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    Capitaine Saumâtre
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  • Sam 13 Jan - 11:49



    Assis sur son tabouret, Saumâtre fixait son petit compagnon pirate. Tout sourire, le capitaine de la Renégate regardait ce dernier de ses deux yeux jaunes tandis qu'au dessus d'eux flottait une petite lanterne. Cela faisait une bonne trentaine de minutes que les deux flibustiers parlaient et échangeaient sur divers idées, aussi stupides qu'innovantes.

    - Bon. Récapitulons le plan.

    Soudainement très sérieux, Saumâtre se redressa sur son siège pour faire mine de sortir un parchemin. Il leva ensuite un premier doigt, comme pour énoncer une liste qui s'annonçait particulièrement longue.

    - Le client particulièrement chiant arrive. Avec les gars, on l'accueille en grande pompe. Courbettes, petits rafraichissements, tout ça tout ça. La méthode habituelle pour ce genre de personnes. Comme d'habitude, il va tout refuser et se montrer médisant. Monsieur veut des esclaves, mais se dégoute de devoir interagir avec des esclavagistes. Enfin tu connais quoi. Il ricana. On lui montre donc la dernière prise, qu'est franchement pas fameuse. Il râle, comme d'hab'. Et là, j'lui propose une prise unique, car je sais que monsieur a des gouts un peu louches mais jamais avoués.

    Il leva ensuite son deuxième doigt, après avoir fait mine de tourner une page invisible. Ce qui n'avait aucun sens, comme de base il était censé avoir déployé un parchemin.

    - Ensuite donc, je l'emmène en bas, et on avance jusqu'à la séparation des grosses prises habituelles. J'ouvre la porte, et là, bim, t'es là! Il leva le pouce, comme pour montrer à l'axolotl qu'il était la pièce essentielle. Tu fais ton petit numéro. Je vante tes qualités, j'en rajoute même pleins d'autres s'il faut on s'en fout. Genre que t'es un petit coquin, tout ça. Tu vois l'genre. Enfin bref. Le client s'offusque, gueule en disant qu'on le prend pour une endive et il repart. Et nous. Ben nous on s'est bien fendus la poire.

    Il fit ensuite mine de refermer le parchemin invisible pour le ranger dans une de ses sacoches, avant de se relever du tabouret pour fixer la lanterne qui se balançait. Le client en question était un rescapé de Shoumei qui était parvenu par on ne sait quel miracle à récupérer des terres et une demeure digne de ce nom près du Dorei. Le type s'était rapidement refait une fortune en exportant des produits locaux aux autres réfugiés installés en république, et avait rapidement compris que les esclaves, c'était pas une mauvaise idée en terme de financement.

    Le seul problème, c'était que le type en question était un putain de nobliau né avec une cuillère en argent dans la bouche. Et si la plèbe lui inspirait déjà un profond mépris, des êtres comme Saumâtre ou son équipage le dégoutaient au plus haut point. Ils n'étaient pas "beaux" comme des humains alors pour monsieur, c'étaient des monstres. Chaque fois qu'il venait, le client n'hésitait d'ailleurs pas à le rappeler et en parler. Se justifiant par le fait qu'il avait l'argent, et donc parfaitement le droit d'émettre des critiques à l'encontre de ses partenaires d'achats. Et jusque là, il avait pas tort. Saumâtre s'en foutait complètement de son opinion sur sa personne. Et il aurait continué à le faire si l'imbécile n'avait pas osé pousser sa sœur lors de la dernière enchère. Un geste anodin, qui avait pourtant réussi l'exploit de transformer la soif d'argent du triton en une colère froide. Alors, il était allé échafaudé ce plan débile, pour se foutre ouvertement de la gueule de ce client désagréable. Et pour que ce plan marche, il fallait un hybride.

    Il était hors de question que Saumâtre pioche pour cela dans son équipage. Non pas parce qu'ils étaient tous laids, même s'ils l'étaient, mais parce que le client les avait déjà tous vus. Il fallait du sang neuf. Alors le triton était allé voir chez l'équipage de Bigorneau. Eustache, c'était hors de question. Déjà, s'il doutait fortement du fait que le homard ait la capacité de se tenir tranquille le temps de la "vente", il avait honnêtement pas une tête de porte bonheur. Alors, naturellement, l'enfant du Récif Noir était allé voir Doudou Marimba. Qui avait étrangement accepté. Soit il se faisait sacrément chier, soit il était aussi instable que le capitaine de la Renégate.

    Revenant finalement à lui alors qu'il tapait dans ses mains pour se stimuler, le triton reporta de nouveau son attention sur l'axolotl qui se trouvait avec lui. Tout sourire, il enleva son tricorne pour passer sa main dans ses cheveux tentaculaires.

    - Alors mon cher Marimba, on est tout bon?

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    Doudou Marimba
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  • Mar 16 Jan - 16:02
    Doudou Marimba était toujours le premier à donner un coup de patte quand il s’agissait d’un mauvais coup.  Si il n’en était pas déjà l’instigateur. Aussi, quand le Saumâtre pour la dix milliard cinquante et unième fois s’était plaint de son client bourrée de fric et surtout bien pète-couille comme c’est plus permis, il était venu le voir pour essayer de trouver une solution. Enfin, une “solution”. Les deux compères avaient commencé à échafauder des plans plus ridicules les uns après les autres autour d’une bonne mélasse, et ils avaient tous un point commun : faire tourner en bourrique le client problématique.

    C’était peut être une des premières fois que Marimba et Saumâtre s’entendaient si bien, d’habitude il y en avait toujours pour chercher des noises à l’autre et ça finissait souvent en joute verbale interminable. Cependant, dans un des cales de la Renégate, sa chope dans la patte, assis sur un énorme tonneau, Doudou se bidonnait comme une baleine.

    - Sinon tu lui dis que je suis une sirène venue tout droit d’Aquaria. Oui bonchouraaaanh, je frétille à l’idée de rencontrer ta tête de thon haaaan. Dit l’axolotl en prenant une moue aguicheuse.

    Avec le banc de sirènes que se trimballait Bigorneau, il avait matière à imiter. Il prit la pose que Cyané, une des plus maligne, avaient l’habitude de prendre quand elle voulait arnaquer un ou deux péquenauds. Il battit des paupières, et par un tour assez impressionnant d’anatomie, réussit à passer ses pupilles en mydriase.

    - Je suis un être si fragile et incompris bleuargh ! Continua l’hybride avec un ton intellectuel insupportable. -Tu veux bien être mon nouveau maître et m’apprendre le flux du marché républicain et ses aléas s’il te plait haaan ?

    Il éclata d’un rire incontrôlable et avala une bonne lampée de rhum. Enfin, ça sentait plus la mélasse iodée, mais ce n’était pas bien grave, tant qu’il y avait à boire. Il pensait que Saumâtre allait le suivre dans ses imitations, seulement, le beau gosse des mers se calma d’un coup et commença à lui énumérer le fameux plan où c’était bel et bien son petit cul d’axolotl qui était présenté à la vente.

    - Attends, tu veux vraiment le faire tourner chèvre ? T’as pas peur de perdre un bon client ? Je comprends qu'il te les brise, mais au vu de son portefeuille ça serait dommage. Les vaches à lait, ça se garde, même les teigneuses.

    Doudou prit un air pensif. Il se gratouillait le menton, et ses yeux globuleux se plissaient à chaque inspiration qu’il prenait. Soudainement,  il se releva et tapa un petit poing sur sa paume. Sa chope faillit se renverser, une partie de son contenu se déversa sur une petite table en bois, non loin de son collègue.  Nullement perturbé, le pirate, commença à débiter d’une traite :

    - EURÊKA ! Non pas ton putain de geôlier, juste RAAAH, laisse-moi finir ! Le gars, vu qu’il va te dire non à tout, vu que c’est un insatisfait à vie, titille-le de suite. Dès qu’il arrive, tu lui parles d’un arrivage bien particulier, qui a été mis à part, que t’as pensé à lui, bref c’est toi le marchand de tapis, pas moi. Ensuiiiite, tu prends bien ton temps avec chaque spécimen, histoire de bien le faire mariner l’enc- euh le con. Et tu continues à parler de cet arrivage si précieux, si singulier, mon cul, mes nageoires bref. Une fois que vous avez fini de faire le tour et qu’il a refusé toutes tes propositions, déjà de un : parce que c’est un branquignole et de deux : car il bouille de voire ta marchandise incroyable, tu lui annonces quoi ?

    Doudou empoigna sa chope et grimpa avec habilité sur le tonneau. Malgré le fait qu’il avait déjà une quantité d’alcool non négligeable dans l’organisme, le petit être n’en restait pas moins bien vif. Une fois le tonneau atteint, il se posta en vainqueur et asséna son idée :

    - UN ACOMPTE MON POTE ! Il laissa un petit instant de flottement, pris une gorgée du fond de rhum qu’il restait après son tintamarre et reprit, ses yeux verts pleins de malice - Bah ouais attends, autant le dépouiller à fond les voiles !

    L’axolotl, totalement excité à cette idée, se replace en position assise sur sa barrique, sa queue virevoltant dans l'espace et percutant la petite lanterne qui éclairait cette scène bien cocasse.  Il reprit très sérieusement :

    - T’explique avec ton discours de beau parleur que tu  peux raisonnablement pas montrer ce corps de rêve à n’importe quel pélot, mais que moyennant un acompte bien rondouillard, tu peux le lui montrer. Tu flagornes, lui fait croire que le prix est moins cher pour lui, vu que c’est un habitué !

    Marimba, satisfait, croisa les bras en hochant la tête. Quand il s'agissait d’argent, l’hybride avait de la suite dans les idées, surtout quand il fallait entourlouper un faquin de la rép’.

    - Si t’en es, j’en suis Capitaine, et plutôt deux fois qu’une. Par contre, faudra pas essayer de me la faire car on marche à deux là dedans, je veux ma part d'esbrouffe. Pas de Doudou, pas de filoutage.

    Et il leva son verre en direction de Saumâtre, trinquant à leur future affaire.
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    Capitaine Saumâtre
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  • Jeu 18 Jan - 13:13

    Ecoutant les remarques de son compère pirate, Saumâtre éclata d'un rire franc et particulièrement bruyant, manquant de renverser sa propre chope.

    - Ouais, j'suis plutôt bien sûr de vouloir l'envoyer se faire foutre. Des clients, on en a régulièrement et mon boulot c'est la piraterie avant toute chose. S'il est pas content et se barre, tant pis, j'vendrai ma came à d'autres débiles. Ou bien je m'occuperai d'autres bateaux, c'est clairement pas un problème. Et puis là, c'est l'occasion de bien se marrer. En plus de se faire du pognon.

    Il se replaça, fixant dans les yeux le petit hybride qui se dandinait devant lui. Son plan, il était parfait. Aucun risque que quoique ce soit ne tourne pas comme prévu. Après tout, c'étaient des vrais génies. Pas besoin d'universités ou de trucs du genre quand on avait de gros cerveaux comme eux.

    - L'acompte, c'est du putain de génie. Et t'en fais pas l'ami, je partage toujours le butin avec mes gars et le reste de la flotte, pas d'raisons que ça soit pas le cas là. Mais ouais t'inquiète, j'm'occupe de le baratiner comme il faut. Toi... Bha... Fais bien ce que t'as à faire hein. Allez, à toute. T'entendra le signal de toutes façons vu comment mes gars beuglent à chaque fois.

    Il se releva alors, toussotant doucement tandis qu'il replaçait son tricorne. Quittant donc la cale du navire, le triton scruta calmement l'horizon alors que le soleil entamait lentement sa course vers le bord des océans. Respirant longuement, l'enfant du Récif Noir étira un large sourire en imaginant ce qui allait suivre. Oui... Ca allait être une putain de bonne soirée. Et une putain de bonne blague.

    Ainsi, lorsque le début de soirée commença, tout l'équipage de la Renégate avait préparé le pont comme à l'accoutumée. Appuyé contre l'une des rambardes, Saumâtre scrutait silencieusement les différents clients qui pouvaient se présenter. Rien d'inhabituel, jusqu'à l'arrivée du fameux acheteur. Se redressant donc de son appui, le triton s'avança doucement vers le rondouillard qui servait de marchand et le salua d'un signe de tête faussement amical.

    - Bienvenue à bord M'sieur Borginov. J'espère que l'voyage a pas trop été ennuyeux.
    - Epargnez-moi ces imbécilités Saumâtre. Vous savez tout comme moi à quel point venir ici m'ennui. Toute cette... Crasse. Vous n'êtes vraiment que des porcs à Brumerive.
    - Ouais. Mais des porcs avec de la bonne came hein, sinon on resterait bien au chaud dans son manoir du Dorei pas vrai? Il étira un large sourire carnassier. Z'avez de la chance en plus, j'ai un arrivage particulier cette fois. J'ai même pensé à vous. Enfin vous verrez, mais ça n'a rien à voir avec la marchandise habituelle.

    Le nobliau se contenta de renifler, mais son œil pétillant qui glissa vers la porte de la cale en disant long sur son intérêt piqué. Tant mieux. L'hameçon prenait. Faisant donc par la suite tout son manège habituel, Saumâtre mena un début de vente relativement classique, insistant bien sur le fait qu'il avait retenu le meilleur que pour les plus méritants. Chaque fois, en appuyant bien de ses prunelles fendues le bougre à la bourse trop pleine. Les specimens défilèrent donc comme prévu sur le navire, faisant grimper ici et là quelques enchères qui ravissaient au plus haut point l'enfant du Récif Noir. Pourtant, malgré ces gains relativement classiques, le marchand d'esclaves s'amusait à observer le fameux Borginov qui ne levait pas le moindre doigt. Il fallait dire que chaque fois, Saumâtre lâchait des petites infos sur sa prise unique, et sur le fait qu'elle saurait ravir même les plus grands appétits. Des mots choisis volontairement pour attiser la déviance sexuel de son acheteur. Fallait connaître son répertoire après tout. Oh, Saumâtre jugeait pas spécialement les appétences de chacun, tout le monde avait le droit de fourrer ce qu'il voulait, pour ce qu'il en avait à foutre. Par contre, ça devenait important dès que ça affectait les affaires et pouvait lui permettre d'accroitre ses propres finances. Quand les derniers esclaves furent présentés, le capitaine de la Renégate s'approcha de sa proie actuelle, tout sourire.

    - On a rien vu qui plaît à sa majesté M'sieur Borginov?
    - Assez. Votre marchandise unique là, des précisions? Je peux la voir?
    - Hahaha, je savais que vous êtiez un "connaisseur". Disons que la marchandise possède la composition parfaite. Un savant mélange de moiteur et de gluant qui permet de tout accueillir à la bonne température. Si vous voyez c'que j'veux dire. Il fit un clin d'oeil volontairement appuyé. Enfin bref, suivez-moi.

    Il ouvrit donc la porte, descendant doucement vers la cale où se trouvaient les marchandises les plus "exquises". Souriant au plus haut point, le pirate s'arrêta devant la porte qui marquait la séparation avec son ami pirate qui attendait de l'autre côté. Se plaçant devant, le capitaine gratta sa nuque comme un peu gêné avant de reprendre la parole. Un jeu, comme depuis le début.

    - Ah ouais, j'ai oublié. Ce bougre tombe dans la catégorie super rare. Du coup, on peut pas juste le voir comme ça, vous connaissez les règles. Faut verser un petit pécule pour pouvoir poser les yeux dessus. Un petit quelque chose pour compenser la peine même si vous achetez pas car juste le voir, c'est prendre du risque pour nous, surtout à Brumerive. Donc euh... Faut verser des pièces. Un petit acompte en quelque sorte. Si vous achetez, naturellement je retire ça de la vente vous voyez?
    - De combien parlons-nous Saumâtre? Arrêtez de vous perdre en parole.
    - Normalement deux pièces d'or comme la vente est à cinq minimum. Mais vous êtes un bon client. Régulier. Donc on va dire une seule pour vous. Ca vous va?

    Borginov prit une longue inspiration, fermant les yeux. S'il mourrait d'envie de voir la marchandise, le bougre n'était visiblement pas très amateur du fait de se séparer en avance d'un peu de son argent. Fort heureusement, un gémissement improbable provenant de derrière la porte semble l'ancrer de nouveau dans la réalité, et dans les vices qui gisaient derrière son front trop large.

    - Très bien. Voila pour vous. Maintenant Saumâtre, montrez-moi cette merveilleuse marchandise.

    Et la porte s'ouvrit donc sur Doudou. A présent, c'était à lui de faire son numéro.
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    Doudou Marimba
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  • Jeu 25 Jan - 19:07

    Marimba restait là, comme deux ronds de flan. Il ne savait pas trop quoi faire. C’était une chose que d’avoir de grandes idées, c’en était une autre de les mettre à exécution. Il resta assis sur son baril un petit moment, les jambes croisées et un coude posé sur la cuisse. Il regardait la cale où il avait été laissé seul. Mmmmmh qu’allait-il bien pouvoir faire pour se vendre le mieux à l’autre empaffé ? Il fallait que ça soit vraiment ridicule, poussé à l’extrême. Histoire qu’il regrette bien d’avoir fait la fine bouche et d'avoir aligné l’oseille trop vite. Sans vraiment y faire attention la première fois, Doudou posa une nouvelle fois son regard sur un coffre entrouvert. Il semblait usé, et quelques tissus et perles en dépassaient. Cela devait être des souvenirs de pillages de Saumâtre, sans trop d’importance pour qu’on en fasse quelconque commerce mais pas assez gnognotte pour s’en débarrasser.

    L’axolotl s’expulsa de son baril, dans un saut maladroit. L’alcool commençait un peu à taper sur le système de l’amphibien. Il s’agenouilla devant le coffre en métal et l’ouvrit dans un grincement très désagréable. Il y avait de tout là dedans ! Des jupons, de la dentelle, des perles en verre et cristaux semi-précieux. Sacré Saumâtre, que des trucs de gonzesses. C’était peut être le butin laissé par ses poules, au vu de la quantité de fripes présentes. L’hybride poussa un sifflement grivois, puis se mit à fouiller avec entrain, ses yeux verts emplis d’une malice pétillante. Il rigolait dans ses branchies, à la vue d’un sous-vêtement, d’un corsage ou d’une jarretière, tout en répétant “oh le cochon, oh l’animal !”. Il en aurait presque oublié sa mission, si il n’avait pas entendu tout le tintamarre que faisait l’équipage et leur capitaine sur le pont principal. Baste, fallait se dépêcher. Il attrapa quelques dentelles, jarretières et bijoux et les passa de manière presque élégante. Il décida, par amour du risque, d’enlever son inséparable tricorne, et son veston en cuir. Il revêtait, à la place, une chemise à jabots flanquée de froufrous aux manches et de boutons de fausses perles. Il eut la chance de trouver des boucles d’oreilles à clips et se les mit sur chacune de ses branchies. Il enfila un ras de cou et un collier en perles de quartz rouge. Doudou poussa le vice jusqu’à s’attacher un jupon de soie et dentelle à taille, laissant juste une fente où son caleçon de coton pouvait être aperçu. Il avait enlevé ses bottes élimées et avait réussi à enfiler des bottes bien plus raffinées et féminines - Oh le cochon, oh le salaud - Lacées derrière le mollet, galbant bien la plante de pied. On critique, on critique mais au moins avec sa petite taille, il pouvait en faire des choses incroyables !

    Bon, à présent, il fallait qu’il trouve une pose à tout péter quand la porte s’ouvrira enfin. Il placa sur la petite table une énorme jupe en velours côtelé, avec moultes dentelles entrelacées et quelques pierres solitaires très clinquantes. C’était parfait.

    Plus qu'à attendre maintenant. Etrangement, Doudou n’eut pas à patienter bien longtemps. Il était vrai qu’il avait mis un certain temps à s’apprêter, appareillé comme il était. Il entendit enfin la voix de Soso et son insupportable client. Le boug’ mettait mille ans à se décider, alors l’axolotl poussa un énorme soupir, de manière à se faire entendre. Il y eut un instant de flottement, puis le bruit d’une clef qu’on trifouille dans la serrure. La porte de la cale s’ouvrit enfin sur un Doudou Marimba fagoté comme une princesse d’Aquaria.

    - Ciel ! Mais qui voilà ? Qui êtes-vous, qui vous envoie Messire ! S’écria l’hybride en prenant une mine faussement affolée. - Je vous en prie Monseigneur, ne me faite pas de mal. Je suis une créature si délicate, je ne m’en remettrais pas si il m’arrivait malheur…Malheur qui noie déjà bien ma vie, mon pauvre petit être se languissant tout seuuuul dans cette petite, petite, petite caaaaaaaale.
    Et il prit une pose éplorée, le dos de sa patte contre son front plat. Il s’éventa alors avec éventail trouvé à la va vite et improvisa avec, battant des cils sur des yeux larmoyants.

    Le client resta bouche bée. C’était un gars pas bien grand, en costume à jabot, une manteau de soie verte aux broderies d’or. Un chapeau bien trop grand pour sa petite tête lui mangeait le front, et le nombre astronomique de plumes décorant le couvre-chef frisait le ridicule. Il avait en main une canne, dorée elle aussi, en bois sculpté. Mazette, un vrai de la vraie celui-là ! Marimba lança un regard complice à Saumâtre, entre apercevant Syrtes, qui se retenait manifestement d’éclater de rire. Il attendit donc que le client se mette en rage, en rogne, en furie, en continuant de s’éventer doucement et poussant des petits couinements effrayés.

    Au bout de quelques secondes, qui parurent très longues pour le navigateur grimée en jeune pleureuse, le client prononça enfin ses premiers mots :

    -….Mia

    - Hein ? Avaient dit en chœur Doudou et Saumâtre.

    - EUPHEMIA ! S’écria Borginov en s’élançant vers l’axolotl.

    L’homme attrapa les pattes de Doudou, tellement surpris qu’il en lâcha son éventail, et les embrassa. Littéralement sur le cul, l’hybride ne réagissait pas et resta bouche-bée.

    - Hein ? Répéta-t-il complètement perdu.

    - Ma belle, ma douce Euphemia. Où étais-tu donc, ma muse, pendant ces années si mornes, si solitaires, où mon cœur n’appelait que toi ? Se lamenta le client, en admirant l’amphibien, ne lui lâchant toujours pas la main.

    - Euh, ben j’étais ici…

    - Ah sacrebleu, les mécréants ! Ne crains plus rien mon cœur, tu es sauvée de cet endroit de malheur. Rien ne pourra plus se mettre en travers de ton destin, de notre destin !

    - Ouais, tout pareil ahah… Paniqué, l’axolotl reprit son éventail avec une main maladroite et lança des appels désespérés à Saumâtre. Il articula silencieusement au capitaine : ON FAIT QUOI BORDEL ?!

    - Saumâtre ! Borginov virevolta vers le capitaine de la Renégate. - Je vous ordonne de libérer cette divine créature à l’instant ! Qu’importe le prix car, créature viciée que vous êtes vous ne pourriez pas comprendre que l’amour n’a pas de prix ! Ma chère amie, ma chère Euphemia, ne vous en faites pas, votre calvaire est fini et bien fini !

    Et il flanqua une nouvelle fois un baiser sonore sur le dos de la patte de Doudou. Plus du tout amusé, la salamandre ne cachait plus son désarroi, et le ricanement étouffé des hommes de Saumâtre n’arrangeait rien. Bon, la blague avait assez duré, peut-être que le pirate allait foutre le malandrin dehors, histoire d’arrêter les frais. Avec un petit rire nerveux, il se risque à dire :

    - M’enfin conna- euh mon ami, le Capitaine ne me laissera jamais partir, je suis bien trop précieu…Se oui voilà précieuse à ses yeux… Hein Capitaine ?

    Il faut sauver le Marin Doudou [Marimba] A0e27010
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  • Ven 26 Jan - 21:51

    S'il fallait bien avouer quelque chose, c'est que Doudou était véritablement doué pour ce qui était du grimage. Ainsi vêtu, même Saumâtre avait eu du mal à reconnaître l'hybride. Et surtout... Quel jeu d'acteur incroyable! Retenant sans cesse de rire, le capitaine de la Renégate écouta les mots du navigateur qui se faisait passer, à merveille, pour une jeune axolotl apeurée. En revanche, ce que le triton n'avait pas prévu, c'était que l'acheteur en question se prenne lui aussi autant au jeu.

    Quand le bougre s'enflamma soudainement, et que Doudou sembla finalement réaliser les problèmes dans lesquels ils baignaient, Saumâtre étira un large sourire à son comparse, répondant silencieusement à ce dernier en mime "on, ne, fait, rien". Pour l'esclavagiste, il était clair que tout devait continuer. Le but était de plumer ce bougre après tout, n'est-ce pas? D'ailleurs, en parlant de ce dernier, il venait de se retourner pour prendre des airs de grands princes alors qu'il... Il venait vraiment de préciser qu'il était prêt à mettre toute la somme? Les pupilles fendues de l'orphelin semblèrent briller d'une lueur nouvelle et lorsque Doudou lança sa dernière phrase, l'être marin s'avança légèrement pour tapoter doucement la tête de son camarade pirate travesti.

    - Cent pièces d'or. Le pirate étira un peu plus son sourire carnassier. Normalement le prix devait être de 75 PO avec la ristourne de l'acompte. Mais hey, vous l'avez dit vous même pas vrai? L'amour ça a pas de prix.
    - Vous êtes une ordure Saumâtre.
    - Un marchand. Qui n'applique que les principes basiques du commerce et de l'offre et la demande. Et vous mon bon m'sieur, vous venez de faire grimper la demande.
    - Humpf!

    Se retournant alors soudainement, Borginov quitta la cale en trombe, disparaissant de la vue des deux pirates. Eclatant de rire, le triton retint quelques larmes qui étaient venus se présenter aux coins de ses yeux sous sa propre hilarité.

    - Putain c'était incroyable hahahaha. Ce con. Cette gueule. J'sais pas qui c'était cette Euphemia, mais visiblement, elle savait le combler comme personne! Il fixa la tronche du pirate travesti. Oh, ça va, fais pas cette gueule. Tu sais ce que ça représente cent pièces d'or? Jamais il aurait ramené ça à Brumerive ce con. Jamais il aurait les thu-

    La phrase du capitaine de la renégate s'arrêta au moment même ou le fameux acheteur revint dans la cale, accompagné d'un mignon qui tenait dans ses mains un petit coffret d'argent. S'arrêtant devant l'entrée, le nobliau et son accompagnateur fixèrent le pirate bleu. Puis le sbire de ce dernier vint ouvrir le fameux coffret, révélant à l'esclavagiste et son ami hybride une multitude de pièces dorées.

    - Cent pièces d'or, comme convenu.
    - Oh putain... Euh j'veux dire, très bien. Belle somme que vous avez récolté là. Et surtout. Très vite haha. Vous en avez de la chance Euphemia. En plus d'être dévoué il est sacrément co- pété de thunes votre chéri.
    - Puis-je récupérer mon bien à présent? Vous n'allez pas compter chaque piè-
    - Ola ola ola. On se détend la nouille m'sieur Borginov. Je sais que vous êtes pressé, mais vous voyez bien que mam'zelle est pas maltraitée ici. Et vous connaissez la règle concernant les gros paiements. Syrtes va compter les pièces, mais j'vous fait confiance. Par contre, faut naturellement que j'remette les fers à notre jolie dame avant de vous la remettre. Et en attendant, vous patienterez sur le pont.
    - Fort bien. Je t'attendrai avec patience, ma douce Euphemia!
    - Ouais ouais, faites donc ça hein.

    Claquant des doigts, l'acheteur reparti finalement, laissant enfin les deux pirates ensemble. Se retournant d'une traite pour faire face à l'hybride et être certain que ce dernier ne tenterait pas de le suriner, Saumâtre leva les deux mains comme pour dire à son camarade d'attendre.

    - Okay okay! Deux secondes. Je sais, tu te demandes pourquoi j'ai accepté. Mais réfléchis. Cent. Putain. De. Pièces d'or. Ca vaut plus que nos deux dernières ventes mon grand. Il gratta son menton, y réfléchissant quelques instants. Tu sais te faufiler et jouer l'anguille partout toi. T'es un véritable filou et en plus, ce con t'as à la bonne. Alors voila. On va te filer à ce débile. Tu vas cligner trois fois des yeux, il va sûrement se lâcher dans ses braies et il te verra même pas partir. Tu reviens sur le navire, tu te changes et tout. Et hop. Lui il passe pour un con, et nous on se fait cinquante putain de pièces tous les deux! C'est absolument parfait. Aucun risque que ça foire. Et puis, tu connais la règle aussi vis à vis des esclaves. S'il perd sa propriété après la vente, c'plus notre problème.

    Il s'arrêta un peu, entendant les potentielles remarques du petit hybride tout blanc.

    - Et ça vaaaa. Si ça part en cacahuètes, je file prévenir papa bigbig. Ca te va? Son bateau est là, mais il y a aucun monde où il peut échapper à la Ginette et à la Renégate. Deux heures. Deux heures c'est le temps max avant qu'on se jette à sa poursuite si ça tourne mal. Il tendit les fers à son camarade. On continue, ou bien on se fout cent pièces d'or au cul?
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    Doudou Marimba
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  • Lun 8 Avr - 15:54


    Il fallait avouer des fois, les idées de Marimba revenait lui mordre le cul. Bien comme il faut, en plus. Aujourd'hui c’était exactement ça. Jamais il n’aurait cru que Borginov aurait lâché autant de pèze sans broncher juste pour acheter un axolotl en jupons. Désabusé, le pirate secoua ses deux pattes où le riche client avait bavé dessus, en faisant des bruits inintelligibles avec une affreuse grimace. Il effectua par trois fois un geste croix sur sa poitrine, en répétant :

    -Par les tripes de Kaiyo, par les tentacules de Bigorneau ! Il secouait ses petites pattes de plus belle. Il se retourna vers son compère, furibond :

    - Mon cul vaut bien plus que cent putain de pièces d’or, enculé. On voit que c’est pas toi qui va devoir parader au bras de ce grossier personnage, en se faisait appeler par un nom de mamie d’Aquaria. Echaudé de sirène moite !


    Il avait beau pester comme un beau diable, son sort était déjà scellé. Il savait pertinemment que l’équipage de Saumâtre ne laisserait jamais passer cette aubaine, et leur maudit capitaine serait bien capable de le séquestrer juste pour mener à bien la transaction. Doudou était loin d’être faible, mais il n’avait aucune chance de gagner un quelconque combat contre le triton avec un corset et des jupons affriolants. Il était baisé comme un tacaud dans la vase.

    - Okay, alors tu vas pas me la faire à l’envers une seconde fois. Dès que je pose ne serait-ce qu’une écaille sur son foutu rafiot, tu me récupères. Les branchies de l’hybride tréssaillèrent de dégoût. C’est hors de question de me faire tripoter par un humain tout dégueu !

    L'axolotl se mit à bouder. Il croisa ses bras contre son corset, et se détourna effrontément de son comparse. Sans se préoccuper de Saumâtre, Doudou réfléchissait à toute vitesse. Il ne savait pas vraiment pourquoi mais il avait un mauvais pressentiment sur cette vaste blague. Il était un peu devenu le saumon de la farce, ça c’était déjà chiant. Mais quelque chose lui disait qu’il allait passer un mauvais moment. Le navigateur de la Ginette poussa un gros soupir. Qui vivra verra comme on dit.

    ***

    Merde, merde, merde, merde. Connaud de triton à cul mal baisé.
    Le petit axolotl se retint de prononcer ses jurons à haute voix quand il posa la patte sur cette maudite embarcation. Il le sut de suite : ce bateau dépotait du lourd. Il observa de manière furtive, sans écouter les élucubrations de son acheteur. Propulseur magique, doubles timons, du bois d’une qualité à faire jalouser n’importe quel marin. Ah ça, le boug’ il savait où placer ses sous, bordel à boudin de Kaiyo.  Il fallait qu'il échaffaude une retraite, et fissa. Il n’était plus entravé, et s' il se déssapait très vite, il pouvait toujours se jeter à l’eau et bye bye l’hybridophile. Alors qu’il s’apprêtait à poser une patte discrète sur la rambarde du pont principale, il sentit une force inconnue repousser son contact. Incrédule, Doudou abandonna toute idée de discrétion et se mit à taper dans le vide, n’arrivant pas à atteindre cette foutue rambarde.

    - Ingénieux n’est-il pas ? Au son de la voix de Borginov, le marin faillit se retourner et lui en coller une mais ce qu’il vit lui coupa totalement tous ses moyens. Il poussa un cri de surprise approximative qui devait ressembler à ça :

    - MAISQUEARGHLBHEHEHEPUTEHEIN ?!

    Borginov se tenait droit comme la justice, les mains sur les hanches, torse nu. L'énergumène était ridiculement musclé, sa peau était finement huilée et il fit jouer de ses pectoraux. Une moustache bien lisse et impeccable trônait en dessous de son tarin. Son chapeau avait été bazardé, et son crâne brillait au soleil d’une lueur insolente. Son pantalon n’était autre qu’un sharovari en lin vert. Une paire de sabres démesurément grands étaient accrochés à une imposante ceinture de cuir camel. La boucle de ceinture, tout aussi imposante, était en argent, ovale et sertie de péridots. Il portait des  bottes hautes de très bonne facture, au bout recourbé. D’un claquement de doigts, une petite tortue hybride vint l’aider à enfiler un superbe kobenyak en feutre, vert également. Borginov avait été relooké en à peine cinq minutes.
    Bouche-bée, Marimba ne sut quoi dire. Borginov, fier de son effet, passa sa main contre ce qui semblait être du vide, mais une résistance manifeste l’empêchait lui aussi d’accéder à la barrière.

    -Petite invention de ma part. Je déteste lorsque mon équipage passe par dessus bord, et j’ai une sainte horreur de me faire aborder par des miséreux de seconde zone. Pas mal hein ! Dit-il en faisant un clin d'œil au pauvre axolotl.

    - Euh. M'enfin...Vous êtes pas un petit bourge de rien du tout de base ? Se risque Marimba, commençant à avoir un doute poindre dans son petit ventre d’hybride.
    Borginov éclata d’un rire tonitruant, les poings toujours sur les hanches. Ses muscles trésaillèrent sous le coup de l’hilarité du bonhomme.

    - On peut dire que j'ai une certaine aisance dans ma vie, oui.  Le secret d'acheter des parts au bon moment eh. Il faut juste se servir un peu de sa cervelle. Je préfère juste ne pas révéler mes atouts, surtout avec un personnage tel que Saumâtre. On est jamais trop prudent, n’est ce pas ? Autre clin d'œil. Putain encore un clin d’oeil et je lui arrache les yeux à Monsieur Muscle. - Mais j’oublie mes manières ! Norbert Borginov, capitaine de la Postiche Intrépide !

    - Capitaine ?! Le pirate faillit s’étrangler. Il avait pas du tout prévu ça. Non, non pas du tout prévu ça.

    - Eh oui eheh, mais ne craint plus rien, ma douce. Tu es en sécurité au sein de mes bras aux muscles saillants !

    - Nan mais duco...Capitaine. Vous êtes un pirate ?! S’exclama l’axolotl en essayant de garder cette voix aigue et nasillarde qui semblait marcher sur le moustachu. Si c'est un pirate, c'est la mouise louise. Pitié, faites qu'il soit juste un branquignole qui joue au marin pendant ses temps perdus de gosse de riches...

    - Mh, je dirais plutôt marin indépendant ! Après si un vaisseau venait à piquer ma curiosité, une petite visite n’est pas exclue. Et il se remit à rire comme un beau diable.

    - Ouais t'es un pirate quoi.

    - TOUJOURS EST-IL QUE !

    Borginov s’empara des pattes de la supposée Euphemia, et lui sortit un monologue romantique et mielleux, lui expliquant qu’ils allaient couler de jours heureux ensemble et qu’il avait hâte de lui montrer sa cabine. Se crispant de tout son long, Marimba bafouilla des remerciements et regardait autour de lui.

    - Euh je peux rester sur le pont, le temps du départ ? J’aime beaucoup les bateaux, euh c’est vraiment trop joli la mer et tout…

    - Mais bien sûr ma caille en sucre caramélisé ! Je te présente Jeannine. C’est ma seconde et ma plus fidèle associée. Elle te tiendra compagnie le temps du départ. Je dois t’abandonner mon cœur, je dois donner les ordres. A bien vite, ma vie.

    Il plaque un énorme baiser sur le crâne de l’hybride et s’en fut, ses épaules carrées faisant un mouvement accentué, les muscles au vent.
    La dite Jeannine s’approcha d’un pas traînant vers Doudou. Elle avait un regard blasé, des cernes bien creusées et les yeux mis clos. Sa carapace grinça quand elle arriva à sa hauteur. L’axolotl lui jeta un regard désespéré. Elle lui rendit le même, et dit d’une voix caverneuse :

    - Adieu la liberté. Et elle fit un petit au revoir de sa patte écailleuse à l’embarcadère. Le pirate pouvait encore voir la Renégate d’ici. Paniqué, Doudou tenta une nouvelle fois de sauter par-dessus la rambarde, pour se faire repousser des quelques mètres après avoir rebondi contre le bouclier invisible.

    - Oh nononononononononononononononon !!! Il se mit à quatre pattes et chercha une issue, n'importe laquelle mais une issue, qu'importe tant qu'elle lui permettait de quitter ce navire de sirotés du rococo.

    - Accroche-toi bien. Crut-il entendre de la part de la tortue.

    Une sorte de vrombissement commença à se faire entendre, et la Postiche se mit à vibrer. Dans un bruit assourdissant, le vaisseau fut propulsé à une vitesse impressionnante vers l’horizon. Sans aucune émotion, Jeannine qui se tenait d’une patte à une corde, regardait l’amphibien qui se faisait secouer dans tous les sens :

    - Weeeeeeee. Dit-elle sans le moindre engouement.

    Il y eut des BOUMBOUMBOUM, des SHABALABALABLAM et des BIMBADABOUMBASTIC et enfin le calme plat. A plat ventre sur le plancher du bateau, tout raplapla, le pauvre Doudou essyait de retrouver ses esprits. Une paire de pattes le remit sur pieds sans cérémonie, écartant un jupon qui entravait sa vision. Le pirate vit avec horreur qu'il n'y avait que de l’eau autour d’eau. Oui, en plein océan c’est normal. Mais c’était bien ça le problème. Brumerive n’était plus du tout visible. Ils s’étaient littéralement envolés.

    - Meeeeeeerde.

    - J’espère que t’aimes les poireaux. Une patte lui tapota gentiment l’épaule.

    - Oh ta gueule Jeannine.

    Il était foutu.
    HO HO HO !
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    Capitaine Saumâtre
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  • Mer 10 Avr - 19:02

    - Ah ouais. Chiant ça.

    Grattant son menton, Saumâtre observait le navire de Borginov qui déjà arrivait au niveau de l’horizon. Tout s’était passé extrêmement rapidement et, s’il estimait pouvoir toujours rattraper le bateau de l’acheteur, le triton ne s’était absolument pas attendu à ce que ce dernier dispose d’un vaisseau aussi… Rapide.

    - Du coup on fait quoi ? On laisse Doudou se démerder ?
    - Ben… J’aurais pu dire que oui, mais j’l’aime bien ce con. Pas trop envie de le voir se faire défoncer la raie par un putain de dégénéré.
    - Charmant.
    -  Ouais bon hein, il compte pas lui masser docilement le bout des orteils. Bref. On s’en fout. Je reviens, dis aux gars de préparer notre départ.
    - On le suit donc ?
    - On le sauve.

    Quittant alors la compagnie de sa sœur, l’enfant du Récif Noir se précipita en direction de la hutte où se terrait habituellement Bigorneau. Naviguant parmi les saoulards et autres pirates moins alcoolisés, Saumâtre n’hésitait pas à jouer des coudes et grogner sur tous les imbéciles qui osaient se dresser sur sa route, volontairement ou non. Parvenant finalement jusqu’à la « demeure » de l’élémentaire d’eau, le triton enfonça presque la porte, haletant de sa remontée de Brumerive et sa course rapide.

    - Ok. Amiral. On a un peu joué aux cons. Il reprit son souffle, ancrant ses prunelles dans celles de Bigorneau. Doudou s’est fait enlevé par un noble au navire trop rapide. Bon. Il s’est fait enlevé car on jouait un tour au dit noble mais peu importe. Son navire s’est carapaté assez loin et notre hybride axolotl est dans la merde. J’vais les poursuivre avec la Renégate et tout mais, si tu veux venir, je prends. Oh et, toute cette histoire nous a déjà rapporté cent pièces d’or, si on chope l’autre con sur son navire, j’suis sûr qu’on peut gratter plus en même temps qu’on récupère Marimba. Bref, j’y vais fissa. Vous me retrouverez en mer si jamais.

    « Ou lorsque je devrais compenser votre équipage pour la disparition du navigateur » fut-il tenté d’ajouter. Quittant donc la case avec hâte, Saumâtre refit le même chemin qu’à l’aller, d’un pas toujours aussi pressé et d’une humeur toujours aussi désagréable. Comment diable ce con de noble avait-il pu avoir un navire comme ça ? Pourquoi est-ce qu’ils s’étaient tous laissés aller à cette farce débile ? Ah oui. L’or. Arrivant finalement au niveau de la Renégate, le triton fut satisfait de constater que le bateau était pleinement paré au départ et n’attendait plus que lui. Traversant rapidement le ponton de bois qui permettait d’accéder au navire, l’enfant du Récif Noir fit un signe de tête approbateur à sa sœur qui ordonna par la suite immédiatement le départ du navire. Puis, les pirates hissèrent le pavillon noir. Il n’y aurait pas de négociations. Pas de pitié pour ceux qui s’en prenaient aux leurs. Que cela soit de leur propre chef ou non.

    Traversant ainsi les flots rapidement, le navire esclavagiste montait et descendait au rythme capricieux des vagues et des courants maritimes. Situé à l’avant du navire, l’être aquatique pestait intérieurement. Ils étaient trop peu rapide. Le vent avait décidé de ne pas souffler complètement dans leur poupe et il se retrouvait donc d’adopter un rythme de croisière permettant de profiter du souffle. Commençant à être agacé par le fait de ne pas voir le bateau de Borginov, le capitaine de la Renégate ordonna rapidement à tous ses hommes de s’attacher à ce qu’ils voulaient. Puis, le pirate ordonna à ce que les voiles soient parfaitement accrochées aux structures qui les soutenaient. Canalisant ensuite toute son énergie élémentaire dans sa main, le pirate esclavagiste relâcha brutalement toute sa puissance directement dans les voiles de la Renégate, les gonflants avec force et les poussant à leurs limites.

    L’effet escompté se manifesta cependant avec brio et porta le vaisseau pirate à une vitesse vertigineuse. Accroché au mat principal, le triton se mit à rire de manière grotesque alors qu’il continuait de canaliser tout son pouvoir élémentaire. Quand il cessa enfin de manier son pouvoir, la Renégate s’écrasa avec lourdeur sur les flots agités de l’océan libre. S’éloignant par la suite de la structure de bois, l’esclavagiste se rapprocha de la proue pour observer l’horizon alors même que l’Arpenteur situé au niveau du nid de pie beuglait quelque chose. Puis, ce fut un sourire amusé qui déforma les traits de l’orphelin du Récif Noir.

    - Moi aussi je peux être rapide mon con. A tous ! On lance la poursuite !

    Hurlant comme un seul hommes, la multitude de pirates aquatiques se mit en marche. Les cordes furent tirées et réarrangés, les voiles malmenées plus tôt replacées pour prendre tout le vent possible. La Renégate était la reine sur les flots en terme de vitesse et maniabilité, et il était temps de le rappeler à qui pouvait encore en douter.

    - Préparez les sabords ! Que les canons soient prêts à vomir sur ce foutu rafiot s’il accepte pas de ralentir la cadence ! On fait pas ça juste pour choper un butin à la con les gars ! Il faut sauver le marin Doudou !

    Bon. En vérité, Saumâtre était même pas certain que l’hybride était encore sur le navire et, de là où il était, il ne pouvait distinguer grand-chose même avec sa longue vue. Alors, autant motiver les troupes. Autant faire en sorte qu’ils se donnent à fond. La culpabilité ça marchait pas fort donc il était inutile de rappeler à l’équipage qu’ils étaient en partie responsable de la « capture » de l’axolotl. Donc il valait mieux taper sur l’héroïsme de la chose, sur le code des pirates et toutes ces conneries morales que Saumâtre utilisait autant que possible pour canaliser l’égoïsme de ses gars. Ils lui étaient fidèles à lui après tout, mais pas au navigateur d’un autre équipage, aussi proche ce dernier pouvait il être d’eux. Passant ensuite sa tête par-dessus la rambarde de la Renégate, le triton inspecta ce qui se trouvait sous l’eau. Avec de la chance, Bigorneau s’était joint à lui. Sinon… Et bien il comptait bien éclater la gueule de ce noble. Au départ, ses reproches à son égard étaient personnels. Maintenant, c’était devenu à la fois personnel, et professionnel.

    Et personne ne flouait un pirate comme ça. Tout du moins, pas sans en payer le prix.

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  • Mer 10 Avr - 20:55
    C’était pas si mal finalement. Il aurait jamais pensé se faire masser les pieds par un humain, mais voilà, il y avait une première à tout. A demi allongé sur une ottomane, à l’ombre, sur le pont principal, un espace avait été aménagé juste pour lui. Une ombrelle frémissait au grès d’un vent doux et agréable, et le protégeait des rayons du soleil. Comme si il en avait besoin, fi ! A ses pieds, littéralement, se trouvait Borginov, qui ne tarissait pas de compliments et de regards amoureux à son égard. L'axolotl essayait de ne pas trop croiser son regard, histoire d’éviter de se découvrir une nouvelle sexualité. Jeannine se tenait sur le côté, et toujours avec une joie légendaire, agitait lentement un énorme éventail en rotin. Elle poussait parfois des longs soupirs équivoques et roulait des yeux quand son patron s’évertuait dans des sérénades et poèmes plutôt malaisants, il fallait se l’avouer.
    Doudou, lui réflichissait. Quand Saumâtre viendra le chercher, car y’avait plutôt intérêt à ce qu’il le fasse cet empaffé, que pourrait-il bien lui faire ? Lui mettre une paire de baffes ? Trop classique. Lui piquer les cents pièces d’or ? En vrai, il en voulait plus de cet argent. Mmmmh. L’hybride sursauta d’un coup, le visage illuminé d’une expression mesquine.  

    - LES DOIGTS DANS L’PIF OUAIS ! S’écria-t-il en joignant le geste à la parole. Il y eut un moment de flottement, et Marimba resta un instant dans cet position, regardant enfin son ravisseur.

    Borginov, qui avait arrêté de lui masser les petons, était en train de lui montrer sur une carte tous les endroits où il avait pissé dans l’eau. Apparemment, il trouvait ça très amusant. Il écarquilla les yeux à la vue de sa bien-aimée Euphemia qui s’était relevée d’un coup.

    - Mais oui ma chère !C’est ce que je lui ai dit ! Se soulager au-dessus d’un ravin c’était on ne peut plus facile ! Or ce sagouin me répétait qu'il avait le vertige. Un vrai rabat-joie. Je l’ai jeté dans l’océan une fois ma petite affaire terminée. Répondit le capitaine, croyant à une intervention de son idéal dans son monologue.

    - Ahaha yo, ouais dis donc… C’est euh une sacrée histoire…Bafouilla l'axolotl en s’épougeant le front.

    - Que la mort vienne me donner le doux baiser de la délivrance…Prononça la tortue d'une voix excédée.

    Marimba se retourna alors vers elle, en lui adressant un geste familier de la patte. Le patron de la Postiche n’avait l’air absolument pas concerné par le comportement insolent de sa seconde, et se concentrait à présent à ramener du raisin à son aimé. Du raisin, bordel.
    L’observant s’en aller, roulant de toutes ses mécaniques, le pirate arracha le chapeau en dentelle qui lui avait été enfilé de force, pour protéger “Sa peAu DéLiCate Du SOlEiL InGraT”.

    - C’est n’importe quoi ! Vociféra-t-il en jetant d’un geste rageur l’accessoire à terre.

    - De quoi tu te plains, t’as fait la précieuse tout le long.

    - Tu vas pas me dire qu’il le calcule pas l’autre cube sur pattes ?

    - Vraiment pas.

    - Arrête, tu charries.

    L'hybride à la carapace prit une grosse inspiration, ce qui lui gonfla le faciès et exorbita ses petits yeux.

    - Ooooooooooooooooooh-

    -

    - OoOOooOOOoooooooOOoOoOoo-

    - Tu peux abréger s’il te pl-

    - OoOoOoOh que non !

    - Merci.

    - Ca fait des lunes qu’il nous parle de son "partenaire à écaille idéal". Dit-elle avec un air ennuyé. Ils entendirent le capitaine baragouiner sur le devant de la Postiche, et quand ce dernier remarqua que les deux créatures le regardaient, il leur fit des grands signes de mains, et des baisers à la volée adressés à l'axolotl. Il ne parut pas du tout remarquer la mine dégoûtée des deux comparses.

    - Il a truc avec les hybrides nan ? A ces mots, Doudou lança un regard entendu sur l’équipage, qui était majoritairement composé d’hybrides. Il fit la grimace, en essayant de ne pas penser à comment ils avaient été recrutés.

    - Surtout les rares.

    - Les rares ? Mais c’est rareciste !

    - Finaud, nigaud.

    - Doudou, Marimba.

    -

    -

    Un échange de regards entre les deux hybrides. Le pirate crut voir les pupilles de Jeannine s'élargir un tantinet. Il la faisait marrer, il en était sûr. Ou alors il la saoulait grave, au choix.
    Le petit marin s’empara d’un verre à cocktail, qui se trouvait juste à sa hauteur sur un joli plateau d’argent et en sirota quelques gorgées.

    - Bon Jaja, dis-moi qu’il y a un moyen de se faire la malle d’ici. Genre je sais pas, un bouton qui désactive le dôme protecteur, une trappe cachée, un passage secret…
    Jeannine mâchonnait à présent les bouts d’éventail qui dépassaient, et avait reprit son air blasé.

    - Mh miom, nope, miom.

    - Raaah mais allez quoi, je vais pas REELLEMENT me marier avec ce type !

    - Et pourquoi pas, crounch.

    - Nan mais tu m’as bien regardé, dis.

    - Pas vraiment, je vois miom, pas hyper clair, slurp.

    - Bon arrête de parler la gueule pleine et concentre toi la gueuse !

    La tortue marqua une pause, et parut réfléchir très fort. Avec le reste d’éventail qu’il restait, elle se gratta le menton.

    - Ben, c’t’à dire qu’on a déjà un peu tout essayé.

    - Qui ça, “on” ?

    - Beh l’équipage. Tu vois, on est un peu des pièces de collection pour lui.

    - Pervinov.

    - Du coup, il fait en sorte qu'on manque de rien et surtout, qu'on se barre pas en douce. Il parait pas comme ça, mais non seulement l'est futé et plutôt balèze.

    - Gros Pervinov.

    - Après je lui en veux pas, qui pourrait résister à ce corps de rêve.

    - Oui. Bien sûr.

    - Exactement. Le souci c’est que tu vois son bouclier là. C’est du spécial hybride.

    - Ah ouais ? Il avait l’air de dire que c’était universel son truc à la con.

    - Non non ma quiche, c’est tout spécialement que pour nous.

    - Méga Pervinov.

    - Yep. Du coup on est un peu pattes et poings liés.

    - Dis-pas ça Jeannine, je vais pleurer.

    - Parfait, tu pisseras moins.

    - Mais bordel je veux pas me faire farcir la raie par ce typeuh !

    - Au moins toi t’as l’beau rôle. C’est pas toi qui dort sur d’la paille tous les soirs.

    - Aucune offense hein, mais t’as l’air d’apprécier.

    Silence. Puis la tortue tourna lentement sa tête vers Marimba. Ses yeux mi-clos regardèrent enfin l’axolotl. Elle le fixa ainsi plusieurs bonnes minutes. Aussi bien que le pirate commençait à être mal à l’aise. Puis, les commissures de ses lèvres s’étirèrent et elle dit dans un grand sourire fatigué et honnêtement terrifiant :

    - Oui.

    Déstabilisé, l’axolotl ne sut pas quoi répondre. Il avait l’habitude de discutailler avec des trépanés des burettes, mais alors celle-ci c’était le pompon sur le Rebirth. Excédé, il s’affala sur son ottomane, en reprenant ses plans de revanche sur le triton de la Renégate.
    Il faut sauver le Marin Doudou [Marimba] A0e27010
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  • Dim 21 Avr - 18:36
    "Attend, quoi ?"

    C'était plus ou moins tout ce qu'avait réussi à articuler Bigorneau lorsque Saumâtre avait déboulé comme une tempête en plein été dans sa cahute modeste. Attablé à son bureau qui faisait office de meuble à tout faire, l'Amiral fut surpris en plein repas, avec un citron dans la main gauche et une huitre à demi sifflée dans la main droite. Il n'eut pas non plus l'occasion de demander des précisions car, de toute évidence, la situation urgeait et pas qu'un peu. Le vieil Elémentaire rendu grincheux par la perspective d'un tel gâchis poussa un soupir las et comme pour confirmer l'invitation, il râla dans sa barbe tentaculaire avant de jeter la coquille derrière son épaule et d'empoigner le sabre de Beros.

    _

    Pas du genre à jouer les parents surprotecteurs, Bigorneau avait tendance à s'occuper de ses propres oignons lorsque l'équipage des Naufrageurs posait pied à terre et il laissait généralement ses suivants vaquer à leurs propres occupations, qu'elles fussent passablement dangereuses ou non. Il n'avait pas l'habitude cependant de s'impliquer de la sorte dans les âneries de ses compagnons et voyait dans cette sinistre affaire d'enlèvement une source d'agacement qui, en plus, n'alimenterait aucune forme de profit ou presque. S'en prendre aux nobles, pourquoi pas, mais à quelle fin aller se terrer sur un foutu navire ennemi pour mener le plan à bien ?

    Lorsque Saumâtre pencha la tête par dessus la rambarde de sa propre embarcation, ce fut sans doute avec un grand soulagement qu'il aperçut, à la surface des eaux cristallines, les sillons aqueux que traçaient les trois mâts de la Ginette sous les flots. Une vibration se fit ressentir jusqu'au pont de la Renégate et dans une impulsion qui fit naître de puissants remous, la forme massive mais à peine discernable accéléra la cadence, adoptant une allure phénoménale qui donna à la silhouette du rafiot fantôme de faux airs de prédateur marin en chasse.

    Bigorneau, bercé par le silence sépulcral des fonds marins, était de l'humeur massacrante que redoutaient les siens. Le poing serré sur la barre comme s'il avait voulu la broyer entre ses doigts azurés, il insinuait dans la carcasse de son vaisseau unique en son genre une quantité de magie pour le moins impressionnante, ce afin d'écourter une distance pourtant gargantuesque avec le navire où était retenu prisonnier son hydrographe. Toute tête de con qu'il était, Marimba était un élément majeur de l'équipage et l'Amiral ne pouvait se permettre de le perdre pour une bêtise de ce genre. C'était tout bonnement hors de question.

    En proie à la rage, Bigorneau envisagea l'espace d'un instant de balancer dans son puits à mana de quoi alimenter ses canons pour réduire la flèche navale en charpie mais se remémora heureusement que lors des missions de sauvetage, démolir la prison où était retenue la cible n'était pas l'idée du siècle. Il allait falloir se recentrer sur les bonnes vieilles méthodes, à savoir un abordage à l'ancienne et en règle. Tant mieux, l'équipage n'attendait que ça.

    Après plus d'une demi-heure de poursuite effrénée, les marins situés à bord du vaisseau du nobliau entendirent, avant de la voir, la fameuse Ginette. Se sachant suivis par la Renégate qui les talonnait depuis belle lurette, ils estimaient pouvoir devancer les troupes de sacripants qui leur collaient au train mais ne s'étaient vraisemblablement pas attendu à la présence d'un géant des mers comme celui-ci. Une secousse fit trembler la coque et l'une des vigies dont l'attention était entièrement captée par la Renégate baissa les yeux en direction de l'océan, juste à temps pour voir apparaître dans un fracas magistral la gueule difforme de la figure de proue maudite. Tombant en arrière de stupeur et d'effroi, le marin agita une cloche à la hâte pour informer ses compagnons de l'attaque imminente mais, de toute évidence, il était un peu trop tard pour se mettre en position.




    Ginette projeta dans un grondement tonitruant une vague cataclysmique, engloutissant le gaillard arrière tout entier et repoussant des dizaines d'hommes qui chutèrent maladroitement sur le pont lorsque les flots impétueux s'aventurèrent à bord. Le reflux des eaux ne tarda pas à venir et, à deux enjambées à peine de la barre, Bigorneau apparut dans toute son atypique splendeur, couvert d'atours ridicules et d'une invraisemblable quantité de petits crabes et d'algues s'étant glissées sur sa tenue de combat. Sabre dans une main, il coinça l'une de ses narines avec son pouce et souffla pour extirper de l'autre une importante quantité d'eau salée, avant de renifler tout en jetant à l'assistance stupéfaite un regard mauvais.

    "Où est mon gars ?" Qu'il vint dire en serrant les crocs.

    Sa question ne trouva aucune forme de réponse concrète et les matelots désarçonnés par la présence du monstre ne lui accordèrent que des regards dans lesquels se lisaient la débilité la plus absolue. Epuisé par cette perte de temps qui lui tapait sur le système, Bigorneau orienta un index vers l'un des pauvres types qui l'entouraient et dans un sifflement strident, un fin rayon d'eau perfora le front d'un malheureux, lui déchirant la cervelle dans un vortex sanguinolent.

    "DOUDOU MARIMBA, IL EST OU ?!"

    Le pauvre type propulsé en arrière dévala l'escalier menant au pont en laissant derrière lui une marre écarlate et les autres individus paniquèrent de plus belle lorsqu'ils virent apparaître les silhouettes terrifiantes des Naufrageurs qui escaladaient la coque comme une armée de rampants aux dents trop longues. Sirènes et monstres des profondeurs se mirent à ricaner, léchant leurs armes et offrant des risettes effroyables à leurs opposants et l'Amiral, quant à lui, réorienta sa main tendue pour rageusement balayer l'air, faisant ainsi jaillir des flots une vague monstrueuse qui arracha à son passage un mat tout entier, ralentissant ainsi le navire pour permettre à la Renégate de les rattraper :

    "Je tue un connard toutes les dix secondes tant que j'obtiens pas de réponse. J'suis pas d'humeur à déconner avec des chiens d'quais de bas étage. Où-est-mon-GARS ?"
    HO HO HO !
    HO HO HO !
    Capitaine Saumâtre
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  • Sam 11 Mai - 12:34


    Comme d'habitude, Bigorneau avait fait une entrée fracassante. Dans un tourbillon aqueux majestueux, la Ginette était sortie des flots pour vomir son sel sur le pont du navire ennemi. S'il était habitué de ces spectacles, Saumâtre en était toujours tout aussi émerveillé. La façon qu'avait l'Amiral de venir surprendre ses adversaires, de leur montrer qui était le véritable maître de l'infamie. C'était splendide. Sublime même.

    Dans un rire provocateur, le capitaine esclavagiste ordonna à ses hommes de se mettre en branle. Reformant l'équipage dans une configuration de combat, il ne fallut pas longtemps pour que ces derniers, déjà motivés par ses mots précédents, ne viennent se mettre sur les bords du navire, prêts à aborder les ravisseurs de Doudou. Canalisant sa magie, Saumâtre déploya ensuite un grand courant d'air qui vint gonfler un peu plus les voiles, projetant en avant la Renégate. Syrtes, habile à la barre, pivota cette dernière pour réorienter le bateau juste à temps afin que ce dernier ne vienne pas bêtement s'empaler contre le navire ennemi. Si la Renégate était capable d'éperonner, ce n'était pas sa fonction première et sachant que l'autre bateau s'était déjà immobilisé, il était inutile d'en faire d'avantage. Très vite, des grapins furent ensuite lancés contre le pont opposé et les premiers voltigeurs s'élancèrent pour se jeter sur leurs futures victimes. Tout du moins, ce fut le cas de tout le monde sauf des hybrides de l'équipage qui semblèrent... Rebondir contre quelque chose d'invisible. Arquant un sourcil de surprise, Saumâtre ne prit cependant pas le temps de réfléchir plus que cela à la chose puisque, déjà, il s'élançait à son tour vers le vaisseau attaqué.

    - BORGINOV SALE FILS DE PUTE T'ES OU SALOPERIE ????
    - Yarrr!

    Décochant subitement son arbalète alors qu'un des hybrides de l'équipage adverse s'élançait contre lui, l'esclavagiste laissa le carreau tiré s'enfoncer dans la boite crânienne du pauvre humain-poulet qui finissait sa course contre les planches salées et humides, répandant au passage une gerbe de sang rougeatre.

    - Ta gueule toi. BORGINOOOOOV !!!

    Hurlant comme dix hommes, le triton semblait imiter son père adoptif puisqu'il comptait bien semer mort et désolation sur le bateau pirate ennemi jusqu'à avoir atteint son but. Dégainant le baiser de Neptune, l'enfant du Récif Noir s'aventura ensuite sur le pont principal tandis que ses gars et ceux de Bigorneau entamaient des combats particulièrement violents. N'y prêtant absolument pas attention, le capitaine des Arpenteurs continua sa route. A plusieurs reprises, il fut forcé de parer quelques coups ou de se contorsionner dans des esquives maladroites, l'équipage ennemi semblant particulièrement décidé à les repousser. Ainsi, la lame de son coutelas se teinta rapidement d'un écarlate révélateur.

    - Mais où est-ce qu'il est ce charlatan...

    Tournant la tête, Saumâtre cherchait des yeux le capitaine Borginov qui, visiblement, avait appris à disparaître dans les moments les plus mouvementés. S'il savait que cette ordure était toujours à bord, le triton se demandait si sa cible s'était rendue invisible ou avait tout simplement décidé de laisser ses hommes combattre pour se diriger vers ce qui....

    - Oh putain Doudou!

    Accélérant le pas pour changer de direction et se diriger vers les portes menant à la cale inférieur, et ainsi aux cabines, l'esclavagiste semblait habité d'une ferveur incroyable. Persuadé de détenir les secrets de l'univers et la stratégie implacable des plus grands tacticiens, le flibustier se débarrassa des quelques malheureux rencontrant sa route alors qu'il cherchait à atteindre les niveaux inférieurs du navire. Seulement, une violente chaîne le stoppa net alors que le bout sphérique et parsemé de piques venait de s'écraser sur son torse, lui laissant à peine le temps de renforcer ses écailles pour absorber le choc. Volant en arrière, le triton s'écrasa lourdement contre le bois en grognant. Roulant ensuite sur le côté afin d'esquiver une nouvelle attaque, l'écailleux se redressa et tira en réflexe un carreau vers son assaillant qui balaya le trait à l'aide d'une sorte de rondache d'acier.

    - Qui t'es toi encore ?
    - Yé soui lé sécoundo di Bolginov, tou va pas passer. Yé vais té touer
    - Ok, t'es débile. Enchanté.
    - Silence!

    Faisant de nouveau tournoyer sa chaîne, le fameux second de Borginov, un orc au regard aussi expressif que celui des poissons lunes, lança cette dernière en direction de Saumâtre. Balayant cette dernière d'un mouvement habile de son coutelas, le capitaine esclavagiste s'élança ensuite sur son adversaire dans le but d'ouvrir son ventre horizontalement. Malheureusement, la mage glissa dans un crissement désagréable contre le bouclier de parade de son opposant qui ricana d'un rire gras avant de le repousser d'un violent coup de pied.

    - T'es vraiment chiant toi, tu le sais ?

    Canalisant sa magie, l'esclavagiste lança sur le peau verte une série de lames venteuses qui vinrent lacérer les bras et les cuisses de ce dernier. Grognant, ce dernier encaissa l'attaque avant de reprendre sa posture précédente, son expression affichant un profond dégout à l'égard du capitaine de la Renégate.

    - Tou n'a aucun honneur. Magie dans douel. Mauvais.

    Soupirant longuement, Saumâtre fit bouger son coutelas dans un moulinet du poignet. Il était facile de juger quand on était un orc de deux mètres et quelques, possédant une force surhumaine par défaut. C'était comme si Saumâtre s'amusait à se foutre de la gueule des gens qui savaient pas nager. Bon. Ok. Il le faisait, mais c'était pas pareil. Parce que c'était lui. Ricanant en observant de nouveau son adversaire, l'esclavagiste s'élança de nouveau vers le peau verte, le Baiser de Neptune en avant.

    Autour d'eux, les combats faisaient rage. Mais une fois que le second serait tombé, Saumâtre pourrait aller chercher sa véritable cible. Ce foutu Borginov.

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  • Lun 5 Aoû - 19:21
    Pour être tout à fait honnête, Doudou en avait eu tellement ras le pompon de ces histoires, qu’il s’était bourré la gueule avec la réserve de porto vingt ans d’âge du Borginov. Il était pisté comme c’était pas permis, là où allait, il tombait sur la trogne de Jeanine et ça devenait un tantinet irritant. Il avait enlevé son espèce de jupon de cocotte, car ça allait bien cinq minutes de jouer les Euphémia, mais c’était pas confortable du tout et en plus ça sentait un peu le cul. Gros porc de Saumâtre, ce pignoleur du dimanche !
    Il avait fouiné un peu le navire, furetant les mauvais coups et peut-être quelques bricoles à dérober. Le fétichiste des hybrides lui avait laissé relativement carte blanche pour accéder aux cabines, y compris la sienne. Alors, tel un écureuil qui préparait l’arrivée de l’hiver, il avait commencé à fourrer dans un tonneau tout ce qui avait de la valeur et qu’il pourrait revendre à bon prix à Brumerive. Parce que OUI, il allait pas rester sur ce maudit bateau de croisière.

    Après avoir farfouillé tout ce qu’il y avait à farfouiller, l’axolotl avait à recommencer à s’ennuyer fort. Il poussait de grands soupirs malheureux et suppliait du regard les hybrides s’affairant sur le pont. A son grand damne, aucun de ses congénères ne daigna lui donner un coup de patte et certains allaient jusqu’à lui tapoter gentiment l’épaule, d’un air compatissant.

    Doudou avait une logique assez simple. Pas de quoi s’occuper ? On se met une murge. Tout simple et efficace. Et ce porton était foutrement bon. Il ricanait à l’idée qu’il écoulait certainement une collection valant son pesant d’or. Il avait grimacé Pervinov quand il l’avait surpris à entamer sa troisième bouteille, cependant un battement de cils et un gazouillis d’Euphémia et le capitaine eut vite fait d’accepter le sort qui était à présent réservé à sa cave à vin.

    Tout ça pour dire que Marimba, après avoir englouti plus que la capacité de son foie pouvait lui permettre, s’était écroulé entre oignons et cordages, dans la cale du cuisinier. Il fut réveillé en fanfare par une voix aussi familière que terrifiante. Sans même se contrôler, au son du timbre de baryton de l’amiral Bigorneau, il se redressa comme un piquet en criant “AYE CAPTAIN !”. Le navigateur, encore sous les effets de l'alcool, mit un petit moment avant de comprendre que tout se passait sur le pont principal et qu’il saluait actuellement des épluchures de patates. Comprenant enfin que la cavalerie était arrivée, il se releva avec vivacité et maladresse, remerciant Saumâtre de ne pas l’avoir abandonné à son sort de courtisane marine.

    L’hybride, dans sa course, se vautra plusieurs fois la tronche par terre, se cognant contre les membres de l’équipage qui étaient totalement en panique. Il avait encore son corset et ses bijoux, ce dont il n’avait absolument pas conscience. Il parvint enfin à arriver au niveau du pont, là où les clameurs se faisaient de plus en plus fortes.

    Quand l’axolotl arriva sur les lieux, la première chose qu’il vit fut la tronche d’Eustache s’éclater contre le bouclier de la Postiche. Il crut d’abord à une hallucination. Ils avaient un peu fumé avec Jeanine, et il s’était un peu trop pris le soleil. Du coup, il dut se frotter les yeux, et se concentrer très fort pour comprendre que c’était bien son capitaine, qui avait déjà fait une victime, qui était effectivement en train de gueuler comme un beau diable sur le pont.
    Ses branchies se redressèrent d’un seul coup d’un seul, et avec une joie non dissimulée, il s’apprêtait à accourir vers son équipage. Enfin, une petite partie, car il devinait que le homard s’était bien farcie le dôme, et que cela devait être le cas pour quelques-uns de ses compères. Quand bien même, si l’amiral était là, c’était déjà plié !

    Alors qu’il allait crier pour se faire repérer par son patron, il sentit une présence surgir derrière lui et ressenti une sensation très désagréable autour du cou. Hoquetant de surprise, ralenti par l’alcool il ne put rien faire d’autre que de constater que Borginov, dans l’agitation, s’était glissé en douce derrière l'axolotl et lui avait passé une sorte de chaîne au matériau inconnu, scintillant d’une lueur irisée. Cette couleur n’était pas s’en rappeler les reflets du bouclier activé de la Postiche. Meeeeeeeeeeeeerde !

    - Que personne ne bouge ! Ou alors je me verrais dans l’obligation, obligation funeste et tragique, de blesser ma muse.

    - Mais t’as vraiment la boussole fêlée mon pote, LACHE MOI OH OBSEDE DES NAGEOIRES LA !

    Le pauvre doudou agitait ses petites pattes, complètement subjugué par la chaîne qui drainait le peu de force qui lui restait.

    - Je ne me le répéterai pas deux fois. Quittez prestement mon navire, ou voyez ce qu’il en coûte de défier le Capitaine Borginov et son sublime équipage ! Equipaaaaaaaaaaaage ?

    - Ouais, ouais on était là depuis le début, nous. Répondit une voix terne. Jeanine sortit de nulle part, et alla d'un pas nonchalant de se positionner près de son capitaine.

    - Jeanine, pas maintenant ! La pose Jeanine, prend la pose signature ! Chuchota très bruyamment le capitaine de la Postiche. La tortue roula des yeux, et dans un mouvement tout sauf classe, elle prit une sorte de pose qui se voulait certainement intimidante mais, avec son faciès fatigué et ses yeux mi -clos, on aurait plutôt dit une p'tite mamie attendant de faire sa gymnastique matinale.

    - Il est où Raoul ?

    - Par terre, mort.

    - Quoi ?!

    - J’vous ai dit qu’on est là depuis un moment.

    - Paix à son âme le pauvre.

    - Paix à ton âme, Raoul.

    - Bon, Tic et Tac ça vous dirait pas de revenir à nos soucis là ? S’écria Doudou, excédé. - Mon soucis surtout !

    - Ah oui, certes ! Ahem. JE SUIS LE CAPITAINE BORGINOV-

    - Mais on sait déjà putain !

    - ET VOUS N’AUREZ PAS MA LIBERTE DE P-...Euh... VOUS N'AUREZ PAS MON AXOLOTL !

    -Sérieusement ?

    - Tuez-moi.

    - JE L’AI PAYÉ, IL EST A MOI !

    Borginov défia ouvertement l’Amiral, tenant fermement la chaîne enserrant le cou de Marimba d’une main, un sabre aux proportions compensatrices de l’autre. Cependant, Doudou savait que malgré son allure ridicule, Pervinov n’était certainement pas un adversaire à sous-estimer. Il se mit à se démener comme un beau diable afin de gêner le pirate, et peut être réussir à se dégager, sans succès. Il leva les yeux vers son équipage, honteux de son impuissance.


    Il faut sauver le Marin Doudou [Marimba] Doudou10
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  • Lun 30 Sep - 1:47
    "Il est à toi, hein ?"

    Découvrant à peine le costume ridicule dont s'était affublé Doudou, Bigorneau n'eut qu'une poignée de secondes de réflexion accordée à une vaine tentative de compréhension du contexte. Abandonnant rapidement cet exercice qui ne mènerait de toute évidence qu'à de bien maigres résultats, l'Amiral laissa ses iris injectés de sang azuré s'accrocher à ceux du pervers de service puis effectua un pas supplémentaire en avant, une manœuvre qui incita Borginov à placer le tranchant de sa lame contre la gorge exposée de Marimba. La grimace aux airs de sourire omniprésent s'effaça légèrement du visage de l'Amiral qui s'immobilisa abruptement, coupé net dans son impérieux élan.

    "A moi, oui ! Vous pouvez donc repartir comme vous êtes venu, vil gredin !"

    "Vil gredin, qu'il dit..."

    La vieille carcasse de l'Amiral fut secouée de spasmes lorsqu'un rire profond lui échappa. Aussitôt imité dans la dérision par ses suivants dont les lames ensanglantées révélaient une écrasante victoire, Bigorneau jeta des regards à ses compagnons carnassiers et, se sachant particulièrement bien entouré, il raffermit sa prise sur le manche de son arme pour ensuite la pointer en direction de son opposant :

    "Tu t'adresses à l'Amiral Bigorneau en personne, abruti. Pour les affronts que tu viens d'commettre à l'encontre de ma Flotte, tu seras exécuté. Fais toi au moins une fleur en déposant les armes maintenant parce que plus tu m'feras perdre mon temps...."

    Tandis qu'il marquait une brève pause, de sinistres apparitions commencèrent à se former dans son dos. Faites d'eau salée parsemée de bulles furieusement agitées, des créatures chimériques à peine perceptibles de prime abord se firent de plus en plus grandes, nombreuses et terribles à mesure que la rage de Bigorneau croissait et que son apparence, comme à chaque fois qu'il usait de son effroyable magie innée, se faisait plus monstrueuse que jamais.

    "...plus t'en baveras avant d'rendre l'âme."

    Les rares poils parsemant la masse tentaculaire cédèrent place à des algues épaisses et luisantes. Les crocs de l'Elémentaire se firent plus imposants et gagnèrent en affutage tandis que ses oreilles déjà bien longues se muaient en nageoires de rascasse volante. Devenu en un éclair une véritable incarnation physique de la vie des tréfonds, l'obscur marin ayant traversé les âges laissa entrevoir dans un accès de démente colère l'étendue de l'extraordinaire pouvoir qu'il exerçait sur les eaux.

    Sous les yeux ébahis d'un Borginov persuadé de conserver un radical ascendant sur son interlocuteur, Bigorneau se contenta de tendre une main en l'air avec lenteur et nonchalance et dans un long et profond grondement, la mer elle-même se plia à sa volonté pour accomplir ses desseins. Se tirant aux eaux comme une titanesque apparition issue des légendes, une forme tentaculaire se matérialisa au cœur des vagues, tournoyant sur elle même comme une trombe marine pour ensuite venir épouser et écraser partiellement le grand mât du navire ciblé par les pirates.

    Le bois compressé par l'énorme serpent manié par Bigorneau se mit à craqueler, grognant sa désapprobation par de sourdes protestations tandis que les craquèlements se réverbéraient jusqu'au cœur du pont. Le poing toujours levé et désormais tremblant, l'Amiral concentrait l'entièreté de son aptitude magique en cet unique point de pression afin de démolir, lentement mais sûrement, le principal outil de mobilité de ce rafiot effroyablement rapide et surtout fort couteux.

    "Tout ce que t'as, c'est ton foutu radeau. Tente quoi que ce soit contre mon navigateur et j'vous noie tous, toi et les saltimbanques qui t'collent au train."

    Pointant du menton les clown de service qui avaient adopté la fameuse "pose signature", Bigorneau n'avait pas l'air franchement porté sur la déconne et c'était avec une résolution toujours plus implacable qu'il semblait s'apprêter à dévorer le bateau tout entier dans une subite montée de rage.
    HO HO HO !
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    Capitaine Saumâtre
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  • Mar 5 Nov - 10:19

    Ce qui était chiant, avec les foutus seconds orcs à l'accent trop prononcé, c'était qu'ils renonçaient jamais véritablement. Reculant de quelques pas, Saumâtre grogna alors qu'il venait d'asséner un nouveau coup de sabre à son adversaire. Si ce dernier avait porté et que la lame venait de trancher partiellement la couenne du bougre à la peau verte, il semblait évident que le second de Borginov refusait d'admettre sa défaite et, pire encore, semblait encore parfaitement disposé à combattre.

    - Tou, ne passera, pas !
    - Oh la ferme.

    Agacé, Saumâtre canalisa sa magie pour déclencher soudainement un différentiel de pression au niveau de la jambe de l'orc. Dans un claquement sourd, le changement brutal de pression comprima l'os pour le broyer alors que le naga se jetait en même temps vers son adversaire. D'un mouvement de poignet vit, le pirate vint trancher sans aucune hésitation le reste de la dite jambe, propulsant la viande sanguinolente contre le bord en bois du navire enchanté. Continuant sa manœuvre, l'esclavagiste grogna de nouveau en enfonçant cette fois son coutelas directement dans le ventre du peau verte qui, malgré sa vaine tentative de frapper le capitaine de la Renégate avec son arme étrange, se mit à cracher une gerbe de sang qui éclaboussa à la fois son torse que les bottes du membre de la Flotte sans Nom.

    - T'as pas très bien saisi, je crois. Le bois du navire grogna, maltraité par la magie de Bigorneau. J'ai pas de temps à perdre avec toi. J'ai pas de temps à perdre ici. On est pas venus pour se marrer ou parce que c'est notre petit plaisir de secourir nos propres gars. On vient récupérer un des notre. Personne a le droit de toucher à Marimba. Ou d'en faire sa pute comme ça. Et surtout, je viens pour éclater la gueule à toutes les saloperies dans ton genre qui trouvent que c'est normal d'avoir un capitaine aussi détraqué. C'est quoi la prochaine étape hum ? Il va se taper des poissons lunes ? Il va aller fourrer sa queue directement dans du corail car ça lui rappelle un lointain amour passé ? Allez vous faire mettre, tous autant que vous êtes. Et pendant que j'y suis. T'as sali mes bottes enflure.

    Retirant brutalement le Baiser de Neptune, le triton ne laissa alors aucun répit à son adversaire, armant un nouveau coup qui porta cette fois directement à la gorge de l'orc malheureux. D'un mouvement vif, la lame traversa l'entièreté de la chair du peau verte pour venir finir sa course directement dans le bois du pont. Se penchant légèrement, Saumâtre retira finalement sa lame pour attraper au passage la tête de son adversaire, laissant ainsi un cadavre décapité tressaillir doucement quelques instants, les nerfs réagissant subitement à la disparition de ce qui les pilotait encore quelques instants plus tôt.

    Le pas lourd, le naga s'approcha vers la position de Bigorneau et de Borginov, lassé par tout le cirque qu'offrait les membres d'équipage du "noble pirate déviant". Il s'était bien foutu de sa gueule avec Doudou, pour sûr, mais là la blague était allée trop loin. L'acheteur aurait dû rendre tout simplement l'hybride à son équipage sans faire d'histoire. Mais au lieu de cela, ce débile avait cherché à combattre. A lutter contre la Flotte sans Nom comme s'il possédait la moindre légitimité. Mais c'était ça le truc en mer, personne n'était légitime face aux pirates. Ils prenaient ce qu'ils désiraient. Ils tuaient ce qu'ils voulaient tuer. Chaque navire était une cible potentielle s'il n'appartenait pas à la Flotte. Et ça, Borginov aurait pu le savoir facilement comme il écumait lui aussi les mers. Enfin, c'était une leçon qu'il apprenait à présent. Ecoutant alors les derniers mots prononcés par l'Amiral, Saumâtre laissa un sourire carnassier glisser quelques instants sur son visage écailleux. Comme pour appuyer le propos de son père adoptif, le triton projeta soudainement la tête décrochée plus tôt, faisant rouler l'appendice nauséabond directement jusqu'aux pieds du preneur d'otages.

    Le message était somme toute assez clair. Bigorneau n'hésiterait pas à noyer tout ce beau monde et Saumâtre, quant à lui, trancherait et tuerait tout ce qui pourrait potentiellement résister à la pression sous marine. Le combat était gagné d'avance pour les loups de mer et Borginov avait à présent le choix. Soit il acceptait de se rendre et libérait Doudou. Soit ils tomberaient tous.
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  • Lun 11 Nov - 18:21



    Les quatre fers en l’air, Doudou réfléchissait plus qu’il n’avait réfléchi toute cette année. Ses yeux globuleux ressortaient presque et ce n’était pas à cause de l’étreinte dégueu de Pervinov. Un plan, un plan, un plan. Un plan c’est comme une carte Marimba, tu connais les lieux, point a, point B trouve une trajectoire viable ! Pense Marimba, PENSE. Dans sa lutte de cellules grises, son regard tomba sur la Jeanine . Pas franchement motivée d’aller au casse pipe, elle avait abandonné la pose toute nulle qu’elle avait pris plus tôt. Un éclair de génie vint traverser l’occipitale plat de l’axolotl et il se tourna comme il put vers la tortue.

    - CA…CAPITAINE JEANINE CARETTO !

    L’hybride écailleuse réagissa plus vite que d’habitude. Ces yeux fatigués s’écarquillèrent au son de cette phrase surprenante. Doudou reprit son souffle et se mit à gigoter comme il put. Le capitaine de la Postiche ne savait plus sur qui se concentrer : sa belle Euphémia qui pour le moment lui cassait bien les couilles (littéralement avec ses petits petons d’axolotl) et l’espèce d’énergumène bleu qui se prétendait amiral. Ah ! La belle affaire ! Il ne prit pas plus sérieusement attention à ce qu’essayait de faire son hybride fraîchement acheté et tendit un sabre vers la direction de Bigorneau.

    - Ça sonne bien nan hein Jeanine ! Cap Caretto ! Jeanitaine ! La terreur verte !

    La tortue, pas bête, regardait son supérieur et l’amphibien tour à tour. Voyant que Borginov n’avait que faire de ce qu’elle faisait des dires de l’otage. Elle se rapprocha donc discrètement.

    - J’le surveille Capitaine, allez combattre ce coquin tout moche. Dit-elle d’un ton mielleux à l’encontre du fétichiste des hybrides.

    - Ah ! Je n’avais pas besoin que tu me le dises, j’allais justement le faire ! Garde donc ma petite rebelle ! Je reviens vite après avoir rossé ce faquin. Je t’embrasse, mon coeur.

    Plaquant un baiser indésirable sur le front de Marimba, le cosaque guinda les abdos et se dirigea vers le poulpe qui se permettait de le provoquer. Le cartographe de la Ginette retomba lourdement sur son royal séant non sans mimer un hoquet de dégoût suite au bisous invasif de Pervinov. Le pauvret n’avait malheureusement pas le temps de souffler. Le regard de Jeanine pesait sur lui comme une guillotine prête à lâcher sa lame.

    - Alors. Qu’est c’qu’on a ?

    - Hein ?

    - Dis m’en plus.

    - Ah oui, oui. Ahem ! Imagine, Capitaine Jeanine; reine de la Posti-

    - Du Nez-de-Cochon.

    - Wow. Vraiment ?

    - J'attends.

    - Euh ouais, Capitaine du Nez-de-Cochon ! Aussi belle que redoutée, la nouvelle terreur des mers ! Respectée et crainte, sauveuse de son peuple, les hybrides !

    - Ouais, sauveuse, ouais.

    - Adorée !

    - Adorée, oui oui.

    - Révérée !

    - J’sais pas c’que ça veut dire.

    - Sérieux ?...Euh super méga giga supra trop cool !

    - Oui c’est moi.

    - Se rebellant contre l’adversité !

    - Qui ça ?

    - Borginov, suis un peu, putain.

    - Ah, oui.

    - Devenue une légende !

    - Une légende vivante.

    -

    -

    - Plus. Dis m’en p-

    - Nan alors tu prends ou tu meurs Jaja, j’ai pas mille ans et mon amiral non plus !

    - Mmmmh….

    Doudou n’attendait rien de cet échange stérile. C’était une chic fille, mais il se doutait que si l’équipage n’avait jamais mutiné, c’était peut-être car ils appréciaient se faire cirer le pont arrière par la bave de l’autre dérangé. Pourtant, à la surprise générale, la tortue sortit un fléau d’on ne sait où et l’hydrographe n'était pas convaincu de vouloir le savoir un jour. L’arme était presque aussi grande que la petite tortue et le boulet qui pendait au bout d’une solide chaîne était hérissé de pics menaçants. Elle leva son bras à la peau tannée au-dessus du malheureux pirate.

    Marimba poussa un couinement désespéré et manqua de mouiller ses jupons. S’attendant à prendre un coup qui ferait certainement un mal du feu de dieu, il fut une nouvelle fois surpris de ne ressentir qu’un soulagement. Non, il s’était pas chié dessus. Jeanine avait brisé les chaînes qui entravaient l’axolotl et pompait toute son énergie. Avec le même geste, très vif qui jurait totalement avec la mine dépassée de la Jaja, le boulet vint se fracasser contre le bouclier qui entourait le vaisseau.

    Il y eut comme une déflagration, le vaisseau se mit à vibrer comme une cocotte au moment du climax. Tous se tournèrent vers le duo Jeanine - Doudou afin de mieux comprendre la situation. Le premier à réagir, non sans éviter de manière exemplaire un coup d’épée venant amicalement de Bigorneau, Borginov hurla de colère. Le blouclier se fissura violemment, se craquelant et laissant entrevoir des issues plus que bienvenues.

    - JEANINE ! ESPECE D’INCAPABLE QU’EST CE QUE TU FABRIQUES ?! Rouge de rage, il en oublia toute notion de décorum, se risquant même à tourner le dos à la menace des mers.

    L’écaillée mit une patte décidée en avant  et avec une voix forte, elle répondit :

    - Ta gueule le trépané.

    - QUE MAIS QU’EST-

    - C’est CAPITAINE Caretto pour toi mon con.

    Elle siffla alors. Les hybrides engagés dans le combat contre les envahisseurs se regardèrent alors entre eux.

    - C’est l’moment les p’tits choux. Dit Jaja en sortant un cigare. Elle fit un geste qui fit claquer la chaîne de son fléau.

    L’équipage de feu la Postiche se mirent alors à hurler de victoire. Ils se mirent à courir de partout, un peu nulle part aussi. Estomaqué, Borginov appela à sa protection. Quelques gredins se rangèrent de son côté dont le fameux Montorat, l’orc qui avait entamé un duel contre Saumâtre.

    - Vous ne vous en tirerez pas comme ça ! Trahison ! Disgrâce !

    - T’aurais pu me dire que t’avais une putain d’arme anti-anti-hybrides !

    - J’teu l’ai dit.

    - Euuuh nan ?

    - Bhaaaa si ?

    - Euuuh nahaaan ?

    - Bhaaaaaa…

    - OH DOUDOU ! Ça va grosse tête, t’as pas l’impression de t’la couler douce pendant que c’est nous qu’on travaille mmmmh ? Lança le fils du récif noir tout en assénant un coup bien placé dans les parties sensibles de l'orc.

    Le timonier sursauta, se rappelant qu'effectivement non seulement le capitaine de la Renégate était là mais qu'en plus l'amiral avait fait le déplacement. Ni une ni deux, l’axolotl se remit sur ses pattes et sortant enfin ses armes, se jeta sur le premier pélot venu, pauvre couille qui avait décidé de se ranger du mauvais côté de l’histoire. Il en fallait bien,  et l'hybride poule se fit envoyer valser par une pluie de coups à la Doudou.

    - SUS AU PERVERS !

    - Sucer le pervers ?

    - Ta gueule, Jeanine.


    Il faut sauver le Marin Doudou [Marimba] Doudou10
    Bouge toi de là, poiscaillon !
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