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  • Mar 11 Juin - 13:32

    Ce qui aurait dû n’être que quelques jours de marches semblaient s’étirer à l’infini.

    Il avançait sous un ciel perpétuellement gris, franchissant des collines chauves et des vallées désolées, se perdant dans des bosquets de pins argentés en espérant y trouver de l’eau ou quelque chose à manger. Rendu à devoir se nourrir de racines noircies qu’il devait broyer des heures durant entre ses molaires pour en tirer une quelconque forme de nutrition avant d’en cracher la pulpe sur le sol boueux.

    Même sa bave s’était épaissie et tâchait de blanc son gambison noir quand il s’essuyait les lèvres d’un revers de l’avant-bras. Sa barbe était hirsute, de la boue séchée liant ses poils en agglomérats terreux et sales. Ses cheveux, noueux et gras étaient en batailles quand ils n’étaient pas recouverts d’une gangue de boue qu’il effritait entre ses doigts quand il parvenait à trouver un refuge entre les contreforts de pins argentés millénaires pour échapper à ces créatures qui hantaient désormais la terre du Shoumeï.

    Des cerfs à la mâchoire ballante, brâmant un air sépulcral en trainant derrières eux les tripes qui pendaient d’une blessure béante s’étaient attaqués sous ses yeux à une créature colossale, faite de griffes, de plaques d’os et de crocs. Plus grande qu’un ours géant des cimes, plus vive et forte qu’un vezkang. Il se rappelait encore avoir vu le mastodonte fendre en deux une biche aux cornes argentés, dont la partie inférieure avait été projetée jusqu’à lui. Dont les pattes continuaient à avancer et frapper dans le vide sans que cette vie impie ne la quitte. Puis, coups de cornes par coup de cornes, la harde parvint à terrasser la bête pour ensuite venir se baffrer de chair fraiche…

    Jusqu’à ce que le corps inerte du monstre ne soit parcouru de spasmes, que cette vie impie ne se fraye un chemin à travers ses veines et ses organes perforés, ramenant le mastodonte à cette parodie de vie. Et que les hardes ne se dispersent, parcourant le Shoumeï.

    Cette terre inhospitalière était désormais devenue ouvertement hostile à la vie et ce sans qu’il ne sache pourquoi.

    Trouvant refuge dans une tour partiellement effondrée battue par les vents, il s’emmitoufla dans la bannière noire et gueule pour se protéger des éléments. Enfoncé dans une alcôve formée par un escalier défoncé et d’un mur encore assez solide pour empêcher le vent de s’y faufiler, il avait attendu quelques heures, si matinée entière que les bruits gutturaux des hardes en mouvement ne se dispersent et ne meurent, le laissant seul avec sa honte et sa peur.

    À l’heure qu’il est, il aurait déjà dû se trouver à Maël, avoir fait son rapport à ses supérieurs et profiter du réconfort d’un bain chaud et d’un repas copieux constitué d’autre chose que de viande séchée et de biscuits secs. Et il était là, caché derrière un escalier fendu comme le dernier des lâches, à serrer la bannière entre ses mains pour se protéger du froid. Réduit à l’état d’un simple rongeur, d’un vulgaire rat, qui ronge les racines pour s’hydrater et récupérer quelques nutriments.

    Et cette magie qui refusait de lui obéir, ce feu qui s’était éteint avec le dernier soupir de ses hommes. Cette force qui avait fuis ses bras et ses jambes… Ces plaies béantes le long de ses bras et de son torse qui refusaient de guérir. Oh, bien entendu qu’il avait dû combattre, les premières heures de sa longue marche de la honte jusqu’à Maël avaient été ponctuées de batailles contre des brigands, de luttes épiques contre des bêtes sauvages… Mais la faim, la soif, la fatigue avaient pris leurs dû… Sans parler de cette pestilence qui se répandait dans la terre, ramenant les morts dans l’étreinte du Pilleur de Tombes et révoltant sa propre magie. Il était là, désarmé, à bout de forces, si fatigué qu’il semblait avoir vieilli de plusieurs années. La terre elle-même s’était révoltée de ce qu’il avait fait et le drainait de toutes ses forces, comme pour le forcer à comprendre enfin ce que c’était, être faible.

    Au bout du troisième jour, il tomba sur une caravane éventrée, attaquée par quelque chose qui ne pouvait être humain. Les traces de griffes sur le bois des chariots, les tentes déchirées et les plaies monstrueuses qu’il pouvait deviner sur le cuir des bêtes de traits qui bien que démembrées, continuaient de bouger dans le vide.

    - Réduit à voler les morts.

    Tulkas n’écouta pas la voix qui résonnait en lui, ses paupières prises de tics nerveux, ses pommettes tremblotantes et le visage déformé par une moue agacée. Il s’approcha d’un essieu pour s’agripper au rayon d’une roue, posa son pied contre et se hissa dans le chariot éventré pour le fouiller.

    Des boisseaux de fruits et de légumes, putréfiés et couverts d’une moisissure bleutée qu’il chassa de sa main. Autrefois l’odeur lui aurais soulevé le cœur, mais s’étant habitué à sa propre puanteur, il s’en désintéressa avec une apathie particulière. Il attrapa un baril, qu’il souleva pour taper contre. Il sonnait creux, mais fit l’effort de le percer avec la lame cassée de son épée avant de sentir une odeur vinaigrée brûler ses narines et larmoyer ses yeux. Il se retourna pour s’éloigner de la source de cette odeur qui lui provoqua, elle, un haut le cœur bruyant.

    Toussant, crachant, il plissa le nez en se posant la main gauche sur le visage pour ouvrir ce tonneau et se retrouver nez à nez avec des poissons en saumure. Conservés par le vinaigre mais immangeable tant le goût du vinaigre était fort. Mais rendu à l’état dans lequel il était…

    Il avala un premier poisson, peau et arrêtes, sans mâcher. Pour s’épargner autant que possible du goût vinaigré et du fumet tout bonnement atroce du poisson maturé, puis un second, un troisième jusqu’à ce qu’il ne se baffre. La faim était telle que le corps ne se souciait plus du luxe des préférences alimentaires. Ecrasant les têtes de poissons entre ses molaires, déglutissant bruyamment, retenant de douloureux reflux, il se gavait pour renouveler un peu ses réserves d’énergies. Et une fois le ventre distendu par l’abominable festin, Tulkas se releva pour ressortir et reprendre sa route.

    Sautant du bord de la charrette, qu’il contourna, il senti quelque chose le saisir par la cheville et le faire trébucher. Se retournant en panique et frappant du pieds, le luteni se libéra et se retourna en tenant son épée brisée à la main pour observer ce qui venait de l’attraper. Un homme, à la peau flétrie et brûlée par le soleil. Aux orbites vides, dévorées par des corbeaux dont la mâchoire s’ouvrait et se fermait en boucle, mordant l’air. Tulkas resta un instant à observer la scène, le cœur battant dans sa poitrine avec tant de force qu’il était persuadé que ce dernier allait lâcher. Il ferma alors les yeux, se concentra sur le rythme frénétique des ses inspirations et s’imposa de ralentir son rythme cardiaque en contrôlant sa respiration. Puis, il se leva, s’approchant du mort-vivant.

    - Ça doit faire quelques jours que tu es là-dessous, mon pauvre ami.

    Le cadavre bougeait frénétiquement sa main libre, lacérant l’air en lâchant des cris silencieux. Son bras fut chassé d’un coup de pieds, ce qu’il devait rester de ses cheveux fut agrippé par la poigne d’acier du Luteni, sa peau relâchée se tendit sur son crâne, remontant ses sourcils sur son front et ses orbites dévoilant ses os. Un coup de la garde de son arme sectionna la tête qu’il leva à sa hauteur. Elle ne parlait pas, mais ses lèvres et sa mâchoire bougeaient.

    - Oui, tu as raison. La solitude c’est l’enfer.

    Le visage crasseux de Tulkas se déforma d’un sourire doux.

    - Que dirais-tu que nous continuions notre route ensemble ? Oui ? Ah… Soupira il de soulagement. Je t’avoue que j’ai besoin de parler à quelqu’un, ou quelque chose sinon… Je vais devenir complétement dingue.

    Le claquement de dents trop blanches fut sa seule réponse. Il s’attacha la tête à la ceinture et la sécurisé bien en place en passant une cordelette entre ses orbites vides. Au moins, il aurait quelqu’un à qui parler sans devoir se concentrer sur cette chose démembrée qu’il avait dans la poitrine, qui s’agrippait fermement à ce qu’elle avait pu dérober à Celle qui l’avait condamné à errer sur cette terre dévastée. A marcher des jours durant dans l’espoir d’atteindre enfin la cité blanche. Les jours et les conversations creuses se multiplièrent, mais au moins, Varek, comme il avait été soudainement baptisé lui tenait compagnie et aussi étrange que cela puisse paraître, lui permettait de focaliser son esprit sur autre chose.

    - Mh ?

    Demanda-il en entendant encore un claquement de la dent. Les monstres étaient moins présents dans ce bosquet de pins argentés qu’il traversait. La civilisation ne devait plus être très loin, et pourtant toujours aucune trace de colons, de marchands ou de patrouilles militaires.

    - Oui, tu as raison, moi aussi je tuerais pour un peu de vin là dans l’immédiat.

    Un rire lui échappa en entendant la série de claquement de dents suivi d’une légère pression à sa cuisse. Varek venait de tenter de le mordre à travers son gambison.

    - Et un bon jambon, oui. Qu’il dit, la joie dans la voix. Mais par-dessus tout je rêve d’un bain et de…

    Sa bonne humeur s’estompa aussi vite qu’elle ne s’était manifestée. En battant des yeux, il l’avait vue Elle, celle dont il ignorait le nom et qu’il avait baptisé Hrakkina. Il l’avait vue elle, lovée contre lui dans la tente, à veiller sur son sommeil pour ensuite se redresser et l’appeler d’une voix aussi cruelle qu’aimante. Pour lui montrer son œuvre d’art, peinte de flammes, de souffrances et de cruauté.

    Et son cœur se serra. Il s’arrêta un instant, posant sa main contre l’écorce du pin argenté en fermant les yeux, respirant lentement pour empêcher cette vague froide de l’emporter là où il ne voulait pas aller. Se réfugiant plus près des flammes de la bête enchainée dans son âme.

    Et l’air changea à nouveau.

    Le claquement des dents de Varek le ramena à la réalité, tournant le visage pour baisser les yeux vers cette tête décharnée qui vivait dans la mort et sans son corps.

    - Mh ? Tu as mal aux pieds ? Ça me fait une belle jambe.

    Avait-il répondu, se réfugiant dans un humour macabre. Ensuite, il continua sa marche à travers le bosquet. Des heures durants, contournant les arbres et gravant le dénivelé de petites buttes boisées. Pour enfin quitter le sous-bois et se figer. Car les grands murs blancs de Maël se dressaient devant lui. Le corps de garde ne se trouvait qu'à quelques centaines de pas de lui. Enfin, il était enfin arrivé à destination.


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  • Jeu 27 Juin - 20:04


    La Terre se meurt et Siame ne s’en émeut pas. Elle aussi meurt à petit feu, depuis 10 000 ans. Mais – malgré les ravages de la guerre, malgré le cœur du Sekaï perfusé à la Corruption – le Monde continuera à tourner, et Elle s’entêtera à subsister. Il n’y avait pas de retour en arrière possible : il n’y avait jamais de retour en arrière possible. Voilà ce qui déambulait désormais : Une Ange sans Maître—une créature sans visage et sans but. Ses tourments pour seule religion. Tout ça n’était rien de plus, rien de moins qu’un deuil perpétuel. Elle n’y pense plus vraiment : dans son esprit, tout se suspend.

    Maël, dernier rempart de l'ancien Shoumeï encore debout, s’était désigné comme la destination la plus évidente. Elle l’avait donc visité en premier, en quête de révélation—était arrivée avant, évidemment. Ici, dans les ruelles lumineuses de la ville blanche, les effets de la corruption sont un peu moins évidents. Ils se manifestent chez l’Homme : dans l’ombre d’un sourire fou ou d’un regard flou. On découvre son voisin pris d’hystérie, un beau matin, à s’arracher la peau et les cheveux en bas de chez lui, aux yeux de tous. Le moindre regard en biais est devenu une excuse suffisante pour lever le poing et déclencher une guerre de quartier—quand on a jamais vu le phénomène se produire ici : Maël qui, avant la guerre, n’avait jamais connu ni les ordures, ni l’obscénité, ni la débauche, pas moins l’indécence et le vagabondage. Désormais, on y trouvait des mendiants parmi les étudiants. La ville est devenue maniaque et le fanatisme n’a plus rien de religieux : on ne sait plus vraiment qui prier, qui remercier. La présence de l’armée reikoise sur les lieux n'aide en rien à apaiser l’hostilité sous-jacente. Pourtant, à cette époque-ci, le Nouvel Ordre n’était pas encore tombé. À cette époque-ci, on croyait – peut-être, naïvement – à une entente possible entre les guerriers du désert et les habitants de la ville blanche.

    Bien sûr, l’église l’avait appelée. Où l’Ange aurait-elle pu aller ? Après tout, il s’agissait encore des derniers lieux sur ce Sekaï où elle était “chez elle”. Elle n’avait pas trouvé sa place en République, pas plus qu’au Reike, et ça n’avait jamais été l’objectif. Sa place était Ailleurs. Pas ici, pas tout à fait, mais déjà, elle se rapprochait. Il lui avait alors fallu apaiser ses rancœurs, mais l’évidence s’était très vite imposée ; elle ne serait jamais autre chose que ce qu’elle avait un jour été. Et Siame tremblait à l’idée d’être moins—car tout ça s’accordait très mal avec l’arrogance divine dans laquelle sa Maîtresse l’avait un jour drapée. Depuis son retour, depuis que le marbre s’était brisé, elle vivait, son âme suspendue à un fil. Il lui fallait bâtir : se rebâtir. Et si cela impliquait revêtir à nouveau le blanc, alors ainsi soit-il. On ne pouvait pas réellement dire que cela faisait d’elle une hypocrite : car celle qu’elle était – dans le fond de ses pensées, derrière les masques – ne regardait personne d’autre. Personne n’avait besoin de savoir ce qu’elle avait fait, personne n’avait besoin de connaître les pensées vilaines, les pensées mauvaises qui l'habitaient. Et ceux qui avaient le malheur de s’y frotter ne pouvaient alors que s’en prendre à eux-mêmes.

    N’est-ce pas, Tulkas ?

    Siame aime la certitude. Celle de savoir qu’il viendrait. Pas immédiatement. Non, lui aussi avait son chemin à parcourir, pour arriver jusque-là. Elle l’attendrait, bien sûr, sur les bancs de cette église dans laquelle elle avait élu refuge. Elle l’attendrait—lui avait promis qu’elle le ferait. Cette solitude qu’il avait chassée – préférant accompagner son voyage de la présence des morts, pour peu qu’il ait une présence à ses côtés – l’Ange l'accueillait paisiblement, domptant sa propre impatience. Elle savourait ce calme artificieux qui l'enveloppait alors, ici, sous les yeux – lisses, absents – des icônes de ses anciens Maîtres. Oui, elle savourait, buvait ce silence qu’elle imaginait très bientôt éclater dans des “pourquoi ?” rageurs ; des “comment as-tu pu ?” désespérés ; des “tu m’as menti !” accusateurs. Oh oui, elle respirait l’odeur encore fraîche des murs épais de l’église, cette odeur qui viendrait bientôt s’alourdir d’une toute autre—celle de la corruption, de la turpitude et de l’hostilité. Siame considérait l’ordre dans lequel elle baignait encore alors, contemplant alors ce qui venait à elle, quelque part, dans ce Sekaï. Il viendrait, oui. Bientôt. Et pourtant, cela n’avait rien d’une faveur qu’il lui faisait, pas vrai ?

    Non, la solitude n’était pas l’enfer, Tulkas.

    C’était seulement un soupir sur la partition : entre le départ et les arrivées. Le calme avant la tempête, comme on se plaisait à le dire. Un joli rire, clair, vient perturber le silence trompeur de la chapelle. L’Ange est enveloppée dans des tulles vaporeux, elle se trouve des airs un peu fantomatiques quand le marbre lisse lui renvoie son reflet. Le blanc lui va comme un gant, bien sûr—s’accorde à merveille à sa peau recousue, propre et fraîche. Siame a retrouvé sa jolie gueule d’Ange : elle est de nouveau-là, ce compendium de perfection—cette garcerie angélique. Il semble que plus Il se défraîchi, plus Elle se ravigote, comme si l’Homme payait sa dette à l’équilibre cosmique. En elle, cette fièvre vicieuse se répand addictivement : c’est celle de l’artiste qui suce l’essence de sa muse, jusqu’à qu’il n’en reste rien de plus qu’un rien. Oh, évidemment, elle avait bien compris qu’il ne venait pas pour capituler, mais Siame sourit face à cette rétivité avec laquelle il s’apprête certainement à débarquer. Oui, elle jubile déjà à l’idée : celle de cette indocilité qu’elle prendrait tout autant de plaisir à mater qu’à enflammer. Le jeu en valait la chandelle.

    Ces dernières nuits, elle n’a plus rêvé que du bruit sec que fait la chair brûlée qui éclate sous les flammes et de la fumée qui lui prend les poumons. Elle échappe un rire essoufflé, les yeux levés au plafond, dans une forme de satisfaction mêlée de bravade. Ce n’est pas un rêve, pas vraiment. C’est un souvenir. Un souvenir ravivé, tandis qu’Il se rapproche, quelque part, dans l’univers. Le souvenir d’une rencontre, d’un court moment, où il lui avait révélé, sans le vouloir, ce dont elle abuserait encore, souvent, fréquemment, par simple plaisir de destruction. Dont elle abuserait jusqu’à la fin, jusqu'à qu'il n'en reste plus rien.

    Après tout, c’était le propre de l’Homme de se montrer déraisonnable et en ça, elle le croit, ils avaient bien raison. D’où venait cette idée que tout devait toujours se dérouler sans complications, que l’on pouvait éviter toute contradiction, toute espèce de trahison ? Que l’on pouvait éviter la souffrance, ou toute forme de passion ? Combien d’années avait-elle passé à tenter de s’en convaincre ? Combien d’années avait-on passé à tenter de la convaincre ? Bien-sûr, puritaine, elle l’avait été. Oh, qui trompait-elle ? Elle l’était toujours. Et celle de la pire espèce, qui plus est : celle des hypocrites qui n’en font, de toute façon, qu’à leur tête, sans éprouver la moindre culpabilité. Ah voilà, on l’avait dit ! C’était ainsi. Car oui, corruptrice, elle l’était bien davantage encore. Oui, oui (certitude). Elle repensait à lui, à son air de matamore, qui semblait dire “je sais ce qu’il te faut, je sais ce qu’il me faut, je sais ce qu'il nous faut”, tandis qu’il passait cette main faussement audacieuse dans ses cheveux. On ne touche pas de la sorte une Ange sans conséquence. Et quelque chose au fond d’elle lui ordonnait de lui faire regretter : de lui faire regretter cette main faussement conquérante—de lui faire regretter d’être venu. Tout cela, la perspective de le défaire enfin de son orgueil léonin la faisait exulter, véritablement.

    Tic, tac. Tic, tac.
    Ne me fais pas attendre trop longuement...


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  • Dim 30 Juin - 22:04



    Son approche, d’abord silencieuse, n’avait été remarquée par personne. Véritable fantôme hirsute aux joues creuses qui claudiquait jusqu’aux portes de la capitale. Ses doigts lui piquent un peu, ses muscles endoloris lui refusent tout effort supplémentaire et sa gorge enflammée ne peut que déglutir avec peine, ses poumons en feu peinent à lui donner le souffle nécessaire. Il essaye de parler, mais n’arrive à produire qu’un gargouillement guttural et râpeux. L’air viens à lui manquer un instant, ses jambes tremblent, se tendent et ses articulations cèdent face à la fatigue. Ses genouillères cognent contre le sol caillouteux, ses talons s’enfoncent dans son fessier. Le dos penché un peu en arrière, sa poitrine écrasée dans sa carapace d’acier se gonfle et s’affaisse à un rythme soutenu.

    Un cri fend l’air, puis un trait sombre fends l’air et s’enfonce dans l’acier qui l’étouffe. Il hoquète, tente de bouger une épaule et de lever une main vers le fût qui dépasse de sa poitrine. Il déglutit, tente de relever un genou puis, dans une gerbe de poussière, s’effondre contre la terre aride du Shoumeï.

    Ses paupières, lourdes, peinent à rester ouvertes. Sa vision périphérique se désature, puis s’assombris, jusqu’à ce que dans une perle de conscience, il n’entende le bruit caractéristique de solerets cavalant vers lui. Et qu’enfin, la nuit ne tombe et que la mort vienne enfin l’accueillir.

    - Encore quelques combats et tu devrais pouvoir racheter ta liberté, non ?

    Rompant le pain de ses deux mains, Tulkas en arrachait quelques morceaux qu’il utilisait pour saucer son repas. Un genre de ragoût riche en viandes et en légumes, tapotant son assiette de terre cuite avec son éponge faite de mie de pain. Pour ne rien en perdre. Il aurait pu manger dans ses quartiers privatifs, mais les entrailles de ce théâtre martial étaient bien plus fraiches. Roulant un peu des épaules, sa peau luisante par la chaleur et l’effort, il tournait son regard vers son interlocuteur, sans lui répondre.

    Qu’en ferait-il ? De cette liberté qu’on agitait sous leurs nez pour les encourager à s’entretuer pour le loisir de ceux qui n’oseraient jamais prendre les armes pour assouvir leurs désirs ? C’était un mensonge, qui durait depuis des années et qui bernait ceux de son rang de générations en générations. Il était un dieu, dans cette arène, du moins, il l’avait été avant qu’Iratus ne vienne parasiter sa vedette en gagnant l’amour de ce peuple de lâches qui l’acclamaient à chaque fois que ses griffes rougies par le sang n’éventraient un énième condamné à mort ou que d’un coup de dents il n’arrache la jugulaire d’une grande bête supposée être envoyée pour le tuer. Maintenant que le Loup avait été réquisitionné pour la guerre, envoyé mourir sur un quelconque champ de bataille, personne ne s’opposerait à lui et à son ascension vers la seule forme d’immortalité qu’il pouvait espérer gagner.

    Il était un dieu, qui avait fait gagner des fortunes pharamineuses à son maître, et pourtant ce n’était jamais assez. Il fallait toujours plus, il y avait toujours plus à rembourser, toujours plus de dettes à éponger, toujours plus de sang à verser.

    Et cet idiot qui lui parlait de liberté qui continuait de l’observer.

    A quoi bon ? La liberté, c’est l’abandon. C’est perdre tout objectif, toute guidance. C’est être abandonné à un monde pour lequel il n’était pas préparé, pour lequel il n’était pas né, non. Il était un outil, tout comme cet idiot qui lui parlais, avec ses yeux noirs et sa peau trop blanche. La liberté c’est un mensonge, un don créé par des dieux cruels qui la donnent à des puissants qui ne savent pas quoi en faire et avec laquelle ils appâtent les pauvres et miséreux pour qu’ils se jettent dans la gueule béante de ce monde et n’abreuvent la terre de leurs espoirs écrasés.

    C'est une malédiction.


    Une malédiction, un mensonge jeté à la face des mortels pour les plonger dans la folie et le désespoir, pour répandre le chaos et la souffrance sur tout le Sekaï, pour plonger les peuples profanes dans une spirale destructrice qui condamneraient la terre à l’oblivion.

    Et que resterait-il, alors, de ce pauvre garçon né propriétaire que de ses pensées ? Rien, rien de plus que des os blanchis par le soleil et nettoyé par les vautours… Jusqu’à ce que les tempêtes fouettant sa carcasse ne la réduisent en poussière et qu’il ne devienne rien de plus qu’un grain de sable, perdu dans une mer de dunes. Pourquoi est-ce que son père l’avait-il abandonné là ? Pourquoi l’avait-il maudit en répandant sa semence dont il n’était même pas le propriétaire dans la matrice de sa mère qui n’allait jamais avoir le droit de l’appeler fils ? Pourquoi lui avoir donné la vie si c’était pour l’abandonner dans un monde tumultueux qu’il ne comprenait pas et qu’il ne comprendrait jamais vraiment ?

    Pourquoi est-ce que les parents abandonnaient ils leurs enfants sur ce monde maudit et abandonné par les dieux ? Pourquoi les condamner à côtoyer la vermine et l’ivraie ? Et pourquoi, une fois disparus, venait-on à les regretter ? Pourquoi chercher à retrouver leurs étreintes alors qu’ils nous avaient laissés là ? Car en fin de compte, nous cherchons tous quelqu’un qui nous dit quoi faire, quoi penser.

    Comme un oiseau, à qui on arrachait les ailes.

    - Luteni ?

    Le croassement lointain le tira de ses songes, les sourcils froncés, le corps endolori et le souffle douloureux. L’homme du désert tenta de mobiliser ses bras qui lui répondirent en irradiant ses muscles d’une douleur cotonneuse. Pourtant, il parvint à se redresser, faisant choir de son torse nu le drap de lin qui le recouvrait. Sa peau luisante, sa peau recouverte par endroits de bandages qui avaient la puanteur caractéristique du pus mélangé à celle de cataplasmes guérisseurs. Le parfum du soldat ayant réchappé à la mort, qui lui collait à la peau comme la crasse à ses cheveux. Il avait maigri, et son corps réclamait réparation.

    - J’ai faim.

    S’était-il contenté de dire, le corps traversé d’un frémissement douloureux. Son estomac, noueux, se contracta à l’idée de manger quoi que ce soit, se souvenant le goût des racines broyées des heures durant, l’odeur de la terre et des vers qu’il avait dévorés avec avidité pour survivre.

    Son odorat, affiné par la faim, sentait le bouquet lointain de la nourriture qui frétillait dans l’huile. L’odeur de l’eau qui bout et s’imprègne du goût des légumes qui se gorgent d’eau, devenant mous et plus faciles à digérer. Le parfum du pain qui dore dans la gueule enflammée d’un fourneau. Le souvenir lointain d’un véritable repas.

    La bouillie infame de légumes trop cuits, la viande presque carbonisée et le pain frais qu’on lui apporta avait des airs de festins, et comme un rapace plongeant sur une carcasse fraiche, il se saisit avidement de l’assiette d’acier pour la poser sur ses genoux, se brûla les doigts en venant attraper la viande et s’engourdit la langue en buvant à grandes gorgées un bouillon trop chaud pour lui. C’était fade, sans épices et sans la moindre texture intéressante. Le pain gorgé de bouillon, ramassant les légumes bouillis comme une cuillère de fortune tout en peinant à ne pas se désagréger tant la mie se gorgeait d’eau était dévoré avidement. Le corps revigoré par ce repas qui n’était copieux qu’en apparence, Tulkas inspira. Regardant autour de lui, levant la main vers son pectoral bandé en grimaçant.

    - Que m’est-il arrivé ? Demandait-il.
    - Un sajenti vous a confondu avec une de ces abominations… Il vous a tiré dessus avec un carreau d’arbalète mais… Il a manqué votre tête, c’est en vous voyant tomber par terre qu’il s’est rendu compte que vous étiez un vivant.

    Un éclair douloureux fendit son crâne en deux. Levant les mains sur ses tempes en grognant, il pouvait sentir cette chose affreuse dans sa poitrine se révolter et tenter de dévorer son crâne. Il se recroquevilla, grondant en calmant le feu qui courait dans ses veines, se révoltant des choses qu’il avait traversé pour arriver là, des cauchemars vivants qu’il avait affrontés, de l’horreur et de la honte. De cette honte de s’être caché sous un escalier défoncé, cette honte, d’avoir échoué. Soupirant, la douleur finit par s’estomper, alors, il demanda.

    - Je veux me laver… Un bain, je veux un bain.

    Laver, laver la crasse qui agglutinais ses cheveux, laver ces plaques dures comme la pierre qui se tenaient dans ses cheveux et avec elle, laver la honte. La honte d’avoir été berné, la honte, de s’être trompé. Ou bien ?


    Car seul, dans son bain, il s’était installé dos contre le baquet. Ses cheveux mouillés tombant sur ses épaules dans l’eau savonneuse – petit privilège de Luteni – pour ramener à son torse ses mains et observer les flammes qui dansaient dans le creux de ses paumes, dans lesquelles il pouvait distinguer la forme d’un oiseau. Terrifié et esseulé, abandonné par sa mère. Jusqu’à refermer doucement les mains en coupes et laisser le feu retourner sous le toit de sa peau, glisser le long du canal de ses veines et retrouver la bête enchainée qui trônait dans sa poitrine. Il se sentait revivre.

    Le jour suivant ne fut fait que de rencontres avec des armuriers pour retaper son armure, de rapports au Khashis sur la nature même du mal nouveau qui rongeait le Shoumeï, de souligner l’importance accrue de brûler les corps des morts le plus vite possible. Si les mourants se réanimaient en quelques jours auparavant après la mort, il ne leurs fallait maintenant plus que quelques minutes. Et les échauffourées avec les abominations X’o-rathiennes devenaient désormais des occurrences journalières dans cette ville en état de siège. Et Tulkas décida de mener la charge le temps que de nouveaux ordres ne lui soient transmis, dirigeant à plusieurs reprises des patrouilles pour purger les quartiers de leurs morts et organiser la levée des corps avec une rigueur qui s’approchait plus de la dictature militaire que de la protection bienveillante dont se targuaient les grands seigneurs du Reike. Cela étant, la junte militaire n’était-elle pas la plus appropriée pour gouverner dans ce genre de crises ? Le Reike lui-même n’était il pas fondé sur ce principe, sur la loi du plus fort ?

    C’est ce jour, où après avoir débriefé ses hommes que Tulkas se sentit poussé par une force qu’il ne comprenait pas, qu’il décida d’arpenter seul les rues de la cité blanche, d’admirer cette architecture préservée d’un empire désormais effondré. Il passa aussi bien par des places que par des faubourgs, suivant la trainée de plumes laissée là, sans qu’il ne le sache, par celle qui lui avait dérobé son feu, tout en lui abandonnant sans le savoir ses ailes.

    Cette ville était si différente de celles qu’il avait pu connaître, de celles dans lesquelles il avait vécu et combattu. C’est comme si toute la ville avait été construite autour de temples et pas à l’inverse. Aussi, s’aventurant dans les faubourgs les plus malfamés de Maël, pour arriver sur le parvis d’une église oubliée de l’empire et de ses ennemis. L’une des rares à n’avoir pas été transformée en bastion du Reike. Elle n’était que le souvenir d’une époque oubliée, veillant sur… La seule qui avait pu connaître sa gloire d’antan. L’Ange était là, il ne saurait dire qui des deux avait vu l’autre en premier. Quoi qu’il en soit, il était resté à l’ombre un instant à l’observer, à pondérer la chose, à reposer le poing autour de la fusée de son épée. Il n’avait qu’un pas à franchir, un bond à faire et à lui trancher la tête pour ce qu’elle lui avait fait. Et pourtant, sans réellement comprendre pourquoi, il s’avança avec cette certitude que cette fois, rien ne pourrait lui arriver.

    Il s’avança jusqu’à elle. S’arrêtant pour l’observer, silencieux, la main gauche posée sur son épée, qui, elle aussi, flanquait à sa gauche.

    - Maël n’est plus que le pâle reflet de ce qu’elle a pu être. Dit-il, la voix douce et posée, retournant son attention sur l’église abandonnée de tous, sauf de ses fidèles les plus craintifs. Le sable érode la mémoire de la pierre, mais ici, elle semble immuable. Observa-il en regardant cette bâtisse aussi grandiose que pathétique.

    Il baissa ensuite les yeux vers elle. L’observa un instant en découvrant enfin la beauté de la fille d’Aurya, cette beauté qu’elle avait lacérée pour l’amadouer et gagner sa confiance. Oui, l’ange était belle, aussi belle qu’elle était cruelle. Tout aurait du le pousser à la confrontation, la bête à l’intérieur était rageante, furieuse et prête à se jeter tout crocs dehors à cette gorge délicate et parachever la désacralisation de ce lieu, en le baignant dans le sang d’une ange abandonnée par sa propre mère.

    Et pourtant, il pouvait sentir ses flammes en elle. Et en lui, quelque chose résonnait. Il leva doucement la main droite, fit danser une flammèche entre ses doigts un instant. Contemplant le motif de ses flammes avant de laisser sa main rejoindre son flanc droit.

    - Bonjour, Hrakkina.


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  • Lun 8 Juil - 17:47
    Qui de lui, ou elle, avait vu l’autre en premier ? À vrai dire, cela n'avait pas la moindre importance. Ses lèvres s’étaient étirées dans un véritable ravissement, tandis qu’elle le regardait approcher avec précaution. Elle lui souriait. Comme un ange—comme un diable. Comme prête à faire une grosse bêtise. L’arc de ses sourcils s’était haussé, à se demander ce qui pouvait encore le retenir.

    Le Sekaï tout entier n’est plus que le pâle reflet de ce qu’il a pu être, avait-elle rétorqué, d’une voix anormalement douce. Allez, elle acceptait de lui complaire, et de se lancer dans une petite tirade insignifiante, pour commencer—quand bien même il lui tardait de rentrer dans le vif du sujet. Le marbre n’est que plus beau une fois usé—et Maël, ses rues et ses églises marbrées de blanc, resplendissait, malgré le passage éreintant des militaires reikois.

    Elle n’avait pas détourné le regard en le disant. Puis, sa main – accueillante – était venue tapoter doucement la place à côté, sur le banc en bois, pour l’inviter gentiment à venir s’installer tout près d’elle.

    Je t’attendais, Tulkas, et Siame avait ponctué sa phrase d’un regard insistant, l'impudeur au fond de ses yeux l’accusant d’un “tu as pris ton temps” impatient.

    Certainement aurait-elle dû le craindre, après ce qu’elle avait fait… Ou bien, plutôt, c’était à se demander : qu’avait-elle fait au juste ? Qu’avait-elle fait qu’il n’avait pas inéluctablement voulu, tout au fond ? Qu’aurait-elle été capable de faire, elle – l’Ange déchue, sans aile, sans pouvoir, perdue dans ce Sekaï, ce triste monde, qui ne veut plus d’elle – si lui ne l’avait pas ardemment désiré ? Oh, oui, bien sûr, elle avait un peu menti. Un peu enjolivé les choses. Mais tout cela naissait d’abord dans la psyché du mortel, n’est-ce pas ? Tout le reste n’avait été qu’une stupide histoire de séduction, qu’un malheureux stratégème… Ou bien ? Ou bien c’était tellement plus que cela ? Qui de l’Homme ou de l’Ange mettait l’autre à l’épreuve ? Qui de lui ou d’elle faisait vaciller les convictions de l’autre à l’aube d’une nouvelle ère—le lendemain d’une guerre dont le seul objectif avait été d’attiser l’hostilité entre les enfants nés de la Terre et ceux venus des Cieux.

    Elle lui avait opposé un sourire impudent à la vue des flammes dans ses mains–ce reste de feu, comme l'ultime preuve de ce qu’elle ne lui avait pas encore arraché. C’était un aveu presque touchant. Si cette petite flamme s’était drapée d’ailes, l’Ange ne l’avait pas encore remarquée. Ou bien l’avait-elle ignoré ? Aucune réaction de sa part. Elle s’était contenté de secouer lentement la tête de droite à gauche, l’air moralisatrice.

    Tu ne devrais pas invoquer le feu dans une église, tu sais ?

    Son regard l’avait suivi, tandis qu’il s'approchait. Il s’installa à côté d’elle, à l’ombre d’une statue. L’Ange s’était tournée tranquillement vers lui, délaissant la contemplation de l’icône de sa Mère, fièrement dressée au-dessus de l’autel. Voilà, nous y étions enfin… Elle le dévisageait, à se demander ce qu’elle aurait pu encore tirer de lui, à se demander ce qu’il lui était arrivé depuis qu’elle l’avait quitté. À se demander ce qu’il était venu chercher. Son visage s’était amaigri – lui sembla-t-il – et ses yeux étaient soulignés de cernes sombres, à force de fatigue. Il s’était étiolé, comme si quelqu’un, ou quelque chose, était venu le siffler directement à la paille. En face, Siame resplendissait, dans une vigueur toute retrouvée. La victoire lui allait comme un gant—pour peu qu’elle continuait d’ignorer ce qu’il lui avait été dérobé. Ses yeux perçaient à travers le voile blanc, et seule sa bouche – enfin dégonflé – s’étirait dans une forme de satisfaction, à la vue de tous. Cette jolie bouche à vous donner le tournis, ces jolies lèvres que sa Mère lui avait un jour offertes—qui ne lui avaient jamais mieux servi que lorsqu’il s’agissait de mentir.

    Elle l’avait caressé d’un regard et ses yeux gris avaient parcouru fugacement, suivant les contours du mortel, pour s’arrêter sur cette main gauche, agrippée à son épée. Qu'avait-il l'intention de faire avec cette arme ? L'égorger pour assouvir sa vengeance ? Son cœur se mit à battre fiévreusement contre sa poitrine, à cette même idée. Quand bien même les reikois avaient décidé d’user des temples sacrés comme de bâtiment militaire – insulte de plus faite aux divins. – les églises divinistes restaient sacrées. Ces mortels ne montraient vraiment aucun respect pour les traditions ancestrales. Mais Siame ne s’en offusquait pas plus que ça. Au contraire, elle se ravissait à le lui reprocher. Son regard durci d’objurgation se dispute avec la courbe vicieuse de son petit sourire de conne. À l’abri des regards, – attention, scène strictement interdite aux mineurs – ses doigts s’étaient faufilés le long de sa cuisse, jusqu'au manche de l’arme. Elle chasse la main du mortel pour y cramponner la sienne. Cette main soyeuse, trompeusement douce, qui a plus souvent griffé que caressé. Sans tirer l’épée de son fourreau, l’Ange s’était contenté d’attirer l’Homme vers elle, d’un geste aussi impérieux qu’envahissant.

    Et tu ne devrais pas non plus être armé en ces lieux… C’est très mal Tulkas. Ne respectes-tu donc rien ? Elle s’était rapprochée subrepticement, le temps d’une confidence, pour chuchoter contre son oreille. Son odeur lui revenait, voilée derrière savon et parfum. Qu’avais-tu prévu de faire avec ça ? Me trancher la gorge ? Quelle riche idée… Un rictus impitoyable sur le bout de ses lèvres et une sensation réjouissante dans le ventre, quand elle le dit.

    Oh, cela aurait presque pu s’apparenter à une invitation : celle de se confesser, par exemple... Bien sûr, l’Ange aurait dû se montrer prudente—mais il fallait croire que se brûler sur le feu une première fois ne lui avait pas suffit. Elle qui, pourtant, même sous le toit des Titans, se trouvait en territoire ennemi. Comme si cela lui donnait une quelconque impunité… Comme si ce qu’elle avait fait ne méritait pas toutes les défiances que le Monde pouvait bien lui opposer. Mais la vérité était ailleurs : quel recoin de ce foutu Sekaï n’était pas, de toute manière, une contrée hostile ? Lorsque le danger était partout, il n'était finalement plus nulle part. Pas la moindre crainte sur sa jolie gueule d’ange. Pourtant, s’il se décide à lui bondir dessus, elle est à peu près certaine de crever.

    Allons, allons, tu n’oserais tout de même pas faire couler le sang d’une Ange pieuse dans la maison de ses Maîtres ?

    Elle s’était détachée de lui pour le regarder sévèrement dans le fond des yeux, une quiétude insolente sur son petit minois, alors que sa vie ne tenait sans doute qu’à un fil de volonté. Et cette fois-ci, ce n’était pas la sienne. Siame n’avait pas encore idée qu’à jouer à ce jeu, elle aussi devait parier ses jetons. On ne pouvait réellement espérer arracher une part de l’autre sans sacrifier un morceau de soi dans l’équation. L’Ange était fière, ragaillardie par ses grands désirs de pouvoir et de victoire, ses grands désirs insatiables qui ne pouvaient, ironiquement, que la dévorer. À cette heure, elle en est certaine : il n’est là que pour qu’elle puisse finir ce qu’elle a commencé avec lui. Car la liberté – aussi bandant le concept soit-il – n’était qu’une simple illusion n’est-ce pas ? Allez, une malédiction, disons le. Sinon, pourquoi le mortel se serait-il précipité entre les barreaux de cette cage qu’elle avait traîtreusement ouverte ? C’est à cet instant qu’il lui semble déceler en lui une forme de sérénité, presque tendre, à son égard. QQuelque chose qui ne lui dit rien qui vaille et sur laquelle elle s’étrangle rien qu’à y penser. La chose lui aurait certainement parue séduisante, dans d'autres cas. Mais ici, à cet instant, le sentiment que l'une des règles du jeu lui a mystérieusement échappé l'assailli étrangement.


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  • Jeu 11 Juil - 17:55

    - Je te déteste…

    C’est ce qu’il aurait dû murmurer, souffler, dire, crier, hurler, rugir, en plantant sa lame dans son estomac, encore et encore jusqu’à ce que sa furie soit apaisée. Comment pouvait-il en être autrement ? Elle qui avait attisé la chose terrible qui dormait dans le gouffre béant niché entre ses poumons. Il devait la haïr, pour tout ce qu’elle avait fait, pour tout ce qu’elle était. Un ange, une fille de ces dieux de pacotilles qui avaient décidés de détruire le monde, de tout brûler, d’effacer toute peine comme toute joie, toute larme comme tout rire, de tuer, encore et encore jusqu’à ce que le monde ne redevienne gris, que les montagnes ne soient tassées sous le poing de leur tyrannie et que les océans eux-mêmes ne soient drainés jusqu’à la dernière goutte. Ne laissant le Sekaï qu’à l’état d’un vulgaire caillou stérile fendant le cosmos en tournant autour d’une étoile nourricière sans personne pour profiter de sa générosité.

    Pourtant, il s’était assis à côté d’elle sans protester, l’écoutant et l’observant de ses yeux d’ambres. Et quand l’impudente lui reprocha en sous-texte son retard, un sourire doux et coupable se dessina sur son visage.

    - Pardonne-moi de t’avoir fait attendre, Hrakkina, mais tu ne m’as pas rendu la chose facile.

    Et c’était là un cruel euphémisme. Forcé à devenir un vulgaire sauvage l’espace de quelques jours jusqu’à atteindre la sécurité relative de Mael la Blanche, Tulkas aurait été bien incapable de lister toutes les tribulations et péripéties terrifiantes qu’il avait du traverser pour lui revenir en ce jour. Les créatures qu’il avait tuées, celles dont il s’était caché, les racines qu’il avait broyées entre ses dents, l’eau croupie qu’il avait du boire et cette terreur constante, cette crainte permanente d’être observé par une légion d’yeux à l’orée de sa vision périphérique, qui se dérobaient dans les ombres à chaque instant.

    Et cette bête, qui tambourinait de rage dans sa poitrine, cette bête qui avais été volée, qui réclamait vengeance sourdement. Cette bête pleine de douleur et de violence qui, sans qu’il ne puisse réellement comprendre, s’était tue au moment où il avait reposé les yeux sur Elle, avec un E majuscule. Bête, qui retroussa le nez en entendant parler de feu.

    - Qu’est-ce qu’une église, sans congrégation ? Avait-il demandé en ouvrant à nouveau la paume pour voir ses veines, enroulées autours de ses phalanges, luire juste sous la surface de sa peau. Un amas de pierre, qui n’a de valeur que pour ceux qui ont un jour connu sa grandeur.

    Levant les yeux vers la Mère de l’Ange, immortalisée dans le même marbre que celui qui se faisait peau de sa fille abandonnée, Tulkas put sentir ceux de la Lionne glisser sur son corps, l’observant ou l’admirant ? Il aurait été bien incapable de le dire jusqu’à ce qu’il ne perçoive un mouvement là, dans sa vision périphérique. Jusqu’à ce qu’il ne tressaille et que son cœur ne s’emballe.

    Elle était là, si proche de lui qu’il pouvait la toucher en pivotant à peine le visage, elle était là, cette digne fille d’Aurya. Toute faite de douceurs et de mensonges, drapée de passions et de manipulations… Aussi belle que cruelle. Il n’avait pas chassé cette main qui remontait lentement le long de sa cuisse tandis que sa chair, pourtant révulsée, se tends violemment. Sa peau se hérisse, frémit sous le tracé de ces doigts qui, d’un simple roulis du poignet, pourraient tracer un sillon carmin à travers ses braies. Un frisson le prend, remontant jusqu’à sa nuque en lui arrachant un soupir, aspiré par cette créature qui s’en amuse. Qui, bien incapable de produire sa propre chaleur, viens embrasser son souffle qu’elle boit à grande goulées, se nourrissant de ce feu liquide qui coule dans ses veines tandis que son cœur bat la chamade. Jusqu’à ce qu’elle n’agrippe la fusée de son épée.

    Sa main se leva qui, tout naturellement, vint se poser sur la sienne. Alors que le visage pivota, si proche du marmoréen, qu’il aurait pu lui arracher la joue d’un coup de dent. Elle se hissa contre lui, se lovant presque contre son torse pour venir glisser ses mots à son oreille, et que lui, ne réponde au creux de la sienne d’un murmure.

    - Je devrais… Mais non, cette épée n’est pas là pour trancher ta gorge…

    Elle se détacha et seulement alors se rendit-il compte à quel point son cœur tambourinait dans ses oreilles. On aurait pu s’y méprendre, y voir de l’excitation ou un désir dévorant mais non. Il avait tout simplement peur d’elle, de ce qu’elle était et de ces choses qui résonnaient dans le gouffre niché dans sa poitrine.

    Car si elle ne s’était pas bien rendu compte des règles du jeu, Tulkas lui en avait fait les douloureux frais. Ses flammes changées par la Prométhéenne qui lui avait repris son don en y laissant ses ailes. Cette révélation, douloureuse, qu’une partie de lui ne lui appartenait plus s’était manifestée dans ses flammes dont les fumerolles ressemblaient à des ailes. Ces escarbilles, précieuses, qu’il couvrait de ses deux mains pour les protéger du vent. Une partie oubliée d’elle-même, qu’elle lui avait confié. Qu’il ne parvenait pas à se résoudre à écraser entre ses mains. Il inspira un instant, pour tourner ce regard doux et tendre qu’elle avait décelé chez lui et la regarder. Perdue dans ce grand monde qui ne ressemblait plus en rien à ce qu’elle avait pu connaître, il se leva simplement pour observer la statue d’Aurya qui avait été, jusqu’ici, épargnée de toute désacralisation.

    - La maison de tes maîtres ? La question, bien que rhétorique, tenait en réalité plus de l’observation. Allons, Hrakkina, tu sais aussi bien que moi qu’ils ne sont plus là, qu’ils ont fuis le monde des hommes face à la fureur des dragons. Dit-il en regardant les statues de ces « dieux » d’antan. Ils n’ont laissé derrière eux que des populations terrifiées, seules face à la rétribution de ceux qu’ils avaient injustement condamnés à mort. Il marqua un temps d’arrêt. Que des populations terrifiées, seules… Et leurs enfants, sinon, tu ne serais pas là.

    Il l’observa un instant, considérant un instant sa nature, sa parentalité, ses origines les plus profondes. Malgré ses airs décharnés, usé par la malédiction du Shoumeï, la fatigue et la faim, il avait gardé cet air léonin d’arrogant petit gladiateur, de petit dieu du petit peuple, l’observant elle et sa beauté surnaturelle contre laquelle il tentait de s’endurcir.

    - Toi, comme moi, avons été condamnés à l’Apothètes, alors pourquoi es-tu si dévouée ? Observa-il un instant avant de lui confier, dans une confession étrange. Je ne ferais pas couler ton sang, pas aujourd’hui. Non, aujourd’hui, je suis venu faire mentir tes convictions.

    Il l’observa un instant, silencieux avant que son visage ne retrouve ces traits chaleureux qu’il avait eu pour elle quelques jours après leurs premières rencontres.

    - Je ne suis pas revenu par vengeance.


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  • Mar 16 Juil - 22:08


    Parfait. Il était parfait. Oui, parfait quand il s’empressait alors de s’excuser sans même qu’elle n’ait eu à formuler son reproche, et sur les lèvres de l’Ange, toujours ce sourire posé, mais pas moins effronté. Non, elle n’avait visiblement pas la moindre considération pour les épreuves qu’elle lui avait fait traverser pour la retrouver, ne s’en jugeait pas coupable le moins du monde. Siame avait ignoré la tentative de subversion, car à ce moment précis, c’est avec trop de satisfaction qu’elle perçoit le corps du mortel se tendre par la proximité imposée. Son geste s’était rendu davantage impérieux de par l’orgueil intraitable de l’Ange. Elle mesurait silencieusement le frisson qui lui avait hérissé la nuque, la manière dont il s’était pris à soupirer et la petite panique nichée au creux de sa poitrine. Quel tendre agneau… Et quel indicible bonheur que l’idée même de pousser un homme à la folie. Oh, à cet instant, elle l’avait volontiers imaginé se jeter à ses pieds, enlacer ses jambes et implorer son pardon. Et il lui donnerait tout ce qu’elle désirait. Il lui dirait qu’il avait compris, qu’il avait vu la vérité, qu’il savait désormais Ô combien il avait été idiot, Ô combien il s’était trompé. Sur toute la ligne. Il lui donnerait alors les clés de ses derniers retranchements pour cimenter sa dévotion. Il lui promettrait de la servir en bon fidèle, deviendrait aussi docile qu’un chien, écœurant d’adoration – cette chose qui lui revenait de droit – pour elle. C’était ainsi que l’ordre des choses le voulait—puisqu’elle était Ange, que lui n’était qu’Homme. Parce que tout ce qui était humain portait fatalement le sceau de l'imperfection et qu’Elle, avait été créée pour incarner la Perfection même : aussi pathétique, tragique, scandaleuse sa Beauté soit-elle. Mais...

    Mais la main de l’homme s’était posée sur la sienne, dans une forme de douceur mêlée de bravade. Siame avait marqué le moment en arquant un sourcil. Et tout à coup—il n’était plus parfait du tout. Oh non. Plus il parlait, plus il s'enorgueillissait de ses propres mots, et moins il était parfait. Il se découvrait des airs de petit héros, prêt à passer à l’acte (lequel ?) et à braver tous les dangers ; l’emprise de la Corruption, cette bête qui martelait ce cœur flamboyant, et même ses propres responsabilités. Prêt à relever tous les défis et surtout, à se relever, lui. Il la regardait, avec ses yeux languissants – trop confiants, trop sereins, trop humains – et Siame se sentit le besoin frénétique de le gifler. Comme si le susurrement au creux de son oreille ne lui avait pas fait sauter un battement de cœur et le sentiment révulsa quelque chose en elle. Elle retira sa main pour venir l’écraser impulsivement dans la chevelure de l’Homme. D’abord un peu hargneusement, avant que ses doigts – tout comme ses yeux – ne se fassent trompeusement tendres. Ses phalanges s’égarèrent dans ses cheveux sombres, qu’elle caressa très doucement et la déception s’éprouvait dans le bout de ses doigts—dans la manière dont elle le touchait, empreinte de pitié. Le regard qu’elle pose sur lui en dit long. Parviendrait donc-t-elle un jour à regarder les Hommes autrement que pour les détruire et les abîmer ? Probablement que non.

    Alors pourquoi es-tu là ?

    Son visage se fait impassible, douloureusement froid. Ses yeux se posèrent à nouveau sur sa Mère – une seconde, le temps de chasser sa frustration –, avant qu’elle ne se retourne pour regarder le mortel. L’audace dont il se parait lui donnait envie de le consumer tout entier et un sourire impertinent – celui d’une femme qui a déjà gagné – vient étirer ses lèvres. Il n’était pas encore à genoux devant elle, mais il le serait, bientôt. Peu importe ce que cela devait lui coûter.

    Ils ne sont plus là, dis-tu ? Ses traits s’étaient adoucis. Je te dirais bien que tu as raison, mais nous serions deux à avoir tort… Ses doigts continuent de courir tendrement sur ses tempes—à jouer insoucieusement avec ses cheveux. Pourtant, ils sont toujours présents. À travers moi. À travers toi, aussi. Dans chaque battement de ton cœur, dans chaque ombre qui s’étire sous le soleil. Ils sont à la racine de chaque désir, à l’écho de chaque mensonge, et à la flamme de chaque ambition ; ils sont les Créateurs de toute chose en ce Monde. Sa main dessine tranquillement le contour de sa nuque, s’aventure indiscrètement jusqu’à son torse pour se poser sur son cœur, qu’elle écoute battre contre sa paume. Ils sont tes rêves, tes cauchemars, ta vertu et tes vices. Tout ça, Tulkas. Tout ça est leur Œuvre. Vous – les mortels – pouvaient les renier autant que vous le souhaitez, cela ne rend pas la chose moins vraie. Ils ont tissé chaque fil de cette réalité. Sans eux, tu n'existes pas. Sans eux, tu n’es que poussière. Et tant que l’Homme sera Homme, tant que l’avarice et la quête de pouvoir animeront vos âmes, ils régneront éternellement sur le Sekaï. Ils sont les Architectes de Votre destinée. Injustement ? répète-t-elle, de la voix la plus douce qu’il se puisse. Ô combien dois-tu être prétentieux pour croire que tu ne mérites pas leur jugement…

    Il la questionne alors, parle d’Apothètes, parle de choses dont il ne comprend rien. Et les ongles de l’Ange s’enfoncent dans le cuir de son plastron – à défaut de pouvoir atteindre sa chair – faisant éclater la bulle fragile de la comédie à laquelle elle jouait. Le voile vaporeux de tendresse dans lequel elle se drapait jusque-là s'évapore aussitôt. Il évoque ses convictions et quelque chose s’enracine dans sa poitrine. Quelque chose contre laquelle elle se révolte—pour l’amour des Cieux. Sa main abandonne le cœur du mortel pour agripper son poignet – comme elle l’a déjà fait auparavant – et Siame se lève. Elle le tire, sans lui laisser d’autres choix que de la suivre.

    Suis moi. Qu’elle crache, feulant comme un chat.

    Ses cheveux s’élèvent au-dessus de ses épaules, tandis qu’elle l’entraîne avec elle. Cette Ange, qui revêtait tous les apparats pour avoir l’air pure et sage, qui se disait “ange” et “pieuse”, innocente petite chose, mais personne n’était dupe. Le blanc de sa robe ne lavait ni ses péchés, ni son cœur sale. Ils s’enfoncèrent plus loin dans la chapelle, jusqu’au transept dans lequel ils disparaissent tous les deux. Elle s’arrête ; elle l’arrête. Sa main agrippe sa mâchoire, le force à lever les yeux vers le tableau sacré qui leur fait face. Il lui avait demandé, alors qu’ils se baladaient à cheval, à travers la campagne shoumeienne, de lui parler de la beauté de ces Terres telle qu'elle les avait connues autrefois. Et Siame avait raconté ; tout le Beau. Pas le sale. Pas l’horreur.

    Regarde, Tulkas. Regarde.

    Devant eux, peint sur le marbre, un ciel gris, cendreux, devant lequel une Ange se tient aux abords d’un volcan. Ses ailes majestueusement déployées d’une gloire trompeusement sacrée. Et sur les traits de son visage ; une sérénité affreusement douce, contrastant avec l’horreur de ses actes. Elle amène l’enfant innocent vers le sort inéluctable qui l’attend. Bientôt, il serait livré aux flammes infernales, son corps fragile disparaissant en une fraction de seconde, avalé goulûment par la lave. L’Ange partirait, indifférente aux cris perçant, prête à répéter ce voyage autant de fois que nécessaire, sacrifiant les Âmes impures au nom de cette cause absurde et perverse qu’était celle des Titans—chaque sacrifice pervertissant davantage encore la notion même de toute rédemption. Elle n’était pas Ange. Elle était bourrelle divine, destinée à accomplir son office morbide, imperturbable. Cette parodie cruelle du jugement dernier—cette parodie cruelle de l’Apothètes que le mortel se plaisait à invoquer.

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    Je n’ai jamais été condamnée, ment-elle avec la conviction de ceux qui refusent à tous prix la vérité. Une rage fervente, surnaturelle étrangle sa propre gorge. Mais j’ai condamné. Trop de fois pour m’en souvenir. Et je l’ai fait sans la moindre hésitation. Jamais. Menteuse. Menteuse. La main qui agrippe la mâchoire du reikois l’incline vers elle et le visage angélique de la peinture est remplacé par le sien. Ses yeux gris d’orage s’enfoncent dans les siens, comme des dagues. Tu ne comprends rien Tulkas. Tu ne sais pas ce que signifie la dévotion – la véritable dévotion – et tu ne le sauras jamais. Tu n’es qu’un Homme. Et il y a des choses qui te resteront à jamais inaccessibles.

    Je ne suis pas revenu par vengeance”—et sa prise se raffermit de plus belle sur sa mâchoire, haineuse, vibrante de cette volonté démesurée de lui prouver qu’il a tort. Tandis qu’elle rejette tout le reste ; tout ce qui crevait de s’envoler dans le creux de son ventre. Les oiseaux n’étaient pas faits pour être enfermés. Il croyait avoir volé une part d’elle lorsqu’il voyait son feu battre des ailes ? Ses ailes qui se posaient entre ses mains à lui, lui donnant bien plus qu’il ne pourrait jamais supporter ?

    Quand vas-tu le comprendre ? Si tu n’es pas revenu par vengeance, pourquoi es-tu revenu ?

    Et c’est à son tour d’avoir peur—et cette peur-ci déclenche en elle une montée de haine incontrôlée, affreuse et débordante.


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  • Dim 21 Juil - 2:40
    La main crispée sur sa mâchoire, les ongles arrachant presque sa peau et l’entaillant jusqu’à l’os. Il ferma les yeux, levant deux mains pour venir attraper ces doigts avec lesquels elle tentait de le mettre à genoux devant-elle, à faire de lui… Quoi, en fait ?

    Qu’espérait-elle obtenir, se demandait-il, en le traitant ainsi ? Un chiot peut-être. Un moins-que-rien qui ne fait qu’acquiescer quand on lui demande de hocher la tête ? Qui n’est là que pour servir à taire l’anxiété et les craintes les plus profondes de la plus ancienne des névrosées ? Qui n’aurait que pour seul et unique but de lui glisser, chaudement dans le creux de l’oreille un : « Vous avez raison, maîtresse, le monde est tel que vous l’imaginez et pire encore. » ? Un jouet à briser, encore et encore, jusqu’à ce qu’il devienne un agent servile dont elle se séparerait dès qu’un nouveau, plus frais, attirerait son regard ?

    Il pouvait sentir sa main froide entre ses paumes rugueuses, dont il devinait les doigts noircis par la culpabilité et la souffrance qui se plantaient dans la saillie de son pouce. Pour une fois, ce n’était pas le sang noir d’une statue de marbre qui allait teindre les doigts d’albâtres, ce n’était que le sang rouge, éphémère et salissant d’un homme qui ne sourcilla même pas. Et lui, qui la craignait tant en l’observant, qui se sentait comme une souris face à un chat affamé l’observait, devinant pour la première fois la peur qui se cachait derrière ses pupilles noires. Et sans qu’elle ne s’en rende compte, il ne la voyait plus comme l’ange terrible et terrifiante qui hantait ses nuits, non, pour la première fois, il la voyait pour ce qu’elle était.

    - Tu sais, Hrakkina, je suis né pour n’être que ça ; dévoué et loyal. Pourquoi parlait-il si doucement ? A respecter le caractère sacré du temple de ses ennemis que tout lui hurlait d’abattre ? Ma vie n’a jamais été la mienne, tout comme la tienne, même cinq millénaires plus tard, lui appartiens à Elle.

    Disait-il en penchant la tête sur la gauche, traçant une diagonale invisible de son menton pour désigner cette statue sans vie d’une femme si belle qu’elle semblait irréelle. Sainte patronne de la maternité, en étant la plus mauvaise des mères.

    Il tourna ensuite son regard sur cette gravure aussi triste que terrible de l’Ange dont il tenait la main, sacrifiant d’innombrables vies impures à la bouche d’une montagne qui n’était pas sans lui rappeler le Mont Kazan. D’autres, oui, d’autres auraient été frappés par l’indifférence de l’exécutrice de la volonté de son parent. De voir tant de vies, dérobées de leurs chances de faire mentir les convictions des titans, qui n’avaient que pour crimes d’être nés des mauvais parents, d’être imparfaits. De n’avoir pour défaut qu’un nez un peu trop plat ou un doigt en moins ou de n’être simplement pas assez beau selon les critères impénétrables d’une volonté qui dépassait aussi bien l’Ange que l’Humain.

    Et pourtant… Lui, n’éprouvait pas le moindre dégoût face à cette scène. Au contraire, il s’attarda un instant à observer la fresque avec un œil d’esthète et la solennité d’un artiste.

    - Penses-tu être à ce point plus monstrueuse que moi, Hrakkina ?

    Disait-il, observant ce visage qui aurait du être si parfait… Taillé à la pierre même de la création, faite d’un marbre aussi blanc que pur, d’une beauté éthérée et qui pourtant s’était noirci des fissures faites à ses convictions, à qui elle était. De fissures, parfois éphémères, prenant la forme de trainées noires qui naissaient à l’ombre de son regard… Parfois plus permanentes, comme celles qu’il tenait dans la chaleur de ses mains, qui lui semblaient si froides.

    Il se pencha en avant, amenant ses lèvres contre la faille de ses mains jointes, fermant les yeux pour libérer un souffle d’une chaleur sincère et tendre. Un aveu silencieux, une promesse qu’aucun mal ne lui sera fait.

    - Toi, tu n’as tué que des bébés, qui comme des éphémères n’ont vécus que quelques jours, poussé que quelques cris avant de périr. Que tu en aie tué un, dix, cent ou des dizaines de milliers… Est-ce vraiment pire que ce que j’ai fait moi, pour mes maîtres ?

    Les ambres glissent le long du marbre qui fais le contour de son visage, suivent les courbes de son cou et de ses épaules, remontent le chemin de ses bras pour retrouver ses deux mains qui lui semblent si sombres dans ce jeu de contraste entre homme du désert et femme du ciel.

    - Moi, je n’ai tué aucun bébé pour ceux qui m’ont fait naître pour les servir. Soufflait-il. J’ai fait pire, pour chaque bébé que tu as tué, j’ai tué un enfant, un frère, une sœur, parfois un parent, toujours un ami… Un être aimé, un amant. Combien d’histoires, longues de plusieurs années, toutes chargées de drames et de joies, ais-je fait finir dans le sang et la douleur pour obéir aux ordres de mon maître ? Tout ça pour faire mon devoir… Tout ça, pour le plaisir d’une plèbe sans visage dont je buvais l’admiration comme le nectar de tes maîtres.

    Tulkas l’observe, puis, son regard se glisse tout naturellement vers la gravure la dépeignant ; froide, insensible, détachée même. Et dans son esprit, une question germe. Il la voit, comme ça et se demande combien d’années avaient dû passer pour qu’elle ne ressente plus rien en commettant l’irréparable à tant de reprises ? Il aurait aimé dire qu’il se souvenait de son premier homme, de la première fois que son épée avait goûté le sang et pris la vie.

    Il se voyait encore, là-bas, dans les sables de Taïsen, rugissant avec cette hargne dans son cœur, se battant avec des épées, des haches et des lances contre des hommes, des nains et des elfes. Sa lame fendante tranchait aussi bien la chair que les tendons, combien de ces créatures, que l’on appelait « monstres » pour leurs manques de civilisation, avait-il passé par le fil de l’épée ou simplement écrasé sous ses poings et ses talons ? Ce n’était pas une exagération de dire qu’il avait laissé une mer de sang dans son sillage, tous remplis d’espoirs et d’ambitions, tous affamés de gloires et de légendes, certains d’entre eux avaient partagé une coupe avec lui, d’autres le considéraient comme un ami et pourtant, combien de tonnes de sables avait-il gorgées de sang simplement parce-qu’on lui avait dit « Gagne » ?

    On aurait pu bâtir des murailles à toutes les cités du Reike avec les corps de ceux qu’il avait vaincu au cours de vingt vulgaires années à se battre quotidiennement pour le plaisir belliqueux des Reikois. Au sein de l’arène, il avait été comme elle, une figure d’autorité et de respect, un roi, avec toutes les charges, responsabilités et privilèges qui en découlaient. Régnant depuis son trône perché sur une montagne de crânes. Elle était là, la vérité de qui était Tulkas, un homme qui avait bâti sa légende et son image de lui dans le sang et la violence, en écrasant ceux qu’on lui demandait d’écraser.

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    Un chien de guerre, loyal et féroce.
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    - Et pourtant…

    Dit-il, retournant son attention vers elle. Cherchant dans son regard si elle arrivait à comprendre, pourquoi il n’était pas revenu par vengeance. Pourquoi il l’avait retrouvée et qu’au lieu de se jeter à sa gorge, la plaquer contre le sol pour l’étrangler jusqu’à ce que le marbre ne devienne bleu et que la sclère de ses yeux ne devienne rouge.

    - J’ai été moi aussi abandonné par mes maîtres. Souligna-il en regardant alors la statue d’Aurya. Quand l’impératrice a décidé d’interdire la pratique pour laquelle je suis né, je me suis retrouvé comme toi maintenant. Seul et perdu dans un monde trop grand pour moi, trop différent de tout ce que j’avais pu connaître. Qu’il confessa, dans le saint-des-saints d’une église abandonnée de tous, sauf par Elle. L’ordre établi, celui pour lequel on m’a donné naissance, n’existait plus. Et comme toi, j’ai eu peur. Tu es comme j’ai été, Hrakkina, quand mon monde s’est écroulé. J’ai continué à servir mon maître, des années durant, comme l’esclave que j’étais…

    Qu'il était encore, probablement, comme Elle. Il inspira, regardant à nouveau Aurya et pour la première fois de sa vie… La trouva laide.

    - Les titans nous ont donné cette chair, cette vie, notre pathos et logos, nos amours et nos haines et maintenant ils voudraient tout nous reprendre ? A toi comme à moi ? Hrakkina… Et le soupir avait quelque chose de dégoutant, de chaleureux et de sincère. Je ne suis pas revenu pour ta tête, je suis revenu pour toi.

    Pas pour l’Ange qui l’avait attendue sur le parvis de l’église, non, mais pour la Femme, apeurée et enragée, qui se trouvait devant lui, dont il tenait délicatement la main entre les siennes, lui faisant découvrir que le feu ne fait pas que brûler.

    Mais qu’il peut réchauffer.


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  • Ven 26 Juil - 14:09


    Les cloches de l’église retentissent. Pendant d’interminables minutes, durant lesquelles l’Ange reste tout aussi immobile qu’une statue. À peu de chose près, on pourrait croire qu’elle l’est devenue, à cet instant précis, tandis que les mains de l’Homme enferment les siennes avec une tendresse non contenue. Cette chose, qui lui est alors offerte par un mortel, et qu’elle ne peut que trouver répugnante—car c’est ainsi qu’on lui a appris. Cette chose qui – elle le sait – ne cherche qu’à la briser, à faire fondre le masque imperméable collé à sa jolie gueule. À ses traits d’une folle et extraordinaire harmonie. La finesse de sa peau frôle la fragilité—et tout ça n’avait jamais été rien de plus qu’une tromperie dessinée par Aurya.

    Son cœur rate un battement. Et Siame le maudit : ce cœur faillible que sa Mère avait oublié de verrouiller. Elle maudit cet Homme aussi. Ce mortel – par définition – qui ne méritait ni sa peau, ni le noyau de son être. Ce mortel qui mourait tout aussi naturellement que fanent les fleurs. Cette prétentieuse chose qui pensait pouvoir – d’une quelconque façon – réchauffer son cœur froid. Peut-être même laver ses péchés—ceux qu’elle n’avait jamais, pas une seule fois, hormis lorsqu’il s’agissait de sa sœur, considérée comme tels. Tout à coup, le Monde lui devient hostile. Une flamme noire, implacable, s’empare de son regard—une flamme haineuse pour cette tendresse mortelle, pour ces mains humaines qui osent se poser sur sa sacro-sainte personne et la toucher avec trop de douceur. Qui cherchent à la posséder à grand coup de compassion, à blanchir sa conscience quand elle-même n’a jamais songé à le faire. Pourquoi devrait-elle ? Elle n’a jamais rien fait de plus que d’accomplir sa mission, la raison pour laquelle elle a été envoyée sur ce Sekaï. Les Hommes devraient la remercier. Il n’a pas compris. Il ne comprend pas. Et elle le regarde comme s’il venait de trouver un résultat inexact à l’énigme qu’elle lui soumet. Parce que s’il n’était pas revenu par vengeance, il n’était alors revenu que pour une seule chose…

    Son sourire prend une inflexion étrange.

    Et ses mains s’échappent de la cage des siennes. Elles se saisissent violemment de son visage, et sa bouche s’écrase durement sur la sienne avec la vivacité d’une morsure de serpent. Pas la moindre tendresse sur ses lèvres. Juste un sourire de vipère—un beau sourire de pute. Elle lui prend la bouche dans cette parodie de baiser, abreuvée d’une telle véhémence qu’elle aurait aussi bien pu le frapper. Quoi ? C’était ce qu’il avait voulu, pas vrai ? C’était pour ça qu’il était revenu, n’est-ce pas ? Elle ne peut pas résister à l’envie de faire effondrer toutes ses convictions, tous ses rêves d’un jour la réparer : de faire d’elle une chose docile, une chose de ce Monde idiot. Jamais. Jamais. Jamais. Ses yeux regardent dans le fond des siens, rieurs, moqueurs, ils lui disent, que de la chaleur, elle n’en aura jamais pour lui—et un véritable ravissement remplace sa haine.

    Siame se repaît de voir la faim s’éteindre dans les yeux d’un homme qui comprend enfin qu’il n’aura jamais le privilège de la posséder de la sorte—parce que le dégoût qu’elle éprouve pour sa race fait barrière entre elle et sa matrice. L’Homme. L’idée même de recevoir ce genre d’être en elle l’indignait profondément. Il faisait l’erreur de la prendre pour une femme. Pire encore, il faisait l’erreur de la prendre pour une femme praticable pour lui—quand elle n’avait jamais été rien de plus qu’un festin vide. Quand elle n’avait jamais été rien de plus que de beaux mensonges. Rien de plus qu’une belle tricheuse, incapable de tenir sa main quand les autres ne regardent pas—incapable de ne pas venir piller la banque. Oui, elle est la reine des garces, et ce, jusqu’à la moelle—incapable de ne pas toujours arranger les choses à sa guise : parce qu’elle préférait encore couillonner le monde plutôt que de laisser l’opportunité aux autres de la couillonner elle. Oh, évidemment, la chose est pathétique. Elle n’est “reine” qu’à ses propres yeux : en vérité, elle ressemble davantage à une triste connasse—qui se prive de toute forme de bonheur parce qu’elle en a bien trop peur. Qui préfère encore crever plutôt que d’accepter qu’elle a pu avoir tort. Siame souffle un léger soupir ironique.

    Prends ta mortalité comme un cadeau des Divins. Une forme de miséricorde. Parce que tu mourras et avec le temps, tous ceux qui t’ont un jour connu t'oublieront. C’est vrai : personne ne se souviendra de toi, ni de ton nom, mais personne ne se souviendra non plus de tes crimes, ni de tes péchés. Tout ce que tu as fait : toutes les vies que tu as un jour volées, tout ça sera effacé à l’échelle cosmique. Mais les miens ? Les miens connaîtront une gloire éternelle. Ils sont inscrits dans le marbre de ce Monde.

    Avait-il seulement cru qu’elle avait un jour cherché à effacer ses fautes ? À purifier son Âme ? N’avait-il pas vu la fierté dans le fond de ses yeux en silex ? Que sa défaillance ne logeait pas dans sa cruauté, mais dans les fissures de son cœur ? Elle le regarde avec déception, comme si tout ça n’avait été qu’un affreux gaspillage. Pourquoi refusait-il de l’écouter ?

    Tu ne peux pas me donner ce que je veux, Tulkas.

    En réalité, Siame ignorait ce qu’elle voulait exactement. Ses ailes arrachées ? Sa sœur oubliée ? Son pouvoir perdu ? Cependant, elle sait qu'elle ne voulait pas du feu doux et chaleureux de ce mortel. Fut-il revenu par vengeance qu’elle l’aurait mieux apprécié. L’amour avait été la seconde possibilité, et lui-même avait esquivé ce mot idiot—risible, dans ce cas précis. Parce qu’un mortel ne sera jamais capable d’éprouver l’amour qu’elle était capable d’éprouver. Ce concept qui, chez eux, ne pouvait être qu’une pâle copie des sentiments qui l'agitait Elle. C’est pour ça qu’elle avait dû tuer l’autre ; celui qui avait menti à sa sœur en lui disant l'aimer—alors que de par sa nature velléitaire, il serait toujours inepte à le faire comme elle le méritait. Comme Elle l’aimait.

    Oh, bien entendu, le mortel qui se trouvait devant elle aimait peut-être l’idée qu’il se faisait de toute cette histoire : l’idée de la faire changer, de la moduler à sa guise, de lui faire renier ses Maîtres pour lui. Il aimait peut-être des morceaux d’elle—comme tous les hommes aimaient les femmes : par fragments ou en lambeaux. Pour les jolies étincelles qui dansent dans le fond de leurs yeux, pour la chaleur qu’elles leur procurent, pour l’éclat laiteux de leurs seins dans le noir. Mais le reste ? La pourriture que l’on trouvait en venant peler sa peau de lumière ? Son cœur laid, tout en bordel, tout en désordre ? Ça, jamais. Elle le sait, elle le voit à la manière dont il regarde l’icône de sa Mère, le dégoût qu’il éprouve. Il la trouve laide d’être ce qu’elle est—quand il aurait dû la trouver infiniment belle d’être laide devant lui.

    Oui, la preuve était qu’il n’avait pas su lire la fierté qu’elle éprouvait en lui montrant Ô combien elle avait été une Enfant dévouée à ses Maîtres. Certes, Siame leur en voulait. Profondément. Elle maudissait sa Mère à chaque fois qu’elle levait les yeux vers les Cieux. Pour l’avoir laissée seule ici. Mais jamais, jamais Ô grand jamais n’avait-elle remis en question sa mission—Elle qui n’avait, de toute manière, été créée que pour ça. De leurs Enfants, elle avait été la plus fidèle, la plus dévouée : jamais n’avait-elle rechigné à la tâche—pas moins lorsqu’elle avait dû arracher les bambins des bras de leur mère, pas moins lorsqu’elle avait dû offrir sa sœur aux Hommes. Jamais n’avait-elle flanché : pas devant la moindre épreuve. Son intégrité l’avait toujours poussé vers sa fin—et tant mieux, et tant pis. Et qu’on la blâme pour ça s’il le fallait. Oui : l’Ange n’avait jamais flanché—pas moins qu’elle ne flancherait aujourd’hui devant lui et son tendre feu. Elle le regardait et elle ne voyait qu’un papillon amoureux d’une étoile filante ; un murmure terrestre perdu dans l’infini des Cieux ; un cœur battant contre un marbre céleste ; une flamme vacillante cherchant à réchauffer une étoile glacée.

    Ma Mère ? L’appelle-t-on, quand elle se détache de lui et que le visage d’un jeune garçon – un jeune mortel, un jeune gamin qui a à peine atteint la majorité, ses cheveux sombres sagement disciplinés et la peau dorée, aussi dorée que celle du reikois – apparaît de l’autre côté.

    Siame l’ignore, un instant, ses yeux plantés dans ceux du Luteni. Elle le regarde, un long moment sans ciller.

    Nous ne nous ressemblons pas Tulkas, et nous ne nous ressemblerons jamais.

    Parce qu'elle est Ange et lui est Homme. Et qu'ils ne traiteront jamais : ni les épreuves de la vie, ni leurs émotions, de la même façon.

    Sa gorge se resserre. Il y a presque de la tristesse dans sa voix, quand elle le dit. Pour elle-même. Si seulement il avait pu le comprendre—si seulement il avait pu aimer leurs différences plus qu'il n'avait eu envie de creuser désespérément pour trouver leurs similitudes. Il cherche de l'or dans un sable où il n'y en a pas.

    Elle se détourne, invite le jeune garçon à s’approcher. Son sourire le cajole de tendresse, et ses mains prennent les siennes, de la même manière que celles du guerrier ont enrobé les Siennes, quelques minutes plus tôt. Elle l’imite, elle le fait tout en continuant de scruter son visage, sans compter les secondes. Comme une provocation de plus. Comme un énième mensonge.


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  • Ven 16 Aoû - 22:13
    La lèvre presque éclatée par ce baiser qui n’est rien de plus qu’un aveu de haine. Une déclaration de guerre, née de convictions gravée dans le marbre même de la peau d’une ange et peut-être, de la naïveté d’un mortel, trop jeune et trop éphémère pour n’être considéré que comme un insecte.

    Le mensonge de la pureté, de la grandeur et de la beauté se meurt, révélant encore une fois l’affreuse créature prisonnière du marbre de sa peau. Et peut-être comme une amante complexée, intimidée par l’inconnu, elle se réfugie dans la colère et ses convictions. Ignorant que l’homme en face d’elle vient de lui souffler un « Tu es belle » en voyant l’horreur qu’elle cache derrière ces atours qui lui avaient été confiés par la Titanide de la beauté. Digne fille d’Aurya, reine des connasses et impératrice des catins, tellement bouffie de haine que sa perception même du réel s’en retrouve bouleversée, troublée, assez pour que les mots du monstre à qui elle vient de prendre un baiser en lui arrachant presque les lèvres ne lui sonnent comme une offre de rédemption.

    Rédemption, un mot qui sonne si creux quand il est porté par la voix du fils du désert et qui ne trouverait aucune faille dans l’armure de mépris de cette ange qui se refuse de croire qu’un mortel, aussi éphémère soit-il, ait été capable de la percer et à jour et, plus encore, de lui dire que sa monstruosité résonnait avec la sienne.

    Ils ne seraient jamais les mêmes, c’est certain.

    Le destin en avait voulu autrement, né plusieurs millénaires trop tard, né du mauvais lignage, un mouton noir de la race humaine, né de la lie d’une société qui n’avait vu en lui qu’une ressource, un outil à employer pour atteindre un quelconque idéal que tous les peuples recherchaient. Il était un monstre, derrière sa belle gueule digne d’un canon grec. Et derrière la douceur des mots qu’il avait pour la Lionne qui venait de goûter son sang à même la pulpe de ses lèvres, ne se trouvait rien de plus qu’une gueule pleine de crocs, prête à égorger le monde pour enfin assouvir sa soif dans un torrent de sang et dans une tempête de flammes.

    Ils ne seraient jamais les mêmes, car elle était fille des titans et lui fils des hommes.

    Et pourtant, leurs similitudes étaient là, à fleur de peau, cachés pour l’un derrière une tendresse inexpliquée et pour l’autre, étouffée comme un nouveau-né sous un monticule fait de déni et d’obstination. Il était un monstre et elle, n’était guère mieux. Aussi,

    - Dix millénaires d’existence.

    Qu’il répondit enfin, se passant le pouce sur sa lèvre charnue et tuméfiée par la morsure d’une poupée d’albâtre. Il regarde un instant la pulpe rougie de ce doigt qu’il prends en bouche pour goûter à son propre sang avant de lever les yeux vers la statue d’Aurya et lui cracher une gerbe de sang au visage.

    N’y avait-il pas plus belle parure pour elle, la mère de la beauté et la reine des putains, que d’avoir la face souillée par le sang d’un mortel dont elle haïssait la nature même ? Après tout, les putes sont les plus belles avec un collier de perle, aussi, une parure de sang ferait l’affaire pour cette maudite statue, pour cette maudite église. Pour ce monde abandonné des dieux. Il tourne ensuite la tête vers elle, le filet de sang coulant dans sa barbe et ses dents rougies se dévoilant dans un sourire qui ressemble plus au rictus d’un prédateur qu’à celui d’un homme, aimant et doux.

    - En dix millénaires d’existences, qui se souvient encore de tes crimes ? Ils sont relégués aux mythes et légendes, véhiculé par un peuple de martyrs qui se meurt de jours en jours. Tu n’es plus rien Hrakkina. Rien de plus que le monstre que tu dissimules derrière ta belle gueule, dans ta forteresse faite de convictions et d’illusions. Parce-que le monde te fait peur, parce-que c’est plus facile d’entendre ce que l’on veut entendre que d’écouter un pauvre mortel qui a eu preuve d’un peu de bonté envers toi.

    Il avance, paume reposée sur le pommeau, s’approchant d’elle et de cet enfant. Cet enfant qu’elle étreignais avec la douceur d’une mère, un nouveau masque, un nouveau mensonge. Cet enfant, qui l’appelle mère sans se rendre compte qu’elle le jetterait lui aussi à la gueule d’un volcan s’il avait le malheur d’avoir une quelconque malformation, un grain de beauté au mauvais endroit, s’il avait le bras un peu asymétrique, voir même si une couille pendait plus bas que l’autre.

    Un jeune homme, à la peau halée, un fils du désert lui aussi.

    - Nous nous ressemblons, Hrakkina, bien plus que tu ne seras jamais prête à l’admettre. Il pose alors son regard sur l’enfant. Toi, quel est ton nom, diviniste ?

    L’enfant n’est pas un imbécile, il suffit de regarder le Luteni pour se rendre compte de la terrible erreur qu’il venait de faire. Appeler la Lionne « Ma Mère » dans un tel lieux…

    La sentence ne tarda pas à tomber.

    C’est d’abord un choc, qui le fait tressailler, cet enfant sans nom. C’est un visage, jeune et innocent, doré comme celui des sables de Taïsen qui se fige, avant que ses traits ne se déforment dans une expression d’effroi et de douleur. Qu’il ne titube, faisant un pas en arrière en tentant d’échapper à cette morsure froide qui le transperce de part en part. Les hoquets qui lui échappent sont sanglants et douloureux, puis, il recule encore d’un pas, et dans un geste vif, le Luteni ne recule que d’un pas pour retirer sa lame de son ventre et que la vie d’un enfant de plus, ne s’éteigne dans les mains de l’ange.

    De l’ange, dont il vient ceindre la taille d’un bras pour la plaquer dos contre son torse. L’autre bras, lui, viens se poser en travers de ses clavicules, la lame couverte de sang posée à plat contre le tissu blanc qu’elle porte en toute circonstances, la souillant du sang rouge d’un martyr de plus.

    - Dis-moi, alors, Hrakkina. Qui de nous deux est le plus monstrueux ici ? Celle qui tiens les mains d’un enfant condamné à mort sans sourciller ou celui qui viens de lui arracher la vie sans lui laisser l’opportunité de parler ? Tu ne comprends pas et ne comprendra jamais mais nous sommes les mêmes… Toi et moi. Regarde-le.

    Qu’il siffle presque en désignant le jeune homme au sol, recroquevillé les mains croisées sur son ventre, tendant le cou en poussant des râles de douleurs, des plaintes souffreteuses et que la vie abandonne petit à petit.

    - Regarde-le, monstre. Qu’il dit avec cette haine qu’elle désirait tant. Encore un mort-né, à peine un adulte, à qui j’ai pris la vie avec autant de facilité que toi tu prenais celles de ces enfants dont tu tireras de la fierté jusqu’à la fin des temps.

    Un rire lui échappe, alors que l’enfant à ses pieds ne sombre finalement dans l’inconscient, le corps pris de quelques spasmes qui annoncent l’arrivée de X’o-rath dans ce temple consacré à la mère de la vie. La mort vient pour lui, et en bien moins de temps qu’il n’aura fallu à son père pour le concevoir dans le ventre de sa mère, la mort ne le prenne.

    - Tu es un monstre, Hrakkina, tout comme moi. Qu’il lui souffle à l’oreille. Nous sommes aussi similaires que nous sommes différents, fille d’Aurya. A une différence près. Moi, je n’ai plus pour maîtres que ceux que je me suis choisi… Alors que toi tu es l'outil qu'ils ont abandonné...  Le destin a fait de nous des ennemis jurés et pourtant…

    Et pourtant, qu’il souffle, la douceur et la tendresse revenant à ce moment précis pour qu’il lui glisse à l’oreille.

    - Je ne suis pas revenu par vengeance, ma voleuse de feu. Il ouvre doucement la paume qui ceinturait sa taille, manifestant des flammes, prenant la forme de plumes. Car je ne pourrais jamais te tuer… Car nous sommes un seul et même monstre, fier et arrogant… Et te tuer, serait tuer une partie de moi.

    Aussi, glisse-il ses lèvres rouges de sang contre sa tempe, non pas pour y poser un baiser, mais pour y laisser une trace aussi éphémère qu’il ne l’a été. C’est toujours la voie douce et tendre, chaude comme les dunes du grand désert qu’il lui souffle, une mare de sang s’étendant jusqu’à leurs pieds.

    - Mais je tuerais tous ceux qui ont un jour prié les parents de ton peuple… Jusqu’à ce qu’il ne reste rien de plus d’eux que des os blanchis par mes flammes et de leurs maisons, des ruines fumantes. Je brûlerai ce monde qui t’as fait tant souffrir, pour que tu sois enfin libéré du joug de ces parents qui n’ont pas su voir la fierté de leurs filles, qui ont été indigne de sa dévotion.

    Un sourire lui échappe.

    - Et alors, quand le dernier diviniste ne sera plus que des cendres portées par le vent, tu seras enfin libre.


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  • Sam 24 Aoû - 16:46


    Non.

    Non…

    Non !

    Elle l’avait crié, quand la lame s’était abattue sur l’enfant. Ses mains étaient restées immobiles, impuissantes, quand celles du gamin s’échappèrent des siennes. Et l’Ange l’avait regardé mourir devant elle, ses yeux s'écarquillant d’horreur devant le crime accompli. Car ça n’avait rien d’une sentence. Car la main du bourreau n’avait rien de divin. Il n’avait pas le droit. Non, il n’avait pas le droit. Cette vie-là lui appartenait, comme toutes les autres—comme la sienne. Siame n’avait pas eu le temps de réagir. Il ne lui avait pas laissé une seule seconde, avant que ses bras s’emparent de sa taille et que la lame posée à plat contre son corps ne la force à calmer la tempête qui faisait rage sous son crâne. On l’avait prise à hurler, à se débattre pour tenter de se libérer de ses entraves. Elle voulait le mordre. Le griffer, le maudire, l’écraser sous le poids de sa colère suprême—le broyer sous le poids de siècles de justice divine. Cet Homme, en lui volant cet enfant, détruisait tout ce qu’elle cherchait à reconstruire ici, dans cette église. Ça n’aurait pas dû se passer ainsi. Ce n’était pas comme ça qu’elle l’avait voulu. Il aurait dû se plier à sa volonté, comme Aurya lui avait un jour dit que les Hommes le feraient—comme les règles de la physique se courbaient autrefois à chacun de ses souhaits.

    Ses cris sauvages s’étaient réduits à une plainte épuisée ; étranglée et ses yeux s’étaient mis à briller en écho à sa rage impuissante. Il la forçait à regarder—la forçait à accepter cette vision, cette réalité, et les larmes de l’Ange s’écrasèrent sur le bras lui sanglant la poitrine. Siame n’est pas consciente qu’elle est en train de pleurer. Elle ne sent pas les larmes brûlantes qui sifflent contre sa peau. Elle n’est consciente que de la furie déchaînée qui s’agite au fond d’elle-même et qu’il repousse vers la sortie en lui refusant tout mouvement. Cette furie qui s'indigne ; pas parce qu’il l’accuse de monstruosité, mais parce qu’il lui dit qu’elle n’est rien. Et Siame n’a plus envie d’être rien. Parce que c’était certainement là l’ordre des choses – les Hommes triomphant des Anges – et que l’ordre des choses lui paraît alors comme une bouse sans nom. Elle regarde le pauvre enfant lutter contre le mort, victime d’une guerre qu’il n’avait jamais demandée.

    Ce n’est pas vrai… qu’on l’entend murmurer, la voix brisée, tandis que le guerrier serre plus fort sur ses épaules. Nous n’avons rien en commun. Tu n’avais pas le droit… Il était mien, gémit-elle sans véritable certitude.

    L’Ange avait battu des paupières, plusieurs fois, avant de fermer les yeux. Elle s’était prise à s’apaiser entre les bras de l’Homme, sa fureur emportée par une quiétude singulière, curieuse—comme si enfin, enfin, elle avait accepté de se reposer. D’arrêter de se battre. Comme s’il avait réussi à faire tomber un premier rempart chez elle. Son échine s’était tendue sous la douceur de sa voix, au souffle contre sa tempe, et un chatouillement presque insoutenable lui était remonté le long de la nuque. Elle se sentit tressaillir, légèrement. Un sourire vaporeux, séditieux, était venu s'épanouir sur sa bouche. Et on l’avait vu se frotter voluptueusement à ses lèvres, à son sang. Affectueuse ; câline ; exquise ; comme une jolie chatte savait l’être. “Ma voleuse de feu”, lui disait-il. Il lui avait fallu se mordre l’intérieur de la joue pour ne pas rire. L’aurait-il appelé “allumeuse” qu’elle s’en serait amusée avec tout autant de réjouissance. La peste devait certainement invoquer toutes les allumeuses du monde : les Salomés, les Galatées, les Èves… Toutes ces sorcières parvenant à obtenir ce qu’elles souhaitaient des hommes, par le seul pouvoir de leur con—par leur seul potentiel de séduction. Le tout sans jamais avoir rien à donner, si ce n’est leur sanité. Oh, Siame aurait certainement réussi, si seulement elle avait été capable de mieux mentir ; si seulement elle avait été capable de se montrer plus gentille, plus docile. Elle les enviait, les admirait : les douces ; les sages ; les patientes ; celles qui savaient repousser leur petite folie, leur affreuse fringale, pour mieux les manipuler.

    Cela dit, c’était bien le comble des allumeuses, de se faire prendre à leur propre jeu. Tant pis pour ceux qui tomberaient ; tant pis pour sa Mère (elle l’avait de toute manière abandonnée), tant pis pour ceux qui la priait (ils mourraient pour une noble cause)—tant qu’Elle survivait. Qu’importe que cet Homme refuse de s’agenouiller devant ses Maîtres, tant qu’il finissait par le faire pour elle. Ses yeux se posèrent sur les flammes qui voletaient près de son ventre, avec lesquelles il la narguait. Elle tourne le visage vers lui, agrippe ses yeux avec les siens.

    Sais-tu ce qu'il arrive à ceux qui volent le pouvoir des Divins ? Une pause. Ils se font enchaîner à la pierre des plus hauts monts, et fouetter pour le reste de l'éternité. Mais pas toi, Tulkas. Ta vie m'appartient. Tu mourras dans mes bras, souffle-t-elle à son tour, dans une tendresse assourdissante. Ses mots menace ou promesse ; prophétie ou malédiction.

    Qu’elle soit celle qui tiendrait la lame lui volant la vie ou non : Siame était certaine d’une seule chose—son dernier souffle serait pour elle. Et son pouls bégaie et tressaute à cette seule idée. On le dit “chaque femme a son fasciste qu’elle adore”, et par les Huit qu’elle l’adore – celui-là – à cet instant. Qu’elle l’adore, quand il se fait dur, exigeant et sévère—quand l’inquiétude lui ronge la poitrine et que son cœur lui cogne dans le ventre, à chasser ainsi toute forme de vide intérieur. Comme si elle n’avait été en mesure d’accepter la tendresse qu’uniquement masquée derrière l’hostilité : parce que les hommes, elle les voulait fous. Mieux encore lorsque ce fut elle qui les poussait à la folie. La trille d’un joli rire, joyeux ; heureux, crépite voluptueusement dans son corps. À quoi bon se battre ? Ça aurait été tellement plus simple de s’abandonner. Et quoi, si elle se trahissait ? Qui viendrait lui reprocher ? Les Titans, peut-être ?

    Je m’en fous. Elle s'étrangle en le disant. Une rougeur lui monte au cou : parce qu’elle ment et qu’elle bouillonne de honte. Car peu importe ce que disait la bouche, le corps, lui ne mentait pas. Je m’en fous, bredouille l’Ange en réponse, faute de mieux.

    Qu’il les tue tous, si ça lui faisait plaisir. Oui, il pouvait tous les tuer : tous les siens, tous les divinistes. Il en ferait des martyrs aux yeux du Monde—et quoi de mieux qu’un martyr pour le bien de l’histoire ? Qu’il prenne la vie des femmes et de leurs enfants, des jeunes garçons à l’avenir brillant et des vieillards aussi. Il y avait des choses qu’on ne pouvait pas détruire : la foi était l’une d’elle. Elle retrouverait toujours son chemin jusqu’au cœur des Hommes. Siame manque de lui dire. Parce qu’au final, elle n’a plus vraiment envie de parler. De toute manière, les discours s’accordaient mal avec la crudité de ce qu’elle voulait lui faire à cet instant. L’envie de s’abandonner à ses bras lui caresse l’arrière du crâne. Siame se voit se laisser aller aux chemins sombres, sauvages, et audacieux—à tout un monde de délices peu recommandés et peu recommandables. A l’envie de ne plus être Ange, juste femme. Femme et faillible. Qu’il la détourne du droit chemin ; qu’il la dénature. Qu’il le fasse et qu’elle l’accuse de l’avoir fait pour se dédouaner. Comme Adam avait un jour accusé Ève, comme Ève s’était alors prise à accuser le serpent, plutôt qu’assumer chacun d’eux leur propre faute.

    Mais Siame en est incapable.

    Il faut qu’elle arrache ; qu’elle prenne ; qu’elle possède. Pour se venger de tout ce qu’on lui a un jour arraché ; pris ; privé. Parce qu’elle éprouve le besoin vital que quelqu’un paie pour ce qu’on lui a fait. Son désir de justice est plus fort que tous les autres. Oui, l’Ange avait ri entre ses bras, à travers ses larmes. Et très vite, ces dernières avaient repris. Elle s’était mise à chialer—véritablement. À chialer tout ce que son Âme possédait : sa détresse, sa tristesse, sa honte. L'Ange s’était alors engagée sur le chemin de sa colère – si affreusement confortable, si abominablement déplorable. Tulkas payerait. Il confesserait : pour ce que les Hommes lui avaient fait subir. Ce n’est pas vraiment son procès à lui : c’est un procès contre l’humanité—animé par une envie folle d’adoucir un peu, rien qu’un peu, ses tourments. Ses ongles s’enfoncent, impitoyables, dans la cuisse du Luteni jusqu’à qu’il abandonne sa fichue prise et que la douleur diffuse ses velléités de résistance. Juste assez pour qu’elle pivote sur elle-même pour lui faire face, sa gueule d’ange ravagée par les sanglots. Ses mains s’étaient écrasées sur son torse avec autant de violence que de désespoir et elle l’avait repoussé.

    Demande pardon, qu’elle se prend à dire à demi-voix, une honte poisseuse devant l’absurdité de ses revendications.

    Mais c’est plus fort qu’elle. Il faut que quelqu’un paie. Pour le sang du garçon baignant à ses pieds ; mais surtout pour son propre sang un jour versé ; pour ses ailes arrachées ; pour la cire chaude des cierges coulée sur sa nuque ; pour tous ses espoirs que ce Monde a un jour brisé. Siame a faim de rétribution plus que tout autre chose.

    Demande pardon. Demande pardon... répète-t-elle comme une litanie, sans s’entendre, aveuglée par les larmes.

    Elle pousse encore—dégorge sa rage un peu plus à chaque fois, l’encourage un peu plus à chaque fois. Sa bouche exige, oui, mais ses yeux, eux, le supplient. On ne sait plus vraiment si elle cherche à le mettre à genoux ou si c’est elle-même qui s’apprête à le faire devant lui.


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  • Ven 27 Sep - 16:53


    - Non. Qu’il répète à peine du bout des lèvres quand elle le crie.

    Non, c’est un mot puissant, violent. C’est une claque à la gueule que l’on murmure d’une voix tremblotante, qu’on affirme avec conviction ou qu’on hurle de rage à la gueule du monde. C’est un cri de l’âme, l’expression d’un refus dans sa forme la plus pure et la plus belle. Il prend bien des formes et bien des voix en fonction des peuples et des terres où le défi et le refus se sont un jour exprimé. On dit « Non », en langue commune et en elfique. Nei, dans le patois barbare et guttural des peuples des montagnes du grand nord. Laa, dans la langue raffinée et chantante des arpenteurs des dunes.

    Et on crie « Non », quand on se rends compte qu’on est toujours impuissante face à la fureur et la destructivité des mortels. Non, qu’on hurle à travers un rideau de larmes qu’on ne sent même pas couler alors qu’elles sont chargées du poids de tant d’années d’amertume et de souffrance. Si chargées de ces deux émotions qui donnaient sa teinte si souffrante à la peau de la fille d’Aurya lui transperceraient la peau comme les balles d’un fusil si elles ne pesaient qu’un centième de gramme. Non, qui s’étrangle dans ce cou si gracile et qui bats dans son cœur tandis que la conscience lutte contre l’instinct.

    « Non », qui se meurs lentement sur ses lèvres dans une voix brisée tandis que dix ongles noirs et griffus se fichent dans les interstices de l’acier qui recouvre son avant-bras pour s’y accrocher, comme une enfant balancée aux quatre vents par une tempête qui gronde en elle. Et pendant cet instant d’éternité, elle pleure, encore et encore. Elle pleure la toute-puissance qui était autrefois sienne quand sa Mère, ses oncles et ses tantes régnaient sur le destin des hommes, elle pleure l’ordre qui la plaçait en égérie de la perfection dans le cœur des fidèles. De cet ordre qui remonte à des temps si reculés et si anciens que des royaumes et des empires ont eu le temps de se naître, de grandir, d’atteindre leurs zéniths et de mourir. Si anciens que des montagnes sont devenues des buttes et des collines sont devenus des pics. Que des rivières ont creusé leurs lits dans les hauteurs pour devenir des vallées, des forêts entières sont nées et sont mortes. Que jusqu’aux dieux eux-mêmes ont changé, les titans remplacés par le culte des dieux-rois du Reike et des dragons, car les mortels, faibles et craintifs, ont toujours besoin d’icônes.

    Ces « non », que les siens ont hurlé vers les cieux tandis que la colère des dieux s’étaient abattus sur eux. Ces « non » qui ont été hurlés en chœur avec des supplications face à la cruauté du monde. Ces « non » qu’elle avait dû entendre tant et tant de fois au courant de son existence longue, poussés par tant de mères dont elle avait jugé les enfants indignes de porter le cadeau de la vie, les abandonnant à la gueule rougeâtre des volcans. Il l’imaginait alors, se tourner pour prendre les mains de celles à qui elle avait tout pris, pour les réconforter, pour les rassurer en leurs disant que leurs âmes avaient été libérées et qu’elles se réincarneraient dans un autre berceau, dans une autre famille. Qu’elle épargnait à ces nouveaux nés la souffrance de destinées qui n’étaient pas les leurs, plongeant ses yeux noirs dans les regards embués de larmes de tant de mères pour se repaître de leurs souffrances, pour oublier un instant qu’elle leurs enviait, à elles, le privilège d’être mère. Elle qui n’était qu’outil.

    Ce « non », que le Luteni venais de lui faire crier, en lui arrachant un enfant. La ramenant peut-être à cette souffrance qu’elle avait et que seuls les narrateurs et les lecteurs pouvaient réellement lui soupçonner. Celle d’avoir un jour partagé le malheur de toutes ses mères à qui elle avait pris le fruit de leurs entrailles. A ce trésor qui avais grandis en elle et qu’elle avait empoisonné de son sang sans le savoir et qu’elle avait tué. Le laissant cyanosé entre ses bras, un cordon de chair pendant de son ventre, les mains, les bras et la poitrine recouverte d’un sang poisseux et noir. La ramenait inconsciemment à cette souffrance, qui l’avais jetée dans l’étreinte du fils de la Mort pour qu’il lui rende ce qu’elle lui avait pris sans le vouloir. Car aussi catin se prétends-elle, s’imaginant Galatée, Salomé ou Théodora, elle n’était en fin de comptes rien de plus qu’une faiseuse d’ange.

    Et les faiseuses d’anges n’ont pas d’enfants.

    Elles empoisonnent la mère pour tuer l’enfant, les arrachent du berceau rouge et nourricier du placenta et les enterrent ou, dans son cas, les jettent dans un volcan.

    Un regard noir se lève vers lui alors, accrochant les flammes du Luteni. Elle lui demande s’il connaît le destin de ceux qui volent leurs pouvoirs aux dieux, s’imaginant menaçante sans se rendre compte qu’elle rafferme sa prise sur lui, comme si elle craignait qu’il ne s’écarte d’elle. Elle lui parle alors, d’une éternité passée enchaînée à un rocher, l’imaginant Prométhée moderne. Dont la seule miséricorde serait l’absence de l’Aetos qui dévore son foie alors que les chairs de son corps seraient lacérées, encore et encore, par les morsures du fouet.

    Mais non, elle parle de sa mort. Pythie contre son gré ou architecte volontaire d’un destin dont l’horizon lointain était peut-être trompeur. Pythie contre son gré, lisant l’avenir non plus dans les flammes chargées d’hallucinogènes et grisée par des vapeurs transcendantales mais dans les entrailles et le sang qui salissait ses bottes et teintait de rouge la base de sa robe qu’il avait déjà zébré en lavant son meurtre contre sa soie. Promesse ou prophétie, destin ou malédiction ? Ni lui, ni elle, ne pouvaient être réellement certains de ce dont seraient fait leurs sombres lendemains, de conflits ou de cris, de pleurs ou de repentirs, de souffles et de gémissements. La poigne se relâche doucement contre la fusée de sa lame, le bras qui ceinture sa taille mue sa force en une douceur étrange, un pouce passe, traçant le contour de sa hanche et la naissance de sa taille. Son corps parle et le sien réponds, elle prétend s’en foutre, s’en foutre de toutes ses promesses. Comme si voir des rivières et des fleuves de sang couler au nom de cette guerre éternelle que se vouaient les mortels et les dieux ne la touchait en fin de compte pas plus que ça, que ses prophéties de morts et ses promesses de libertés passaient en elle sans que ça ne la touche. Elle aurait aimé lui dire, que bâtir une montagne d’os avec ceux de ses fidèles n’aurait fait que créer une montagne de martyrs, créer une terre de pèlerins et un symbole derrière lequel leurs foi se rassemblerait. Que tous ses actes n’étaient rien, pas comme elle, elle qui était tout et bien plus encore. Qu’il n’était qu’un insecte qui, incapable de comprendre l’immensité de son être, ne pouvait voir que ce qui était à sa portée. Que sa divinité, sa perfection et son absolutisme lui étaient cachés, car ce n’est pas aux mortels de contempler et de juger le divin, leurs rôles, n’est que de servir.

    Mais tout ça, elle n’en dit rien, non, dans son œillade noire brûlait les flammes d’un désir inavouable qui résonnait avec la plus grande faiblesse du Luteni. Tant de choses inavouables, de promesses de caresses sur sa nuque, de souffles échangés et de colliers de doigts. Comme si une partie d’elle-même l’appelait à se détourner de son droit chemin, de lui autoriser à s’abandonner une fois dans la maison de sa mère, autant pour son plaisir que pour pouvoir regarder Aurya droit dans les yeux en lui disant qu’elle crachait sur tout ce qu’elle était en se laissant devenir la chose d’un mortel.

    Ce qu’elle aurait aimé faire, mais dont elle était incapable.

    Car celle qui aurait aimé être une mère était incapable d’imaginer qu’un enfant puisse haïr son parent, car n’est-ce pas là le devoir de toute progéniture ? D’aimer et de respecter son géniteur ? Une constante invariable, un clou planté dans l’âme depuis si longtemps qu’il lui était inconcevable de s’en séparer. Car non, les leçons de la mère et de millénaires de vie lui avaient appris que le monde n’était pas comme ça, qu’elle ne pouvait pas s’abandonner, peut-être était-ce justement cet enfant mort-né, piégé quelque part entre la vie et la mort par la laideur de l’œuvre d’un Haut-Cardinal qui trônait désormais à Benedictus qui la rappelait toujours à cette vérité ; il lui fallait arracher et prendre, se battre et dévorer. Car c’est ainsi que d’autres lui avaient tout pris, la condamnant à une cellule de marbre pendant tant d’années, de décennies et de siècles.

    N’était-ce pas ainsi que les Hommes lui avaient tout prit ? Alors pourquoi lui, cet homme dont elle frappait désormais le torse en tentant de le repousser, parvenait à faire naître tant de choses en elle ? Pourquoi, ce fasciste comme le disait sa narratrice, qui se faisait juge et bourreau en lui prenant tout ce qu’elle souhaitait ardemment reconstruire, avait-il le droit de se tenir encore là, devant elle et de toucher sa chair sans être transformé en statue de sel ?

    - Non.

    Qu’il avait répété alors, lui, l’humain à qui elle voulait faire le procès de l’humanité tout entière. Elle frappe son torse, encore et encore et elle l’aurait fait jusqu’à user sa chair jusqu’à l’os s’il n’avait pas levé ses mains sur ses poignets. Ses mains, si fortes, si puissantes, qui auraient pu briser ses bras comme des bâtons sont douces. L’arrêtent et alors qu’elle répète encore ses « Demande pardon. » encore et encore, elle se laisse doucement aller.

    Elle est si laide comme ça, le visage tordu par les larmes et les regrets, face à la cruauté de l’homme. De ce « fasciste » qu’elle adore autant qu’elle déteste, ce sont ses genoux à elle, qui touchent doucement le sol. Les mains libérées des menottes de chair de Tulkas glissent le long de son plastron, s’accrochent d’abord à sa ceinture comme pour ne pas s’autoriser à choir plus bas avant que finalement, elle ne finisse à genoux devant lui. Et un nouveau silence s’installe dans cette église, plus de râles de la part d’un enfant mourant, même plus les sanglots de l’ange. Seulement le vacarme assourdissant de son sang qui pulse dans ses tempes, de ce cœur qui bats dans sa poitrine avec assez de force pour qu’il ne jaillisse de son plastron. Elle relève la tête vers lui, demandant une dernière fois qu’il lui demande pardon, sans prononcer la moindre parole.

    Une main glisse le long de la joue marmoréenne, un pouce passe sur la trainée d’une larme et l’assèche de la pulpe de son doigt. La main glisse le long de sa mâchoire pour lui tenir le menton du bout des doigts.

    « Relève-toi », que semblent dire ses yeux durs et sévère. Les doigts passent doucement sous son menton et pressent lentement vers le haut pour qu’elle se relève. Car aussi monstrueuse soit-tu, Hrakkina, je ne saurais te voir à genoux et à me supplier. Pour ça, je ne te pardonnerais jamais.

    Il la relève, la ramène à sa hauteur et ceinture lentement sa taille de ses mains, l’épée tenue toujours par la fusée. Et perdu dans ce regard abyssal, il l’accepte. Son dernier souffle sera pour elle.


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  • Dim 13 Oct - 21:28


    L’Ange demeura un long moment inerte, atone, entre ses bras. Le regard perdu dans le vide et ses yeux en silex qui ne brillaient plus, asséchés, jusqu’à la dernière larme. Si bien que s’il avait desserré sa prise, elle se serait probablement effondrée à nouveau. Son absence s’était éternisée, de longues secondes—sa volonté refusant d’accepter, de même considérer ce qu’il venait de se passer : ses genoux touchant le sol devant lui. La honte l’avait submergé, si subitement et si inexorablement qu’elle n’avait pas eu d’autres choix que de s’abandonner à un puits de silence. Peut-être avait-elle espéré, à cet instant, qu’il la touche à la manière dont une femme voulait être touchée pour se sentir vivante. Pour lui permettre, juste un instant, de ne pas sombrer dans cet abîme de réminiscences bourbeuses, ou plus effrayant encore : l’arracher au néant, pur et simple dans lequel elle se sentait se noyer. Elle aurait été incapable de dire ce qui l’avait ramené à la réalité et au moment présent – peut-être la chaleur réconfortante des mains pressées contre sa taille ou la respiration de l’homme et le martèlement de son cœur dans sa poitrine. Dans un battement de paupières, elle réalisa que son cœur à elle – ce cœur pourri – pulsait trop lentement. Comme si son corps se forçait à simuler, tant bien que mal, un processus dont elle n’avait plus eu besoin depuis longtemps. Elle releva les yeux vers le Luteni et son engourdissement se dissipa, peu à peu. Son menton avait tressailli entre ses doigts.

    Siame réalisa alors ce qu’il lui avait refusé—et quelque chose s’était agité dans sa poitrine, comme un battement d’ailes contre ses côtes. Elle l’aurait tué pour ça, puisque c’était ainsi que sa Mère l’avait faite. Puisque l’Homme refusait de se soumettre au jugement divin – "quand il aurait dû le faire, comme on lui avait dit qu’il le ferait" – il ne lui restait plus qu’à lui arracher toute forme de volonté : ne laisser de lui qu’une carcasse agonisante, qui ne pourrait alors plus que regretter de s’être ainsi fourvoyée. Mais il y avait eu dans le regard du reikois une forme de sincérité qui l’avait empêché de détourner les yeux, et encore plus d’y résister. Elle s’y était attardée, dangereusement. Et cet homme l’avait fasciné le temps d’une seconde ; chaque battement de cils, accordés aux siens ; chaque courbe de son visage, peinte pour ressembler à ceux du Divin, sans jamais pouvoir s’en approcher véritablement. Siame avait haït chaque imperfection et chaque ressemblance, autant qu’elle s’était prise à les aimer, d’une façon. Et cette idée même l’étouffait : appuyait sur la gâchette d’une arme logée au fond d’elle-même. Un calme trompeur les avait enveloppés : les yeux fixes de l’Ange, sa face blême et pensive, tournée vers lui, comme une menace. Ses mains s’étaient imposées à lui, tranquillement et l’avaient forcé à reculer, tandis qu’elle avançait. Elle l’avait poussé, jusqu’à que l’arrière de ses cuisses butent contre le rebord d’un banc en bois, et que le bout de ses doigts posés sur son torse ne l’oblige à s’asseoir.

    Elle allait le prendre. La chose s’était présentée comme une évidence, quand elle avait rassemblé ses jupons tâchés de sang—posé un genou de chaque côté de lui et que ses cuisses s’étaient épanouies contre les siennes. Elle allait le faire. Et quand Siame voulait, c’était tout de suite. Là, maintenant. Dans cette église. Sur ce banc. Elle lui pomperait l’Âme, jusqu’à que ça l’ennuie. Elle allait le faire sous les yeux de sa Mère : car jamais, jamais celle-ci ne lui avait permis de se mélanger aux mortels—à l’Homme, cette chose qu’on lui avait toujours interdit de goûter. Il fallait bien comprendre qu’elle n’avait jamais rien eu à foutre d’Eux, ils n’étaient là que pour sa seule consommation., n'est-ce pas ? Mais ils n’en restaient alors pas moins magnifiés de l’irrésistible appel du fruit défendu. Qu’avait-on cherché à lui cacher, en lui refusant ?..

    Aurya la regarderait d’en haut, en la maudissant pour l'aberration de son acte et ce serait tant pis pour sa gueule. Cette simple idée la faisait jubiler à lui en nouer la gorge d’excitation. Sa Créatrice n’avait qu’à ne pas lui avoir donné une si jolie bouche, un si joli con, si c’était pour qu’elle ne s’en serve pas. Ses doigts tremblaient d’une névrose obsessionnelle quand elle les enfonça dans les cheveux sombres de l’humain. Elle le voulait presque autant qu’elle désirait le froisser tout entier et lui prendre la vie. Le tuer et lui reprocher d’être mort. Serrer son cadavre contre son cœur et le pleurer, doucement, longtemps. Il y avait là quelque chose d’épouvantablement transcendant à l’idée de le briser ainsi, et à planter ses dents, avides, rancunières et féroces, dans la pulpe de ses lèvres. Probablement aurait-elle dû se montrer plus douce, plus délicate et plus gentille—mais on ne pouvait pas vraiment espérer l’apprivoiser. La réalité était que s’il la voulait en retour – cette affreuse charogne – elle ne ferait de lui qu’un amant malheureux : ne ferait que prendre sans jamais pouvoir véritablement se donner. Et elle le consumerait jusqu’à la moelle ; l’enterrerait vivant. Parce que son désir de l’accueillir en Elle, de l’élever au rang de Dieu, n’avait d’égal que son envie de le piétiner—de se venger pour la vie qu'il venait de lui voler. Il lui fallait l’éblouir de promesses, le faire délirer, juste pour tout lui arracher. Qu’il ne croit plus en rien : ni en sa nation, ni en ce Monde, ni en lui-même.

    Siame n’était qu’un sac d’emmerdements dans une robe de bonne sœur. Et lui, un insupportable con qui refusait de ployer le genou. Comment le lui reprocher ? Comment le lui reprocher quand il lui avait peut-être davantage plu de cette manière ; plein de morgue et de dignité. Elle accueillait cette hostilité comme un triomphe : parce qu’il y avait là une forme de perversion née de la haine et du risque. Une aberration sentimentale qui prenait foyer de la chaleur dans le creux de sa poitrine—et son indignation n’avait que pour effet de la transformer en harpie mauvaise et vindicative. Ses mains avaient redoublé d’assauts impudiques, sous lesquels la boucle de la ceinture du reikois avait cédé. La ligne de son ventre s’était creusée d’une joie toute sensuelle. Elle inspira, effleurant le velours de sa peau du bout du nez, ses paupières alourdies de contentement…

    Siame, non.

    Un sourire plein de satisfaction s’était allongé sur ses lèvres, comme un réflexe, incapable de se contenir alors qu’elle prenait pleine mesure du plaisir que lui procurait ce geste qui – dans son cas – ne pouvait être que mortifère. Parce que l'Ange avait été vierge de tout Homme, et quand le recevant, elle perdrait tellement de son identité, trahissait tellement de tout ce qu'elle était…

    Siame. J’ai dit non.

    Une lumière, dans le fond de son crâne. Un ordre, celui de rester sage. Une voix, qui avait refusé de lui parler depuis si longtemps… Celle d’une Mère qui l’avait abandonné. L’avait-elle imaginé ? L’avait-elle rêvé ? Elle avait été incapable de le dire. L’ordre lui avait fait l’effet d’une claque et n’était venu que réveiller chez elle des instincts d'autodestruction. On ne pouvait pas s’imaginer véritablement tenir en bride une foutue impertinente, animée par l’unique satisfaction de braver compulsivement tout ce qu’on lui interdisait.

    Mais Aurya la connaissait bien.

    Tu peux l’avoir, si tu le souhaites.

    Après tout, c’est elle qui l’avait créé…

    Mais combien es-tu prête à sacrifier pour cela ?

    Des images lui viennent par vagues. Elle y voit ce qu’elle chérit, ce qu’elle désire le plus, secrètement. Un enfant pour elle. Le sien. Ses cheveux sont blancs, aussi blancs que les siens. Une peau de lumière, comme la sienne. Et une promesse dans le fond de ses yeux… Une promesse de plus. Peut-être même un mensonge de plus… Mais auquel elle crève de croire. Et sa gorge se noue.

    Préserve toi, ma fille.

    Le voile dans son regard s’était dissipé. L’intérieur de ses cuisses brûlait encore de désir, quand elle reposa ses yeux sur le mortel. Sur ses cheveux noirs, rien comme les siens. Sur sa peau tannée, rien comme la sienne… Elle songea à nouveau à la tendresse infinie de ses mains sur sa taille, à la manière dont il l’avait prise entre ses bras—dont il l’avait touché comme une chose dont il fallait prendre soin, plutôt que prendre tout court. Au sang de l’enfant qu’il avait préféré sacrifier comme une leçon. Ses mains étaient venues saisir la nuque de l'homme, doucement, et Siame l’avait serré tout contre elle, affreusement précieusement, malgré l’abominable insignifiance de sa vie mortelle. Ses lèvres s’étaient posées contre son crâne et elle avait laissé les secondes défiler. Le silence de l’église les avait enveloppés comme une ouate. Et juste les battements de son cœur tambourinant contre sa poitrine en guise de dialogue…

    Sa voix, dans un murmure, avait fini par briser la paix qui s’était installée sur le lieu, les lèvres toujours collées contre sa peau, le regard lointain et le cœur enflé.

    Je ne serai jamais libre. Elle repense aux mots qu’il a prononcés, plus tôt. Tu pourras massacrer chacun des miens un par un, à la gloire de ton empire, mais je ne serai jamais libre... Pour ça, il faudra me tuer.


    CENDRES


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