Il demeura silencieux face à la petite rebiffade de la jeune femme. Il ne pouvait pas comprendre l'importance de posséder des ailes comme les siennes, mais il lui paraissait évident que c'était un élément du corps, et qu'on ne pouvait pas y toucher comme cela. C'était comme si l'on pensait que toutes les femmes du Reike accepteraient sans broncher qu'on leur touche leurs rondeurs féminines au niveau de la poitrine, et que... il se retint de rougir. Non, clairement, ce n'était pas la même chose. Il ne pouvait pas vraiment comparer. Après tout, il était un homme.

Il ne fut pas offusqué du silence que s'imposa la Valkyrie par la suite. Elle devait prendre le temps de méditer sur ses dernières paroles. Tout était nouveau pour elle, alors que, quelques jours auparavant, elle était emprisonnée dans les cales d'un navire. Du temps, il lui en faudrait pour s'adapter. Et il ne pourrait plus être derrière son dos quand elle entamera les premiers pas vers sa nouvelle existence au sein du Reike.

En fixant sévèrement les badauds curieux, il espérait leur offrir un regard suffisamment glacial pour leur faire comprendre qu'il n'y avait plus rien à voir. Il n'aimait pas agir de la sorte, car d'ordinaire, on le dévisageait peu. Là, il était avec une jeune femme aux ailes visibles, de quoi attirer l'attention. Il ne remarqua donc pas immédiatement le geste qui se termina aussitôt qu'il commença. Qwellanaa avait voulu faire un geste amical en même temps qu'elle s'excusait d'une voix fluette.

"Ce n'est pas grave. Tu as beaucoup de pression à gérer en même temps."

Bon ! Maintenant... la partie la plus chiante de tout cela : le bordel administratif ! Il fallut jongler entre différents bureaux pour obtenir ce qu'il fallait, prouver, confirmer, jurer sur l'honneur... Et là, enfin—après un temps si long qu'il n'aurait pas été judicieux de le mesurer—au sein des services, il ne restait plus que quelques derniers formulaires à remplir. C'était la dernière ligne droite pour Qwellanaa.

Alaric n'était pas aveugle en voyant sa mine. La peur de la nouveauté ? De l'inconnu ? Non, c'était l'expression d'un visage un poil peiné par son départ, sachant qu'elle allait se retrouver seule. En si peu de jours, il s'en était passé des choses. Il se retint de tressaillir en entendant sa voix dans son esprit. Il afficha un petit sourire rassurant.

"Voilà, dans peu de temps, tu vas entamer ta formation militaire, puis celles nécessaires pour rejoindre les FMR. Faudra me tenir au courant de ta réussite, pour qu'on fête cela." Dit-il, répondant de manière à ce qu'on ne se doute point de l'emploi de la télépathie de la Valkyrie. "Et je n'oublie pas nos conversations de la veille. On verra tout cela en temps voulu, d'accord ?"

Qui sait... il faudrait déjà qu'elle termine toute son instruction. Elle en aurait pour des années, et d'ici là, elle l'aurait peut-être oublié. Bah ! Il n'avait fait que son devoir après tout.

Il la salua avec un grand sourire et l'encouragea avant de lui dire un simple au revoir et de la laisser face à son nouveau destin.

Ce fut au Shekhikh d'adresser ses derniers mots,récapitulant ce qui m'attendait, sans refuser ma proposition qu'un jour, nous nous reverrons avec cette fois-ci, le même titre ou plus qui sait. La vie était loin d'être un long fleuve tranquille. Il avait été pour moi une succession de lutte à contre-courant,sans que je ne concède à me laisser emporter dans ce flot infernal,quand bien même il fut parfois teintés d'une couleur écarlate. Lorsque je n'avais pu le faire, c'était un humain qui m'avait extirpé de ces profondeurs, promettant à celui là même:

-Je te tiendrais au courant de ma progression, tu peux compter sur moi.

Je ne saurais dire si cela avait la moindre valeur aux yeux d'Alaric que je lui assure ça, mais aux miens si. Il était ma première ancre dans cet univers que j'allais découvrir, l'encre de ce premier chapitre qui venait de débuter. Je le regardais partir après qu'il m'ait dit simplement aurevoir, sans  savoir si j'allais réellement le revoir. Une voix derrière moi me rappela que je devrais me dépêcher de remplir mon formulaire car sinon il faudrait attendre le lendemain pour remettre le document.

Je m'attelais donc,écrivant mon prénom puis en lisant qu'il fallait renseigner un nom de famille, je fixais cet espace vide un instant, car je n'en possédais pas. Ne sachant s'il était obligatoire d'en donner un,je réfléchis, l'image de ma soeur refaisant surface directement. Mon visage s'assombrit,me rappelant que le premier mot que j'avais su écrire était son prénom et elle le mien. Un souvenir qui me fit si mal là,en cet instant précis, que je me figeais. Je pris une longue inspiration avant d'écrire d'une main tremblante, tout en retenant les perles qui voulaient tomber de mes dioptases,celles que n''essuierait plus jamais,ma jumelle du nom de ''Irdeoza''.

Mais il me paraissait évident que si je me raccrochais qu'au prénom de ma défunte soeur, je ne parviendrais pas totalement à avoir un levier suffisant pour aller de l'avant dans des moments difficiles.Non,il me fallait ajouter un mot, ou une lettre qui me rappellerait cette chance d'avoir rencontré celui qui avait passé le pas de la porte.Ce fut ainsi que je décidais de rajouter la lettre ''A'' pour Alaric dans ce nom de famille qui me suivrait désormais, pour me rappeler ce qu'il avait fait pour moi. Que je ferais en sorte de ne jamais décevoir.

Pour cela,j'avais gardé une certaine distance avec les autres, me réfugiant dans le travail en délaissant une partie de ma nature. Pour me protéger, suivre mon but et ne jamais dévoiler à personne ce qui m'était arrivé durant deux années en particulier. Oui,cela n'avait pas été simple. Beaucoup de reikois n'hésitèrent pas à rabaisser la valkyrie que j'étais. Parce que je n'aimais prendre les armes, par tous ces aprioris qui me collaient aux plumes sans oublier que j'étais une femme. J'étais restée naturellement dans l'ombre comme je l'avais toujours fait, sans faire la moindre vague,réalisant peu à peu mon rêve par mes propres moyens,aidée par ma seule volonté.


Durant toutes ces années,à chaque fois que l'on m'appela pour une raison ou une autre,je pensais à Alaric et à ma soeur. À ces deux personnes qui ne m'avaient à aucun moment tiré vers le bas ni obligé à suivre un chemin qui n'était pas le mien,au contraire.J'avais conservé une partie d'eux, n'ayant jamais révélé l'origine de mon nom de famille à quiconque, car pour moi,certains secrets gardaient leur éclat s'ils n'étaient pas découvert. Un peu comme ces trésors au fond des mers,qui ne seraient jamais remonté à la surface mais qui brillaient d'une valeur inestimable dans les esprits,celui d'une reconnaissance sincère dans mon cas.

Je lui adressais depuis une lettre chaque année pour lui décrire ma progression et là où j'en étais,tout en prenant de ses nouvelles. J'avais conservé les siennes précieusement,les gardant dans le tiroir de mon bureau actuel. Cependant, plus de douze ans après, il cessa de m'en envoyer,alors que je venais de devenir Shekhikh depuis peu. Pensant qu'il avait dû avoir un empêchement ou que la missive avait été perdue, j'en avais renvoyé une mais n'obtiens aucune réponse.

Soucieuse, j'avais commencé à chercher des explications,demandant à d'autres FMR s'ils avaient vu Alaric récemment et à ma grande surprise, on m'annonça qu'il n'en faisait plus partie,pour une raison qu'ils ne surent pas m'expliquer vraiment. Inquiéte,me rappelant de ses antécédents de filou, je m'étais demandée s'il ne s'était pas mis dans le pétrin pour aider quelqu'un. N'aimant pas les ragots et préférant en avoir le coeur net, je décidais,  peu de temps après être revenue de mission en compagnie de Cyradil,de tirer les choses au clair.