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Citoyen du monde
L'Amiral Bigorneau
Messages : 179
crédits : 618
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Info personnage
Race: Elémentaire (Eau)
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Chaotique Mauvais
Rang: B
A bord d'une petite embarcation mise à l'eau pour le débarquement, une poignée de marins épuisés par un voyage bien trop long à leur goût ramaient le sourire aux lèvres. A quelques mètres seulement des planches les séparant de la plage de Brumerive, ils pouvaient sentir jusqu'ici le doux parfum émanant des quelques tavernes locales et s'apprêtaient à déguster un véritable repas consistant plutôt que les vivres immangeables que massacraient au quotidien le cuisiner de leur équipage. Rendus rêveurs par cette perspective, ils ne virent pas les silhouettes qui se dessinaient sous la surface de l'eau, juste en dessous de leur barque.
D'un seul coup, ils furent brusquement retournés par une force invisible les repoussant par dessous et finirent tous à la flotte sans même avoir le temps de pousser le moindre cri de stupeur. Complètement sonnés et incapables d'établir la provenance de la menace, les trois gaillards incrédules remontèrent difficilement à la surface et se mirent à chercher malgré le sel qui leur piquait les yeux la source de cet assaut en traître, sans parvenir à identifier la menace.
Puis, à quelques mètres de là, des remous se firent entendre non loin de la plage. S'extirpant des eaux salées en une cacophonie de rires mauvais, de nombreuses silhouettes affublées de tenues affriolantes et colorées apparurent les unes à la suite des autres et leurs caquètements narquois vinrent couvrir le son des vagues. Le coupable, un hybride costaud possédait les traits d'un crustacé, pointa de sa pince difforme les malheureux qui pataugeaient plus loin et sa voix nasillarde se fit alors entendre entre les mandibules qui cernaient ses lèvres gercées:
"Hahahaha ! 'L'avez pas vu venir celle-la !"
Fronçant les sourcils, l'une des trois victimes de cette plaisanterie imbécile frappa la surface de l'eau de son poing et pointa un doigt d'honneur en direction de la chimère mi-homme mi-crabe.
"Va t'faire enculer Pitt !"
D'autres têtes apparurent et chaque visage qui se dévoilait était plus étrange ou monstrueux que le précédent. L'équipage de Ginette l'Impitoyable, contrairement à la plupart des habitués de Brumerive, avaient pour coutume de laisser leur navire à l'eau et de plonger pour rejoindre les plages du village côtier. Si on les savait particulièrement sanguinaires et particulièrement imprévisibles, ils étaient avant tout une ribambelle de petits plaisantins dont les friponneries étaient bien connues, par ici. Trempés jusqu'à l'os, les hommes au service du Fléau des Océans se regroupèrent sur les plages en attendant leur dirigeant qui quant à lui, ne s'était pas encore manifesté.
D'un seul coup, l'eau se mit à bouillonner non loin des trois gaillards contraints à un bain de minuit et ils s'écartèrent par réflexe en sachant ce qui arrivait. L'étrange manifestation se changea doucement en un vortex miniature qui s'étendit doucement dans un grondement sonore, avant de former lentement mais sûrement un véritable tourbillon mouvant avançant à grande vitesse en direction de la plage. D'un seul coup, une forme obscure fut propulsée depuis le cœur de la curieuse apparition aquatique pour atterrir en un bond acrobatique au beau milieu du sable.
Applaudissant et acclamant l'atypique personnage qui venait de bondir depuis les abysses, les pirates aux faux airs de bouffons saluèrent la performance du bonhomme richement apprêté qui se tenait bras écarté au milieu de leur rassemblement tel un artiste tirant sa révérence à l'issue d'une performance.
"Merci messieurs dames, merci. Allez... assez plaisanté, on va se requinquer. Ce soir c'est moi qui offre !"
"Bien parlé Amiral ! Bien parlé !"
"Ceux que les pantalons démangent peuvent aller donner trois coups de reins par ci par là, mais j'vous veux réunis au Brochet Cramoisi d'ici..."
Extrayant de sa poche une montre à gousset que les eaux avaient fini d'achever et qui de toute évidence ne fonctionnait pas le moins du monde, l'étrange individu à la peau plus bleue que la mer elle-même fit mine d'inspecter le cadran un moment puis ajouta :
"... d'ici une demi-heure."
Nouveaux hurlements de joie et la plupart des forbans disparurent en petits regroupements tout en se félicitant les uns les autres pour les multiples prises qu'ils étaient parvenus à chiper lors de leur longue virée aquatique. L'Amiral Bigorneau se retrouva donc accompagné de deux de ses compagnes qui, postées sur ses flancs, finissaient de sécher leur longue chevelure tout en ajustant les couronnes de coquillages qu'elles avaient choisies comme couvre-chef. L'une d'entre elles se rapprocha de l'Elémentaire puis, tout en chassant un crabe qui s'était fichu dans l'une de ses mèches, elle lança :
"Où va-t-on, Amiral ?"
"Au marché, m'dame Nautalis."
"Allez-vous assurer le ravitaillement vous-même, Amiral ? Vous êtes rudement généreux, en ce moment."
Les deux sirènes offrirent à leur capitaine le plaisir d'entendre leur rire cristallin et ce dernier, le sourire aux lèvres, leur répondit alors d'un ton aimable :
"Je sais, ça me perdra. Cependant, ce n'est pas pour refaire les stocks de Ginette que je pars faire des emplettes. Il y a de nouveaux arrivages en ce moment et je suis curieux de découvrir ce que Brumerive peut nous offrir de neuf."
"A votre convenance, Amiral."
Tout en se mettant en marche, Bigorneau ajusta le col de son épais manteau et ajouta enfin :
"Ne m'cause pas comme le ferait une diplomate, Nérée. Tu sais bien que ça m'émoustille."
Les sirènes et leur compagnon s'amusèrent de cette remarque puis ils empruntèrent tous trois l'escalier de bois tordu les menant à la place centrale de Brumerive. Malgré la noirceur de la nuit, les festivités locales battaient encore leur plein.
Quelles surprises leur réservait donc cette belle soirée ?
Citoyen de La République
Nahash
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Citoyen du monde
L'Amiral Bigorneau
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Race: Elémentaire (Eau)
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Chaotique Mauvais
Rang: B
L'Elémentaire marmonnait dans sa barbe remplie d'algues une chansonnette ancienne tout en arpentant les plaques de bois agencées à la hâte en un simulacre de plancher. Le marché, plus rayonnant et plein de vie qu'il ne l'avait jamais été, était encore loin de rivaliser avec ce qu'avait été un jour la somptueuse Kaizoku, mais Bigorneau savait reconnaître l'effort et la motivation lorsqu'il en était témoin. Trop occupé à inspecter les dizaines d'étalages et toutes les bizarreries dont ils recelaient, il se gardait pour l'heure de faire tout commentaire sur la singulière beauté du lieu et se contentait d'avancer bras dessus bras dessous avec ses splendides accompagnatrices qui étaient pour lui, en dépit des apparences, deux gardiennes à l'œil affuté qui savaient identifier et traiter les éventuelles menaces.
Alors que l'Amiral s'était penché en avant pour humer les divers parfums émanant de l'échoppe d'un herboriste fraîchement installé sur les lieux, la voix mélodieuse de la fameuse Marinielle Nautalis lui parvint. N'accordant au propos de sa camarade qu'une attention partielle, il n'offrit au nouveau-venu qu'un humble coup d'œil en biais et continua sa petite entreprise sans s'en soucier davantage, confiant qu'il était en ses amies issues des profondeurs. Des feuilles violacées attirèrent l'attention de l'Elémentaire qui s'approcha encore davantage du sac et s'apprêta à en prélever une poignée, avant d'être subitement interpelé par une voix diabolique et biscornue qui venait de s'inviter dans son esprit.
Comprenant sans mal que cette intrusion mentale devait provenir de l'étranger dont l'ombre recouvrait désormais les sachets de mystérieuses plantes exotiques, il trouva fort inconvenant de subir une telle agression télépathique et décida donc, dans ses habituelles montées d'émotion excessive, qu'il se devait de contredire les propos du mystérieux gaillard au masque tout pointu. S'éloignant un peu du sac contenant les feuilles de provenance inconnue, Bigorneau vint tenter de soutenir le regard du bonhomme mais se retrouva bien embêté car en l'absence d'iris à fixer, l'exercice paraissait peu naturel. Frustré par ce point de détail absolument dénué de toute importance, Bigorneau fronça les sourcils et marmonna :
"Ah ouais...?"
Sans décrocher ses yeux du masque de cuir de son vis-à-vis mystérieux, l'Amiral enfonça l'une de ses paluches gantées droit dans la pile de feuilles mauves et les broya entre ses doigts avant d'ouvrir grand sa bouche pour y fourrer une pleine plâtrée, qu'il se mit à mâcher énergiquement sans même sourciller, ce face au marchand ainsi qu'à une Marinielle et une Nérée absolument décomposées. Haussant un sourcil provocateur tout en mâchant furieusement ce qu'il avait englouti, il renifla puis avala le tout goulument avant de passer sur ses lèvres et ses crocs une langue aussi violette que les plantes l'étaient elles-mêmes.
"Alors, ça t'en bouche un coin hein ?"
Pourquoi avait-il fait cela ? Que cherchait-il à prouver ? Lui-même n'aurait pas su répondre à la question si on la lui avait posée mais une chose était sûre, il venait de s'engager sur un chemin particulièrement pentu et risquait bien vite de s'en mordre les doigts. Marinielle se plaqua contre son capitaine et se mit à tâter son visage puis son cou, comme pour chercher à identifier par ce contact les signes d'un quelconque malaise. Malgré sa surprise et ses craintes, elle avait laissé apparaître un petit sourire d'émerveillement sur son doux visage, fascinée qu'elle était par la pure folie tempétueuse de Bigorneau.
"Amiral... vous allez bien ?"
La bouche fermée, il hocha la tête en signe d'approbation tout en passant sa langue sur des dents les plus aiguisées afin de chasser les derniers morceaux coriaces de ce qu'il venait d'ingérer puis, après quelques instants de flottement, il expira bruyamment en affichant un sourire narquois et réouvrit sa gueule tout en montrant sa glotte ainsi que le dessous de sa langue à l'étrange médecin au masque corbin.
"Aaaaaaaaah. Tu vois ? Tout va... oh ? Oh oh."
Dans son pantalon, quelque chose venait de se réveiller. Baissant les yeux en direction de son ceinturon, il fut imité dans son mouvement par ses compagnes et lorsque la chaleur commença à s'intensifier, il sentit les regrets monter en lui. La puissante sensation, d'abord homogène et plutôt supportable, se changea en une raideur massive qui s'intensifia progressivement par vagues successives alors que le sang, inévitablement, se rassemblait là où il avait été demandé. La chaleur devint brûlure et fit naître avec elle une crampe paralysante qui poussa Bigorneau à se cambrer brusquement puis, d'un seul coup, il tomba à genoux car ses guibolles chancelantes peinaient désormais à le soutenir.
"Amiral ! Par Kaiyo, qu'est-ce qui vous arrive ?"
Incapable de répondre dans l'immédiat, le pirate se mit à respirer bruyamment et de façon saccadée tandis que les tentacules constituant sa barbe s'allongeaient, se déformait et s'agitaient au gré de ses sentiments confus et particulièrement vifs. Ses joues bleutées s'empourprèrent et lorsque les deux sirènes s'agenouillèrent à ses côtés tout en palpant son visage, il parvint à articuler :
"L'oiseau d'malheur disait vrai les filles. Y'a l'feu au pont ! Y'a l'feu vous dis-je !"
Nérée jeta un nouveau coup d'œil au pantalon de l'Amiral et découvrit de quoi il parlait, ce qui lui arracha un vif gloussement qu'elle vint retenir en plaquant sa main contre sa bouche. Les crocs serrés au possible, l'Elémentaire tourna brusquement la tête vers la demoiselle moqueuse et cracha :
"Arrête de rire ! J'me suis empoisonné ! Fais quelque chose au lieu de te bidonner comme une baleine, imbécile !"
Citoyen de La République
Nahash
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L'Amiral Bigorneau
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Alignement: Chaotique Mauvais
Rang: B
Soufflant énergiquement et inspirant avec tout autant de force, Bigorneau tentait tant bien que mal de trouver en son palais intérieur le courage de faire face à la douleur extraordinaire qui trouvait son épicentre pile dans son point faible. De toute évidence, l'effort était vain et l'empoisonnement bien trop important pour être balayé par une paire de doigts fourrée contre sa glotte. Lorsqu'un marin idiot passa pour faire remarquer que la figure de proue était à la hauteur de sa réputation, les deux sirènes tâchèrent de ramener le silence et, bien que leur sollicitude touche le vieux loup de mer, leur soutien était pour l'heure bien maigre. Ca lui apprendrait, à vouloir jouer aux plus malins lorsqu'il ne savait pas le moins du monde de quoi il causait.
L'intrusion télépathique s'effectua une seconde fois et cette fois-ci, Bigorneau releva la tête en jetant au masque corbin un regard presque suppliant. Les crocs serrés au point d'en faire saigner ses gencives, le pirate entièrement contracté des pieds à la tête sentait déjà l'afflux sanguin empirer au point d'en affaiblir son cœur qui, d'une façon tout à fait effroyable, ratait désormais quelques battements supposés pourtant être réguliers. Il voulut dire au médecin mystérieux de faire ce qu'il avait à faire, mais aucun mot ne parvint à quitter sa gueule écrabouillée par la souffrance.
"Cela ne va pas être agréable" disait-il par l'esprit. Quel traitement pouvait-donc être pire que de se faire hacher menu le bout du mât par des tornades sanguines qui peinaient visiblement à circuler là où elles avaient pour mission de passer sans encombre ? Ce fut très rapidement que Bigorneau vint le découvrir. Subitement cambré en arrière par un mal nouveau qui remplaça le premier en l'éclipsant entièrement, il ressentit les milliers d'épines cinglantes qui se plantaient symboliquement dans sa chair. Ses lèvres bordées d'écume s'ouvrirent et il émit un gargouillement incompréhensible tandis que les sirènes se jetaient sur lui pour lui venir en aide, persuadées qu'elles étaient que le poison lui montait au crâne.
Il y eut de trop longues secondes de panique durant lesquelles le pirate fut pris de spasmes incontrôlables suite à la mystique intervention du soigneur obscur. La torture devint étrangement simple inconfort lorsque Bigorneau sentit la "tempête" se calmer et que l'anormale raideur perdit de sa superbe. Ses muscles encore douloureux cessèrent un à un de s'agiter et après un long moment d'angoisse et de perte de raison qui avait manqué de le pousser dans l'inconscience, il reprit de l'air et poussa un long soupir tout en s'affaissant sur lui-même. Par Kaiyo, il avait manqué de peu de se faire dessus.
Se refusant à subir plus longtemps l'humiliation d'une telle posture, il leva difficilement les yeux pour supporter le regard de l'être masqué et vint, grâce au soutien de ses consœurs pirates, se redresser sous les regards interloqués de l'assistance qui s'était faite muette. Les jambes tremblantes, Bigorneau réalisa avec stupeur que la nature avait repris ses droits et que tout paraissait en ordre.
"Je... je vais bien ?"
Puisque Bigorneau bénéficiait au sein de l'île au pirate d'un soutien majeur, la nouvelle de sa survie ne tarda pas à alimenter la joie de nombreux voyous de passage. Certains portaient les mains à leur front suite au miracle que venait de réaliser l'homme masqué, d'autres se mirent même à applaudir avec entrain et les derniers sifflaient entre leurs doigts collés pour signifier leur admiration. La vie reprit son court et les sirènes, tout en caressant et épongeant le visage transpirant de leur mentor, marmonnèrent en sanglotant :
"Amiral..."
"On croyait vous avoir perdu. C'est... c'est un miracle !"
Déglutissant difficilement, le pirate reprit ses esprits progressivement et comprit enfin ce qui lui avait échappé jusqu'à présent. Le masque, le nom... "Le Docteur". Ce type n'était pas n'importe qui, loin de là. Bigorneau en avait eu vaguement vent et ne s'était attardé qu'un minimum sur les histoires liées à cet étrange personnage, mais les rumeurs allaient vite. L'étranger paya pour les plantes consommées par le capitaine de la Ginette et lorsqu'il retourna se planter devant Bigorneau, celui-ci glissa non sans mal :
"Un putain d'miracle... à n'en pas douter."
S'écartant volontairement de ses favorites pour vérifier le bon fonctionnement de ses genoux fatigués, Bigorneau boita jusqu'à son vis-à-vis mystérieux puis, après un énième soupir de soulagement, il reprit enfin sa posture fière et sa contenance tout en ajustant le col froissé de son manteau. Un sourire retrouvé aux lèvres, il rétorqua alors :
"Aussi mouvementé toutes les nuits, j'en ai peur."
Avec force et fracas, il tapa du pied sur les planches et beugla :
"Les filles, Brochet Cramoisi ! Messieurs dames, ce gentilhomme est désormais sous ma protection ! Le premier qui le touche paiera cet affront de sa vie !"
Une annonce qui ferait prestement son petit bonhomme de chemin à chaque recoin du village. Désireux de ne pas manquer de respect à son nouveau compère, Bigorneau eut la courtoisie de ne pas offrir à son vis-à-vis une franche accolade car s'il était un vieux loup de mer, il connaissait les mœurs des terriens moins tactiles que lui. L'Amiral fit signe au Docteur de le suivre et ils se dirigèrent ensemble vers la fameuse taverne où devaient se réunir ses troupes d'ici une vingtaine de minutes. Il enfonça la porte d'un coup de pied qui témoignait de l'entier recouvrement de sa vigueur et de sa voix affreuse, il beugla :
"TOUT LE MONDE DEHORS ! L'AMIRAL EST LA !"
Le tenancier exténué par les arrivées emblématiques du pirate ne sursauta même pas, mais vint quand même effectuer une petite remarque pleine de désapprobation. Les pirates attablés maugréèrent un peu, mais commencèrent à rassembler leurs affaires.
"Amiral... Vous pouvez pas vider ma taverne un jour sur deux. Ca tue le commerce."
"ALORS TOUT LE MONDE DEDANS ! MAIS SALUEZ AU MOINS L'INVITÉ DU JOUR ! TOURNÉE GÉNERALE !"
Les concernés consentirent à accorder au Docteur un tonnerre d'applaudissements et à cogner leurs chopes en signe d'acclamation, même s'ils n'avaient pour la plupart pas la moindre idée de la raison qui les poussait à encenser le soigneur masqué. Profitant qu'une table ronde aux banquettes moins sales que les autres se libérait, Bigorneau vint s'installer tranquillement mais son escorte, au lieu de se poster à ses flancs, vint plutôt se frotter près du Docteur. Bigorneau claqua des doigts et les gronda un peu :
"Les filles ! Il se mange pas. Sages."
Un peu boudeuses, les demoiselles retournèrent à leurs chaises et posèrent bruyamment leurs coudes sur la table, avant de laisser les grands causer entre eux. Bigorneau leva un index en l'air, un éclat plein de malice dans un sourire jovial puis, de sa main libre, il vint chercher dans sa veste la fameuse boite ornée d'une hydre sculptée qu'il n'abandonnait jamais. Il en fit claquer le couvercle mécanique en appliquant une pression de son pouce et révéla ainsi le contenu, à savoir la fameuse poudre verte que tous s'arrachaient.
"Poudre verte. Vieille cuvée. Introuvable en ce moment. Personne sait d'où elle vient ici, mais j'en ai des stocks."
Le doigt leva retourna vivement au ceinturon du pirate et une dague en fut récupérée. Tapotant avec adresse et expérience le bord de sa boite, Bigorneau traça sur la table de bois quatre lignes de longueurs équivalentes et en ajusta la forme à l'aide de sa lame. Avec gourmandise, il ajouta après un clin d'œil qui se voulait complice :
"Du bon pour mes potes. Le meilleur pour mes amis."
Il se jeta tête en avant sur la trace de poudre et fut immédiatement imité par ses consœurs.
L'intrusion télépathique s'effectua une seconde fois et cette fois-ci, Bigorneau releva la tête en jetant au masque corbin un regard presque suppliant. Les crocs serrés au point d'en faire saigner ses gencives, le pirate entièrement contracté des pieds à la tête sentait déjà l'afflux sanguin empirer au point d'en affaiblir son cœur qui, d'une façon tout à fait effroyable, ratait désormais quelques battements supposés pourtant être réguliers. Il voulut dire au médecin mystérieux de faire ce qu'il avait à faire, mais aucun mot ne parvint à quitter sa gueule écrabouillée par la souffrance.
"Cela ne va pas être agréable" disait-il par l'esprit. Quel traitement pouvait-donc être pire que de se faire hacher menu le bout du mât par des tornades sanguines qui peinaient visiblement à circuler là où elles avaient pour mission de passer sans encombre ? Ce fut très rapidement que Bigorneau vint le découvrir. Subitement cambré en arrière par un mal nouveau qui remplaça le premier en l'éclipsant entièrement, il ressentit les milliers d'épines cinglantes qui se plantaient symboliquement dans sa chair. Ses lèvres bordées d'écume s'ouvrirent et il émit un gargouillement incompréhensible tandis que les sirènes se jetaient sur lui pour lui venir en aide, persuadées qu'elles étaient que le poison lui montait au crâne.
Il y eut de trop longues secondes de panique durant lesquelles le pirate fut pris de spasmes incontrôlables suite à la mystique intervention du soigneur obscur. La torture devint étrangement simple inconfort lorsque Bigorneau sentit la "tempête" se calmer et que l'anormale raideur perdit de sa superbe. Ses muscles encore douloureux cessèrent un à un de s'agiter et après un long moment d'angoisse et de perte de raison qui avait manqué de le pousser dans l'inconscience, il reprit de l'air et poussa un long soupir tout en s'affaissant sur lui-même. Par Kaiyo, il avait manqué de peu de se faire dessus.
Se refusant à subir plus longtemps l'humiliation d'une telle posture, il leva difficilement les yeux pour supporter le regard de l'être masqué et vint, grâce au soutien de ses consœurs pirates, se redresser sous les regards interloqués de l'assistance qui s'était faite muette. Les jambes tremblantes, Bigorneau réalisa avec stupeur que la nature avait repris ses droits et que tout paraissait en ordre.
"Je... je vais bien ?"
Puisque Bigorneau bénéficiait au sein de l'île au pirate d'un soutien majeur, la nouvelle de sa survie ne tarda pas à alimenter la joie de nombreux voyous de passage. Certains portaient les mains à leur front suite au miracle que venait de réaliser l'homme masqué, d'autres se mirent même à applaudir avec entrain et les derniers sifflaient entre leurs doigts collés pour signifier leur admiration. La vie reprit son court et les sirènes, tout en caressant et épongeant le visage transpirant de leur mentor, marmonnèrent en sanglotant :
"Amiral..."
"On croyait vous avoir perdu. C'est... c'est un miracle !"
Déglutissant difficilement, le pirate reprit ses esprits progressivement et comprit enfin ce qui lui avait échappé jusqu'à présent. Le masque, le nom... "Le Docteur". Ce type n'était pas n'importe qui, loin de là. Bigorneau en avait eu vaguement vent et ne s'était attardé qu'un minimum sur les histoires liées à cet étrange personnage, mais les rumeurs allaient vite. L'étranger paya pour les plantes consommées par le capitaine de la Ginette et lorsqu'il retourna se planter devant Bigorneau, celui-ci glissa non sans mal :
"Un putain d'miracle... à n'en pas douter."
S'écartant volontairement de ses favorites pour vérifier le bon fonctionnement de ses genoux fatigués, Bigorneau boita jusqu'à son vis-à-vis mystérieux puis, après un énième soupir de soulagement, il reprit enfin sa posture fière et sa contenance tout en ajustant le col froissé de son manteau. Un sourire retrouvé aux lèvres, il rétorqua alors :
"Aussi mouvementé toutes les nuits, j'en ai peur."
Avec force et fracas, il tapa du pied sur les planches et beugla :
"Les filles, Brochet Cramoisi ! Messieurs dames, ce gentilhomme est désormais sous ma protection ! Le premier qui le touche paiera cet affront de sa vie !"
Une annonce qui ferait prestement son petit bonhomme de chemin à chaque recoin du village. Désireux de ne pas manquer de respect à son nouveau compère, Bigorneau eut la courtoisie de ne pas offrir à son vis-à-vis une franche accolade car s'il était un vieux loup de mer, il connaissait les mœurs des terriens moins tactiles que lui. L'Amiral fit signe au Docteur de le suivre et ils se dirigèrent ensemble vers la fameuse taverne où devaient se réunir ses troupes d'ici une vingtaine de minutes. Il enfonça la porte d'un coup de pied qui témoignait de l'entier recouvrement de sa vigueur et de sa voix affreuse, il beugla :
"TOUT LE MONDE DEHORS ! L'AMIRAL EST LA !"
Le tenancier exténué par les arrivées emblématiques du pirate ne sursauta même pas, mais vint quand même effectuer une petite remarque pleine de désapprobation. Les pirates attablés maugréèrent un peu, mais commencèrent à rassembler leurs affaires.
"Amiral... Vous pouvez pas vider ma taverne un jour sur deux. Ca tue le commerce."
"ALORS TOUT LE MONDE DEDANS ! MAIS SALUEZ AU MOINS L'INVITÉ DU JOUR ! TOURNÉE GÉNERALE !"
Les concernés consentirent à accorder au Docteur un tonnerre d'applaudissements et à cogner leurs chopes en signe d'acclamation, même s'ils n'avaient pour la plupart pas la moindre idée de la raison qui les poussait à encenser le soigneur masqué. Profitant qu'une table ronde aux banquettes moins sales que les autres se libérait, Bigorneau vint s'installer tranquillement mais son escorte, au lieu de se poster à ses flancs, vint plutôt se frotter près du Docteur. Bigorneau claqua des doigts et les gronda un peu :
"Les filles ! Il se mange pas. Sages."
Un peu boudeuses, les demoiselles retournèrent à leurs chaises et posèrent bruyamment leurs coudes sur la table, avant de laisser les grands causer entre eux. Bigorneau leva un index en l'air, un éclat plein de malice dans un sourire jovial puis, de sa main libre, il vint chercher dans sa veste la fameuse boite ornée d'une hydre sculptée qu'il n'abandonnait jamais. Il en fit claquer le couvercle mécanique en appliquant une pression de son pouce et révéla ainsi le contenu, à savoir la fameuse poudre verte que tous s'arrachaient.
"Poudre verte. Vieille cuvée. Introuvable en ce moment. Personne sait d'où elle vient ici, mais j'en ai des stocks."
Le doigt leva retourna vivement au ceinturon du pirate et une dague en fut récupérée. Tapotant avec adresse et expérience le bord de sa boite, Bigorneau traça sur la table de bois quatre lignes de longueurs équivalentes et en ajusta la forme à l'aide de sa lame. Avec gourmandise, il ajouta après un clin d'œil qui se voulait complice :
"Du bon pour mes potes. Le meilleur pour mes amis."
Il se jeta tête en avant sur la trace de poudre et fut immédiatement imité par ses consœurs.
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Race: Elémentaire (Eau)
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Chaotique Mauvais
Rang: B
Bigorneau eut immédiatement l'impression, lorsque la poudre verte se fraya un chemin jusqu'à son cerveau malade, que sa tête toute entière s'était mise à vibrer frénétiquement. Il balança son crâne en arrière dans un spasme nerveux et se mit à taper énergiquement du pied sous la table en sifflant de plaisir tandis que ses filles, tout aussi enjouées mais moins expressives, passaient avec une synchronisation étrange un doigt sous leurs délicates narines afin de récolter les quelques grains perdus. Nérée humecta son index en l'embrassant, sans quitter des yeux les lentilles du masque de corbeau puis, dans un mouvement langoureux, elle frotta la table pour ramasser les quelques morceaux qui traînaient encore et elle vint appliquer le mélange alchimique contre ses gencives supérieures, pour ensuite passer sur ses crocs sa langue rose.
"On n'gâche pas, nous." dit-elle d'un ton goguenard et bizarrement aguicheur.
Nouvelle impulsion télépathique à laquelle Bigorneau répondit en abaissant nerveusement la tête. Ses paupières étaient désormais prises de sautes occasionnelles et ses yeux emplis de folie fixaient avec une rare instance les lentilles obscurcies de l'homme masqué. Lorsque le Docteur se dévoila comme étant à l'origine du fameux produit interdit, l'Amiral n'en crut pas ses oreilles mais ne pensa pas un seul instant à remettre en cause les propos du chimiste. Après le miracle dont il s'était rendu responsable quelques minutes auparavant, l'Elémentaire était prêt à croire absolument tout au sujet des capacités du mystérieux homme-oiseau.
Un sachet lui fit ensuite offert et lorsque Bigorneau pencha la tête avant de défaire les ficelles pour ensuite inspecter le contenu, il fut littéralement estomaqué par ce qu'il venait de voir. La poudre à l'intérieur du sachet paraissait plus fine, plus brillante, plus belle encore que le sable d'une plage tropicale. L'Amiral tira sur les fils pour refermer le sachet qu'il garda jalousement entre ses mains comme pour le protéger de menaces invisibles qu'il s'imaginait à cause de la substance précédemment ingérée. Chuchotant à moitié, il lança :
"Que dites-vous ?"
Dame Nautalis leva les yeux au ciel, avant de rétorquer, loches posées sur la table :
"Il dit que c'est lui qui a..."
Bigorneau tapa du poing sur la table et adressa à sa fidèle amie un air colérique :
"C'était rhétorique, idiote. J'ai parfaitement entendu. Enfin... pensé... enfin, bref. On s'en moque."
Formant un cercle avec son pouce et son index dans une tentative de captiver l'attention de ses trois interlocuteurs, Bigorneau se pencha en avant sur la table et y apposa son coude, avant de reprendre avec sérieux :
"Ce que je veux dire, c'est que je trouve formidable que vous soyez le créateur de... AH MERDE ! Maintenant que j'ai commencé à y réfléchir, j'arrive pas à me sortir l'idée de la tête. On peut pas dire "entendu", on peut pas dire non plus "pensé", puisque c'est vous qui me soufflez les mots directement dans ma tête. Du coup, qu'est-ce qu'on dit pour expliquer que quelqu'un nous a parlé par la voie de l'esprit ?"
"Dire... Penser... Dipensé ?"
"Enpensé ?"
"Nan, dipensé, c'est plus logique."
"Moui, c'est vrai."
"Okay, va pour dipenser. Ce sera notre nouveau verbe pour parler de ça."
Il se racla la gorge, puis reprit après un moment d'hésitation, la drogue n'aidant pas :
"Donc j'disais... J'ai tout à fait compris ce que vous m'avez dipensé, mais je n'en reviens pas. Vous m'dites que la poudre verte que s'arrachent tous les amateurs de plaisirs interdits est l'une de vos créations, puis vous m'demandez ce que vous pouvez faire pour moi ? Votre question n'a aucun sens, cher ami !"
Il s'affaissa encore un peu sur la table, sa paranoïa ayant été amplifiée par l'excès de poudre. Son menton frôlait presque les planches et ses yeux fous furetaient dans toutes les directions. Il invita le Docteur à se rapprocher de lui pour ne pas être entendu, chose parfaitement inutile du fait du mode de communication qui avait précédemment fait l'objet de tout un débat.
"Refilez-moi cette merde et j'en assure la distribution sur l'entièreté de Brumerive. Je peux même vous la transporter à l'étranger. Vous et moi, on peut se faire des burnes en or, mon vieux ! Vous venez littéralement de me mettre un trésor entre les pattes !"
Encore plusieurs coups d'oeil inquiets, puis il conclut :
"Vous avez besoin d'un bateau ? J'vous le file. Une escorte ? Pareil. Des rombières à sauter ? Je claque des doigts et vous obtenez les plus belles sirènes que le Sekaï peut vous offrir. Donnez un prix, il sera l'mien !"
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Nahash
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L'Amiral Bigorneau
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Info personnage
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Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Chaotique Mauvais
Rang: B
Lorsque le Docteur révéla qu'il était enchanté par la perspective d'un partenariat à long terme, le sourire de prédateur de Bigorneau s'agrandit encore d'un cran. Tapotant la table comme un gourmand s'attendant à être servi à tout moment, Bigorneau dodelinait avec enjouement lorsque lui parvenaient les mots dipensés par son vis-à-vis. La simple idée de pouvoir se faire distributeur exclusif d'une poudre verte rendue plus pure et plus addictive qu'elle ne l'avait jamais été semblait déjà plus qu'alléchant pour l'Amiral et les bonnes nouvelles ne venant jamais seules, l'idée paraissait avoir fait germer dans l'esprit de l'homme masqué d'autres hypothèses encore plus prolifiques.
"Vos pourcentages me conviennent parfaitement. Je vois que vous avez l'habitude de commercer avec les locaux. Pour ce qui est de vos autres nécessités, ne vous privez pas de m'en faire part ! Allez-y mon brave ! J'ai de l'eau dans les oreilles, mais mon esprit vous est ouvert !"
Nérée et Marinielle Nautalis semblaient tout aussi fascinées par le projet soumis par le mystérieux Docteur et avaient abandonné toute tentative de le charmer afin de se repaître de sa chair. Attirées désormais par des appétits d'une nature toute autre, elles s'évertuaient l'une comme l'autre à s'allonger sur la table pour venir chiper de leurs doigts effilés le sachet brun que conservait jalousement l'Amiral entre ses pognes. Les yeux rivés sur les lentilles du masque, Bigorneau paraissait sans doute trop intéressé par la conversation pour se concentrer sur la poudre qu'il tenait entre ses doigts et pourtant, il venait agiter son poignet avec une agilité surhumaine pour échapper aux serres de ses amies amphibies. Agacé d'être ainsi dérangé, il finit par administrer sur les doigts de Nérée une tape vive, puis abandonna finalement le sac que vinrent s'arracher les demoiselles. Il y en avait beaucoup plus de là où elle venait, à priori. Inutile de se crêper le chignon pour un si petit échantillon.
"Le Mortepeste, hein ? Je l'connais bien ce rafiot. Pour être totalement franc avec vous, je lui dois la vie. Mais nous y reviendrons plus tard..."
Apposant ses coudes sur la table, Bigorneau changea d'allure pour adopter la posture sérieuse de l'entrepreneur qu'il était, puis se racla la gorge en tâchant d'ignorer Nérée qui avait vaincu sa consœur au jeu de la chapardeuse. La sirène gloutonne était déjà en train de tapoter le cul du sachet pour faire s'écouler sur le bois ce sable verdâtre au cœur de toutes ses envies mais l'Amiral n'en avait cure. Doigts croisés les uns contre les autres, il reprit avec un exemplaire sérieux qui contrastait avec sa folie habituelle.
"Du transport, vous dites ? Ca peut s'négocier oui."
L'un de ses hommes passa la porte de la taverne en ajustant son ceinturon. L'Amiral claqua des doigts pour attirer l'attention de son compère à gueule de baudroie et lui fit signe de venir les rejoindre. Ce dernier hocha sa sale gueule pleine de crocs, agrippa une chope de rhum au comptoir et vint ensuite rejoindre le petit attroupement, non sans gratifier le Docteur d'une brève salutation faite à l'aide de sa main palmée. Peu dérangé par la venue de son camarade, l'Amiral enchaîna sur sa lancée :
"On est pas regardants sur nos cargaisons, vous vous doutez. Au sens propre comme au figuré, j'entends. On n'inspecte pas le contenu des tonneaux, si on nous dit de pas le faire. Pas de lettre de marque, ou alors on les bidonne au besoin, pas de papelard à signer pour vous. L'Empire est trop vaste pour assurer convenablement la sécurité de l'entièreté de ses côtes, j'ai ouï dire que le gros de leurs emmerdes venait plutôt de la terre ferme que des mers, si vous voyez c'que je veux dire..."
Il se pencha sur le côté et passa l'une de ses mains sous la table, avant de la faire surgir de derrière le rebord en agitant ses doigts griffus, évoquant ainsi l'image d'un mort-vivant perçant la terre pour s'en extraire lentement.
"De sous la terre, pour être précis. En tout cas vous bilez pas, on a nos accès et on peut faire passer des cargaisons sans problème. Tout dépend de la taille, du nombre et de la fréquence des trajets."
Se frottant le bout du museau entre le pouce et l'index, il conclut enfin :
"Concernant les maladies, on touche du bois. Le gros de nos associés dans le domaine médical nous venaient de la République et après la destruction de leur foutue colonie à Kaizoku, on a perdu pas mal de soutien de de côté-ci. C'était bien la seule chose qu'apportaient ces enflures de culs-bleus."
Jetant un oeil en biais aux sales trognes bouffies et rougeaudes qui peuplaient la taverne, Bigorneau compléta son discours :
"La pestilence nous prend nos gars, mais bien moins que la mer elle-même. Ce dont on manque actuellement c'est plutôt de... comment vous appelez ça..."
"...de p'tits gâteaux." souffla la Baudroie entre deux gorgées.
"Non... quoi ? De quoi tu parles ?"
"Moi j'adorer p'tits gâteaux délices."
Il y eut un bref silence, suivi par un soupir :
"D'accord, Mr. Perlenoyr. Non, je n'parlais pas de... gâteaux. Pardonnez son vocabulaire Docteur, il n'est pas d'ici."
En plus d'être limité intellectuellement, manqua-t-il d'ajouter...
"AH ! Nous manquons d'ingénierie à but médical, c'est ça le terme ? Nos marins perdent régulièrement des bouts, lors des affrontements. Personne ici ne sait fournir de prothèses pour nos malheureux estropiés, alors la plupart des grands blessés finissent par se saouler la gueule en bord de mer jusqu'à se dessécher comme de vieilles étoiles. Si on avait un moyen de leur ramener une part de leurs facultés, on pourrait les renvoyer à l'eau pour les faire bosser. Vous auriez pas ça en stock, à tout hasard ?"
"Vos pourcentages me conviennent parfaitement. Je vois que vous avez l'habitude de commercer avec les locaux. Pour ce qui est de vos autres nécessités, ne vous privez pas de m'en faire part ! Allez-y mon brave ! J'ai de l'eau dans les oreilles, mais mon esprit vous est ouvert !"
Nérée et Marinielle Nautalis semblaient tout aussi fascinées par le projet soumis par le mystérieux Docteur et avaient abandonné toute tentative de le charmer afin de se repaître de sa chair. Attirées désormais par des appétits d'une nature toute autre, elles s'évertuaient l'une comme l'autre à s'allonger sur la table pour venir chiper de leurs doigts effilés le sachet brun que conservait jalousement l'Amiral entre ses pognes. Les yeux rivés sur les lentilles du masque, Bigorneau paraissait sans doute trop intéressé par la conversation pour se concentrer sur la poudre qu'il tenait entre ses doigts et pourtant, il venait agiter son poignet avec une agilité surhumaine pour échapper aux serres de ses amies amphibies. Agacé d'être ainsi dérangé, il finit par administrer sur les doigts de Nérée une tape vive, puis abandonna finalement le sac que vinrent s'arracher les demoiselles. Il y en avait beaucoup plus de là où elle venait, à priori. Inutile de se crêper le chignon pour un si petit échantillon.
"Le Mortepeste, hein ? Je l'connais bien ce rafiot. Pour être totalement franc avec vous, je lui dois la vie. Mais nous y reviendrons plus tard..."
Apposant ses coudes sur la table, Bigorneau changea d'allure pour adopter la posture sérieuse de l'entrepreneur qu'il était, puis se racla la gorge en tâchant d'ignorer Nérée qui avait vaincu sa consœur au jeu de la chapardeuse. La sirène gloutonne était déjà en train de tapoter le cul du sachet pour faire s'écouler sur le bois ce sable verdâtre au cœur de toutes ses envies mais l'Amiral n'en avait cure. Doigts croisés les uns contre les autres, il reprit avec un exemplaire sérieux qui contrastait avec sa folie habituelle.
"Du transport, vous dites ? Ca peut s'négocier oui."
L'un de ses hommes passa la porte de la taverne en ajustant son ceinturon. L'Amiral claqua des doigts pour attirer l'attention de son compère à gueule de baudroie et lui fit signe de venir les rejoindre. Ce dernier hocha sa sale gueule pleine de crocs, agrippa une chope de rhum au comptoir et vint ensuite rejoindre le petit attroupement, non sans gratifier le Docteur d'une brève salutation faite à l'aide de sa main palmée. Peu dérangé par la venue de son camarade, l'Amiral enchaîna sur sa lancée :
"On est pas regardants sur nos cargaisons, vous vous doutez. Au sens propre comme au figuré, j'entends. On n'inspecte pas le contenu des tonneaux, si on nous dit de pas le faire. Pas de lettre de marque, ou alors on les bidonne au besoin, pas de papelard à signer pour vous. L'Empire est trop vaste pour assurer convenablement la sécurité de l'entièreté de ses côtes, j'ai ouï dire que le gros de leurs emmerdes venait plutôt de la terre ferme que des mers, si vous voyez c'que je veux dire..."
Il se pencha sur le côté et passa l'une de ses mains sous la table, avant de la faire surgir de derrière le rebord en agitant ses doigts griffus, évoquant ainsi l'image d'un mort-vivant perçant la terre pour s'en extraire lentement.
"De sous la terre, pour être précis. En tout cas vous bilez pas, on a nos accès et on peut faire passer des cargaisons sans problème. Tout dépend de la taille, du nombre et de la fréquence des trajets."
Se frottant le bout du museau entre le pouce et l'index, il conclut enfin :
"Concernant les maladies, on touche du bois. Le gros de nos associés dans le domaine médical nous venaient de la République et après la destruction de leur foutue colonie à Kaizoku, on a perdu pas mal de soutien de de côté-ci. C'était bien la seule chose qu'apportaient ces enflures de culs-bleus."
Jetant un oeil en biais aux sales trognes bouffies et rougeaudes qui peuplaient la taverne, Bigorneau compléta son discours :
"La pestilence nous prend nos gars, mais bien moins que la mer elle-même. Ce dont on manque actuellement c'est plutôt de... comment vous appelez ça..."
"...de p'tits gâteaux." souffla la Baudroie entre deux gorgées.
"Non... quoi ? De quoi tu parles ?"
"Moi j'adorer p'tits gâteaux délices."
Il y eut un bref silence, suivi par un soupir :
"D'accord, Mr. Perlenoyr. Non, je n'parlais pas de... gâteaux. Pardonnez son vocabulaire Docteur, il n'est pas d'ici."
En plus d'être limité intellectuellement, manqua-t-il d'ajouter...
"AH ! Nous manquons d'ingénierie à but médical, c'est ça le terme ? Nos marins perdent régulièrement des bouts, lors des affrontements. Personne ici ne sait fournir de prothèses pour nos malheureux estropiés, alors la plupart des grands blessés finissent par se saouler la gueule en bord de mer jusqu'à se dessécher comme de vieilles étoiles. Si on avait un moyen de leur ramener une part de leurs facultés, on pourrait les renvoyer à l'eau pour les faire bosser. Vous auriez pas ça en stock, à tout hasard ?"
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L'Amiral Bigorneau
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Joignant les bouts de ses doigts, Bigorneau plaça ses mains contre l'arête de son nez tout en tâchant malgré la poudre qui lui dévorait le cerveau d'assimiler les innombrables aubaines que révélait le discours du Docteur. Accordant à sa fidèle amie désormais droguée jusqu'à l'os un regard en biais, il la vit se stopper littéralement sur place et lui jeta un court instant un air empli d'inquiétude mais lorsqu'elle reprit son souffle brusquement pour se mettre à dodeliner sur sa chaise comme une algue remuée par les courants marins, il cessa de s'en faire et retourna au vif du sujet, un sourire de satisfaction toujours solidement ancré sur ses lèvres bleutées :
"Je peine à comprendre le choix de ce masque. Vous apparaissez sous les traits d'un corbeau mais vous avez tout d'un phénix, mon vieux. Vous êtes pour moi un symbole de renouveau, bien loin de la déchéance à laquelle on irait vous associer à l'instinct..."
Les compliments qu'il offrait au soigneur masqué trouvaient sans doute leur cible sans mal mais pour l'esprit de Nérée et de Marinielle qui étaient toutes deux en train de flirter avec les étoiles, les propos de l'Amiral paraissaient tout bonnement incompréhensible. Mr. Perlenoyr, quant à lui, était sans doute en train de s'évertuer à ne pas oublier comment respirer, ou encore par quel moyen garder sa salive dans sa gueule sertie de crocs pointus. Bigorneau, malgré sa verve acérée et ses facultés nombreuses, n'était pas un homme de lettre. Aussi, il fut comblé lorsque le carnet de note qui lui fut présenté se changea par magie en schéma illusoire qui permit sans mal aux forbans de visualiser sans gymnastique mentale superflue la nature exacte de ce que proposait le chercheur.
"Bordel de merde, par les couilles de Kaiyo..."
S'il ne manquait pas d'éloquence, la surprise née de cette hallucination collective n'avait pas manqué de le priver de sa courtoisie nouvellement acquise. Il y avait dans cette rencontre étrange de nombreux aspects fabuleux mais tous, y compris les plus aliénés des membres de l'assistance, commençaient à comprendre à quel point la venue de cet être particulier avait du sens. La musique s'était faite plus forte dans la taverne et empêchait un peu Bigorneau de se concentrer convenablement, ce qui participa à le pousser à accepter la nouvelle offre du Docteur, malgré quelques réticences intérieures. D'un bond, Bigorneau se redressa et embarqua les sirènes avec lui, laissant l'homme-baudroie pour seul responsable du rassemblement prévu :
"Mr. Perlenoyr, informez tout le monde que nos voguerons vers l'ouest avec pour destination finale le Croisement Carmin. Que nos navigateurs préparent l'itinéraire et que les logisticiens assurent la récolte des vivres. Je fais un tour à la maison de soin, mais je reviendrai pour présider notre réunion plus tard. Vous pouvez leur dire tout ça ?"
"Itinéraire et vivres pour réunion, dire tout ça n'est aucun problème pour part à vous du maison de soin. Bien entendu à vos désirs."
Bigorneau haussa les sourcils, leva les yeux au ciel puis se résolut à faire avec ce qu'il avait.
"Ca... fera l'affaire. Bon courage."
Les demoiselles rendues hilares par l'excès de poudre se levèrent et semblaient admirer dans le décor des lueurs qui n'étaient pas là. Jouant du clavecin dans le vide à l'aide de leurs doigts effilés, elles chantonnaient toutes les deux mais paraissaient suffisamment alertes pour parvenir à suivre l'Amiral, ce qui était déjà un excellent point. Bigorneau ajusta son ceinturon ainsi que le col de son manteau, quitta la table avec ses trois accompagnateurs et eut la galanterie de tenir la porte au Docteur lorsque celui-ci quitta les lieux à sa suite.
"Maison de soin, c'est un bien grand mot. L'appellation devrait plutôt être : une grosse tente où on lâche les malades jusqu'à ce qu'ils crèvent ou qu'ils se remettent par miracle, voilà ce que c'est si vous voulez mon avis..."
Descendant les marches à quatre, le pirate et ses compagnons quittèrent les planches tordues et retournèrent jusqu'à la plage sur laquelle se trouvait le fameux emplacement où étaient dispensés les soins d'urgence. Même à l'extérieur de l'endroit faiblement éclairé par quelques torches plantées à la hâte, on entendait déjà les sanglots et les ruminations des quelques blessés revenus d'une vilaine escapade. S'apprêtant à pousser la toile faisant pour l'endroit office de porte d'entrée, Bigorneau fit brusquement volte-face en direction du Docteur et lança, non sans un certain embarras :
"Oh. La patronne ne m'apprécie guère... Un accrochage récent. Rien qui vous concerne, mon brave."
Il pivota et lorsqu'il entra à l'intérieur, Bigorneau se retrouva aussitôt nez-à-nez avec une lance affutée sur laquelle semblait avoir été appliqué une substance à l'odeur nauséabonde et aux propriétés évidemment toxiques. Mains en l'air en signe d'apaisement, le pirate loucha un moment sur l'arme avec laquelle il était menacé puis remonta le long du manche pour venir croiser le regard de la femme qui ne semblait pas lui vouloir du bien. Cette dernière, une vieille dryade cornue aux origines obscures, ressemblait soit à une Drakyn maudite recouverte d'écorce, mais plus probablement à une Elémentaire faite de bois et de racine. Entre ses dents noires, la vieille soigneuse cracha :
"Bigorneau ! J'ai senti ta puanteur dés que tu as posé le pied sur nos plages. Qu'est-ce que tu fiches ici, sale chien des quais ?"
Vaguement désarçonné, mais pas découragé pour autant, l'Amiral abaissa très légèrement ses mains et adressa à son interlocutrice courroucée un regard empli d'affection :
"Madame Fierargent ! Vous êtes en forme, aujourd'hui ? Comment va votre mari ?
"Toujours mort. Prend exemple."
"Hm... fâcheux."
S'éloignant un peu de l'arme mortelle qu'on lui destinait, Bigorneau recula d'un pas et vint introduire le Docteur sans perdre un instant ce mielleux rictus qu'il avait revêtu pour l'occasion :
"Je n'viens pas pour moi, mais pour vous présenter un ami ! Un soigneur, tout comme vous, mais qui fait des miracles !"
Elle grogna et poussa une sorte de feulement profond et bestial. Bigorneau s'empressa de rectifier :
"Je voulais dire... un soigneur capable de rivaliser avec vos extraordinaires aptitudes, très chère ! Consentiriez-vous à le laisser ausculter quelques-uns de nos blessés ? Il sait y faire, je vous l'jure.
La guérisseuse abaissa sa lance puis s'en servit comme d'une canne. S'approchant à pas lents et lourds du Docteur, elle l'inspecta en le reniflant comme l'aurait fait un ours avec sa proie, avant d'ajouter :
"Ne jure pas, diable d'eau. Ta parole vaut rien."
"Accordez-lui une chance."
Reportant son attention sur le Docteur, elle plongea ses yeux qui semblaient noyés d'encre dans les lentilles du masque corbin :
"Tu soignes ? Suis-moi, alors."
"Je peine à comprendre le choix de ce masque. Vous apparaissez sous les traits d'un corbeau mais vous avez tout d'un phénix, mon vieux. Vous êtes pour moi un symbole de renouveau, bien loin de la déchéance à laquelle on irait vous associer à l'instinct..."
Les compliments qu'il offrait au soigneur masqué trouvaient sans doute leur cible sans mal mais pour l'esprit de Nérée et de Marinielle qui étaient toutes deux en train de flirter avec les étoiles, les propos de l'Amiral paraissaient tout bonnement incompréhensible. Mr. Perlenoyr, quant à lui, était sans doute en train de s'évertuer à ne pas oublier comment respirer, ou encore par quel moyen garder sa salive dans sa gueule sertie de crocs pointus. Bigorneau, malgré sa verve acérée et ses facultés nombreuses, n'était pas un homme de lettre. Aussi, il fut comblé lorsque le carnet de note qui lui fut présenté se changea par magie en schéma illusoire qui permit sans mal aux forbans de visualiser sans gymnastique mentale superflue la nature exacte de ce que proposait le chercheur.
"Bordel de merde, par les couilles de Kaiyo..."
S'il ne manquait pas d'éloquence, la surprise née de cette hallucination collective n'avait pas manqué de le priver de sa courtoisie nouvellement acquise. Il y avait dans cette rencontre étrange de nombreux aspects fabuleux mais tous, y compris les plus aliénés des membres de l'assistance, commençaient à comprendre à quel point la venue de cet être particulier avait du sens. La musique s'était faite plus forte dans la taverne et empêchait un peu Bigorneau de se concentrer convenablement, ce qui participa à le pousser à accepter la nouvelle offre du Docteur, malgré quelques réticences intérieures. D'un bond, Bigorneau se redressa et embarqua les sirènes avec lui, laissant l'homme-baudroie pour seul responsable du rassemblement prévu :
"Mr. Perlenoyr, informez tout le monde que nos voguerons vers l'ouest avec pour destination finale le Croisement Carmin. Que nos navigateurs préparent l'itinéraire et que les logisticiens assurent la récolte des vivres. Je fais un tour à la maison de soin, mais je reviendrai pour présider notre réunion plus tard. Vous pouvez leur dire tout ça ?"
"Itinéraire et vivres pour réunion, dire tout ça n'est aucun problème pour part à vous du maison de soin. Bien entendu à vos désirs."
Bigorneau haussa les sourcils, leva les yeux au ciel puis se résolut à faire avec ce qu'il avait.
"Ca... fera l'affaire. Bon courage."
Les demoiselles rendues hilares par l'excès de poudre se levèrent et semblaient admirer dans le décor des lueurs qui n'étaient pas là. Jouant du clavecin dans le vide à l'aide de leurs doigts effilés, elles chantonnaient toutes les deux mais paraissaient suffisamment alertes pour parvenir à suivre l'Amiral, ce qui était déjà un excellent point. Bigorneau ajusta son ceinturon ainsi que le col de son manteau, quitta la table avec ses trois accompagnateurs et eut la galanterie de tenir la porte au Docteur lorsque celui-ci quitta les lieux à sa suite.
"Maison de soin, c'est un bien grand mot. L'appellation devrait plutôt être : une grosse tente où on lâche les malades jusqu'à ce qu'ils crèvent ou qu'ils se remettent par miracle, voilà ce que c'est si vous voulez mon avis..."
Descendant les marches à quatre, le pirate et ses compagnons quittèrent les planches tordues et retournèrent jusqu'à la plage sur laquelle se trouvait le fameux emplacement où étaient dispensés les soins d'urgence. Même à l'extérieur de l'endroit faiblement éclairé par quelques torches plantées à la hâte, on entendait déjà les sanglots et les ruminations des quelques blessés revenus d'une vilaine escapade. S'apprêtant à pousser la toile faisant pour l'endroit office de porte d'entrée, Bigorneau fit brusquement volte-face en direction du Docteur et lança, non sans un certain embarras :
"Oh. La patronne ne m'apprécie guère... Un accrochage récent. Rien qui vous concerne, mon brave."
Il pivota et lorsqu'il entra à l'intérieur, Bigorneau se retrouva aussitôt nez-à-nez avec une lance affutée sur laquelle semblait avoir été appliqué une substance à l'odeur nauséabonde et aux propriétés évidemment toxiques. Mains en l'air en signe d'apaisement, le pirate loucha un moment sur l'arme avec laquelle il était menacé puis remonta le long du manche pour venir croiser le regard de la femme qui ne semblait pas lui vouloir du bien. Cette dernière, une vieille dryade cornue aux origines obscures, ressemblait soit à une Drakyn maudite recouverte d'écorce, mais plus probablement à une Elémentaire faite de bois et de racine. Entre ses dents noires, la vieille soigneuse cracha :
"Bigorneau ! J'ai senti ta puanteur dés que tu as posé le pied sur nos plages. Qu'est-ce que tu fiches ici, sale chien des quais ?"
Vaguement désarçonné, mais pas découragé pour autant, l'Amiral abaissa très légèrement ses mains et adressa à son interlocutrice courroucée un regard empli d'affection :
"Madame Fierargent ! Vous êtes en forme, aujourd'hui ? Comment va votre mari ?
"Toujours mort. Prend exemple."
"Hm... fâcheux."
S'éloignant un peu de l'arme mortelle qu'on lui destinait, Bigorneau recula d'un pas et vint introduire le Docteur sans perdre un instant ce mielleux rictus qu'il avait revêtu pour l'occasion :
"Je n'viens pas pour moi, mais pour vous présenter un ami ! Un soigneur, tout comme vous, mais qui fait des miracles !"
Elle grogna et poussa une sorte de feulement profond et bestial. Bigorneau s'empressa de rectifier :
"Je voulais dire... un soigneur capable de rivaliser avec vos extraordinaires aptitudes, très chère ! Consentiriez-vous à le laisser ausculter quelques-uns de nos blessés ? Il sait y faire, je vous l'jure.
La guérisseuse abaissa sa lance puis s'en servit comme d'une canne. S'approchant à pas lents et lourds du Docteur, elle l'inspecta en le reniflant comme l'aurait fait un ours avec sa proie, avant d'ajouter :
"Ne jure pas, diable d'eau. Ta parole vaut rien."
"Accordez-lui une chance."
Reportant son attention sur le Docteur, elle plongea ses yeux qui semblaient noyés d'encre dans les lentilles du masque corbin :
"Tu soignes ? Suis-moi, alors."
Citoyen de La République
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crédits : 298
Citoyen du monde
L'Amiral Bigorneau
Messages : 179
crédits : 618
crédits : 618
Info personnage
Race: Elémentaire (Eau)
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Chaotique Mauvais
Rang: B
Si elle s'était contenté de suivre d'un regard insistant les faits et gestes de son confrère soigneur, la dryade à l'âge indéfinissable avait paru s'adoucir au fil des opérations menées par le Docteur. Trop fière pour admettre que Bigorneau ait enfin pu se montrer utile pour cette île où il n'avait jusqu'à présent été qu'un poison, elle fit donc ses compliments d'une façon détournée en prenant soin de vilipender l'Elémentaire bleu qui patientait à l'extérieur en compagnie de ses amies toujours aussi hilares. Le Docteur avait fourni à la soigneuse en chef une liste d'éléments supposés permettre la conception d'une prothèse et Fierargent s'était empressé de s'en emparer pour ensuite quitter la tente sans plus de cérémonie.
"Les filles, du calme."
Visiblement investi dans la relecture d'un carnet ressassant les comptes et dépenses liés à la Ginette, Bigorneau avait profité de l'instant de répit que lui accordaient les soins pour inscrire de nouvelles entrées dans ses notes. Les sirènes profondément altérées dans leur psyché par les effets récréatifs de la poudre verte profitaient quant à elle d'un spectacle qu'elles seules semblaient voir et se prélassaient dans le sable fin en gloussant comme deux dindes. S'il leur accordait tout de même un occasionnel regard en biais, Bigorneau paraissait trop concentré sur ses petites affaires pour s'en soucier outre mesure. Ce fut la venue de la guérisseuse qui le tira à ses réflexions mais il n'eut même pas le temps de lever les yeux vers elle que déjà, cette dernière lui avait plaqué la liste de matériaux en plein contre la truffe.
"Tu ramènes ça."
Lâchant son carnet de note en pestant suite à cet assaut porté en traître, le pauvre Amiral agrippa prestement le papelard flanqué sur son museau pour lire ce qui y était inscrit. Rien d'introuvable, mais il n'avait pas le cœur à faire des efforts et soupira donc avec lassitude tout en essayant de rendre la liste à celle qui venait de lui donner. Tout en tendant le parchemin en sa direction, il marmonna :
"A cette heure-ci ? Je vais jamais trouver tout ça, ma p'tite dame."
La dryade poussa une sorte de grognement guttural qu'on eut dit tout droit sorti de la gorge d'un lion enragé et Bigorneau, sous le coup de la surprise, tomba de son tabouret improvisé pour venir rejoindre ses sirènes qui se tortillaient dans le sable. Sa main empoignait toujours la liste, par miracle, et après s'être rapidement remis de sa stupeur, l'Elémentaire récupéra son tricorne couvert de sable et rétorqua comme un gamin puni par sa vieille tante :
"D'accord, d'accord ! Je vais voir c'que je peux faire, pas la peine de m'crier après..."
Elle maugréa et fit volte-face pour retourner à l'intérieur de la maison de soin, non sans adresser au pirate une œillade assassine. Bigorneau jura un peu puis rassembla ses greluches droguées jusqu'à l'os avant de s'éclipser pour rassembler ses hommes dans l'espoir de trouver tout le fichu matériel qu'on lui avait demandé de dénicher.
Fierargent, pendant ce temps-là, prit le temps de rejoindre le Docteur qu'elle ne coupa jamais durant ses longues et fastidieuses manœuvres. Malgré une forte expérience qu'elle devait tant à son âge qu'aux savoirs perdus qu'on lui avait transmis, elle n'avait jamais su pallier au manque de ressources de Brumerive et combattait sans cesse la furie des éléments, chose qui rendait la guérison de ses patients plus difficile, sans compter qu'elle ne disposait dans ses démarches que d'un budget limité. Les pirates n'accordaient que peu d'attentions à leurs blessés, dans une profession aussi mortellement dangereuse que la leur, sans compter que peu d'entre eux étaient assez altruistes pour faire autre chose que se saouler lorsqu'ils revenaient de leurs escapades en hautes mers...
L'œuvre du médecin masqué dura fort longtemps et la vieille peau d'écorce, malgré ses inquiétudes, décida de retourner lui causer en estimant faire là une action salvatrice.
"Tu devrais pas faire affaire avec lui."
Il y eut un court silence, durant lequel elle hésita lisiblement avant d'ajouter :
"Le Bleu. C'est un mauvais bougre. Cœur pourri et dents longues. Les jeunes l'appellent Amiral, les anciens disent Fléau. Toi tu soignes, tu fais le bien. Lui tue, mais même pas pour piller. Il fait le mal pour son bon plaisir... Tu dois t'éloigner d'lui, il te mérite pas."
Il y avait dans cette annonce une naïveté, touchante au demeurant, mais tout de même bien éloignée de la réalité. En terme de vilénie, le corbeau et le fléau se valaient bien. Les mises en garde trouvèrent d'ailleurs leur terme à cet instant car Bigorneau refit son apparition en compagnie de l'entièreté de ses troupes qu'il était allé chercher au Brochet Cramoisi afin de lui porter secours. L'Amiral fit déposer les quelques caissettes de matériel près du Docteur et passa sur son front un mouchoir usé afin d'en dégager d'imaginaires gouttes de transpiration. Bien évidemment, il avait laisser les autres tout trimballer pour lui.
"Vous avez idée de la galère que c'est de trouver tout ça en pleine nuit ? Le marché est ouvert, je le sais bien, mais je n'vois pas dans le noir et..."
"Tu te tais."
"Et je me tais, d'accord."
Il était inhabituel de voir l'Amiral s'aplatir ainsi, pour ne pas dire totalement singulier. S'il n'avait pour la guérisseuse qu'un respect très limité, l'Amiral était toutefois doté d'un certain intellect et savait placer ses billes au bon endroit. En vue de la guerre qu'il préparait contre tout ce qui n'arborait pas le pavillon noir, il valait mieux se ranger d'avance du bon côté de la scie à os. C'était donc dans cet état d'esprit porté sur l'entendement et les courbettes qu'il acceptait de se laisser marcher dessus, au moins pour cette fois.
Le Docteur s'occupa alors du blessé auquel il vint fournir la première prothèse d'une longue série. Surpris par une telle ingéniosité, Bigorneau s'était tout du long montré très attentif et n'avait pas manqué une miette du spectacle malgré sa globale incompréhension des opérations menées par le praticien de l'ombre. Fasciné par le résultat autant que par la méthode, il ne s'était relevé de l'armoire contre laquelle il avait choisi de s'adosser qu'à l'issue des manipulations. Le malheureux auquel on venait de rendre l'usage partielle de ses pattes offrit tout naturellement une poignée de main franche à son sauveur et commença à essayer son nouveau pied pendant que Bigorneau profitait de l'occasion pour reprendre la conversation avec le rapace.
"Archaïque, vous rigolez ? Vous venez de nous apprendre l'utilisation de la roue, sur ce coup. Vos performances sont miraculeuses, mais je n'vais certainement pas vous accaparer toute la soirée avec nos nombreux malades. Vos plans suffiront. Pour la suite, nous nous en remettrons à la doyenne."
S'approchant timidement de cette dernière, Bigorneau joignit ses mains dans son dos et fit un sourire à la seconde experte qui rangeait et nettoyait ses outils sans accorder un coup d'œil à l'intrus qu'elle méprisait. L'Amiral se racla la gorge, avant d'ajouter :
"Vous voyez, je n'suis pas le monstre que vous dépeignez."
Elle pointa d'un index crochu le Docteur, avant de vociférer :
"Lui non, mais toi oui. C'est lui qui soigne, toi tu détruis. Moi, j'oublie pas."
"Admettez tout de même que c'est moi qui vous l'ai amené."
"Pars et paye-le, fripouille."
"Bon, bon... Bonne soirée, m'sieurs dames..."
Invitant la troupe et le Docteur à se retirer, il plia bagages et laissa le reste du matériel sur place. Dame Fierargent suivit le Docteur des yeux pendant le départ, comme pour l'implorer silencieusement de ne pas accorder sa confiance à l'Amiral, mais elle ne dit pas un mot de plus et se mit à analyser les plans qu'on lui avait refilé. Une fois à l'extérieur, Bigorneau inspira à pleins poumons et se mit à marcher en compagnie de ses pairs et de leur invité.
"Vous m'avez encore époustouflé, Docteur. Je prépare quelque chose et vous venez d'ajouter une pierre à l'édifice que je souhaite bâtir..."
Ils continuèrent leur progression sur les plages longeant Brumerive et après quelques minutes passés à se balader, ils furent assez éloignés des festivités pour n'entendre que les bruissements des vagues, du vent et des quelques oiseaux nocturnes se chamaillant dans les cieux noirs. La lune, belle et entière, rendait les océans aussi somptueux que Bigorneau les avaient toujours connus. Un sourire aux lèvres, il s'immobilisa puis, tout en faisant face aux eaux, il indiqua la silhouette reconnaissable entre mille du Mortepeste qui mouillait au loin.
"J'ai participé à la bataille de Kaizoku, Docteur. Ce rafiot là-bas, il y était aussi. C'est assez embarrassant de vous avouer ça, mais j'ai pris lors du conflit un sacré coup dans la gueule, ça m'a mis hors d'état de nuire et j'ai raté le gros de la fête... J'me suis réveillé sous l'eau, la tête à l'envers et le crâne en sang. Lorsque j'suis remonté, la lave coulait, le kraken hurlait et les bateaux se faisaient la belle. C'est à la coque du Mortepeste que j'me suis accroché pour m'enfuir avec les autres."
Un bien doux euphémisme, pour l'un des plus cuisants échecs de sa carrière. La gorge un peu nouée par la frustration, il parvint tout de même à reprendre :
"Le Mortepeste était pas si connu que ça, autrefois. Des gars fiers à son bord, bien sûr, mais rien qui n'sorte de l'ordinaire..."
Les perles faisant pour lui office d'yeux s'orientèrent vers le masque corbin, et Bigorneau ajouta alors avec l'entreprise et la ferveur d'un homme qui sait de quoi il parle :
"...Jusqu'à bien sûr que de son pont jaillissent des flammes verdâtres, des poisons mortels et des nuages toxiques."
Ajustant un peu son col, il ricana un peu dans sa barbe et se mit à jouer avec le sachet de poudre à moitié vide que lui avait donné le praticien :
"Je crois qu'on s'est compris."
Il remit dans sa poche de manteau le sac de drogue, avant d'orienter l'une de ses paumes en direction des vaguelettes frappant le bord de plage. Il y eut dans la mer une impulsion singulière et subitement, les courants se plièrent à la volonté de l'Elémentaire pour s'immobiliser entièrement, faisant d'une fraction de l'indomptable océan un lac aussi parfaitement calme que silencieux. Maintenant sans effort cette prouesse magique, il tourna la tête et conclut :
"L'Docteur soigne, comme dit la vieille, mais il fait bien plus que ça; pas vrai ?"
Un nouveau ricanement secoua furtivement sa carcasse, puis il conclut avec un pétillement dans les yeux :
"J'ai besoin d'armes, Docteur. Le genre de trucs que gardent jalousement les culs-bleus et qui fracassent des coques aussi facilement qu'on coupe le beurre. Mon titre d'Amiral n'est pas là pour la décoration. Je pars en guerre, et j'dois rivaliser avec les gros poissons. On se suit toujours ?"
"Les filles, du calme."
Visiblement investi dans la relecture d'un carnet ressassant les comptes et dépenses liés à la Ginette, Bigorneau avait profité de l'instant de répit que lui accordaient les soins pour inscrire de nouvelles entrées dans ses notes. Les sirènes profondément altérées dans leur psyché par les effets récréatifs de la poudre verte profitaient quant à elle d'un spectacle qu'elles seules semblaient voir et se prélassaient dans le sable fin en gloussant comme deux dindes. S'il leur accordait tout de même un occasionnel regard en biais, Bigorneau paraissait trop concentré sur ses petites affaires pour s'en soucier outre mesure. Ce fut la venue de la guérisseuse qui le tira à ses réflexions mais il n'eut même pas le temps de lever les yeux vers elle que déjà, cette dernière lui avait plaqué la liste de matériaux en plein contre la truffe.
"Tu ramènes ça."
Lâchant son carnet de note en pestant suite à cet assaut porté en traître, le pauvre Amiral agrippa prestement le papelard flanqué sur son museau pour lire ce qui y était inscrit. Rien d'introuvable, mais il n'avait pas le cœur à faire des efforts et soupira donc avec lassitude tout en essayant de rendre la liste à celle qui venait de lui donner. Tout en tendant le parchemin en sa direction, il marmonna :
"A cette heure-ci ? Je vais jamais trouver tout ça, ma p'tite dame."
La dryade poussa une sorte de grognement guttural qu'on eut dit tout droit sorti de la gorge d'un lion enragé et Bigorneau, sous le coup de la surprise, tomba de son tabouret improvisé pour venir rejoindre ses sirènes qui se tortillaient dans le sable. Sa main empoignait toujours la liste, par miracle, et après s'être rapidement remis de sa stupeur, l'Elémentaire récupéra son tricorne couvert de sable et rétorqua comme un gamin puni par sa vieille tante :
"D'accord, d'accord ! Je vais voir c'que je peux faire, pas la peine de m'crier après..."
Elle maugréa et fit volte-face pour retourner à l'intérieur de la maison de soin, non sans adresser au pirate une œillade assassine. Bigorneau jura un peu puis rassembla ses greluches droguées jusqu'à l'os avant de s'éclipser pour rassembler ses hommes dans l'espoir de trouver tout le fichu matériel qu'on lui avait demandé de dénicher.
Fierargent, pendant ce temps-là, prit le temps de rejoindre le Docteur qu'elle ne coupa jamais durant ses longues et fastidieuses manœuvres. Malgré une forte expérience qu'elle devait tant à son âge qu'aux savoirs perdus qu'on lui avait transmis, elle n'avait jamais su pallier au manque de ressources de Brumerive et combattait sans cesse la furie des éléments, chose qui rendait la guérison de ses patients plus difficile, sans compter qu'elle ne disposait dans ses démarches que d'un budget limité. Les pirates n'accordaient que peu d'attentions à leurs blessés, dans une profession aussi mortellement dangereuse que la leur, sans compter que peu d'entre eux étaient assez altruistes pour faire autre chose que se saouler lorsqu'ils revenaient de leurs escapades en hautes mers...
L'œuvre du médecin masqué dura fort longtemps et la vieille peau d'écorce, malgré ses inquiétudes, décida de retourner lui causer en estimant faire là une action salvatrice.
"Tu devrais pas faire affaire avec lui."
Il y eut un court silence, durant lequel elle hésita lisiblement avant d'ajouter :
"Le Bleu. C'est un mauvais bougre. Cœur pourri et dents longues. Les jeunes l'appellent Amiral, les anciens disent Fléau. Toi tu soignes, tu fais le bien. Lui tue, mais même pas pour piller. Il fait le mal pour son bon plaisir... Tu dois t'éloigner d'lui, il te mérite pas."
Il y avait dans cette annonce une naïveté, touchante au demeurant, mais tout de même bien éloignée de la réalité. En terme de vilénie, le corbeau et le fléau se valaient bien. Les mises en garde trouvèrent d'ailleurs leur terme à cet instant car Bigorneau refit son apparition en compagnie de l'entièreté de ses troupes qu'il était allé chercher au Brochet Cramoisi afin de lui porter secours. L'Amiral fit déposer les quelques caissettes de matériel près du Docteur et passa sur son front un mouchoir usé afin d'en dégager d'imaginaires gouttes de transpiration. Bien évidemment, il avait laisser les autres tout trimballer pour lui.
"Vous avez idée de la galère que c'est de trouver tout ça en pleine nuit ? Le marché est ouvert, je le sais bien, mais je n'vois pas dans le noir et..."
"Tu te tais."
"Et je me tais, d'accord."
Il était inhabituel de voir l'Amiral s'aplatir ainsi, pour ne pas dire totalement singulier. S'il n'avait pour la guérisseuse qu'un respect très limité, l'Amiral était toutefois doté d'un certain intellect et savait placer ses billes au bon endroit. En vue de la guerre qu'il préparait contre tout ce qui n'arborait pas le pavillon noir, il valait mieux se ranger d'avance du bon côté de la scie à os. C'était donc dans cet état d'esprit porté sur l'entendement et les courbettes qu'il acceptait de se laisser marcher dessus, au moins pour cette fois.
Le Docteur s'occupa alors du blessé auquel il vint fournir la première prothèse d'une longue série. Surpris par une telle ingéniosité, Bigorneau s'était tout du long montré très attentif et n'avait pas manqué une miette du spectacle malgré sa globale incompréhension des opérations menées par le praticien de l'ombre. Fasciné par le résultat autant que par la méthode, il ne s'était relevé de l'armoire contre laquelle il avait choisi de s'adosser qu'à l'issue des manipulations. Le malheureux auquel on venait de rendre l'usage partielle de ses pattes offrit tout naturellement une poignée de main franche à son sauveur et commença à essayer son nouveau pied pendant que Bigorneau profitait de l'occasion pour reprendre la conversation avec le rapace.
"Archaïque, vous rigolez ? Vous venez de nous apprendre l'utilisation de la roue, sur ce coup. Vos performances sont miraculeuses, mais je n'vais certainement pas vous accaparer toute la soirée avec nos nombreux malades. Vos plans suffiront. Pour la suite, nous nous en remettrons à la doyenne."
S'approchant timidement de cette dernière, Bigorneau joignit ses mains dans son dos et fit un sourire à la seconde experte qui rangeait et nettoyait ses outils sans accorder un coup d'œil à l'intrus qu'elle méprisait. L'Amiral se racla la gorge, avant d'ajouter :
"Vous voyez, je n'suis pas le monstre que vous dépeignez."
Elle pointa d'un index crochu le Docteur, avant de vociférer :
"Lui non, mais toi oui. C'est lui qui soigne, toi tu détruis. Moi, j'oublie pas."
"Admettez tout de même que c'est moi qui vous l'ai amené."
"Pars et paye-le, fripouille."
"Bon, bon... Bonne soirée, m'sieurs dames..."
Invitant la troupe et le Docteur à se retirer, il plia bagages et laissa le reste du matériel sur place. Dame Fierargent suivit le Docteur des yeux pendant le départ, comme pour l'implorer silencieusement de ne pas accorder sa confiance à l'Amiral, mais elle ne dit pas un mot de plus et se mit à analyser les plans qu'on lui avait refilé. Une fois à l'extérieur, Bigorneau inspira à pleins poumons et se mit à marcher en compagnie de ses pairs et de leur invité.
"Vous m'avez encore époustouflé, Docteur. Je prépare quelque chose et vous venez d'ajouter une pierre à l'édifice que je souhaite bâtir..."
Ils continuèrent leur progression sur les plages longeant Brumerive et après quelques minutes passés à se balader, ils furent assez éloignés des festivités pour n'entendre que les bruissements des vagues, du vent et des quelques oiseaux nocturnes se chamaillant dans les cieux noirs. La lune, belle et entière, rendait les océans aussi somptueux que Bigorneau les avaient toujours connus. Un sourire aux lèvres, il s'immobilisa puis, tout en faisant face aux eaux, il indiqua la silhouette reconnaissable entre mille du Mortepeste qui mouillait au loin.
"J'ai participé à la bataille de Kaizoku, Docteur. Ce rafiot là-bas, il y était aussi. C'est assez embarrassant de vous avouer ça, mais j'ai pris lors du conflit un sacré coup dans la gueule, ça m'a mis hors d'état de nuire et j'ai raté le gros de la fête... J'me suis réveillé sous l'eau, la tête à l'envers et le crâne en sang. Lorsque j'suis remonté, la lave coulait, le kraken hurlait et les bateaux se faisaient la belle. C'est à la coque du Mortepeste que j'me suis accroché pour m'enfuir avec les autres."
Un bien doux euphémisme, pour l'un des plus cuisants échecs de sa carrière. La gorge un peu nouée par la frustration, il parvint tout de même à reprendre :
"Le Mortepeste était pas si connu que ça, autrefois. Des gars fiers à son bord, bien sûr, mais rien qui n'sorte de l'ordinaire..."
Les perles faisant pour lui office d'yeux s'orientèrent vers le masque corbin, et Bigorneau ajouta alors avec l'entreprise et la ferveur d'un homme qui sait de quoi il parle :
"...Jusqu'à bien sûr que de son pont jaillissent des flammes verdâtres, des poisons mortels et des nuages toxiques."
Ajustant un peu son col, il ricana un peu dans sa barbe et se mit à jouer avec le sachet de poudre à moitié vide que lui avait donné le praticien :
"Je crois qu'on s'est compris."
Il remit dans sa poche de manteau le sac de drogue, avant d'orienter l'une de ses paumes en direction des vaguelettes frappant le bord de plage. Il y eut dans la mer une impulsion singulière et subitement, les courants se plièrent à la volonté de l'Elémentaire pour s'immobiliser entièrement, faisant d'une fraction de l'indomptable océan un lac aussi parfaitement calme que silencieux. Maintenant sans effort cette prouesse magique, il tourna la tête et conclut :
"L'Docteur soigne, comme dit la vieille, mais il fait bien plus que ça; pas vrai ?"
Un nouveau ricanement secoua furtivement sa carcasse, puis il conclut avec un pétillement dans les yeux :
"J'ai besoin d'armes, Docteur. Le genre de trucs que gardent jalousement les culs-bleus et qui fracassent des coques aussi facilement qu'on coupe le beurre. Mon titre d'Amiral n'est pas là pour la décoration. Je pars en guerre, et j'dois rivaliser avec les gros poissons. On se suit toujours ?"
Citoyen de La République
Nahash
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Citoyen du monde
L'Amiral Bigorneau
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Info personnage
Race: Elémentaire (Eau)
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Chaotique Mauvais
Rang: B
Comment ça, le "le nombre de personnes qui me demandaient..". A quel genre de râtelier pouvait bien manger ce bon vieux Docteur ? Et surtout, à combien de râteliers différents ? Sondant en silence le Docteur, l'Amiral se gratta le museau car ce dernier lui donnait occasionnellement l'impression de trembloter un peu. Durant son passage au marché, il ne s'était évidemment pas privé de gouter la nouvelle marchandise ou du moins ce qu'il en restait, parce que ses bonnes à rien de suivantes s'étaient empressées de tout se fourrer dans le pif. La voix que le Docteur empruntait pour agresser l'esprit de ses interlocuteurs faisaient froid dans le dos mais malgré l'inhumanité du timbre avec lequel il dipensait ses propos, Bigorneau crut lire un soupçon d'ironie peu hostile dans la ton. C'était bien, qu'il ait un peu de sens de l'humour, mais ce n'était pas franchement rassurant.
Le discours adopta une nouvelle tournure, moins axée au fur et à mesure sur les humbles considérations techniques ou pécunières pour se faire plus philosophique et surtout, infiniment plus belliqueuse. C'était un terrain sur lequel Bigorneau et son vis-à-vis semblaient s'entendre à merveille, mais probablement pas pour les mêmes raisons. Le Docteur bossait donc pour les bleus ? Le voilà, le fameux râtelier secret... C'était emmerdant, en vue du budget que la vieille peau déployait lorsqu'elle se sentait menacée. Bigorneau avait déjà eu le plaisir lors de la bataille de Kaizoku de recevoir un carreau de baliste aussi énorme qu'il était saturé de magie et n'avait pas particulièrement envie de s'en bouffer une nouvelle rafale dans l'immédiat, mais il était assez ancien pour se douter que les pirates étaient rarement les premiers à hériter d'une nouvelle prouesse en matière de technologie martiale. Voler les plans déjà établis et les reformuler à leur façon, c'était davantage dans leurs cordes et habitudes.
Œuvrer avec la pègre était une idée à laquelle le vieux marin s'était déjà résolu par le passé. Il n'avait pas confiance en ces filous aux dents longues qui n'étaient au final qu'un reflet du gouvernement dont ils prenaient soin de se planquer. A bien des égards, Bigorneau se sentait presque plus proche des Limiers qu'il affrontait occasionnellement que des mafieux de pacotille qui n'étaient au final qu'un second gouvernement, un peu plus honnête que l'original. L'offre et la demande, après tout, comme venait de le souligner le Docteur avec justesse.
"On s'comprend bien, mon bon monsieur. Jusque là, tout du moins."
L'évolution de la conversation, en revanche, risquait fort de laisser pantois le marin. Il en avait vu, des saloperies et d'autres bêtes marines encore jamais dessinées par les océanologues en herbe, mais une comme celle qui venait de se révéler à lui; jamais. Les Naufrageurs, pour l'heure affairés à la corvée du ramassage de coquillages, s'empressèrent de porter leurs griffes aux poignées de leurs sabres lorsque le Docteur se volatilisa pour céder place à un être cauchemardesque, aussi impérieux qu'incompréhensible pour l'œil humain, mais un signe de l'Amiral leur évita d'avoir la bêtise de s'en prendre à l'étrangeté qui venait d'apparaître.
Le goliath démoniaque reprit la parole et l'Amiral, un peu décontenancé par une telle apparition, se contenta de bredouiller une réponse :
"C'est... c'est tout pardonné, Doc'."
Evidemment, par les burnes de Kaiyo. Cela ne pouvait pas être qu'un soigneur un peu farfelu qui arrondissait ses fins de mois en développant quelques canons runiques pour un Amiral aux désirs grandioses. Avec un savoir pareil et des connaissances aussi secrètement gardées, cela ne pouvait être qu'un foutu Démon. Nérée, qui s'amusait jusqu'à présent à former dans le sable des silhouettes angéliques, tourna la tête en direction des sons de plumes ébouriffées et poussa à l'instinct un cri qu'elle vint étouffer en plaquant ses mains contre sa bouche. Toujours aussi savatée par la poudre, elle articula sans le vouloir :
"C'est... c'est quoi ce..."
Sa consœur, quant à elle bien refroidie par la vue de la véritable apparence du type qu'elle avait cru bon de vouloir croquer deux heures auparavant, ajouta deux autres mains sur la bouche de Nérée pour lui éviter de dire une bêtise qu'aurait pu entendre le volatile malfaisant. Pantoises et choquées par la vue de l'immense corbeau aux bras trop nombreux, elles demeurèrent silencieuses sans avoir cette fois-ci à être rappelées à l'ordre par leur chef. Lui non plus n'en menait pas large, mais savait encore se tenir à peu près convenablement.
"Mes désirs les plus profonds, vous dites..."
Bordel, il n'avait vraiment aucune envie d'avoir à commercer avec une entité dont les aspirations dépassaient toute compréhension terrestre. Se remémorant l'épisode de la liche qu'il avait cru bon d'attaquer, il se souvint qu'il devait sa malédiction à une créature de cet acabit. Le fichu trésor qu'il avait chipé en haute mer n'avait l'air de rien, au départ, mais l'appel des Profondeurs était aujourd'hui un mal bien trop réel à son goût. Les démons, comme les morts en sursis, adoraient eux aussi jouer avec les fils du destin. Par pitié, pas un pacte de sang, se disait Bigorneau. Il ne voulait pas se retrouver couvert de plumes ou encore se voir privé de sa frimousse au profit d'un bec crochu. Il aimait bien ses lèvres et son joli menton carré, quand même...
"J'veux qu'on retrouve notre absolue liberté, Docteur. J'ai la ferme conviction que les pirates sont les seuls mortels à comprendre les raisons de notre présence en ce bas-monde. Au contraire des politicards et des Empereurs, on sait ce qu'on veut et on sait où on va. Je veux pas d'un monde qui nous respecte, j'en veux d'un qui nous craigne. Ils n'auront pas peur de se faire voler la place, les culs-bleus, ils auront la trouille de voir leur fauteuil jeté par la fenêtre. J'ai pas pour projet d'asseoir ma domination sur les mers, voyez-vous ? Ce que je veux, c'est leur rendre leur sauvagerie d'antan."
Et il prit la main du monstre, avec une conviction retrouvée :
"Une goutte de votre pouvoir, et vous verrez le carnage qu'on va faire."
Le sourire dément reprit sa place, en dépit de l'effroi.
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