’éternité, ils l’avaient condamné à errer. Ses épaules s’affaissèrent.

    - Je n’avais demandé qu’une chose. Dit-elle les lèvres pincées, en relevant le nez vers le visage de l’homme, ses grands yeux frangés de longs cils bordés de larmes. - Pourquoi ? Pourquoi tu ne l’as pas fait ? Sa voix était rappeuse mais forte, trop forte. - Tu as arraché l’aile d’Haziel sans même le regarder ! Pourquoi tu n’as rien fait quand je l’ai demandé ? S’égosilla-t-elle. Pourquoi lui avait-il tendu le scalpel ? Pourquoi avait-il fallut qu’il la mette devant ses contradictions ? Les larmes dévalaient désormais ses joues et Phèdre s’enroula presque sur elle-même, toujours assise sur le bord du lit. Ses mains s’entremêlèrent à ses cheveux, les tirant maladroitement par moment. - Fais que ça s’arrête… Sa voix n’était plus qu’un grognement. - FAIS QUE ÇA S'ARRÊTE ! Et elle laissa sa magie insidieuse se déverser dans la pièce. S’il éprouvait pour elle la moindre once de haine, de colère ou d’agacement, elle la ferait croître. Encore et encore.
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  • Jeu 15 Aoû - 3:08

    La douleur est la compagne de l'artiste, elle est à la fois sa muse et sa némésis, mais elle n'est jamais son amie.



    Le Voyageur se retourne vers la table de chevet où repose un broc d’eau et un gobelet en étain, la voix sèche et pâteuse de sa trouvaille lui donne un indice de plus vers la confirmation de ce qu’il pense, l’ange n’a pas encore éliminé complètement la morphine de son système après autant de temps passé dans les vapes. Étrange, la piste d’un métabolisme drastiquement plus lent est peut-être possible, mais leur esprit ont pourtant toujours fonctionné à la même vitesse que celle des autres mortels… à creuser. Le fae regarde la flotte se transvaser dans le gobelet avec des yeux morose, et il hausse un sourcil à la question qu’elle lui adresse en premier lieu. Qui est-il? Il s’arrête de verser l’eau l’espace d’un instant, pendant un court moment il se perd dans le fond du verre comme s’il y trouverait la réponse, bien qu’il sait pertinemment que non. Il se remet à servir l’ange quand elle fait l’effort de crachoter une deuxième question de sa gorge éraillée en lui demandant si c’était bien lui qui l’avait ramassée il y a quelques jours. Question à laquelle il se contente de répondre par un simple humement approbateur et un hochement du menton, et quand elle demande rhétoriquement pourquoi un mortel garderait une ennemie de l’humanité en vie… l’homme de science visse un regard en coin à la femme divine. Encore cette même interrogation pourtant si évidente, la futilité des précepts desquels elle naît devrait pourtant lui apparaître triviale maintenant que les Titans ont été défaits et qu’ils ont été repoussés dans le Royaume Divin, l’alliance des Trois a réussi à les repousser, c’est terminé. Il coupe court à toute élucubration sur le sujet en lui tendant le verre d’eau d’un simple:

    ”Bois.”

    Elle le descendit d’une traite sans même prendre le temps de respirer entre les gorgées, le Voyageur observe les quelques gouttes qui débordent de ses lèvres et dévalent les reliefs parfaits de son menton puis de sa gorge. L’ange aspire de grandes gorgées d’air une fois qu’elle a finit son verre avant de le tendre de nouveau au mage noir, redemandant à boire. Les yeux couleur pêche de l’homme aux fines ailes descendent sur le gobelet et regardent avec une seconde d’hésitation l’objet avant de se décider. Elle ne devrait certainement pas boire aussi vite, mais il voit bien qu’elle est tendue et désorientée, il serait sûrement plus prudent de la traiter comme une animale sauvage et blessée que comme une faible femme sans défense. C’est une ange, le champs de bataille autour de Melorn témoigne assez bien de ce dont ils sont capables. Il attrape le verre et sert une deuxième rasade d’eau qui part tout aussi vite que la première, et en reposant le tout sur la table de nuit avant de se tourner vers le cube de transport, il s’arrête en tournant le dos à la femme lorsqu’elle reprend la parole.

    Le Voyageur ne viens pas lui faire face entièrement mais il reste stoppé net à quelques pas seulement de son lit, sa propre tête de profil pour écouter l’ange qui s’égosille subitement comme si elle venait de se rappeler de la douleur à laquelle elle est sujette. Du coin de l’oeil, il peut deviner les larmes qui dévalent sur ses joues, il n’a de toute façon pas besoin de les voir, elles s’entendent dans les brisures de sa voix rompue. Il reste là à contempler dans le vague les remous que ses mots agitent inconsciemment dans ses pensées, le coeur de l’homme descend dans sa poitrine en se rappelant cet état, ce même état dans lequel il a été enfermé pendant des mois -des années? Il ne s’en souvient plus. Il se souvient en revanche de la douleur, du déchirement, de la sensation ininterrompue de sa poitrine qui voulait l’étouffer qu’importe ce qu’il faisait, de la tristesse qui voulait le tuer qu’importe ses efforts pour vivre, de l’incompréhension, de la culpabilité, du pourquoi du comment. Il se souvient de tout ça pendant que les mots de la créature divine crient à l’injustice. Elle non plus ne comprend pas pourquoi elle a survécu, mais ce qu’elle ne sait pas c’est que ce n’est pas la bonne question à poser, pourtant elle ne peut pas le voir, pas le comprendre, pas avec ce voile de souffrance encore trop opaque devant ses yeux.

    ”Anti-douleur. Injecteur.”

    Le cube s’ouvre en faisant coulisser les pièces complémentaires qui le compose, un coffret de fioles et une seringue s’extirpent de l’intérieur de la forme géométrique pour voler devant lui. Il fait quelques pas vers sa patiente. Elle lui donne un ordre, une supplique déguisée, le Voyageur demeure impassible mais entre le chassé croisé de ses propres souvenirs qu’elle évoque à pleine force, la colère et l’amertume qu’il ressent par rapport à son soi du passé et la frustration de la voir plongée dans le même chemin qu’il a emprunté, il fait un effort pour conserver son calme.

    Elle hurle à pleins poumons sa détresse et sa douleur.

    La main gauche du fae se resserre sur la fiole d’opiacée. Sa main droite claque quand elle gifle violemment le visage de l’ange. Elle pousse un cri assourdissant en recevant la gifle, son état de faiblesse l’envoi se recoucher sur le lit et bien que le mouvement brusque a dû induire un jet de douleur supplémentaire de son aile brisée, la divine dénudée se redresse lentement sur ses coudes, ses larmes mêlées à son sang font coller ses cheveux blancs sur son visage, ses yeux rougis et cernés des marques de ses pleurs se brouillent dans le désordre de ses sanglots rageurs. Elle se met à lui hurler dessus de plus belle, elle lui somme de ne pas s’arrêter là, de la tuer. Elle crie à plein poumon son souhait de mort. La mine sombre du fae s’agrave alors que ses sourcils froncés plongent ses yeux dans des abîmes noires de colère et il claque des doigts pour faire venir un tabouret derrière ses genoux. Se laissant lourdement tomber dessus, il attrape un des bras de la femme en pleine hystérie qu’il agrippe fermement, forçant son coude vers le bas pour qu’elle soit obligée de se pencher en avant, il rapproche son visage du sien, et plante un regard assassin dans ses deux perles d’azur:

    ”Tu ne compr-”

    Elle se remet à lui vociférer de la tuer dès qu’elle reprend sa contenance.  ”...calme toi, eh, EH!” De plus en plus agacé, le Voyageur lâche la fiole et la seringue qu’il tenait dans sa main libre et les laisse flotter dans les airs là où il les libère, sa main droite vient trouver la gorge trop bruyante de la femme et l’empoigne avec force pour compresser le larynx et mettre un terme à ces cris:

    ”Tu ne comprends pas mais c’est parce qu’il est encore trop tôt, les Titans ont perdu, il n’y a plus d’anges, il n’y a plus de mortels, il n’y a même plus de guerre, de sainteté, de loi, de quoi que ce soit. Il n’y a que des gens qui essaient désespérément de survivre, il n’y a que l’intérêt de soi, c’est la seule chose qui compte et c’est la seule chose qui comptera jamais. Je n’ai pas arraché l’aile de ‘Haziel’ parce que Haziel est mort, j’ai retiré une aile à un tas de viande, tu as perdu ta soeur et où qu’elle soit, elle est ou bien entrain d’essayer de te retrouver, ou elle est morte et il ne reste qu’une charogne quelque part qui lui ressemble vaguement. Quel qu’en soit le cas, à ta place, elle, elle aurait fait tout son possible pour survivre, parce que ce serait la seule façon de continuer à faire vivre son souvenir de toi.”

    Ses mots sortent de sa bouche comme s’il se les adressait à lui-même, comme s’il ne tenait pas le poignet d’une fille d’Aurya mais le sien, deux cent cinquante ans plus tôt. Il revoit ce jeune fae ramper comme une larve contre le sable tiède en laissant dans son sillage les traces misérables de son corps échoué, il se revoit, errer entre l’éveil et l’inconscience pendant des jours à travers la jungle, ne plus savoir vivre, ne plus manger, ne plus dormir, tout devenait une source de mal-être et il n’en pouvait plus mais il n’avait pas le courage ou la couardise d’y mettre une fin. Il ressert sa prise sur le bras de l’ange.

    ”Ta soeur est sans doute morte là bas et toi tu as eu la chance de survivre, et tu vas lui cracher à la gueule parce que tu veux crever aussi? Espèce de sombre petite conne. Si tu crois encore en tes maîtres tu devrais avoir foi en leur dessein, et si tu as perdu ta foi alors…” Il baisse le ton, comme s’il risquait de déranger un habitant inexistant de la maison. ”... ce qui t’attends de l’autre côté est bien pire que ce que tu vis ici. La vie ne s’arrête pas, Kazgoth a décidé que tu resterais ici un peu plus longtemps, alors marche parce que t’as pas le choix.” Le regard de l’homme s’adoucit de plus en plus au fur et à mesure qu’il lui parle, ses mots sont encore relativement doux, et il les prononce avec une empathie véritable pour cette entité si vulnérable et perdue. Il reprend d’un ton plus calme, ”En attendant je vais te réadministrer un calmant.”

    L’ange étranglée proteste et tente toujours autant de se débattre, à dire vrai il n’est pas sur qu’elle ait beaucoup saisi de ce qu’il vient de lui dire mais ce n’est pas si important dans l’immédiat. Le Voyageur avance sans fléchir sa prise et force l’ange dénudée à s’allonger sur le lit, il monte à califourchon sur elle, une jambe de chaque côté de son corps en pesant son poids sur ses cuisses pour l’immobiliser. En la plaquant ainsi, il fait venir la fiole d’opiacé devant ses yeux et répète la même opération que sur le champ de bataille afin de charger la seringue, s’aidant cette fois de sa télékinésie pour manipuler l’outil de précision. Il grimace avant d’envoyer l’aiguille s’enfoncer dans le bras de l’ange par pure préférence personnelle, il déteste manipuler les outils médicaux par magie, mais quand il n’a pas le choix il doit faire avec. Le bras libre de l’ange s’agrippe contre son poignet qui maintient sa gorge, cherchant sans conviction à se libérer de sa prise de plus en plus mollement, il attend cette fois cinq bonnes minutes que la drogue fasse effet, la dose est bien moindre que la précédente fois mais l’action rapide est une preuve de plus que le corps de l’ange n’a pas purgé la première injection. La respiration de l’ange ralentit, elle cesse son hystérie et semble s’être calmée.

    ”Si je te lache, est-ce que tu vas être calme? Si oui je répondrai à tes questions.”
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  • Lun 19 Aoû - 17:41
    “Ta sœur est sans doute morte là-bas.”
    “Il ne reste qu’une charogne quelque part qui lui ressemble vaguement.”

    Ces mots repassaient en boucle dans l’esprit de Phèdre alors que la main qui étranglait sa gorge était sur le point de lui faire perdre connaissance. Ses poumons étaient en feu depuis plusieurs secondes déjà et la force qu’il mettait dans sa poigne était à peine supportable. Pourtant, ce n’était encore pas assez ; elle vivait toujours. Son pouvoir n’avait de cesse de se déverser dans la pièce pour renforcer encore et encore les émotions qu’il ressentait pour elle et elle mettait du cœur à l’ouvrage pour lui rendre la tâche plus aisée. Elle pleurait, elle le suppliait, elle l’insultait et elle tentait de lui faire mal en lui griffant les avant-bras à la manière d’un chat qu’on aurait pris par la peau du cou. Tout ce qu’elle voulait c’était qu’il sorte de ses gonds, qu’il explose et qu’il lui brise la nuque sur un coup de colère. Quand il l’avait giflé puis quand il avait commencé à l’étrangler, elle avait cru toucher au but. Il ne lui restait plus qu’à alimenter cette haine qu’elle provoquait pour le pousser à franchir la limite.

    “Non, non, non ! Ce n’est pas ce que j’ai demandé !” Vociféra-t-elle intérieurement en se débattant de plus belle, son visage était rougie par l’effort qu’elle faisait aussi bien pour se dégager que pour supporter le manque d’oxygène. Son dos heurta alors le matelas et avec lui ses ailes. Un sifflement douloureux lui échappa alors qu’il prenait place sur ses cuisses, son poids bloquant d'autant plus ses mouvements. Enfin, il lui planta à nouveau une seringue dans le bras. Phèdre rua d’abord, comprenant que ses exigences ne seraient pas respectées, elle tendit les bras vers son visage pour essayer de le blesser, de lui faire mal, d’attiser une nouvelle flamme de colère. Hélas, à mesure que le temps s’écoulait, elle sentait sa magie faiblir. Au moins autant que sa force était en train de décroitre. Sa respiration, elle aussi, ne tarda pas à ralentir et Phèdre crut l’espace d’un instant qu’elle allait à nouveau s’enfouir dans ce brouillard indolore où elle avait passé ces derniers jours. Toutefois, plutôt que de sombrer, elle resta là, à fleurter aux limites de la conscience. La douleur aussi reflua ; celle dans son corps et dans son cœur. Lentement, l’un après l’autre, elle détacha ses doigts du poignet de l’homme et les laissa retomber le long de son corps sur le matelas. Son regard, désormais vitreux, se posa sur le visage de cet inconnu qu’elle scruta en silence. Elle ne l’avait jamais vu avant aujourd’hui, ce n’était pas un domestique du temple et aux vues de son état il n’avait sans doute pas participé à la précédente bataille. Il restait un mystère.

    La trachée toujours compressée, elle hocha péniblement la tête. Précautionneusement comme si elle pouvait brusquement lui sauter au visage, il l’a libéra. L’air qui pénétra dans ses poumons était aussi vivifiant que douloureux et il fallut plusieurs grandes inspiration à la jeune femme pour réussir à les contenter. Plusieurs fois, elle crachota en roulant sur le côté pour libérer son aile qui, si elle lui faisait moins mal, faisait en sorte de se rappeler à son bon souvenir au moindre mouvement.

    - Je n’ai pas d’autre choix que d’être calme… Répondit-elle d’une voix pâteuse. L’inconnu n’avait pas accédé à ses réclamations comme elle l’entendait mais il avait dissipé sa douleur, grisé son esprit et c’était tout ce dont elle avait besoin. Mollement, maladroitement et avec toutes les peines du monde, elle reprit place au bord du lit. Exactement à l’endroit où elle était assise lorsqu’il l’avait frappé. D’ailleurs, elle sentait encore son sang battre dans sa joue. La marque de chacun de ses doigts devait y être incrustée pourtant, elle n’avait pas mal. Alors elle s’en désintéressa.

    - Je ne veux pas marcher. Commença-t-elle en faisant référence à ce qu’il avait dit un peu plus tôt. - Cette vie ne m’intéresse plus, pas sans ma soeur. Ni sans les miens. Tu dis qu’ils sont tous morts ? Un ange qui n’a plus personne à servir n’est rien de plus qu’une enveloppe vide et sans intérêt. J’ai été créée par Eux, pour Eux. S’ils ne sont plus alors je n’ai pas lieu d’être.  Ma place est dans le royaume des morts, pas sur cette terre. Je me fiche que le souvenir de qui que ce soit vive à travers moi parce qu’il n’y vit pas, il s’y meurt.  Dit-elle avec une lenteur qui l’aurait aisément mise en colère dans d’autres circonstances mais qui, pour l’heure, lui passait largement au-dessus de la tête. - Tu parlais de ma foi mais c’est elle qui me pousse à les rejoindre. De toute façon… Que savent les mortels de la foi ? Sa tête se tourna dans sa direction et elle se leva pour lui faire face. - Votre foi est versatile tout comme vous, vous êtes fragile et vos croyances aussi, vous êtes inconstant parce que vous êtes… Mourant. Ses doigts pâles se levèrent vers le visage de l’homme dont elle frôla à peine les pommettes. - Né pour mourir, né déjà mort.

    Puis elle se laissa lourdement retomber sur le lit, ses jambes trop flageolantes pour la tenir plus longtemps. Délaissant son hôte, elle parcourut la pièce du regard pour la énième fois avant de soupirer.

    - Pourquoi tiens-tu tant à ce que je vive ? Est-ce ainsi que tu comptes me punir pour ma loyauté envers les divins ? Je sais que les mortels ont des jeux macabres, ma sœur m’en à parlé. Ses ailes se mirent à bruire dans son dos. Elle essayait de les faire bouger. Mais elle n’en tira qu’une grimace de désapprobation et les laissa retomber autour d’elle. - Tu as dit que si j’étais calme, tu répondrais à mes questions, alors fais-le. Exigea-t-elle. - Qui es-tu ? Que faisais-tu là-bas ? Ses lèvres se pincèrent légèrement ; depuis quand était-elle aussi bavarde avec les inconnus ? Elle répondit à sa propre question par un haussement d’épaule, ça n’avait pas d’importance. Tout ce qu’elle pouvait dire ne changerait rien. Il n’y avait plus personne à trahir de toute façon. Seulement une longue existence à mépriser.

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  • Dim 25 Aoû - 3:20
    Noir est le coeur qui marche seul, plus noir encore est l’âme qui ne comprend plus son coeur.



    Le calme revient peu à peu à l’ange dont les mouvements pâteux se font plus lents et mesurés. Le Voyageur s’écarte d’elle et se relève du lit pour la laisser se redresser et elle reprend place au même endroit où elle était quelques instants auparavant, dans la même position. Tandis qu’il recule pour se rasseoir sur la chaise au chevet de la blessée, le fae remarque à quel point il a pu facilement s’emporter, il a réagit avec une certaine… impulsivité, et ça ne lui ressemble pas. L’usage de la violence ne lui est pas étranger, il l’a toujours fait de façon pragmatique, froide, parfois cruelle, mais jamais il n’y avait eu recours sur un coup de tête sans réelle raison, sans avoir quelque chose à y gagner derrière. L’érudit se rassied sur le siège et écoute les lamentations morose de l’ange qui contemple sa perte, son état de détresse est si intense qu’elle est inexpressive, lasse, abattue. Lorsque les doigts de la fille d’Aurya frôle imperceptiblement la surface de sa joue, le Voyageur sent son coeur couler dans sa poitrine, le sentiment de peine qu’il éprouve envers la créature en divin désarroi dégivre la glace de son âme. Pourquoi? C’est une très juste pensée, une pensée à lui qu’elle formule avec ses lèvres à elle. Les yeux du mage noir descendent alors en se perdant dans la peau imaculée de la femme céleste, ils voient les courbes de sons corps meurtri mais ne les regarde pas, ils sont ailleurs, dans un autre endroit, dans un autre temps. Les questions pleuvent, et comme il a promi des réponses il ne pourra pas y échapper, alors avec un long soupir il expie la charge qui pèse sur ses épaules en remuant ses souvenirs mortels et il commence à parler:

    ”Je ne sais pas grand chose de la Foi c’est vrai, je ne suis pas très assidu aux messes, j’ai dû rater les dix ou quinze mille dernières, mais les croyances… ” Il sourit tristement à la blessée, ô combien est-elle magnifique ainsi, dans la contradiction si improbable entre la perfection de son corps et la fragilité de son esprit, elle ne se rend pas compte de l’absurdité de cette douleur si humaine qu’elle ressent, et l’existence de ce fardeau pour lequel elle n’a pas été conçue sublime justement son être. ”... qui es-tu pour en parler justement? Toi qui parles de camp, de mortel contre les immortels, de raison de vivre liée à autrui, toi qui parles de vouloir mourir parce que tu n’as plus rien, tu as peut-être la foi, mais tu ne crois en rien. Tu as accepté de croire en ce qui t’as été imposé, tu n’as pas choisi de croire. Tu ne sais rien de ce qu’est réellement la perte, la vraie fragilité, tu penses la connaître parce que tu la vois chez nous autres mortels mais tu ne peux encore qu’en saisir la forme sans réellement la comprendre. Tu as perdu ta soeur? Tes amis? Ta maison? Tes maîtres? Ta raison d’être?”

    Il commence à se servir un peu d’eau dans le gobelet qu’il avait donné à l’ange tantôt.

    ”Bienvenue. Les mortels perdent depuis des années, des siècles, des millénaires. Pourtant nous sommes toujours là.” Il avale difficilement une gorgée en repensant à ce qu’il a laissé derrière, dans son sillage. ”Et nous n’avons pas le luxe de vivre assez longtemps pour pouvoir tout reconstruire, parfois nous devons accepter que la fin de ce qui constitue notre vie marque aussi la fin de celle-ci, happée par le temps. Mais pas pour vous.” Il dépose le gobelet sur la table de chevet et remonte son regard dans les yeux glacés de l’ange. ”Vous pouvez tout reprendre, vous pouvez redécouvrir le monde, reforger une vie, explorer ses arcanes. Vous avez toute l’éternité pour ça. Réparer ce qui a été détruit.”

    C’est ça, c’est pour ça qu’elle lui fait autant de peine, c’est parce qu’il sent cette douleur, ce vide en elle, c’est parce qu’il a exactement le même au fond de lui, et c’est parce qu’il envie l’opportunité qu’elle possède et que lui n’aura jamais de pouvoir un jour le combler. Elle est immortelle, et elle choisit de mourir. Cette injustice l’attriste.

    ”Tu apprendras un jour à vivre aux côtés de cette douleur, et tu verras qu’il te reste un dessein sur cette terre.” des papiers se mettent à dépasser des interstices de son cube de transport et virevoltent un peu plus près d’eux. ”Chronotium, Fleur de Lune, magie titanesque ou ésotérique, nécromancie, manipulation des âmes, pacte avec les Gardiens, il y a tant de possibilités à explorer pour ramener ceux qui ne sont plus, et tu oserais ne pas essayer? Tu oserais t’abandonner à la facilité?” Il secoue la tête. ”Je suis passé par là aussi, quand je te disais qu’il n’y a pas de camp, qu’il n’y a que soi, c’est parce que j’ai perdu ma maison, ma famille et mes amis à cause des Titans, mais ce sont les mortels qui m’ont ensuite ôté ce que j’avais de plus précieux. J’y suis arrivé, tu y arriveras, mais à parcourir seul c’est un enfer. Personne ne devrait avoir à traverser ça seul.”

    Il se relève de son siège et marche jusqu’à la pile de bois pour remettre une bûche à la main, il a déjà consommé pas mal de mana aujourd’hui et il préfère s’économiser au cas où. Les Titans ont été vaincus mais leurs engeances et les reliquats de la guerre parcourent toujours les environs, il faut être sur le qui-vive s’il ne veut pas prendre de risques.

    ”Tu me demandes qui je suis, mais je vais d’abord t’expliquer ce que je faisais là bas. Je fais des recherches sur la magie, sur les arcanes les plus complexes, celles de l’âme. Les champs de bataille des Titans me paraissaient être une voie prometteuse. À la place je t’ai trouvé toi, et comme je te l’ai déjà dit, j’ai besoin d’une assistante. Tu feras très bien l’affaire.” Il se retourne vers la figure angélique et continue. ”Quant à qui je suis, navré de te décevoir mais je ne suis personne. J’ai un nom, mais il ne vaut rien. Toute les personnes qui m’ont un jour connu personnellement, tout mes amis, les membres de ma famille, mes professeurs, les connaissances, tout ceux qui étaient capables d’associer mon visage et mon prénom, de faire le lien entre les deux et de dire que oui, c’est moi, toutes ces personnes sont aujourd’hui mortes. La vérité, c’est que si je te parlais de moi…” Il vient s’asseoir sur le bord du lit, aux côtés de l’engeance du divin. Ses yeux se perdent dans le vague, quelque part sur son visage à l’harmonie innée. ”si je te racontais que mon père cultivait la terre, que ma mère n’était qu’une simple mercière, si je te racontais que j’ai vu la guerre et ses ravages dès mon plus jeune âge, si je te racontais que j’ai appris l’ars obscura tout seul en expérimentant et en volant des bibliothèques, tu n’aurais aucun moyen de le vérifier, parce que personne sur Sekaï ne serait capable de te dire que c’est vrai. À quoi bon sert un nom s’il n’a plus de sens? L’important c’est que j’existe alors appelle moi comme bon te semble, la prochaine personne qui me rencontrera m’en donnera un autre de toute façon.”

    Tout en prêtant une oreille à l’ange allongée lascivement sur le lit, il tend la main vers le bras de la blessée et saisit délicatement le poignet en pinçant l’artère ulnaire. Silencieusement, il compte à la fois les secondes qui passent et les battements en sous-nombre du palpitant de l’ange, le poul est faible mais constant, là comme ça il ne perçoit pas d’arythmie sévère ou d’emballement.

    ”Un mauvais instant de plus à passer.” Un coup de lumithrite dans l’oeil plus tard avec cette fois un vernier flottant à quelques millimètres de sa pupille plus tard, le fae mesure la dilatation pupillaire de sa patiente pour pouvoir noter son évolution ultérieure. ”Si tu as besoin de quoi que ce soit, sonne cette clochette.” ajoute-t’il en déposant l’objet concerné sur la table de nuit.

    Il range ses outils, réarrange son cube de transport et sort de la pièce pour laisser l’ange s’abandonner au sommeil à l’aide de l’opium, mais en fermant la porte derrière lui il est traversé par une sombre pensée. Il voulait aller chasser dehors pour récupérer de quoi manger de la viande fraîche, mais il se rend compte qu’en l’absence d’opiacé et même plus simplement sans surveillance, la détresse de l’ange est inquiétante. Faisant donc demi-tour il rouvre tout doucement la porte et vide la pièce de tout objet lourd, potentiellement pointu ou pouvant servir d’arme improvisée. Il les stock bordéliquement dans la pièce d’à côté qui, avant d’être un foutoir était vraisemblablement une chambre d’enfant, et revient se poster aux côtés de la somnoleuse. Il s’assied à son chevet et ouvre son livre de notes afin de continuer de consigner des croquis de ses dernières trouvailles, si l’ange doit se réveiller il est tout compte fait mieux qu’il soit là n’est-ce pas? Alors il attend, et il attend. Il l’entend murmurer dans son sommeil, ses lèvres esquissent le nom de sa soeur, appellent à l’aide, le Voyageur se penche par dessus le lit de la dormeuse et rassure la position de la couverture sur ses épaules, c’est comme ça qu’aussi proche d’elle il voit les frêles doigts rosés de la survivante frémir et elle murmure de nouveau en peine.

    Il se revoit à travers elle, à peine conscient, adossé contre un tronc d’arbre au milieu de nul part à gémir le nom de son frère.

    Sa main se glisse dans la sienne et il ferme doucement le poing de la femme endormie, la serrant précieusement en murmurant à son tour:

    ”Tout va bien se passer, tu verras.”

    Il dépose un baiser sur son front et sans lâcher sa main, il se laisse lui aussi emporter par la fatigue à son chevet.

    Les jours qui suivirent furent longs pour le mage noir, non seulement parce que la blessée qui paraissait pourtant très loquace s’est enfermée dans un mutisme religieux depuis leur dernière conversation, mais aussi parce que pour lui qui est habitué à ne pas s’établir, à parcourir le Sekaï sans cesse et à toujours oeuvrer pour ses recherches, stagner est plus que contraignant ça en est presque douloureux. Il se surprend à constater la motivation trouble qui le pousse à couler autant d’efforts dans le rétablissement de cette ange. Ce n’est pas simplement parce qu’il voit la même peine en elle qu’en lui jadis, il y a autre chose, quelque chose que le Voyageur ne saurait pas totalement exprimer et qui lui échappe, mais dont il peut ressentir la présence vicieuse. Ce même sentiment qui lui fait partager ses réserves de nourriture séchée lorsqu’elle se réveille la faim au ventre, alors qu’il s’interdit de partir chasser de peur de la laisser toute seule. Ce même sentiment qui lui fait l’aider à se laver, à changer ses pansements, à continuer de consommer de précieux produits pour améliorer sa condition physique. Il sait pourtant très bien que ça ne pourra pas continuer plus longtemps, qu’il va arriver à court de ses réserves, mais il tient, il tient à ses côtés et suit son état assidument parce que pour une raison qui lui échappe ça lui tient à coeur. Si au début il ne s’absentait que rarement de la chambre à moins qu’il n’en ai un besoin impérieux, il prend plus de liberté après une petite semaine et se permet de sortir un peu dans les jardins de la propriété qu’il a opportunément emprunté. Le fae récolte quelques glands et trouve même du chou sauvage qu’il récupère, de quoi survivre une paire de jours de plus, mais bientôt il devra sortir pour une véritable excursion et ce sera une nécessité.

    De retour à l’intérieur de la maison il démarre un feu au fourneau et se colle à la préparation d’une soupe basique qu’il agrémente avec les épices de la cuisine abandonnée, ce sera toujours mieux que les biscuits de graisse et de céréales et les morceaux de viande salée qu’il fait avaler à la fille d’Aurya faute de mieux. Il achève la cuisson de la soupe alors qu’une odeur légèrement amer s’élève, à peine compensée par la senteur du laurier et des pauvres aromates qu’il a pu trouver, et en en servant une portion dans un bol qu’il amène à l’étage, il entre dans la chambre pour voir la divine créature assise sur son lit, la couverture rabattue sur ses hanches, son regard perdu à travers la fenêtre où descend une neige pure qui contraste avec les horreurs post-batailles qui grouillent sur le sol pourris où elle tombe. Il reste un instant dans le cadre de la porte à la regarder, il contemple la beauté éternelle de ces cheveux blancs et lisses comme les rayons pâles de la lune, ses yeux azurs qui imitent les ciels des beaux jours, sa peau d’un teint rose tout juste blanchi par le sang qui coule dans ses veines. Il soupire une fois de plus en se rendant compte que oui, tout chez elle lui rappelle sa divine ascendance, et pourtant ce qu’il trouve de plus beau ne réside pas dans cette perfection du physique, mais dans la majesté de l’expression mélancolique qui tord légèrement ces lèvres parfaites, qui fait briller ces yeux parfaits avec des larmes parfaites, qui module ces sourcils parfaits en un arc peiné, ces ailes abattues aux rémiges parfaites qui reposent sans conviction derrière elle, tant de défauts sur ce corps, tant de trace d’une dualité entre son esprit bien humain dont elle prend de plus en plus conscience avec la douleur qui lui laisse ses marques, et son corps angélique sur lequel une telle souffrance se lit trop évidemment tant elle tranche avec la nature de sa conception. Elle tourne sa tête vers lui et il sort de sa contemplation, avançant jusqu’à elle avec le bol à la main il fait un peu de place sur la table de nuit et dépose l’écuelle.

    ”Bonjour petite ange.” Elle n’a toujours pas pipé un mot depuis plus d’une semaine maintenant, il n’y a bien que dans son sommeil qu’elle parle, l’érudit est à deux doigts de se demander si elle subit une sorte de blocage post-traumatique. ”Hier ta jambe avait l’air de bien cicatriser, j’aimerai voir si tu peux poser le pieds à terre avant de te laisser manger.”

    Il tire lentement la couverture pour la découvrir et l’observe se mettre en position devant le lit, puis il ajoute:

    ”Attends, ne met pas de poids dessus pour le moment, prend appui sur moi.” Il passe alors une main sous son aisselle et dans son dos, puis le mage noir soulève une partie du poids de l’ange pour qu’elle puisse se mettre debout sur une jambe et garder l’équilibre. Il la regarde grimacer sous les mouvements, encore trop tôt. ”Il y a au moins du progrès. C’est déjà ça.”

    Il la recouche, l’aide à se recouvrir et lui tend le bol de soupe.

    ”Tant que c’est chaud…”

    Il s’assied ensuite sur la chaise près de son lit, vaquant à ses occupations lambda il récupère un éclat de silex de son cube enchanté qu’il continue de travailler au grattoir pour en faire une petite bille ronde. Elle servira pour remplacer celle dans son briquet usé, il n’allume plus de feu depuis quelques jours.
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  • Mar 27 Aoû - 19:20
    Dieux! qu’il était agaçant, songea Phèdre sans pour autant se mettre en colère. Elle n’en avait ni la force, ni l’envie mais elle savait au plus profond d’elle même qu’elle mourrait d’envie de le contredire. Le sentiment était, heureusement, étouffé par cette substance qu’il lui avait injectée dans les veines et qui amoindrissait aussi bien ses sens que ses émotions. La douleur elle-même ne semblait plus qu’un lointain souvenir, semblable à un feu que l’on aurait aspergé d’eau et dont il ne restait plus que des braises à peine chaudes. Son aile, elle aussi, tendait à se faire oublier mais la sensation de lourdeur qu’elle ressentait au niveau du radius était un rappel suffisamment clair de sa condition. A défaut de lui offrir une réponse construite et cohérente, elle soupira d’une manière qu’elle voulait exaspérante. Histoire qu’il sache ce qu’elle pensait de tout cela, même si la drogue l’attirait irrésistiblement vers le matelas et émoussait ses envies de débats et d’objections. Avant même de s’en être aperçue, elle s’était lentement laissée tomber au milieu des draps. Ses yeux n’avaient de cesse de papillonner et elle de lutter pour les garder ouverts.

    - Cela fait cinq mille ans que je reconstruis sans cesse… Marmonna-t-elle sans vraiment savoir si ses paroles s’adressaient au voyageur où à l’oreiller qui avait trouvé une place sous sa tête. - Je veux juste garder ce que j’ai réussi à avoir. Même si pour ça, je dois avoir une vie mortelle. Cette pensée l’avait toujours hanté depuis la mort de Zachary, l’idée d’affronter l’éternité sans lui était terrifiante et elle n’avait pu en supporter l’idée que parce que Siame s’était tenue à ses côtés. Maintenant que ce n’était plus le cas, elle n’en avait plus la volonté. Ses yeux se fermèrent et, l’espace d’un instant, elle crut qu’elle allait enfin s’endormir pour de bon. Son esprit était d’ailleurs sur le point de se brouiller complètement lorsqu’elle perçut un mot, presque un murmure dans la brume qui prenait possession d’elle depuis quelques minutes. “Nécromancie”.

    Pas moins groggy, elle rouvrit les yeux et tenta, sans succès, de se redresser. Elle l’écouta, avec toute l’attention dont elle était capable, lui raconter que leurs chemins à tous les deux, n’étaient pas si éloignés l’un de l’autre et, contre toute attente, Phèdre ressentit un peu de chaleur au creux de sa poitrine vide. Comme si, juste part des mots il était parvenu à remblayer ne serait-ce qu’un peu, la plaie béante. Du regard, elle le suivit et le jaugea avec un nouvel intérêt lorsqu’il quitta son assise pour aller mettre une bûche dans le feu puis elle afficha une moue dubitative lorsqu’il mentionna une fois de plus sa recherche d’assistante. “Je ne suis pas un larbin, ni un esclave”. Voulu-t-elle répliquer. Elle n’en fit rien et se contenta de répondre :

    - Moi aussi je préférerais n’être personne mais si je n’avais pas de nom, j’aimerais que l’on m’en donne un. Soupira-t-elle en songeant qu’elle lui en donnerait peut-être un, qui sait ? Pour l’heure, elle était juste épuisée et lasse et elle ne rêvait que de lâcher prise. Hélas, la main sur son poignet et la lumière qui lui brûla la rétine n'étaient pas du même avis. Le gratifiant d’un grognement mécontent, elle arracha mollement son bras à sa main et l’enroula contre sa poitrine. La seconde suivante, elle s’était endormie.

    Cette nuit comme les précédentes se ressemblèrent toutes, elles étaient jonchées de cauchemars et de souvenirs. De mélancolie et de joie qu’elle savait ne plus jamais ressentir. Parfois elle avait peur, comme prisonnière de songe sur lesquels elle n’avait aucun pouvoir. D’autrefois elle débordait tellement de bonheur que le retour à la réalité était toujours plus douloureux que n’importe quel coup qu’on aurait pu lui porter. Mais dans l’océan dévasté qu’était désormais ses nuits, il y avait toujours cette main qui tenait la sienne. Tantôt quelques minutes, tantôt toute la nuit et de temps en temps, Phèdre lui rendait son étreinte comme si sa chaleur pouvait lui donner le courage nécessaire pour affronter toutes celles à venir.

    Le temps passa à la fois très lentement et à une vitesse fulgurante. Phèdre ne se sentait plus maîtresse de son propre corps et d’une certaine façon, c’était une sensation agréable. Comme regarder sa propre vie défiler sans en faire réellement partie. Tout allait si vite. Le soleil se levait à l’Est et se couchait à l’Ouest. Le voyageur venait souvent s’enquérir de son état lorsque la fenêtre la plus à droite reflétaient les derniers rayons du soleil de midi, il restait quelques heures puis elle le voyait à nouveau disparaître. Jamais très loin, sa présence bien qu’invisible semblait toujours flotter autour d’elle. D’une certaine façon, elle y trouvait un réconfort. “Je ne voulais juste pas être seule” lui avait-elle dit et il ne la laissait pas seule. Pour cela au moins, elle l’appréciait. Bien que son avis changeait dès lors qu’il lui éblouissait les mirettes avec l’étrange lumière qu’il aimait tant lui coller en pleine tête. Parfois, elle avait envie de lui demander pourquoi il faisait ça mais ses lèvres restaient irrémédiablement closes. Alors elle le dévisageait, lui, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’étincelles désagréables et dansantes dans son champ de vision.

    Ce ne fut qu’au matin du huitième jour qu’elle parla sans même s’en apercevoir. Comme à son habitude, il était venu lui porter à manger mais surtout s’enquérir de l’état de ses plaies. Bien que satisfaisant ça n’allait pas assez vite au goût de Phèdre qui, si elle ne le disait pas, le laissait bien sentir sur chacune des moues contrariées qui froissaient ses traits de poupée. Il l’a fit marcher et elle se surprit à ne pas pousser un gémissement plaintif malgré la douleur lancinante qui la lançait de la cheville jusqu’au genou. “Maudite jambe” songea-t-elle avant de se souvenir que son aile n’était guère en meilleur état. Docile, elle le laissa la ramener dans son lit et entoura le bol chaud de ses doigts fins. Son estomac gargouilla en réponse et elle le porta à ses lèvres. La brûlure dans sa gorge était agréable et lui réchauffait les entrailles, elle se rendit compte qu’elle mourrait de faim. Pourtant, les yeux braqués sur la bille de pierre grise, elle fut incapable d’avaler une gorgée de plus.

    - Ma soeur avait les yeux de cette couleur. Dit-elle d’une voix pâteuse, de celles qui n’ont pas parlé depuis trop longtemps. Tendant la main et sans lui demander son autorisation -elle n’avait jamais eu à le faire, après tout, elle la lui chippa. Le silex dans sa main était imprégné de la chaleur de l’étranger. Sa couleur était un joli camaïeux de gris qui était si semblable au regard d’acier de Siame qu’elle avait l’impression que quelqu’un était allé le chercher directement dans ses orbites. - Donne-la moi. Exigea-t-elle en fermant le poing dessus. Puis sans lui demande son reste, délaissant son bol de soupe, elle lui tourna ostensiblement le dos pour mirer avec toute l’attention du monde son nouveau joyaux. Une minute s’écoula, puis deux, puis dix. Enfin, au terme d’un silence qu’elle aurait aisément pu faire durer une semaine de plus sans en être dérangé elle dit : - Tu as dis que tu avais besoin d’une assistante. Qu’est-ce que c’est, pour toi, une assistante ? Aussi patiente soit-elle, Phèdre commençait à s’ennuyer mais surtout, les moments où elle était lucide lui étaient pénibles. Atrocement pénible. Alors elle avait commencé à songer que, peut-être, elle pourrait commencer à s’intéresser à autre chose.

    La pierre roula entre ses doigts sans qu’elle n’en détache les yeux une seule seconde.

    - Bartholom. Dit-elle. - Le fils qui trace le sillon. Elle ne le regardait pas et parlait à voix haute, c’était comme si elle ne s’adressait pas vraiment à lui. - Parce que ton père est un homme de la terre et que toi, tu traces ton propre chemin. Elle lui lança un regard par dessus son épaule, intriguée par sa réaction. - Qu’est-ce que tu en penses ? J’aime sa sonorité.
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  • Mer 28 Aoû - 21:21
    Les temps les plus difficiles forgent les Hommes les plus noirs, ils peuvent ensuite choisir de détruire ou de bâtir, mais la peste ne disparaît jamais vraiment.



    Le frottement du grattoir sur la bille minérale laisse un son apaisant se faire entendre dans le silence presque parfait de la chambre. Le Voyageur travaille méticuleusement la pierre pour la façonner proprement, bien ronde avec le moins d’aspérité possible, mais sa concentration se brise et la surprise d’entendre la voix rauque et engourdie de l’ange est telle qu’il manque de s’écorcher la main avec son outil. Ses propres yeux aux iris pêches se déposent sur le visage fermé de l’ange qui malgré tout ses efforts, peine à maintenir sa façade aussi prestigieuse qu’elle la voudrait. Qu’avait-elle dit? L’homme avait été si frappé par le son même de la voix angélique qu’il n’était déjà plus sûr du contenu de la phrase qu’elle avait prononcé il y a pourtant quelques secondes. Sa soeur. Sa soeur avait les yeux de cette couleur? Il se demanda d’abord s’il ne ferait pas mieux dans ce cas de lui cacher la vue du silex, mais il n’amorça pas de geste de retrait en voyant l’ange tendre d’elle-même sa main vers la sienne. Elle ne demande pas, elle prend, sa main dans la sienne, fermée autour de la bille qu’il tient au creux de sa paume, elle lui subtilise l’objet qu’il ne défend nullement. Une pauvre bille de silex, une pierre de rien du tout qui ne servirait qu’à produire quelques étincelles pitoyables contre un morceau de métal, c’est une sphère anodine et paradoxalement sans doute l’objet à la plus immense valeur pour cette ange dans ceux qui se trouvent ici. Le Voyageur sourit amèrement en voyant la blessée se retourner pour faire quelque chose de son butin, ses yeux regardent le dos de l’ange pendant qu’elle est occupée et son regard se promène tout seul le long de sa colonne vertébrale, remontant du creux de ses reins jusqu’à ses omoplates d’où il suit l’implantation de ses ailes, l’os de sa rémige, ses plumes divines, l’angle disgracieux de son articulation fracturée… Son sourire est triste, mélancolique, il sait qu’elle comprend.

    Lentement.

    Sûrement.

    Elle comprend, elle ne le sait peut-être pas, elle ne le conscientise sans doute pas maintenant tant que la plaie est encore trop vive mais elle comprend qu’elle est la seule capable de voir dans cette bille de silex la couleur des yeux de sa soeur. Si elle meurt, cette signification sera perdue à tout jamais, cette valeur si chérie, cette merveille, ces émotions, ces sensations qu’elle associe là tout de suite à cette pauvre bille de pierre insignifiante pour lui donner un sens nouveau et une poésie dramatique, tout ça serait perdu sans sa présence à elle pour accomplir son devoir de mémoire envers sa soeur. Le Voyageur baisse de nouveau les yeux pour regarder le plancher terne entre ses pieds, sa propre douleur est ravivée à travers celle incandescente de l’ange. La voix de cette dernière se fait une nouvelle fois entendre alors qu’elle pose une question toute simple, mais qui ravi le coeur du fae, il s’apprête à lui répondre lorsqu’elle prononce un mot très particulier pour la bonne raison qu’il n’en est pas un, c’est un nom qui n’est pas commun, mais propre: Bartholom. Sans se retourner elle lui affuble à son tour un nom lambda, comme tant de gens avant elle qui l’ont croisé, qui ont interagi avec lui de près ou de loin en le baptisant comme bon leur semblait. Valérien, Aukheperu, Shoshan, Daniel, Sergitius, Admon entre autres et maintenant Bartholom, alors ainsi soit-il, pour elle il sera Bartholom. Le Voyageur redresse la tête et s’aperçoit que l’ange le regarde par dessus son épaule, la tête à moitié retournée vers lui avec un regard en coin comme si elle voulait surveiller ses mouvements. Il lui adresse un grand sourire cette fois sincère:

    ”Assistante… plutôt collaboratrice si tu préfères. J’ai besoin de quelqu’un pour m’accompagner dans mes recherches, il y a des endroits où il est trop dangereux d’aller seul, des tâches qui gagneraient à avoir deux mains de plus, des pistes à explorer avec deux cerveaux, et j’ai tellement à faire qu’il me serait utile d’être plusieurs. Les arcanes les plus mystérieuses le sont pour de bonnes raisons, les élucider seul est un travail dantesque.”

    Le fae se relève de sa chaise et avance vers la porte, ignorant le regard suiveur de l’ange qui le fixe dans son mouvement, elle joue doucement avec la bille de pierre entre ses doigts et il la voit refermer précieusement ses mains autour du pseudo bijou quand il se retourne vers elle depuis le cadre de la porte. Il pose une main sur la poignée, contemplant avant de refermer la porte la vue de cette créature si prétentieusement au dessus des considérations mortelles, qui traverse pourtant son deuil de la façon la plus humaine possible en ce moment même. Son visage aux traits durs s’adoucit alors que sa mâchoire carrée se fend d’un sourire:

    ”Bartholom…” Il laisse le nom résonner entre les murs de la chambre, le répétant comme s’il allait subitement révéler un sens caché. ”Bartholom…” Le fils qui trace le sillon? Le Voyageur s’amuse de cette interprétation, il lui avait pourtant dit qu’il lui serait impossible de vérifier s’il disait la vérité en parlant d’un potentiel père fermier, mais c’est en cette vérité qu’elle a choisi de croire malgré l’absence de preuve. On appelle ça de la foi. ”Tu as raison, ça sonne bien. Bartholom.” Son sourire s’élargit un peu plus. Ses pupilles fixent les perles azurées de l’ange assise le lit, recroquevillée autour de son trésor endeuillé comme un chat acculé, il finit par lui demander un juste retour: ”Et toi, puisque tu possèdes toujours un nom, quel est-il?”

    Et quand elle lui répond, il tourne sa langue dans sa bouche en levant les yeux au plafond, et d’un air absent il dit à son tour:

    ”Phèdre… Phèdre, c’est un beau nom Phèdre.” et avant de s’éclipser, il ajoute ”Il te va bien.”

    Le lendemain, ses craintes sont un peu rassurées par rapport à la précarité de l’ange blessée, elle est de nouveau quelques peu loquace et le mage noir la voit non seulement plus stable mais sa rémission avance peu à peu. Son déblocage psychologique semble sans surprise grandement s’accompagner de progrès physiologique et l’intérêt que Phèdre manifeste de plus en plus sur les activités de l’érudit semblent la captiver pour le moment. Délivré de ses inquiétudes de suicide de la part de sa convaescente, Bartholom de son nouveau nom fraîchement baptisé sort de la maison emmitouflé dans ses hardes de voyage. Le cuir fermement rabattu contre son torse et la fourrure plaquée sur lui par le vent, il avance péniblement dans la neige pour enfin aller chasser un peu, son cube enchanté l’accompagne toujours inlassablement, mais cette fois le grand volume magique de plus d’un mètre de côté est entièrement vide à l’exception de quelques objets d’échantillonnage et du nécessaire de premiers soins. Le fae avance pas à pas, en faisant attention à là où il met les pieds pour éviter les plaques traîtresses de verglas au milieu de la neige ainsi que les trous surprises, Phèdre est déjà incapable de marcher donc il va éviter de la rejoindre dans le handicap. Le traqueur avance sur une piste qu’il se retrouve obligé de tracer via les branches brisées et les zones de poudreuses moins dense qui marquent les arrêts de repos, l’absence d’empreintes tangibles ainsi que son incapacité à relever une quelconque odeur autre que celle du froid et de l’humidité rendent la chasse difficile, mais à force de patience et de persévérance il finit par déboucher sur une clairière au milieu des pins. Ses yeux s’écarquillent en regardant ce qui se déballe devant lui:

    La biche frémit sensiblement à l’arrivée de Bartholom sur la clairière, ce n’est pourtant pas son odeur qui l’a alerté de la présence du Voyageur, ni le bruit de crissement un peu trop sonore que son pieds à fait en s’enfonçant dans la poudreuse, ni la vue de ses cheveux blancs qui déteint sur les branchages foncés des pins derrière lui. Non, en fait la biche n’a même pas ressentit la venue de l’érudit. C’est le mouvement de son bourreau qui se redresse d’au dessus d’elle qui lui a fait relever la tête, tandis que se détache un lambeau de muscle de sa nuque ouverte quand le monstre qui la surplombe arrache une de ses gueules du trou béant dans l’animal. Le cervidé cligne doucement des yeux et sa tête tombe lentement à terre alors que les derniers souffles de vie le quitte, et Bartholom regarde avec horreur la bête mourir, et encore plus d’horreur l’engeance sordide qui est à quatre pattes au dessus de son cadavre. Sa forme est confuse mais des reliquats d’un corps humanoïde sont encore clairement distincts, du moins le mage noir discerne clairement deux jambes et deux bras anthropomorphes. Le reste en revanche… ce qui s’apparente à une peau ressemble à un mélange de soie dépiauté, tâché à la fois par son sang et celui de sa victime, déchiré à plusieurs endroits d’où se montrent des muscles apparents et de la chair informe. Des côtes sont visibles là où elles ne devraient pas l’être, des intestins pendent derrière le corps en trainant dans la neige, y laissant des sillons macabres et sanguinolents. Bartholom a cessé de respirer dans ce moment de face à face immobile où le temps semble s’être suspendu. Il ne voit aucun oeil fonctionnel, mais ses connaissances le rendent suffisamment averti pour savoir que ça n’empêche pas forcément le monstre de voir. Malgré l’apparence déjà terrifiante de ce déchet de la guerre, ce sont deux détails de poids qui finalisent l’aspect horrifique de cette chimère, les yeux de Bartholom alternent entre les différentes gueules désordonnées qui semblent pousser depuis l’intérieur du monstre comme pour s’en échapper, perçant la chair par endroit pour claquer avidement alors que certaines sont encore suffisamment longues ou placées suffisamment bas pour continuer de se repaître du cadavre du cerf.

    Pas un bruit.



    Seul le vent souffle sur la plaine.

    Le monstre se rabaisse et les différentes bouches morfales reprennent leur festin sordide, des dizaines de mâchoires protubérantes depuis le torse, les épaules et le ventre du monstre reprennent leur repas glouton dans un concert de mastications révulsant, et pourtant l’estomac de Bartholom reste accroché coûte que coûte, le cube flottant à ses côtés immobile dans l’absence d’ordre qu’il ne peut pas donner sans trahir sa position. Le mage noir mobilise tout son sang-froid pour ne pas commettre d’erreur, mais il y a un hic. Les gueules archaïques n’étaient que le premier détail, le deuxième se révèle à sa vue lorsque la créature fait demi-tour sur le corps de la biche pour attaquer ses parties encore charnues, et il les voit. D’énormes tiques, bien trop grosses pour être normales, pendent du dos du monstre. Leurs corps blancs grotesques sont gorgés de sang, leurs têtes enfoncées dans les plaies de l’engeance maléfique gesticulent visiblement en tentant de maintenir leur prises enfoncées, mais leur poids les font pendre mollement des côtés de l’aberration.

    Bartholom laisse s’échapper un hoquet de stupeur en voyant une deuxième silhouette similaire s’extirper de l’autre côté de la clairière.

    Les deux créatures se redressent, chacunes difformes à leur façon et toute aussi mutilées en des satires de vie, et cette fois leurs gueules s’ouvrent à l’unisson en poussant des hurlements gutturaux impossibles. Bartholom ne perd pas une seconde de plus:

    ”ATTAQUE!”

    Le cube se fragment et ses compartiments vides se scindent, des lamelles de métal noirâtres virevoltent, découpées dans des formes acérées faites pour tuer, l’essaim de lame de l’artéfact fuse en direction des monstres et découpent les saloperies pendant que le mage tourne les talons et cours. Il entend des hurlements similaires aux deux créatures répondre à l’appel premier un peu partout autour de lui dans la forêt et la peur le gagne. Il doit parti- Phèdre! ILS doivent partir d’ici! Porté par les ailes de la peur plus que par les siennes en espérant qu’il ne soit pas trop tard, il continue de s’élancer à travers les bois, refusant de voler par peur que ces bestioles puissent être dotées d’une quelconque magie qui le rendrait vulnérable à découvert dans les airs. Les branches fouettent son visage et strient ses joues, écorchent son manteau, ses bottes se remplissent de neige dans sa course effrénée, il voit une des silhouettes maléfiques sortir de l’ombre pour lui barrer la route.

    ”ATTAQUE! ATTAQUE ATTAQUE ATTAAAAA…!”

    Les lamelles obsidiennes se fichent dans l’entité avec suffisamment de force pour la désarçonner et elle tombe sur le côté, mais Bartholom peut la voir encore gesticuler avec entrain en la dépassant, sont-elles au moins tuables? Quelle erreur d’être venu sur le terrain d’un affrontement des Titans aussi tôt! Il le savait pourtant, mais il avait pris les risq- non, c’est à cause de la putain d’ange, si ça ne tenait qu’à lui il serait parti depuis longtemps. C’est parce qu’il est resté là pour elle que c’est autant la merde. Il débouche enfin des bois de sapin sur le jardin de la maison et regarde avec horreur la centaine de mètres qui le sépare de la bâtisse alors que des engeances maudites commencent déjà à s’en approcher.

    ”PHÈÈÈÈDRE! Et merde! DÉFENSE!”

    Ses ailes s’agitent dans son dos et il décolle du sol, tant pis, foutu pour foutu autant essayer. Il fonce tout droit vers la fenêtre de la chambre de l’ange blessée tandis que des crachats acidiques jaillissent dans sa direction, bloquées par le cube déployé sous lui dont le patron fait office de maigre protecteur. Il défonce le verre de la fenêtre qui explose à l’intérieur avec fracas, le parsemant de coupures peu profondes grâce à la robustesse du cuir de son manteau.

    ”PHÈDRE!”

    L’ange était déjà dressée sur son lit, alerte, il se redresse en ignorant la douleur de son atterrissage brutal et accours à son chevet.

    ”On s’en va maintenant.”

    Sans attendre son accord, il la tire des draps et passe une main derrière son dos exposé, l’autre sous ses jambes, mais lorsqu’elle gémit de douleur à cause de sa jambe convalescente, il remonte sa prise sous ses cuisses. Il grogne sous l’effort en soulevant le poids de la divine perfection, contrastant avec les horreurs pas moins divines qui commencent à grimper aux murs. D’un geste du poignet, Bartholom envoie avec un intense effort psychique l’armoire se river contre la fenêtre cassée, puis le lit délesté de son patient va rejoindre l’autre mur pour condamner les autres fenêtres. Le fae soulève l’ange jusqu’au centre de la pièce:

    ”RANGEMENT! ENCRE! ENCRE!”

    Le cube se précipite dans le cadre de la porte tandis qu’un tintamarre d’objets se fait entendre à côté alors que les affaires de Bartholom se ruent à l’intérieur de l’artéfact. Un flacon d’encre vole devant le mage noir qui dépose aussi délicatement Phèdre au sol que possible, c’est à dire pas beaucoup dans l’urgence de la situation. Ignorant une fois de plus la douleur de la femme il récupère ensuite l’encrier dans sa main et projette le liquide noirâtre à la façon d’un prêtre qui donne l’onction. Les gerbes sombres s’étalent en des formes surnaturelles sur les murs et le sol, guidées par la télékinésie de Bartholom pour tracer des symboles magiques sur les paroies, dehors les monstres agressent les barricades primaires montées par le fae, faisant connaître leur présence et leur acharnement.

    ”Aller plus vite. Plus vite!”

    Le cube de transport revient dans la pièce, chargé avec les affaires du mage noir, en même temps le matelas du lit s’éventre alors qu’une gueule de bestiole le traverse, son gosier bourré de plumes blanches tâchées de sang. Bartholom réalise qu’ils ne pourront pas s’en tirer, le processus de téléportation va prendre trop de temps, mais alors que Phèdre se retourne vers la créature intrusive, cette dernière se tord et semble lâcher sa prise sur la façade de la maison pour s’écraser en contrebas. Le fae n’a le temps que d’adresser un regard interloqué à la femme qui lui ordonne de continuer avant qu’il ne s’exécute, l’armoire vole en éclat à sa gauche et une tête pleine de tiques géantes s’engage dans la chambre, les derniers préparatifs s’achèvent, Phèdre continue de lui acheter du temps, Bartholom hurle, le cube vrille sur place, l’enfer, le chaos, la confusion, la magie s’infuse, l’encre s’illumine, un bruit suraigu se met à siffler et d’un seul coup ils ne sont plus là.

    Phèdre est toujours à terre, Bartholom debout à côté d’elle, sa paume tendue vers le sol, mais à la place du plancher gribouillé d’encre de la chambre ils se trouvent sur une place ruinée aux grosses pierres descellées. Au dessus d’eux le ciel étoilé est paisible, une voûte nocturne regardant curieusement les deux rescapés qui viennent tout juste d’apparaître quelque part dans les terres saintes de l’ouest. Vidé de sa mana, épuisé tant physiquement que mentalement, Bartholom tombe un genou à terre en accusant difficilement la disparition si subite de sa magie à cause de la téléportation à longue distance. En réponse un fracas accompagne la tombée du cube à terre et de ses deux arceaux d’or, immobile, son inanité tranchant singulièrement avec la malignité dont l’objet semblait presque être doté sous l’effet de la magie de son propriétaire. Bartholom tousse fortement et sa quinte se transforme en vomissement alors qu’une sensation intense de vertige lui fait poser les coudes au sol, le goût acide qui empeste dans sa bouche le fait grimacer, et il relève faiblement la tête vers Phèdre.

    ”Tu n’as rien?” Il essaie de redresser un pieds sur le pavé, mais son équilibre le fait s’affaler sur le côté. ”Eruhg… bleuarrrrhgh”

    Haletant, il vomit une fois de plus alors que cette fois le noir commence à poindre au bord de sa vision. Il refuse de s’évanouir, ses deux poings serrés contre son front, il dépose sa tête à quelques centimètres du sol et respire laborieusement pour stabiliser son souffle et son malaise.

    ”Le… le coffre…” Il articule chaque mot avec difficulté comme s’ils lui arrachaient une partie de son âme. ”Ouvre… le… pâte… jaune… dans la… fiole…”

    Son souffle ne revient toujours pas, et il peut sentir un liquide un peu chaud et poisseux couler dans son cou alors qu’une sensation scindante s’éveille de son épaule avec la retombée de l’adrénaline. La fenêtre, et merde.

    ”Panse…ments… aussi…”
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  • Ven 30 Aoû - 19:13
    Phèdre était étrangement satisfaite. Un sourire, tellement rare qu’il lui fit mal aux joues, ourla ses lèvres alors qu’elle était en chien de fusil sur le lit. Son regard ne se détachait pas de la petite bille grisâtre qu’elle n’avait de cesse de faire tourner entre ses doigts. Ainsi, elle avait l’impression de regarder droit dans l'œil de sa sœur, le visage en moins mais c’était toujours mieux que rien, mieux que l’oubli. Et puis il avait toléré le nom qu’elle lui avait donné. C’était la première fois qu’elle nommait un homme et c’était plus agréable encore que de choisir celui d’un faucon ou d’un bébé. Parce qu’il pouvait lui donner son avis mais surtout parce qu’il avait aimé. Le nom qu’elle avait choisi pour lui lui plaisait et ridiculement, elle en était ravie. Puis sa joie sembla s’évaporer, son visage redevint de marbre et elle fit l’aumône à Bartholom d’un regard avant de répondre à sa question :

    - Phèdre. C’était ainsi qu’elle s’appelait. Quant à savoir qui avait choisi ce nom pour elle… Peut-être était-ce Siame, peut-être était-ce Aurya, à moins que ça ne soit elle toute seule. Elle ne s’en souvenait pas. Ça n'avait plus d’importance. Cette nuit, elle s’endormit un peu plus paisiblement que les précédentes.

    Bartholom était parti tôt ce matin là, il n’était pas homme à se prélasser dans un lit jusqu’à ce que le crépuscule pointe le bout de son nez. Exactement comme Siame alors que Phèdre, elle, préférait passer la journée à se prélasser sous ses draps pour ne sortir qu’à la fin de l’après midi. Ou ne pas sortir du tout. “Guenon fainéante” l’admonestait sa sœur lorsqu’elle devait, par deux fois au moins repasser dans leur chambre pour la tirer de leur lit. L’ange finissait par céder mais jamais de bonne grâce. Désormais, elle ne pouvait plus se permettre ce genre de fantaisies. D’abord parce qu’il l’avait sauvé, ensuite parce que les manipulations qu’il effectuait sur ses membres endoloris auraient tôt fait de la tirer du sommeil bien plus abruptement que si elle le faisait d’elle-même. Et puis cela faisait des jours maintenant qu’elle n’avait pu se laver convenablement, les draps sur lesquels elle reposait sentait la poussière et le sang. Pour une fois, elle avait plus hâte de s’échapper de son lit que d’y rester. Hélas, elle y était clouée par la force des choses.

    Cela faisait plusieurs heures que Bartholom s’était absenté pour elle ne savait trop quelle raison quand elle avait, contre son ordre, passé les jambes par-dessus le matelas de fortune et testé ses appuis. D’abord précautionneusement, du bout des orteils -en grimaçant- puis elle avait posé la plante de ses pieds sur le parquet froid et elle avait appuyé légèrement.

    - Ça fait mal. Commenta-t-elle à l’attention de la chambre vide où seul le silence pouvait lui répondre. Ses yeux parcoururent la pièce jusqu’à se poser sur la chaise où le fae avait l’habitude de s’installer, la tirant jusqu’à elle et testa sa solidité en pesant légèrement dessus. - Bien. Bien, bien, bien. La raison lui dictait de rester sagement assise. Mais Phèdre n’avait jamais été l’enfant sage, c’était le rôle de Siame. Alors elle prit appuis sur le dossier de la chaise et se leva. Il lui sembla que sa cheville et peut-être même sa jambe toute entière lui hurlait de se rasseoir mais elle serra les dents et s’y refusa. S’appuyant sur son pied valide, elle souleva la chaise, la reposa trente centimètres plus loin, prit appui dessus et fit un pas dans un gémissement de douleur.

    Rejoindre la petite armoire en verre qui renfermait quelques livres à environ une dizaine de mètre de son lit, prit plus d’une quinzaine de minute à Phèdre et lorsqu’elle y parvint enfin, une fine pellicule de sueur était en train de se former sur son front. La douleur irradiait désormais dans son mollet et dans sa cuisse, lui donnant l’impression de pulser comme un second cœur. Elle l’ignora pour ouvrir les portes en verre de l’armoire et en tira le premier livre qui lui vint. C’était un ouvrage en elfique dont, en vérité, elle se fichait bien du contenu, mais sa patience avait ses limites et les murs en pierre grise l’avaient entièrement usée. Elle se laissa donc tomber sur la chaise dans un soupir satisfait et ouvrit la première page de sa trouvaille. Puis quand elle en eut marre et que la fatigue reprit le dessus, elle traîna la patte et la chaise jusqu’au lit où elle se roula en boule avec l’idée de partir à nouveau loin du monde sordide où on l’avait laissé toute seule.

    Ce ne fut d’abord rien de plus qu’un souffle de vent dont le sifflement lui fit rouvrir un œil. Mais la nature était parfois étrange, surtout ici, surtout après le passage de ses maîtres alors elle se laissa retomber sur les coussins. Avant d’en être arraché cette fois par un cri puis dans la seconde suivante par une explosion de verre dont elle se protègea in-extremis avec les bras.

    - Barthol… Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que déjà ses bras s’enroulaient sans douceur autour de ses jambes, lui arrachant un sursaut plaintif avant qu’il ne modifie sa prise. Ses bras s’agrippèrent naturellement à ses épaules et à sa nuque, détaillant l’expression terrifié de son visage. - Qu’est-ce qu’il se passe ? Essaya-t-elle de demander. Mais il ne l’écoutait pas, il était mort de peur et trop occupé à emporter ses effets les plus importants. En toute hâte, il l'emmena jusqu’au centre de la pièce avant de la laisser presque tomber, lui arrachant un nouveau grognement de protestation. Grimaçant, l’ange se redressa sur les coudes. Ce fut à cet instant qu’elle comprit, lorsque le premier hurlement, semblable à un gargouillis, lui parvint. Puis la barricade trembla, encore, encore. Et Phèdre resta sidérée. - Qu’est-ce que… Qu’est-ce que c’est… Bredouilla-t-elle en reculant, s’arrêtant juste à temps pour ne pas mettre les mains dans l’encre. “Du temps, il lui faut du temps !” Réalisa-t-elle au moment où ce qui lui avait servi de lit tout ce temps se faisait éventrer.

    Phèdre n’avait jamais été un soldat, ni même une combattante, même durant cette guerre, elle ne s’était pas réellement battue. On l’avait utilisé pour son art et pour son obéissance mais certainement pas pour ses qualités au combat. Toutefois, elle avait un instinct de survie profondément ancré dans plus de cinq mille ans d’existence. Sa magie déferla sur son adversaire aussi insidieuse que discrète et s’introduisit par la fêlure de l’esprit idiot qu'on les bêtes pour le malmener. La créature gémit et lâcha prise.

    - CONTINUE ! S’écria-t-elle lorsqu’elle sentit son regard sur elle. Abandonnant sa magie de l'esprit, elle utilisa celle plus brutale de la glace, recouvrant d’épaisseurs, sur épaisseurs, sur épaisseurs toutes les issues qu’elle pouvait condamner. Priant pour que les parois tiennent bon jusqu’à ce que Bartholom puisse les sortir de là car c’était ce qu’il était en train de faire. N’est-ce pas ?

    Le chaos laisse souvent place au silence mais celui-là était aussi assourdissant que ceux des champs de bataille. Ils avaient atterri, sans qu’elle ne sache trop comment, au milieu d’une place. “Pas une place, avisa Phèdre, une maison.” ou du moins ce qu’il en restait. Le souffle court, elle aurait pu rester ainsi des heures à contempler la voûte parfaite qui la dominait. Mais à ses côtés, Bartholom ploya le genou avant de vomir. S’écartant de justesse, l’ange se redressa un peu trop vivement et étouffa un nouveau cri de douleur pour s’approcher de son compagnon d’infortune.

    - Je vais bien grâce à… Un nouveau vomissement et le corps qui tangue dangereusement à peine soutenu par sa volonté et qui révèle une tâche sanguinolente sur son pourpoint. - Le-Le cube ? Son regard tourna de gauche et de droite à la recherche de cet assistant muet dont elle avait entendu le fracas quelques secondes auparavant. Plus en rampant qu’en marchant, elle y parvint et se mit à fouiller dans ses entrailles. Qu’avait-il dit déjà ? De la pâte jaune ? Des pansements ? Quoi d’autres ? Rien d’autre. Phèdre ne s’était occupé que de Zachary au cours de sa vie et c’était il y a déjà si longtemps que sa mémoire lui jouait sans doute des tours alors elle préféra se rabattre sur ces derniers jours qu’ils avaient passés ensemble, sur ce que Bartholom avait utilisé pour la soigner. Une fois qu’elle eut récupéré l’ensemble du matériel nécessaire, elle revint auprès de lui. Lentement, elle l’aida à se redresser, essayant d’ignorer autant que faire se pouvait l’odeur de vomit qui imprégnait désormais l’air.

    - Ça ne sera pas très agréable. Murmura-t-elle en défaisant bouton par bouton le pourpoint dont elle le libéra ensuite avant de faire subir le même sort à sa chemise.

    La plaie était effectivement moche et Phèdre la désinfecta puis la banda comme elle put et avec la maigre expérience dont elle était dotée. Ses maladresses arrachèrent plusieurs protestations douloureuses à Bartholom qu’elle avait fini par allonger pour éviter d’avoir à s’asseoir dans le vomit et de le soutenir alors que ses propres meurtrissures se rappelaient à son bon souvenir. Enfin, quand elle en eut terminé, elle le recouvrir avec le pourpoint  avant d’enfiler la chemise. Puis elle empoigna délicatement son bras, au niveau du pli du coude, comme il l’avait fait si souvent avec elle. A force de le voir répéter encore et encore les mêmes mouvements, elle se pensait capable de les imiter. Ses doigts fins remontèrent jusqu’au biceps où, après avoir tâté plusieurs fois, elle noua le lien qui aurait dû fermer sa chemise vigoureusement . Comme par magie, les veines se mirent à saillir sous la peau toutes de bleu et de vert. Phèdre attrapa la seringue qu’elle avait trouvé dans le cube et avec une lenteur précautionneuse transperça la barrière cutanée. Elle y injecta l’exacte dose que Bartholom lui injectait quotidiennement -ou presque-.

    - Tout ira bien désormais… Souffla-t-elle alors qu’elle l’entendait marmonner. Glissant sa main libre dans la sienne, comme il l’avait si souvent fait avec elle, elle resta à ses côtés. Mais ses yeux étaient uniquement rivé sur la bille en silex qui semblait soutenir son regard. Phèdre eut un sourire triste, percluse de douleur mais condamnée à attendre qu’il se réveille, elle se sentait quand même moins seule.
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  • Mer 4 Sep - 3:39

    Il était une fois un homme esseulé, il ne se souvient plus comment aimer...



    Sa vision se trouble, ses sens s’allègent et s’empâtent à la fois, chaque mouvement qu’il esquisse est plus difficile à articuler alors que ses muscles ne semblent plus tout à fait lui répondre. Bartholom a envie de vomir alors que le noir l’appelle, la sensation désagréable au niveau de son épaule et de son cou l’engourdit de plus en plus et rester éveillé est un réel combat. Il perçoit lointainement les mouvements laborieux de Phèdre autour de lui et il sent à peine ses mains qui le manipulent, qui l’adossent contre une pierre, déboutonnent son pourpoint de voyage et s’attardent sur sa blessure. Il sent tout juste ses doigts d’abord effleurer sa peau, est-ce que c’est elle qui a autant froid ou est-ce que c’est lui qui est subitement bouillant? À en juger par la moiteur qu’il ressent sous ses vêtements ça doit venir de lui, Bartholom penche la tête ou plutôt la laisse tomber lourdement sur le côté alors que son regard cherche l’origine des sensations qui le lancent. Ses yeux vaguent s’échouent avec une grimace sur les mains maladroites de Phèdre tandis qu’au coin de sa vision, des ruisseaux rougeoyants se dessinent abstraitement le long de son épaule, trop haut vers son cou pour qu’il puisse bien les percevoir. Il essaie de contorsionner un peu plus sa nuque pour mieux voir mais le mouvement tire sur sa peau puis sur sa plaie et lui arrache un gémissement plaintif qui ne lui ressemble pas. Le vide de sa magie cumulé à la blessure le met vraiment dans un pitoyable état, et il ne peut que s’en remettre à l’ange hésitante qui essaie tant bien que mal de suivre ses indications.

    ”Faut pas… ah… arf… faut pas avoir peur de euh… de serrer fort… comprimer la plaie, c’est la… haa… c’est la pression qui fait quelque chose…”

    Ses paroles lui coûtent mais ont le bon goût de l’aider à ne pas sombrer, parler lui permet d’accrocher son cerveau à la réalité, de résister à l’appel du vide. Il observe celle qu’il soignait depuis une semaine lui rendre la pareille en ce moment fatidique, et ses yeux regardent lourdement ces fragiles mains aux doigts si finement dessinés se teindre d’un sang étranger, presque indigne de les maculer, s’occuper de sa plaie. Il reste silencieux lorsqu’elle déballe la pâte désinfectante mais ses gestes paradoxalement trop peu délicats lui arrachent des miaulements de douleur supplémentaire.

    ”Attends… attends… plus doucement. Juste une noisette… ça suffit.” Il la regarde prélever un peu du baume dans sa boîte et continue, ”Ouais étale… dans les mains oui… co-comme çahaa”

    La tête de Bartholom se balance vers l’arrière alors que son sens de l’équilibre lui joue des tours, la terre semble se pencher subitement sur le côté bien qu’il soit immobile contre la pierre qui le soutient, ses yeux clignent tout seuls, incapables de supporter continuellement le poids de ses paupières. Même respirer devient laborieux. Bartholom grogne un peu plus alors qu’il lutte désespérément pour rester conscient, les douleurs à son épaule reviennent à un seuil tolérable alors qu’il sent Phèdre passer ailleurs, elle s’attarde maintenant sur son bras, c’est bien… c’est… ?!?

    Il n’est pas blessé au bras si?

    Dans un ultime effort Bartholom redresse la tête pour s’enquérir de ce que l’ange peut bien être entrain de fabriquer, les mots de l’ange traversent sa tête et en ressortent aussi légèrement que l’air, il regarde avec horreur la seringue enfoncée dans son bras, la dose qui s’inocule doucement sous la poussée de l’ange et l’opiacé qui disparait dans sa peau.

    ”Qu-dub… Tq’ues-cektu éé…”

    Les pensées se bousculent avec confusion dans sa tête en s’entrechoquant sans en dégager de sens distinct, est-ce que c’est lui qui lui a dit de prendre l’anti-douleur? Elle l’a injecté trop vite. C’est pas la bonne veine. Nan mais il lui avait juste dit de prendre la pâte non? Ça brûle là, ça brûle un peu trop même. ”Urghh-” Quasi sûr qu’elle a piqué une artère. Il a juste dit la pâte, il est sûr qu’il lui a juste dit de prendre les pansements. Attend mais si elle a piqué une artère…? C’est l’opiacé, nan mais en plus c’est pas une bonne dose pour un fae mâle! C’est l’opiacé hein? Elle a pas injecté la pâte? Elle a piqué une artère avec un opiacé il va faire un putain de malaise. La pâte rentre pas dans la seringue en vrai, c’est forcément l’opiacé. Il lui avait pas dit de prendre l’anti-douleur c’est certain. Le ciel est de plus en plus sombre non? Oui en même temps c’est la nuit, mais ça s’assombrit quand même vachement bordel, elle a vraiment piqué une artère c’est sûr. Sa tête est tellement lourde. La dose sera pas assez pour le coucher, elle est calibrée sur Phèdre, ça va pas être agréable… attend non ça c’est elle qui l’a dit, c’est elle qui l’a dit n’est-ce pas? Pass sûr. Il l’a peut-être juste entendu avec sa voix à elle, mais du coup elle l’a pas forcément ditt, mais il a peut-être entendu le son. Enfn c’est bizzarre il se comprend mais il ne saurait pas expliquer, en fait il ne comprend pas non plus mais ça fait sens, il croit? Laa tête est lorude, les puapèires aussi,, il fait vraiiiment très noir. S’il s’endoort il se réveillillera puet-êrte pas aevc ce qu’elle vniet de fiaire… elle a pqué l’artre avec l’oipcaé, et merde… eeet….. rrrrd’

    Mmh?

    Il fait sommeil.

    Il fait sommeil mais il faut qu’il se réveille, Bartholom n’en a pas très envie.

    Bartholom veut dormir.

    Il veut dormir, mais il n’a pas trop le choix, ça gronde trop fort.

    Il ouvre les yeux finalement, mais il ne voit rien, enfin si il voit mais pas ce qu’il devrait trouver devant lui. Il se sent perdu, où est-il? Ah oui, l’échafaud. Il sent le bois du pilori contre sa gorge qui l’étouffe alors qu’il n’a plus la force de se tenir debout sur ses jambes, la pression qu’exerce l’instrument sur ses poignets et son cou est insupportable et il est épuisé par les heures entières passées à l’intérieur, son corps forcé dans une position inconfortable par la fatigue lui fait mal partout, le dos, les reins, les genoux, la gorge, les poignets rouges sangs. Même ses ailes sont exténuées contre son dos alors qu’il s’en est servi pour tenter de rester stationnaire et de libérer un peu de poids de sa gorge et de ses bras endoloris quand personne ne regardait, mais là il n’a même plus la force de voler. Il peut difficilement relever la tête mais il n’a pas besoin de le faire pour savoir que de l’autre côté de l’échafaud il est là, en face de lui, prisonnier du même sort.

    ”Tient bon… Tient bon d’accord?”

    La voix de son frère l’appelle par son prénom, mais Bartholom ne s’en souvient pas. Il se souvient juste qu’il doit endurer le supplice quelques heures de plus avec son frère, plus que quelques heures et ensuite l’église les relâcheront…

    ”Je t’abandonnerai pas…”

    Il sait ce qui va se passer ensuite, c’est injuste, il veut relever la tête mais les lois oniriques le lui interdisent, il ne peut pas voir son visage pourtant il fait tout les efforts du monde pour y arriver. Il a oublié ses traits, il veut juste s’en rappeler. Juste une fois, juste une fois il veut revoir les traits de son frère avant qu’il ne s’enfuie, avant que les ecclésiastiques ne reviennent pour le tuer et que Bartholom ne s’échappe, avant qu’ils ne le pourchassent dans les bois, à travers la carrière, jusqu’aux chutes de Biamy, avant qu’il ne se jette dans la flotte pour échapper à ses poursuivants.

    ”Je serai là… Je serai là jusqu’à la fin.”

    Les contours des formes deviennent flous, la vision ésotérique se brouille dans des méandres indiscernables. Il entend seulement les cliquetis des chaînes des prêtres approcher, non c’était celles des prêtres mais celles des bourreaux. Son frère l’appel d’une voix inquiète mais il ne parvient toujours pas à discerner les sonorités de son propre prénom. Il hurle. Son frère hurle.

    ”Ensemble… On s’en tirera… ensemble…”

    Il ne perçoit plus rien d’ostensible, du rouge, des cris, un bruit strident, du métal.

    ”...ramènerai…”

    Il sent une larme couler sur sa joue.

    Entre autre. Parce qu’il sent aussi une douleur sourde et lancinante à l’épaule, un atroce mal de ventre, un engourdissement massif au bras gauche, une sensation pâteuse dans la bouche, une odeur désagréable de crasse mêlée, il a chaud, froid, faim, pas faim, faible, fatigué, pas sommeil. Ah.

    Ah… il est revenu à lui n’est-ce pas?

    Bartholom grogne en se râclant la gorge douloureusement, le moment présent est une expérience étrange où il souhaite ne pas bouger d’un pouce parce que le moindre mouvement le gratifie d’un lancement pénible mais où même l’immobilisme est à peine supportable, il voudrait presque cesser d’exister et échapper à sa condition physique, mais son esprit n’est pas suffisamment embrumé pour se duper, il va devoir se décarcasser de là s’il veut éviter que la situation n’empire. Quelle situation exactement d’ailleurs? Le mage noir ouvre difficilement les yeux pour prendre conscience de ce qui l’entoure, chaque élément du décor, chaque bruit et chaque stimuli des alentours nécessite une bonne demi-douzaine de secondes pour être pleinement assimilée, il déteste la sensation de lenteur qu’il éprouve dans son esprit. Des pierres… il connait ces pierres… chez lui, ou ce qu’il en reste du moins. Une douleur cinglante à l’épaule alors qu’il esquisse un premier mouvement pour s’adosser contre une d’entre elles, un bandage sanglant, des raideurs dans la clavicule… une main se pose contre son torse et l’empêche de se redresser, il tourne la tête de l’autre côté et s’aperçoit de la main qui tient la sienne, de l’autre posée sur sa poitrine et de leur propriétaire qui le regarde avec une mine indéchiffrable, une expression mitigée que Bartholom a du mal à lire en sortant tout juste des nimbes.

    ”F-Eumh… Phèdre?” Que s’est-il passé? Les souvenirs commencent lentement à lui revenir, la fenêtre, l’attaque, leur fuite… après ça, c’est plus flou. Il était blessé, elle l’a soigné, il a la vague impression qu’elle avait fait une bêtise mais incapable de se souvenir de quoi il s’agissait. ”J’ai connu mieux, mais ça va, je survivrai. Et toi?” demande-t’il après qu’elle s’enquiert de son état.

    Il marque une pause en l’écoutant et après un instant passé à souffler un peu et à reprendre des forces pour poursuivre, l’érudit mal en point continue:

    ”C’était chez moi.” répond-t’il à son interrogation. ”Les Terres Saintes, avant que les Titans n’attaquent et qu’ils ne détruisent la moitié du monde. J’avais un cercle de retour ici, mais il ne reste rien de valeur, seulement des ruines et des souvenirs…” Un voile passe devant ses yeux encore vitreux. Le fae lève son bras valide et regarde la voûte nocturne à travers ses doigts tendus, avant de rediriger son regard dans les perles azurées de la fille divine. ”Je n’ai plus du tout de magie, ces prochains jours vont être compliqués.”

    Après avoir vérifié l’intégrité relative du contenu de son coffre géométrique, Bartholom appuyé par la précieuse aide de Phèdre parvient à faire le tri dans ce qui a été cassé entre leur départ précipité et la chute abrupte du cube lévitant. Une fois qu’un inventaire complet a été fait des ressources à leur disposition, il apparait plusieurs constats: leur stock de nourriture est au plus bas et Bartholom n’est pas en l’état de chasser, il ne leur reste plus que trois doses d’opiacés avant d’être à cours, et une bonne partie des fioles de liquides variés se sont brisés à l’intérieur du cube en emportant un bon nombre d’heures de récoltes à la trappe. Le fae se pince le front de sa main valide et laisse un soupir exténué exprimer toute sa frustration. Les jours qui vont suivre vont être pénibles.

    Ils s’avèreront finalement bien plus agréables que ce que l’érudit s’était initialement projeté, Phèdre s’est révélée une prolifique utilisatrice de magie et la chasse est d’autant plus facile lorsque les animaux tombent à terre sous l’effet d’un broyage psychique à vue. Les nuits froides ont au moins le bon goût de l’être drastiquement moins que dans les toundras du nord et ils parviennent à se réchauffer convenablement en passant les soirées devant des feux de camps construits à la va-vite. Leur portée de mouvement étant très limitée, le fae manchot et l’ange unijambiste se sont vite retrouvés forcés de collaborer tantôt pour déplacer l’une tantôt pour aider l’autre à manipuler des objets, et à deux ils réussissent à survivre. Ils mangent les maigres petits gibiers assez audacieux ou curieux pour les approcher, ils font brûler le bois ramassé dans les décombres de la maison de Bartholom et ils passent leur journées à dormir à tour de rôle pour passer la douleur du grief et de la convalescence pour elle, et la peine de la nostalgie et de l’impuissance pour lui.

    Le lendemain au soir, assis devant leur foyer de fortune à regarder un perdreau juter son gras sur les flammes depuis une broche, les deux compagnons d’infortune sont en pleine conversation. Si Phèdre n’est pas aussi loquace que Bartholom elle l’est déjà plus depuis leur départ de la toundra, comme si l’éloignement physique du théâtre de la bataille l’avait aidé à détacher son esprit de ce qui le préoccupait, mais le fae ne se fait pas d’illusion, il voit la nature de la psychée endeuillée reprendre ses droits dans les moments de silence où son regard semble ailleurs, dans les instants creux où ils ne font qu’attendre que le temps passe dans un profond silence, dans les fois où il se réveille et qu’il la trouve entrain de regarder l’horizon comme l’âme en peine qu’elle est. C’est pourquoi il s’évertue le plus possible à la distraire, à la faire se concentrer sur autre chose, et ce soir il profite justement de la cuisson de leur maigre butin pour la former un peu.

    ”...nipulables, c’est factuel. Si X’O-Rath peut le faire alors c’est physiquement possible, il paraît que certains nécromants extrêmement puissants y sont parvenus aussi depuis le début de la guerre elfique mais je n’en ai pas vu moi-même, donc en ce qui me concerne ça reste des rumeurs mais… apparemment la magie des divins s’est affaiblie et leur contrôle sur les lois fondamentales ont diminué. Ça signifie…” Il tient son carnet de notes devant l’ange assise à ses côtés, habillé seulement de sa chemise trop fine pour l’hiver et de ses braies en lin, Bartholom a fait un compromis en donnant quelques uns de ses vêtements à la créature parfaite dont les effets n’ont pas fait le saut lors de leur téléportation. Elle porte donc son pourpoint et son pantalon de voyage, les habits les plus lourds en cuir et aux doublures de fourrure, pendant que lui fait avec ses dessous. Côtes à côtes, il lui montre du doigt des croquis et des phrases griffonnées en légende. ”... que les attaches des âmes sont fragilisées. Si c’est vrai alors elles deviennent beaucoup plus sensibles et certaines manips deviennent possible alors qu’elles ne l’étaient pas avant. Maintenant que…” que les Titans ont quitté le Sekaï? plutôt maladroit. Il se rattrape avant de rappeler à Phèdre la misère de sa condition d’ange échouée. ”... de nouvelles portes sont apparues il va falloir étudier de nouvelles pistes.”

    Il claque le livre pour le refermer et le tend à la femme.

    ”Tient, feuillette le quand tu es de garde et familiarise toi avec le contenu, si mes recherches aboutissent on pourra ramener ta soeur parmi nous, mais pour ça j’ai besoin que tu sois au courant d’autant de choses que possible. Comme je te l’avais dit l’autre jour, je n’ai pas besoin d’une esclave, mais d’une aide.”

    Le fae attrape sa propre épaule pour l’empêcher de bouger en se déplaçant tandis qu’il s’adosse contre une pierre pour profiter du feu.

    ”N’oublie pas de tourner l’oiseau, brûlé c’est moins appréciable en bouche.” Il adresse un sourire moqueur à l’ange qui ouvre déjà le calepin. ”Tu sais, il y a un détail qui me trotte l’esprit depuis que je l’ai remarqué. L’autre jour là bas, quand tu as retenu les monstres.” Quand elle redresse la tête vers lui il plonge son regard dans le sien, une mine pensive sur le visage. ”Ta magie, l’assaut psychique. Si ça les a affecté c’est qu’ils avaient une âme, sinon ça n’aurait pas fonctionné, et je suis presque sûr que c’est ce qui s’est passé n’est-ce pas?” Ses doigts gigotent en traçant le fil imaginaire de sa réflexion devant lui. ”Sauf que tu as vu leur état, ils étaient déjà morts depuis longtemps. Il y a quelque chose qui a réussi à les ranimer, à insuffler des âmes en eux ou alors à les retenir coincées à l’intérieur pendant que leurs corps décrépissaient comme s’ils étaient morts. Je me demande si ce n’étaient pas ces tiques qui faisaient ça parce que ce serait un comportement étrange de la corruption seule.” Il marque une pause pendant laquelle Phèdre et lui se regardent, mais il voit bien qu’au mieux il réfléchit à voix haute, au pire il pose une question à la mauvaise personne. ”Je pense que ça mérite un peu plus de réflexion. Je verrai si ça m’inspire quoi que ce soit je suppose.”

    Ils finirent la soirée avec le ventre un peu plus rempli, et se surveillèrent tour à tour entrain de dormir. Pendant une demi-douzaine de jours ils vécurent ainsi à veiller l’un sur l’autre, à dormir, manger, boire, subsister en satisfaisant les plus basiques des besoins physiologiques, et au fur et à mesure que le sablier égrenait son temps, les discussions occasionnelles qu’ils avaient leur en apprenaient un peu plus l’un sur l’autre. De rares détails sur leurs passés respectifs venaient aiguiller un peu plus les portraits qu’ils avaient l’un de l’autre, Phèdre apprit ainsi que Bartholom avait perdu la majeure partie de sa famille très tôt, que les Titans avaient rasé la région aux débuts de la guerre avant de remonter vers le nord sur la capitale elfique, et que seul lui et son frère avaient survécu. Il lui raconta aussi comment les deux frangins avaient enchaîné les écueils en tentant de survivre coûte que coûte, et que Bartholom avait vite révélé des talents magiques, qu’en écumant les bibliothèques et les écoles des grandes villes ils ramassaient des bouquins pour que le jeune fae puisse s’entraîner et apprendre à maîtriser ses dons, que très vite il avait cessé de marcher dans les pas des auteurs de ces ouvrages pour expérimenter de son côté et extrapoler sur les écrits à travers la pratique. Il lui parlait aussi de l’après, bien que plus rarement, il s’épanchait peu sur ce qui s’était passé entre le moment où il parcourait Sekaï avec son frère et celui où il étudiait avec acharnement les ars obscura dans sa quête de maîtrise sur la vie et la mort. Phèdre n’est pas stupide et Bartholom en est bien conscient, mais que ce soit par respect, par crainte qu’il ne retourne la question sur le propos de sa soeur ou par simple pudeur, elle ne demande pas, donc il n’en parle pas. Chaque soir délivrait un peu plus de son histoire décousue faite de souvenirs recomposés et d’incertitudes approximatives, et tandis que lui racontait son héritage, il en apprenait aussi un peu plus sur elle. Tout comme lui, elle a ses zones d’ombres, et tout comme elle, il les laisse là où elles sont, cachées dans les ténèbres.

    Encore quelques jours se déroulent ainsi sans grand évènement, leurs blessures cicatrisent grâces aux soins que Bartholom leur prodigue et Phèdre se retrouve peu à peu capable de marcher sans aide, lui recouvre lentement l’usage de son bras et récupère une faible mobilité sur son épaule, tandis que sa magie a déjà fait son retour il y a plusieurs jours. L’aile de l’ange semble en bonne voie également, mais ce n’est pas parce que le corps se soigne qu’il en va de même pour l’esprit. Cela fait plusieurs jours maintenant qu’ils sont à court d’opiacé et le mage noir sait qu’ils vont d’abord devoir faire une escale dans les chaînes de montagnes à l’ouest avant de reprendre ses recherches. Histoire de trouver des pavots bleus. Bartholom apprécie peu l’idée de poursuivre des travaux aussi dangereux sans avoir de provisions d’avance en médication, mais ce n’est pas le seul point qui le dérange avec l’absence d’opiacé. Il jette discrètement un coup d’oeil à l’ange qui est occupée à tresser de la laine pour faire de la ficelle, et ses yeux l’observent, descendant de ses doigts pris par le tissage des fibres pour se poser sur le genou sautillant incessamment pendant qu’elle se concentre sur sa tâche. L’homme de science repose son regard sur les pages de son carnet et ses doigts griffonnent un “dépendance rapide” sur un bas de page, en dessous d’une ribambelle de croquis d’yeux dilatés, de légendes millimétriques et de schémas vasculaires. Au manoir du nord il était allé déterrer les deux cadavres d’anges disséqués pour jeter un coup d’oeil à leurs reins et foies, mais il n’avait pas trouvé de différence avec les contreparties humaines et avait dû les retourner à la terre. Quelques hypothèses sont gribouillées à côté des croquis des organes autours de zones entourées et de flèches causales, mais il manque encore de pistes pour comprendre, il peut cependant observer et c’est ce qu’il fait. Le fae ferme son carnet et l’envoie se ranger dans le cube avec les autres, accompagné de la plume et de l’encrier.

    ”On devrait faire un vol test.” Il le dit le plus simplement du monde, et sa patiente s’interrompt pour le regarder avec une certaine surprise. ”Quoi, elle te fait toujours trop souffrir?” Elle dénie et Bartholom se relève en même temps qu’elle. ”Attend je vais t’aider, je vais te retirer l’atèle.”

    Passant dans le dos de Phèdre, il approche délicatement ses mains de l’aile encore sensible de l’ange, ses doigts manoeuvrent doucement les bandages pour les desserrer avec précaution et il détache les tiges de maintient qu’il avait calé dans les pansements, les laissant flotter en lévitation autour d’eux. ”Ça va?” À l’écoute, il place ses paumes contre les deux os de la jointure et remonte lentement en direction de l’articulation même, tâtant méthodiquement par de faibles pressions la peau des ailes sous le bouquet de plumes sacrées. ”Détend toi, c’est normal que ce soit encore sensible d’accord? Si je te fais mal, laisse moi juste le savoir.”

    Il raffermit un peu sa prise sur l’os ulnaire et pose l’autre sur le métacarpe de son aile, et d’un mouvement de fléchissement il commence à faire travailler l’articulation degré par degré.
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    Phèdre
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  • Dim 8 Sep - 17:27
    L’éternité avait pour avantage de conférer une patiente presque infinie et bien que cette qualité ait longtemps échappé à Phèdre, elle avait attendu. La main glissée dans celle de Bartholom, serrant par moment ses doigts, surtout lorsqu’il se mettait à marmonner comme si cela pouvait le tirer des cauchemars qui semblaient avoir jeté son dévolu sur sa conscience. “Il est comme moi” avait-elle pensé en observant son profil déformé par une grimace de douleur. A cet instant, il paraissait aussi seul et aussi souffrant qu’elle. Tandis qu’elle continuait d’imprégner ses traits dans son esprit, elle se demanda quels autres points ils pouvaient bien avoir en commun mais aussi s’ils allaient rester ensemble. Cela faisait plusieurs jours, des semaines en vérité, qu’il était à ses côtés et si la douleur de la perte des siens était toujours aussi lancinante, la présence du fae avait le mérite de la rendre un tant soit peu supportable. De toute façon, sans lui elle était vouée à mourir. Ses plaies se seraient sans aucun doute infectées et elle n’aurait rien pu faire d’autre que d’attendre dans une lente agonie. Toutefois, les cartes avaient été redistribuées au moment où Bartholom avait fait le choix de lui venir en aide, restait à savoir jusqu’à quand. Lui demanderait-il de partir lorsqu’elle serait à nouveau capable de battre des ailes ? Une part de Phèdre trembla à l’idée d’affronter le monde seule, alors elle se souvint de sa proposition  ; si elle devenait son assistante, il aurait besoin d’elle. Oui. C’était cela, elle devait se rendre indispensable et aussi utile que possible.

    Au moment où elle arrivait à cette incongrue conclusion, elle sentit le corps du fae s’agiter et eut tout juste le temps de plaquer une main sur son torse pour l’empêcher de se relever.

    - Je ne pense pas que ce soit une bonne idée… Lui dit-elle d’un air pincé. - Tu te sens bien ? Un sourire soulagé étira ses lèvres. - Je vais bien. Où sommes-nous ? Ne put-elle s'empêcher de renchérir malgré l’air encore groggy du visage du jeune homme. Elle écouta sa réponse, étonnée avant de regarder les lieux d’un nouvel œil. C’était sa maison, du moins ce qu’il en restait. Et c’était les siens qui l'avaient réduite en cendres. Bien qu’elle s’obligea à rester impassible, Phèdre ne put s’empêcher de ressentir une pointe de honte face à cette maison qu’elle avait indirectement détruite. S’il y avait un endroit où elle n’avait pas sa place, c’était bien celui-là. - Je t’aiderai. Fut la seule chose qu’elle osa dire.

    A nouveau, les jours défilèrent et comme l’avait promis son compagnon : ils ne furent guère évidents. Certainement pas pour Phèdre qui avait passé la majeure partie de son existence au chaud dans le cœur d’un temple dont elle était la reine. La morsure du froid, du vrai, pas seulement celui qui lui gelait le bout des doigts lorsqu’elle allait se promener dans la cour extérieur, était terrible et elle avait parfois l’impression qu’elle ne serait plus jamais capable d’avoir chaud. De même, la faim lui tordait souvent l’estomac. Habituée à se sustenter peu mais très souvent et avec des mets de qualités, elle était désormais réduite à des repas frugaux, constitués de ce qu’ils avaient réussi à trouver ou à tuer. Ici, il n’y avait pas de fruit, pas de pièces de viandes en sauce, pas de purées assaisonnées, pas de thé. Il n’y avait personne pour veiller sur le feu, personne pour laver ses vêtements ou parfumer l’eau de son bain. Il n’y avait pas de bain de toute façon, et ironiquement, Phèdre ne s’en plaignait pas. Non pas parce que cela ne la dérangeait pas, au contraire, mais parce qu’elle avait bien conscience que cela ne changerait rien. Bartholom était dans un état aussi miséreux que le sien et surtout, il subissait les mêmes conditions. Obligés de se reposer l’un sur l’autre, dormant l'un après l’autre. Parfois Phèdre se plaisait à rêver qu’elle était dans sa chambre à Celestia. Assise devant le feu dans l’âtre de sa cheminée. D’autres fois, elle s’imaginait avoir fui avec lui et se demandait si leur vie aurait ressemblé à ça. Quand ces pensées devenaient trop présentes, Phèdre se rabattait sur les livres.

    Dès qu’ils en avaient tous les deux été capables, Bartholom avait commencé à enseigner à l’ange. Des choses simples dont elle n’avait pas connaissance mais qui avait le mérite d'éveiller son intérêt, probablement parce que cela lui rappelait indirectement sa vie d’avant. Lorsqu’elle allait se perdre dans la bibliothèque du temple ou lorsqu’elle allait questionner Malazach sur certaines formes de magie qu’elle ne comprenait pas. De manière générale, elle avait toujours pensé que les pouvoirs des dieux devaient leur rester propres. Pas vraiment ambitieuse, Phèdre ne s’était jamais intéressée à la nécromancie, bien qu’elle en connaisse le principe. Pourtant, ce soir-là, elle écouta avec une attention toute particulière. Elle aurait voulu qu’il s’éternise un peu longtemps, comme il avait su le faire sur d’autres sujets bien moins intéressants mais il lui claqua son livre sur le nez. L’ange pesta intérieurement mais garda la main fermement accroché à l’ouvrage, continuant de réfléchir alors que son camarade continuait à parler comme si elle était capable de rivaliser avec lui sur le sujet.

    Des soirées comme celle-ci, ils en partagèrent plusieurs. Discutant tantôt de magies oubliées et étranges, tantôt de leurs vies respectives. Phèdre l’écoutait avec intérêt, elle qui n’avait presque pas voyagé malgré son âge se plaisait à imaginer les paysages qu’il lui décrivait mais aussi l’apparence qu’il devait avoir autrefois. Elle en vint même à confier quelques-unes des propres anecdotes sans vraiment s’épancher en profondeur sur le sujet ; la douleur était pour trop vivace. Au moins autant que celle du manque qui, bien souvent lui donnait de désagréables bouffées de chaleur et, trop souvent, quelques accès de colère qu’elle passait sur des insectes qui se trouvaient malheureusement dans sa ligne de mire. A moins qu’elle n’ait un quelconque bouquin dans lequel plonger le nez. Sur la fin, lorsque sa cheville le lui permettait, elle prenait même le temps d’aller marcher un peu, clopin clopant.

    Ce matin-là, elle s’ennuyait à mourir et avait jeté son dévolu sur de la laine qui devait être filée depuis des jours et qu’elle avait repoussée autant que possible -l’impression d’être une petite ménagère la rebutait-, lorsqu’elle entendit la proposition de Bartholom. Aussi intriguée que surprise mais surtout ravie à l’idée de se débarrasser de son labeur, elle lui avait lancé un regard chargé de questions. Elle avait d’ailleurs nié lorsqu’il avait demandé si son aile la faisait toujours souffrir. Et ce n’était pas qu’un mensonge, elles n’étaient pas douloureuse comme aux premiers jours. Mais elles étaient lourdes, ankylosées par des jours d’immobilités, ses muscles la tiraillaient et ce ne fut que pire lorsqu’il lui retira l’atèle et les bandages qui la soutenaient sans relâche depuis presque un mois. Le froid s'immisça entre ses plumes en la faisant frissonner mais rapidement remplacé par les pressions exercées par Bartholom.

    — Ce n’est pas… Très agréable. Grommela Phèdre alors que le point d’appuis s’accentuait à des endroits stratégiques. Néanmoins, elle obtempéra et força ses ailes à se relâcher, ainsi que son dos, sa tête pencha légèrement vers l’avant et elle ferma les yeux. Ironiquement, elle n’avait que trop conscience des mains qui couraient le long de son échine et il lui était difficile de se concentrer sur quoi que ce soit d’autre. Heureusement, au fur et à mesure, ses muscles commencèrent d’eux même à se laisser aller, elle sentit les nœuds se délier et certaines de ses vertèbres craquer légèrement comme en train de revenir à leurs juste place. Puis il remonta le long de l’aile en elle-même et elle frissonna avant de piailler de douleur. — Continue, continue… L’incita-t-elle alors qu’elle serrait les dents. — C’est largement supportable. Dit-elle en prenant une grande inspiration. — Juste… Absolument pas agréable.

    Cependant, lorsque Bartholom en eut fini et que son articulation fut échauffée, elle dût admettre qu’elle ne lui faisait plus vraiment mal. Phèdre quitta l’endroit où elle était installée pour se tenir droite et, précautionneusement, elle leva ses ailes de chaque côté de sa silhouette. La première se dressa sans difficulté, la seconde, celle qui avait été malmenée, avait minci et certaines de ses plumes semblaient piquées mais elle se leva. Quoiqu’un peu moins haut.

    — J’imagine que c’est un bon début… Elle les fit lentement battre sans chercher à s’envoler et puis elle dit : — Je n’arriverais pas à décoller d’ici. Elles sont trop faibles. Il me faut un point en hauteur. Et cela tombait bien, puisqu’ils étaient justement perchés dans une tour.

    Phèdre se laissa guider dans les entrailles du bâtiment abandonné jusqu’à ce qu’ils aient atteint son sommet -ou du moins ce qu’il en restait-. Elle se pencha par-dessus le parapet avant de pincer les lèvres en se tournant vers le jeune homme.

    — Je crois que c’est la première fois de ma vie que j’ai le vertige. Confia-t-elle alors que son visage affichait un certain étonnement. Le sentiment qui la fauchait était étrange mais pas anormal, jamais ses ailes n’avaient été endommagées à ce point et bien qu’elle eut voulu mourir récemment, l’envie semblait lui avoir passé. — Le choix reviendra à mes maîtres. S’intima-t-elle pourtant assez fort pour être entendue puis elle grimpa sur le muret dont l’à-pic lui sembla encore plus vertigineux. D’ici, elle avait une vue imprenable sur tout ce qui se trouvait autour d’eux ; un lieu ou la nature avait repris ses droits mais qui était encore balafré par les horreurs de la guerre. Phèdre ferma les yeux et sembla humer l’air calme qui balayait ses cheveux et agitait ses plumes, attendant quelque chose. Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’enfin, ses lèvres ne s’ourlent d’un léger sourire. Là, elle tendit un pied, déploya ses ailes et se laissa chuter vers l’avant.

    Son corps chuta brièvement avant que ses ailes ne soient prises dans un courant ascendant qui la fit planer sur plusieurs mètres. Lorsqu’elle fut certaine qu’elle le pouvait, elle se mit à battre des ailes pour prendre de la vitesse puis elle vira à gauche avec succès, mais non sans douleur, pour se positionner sur un autre chemin aérien qui la ramènerait vers la tour. Et tout se passait très bien, jusqu’à ce qu’elle ne rencontre un trou d’air. Soudainement, son corps sembla peser une tonne et ses ailes, affaiblies, se mirent à battre trop lentement.

    — Putain ! Jura-t-elle lorsque une bourrasque indésirable rendit son entreprise encore moins aisée. Repliant ses ailes vers son propre corps, Phèdre tenta de retrouver un courant ascendant pour ralentir sa chute mais elle ne trouva rien d’autre qu’un vent assassin qui la projetait dans tous les sens et emmêlait ses cheveux. Pendant un instant, elle crut que sa course allait se terminer dans un ravin non loin ou contre les pierres noircit de la tour, à moins qu’elle n’aille se rompre le cou directement à ses pieds. Mais par chance, elle trouva un couloir plus calme et chaud qui lui permit de se stabiliser et de rejoindre le parapet.

    Loin de ses atterrissages habituels, maîtrisés et gracieux, elle s’écrasa à genoux, le souffle erratique, aux côtés d’un Bartholom probablement médusé.

    — Mes dieux, j’ai rarement aussi mal volé. Réussit-elle à articuler entre deux respirations. — Mais je suis douée pour ça, l’une de ses rares qualités d’ailleurs, — j’y arriverais. Laisse moi juste… Du temps. Il n’y avait que ça, de toute façon, du temps. — Comment va ton épaule ?
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