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La Sénéchale
Lyra Leezen
Messages : 375
crédits : 114
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Info personnage
Race: Humaine
Vocation: Guerrier assassin
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: B - Tovyr
Chapitre 16
Le Grand Hall avait été investi par une kyrielle d'hommes en armes hétéroclites aux armures bigarrées. Si Lyra n'avait pas été accompagnée de l'Adujar Skirtivand, elle aurait été mise en pièce à la seconde où elle en aurait franchi le seuil, tant les barbares semblaient en proie à une tension propre à toute victoire. Malgré la supplantation de Ryssen, les massacres perduraient un peu partout dans la ville. La chasse aux fuyards s'était enclenchée et l'on exécutait à la pelle les derniers loyalistes et officiers. Le Royaume tombait, un autre renaitrait de ses cendres.
Lyra boitait alors qu'elle passait tant bien que mal au travers de la foule de guerriers immobiles. Certains étaient gigantesques et armurés de l'acier de la meilleure facture, d'autres étaient minuscules et vêtus de simples souquenilles. Ryssen avait sut fédérer l'élite reikoise comme le bas peuple, accroissant la masse de sa horde à chaque victoire. Après avoir pris Taisen et Kyouji, Lyra ne donnait pas cher d'Ikusa. Une marée de barbares allait déferler sur la capitale, dernier bastion des Draknys, et alors une nouvelle ère verrait le jour.
Elle renifla bruyamment, parvenant enfin à passer la porte de la salle du trône. Cette dernière avait manifestement été remontée suite au putsch de la Luteni, mais cette fois-ci, les vantaux avaient été réduits en poussière, pulvérisés par l'assaut final de Ryssen. Gwirma l'aida à passer devant deux onis barrant le passage de leurs imposantes carrures pour dévoiler la salle du trône de Kyouji, tout en longueur, immensément vaste, et pourtant vide de toute âme. À l'intérieur, il n'y avait - tout du moins - peu de vivants. Si l'on comptait les morts, la salle du trône débordait.
En plein cœur du palais seigneurial, Messire Bralt avait dû y rassembler toute sa cour ainsi que la noblesse loyaliste cherchant sa protection. Le seigneur les avait tout bonnement menés à l'abattoir. Ce qu'avait prédit Lyra quelques mois auparavant s'était réalisé, et avec une violence bien supérieure encore. Le sol marmoréen veiné de jade était jonché de corps inertes, aux riches caftans gonflés par le sang. Et si les portes avaient volé en éclats, les murs et colonnades aux éphélides détaillées n'étaient pas en reste, craquelés par les déflagrations magiques qui avaient secoué la ville entière. Les feuilles d'or dont les parois étaient plaquées commençaient à s'effriter par endroit, comme pour imager la chute brutale du seigneur de Kyouji.
Lyra manqua de défaillir, par chance son ventre était vide au point qu'elle ne vomit que de la bile, forçant les colosses à s'écarter de dégoût. Gwirma lui tint les cheveux, bien qu'ils fussent déjà aussi crasseux qu'une soue. Finalement, retrouvant difficilement contenance, Lyra se redressa pour contempler le résultat de la défaite écrasante de Mufnesi Bralt. Ce dernier venait justement de lâcher son dernier souffle.
Mis à bas de son trône, ayant probablement dégringolé les marches sis au devant de celui-ci, le corps replet de Messire Bralt gisait à même le sol, empalé par une claymore plantée à la verticale. Des craquelures dans le pavage mordoré en dessous laissait deviner que la lame l'avait non seulement traversé de part en part mais s'était profondément logée dans le sol. Au-dessus du corps inanimé du seigneur, se dressait un drakyn colossal que Lyra n'avait certes jamais vu, mais qu'elle devina être le maître d'œuvre de l'Empire à venir.
Et alors que Lyra mit tant bien que mal un genoux à terre, le drakyn ne lui adressa pas un regard et quitta la salle du trône sans mot dire, aussitôt suivi par une myriade de chefs de guerre. Elle ignorait si elle le reverrait un jour ou même s'il resterait suffisamment longtemps en vie pour cela, mais Lyra était au moins sûre d'une chose : Elle avait été, l'espace d'un instant, dans la même pièce qu'un véritable conquérant comme le Reike n'en voyait que tous les cinq millénaires.
Ce ne fut que lorsque la salle du trône fut vidée de la pléthore de soldats, ne restant que quelques hommes ainsi que Gwirma, que Lyra put chercher du regard les corps qui l'intéressait. Ses yeux noirs comme la cave dont elle avait été tiré captèrent une étoffe qu'elle connaissait que trop bien. Claudiquant à moitié et trébuchant ça et là sur les corps gisants de la noblesse de Kyouji, elle arriva au niveau de deux cadavres, l'un ayant été éviscéré, l'autre décapité. Le premier était celui de son père, le second, celui de sa mère.
Aiseann et Inra Leezen avaient cherchés la protection du seigneur de Kyouji, à l'instar de leurs pairs, dans les derniers instants de la cité. Ils s'étaient rangés dans le camps des perdants, contrairement à leur fille. Et si Lyra avait souffert d'avantage que ses géniteurs, c'était bien elle qui se tenait debout au dessus de leurs corps inanimés. Elle tomba à genoux près de son père.
Il avait les traits striés par l'âge, mais même dans la mort, son visage était figé dans une expression monolithique, insensible, fermée. Les yeux grands ouverts, vitreux, il fixait le plafond peint de lapis-lazulis, comme pour y chercher un coin de ciel. Lyra se pencha au dessus de lui, effleurant la soie de son riche caftan imbibé de sang coagulé. Ses longs cheveux noirs grisonnants, habituellement attachés en un strict chignon, étaient éparpillés sur le sol baigné de son propre sang.
Le regard de Lyra glissa sur sa mère, étendue sur le dos, la tête tranchée, cette dernière reposant à ses pieds, face contre terre. Elle avait les mains serrées, bleuies par la mort, solidement fermée sur la ceinture de sa robe ample. Elle se tenait très souvent de la sorte, les doigts callés dans son ceinturon de soie, Lyra encore aujourd'hui ignorait d'où ça lui venait, même dans la mort, de tenir sa cordelière. Ceci étant dit, elle remarqua une chose : De toute leur existence, Lyra ne les avait jamais vu s'étreindre, pas le moindre signe affectif entre eux, ses parents ne se prenant jamais par la main, et les voilà morts, séparés d'un bon mètre, gardant cette frontière glaciale entre eux.
Un éclat attira le regard humide de Lyra. La chevalière de la famille Leezen, arborant une zibeline d'obsidienne cerclé d'or massif luisait à l'index de son père, comme pour l'inviter à prendre l'anneau du chef de famille. Elle n'hésita pas longtemps, retirant tant bien que mal la chevalière du doigt, glissant plus facilement grâce au sang qui l'imprégnait. Lyra se pencha alors pour desserrer la poigne de sa mère et lui ôter sa chevalière d'argent, l'anneau du consort Leezen.
Mais la jeune femme resta courbée, genoux à terre, un long moment, contemplant les deux bagues familiales dans sa paume cornée. Elle tremblait. Gwirma fit mine de se rapprocher mais s'arrêta dans son mouvement, laissant Lyra à son deuil. Il la vit sangloter, tressautant alors que sa longue chevelure d'ébène lui couvrait le visage, elle renifla bruyamment. Et alors qu'il pensait qu'elle pleurait, Lyra se redressa et rit à gorge déployée. Un rire sonore, guttural, distordu par la souffrance, la haine, la fatigue et peut-être même par la folie. Mais c'était un éclat de rire plus satisfait qu'abattu, comme si le décès de ses géniteurs la faisait authentiquement rire, la soulageant d'un poids incommensurable.
Et alors que le rire de l'ancienne Luteni, esclave de son propre nom, malmenée par une existence adventice, raisonnait dans la salle du trône, un nouveau chapitre de sa vie s'ouvrait devant elle.
CENDRES
La Sénéchale
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Chapitre Final
Le vent portait les fragrances des putiers et pétasites bordant le lac Rebirth, au Levant. Le ciel s'était alourdi de gros nuages cendrés, suivant un long mois de grand soleil, la chaleur accablante s'était faite étouffante dans l'attente d'un violent orage. Le paysage était, de facto, particulièrement lugubre au lendemain de la prise de la cité fortifiée qui se remettait douloureusement d'un siège difficile. Le silence qui s'était imposé invitait à pleurer les victimes et à honorer les morts, dans les deux camps. Et si les héros avaient eut droit à des funérailles propres à leur croyance au Shierak, les vaincus avaient connus un office bien moins digne de péans.
De noires fumerolles envahissaient l'horizon méridionale de Kyouji. Les incendies de la cité avaient tous été étouffés depuis près d'une semaine, plus aucun combat ne faisait rage, et pourtant dès le lendemain de la victoire de Ryssen, des brasiers avaient été déclenchés au creux de la combe synclinale, vallée formée par l'activité volcanique de la région. Pourtant, pas la moindre éruption n'avait été déclarée et le mont Kazan demeurait toujours fondu dans son silence sépulcral, comme si la montagne elle-même se faisait oublier le temps que Tensai Ryssen ne quitte la région.
À l'ombre de la synforme, plusieurs foyers avaient été lancés sur ordre de la junte au pouvoir, encadrés par la nouvelle armée au service de Ryssen laissée en garnison à Kyouji. Des milliers de corps étaient acheminés au fond de la combe pour y être incinérés, victimes de la conflagration récente qui avait emportée de nombreuses âmes. Beaucoup de bois avait été rassemblé pour alimenter les flammes qui dévoraient inlassablement la chair putréfiée depuis plusieurs jours déjà. Le vent balayait l'empyreume des foyers, l'emportant au loin, vers le mont Kazan dépassant à l'horizon.
La nouvellement nommée Majra Leezen, portant un gambison d'homme, contemplait les brasiers dévorant les cadavres des loyalistes qui avaient refusé de prêter allégeance à Ryssen. Depuis un mamelon, elle humait les effluves de chair carbonisée, mirant de ses yeux en demi-lune les deux corps qui ballottaient entre les ridelles d'un chariot descendant plus bas, tiré par un auroch. Les cadavres enveloppés dans un linceul souillé par la putréfaction étaient ceux de ses propres parents, Messire Aiseann et Dame Inra Leezen.
Lyra n'aurait manqué pour rien au monde le moment où les enveloppes charnelles de ses géniteurs partiraient en fumée. Un fin sourire des plus lugubres, respirant une certaine satisfaction, finit par poindre sur le visage de la Majra lorsque les deux macchabés furent jetés à bas de la charrette à l'aide d'un palonnier. Elle renifla bruyamment en observant les corps traînés vers le brasier et jetés nonchalamment dans la fosse commune, prenant aussitôt feu, se perdant dans les braises ignescentes du trou carbonisé.
Elle ne tourna bride que lorsque le nuage de fumée emportant à jamais ses parents, symboles de son passé révolu, fut emporté par l'Alizé. Suivant la sente menant à Kyouji, Lyra, montant un étalon pangaré, longeait un perchis esseulé, inspirant profondément l'air vespéral. Une légère pluie finit par tomber du ciel chargé, soulevant les divers remugles de la campagne asséchée par un été des plus rudes. Un éclair illumina l'horizon.
- Bien des villanelles enjoliveront ce massacre.
Au niveau d'un replat rocheux, sous un arbre de Judée florissant, se tenait un vieux birbe à la longue toison d'albâtre détonnant avec son teint de peau noir comme le charbon. Or, si son aspect ne payait pas de mine, engoncé dans des souquenilles de mitron, son regard aussi sombre que celui de Lyra n'avait rien de veule, tout au contraire, il était si intense que la jeune femme ne pouvait s'en détourner. Il était installé sur le billot mousseux d'un aulne, tenant une bagasse d'une main râblée, l'autre disparaissant dans les plis de sa vêture. Lyra tira sur les mors de son destrier qui renâcla avant de s'immobiliser, du haut de sa selle, elle considéra sombrement l'anachorète. Elle percevait ses exhalaisons de myrrhe et de houblon.
- Qu'as-tu dis, le trimardeur ? Tança Lyra.
- Je disais simplement que les bréviaires ne se souviendront que de la victoire, pas du combat qui l'a précédé. Grailla-t-il.
Lyra démonta, faisant claquer ses brodequins contre le sol floche. Foudroyant du regard le vieil homme alors qu'elle s'approchait de lui, faisant flotter au vent sa longue chevelure d'ébène attachée en une queue de cheval à l'aide d'un fichu doré. Elle gardait une main proche de son sabre, prête à fendre le vieillard tel le billot sur lequel il était installé.
- Cesse tes billevesées, le vieux. Seules les victoires intéressent la postérité, les morts peuvent bien tomber dans l'oubli. Clabauda-t-elle.
- La vie vaut donc tripette à tes yeux ? Fit-il doucement.
- Tout dépend de quelle vie on parle. Rétorqua-t-elle avec acidité.
Elle planta ses poings sur sa braconnière, dévisageant le vieux barbon sans pour autant parvenir à le percer à jour. Il avait tout du vagabond sans le sou, et pourtant il parlait tel un érudit de Drakstrang. Surtout que planté là, au milieu de terres arables, à l'orée d'un orage, il avait quelque chose d'inhabituel, voir surnaturel.
- Regarde le ciel. Malgré la pluie, les vautours rodent. C'est bien parce que le festin est trop important pour être reporté à plus tard. Il leva les yeux vers les charognards tournant sur le fond gris du ciel. Finalement, tu es un peu comme eux, Leezen, à attendre ta part.
- Trève d'arguties ! Tu me connais ? Elle renifla de mépris.
- Qui ne te connais pas ? Après tout tu es la seule survivante des oubliettes de Kyouji, nouvelle Majra au service de l'envahisseur. L'une des seules femmes dans les rangs de l'armée reikoise. Je me demande bien jusqu'où tu vas aller, Leezen. Il se pencha pour se gratter la malléole.
- Suis-je tombée sur un philosophe ? Répliqua-t-elle non sans moquerie.
- Permets-moi juste de te donner un conseil pour l'avenir : Ne te fies jamais à personne. Lâcha-t-il, faisant fi de la pasquinade.
Les yeux de Lyra s'agrandirent imperceptiblement, se souvenant de ces paroles comme étant celles de l'Adujar Statar Rinnavralt, ce traitre, juste avant qu'il ne l'assomme dans la salle du trône, quelques mois plus tôt. Et pourtant, même si ce chien était mort dans l'assaut de la ville, comme le lui avait rapporté Gwirma, voilà que ses paroles la poursuivaient jusque là. Elle se pencha dangereusement vers le vieil homme, serrant le pommeau de son arme.
- À quoi tu joues, vieillard ? Tu veux te jouer de moi, mais c'est de ton cadavre dont les vautours se repaitront sous peu. Siffla-t-elle.
- Je ne voulais point t'offenser, Leezen. Simplement te rappeler la cause de ton échec, afin que tu ne le reproduise pas. Or, seule la victoire t'importes, n'est-ce pas ? Elle avait juré le voir sourire l'espace d'une seconde.
- Je ne vais pas rentrer dans ton jeu. Que l'apocalypse t'emporte, faquin ! Elle fit mine de s'en retourner à son cheval.
- Garde ta famille près de toi. Et je ne parle pas de ton frère, Dirnann.
- De qui, si ce n'est ce pauvre hère ? Feula-t-elle en pivotant violemment.
- Tu le sauras bien assez tôt. Tu pourras lui accorder ta pleine confiance. Même si le jour viendra où vous vous déchirerez. Après tout, tu es préposée au chaos, Leezen. Ajouta-t-il âprement.
- Tais-toi, Oracle de pacotille ! Elle dégaina sa lame pour de bon.
- Tu avanceras un temps avec cet Être du même sang. Mais comme toutes choses ont une fin, à l'image de notre univers, l'un de vous périra, quoiqu'il arrive. Et alors tu seras propulsée vers la grandeur, celle que tu chéris en secret, petite femme que tu es. Simplement, sache sacrifier ceux qui t'accompagnent, apprend de ton passé pour remplir ton destin.
Lassée de ces lapalissades nébuleuses, Lyra leva son sabre, prête à frapper le vieux birbe d'un coup qui l'aurait fendu en deux, mais au dernier moment, il s'évapora dans l'air humide, comme se dissolvant dans la pluie qui se mettait à tomber dru. Lyra renifla, en proie à la surprise, troublée par les dernières paroles de l'apparition. Son cheval renâcla. Lyra rengaina son arme, zieutant l'arbre de Judée et les vautours dans le ciel. Finalement, elle s'en retourna à sa monture et l'éperonna, la dirigeant vers Kyouji.
- Et lorsque la pluie lavera le monde, les rivières s'empourpreront de sang. Souffla-t-elle.
Les vautours tournaient lugubrement dans le ciel.
La pluie tombait, trempant son visage fermé.
Une larme perla, se perdant aussitôt.
Un éclair retentit et le monde se tût.
CENDRES
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