Un jeune homme vint toquer à la porte principale qui menait aux écuries. Au début, il crut s'être trompé d'adresse, avant qu'un gamin qui balayait non loin de là vienne voir la source du tapotement. Quel soulagement d'être arrivé avec cette commande. Derrière lui,  un chariot avait une grande et large caisse, bien singulière. Elle paraissait de belle taille vue de face, mais de côté, l'épaisseur dépassait à peine la longueur d'une main puissante de Drakyn. Mais qu'est-ce que cela pouvait être ?

Le messager ; ou le porteur, au choix, demanda à être aidé pour la livraison, destinée à un certain Arkanon de la famille Ikhilosho à Kyouji. Une missive suivant ce qu'on pourrait prendre pour une commande assez particulière.

Quand le Drakyn prendra connaissance de la missive, après avoir brisé un sceau de cire au symbole d'un petit cétacé stylisé, il pourra lire ces lignes à la belle calligraphie.

Très cher Arkanon.

En écrivant le début de cette missive à votre attention, j'imagine déjà votre sourire naître à vos lèvres en vous doutant de qui provient ce grand colis. J'espère qu'il sera arrivé entier et sans la moindre torsion sur la toile. J'avoue que je me suis laissé séduire par la taille du cadre. Après tout, votre demande méritait de correspondre à la grandeur de notre  notre stupéfiante rencontre. Comme vous m'aviez laissé libre champ pour sa réalisation...

Je vous rassure, j'ai opté pour ce que le peintre nommait une taille standard pour des gens d'importance. Je l'ai pris au mot, avant de réaliser que cette peinture aurait pu avoir sa petite place au sein de ma taverne. Mais je n'ai qu'une parole. Voici donc le tableau représentant ma personne, dans ce que vous souhaitez. J'espère que le thème vous plaira. J'ai déjà hâte de votre réponse, de ce que vous en pensez. Et soyez franc.

Pour le prix, vous n'aurez pas à vous ruiner. Le maître peintre avait une dette envers moi.

A votre prochaine missive... rencontre.

Takhys Suladran
Du Marsouin Blanc

Et dans la caisse, quand Arkanon la fera ouvrir, il pourra contempler cette oeuvre :

Je venais tout juste d'arriver à Kyougi ,les sabots de Belle de Nuit résonnant contre les pavés quand quelqu'un accourut vers moi. Il me fallut un moment pour me sortir de mes songes, accablés par le vide je ressentais,toujours plus profond à mesure que les lever de soleil sans elle se succédaient. Je remis mon pendentif à l'intérieur de ma tunique, reconnaissant un écuyer qui travaillait pour mon écurie établie ici. Il attendait ma venue avec impatience alors que je les avais prévenus il y a quelques jours de cela.

Je poussais un long soupir puis je posais mes cyans fatigués vers le jeune homme qui m'informa que j'avais reçu quelque chose de volumineux et qu'ils s'inquiétaient car ils ne savaient pas de quoi il s'agissait et pour cause. Avec les différents événements qu'il s'était passé,je n'avais à aucun moment fait part de ce qui s'était passé au lac , ni vraiment eu le temps d'y repenser,surtout depuis que j'avais reçu cette lettre d'aurevoir et ce collier qui entourait désormais mon cou à chaque instant,me rappelant à quel point les battements de la gardienne manquaient aux miens.

Je remerciais l'écuyer puis sans tarder,je donnais un petit coup de talon afin que ma fidèle jument s'élance,faisant sourire certains enfants sur mon passage alors que le mien ne semblait plus pouvoir apparaitre.Je descendis de ma monture en arrivant à mon écurie,laissant Belle de Nuit rejoindre ses semblables au près, demandant à ce que l'on s'occupe d'elle en priorité. Je me dirigeais vers mon bureau, une pièce qui servait essentiellement à accueillir les clients qui souhaitaient acquérir une monture et entreposer des documents importants.

Un simple regard sur la forme atypique du colis, me renvoya à ces profondeurs où j'avais fait la connaissance d'une sirène, qui m'avait même permis de pouvoir entendre son chant sans en payer vraiment les conséquences. Ce fut la première fois depuis des lunes que mes lèvres s'étirèrent si franchement, culpabilisant légèrement de ne pas avoir pensé à Takhys tant une autre femme avait accaparé mes pensées par son absence.

Même si cela me brulait les doigts de retirer ce qui couvrait la toile, je décidais d'ouvrir cette lettre qui avait scellé par un cachet de cire illustré d'un cétacée peu commun. Je sortis le papier et découvris cette écriture aussi raffinés que la personne qui avait tenu le stylo,restant debout pour la lire,me sentant si prévisible juste par ces premiers mots qu'elle m'adressa.Ses justifications,concernant la taille du tableau avaient maintenu mon sourire, amusé d'apprendre qu'elle possédait une taverne.

-Ainsi donc, vous détenez un tel commerce...cela vous va bien.

Murmurais-je sans faire attention,me demandant pourquoi elle tenait à avoir mon impression. C'était la moindre des choses que je la lui donne étant donné le cadeau qu'elle m'avait fait,qui me laissait croire que c'était une femme d'honneur. Je déposais la lettre sur un coin de mon bureau, déposant la caisse d'une forme adaptée en son centre, me débarrassant de cette dernière pour enfin découvrir cette oeuvre qui était loin de me décevoir. Je pris un certain temps à contempler cette peinture,finissant par débuter ma réponse dans les minutes qui suivirent, voulant écrire tout ce qui me venait à l'esprit en voyant son portrait.

Chère Takhys Suladran,

Je tiens avant tout à vous dire merci. Pas seulement d'avoir tenu votre promesse mais pour cette étonnante rencontre au lac Rebirth, même si elle avait été au péril de ma vie. Mais n'était-ce pas le prix à payer pour avoir pu profiter de votre compagnie en se laissant ravir par votre beauté ?  Je suis bien heureux que vous m'ayez permis de pouvoir l'admirer à travers cette toile au combien représentative de vos charmes, sans trop en dévoiler,mes souvenirs pour seul témoin de ce que vous avez eu la justesse de dissimuler.

Dès que j'ai pu admirer cette peinture, j'ai su ou elle aurait sa place et vous assure qu'elle sera embellir le bâtiment qui la portera. Je la garderais précieusement dans mon domaine jusqu'à ce que mon futur bateau puisse la faire voyager vers des étendues nouvelles,ne pouvant me défaire de l'idée qu'elle doit être au plus près des flots. N'était ce pas à travers des eaux que nous en sommes arrivé à échanger ces précieux mots ? Ou de ma maladresse que vous avez su en jouer avec une aisance que peu pourraient prétendre ?

Vous l'aurez déviné et je vous l'affirme, cette peinture est tout à fait sublime. Je dois vous avouer, que je ne pensais être représenté,aimant la manière par laquelle,vous m'avait visualisé.Cette peinture a su capter toute l'étrangeté que le hasard nous offrait la vie même si parfois, certains débuts paraissent incertains. Fort heureusement, vous avez été clémente. Je souhaiterais d'ailleurs vous remercier pour le présent que vous m'avez fait mais pour cela, il vous faudra être patiente.

J'espère que vous me pardonnerez pour cette attente mais croyez moi, elle en vaut la peine,même si vous ne savez pas encore de quoi il s'agit. Tout ce que je peux vous dire, c'est que votre représentation me sera fort utile. Je vous laisse donc avec ce voile de mystère qui j'espère,vous fera languir de recevoir ma prochaine lettre. Je vous donnerai rendez-vous sur mon navire quand il sera fini afin de vous dévoiler cette surprise qui j'espère,saura vous plaire.

À la plus belle et imprévisible sirène du sekai que j'espère pouvoir revoir si le temps n'est pas un obstacle.

Arkanon Ikhilosho,
Ecurie Ikhilosho de Kyougi

CENDRES

Une réponse sincère,ne sachant prévoir sa réaction comme elle avait fait avec la mienne. Une chose est sure, c'était que nous étions mené à nous revoir et j'espérais ne pas la décevoir. Je sortis la sacoche remplie de billes et la vider au creux de ma main, sachant exactement où elles auraient leur place dès à présent. Sans m'en rendre compte, je n'avais pas pris mal que l'on me représente même de façon illustré,les paroles d'Ersa ayant fait leur chemin sans enlever pour autant, cette opinion que j'avais de moi.

Quand un gamin apporta une missive à la taverne du Marsouin Blanc, Takhys était en train de terminer de comptabiliser ce qui lui restait dans ses réserves. Pendant que la serveuse bavassait avec deux clients matinaux et que la cuisinière fait mijoter des plats pour le repas du milieu de journée, c'est là que le petit messager arriva tout essoufflé. Le temps qu'elle lui dise de reprendre son souffle, il avait déjà déposé la lettre sur le comptoir, prétextant qu'il voulait se donner à fond, parce qu'il espérait montrer ses capacités pour se faire embaucher dans le service de livraison du coin pour le courrier distribué en ville. Elle en avait souri, avant de le voir disparaître.

Le cachet de cire sur la missive la fit sourire. Elle ne s'était pas du tout attendue à avoir une réponse de la part d'Arkanon. Elle déplia la lettre et parcourut ses lignes.

Très cher Arkanon,

C'est avec un grand sourire ravi que j'ai pris votre missive entre mes mains. Je suis heureuse d'apprendre que la toile qui dévoile le jeu du destin sur notre rencontre ne provoque qu'admiration et souvenirs secrets, que je serai bien avide de connaître de vos mots. Si vous le désirez, bien évidemment. Qui aurait cru qu'un Drakyn et une Dame telle que moi aurait tissé ce lien. D'un petit rien naissent les grandes choses. La preuve en est-ce que vous admirez sous vos yeux maintenant.

Je suis également ravie d'apprendre que vous savez où placer cette œuvre. Il est vrai, les flots ont été les messagers de nos premiers échanges et les témoins de ce lien qui s’est tissé entre nous. C'est même un choix des plus judicieux. Cela donne un écho à ce que j'ai cherché à faire apparaître sur ce tableau. Le malheureux peintre peinait avec mon choix sur la créature draconique, symbole de force, mais aussi de sagesse, que vous avez su deviner. Il y a encore des subtilités dissimulées. Je serai toute ouïe de vous entendre, pour savoir si vous les avez toutes découvertes.

Votre promesse d’une surprise attise ma curiosité et je saurai patienter pour découvrir ce que vous avez préparé. L’idée de vous voir et de voguer sur votre navire, de partager ce moment avec vous, me donne un sentiment d'impatience. J'espère que vous ne m'en voudriez pas si je viens à bondir, de manière imagée, à votre rencontre. Attirer l'appétit curieux d'une dame comme moi... Je vous laisse sourire à cette phrase.

En attendant, je ne pourrai que patienter, malgré cette rencontre prochaine. J'ai hâte. Et pour vous rassurer, elle ne sera pas mordante.

À l’incomparable explorateur des eaux et des âmes, qui a su voir au-delà des apparences.

Avec tout mon plaisir amical.

Takhys Suladran
Du Marsouin Blanc