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  • Sam 11 Mai - 5:44
     
    La descente aux enfers

    Un nouvel affront contre des entités cauchemardesques marquait une énième lutte pour la survie du groupe. Les gueules distordues des silhouettes fantomatiques se désarticulaient dans des claquements sourds avant de ne laisser échapper le son de leur grincement strident, parcourant l'échine des survivants, cette promesse de mort ébranlait leur détermination désespérée à prendre les armes. Les sorts fusaient et les lames perforaient les voiles des spectres, les annihilant dans un nuage de fumée sombre. Les cris de rages se mêlaient aux échos des âmes déchues qui s'éteignaient au fur et à mesure que leur nombre s'amoindrissait. Les lames, à défaut de chanter sur du fer ou de transpercer la matière, ne faisaient que se balancer dans un silence lourd, laissant les combattants dans l'incapacité de déterminer si les cibles étaient atteintes. Les muscles, raidis par la terreur et par l'épuisement des combats qui perduraient depuis déjà quelques heures, commençaient à faiblir, à trembler, imperceptiblement mais sûrement, menaçant de céder sous le poids des efforts, sous le poids des armes. La moindre faiblesse se résulterait par une mort certaine.

    Hors, aucun ne tomba pour l'instant. Que ce soit la Fae aux allures de fillettes, le magicien aux traits tirés par la fatigue, la magicienne borgne de Boktor, les courageuses et téméraires sœurs sauvages, la guerrière déchaînée ou les hybrides oniriques. Aucuns d'eux n'avaient encore cédés à l'épuisement ou à la folie, et pourtant cette fatalité menaçait de s'abattre à tout instant.

    La Serre Pourpre, dévorée par la hargne ou par son éternelle colère, demeurait debout, se battant pour sa survie alors que l'idée de l'abandon planait au dessus d'elle, tel un oiseau de mauvaise augure, obscurcissant ses pensées, ses valeurs, ses espoirs. Son âme se consumait, absorbée par une entité inconnue, menaçante, prête à l'engloutir entièrement au moindre faux pas. Chaque erreur se gravait sur son corps, transformant chaque partie de son corps abîmé, démembré, déchiré en un plumage de jais. Impitoyable. En ces instants de lutte, que ce soit sur le champ de bataille ou son combat interne -entre la fuite et la détermination-, et de cauchemar interminable, Ellana ignorait encore que, si elle venait à survivre de cet enfer, elle ne serait plus jamais vraiment la même.

    De par les épreuves que lui avait fait subir la forêt des Ronces, les affronts et les révélations, quelque chose en elle s'était brisé. Sa détermination aveugle et bornée avait été ébranlée et voilà que fuir lui paraissait être une option. Elle qui avait survécu à la guerre contre les Titans, qui avait foncé tête baissée pour la mission de la Peste obscure, pensant constamment à la survie des autres, ayant une confiance naïve et aveugle en ses capacités, les Ronces l'avaient broyé au point de lui rappeler que, dans ce monde cruel, seule sa survie comptait. Qu'importait la vie des autres finalement, seule la sienne importait et ce, même en dépit de sa vertu.

    Déchirée entre fuir pour sauver sa peau ou périr pour sauver son honneur, le hasard ou bien la chance prit une décision pour la guerrière. Une lumière aveuglante déchira l'espace et le temps et en quelques fractions de secondes, Ellana n'était plus dans la précipitation de la mort. Les hurlements terribles avaient laissés place au bruit des vagues, du vent, des oiseaux, de la vie. Le paysage sombre et inquiétant des bois morts et des ronces n'était plus, seule la mer paisible s'étendait à perte de vue, rencontrant l'horizon et ne faisant qu'un avec le ciel nocturne. L'odeur de la mer apaisait ses narines de la pestilence cadavérique qui lui restait encore sur le cœur.

    Clignant des yeux à multiples reprises, bloquée en posture offensive, Ellana peinait à saisir ce qu'il venait de se passer alors que sa mémoire s'effritait. Persuadée d'être enfin dans le monde réel, l'enfer dont elle venait de s'échapper ne semblait avoir été qu'un cauchemar et pourtant... Les marques sur son corps, la présence oppressante de l'entité, le poids de la mission... Tout portait à croire que ce qu'elle venait de vivre avait bien eut lieu. Alors qu'elle était dans une confusion totale, c'est le regard dans le vide qu'elle restait là, en plein milieu des quais, au beau milieu de la nuit. Peut être aurait-elle put rester figée tel un mannequin si des patrouilleurs, tout aussi troublés qu'elle, ne l'avait pas interpellé. S'en vint rapidement une tentative d'explication de la situation, maladroite, empressée mais surtout incomplète ce qui ne fit qu'amplifier l'incompréhension. Affolée par la situation urgente dont les informations lui échappaient désormais et une frayeur qu'elle ne pouvait même plus expliquer, l'on ne pouvait traduire de ses explications que de la folie pure.

    La communication échouant, les soldats ne pouvaient rien faire pour elle, la panique ne résolvait rien. Ils venaient de perdre Vaesidia dans un éclair de lumière et voilà qu'il se retrouvait avec une Serre Pourpre aux abords de la crise d'angoisse. Des rapports allaient devoir être rédigés et, si l'administration ne les aurait pas trop tapés sur le système, une recherche de leur pair aller devoir se rédiger. Incapable d'obtenir des informations efficaces, la disparition de la janissaire restait un mystère et une nouvelle mission leur serait attribués, même si cette elfe là était des plus pénibles, il fallait retrouver leur collègue. Le seul problème qui persistait en cet instant -si ce n'était leur soucis personnels- était cette soldate égarée qui, au vu de son état, devait être amenée à Cœur-Ébène ou au moins auprès d'un supérieur. Certains, désintéressés, tentèrent vainement de corrompre les autres pour se délester cette tache mais la menace de mort que représentait l'abandon de camarades de l'armée, était apparemment un motif bien plus convainquant.
    Ils accompagneraient donc la jeune elfe en direction de la forteresse.

    Pour Ellana, la terreur perdura jusqu'à ce que le dernier souvenir du Chant des Ronces ne lui soit arraché de sa mémoire. Cette cicatrice qui avait gravé son âme n'était maintenant plus qu'une ombre lointaine.

    CENDRES


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  • Lun 5 Aoû - 1:07
     
    La descente aux enfers

    "Est-ce que ça va mieux ?"

    Cela faisait quelques heures déjà qu'ils avaient pris la route. L'arrivée soudaine de l'elfe dans leur troupe avait précipité leur départ et c'est dans un silence partiellement interrompu par des remarques ou des formalités échangés entre les soldats qu'ils voyageaient. Le regard noisette de la blondinette se perdait dans le lointain, perdue dans sa tête, en constante réflexion, elle ne parlait pas vraiment à ses accompagnants et l'on ne lui avait pas vraiment adressé un mot. Comme si l'on ne voulait pas perturber une potentielle folie endormie. Les trois janissaires plaisantaient entre eux et les deux soldats se contentaient d'être plus réservés, ne faisant qu'accomplir une énième mission.

    Pourtant, Gilbert, un des deux soldats, peut être empli d'une compassion pour cette âme perdue ou alors charmé par son petit minois, vint s'enquérir de son état avec plus d'intérêt que ce qui n'aurait été une simple formalité.

    "Hmm... Oui. Je ne sais plus vraiment pourquoi j'ai été aussi chamboulée." La voix quelque peu éteinte, Ellana se racla la gorge pour se faire plus claire avant de rencontrer les yeux bleus du soldat en reprenant. "Je me souviens avoir fait un cauchemar où je courrais dans ma chambre pour fuir quelque chose et... Soudainement je me retrouvais à Ikusa. Je ne sais même pas combien de temps a passé. J'ai dû être victime d'une attaque ou d'illusions ou..." La mémoire lui faisait toujours défaut, pas un seul fragment de ses dernières nuits ne lui revinrent, seulement le poids d'un doute pesait sur sa poitrine. Ses yeux abandonnèrent le jeune homme pour de nouveau se perdreau lointain, à la recherche de souvenirs avant de finalement se reprendre. "Il faudra que je fasse un rapport une fois rentrée"

    Perplexe, Gilbert se caressa la moustache en voyant que la situation était toujours la même et qu'il ne pouvait rien y faire. Mais il vint bien vite chasser son inquiétude, après tout, à leur arrivée cela ne serait plus leur problème. Il n'insista pas plus et reprit ses distances en silence. Un silence qui s'écourta sous les rires des janissaires.

    "HAHAHAHA Et là ! Et là il rentre dans la taverne et puis, saoul comme un goret, devant l'entrée de la salle, il hurle : EEEH, C'EST QUI MACHIN ! un gars que, j'sais plus qui c'est mais qu'était recherché tu vois. Et là, il se prends une table en plein dans sa gueule," avant même de finir sa phrase il éclata d'un rire qui s'éteignait dans sa gorge avant de reprendre dans une inspiration sifflante et hilare. "Mais genre un buffet entier qu'un orc lui avait balancé dessus, il est resté inconscient jusqu'à l'aube !"

    Leurs rires gutturaux se mélangèrent comme deux éclats similaires, gras, de mauvais goût et pourtant de bon cœur. Ce fut pourtant la plaisanterie de trop. Atteignant la patience des soldats et surtout mettant en péril la discrétion de la troupe, l'ordre fut donné.

    "Fermez vos gueules, on est pas près d'arriver en sécurité ! On est en zone sauvage, alors baissez d'un ton."

    Les janissaires ne s'empêchèrent pas pour autant de pouffer, se faisant plus discret en peinant à retenir leur souffle qui ne voulait qu'exploser leur joie. Ils n'eurent à peine le temps de se calmer que dans un gloussement relativement aiguë, l'un d'eux ressorti une nouvelle moquerie. D'un ton condescendant, se redressant sur son cheval, il s'exprima avec une fausse fierté.

    "Ca va, on est avec une Serre Pourpre, soldate de la grande élite de la griffe ! On craint rien."

    Avant d'être suivi par son duo.

    "Survivante de la Peste Obscure et de l'attentat de Drakstrang, si y'a quoique ce soit, elle les mange comme ça !"

    Il mima un coup de mâchoire avant de donner un coup de coude à son compère, riant comme des morveux.

    "J'vous jure que si vous fermez pas vos clapets, j'vous jette les prem... Eh, ça va ?"

    En se tournant vers ceux qui jouaient aux abrutis, le moustachu remarqua que la monture de l'elfe s'était arrêtée et que sa cavalière était devenue blême. Elle ne bougeait plus, ne répondait plus, l'on aurait pu croire que la vie la quittait. L'écho d'un hurlement monstrueux avait raisonné, affreusement assourdissant et pourtant inaudible de tous, sauf d'elle.

    Un chant de murmures, de paroles incompréhensibles et pourtant maudites. Un grognement lourd marqué d'un bruit salivaire qui passent sur des canines telle une gueule de loup mais plus immonde encore. De terribles voix déformées, beuglant des insultes, mais qui sont-elles ?

    Tu me hais car tu n'auras jamais ma force.
    J'en suis à me demander si c'est de la pisse ou du sang, qui coule dans tes veines.
    Laisse-moi t'engloutir, petit oiseau.
    Tu ne sers à rien, inutile.
    Je sens ta peur.
    Juste bonne à mourir.

    Paillasse à soldats.

    La confusion ne dure pas longtemps, Ellana reconnaît les voix des Dévoreurs. Le Chant des Ronces les accompagnent et cette révélation se joint à tous les souvenirs qui refont surface. Déchirant sa conscience, elle revit la douleur de se faire transpercer la nuque par une multitude de lames acérées, elle sent son bras se faire arracher tel une poupée de chiffon que l'on aurait donné à un chien enragé. Cette douleur fantôme tendit tous ses muscles dans une crispation telle, qu'elle en devenait d'insupportable fourmillements de douleur.

    Plus les souvenirs lui revenaient, plus la respiration se faisait difficile, irrégulière presque étouffée. Son cœur battait la chamade dans sa cage thoracique qui semblait soudainement trop petite pour supporter ce tambour aux promesses funèbres, telles les percussions de guerre. Sa tête ne supportait plus tout ce bruit, ces hurlements, ces cris. Elle fut prise de vertiges, les arbres semblaient s'affaissaient, se plier comme pour l'encercler, l'attraper, l'emporter.

    Une énième âme en ma Possession. Possession PossessionPossessionPossession

    Les images défilaient, les monstruosités qu'étaient les Serres Pourpres lui faisaient face. La fusion immonde de cet être abject la hantait en cet instant précis. La paralysant comme il l'avait fait la première fois de ces petites lueurs aveuglantes. Elle aurait voulut hurler et pourtant, pas même un balbutiement ne s'échappa entre ses lèvres. Et son impuissance face à son cauchemar éveillé lui fit perdre le contrôle.


    Incapable de respirer correctement, l'esprit embrumé et victime de vertiges, la soldate en pleine crise finit par perdre l'équilibre et glissa lourdement de son cheval, s'échappant d'une selle dont elle ne se maintenait plus et dont les étriers manquèrent de lui tordre la cheville à défaut de lui libérer son pied. Gilbert tenta en vain de rattraper la jeune elfe pour la maintenir sur sa monture mais, au risque de tomber de la sienne également, il ne put se pencher d'avantage et manqua sa chance. A plat ventre, face contre terre, l'on entendait le sifflement aiguë de la respiration pénible de la souffrante. La troupe fut donc forcée de faire halte mais avant que le premier des soldats ne puisse mettre un pied à terre, un hennissement de panique résonna avant d'être interrompu par le son visqueux d'une lame qui pénétrait la chair. Très vite, des cris de guerres vinrent rejoindre des cris de douleurs, le premier étalon venait de tomber, égorgé grossièrement, et son cavalier était en train de se faire exploser le crâne à coup de masse à piques. Celui-ci n'avait pas vu, parmi les arbres et les ombres, que trois immenses silhouettes attendaient de l'embusquer, lui et son groupe. Son sang gicla de partout, son crâne, mit à jour, permit à la bouilli que devenait son cerveau de s'accrocher sur la masse d'arme que l'orc ne cessait de lui abattre dessus. S'agitant à multiples reprises avec une hargne inhumaine, la vieille masse rouillée éparpilla ces petits bouts roses, visqueux et ensanglantés jusqu'à atteindre les armures immaculés des soldats alentours.

    Des orcs non-civilisés étaient leurs assaillants. Immenses, des peintures de guerre sur leurs visages et pourtant en armures, si l'on croyait à un groupe de sauvageons, ils étaient trop bien armés pour ne défendre qu'un territoire reculé et sauvage, et trop violents pour n'être de simples bandits avides de richesses. Non, c'était autre chose. Dans leurs yeux, l'on ne voyait que le reflet de la faim.

    Suite à ce premier assaut, les chevaux s'agitèrent dans la panique, hénissant, se cabrant, les deux soldats à l'avant perdirent le contrôle de leur monture, incapable de dégainer ou de se battre, l'un d'eux avait même été déstabilisé par un morceau de cerveau qui lui était arrivé dans l’œil, les peaux vertes étaient prêtes les cueillir volontiers et sans pitié à en juger par leur halètement lourd et par la bave s'échappant de leur gueule dont les canines abîmées se révélaient à la moindre grimace. Alors qu'Ellana peinait à se remettre d'une crise qui avait de la difficulté à s'arrêter, entendant continuellement des menaces de Dévoreurs pourtant absents, témoin de massacres qui se répétaient tel un manège dont elle se faisait volontiers violence pour tenter de les oublier. Elle demeurait immobile, victime de ses tourments mais également de son impuissance en entendant ses semblables crier leur mort au lointain.

    Gilbert et les janissaires s'engagèrent dans ce combat désespéré. Laissant l'elfe au sol qui, incapable de réagir, se fit écraser le bras par l'un des chevaux affolés. Dans une marche arrière précipitée, celui-ci mit tout son poids sur son épaule droite, et l'armure, bien que résistante, céda sous la charge du canasson en se déformant et brisa au passage la clavicule de la soldate dont l'os se disloqua avant de se fracturer dans un claquement sordide. Le canasson manqua également de lui écraser le visage à quelques centimètres près avant de fuir, délaissant sa maîtresse en train de hurler de douleur. Si la raison ne lui revenait pas suite à cet incident, son cri avait au moins eut l'avantage -ou plutôt le désavantage- d'attirer l'attention des combattants, déstabilisant ses alliés et provoquant la mort des deux soldats à cheval. S'ils avaient au moins réussit à lutter pour leur survie précaire ne serait-ce l'espace d'un instant, il eut suffit d'un seul cri strident pour que les deux âmes ne sombrent. L'un venait de se faire tirer la jambe par l'orc aux peintures rouges,  dont le plaisir s'y affichait par une grimace immonde qui déformait son visage, trahissant un semblant de rictus, se délectait de sa prise qui essayait de se débattre comme un poisson hors de l'eau, dans un cri des moins virils, d'une voix cassée et irritante. Puis il fut achevé sans aucunes autres formes de négociations, un grand coup de mâchoire dans la jugulaire et son gémissement prit fin en même temps que sa vie. La monstruosité lui mâchouillait la gorge tel un chien grassouillet, baveux et à la mastication bruyante. Son ronflement dans sa respiration trahissait une précipitation de gourmandise immonde. Le sang gicla au même rythme des dernières pulsations du pouls de la pauvre victime, propulsant d'épais filets sanguins qui s'étalèrent sur la vieille trogne de celui qui dévorait goulûment sans pour autant en être décontenancé.

    Tandis que l'autre, bien conscient que ce combat serait sûrement le dernier, ne trouva rien de mieux que d'extérioriser sa peur en une haine qu'il dégueula alors qu'il aurait put la mettre à profit pour sa survie.

    "C'EST UNE PUTAIN DE SERRE POURPRE ET ELLE EST PAS CAPABLE DE…!"

    Le claquement lugubre de sa mâchoire qui venait de le quitter ne lui permit pas de finir sa phrase. Surestimant sa capacité au combat, il se croyait plus malin à avoir le temps de gâcher sa salive que de trancher la main qui avait attrapé son crâne. Les adversaires étaient apparemment plus que des menaces, ils étaient de véritables brutes cannibales qui n'avaient pas peur d'utiliser leurs poignes d'acier pour décrocher quelques os de leurs propres mains.

    Ils puaient la sueur, la mauvaise haleine, le sang, la mort, mais surtout, ils avaient faim. Leur regard était animal et leurs mouvements, primaires. Ce n'était pas des bretteurs qui se battaient pour la loyauté ou l'honneur, ni même des guerriers sanguinaires qui avaient surpassés les limites de leur humanités en quête de victoire. C'était juste des êtres affamés. Et alors que l'elfe avait ses muscles qui commençaient à se détendre, encore sous l'emprise de ses émotions, les massacres continuaient à une vitesse prodigieuse. Il y avait déjà trois morts dont deux partiellement dévorés que la lutte reprenait sur le terrain, alors que du côté de la paralysée, ses muscles encore tremblants, provoquant une vibration imperceptible dans tout son corps fourmillant, elle fut soudainement prise d'une nausée fulgurante. Une montée acide qui lui remonta le long de sa gorge, la brûlant dans tout l’œsophage avant de finalement la forcer à contracter son estomac douloureusement pour dégueuler péniblement ce qu'elle avait dans le ventre. Difficilement, elle s'étouffait entre deux bouffées d'air, sa vue se troublait en échappant quelques larmes sous l'effort, elle lorsqu'elle en eut finit de se vider, sa joue se noyait dans cette flaque chaude de bile et de reste de repas à moitié digéré. L'amertume de la peur et du vomi imprégnait sa bouche mais cela avait eut pour effet de mettre fin à son calvaire. Elle revenait doucement à elle et elle entendait enfin les échos des cris et des armes qui s'entrechoquaient, le combat n'avait jamais paru aussi proche d'elle et réel que maintenant.

    Tous se battaient, sachant très bien qu'un sort similaire aux premiers morts leur était réservé et pourtant, se jeter aux ennemis était peut être leur seul et unique moyen de survie.

    Gilbert et son acolyte furent plus chanceux que les janissaires distraits. Ayant prit l'avantage d'avoir été à l'arrière et surtout que la plupart des orcs étaient maintenant occupés à grignoter la chair de ceux tombés au combat, le duo s'élança sur l'un d'entre eux. Les armes dégainées, les peaux-vertes étaient peut être moins sensibles aux lacérations mais s'y attelant à deux, ils étaient plus efficaces. L'un transperça la cuisse de leur cible tandis que l'autre interrompit la contre-attaque en laminant le bras qui allait l'égorger. L'habitude de travailler ensemble se remarquait par une belle complicité et leur efficacité, faisant chanter le fer l'un après l'autre pour finalement faire échapper quelques grognements et injures de leur ennemi.

    Si l'espoir renaissait dans le cœur de ces valeureux soldats, c'était sans compter sur leur protégée toujours à terre qui peinait à ramper pour ne serait-ce que pour se redresser. Un couinement affaiblit interpella Gilbert qui, jetant un coup d’œil dans la direction du gémissement, vit la chevelure d'or de l'elfette dans la poigne du troisième peau-verte qui n'avait pas encore eut le bonheur de goûter à de la chair fraîche. Le cœur du jeune homme s'emballa, ne sachant discerner quelle sorte de gourmandise se cachait derrière ce rictus distordu et, loyal mais surtout héroïque, il lança un regard d'accord à son duo, lui faisant confiance sur ses capacités pour venir en aide à l'incapable. L'orc était handicapé et même désavantagé, l'achever aurait été une tâche aisée.

    Hors, l'héroïsme, dont il faisait preuve en laissant un combat inachevé, avait un prix, et si ce ne fut lui qui le paya, ce fut son compère qui s'en acquitta. Qu'il était arrogant de croire aveuglément aux capacités de quelqu'un seulement parce que l'on avait confiance en lui, mais peut être que s'il avait su que son acolyte s'était récemment fracturé la cheville, il ne l'aurait pas laissé seul face à son ennemi. Alors que Gilbert s'était élancé sur celui qui avait osé toucher la blondinette, l'autre venait de signer son arrêt de mort. Il eut suffit que l'orc, à terre, lui agrippa la jambe en serrant de toutes ses forces pour qu'il cède et se retrouve à sa merci. En quelques secondes, le colosse lui attrapa le crâne et de ses doigts massifs, les enfoncèrent avec rage dans le creux de ses yeux. Un craquement se fit entendre, la peau se déchira alors que les ongles pénétraient la chair visqueuse. Puis l'os se fractura avant que les globes ne cédèrent sous la pression, explosant tels des raisins trop mûrs, éjectant du jus qui se répartit sur le reste de son visage. Son cri inhumain s'éteignit en un gargouillement d'agonie. L'orc, bien que mal en point, avait fait bouffer à ce salaud ce qu'il méritait.

    Mais cela, Gilbert ne s'en rendra compte que trop tard. En cet instant, l'adrénaline l'aveuglait d'un courage incroyable et il se jeta sur la masse énorme qui lui faisait dos. L'épée dégainée, orientée à l'horizontale, rencontra la chair verte au bas de la colonne. L'orc n'eut à peine le temps de se redresser et de comprendre quelle mouche venait de le piquer que le jeune soldat renfonça sa lame avant de pivoter de toutes ses forces vers le côté, tournant son arme telle une clé dans une serrure de chair, poussant un grognement d'effort pour briser les multiples vertèbres qu'il venait de forcer. Un premier véritable grondement de douleur de la part de l'ennemi et celui-ci tomba à terre, immobilisé. Dans sa chute, il fut repoussé en arrière d'un violent coup de pied de la part du soldat pour ne pas qu'il s’effondre sur l'elfette.

    Gilbert s'empressa de redresser la Serre Pourpre, s'assurant à peine qu'elle tenait sur ses pieds. Elle semblait être encore chamboulée mais désormais présente malgré son regard affolé et le reste de vomi au coin de la bouche. Il l'attrapa par les épaules et lui donna rapidement des indications car, les deux orcs restants, eux, n'attendraient pas qu'elle se soit remise.

    "Ca va aller Ellana, dégainez votre épée, on va s'occuper de celui-ci et Arth…"

    Son regard chercha un instant son collègue avant de finalement se rendre compte qu'il était au sol, le crâne ensanglanté et les yeux manquants. Son adversaire était encore capable de marcher et sa rage avait l'air de l'avoir motivé.

    "Allons-y."

    Le cœur lourd, il s'avança d'un pas déterminé, il il n'avait pas le temps de réfléchir, il fallait se battre coûte que coûte et même si les chances étaient minces la Serre Pourpre était un élément à ne pas sous-estimer. Elle dégaina lentement, encore absente ou peut être le bras endoloris, mais elle allait agir, développer son potentiel, utiliser sa magie et prouver qu'elle était digne d'être une Serr...

    Le bruit du fer claqua sur la pierre, de petits clinquements évocateur d'une lame qui chute.

    Le regard bleu du jeune soldat jeta un dernier coup d’œil derrière son épaule, les yeux écarquillés, soupçonnant déjà ce qu'il se passait.

    La soldate avait prit la fuite. Abandonnant son épée.

    Il ne put à peine être prit par la terreur de son destin que celui-ci le rattrapa à la gorge même. Une poigne de fer s'enserra sur sa gorge et il sut que c'était la fin.

    L'arrogance avait un prix, et cette fois-ci il en avait payé les frais. Sa dernière leçon eut raison de lui et il l'emporta dans sa mort. La loyauté n'était qu'un mirage éphémère qui s'évaporait au moindre danger.

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