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  • Dim 8 Oct - 21:25
    Les fleurs du chaos

    Novembre de l'an 1,
    Au couvent des Perces-Neiges situé dans les monts-rocheux menant à Celestia

    Les minces vitraux baignaient les bancs de la chapelle d’une lumière écarlate. Un éclat sanguin se nichant dans la modeste église d'un couvent aux confins des montagnes. Assise là, le regard perdu vers l’autel à la gloire d’Aurya, Neve pouvait entendre son souffle imprégnait le silence glaçant du lieu. Ses petits doigts s’agrippèrent l’un dans l’autre, tremblant de volonté divine. Sa main était parsemée d’égratignures à force de plonger ses ongles dans la chaire. La religieuse priait nuit et jour. Elle consacrait vainement ses rares instants de repos à la communion dans l’espoir futile que l’une de ses adjurations soit entendu. Les dieux finiraient bien par lui répondre, elle et l’océan de croyants résolus à attendre le moindre signe de miséricorde. La preuve que tout ceci avait un dessin clair et n’était pas vain, une simple colère céleste qui s’abattait sur la misérable vie d’un peuple bafoué. Pauvre Shoumei, voilà que dans sa déchéance les dieux lui font le funeste honneur d'accueillir leur retour. D'abord X'o-rath et Sancta tomba, puis ce fut au tour de Kazogh le forgeron, enfin dans un ultime cortège, Puantrus et Zeï apportèrent la mort.

    Fixant avec ardeur la statue de la Titanide qui prônait de toute sa gloire sur son piédestal de chrysanthème blanche, la fae ne put s’empêcher de ressentir du dégout. Où pouvait bien se trouver sa déesse alors que ses frères et sœurs réduisaient le continent en cendre ? Impossible de savoir sans manifestation toute-puissante, laissant la jeune fée éprise d'une rage sanguine pour ses dieux. Sans doute était-ce le résultat de ces dernières semaines de bataille, la colère de ne pas comprendre cet Armageddon absurde, et puis les morts, et l'invasion du Reike ou tout simplement l'odeur nauséabonde des fleurs fanées mais à cette instant précis Neve fut animée d’une telle rage quelle aurait pu se lever et fracasser l’allégorie de marbre sur le sol. Aussitôt se ravisa-t-elle, enfouissant au plus profond ses sentiments irrationnels. On la testait, le divin la testait, voilà tout et elle devait prouver son serment. Comprendre la raison qui transcende le retour des Titans et non céder aux sirènes de la fureur aveuglante. Nous sommes à l’aube d’un nouveau monde. Les véritables fidèles ne trembleront pas devant la mort et se verront ouvrir les portes du paradis. Les athées périront, puisse le sort leur être clément, ils ne savent ce qu'ils font. Enfin, les autres, les divinistes qui auront survécu devront mener à bien la mission de leurs saint-patrons, si tenté qu'ils la découvrent.

    « Neve ? On te demande dans l’aile gauche, une hémorragie, je crois. »– La religieuse fut décrochée de ses pensées pas la voix sèche presque métallique de sa consœur. Sœur Clovea était à peine plus grande que la fée, gobline de naissance elle gagnait quelques centimètres par son métissage elfique. Respecté de tous, Clovea conseilla à la mère supérieure de faire du couvent un hospice lorsque les premiers blessés se manifestèrent. D'emblée, elle prit la tête du corps médical et transforma les nonnes en de véritables infirmières. Neve savait peu du passé de Clovea tant ce dernier fut si bien gardé. En revanche, elle pouvait affirmer qu’avant de se ranger, la gobline officiait déjà comme guérisseuse à Melorn. Neve acquiesça à demi, surprise par le visage rabougri verdâtre de son ainée. La fae pouvait lire la fatigue dans ses yeux. Les religieuses se relayaient tour à tour depuis le début des conflits, s'occupant d'arrache-pied des malades et autres réfugiés. Ainsi, leurs nuits s'étaient drastiquement écourtées et beaucoup d'entre elles tombaient à présent d'épuisement. Neve faisait le maximum, elle était la plus jeune de toute et contait bien utiliser sa vigueur au service des mourants. « Il va falloir penser à changer les fleurs pour Aurya aussi. »– Reprit Clovea. Neve balaya son regard vers l’autel et acquiesça une nouvelle fois devant les petit aggloméra de pétale morne laiteuse qui s’écrasait par terre, chutant dans toute leur beauté macabre. Aucune floraison n'avait survécu cette automne.

    Oui, il va falloir…


    ✧. ✧. ✧.


    Le sang qui tachait la tunique de Neve pué la mort. Elle avait réussi non sans mal et avec un peu de magie à stopper le saignement du pauvre paysan. Une entaille boursouflée lui balafrait la jambe droite déversant des galons de sang et virant à l’écarlate les draps de lin du patient. À présent endormi, ce dernier se trouvait par miracle hors de danger. Neve s’en gratifia, la moindre blessure recousue était une petite victoire non-négligeable. Elle s’autorisa ensuite à s’asseoir quelques instants sur une chaise en bois bancale, congédiant par la même occasion la bonne sœur qui l’avait assistée. Lorsque le silence gagna l’aile gauche du couvent, la religieuse pu contempler la fragilité des blessés enveloppés dans leurs cocons tels des nouveaux nées tout innocent des affres du monde. Il y avait des hommes, des femmes et des enfants aussi. Ils étaient pour la plupart venus de Sancta bien que depuis hier une poignée de bénédictin survivant passait occasionnellement vers le couvent afin de se ravitailler. Les Perce-Neiges accueillaient à bras ouvert tout âme en quête de repos (niché sous Celestia, l'endroit semblait pour le moment préservé de toutes attaques). Après tout, la plupart avaient vu leurs maisons partir en fumée ou avaient perdu leurs proches sous le poids d’une épée ; c'était la moindre des choses. La bonté diviniste ne possédait aucune limite, voilà ce qu’on lui répétait chaque matin. Néanmoins, le couvent se trouvait dorénavant surchargé et les prochains demandeurs d’asiles seront sans doute reconduit à contre cœur vers la sortie. La jeune fée espérait surtout qu’elle n’aura pas la charge difficile de devoir refuser l'entrée à quelqu'un, car elle s'en savait tout simplement incapable.

    Dans un ultime élan d’effort, Neve se releva, dirigeant son corps épuisé vers un seau d’eau avant de plonger ses mains ensanglantées et d’essuyer vigoureusement les taches. L’eau pure était rougie, tel du vin en bouteille. La guérisseuse vida le seau, puis alla se changer, s’apprêtant enfin à rejoindre sa chambre afin de gagner quelques heures de sommeil. « Des survivants ? Je doute qu’on ait encore de la place ! »– s’écria une voix dans le dortoir des nonnes. Neve se pencha à la ridicule fenêtre haut-dessus de son lit et si de prime abord elle ne discerna que des ombres, elle remarqua rapidement la silhouette imposante d’un homme découpant le ciel pourpre du crépuscule. « Neve soit gentille, va leur dire que l’on ne peut accueillir plus de personnes. »– Elle s’exécuta non-sens médisance. Une bougie à la main, la religieuse dévala les escaliers appréhendant la situation. Et si ce n’était pas des exilés, mais l’armée reikoise ? Ou des créatures sorties tout droit des profondeurs de Sancta ? Et puis qu’allait-elle leur dire pour les convaincre de faire marche arrière en pleine nuit ? En serait-elle capable ?

    Neve ouvrit la grande porte dans un fracas qui aurait pu réveiller un sourd. Aussitôt, le vent de l'arrière saison s’infiltra dans le couvent faisant s’envoler la chevelure de la fée, gorgeant d’air chaque recoin de sa tunique. La frêle flamme qui éclairait son visage s’éteignit, la laissant seule dans la pénombre de novembre face à l’étrange procession d’un petit groupe d’hommes et de femmes recherchant un endroit ou passer la nuit loin des terres en feu qu’étaient désormais Shoumei.  

    Puis-je vous venir en aide ?

    CENDRES
    Invité
    Invité
    Anonymous
  • Mer 11 Oct - 0:22
    Les fleurs du chaos
    La guerre. Fléau des hommes mortels, érigé comme solution à une prétendue paix convoitée sous couvert d'une avidité exacerbée. Surprise par cette attaque inattendue, la fédération s'est retrouvée impuissante pour empêcher le cataclysme car le tremblement de terre qui secoua Sancta, s'est fait sentir jusqu'à Benedictus et même dans les lointaines Rôcheuses à l'extrémité du pays. Voilà plus d'une année que la seconde invasion des Titans a commencé et qu'une partie du Sekai est saccagé, mit à feu et à sang par les différents belligérants. Le Reike s'est érigé en parangon de vertu et en défenseur de la juste cause, celle de l'humanité en perdition, comme si elle n'y était pour rien dans ce désastre causé par des siècles d'errances et de défiances envers les créateurs du Sekai. Trop longtemps les mortels se sont éloignés de la voie divine, oubliant qu'ils n'étaient que des locataires privilégiés sur cette terre qui n'appartient qu'aux Dieux. La grande Shoumei, fière et pieuse s'est écartée des valeurs qui ont fait toute sa renommée et qui lui ont permis de prospérer à travers les siècles depuis sa fondation. Elle fut la première détruite par le jugement divin, comme un symbole que la colère divine n'épargne personne. Malheureusement, lors d'un conflit, ce sont souvent les innocents et populations civiles qui subissent le plus l'injustice d'une situation qu'ils n'ont ni souhaité, ni encouragé.

    Même en ces temps troublés, en pleine zone de conflit, Dante n'avait aucun doute. Béni par la grâce des divins et élevé dans la foi des Huits depuis sa tendre enfance, sa dévotion ne saurait être remise en cause car l'incertitude est le premier pas vers le chemin de la perdition et c'est ce qui a mené ce pays et ses habitants à la désolation. La volonté est Dieux est indiscernable pour de simples mortels; elle est difficile à comprendre mais juste car les véritables croyants s'en retrouveront grandi dans cette épreuve capitale pour la survie du monde. Pour autant, Dante n'est pas complètement dénué de son libre arbitre et même si c'est la volonté des Dieux, il ne saurait rester les bras croisés alors que les siens souffrent d'une guerre qui n'est pas la leur. Habitants des montagnes et des villages alentour. Le petit peuple délaissé et abandonné à son triste sort et que personne ne daigne venir aider, pas mêmes les héros autoproclamés du Reike, jugeant certainement que la vie des minorités d'un autre pays comme totalement insignifiante en comparaison des velléités suprémacistes d'une nation conquérante et autoritaire.

    Par conséquent, Dante a pris la responsabilité de guider ces âmes égarées vers les lieux sûrs les plus proches. Parfois à la frontière du Reike à travers les sommets du Mont Kazan ou parfois vers les hauteurs de la sainte Célestia qui a miraculeusement été épargnée par les affres de la guerre. Là-bas, il savait qu'il trouverait des temples et des hospices ouvrant leurs portes aux véritables croyants mais aussi aux gens les plus démunis. Dante a également dû prendre les armes sans véritablement prendre part à cette guerre, non pas par plaisir de faire couler le sang mais bien pour une cause qui lui tenait véritablement à cœur, celle de venir en aide aux plus nécessiteux. Son périple commença avec un village en flamme, quelque part dans les hauteurs de Shoumei. Une fumée noire s'élevant dans le ciel et des cris de détresse attirèrent l'attention de l'Oni solitaire qui, depuis quelque temps, s'était fait gardien et protecteur des petites gens au prix d'une macabre réputation auprès des soldats de l'Empire. Assimilé à une bête sauvage ou au Démon des Rôcheuses, un surnom qu'il doit certainement aux deux cornes sur sa tête, connu pour sa sauvagerie et son hardiesse au combat. Dante a grandi dans la foi des Huits mais également avec une épée entre les mains, les années et les entraînements ont fait de lui un redoutable combattant et un chasseur hors pair. Ceux qui ont croisé le fer avec lui, l'ont compris à leur dépens.

    Une rage grandissante et le regard embrumé par la colère à chaque fois qu'il voyait les bannières du dragon flotter au vent et les escadrons noirs de l'Empire commettre toujours plus d'exaction sous couvert d'un dévouement à l'effort de guerre. Pourtant, ces gens n'ont commis aucun crime si ce n'est celui d'être restés fidèles à leurs valeurs et au divinisme dont les idoles et signes religieux ornent toujours les modestes villages. Ils se trompent de combat, les civiles n'ont rien à voir avec les méfaits des Titans mais il y a fort à parier que tous sont bien au courant de cet état de fait. La guerre a bon dos car elle est le prétexte parfait lorsqu'il est question de se rendre coupable des crimes les plus odieux et les plus inhumains. Les fameux héros du continent dans toute leur splendeur. Qui sait ce qui serait advenu de ces pauvres gens si ce jour-là, Dante n'était pas intervenu en leur faveur en déversant toute sa fureur sur les misérables oppresseurs. De ce maigre contingent, une simple escouade dirigée par un Sajenti venue se défouler et assouvir leurs vices abjects, aucun n'a survécu.

    Ils étaient peu nombreux et n'ayant plus nulle part où aller, les rescapés ont décidé de remettre leur avenir entre les mains de leur sauveur. Ils n'ont pas été difficiles à convaincre. Leur foyer a été mis à sac mais l'excursion punitive des Reikois n'était que le signe annonciateur que la guerre se rapprochait dangereusement de leur village. Tôt ou tard, une catastrophe serait survenue et la prochaine, peut-être que Dante ne pourrait rien faire pour eux. Un petit groupe composé d'hommes et de femmes, de quelques enfants et d'une grand-mère que les villageois transportent à la force leurs bras dans un petit chariot de bois car incapable de suivre le rythme dû à son âge avancé. La suite de leur périple les mena à travers les forêts des Pins Argentés et jusqu'aux sentiers de la terre promise de Célestia. Faisant régulièrement des détours pour éviter le front principal et les nombreuses zones d'affrontements dans la région, le trajet met un peu plus de temps que prévu mais c'est au crépuscule d'une journée éreintante qu'ils finirent par voir la lumière au bout du tunnel. La façade finement éclairée par de petites torches discrètes, la bâtisse austère du couvent des Perce-Neiges était en cet instant, un symbole d'espoir signifiant que leur calvaire était enfin terminé. Tous s'amassèrent devant la grande porte principale, sans même annoncer leurs présences et joignant leurs mains devant eux en se mettant instinctivement à prier et remercier les Dieux de leur offrir une nouvelle chance.

    Pourtant, ce n'est pas grâce aux Dieux s'ils sont toujours en vie.

    Un puissant courant d'air frais se lève lorsqu'enfin, la porte du couvent s'ouvre sur les miséreux mués dans une attente méditative. Les regards de l'assemblée sont tous tournés en direction de la religieuse féerique venue les accueillir... Ou peut-être leur annoncer une mauvaise nouvelle ? Dante n'est pas naïf et il a parfaitement conscience que bien d'autres sont déjà passés avant eux pour trouver refuge auprès des Soeurs du couvent. Enfin, au point où ils en sont, ça ne coûte rien d'essayer. Lorsque Neve interroge l'assemblée, personne ne daigne lui répondre dans un premier temps. Ensuite, certains voyageurs semblent s'écarter quand l'imposante silhouette de l'Oni qui domine aisément le groupe, se fraye un chemin entre les survivants. Dante est grand de taille et imposant par son physique, d'une teinte de peau très singulière comme si les cendres de la guerre avaient entièrement recouvertes son épiderme. À cette époque, Dante n'est pas encore le porteur de l'espadon noire ni le gardien de l'infâme Kar'ath. La maladie ne gangrène pas encore son corps mais celui-ci est déjà recouvert de part en part d'un bon nombre de cicatrices, certaines plus récentes que d'autres, vestiges d'un passé tumultueux. Également quelques blessures superficielles mais toujours ouvertes pour montrer que le chemin jusqu'au couvent n'a pas été de tout repos.

    L'intimidant colosse s'avance vers la jeune femme à la peau pâle en s'arrêtant à un mètre de celle-ci en posant ses deux yeux obsidiennes sur la frêle carrure de la Fae. Armés de deux dagues, accrochés à sa ceinture, dont la taille adaptée à celle de l'Oni leur donne plutôt un aspect d'épées courtes. Malgré le souffle frigorifiant des hauteurs de Célestia, Dante apparaît le torse complètement nu et une croix, symbole de sa foi, suspendu bien en évidence autour de son cou. Non pas par un plaisir malsain de s'exhiber devant autrui, simplement parce que le seul vêtement qui lui servait de chemise lui sert à présent à protéger une fillette endormie dans ses bras, du froid mordant des montagnes.

    « Ces gens viennent de loin, leur village a été brûlé et ils n'ont nulle part où se rendre. Il y a des blessés, des enfants et une personne âgée. Ils ont soif et ils n'ont rien mangé depuis un moment. Ma soeur, aidez-les, je vous en prie. »

    Si la voix rauque du guerrier implore de l'aide, ce n'est pas pour lui mais bien pour les innocentes victimes du conflit qui fait rage dans le pays. Ce n'est pas grave s'il n'y a pas assez de place pour lui tant que le couvent peut accueillir les réfugiés qui l'accompagnent. De toute façon, vu la carrure du bonhomme, il prendrait au moins deux places à lui tout seul. Il s'attend déjà à être mis à la porte et malgré son état déplorable, il ne compte pas rester dans les parages. Juste le temps de s'assurer que tous ces gens sont bien en sécurité.

    CENDRES
    Invité
    Invité
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  • Ven 3 Nov - 1:04
    Les fleurs du chaos

    Novembre de l'an 1,
    Au couvent des Perces-Neiges situé dans les monts-rocheux menant à Celestia

    Le vent rugissait, implorant un toit où s’abriter. Il frappait les volets dans de brutaux concassements et courbait les arbres de ses complaintes. Sa puissance était telle que Neve maintenait difficilement la porte ouverte. Chaque bourrasque l’emportait un peu plus et soulevait de son souffle glacé les mèches blanches de la jeune fae. Muette, la religieuse réfléchissait avec précautions à ses prochains mots. Elle ignorait comment annoncer la terrible nouvelle au petit groupe. Impossible de les accepter, il ne restait pas un lit de disponible et certains blessés dormaient déjà à même le sol. La nourriture aussi se faisait rare, les récoltes étaient misérables. La terre morte se voyait gangrénée par la pourriture de Puantrus. Absolument rien ne poussait depuis des semaines. Et pour couronner le tout, la moitié du bétail s'est vu soustraire afin d'éviter la prolifération de la maladie du rat et autre pestilence. Même les paisibles vallées qui bercent Celestia percevaient les échos d'une apocalypse naissante. Pourtant, malgré le chaos qui règne, les Perce-Neiges restent grandement épargnés du pire. Plus loin, beaucoup ont déjà péri. Des villages entiers, semblable à celui de ces hommes et de ces femmes, sont tombés. Shoumei peine à survivre, sa chute grandiose se joue devant les yeux meurtris de sa progéniture. Ce n’est qu’une question de temps avant que le continent entier soit bel et bien rayé de la carte. Des siècles d’histoire envolés en l’espace de quelques mois, balayés d'un revers de main par la vanité des Huits. Et finalement, ceux qui ne se laisse pas encore mourir, se persuade qu'à la fin, toutes ces souffrances furent les prémices d'une raison divine bien particulière. Tout comme Neve, ils espèrent être récompensés d’une réponse, ou à minima d’une place de choix au Royaume Divin. Gratification amplement mérité pour avoir jusqu’au bout prouvé leur bonne foi. Ils s’accrochent futilement à la vie, à la moindre chance. Mais pour ces rescapés, cette chance ne sera pas le couvent.

    Nous sommes à court de place. Chuchota-t-elle, rouge de colère face à cette injustice. Elle serra la poigne, tremblante.Je suis navré, il est tout simplement impossible de vous accueillir. Pas ce soir. Plus maintenant.

    Les mots sortirent de sa bouche comme du verre brisé. Chaque lettre était aussi affûtée qu’un couteau plongeant avec délectation à travers la chair fraîche. La jeune fae fut submergeait par la honte, et ses yeux carmins ne purent se détacher du sol. L’idée de croiser l’un de ces regards implorant la terrifiait. À cet instant précis, Neve avait beau être une adolescente à l’aube de sa vie d’adulte, le froid, la peur et la fatigue l’avait transformé en une fillette déboussolée. Le pire, toutefois, fut les soupirs et les sanglots en réponse à son refus. La violence de ces gémissements fit balayer la tête de la religieuse, la forçant finalement à observer un à un les visages crispés par les lamentations. Chacun portait en lui une vision d’horreur qui se racontait d’elle-même. Ils réalisaient que leur dernier espoir venait de s’effondrer. Les parents prenaient dans leurs bras les enfants sanglotants tandis que certains, abattus, se préparaient déjà à partir. Enfin, Neve s’arrêta sur le corps endormi d’une petite fille. Cette dernière, paisible dans son sommeil, ne se doutait pas le moins du monde de la tragédie qui s’apprêtait à s’abattre sur les siens. Sa peau blanche porcelaine épousait la forme de ses os si fragile qu’il menaçait bien de se briser. La bonne sœur eut un haut-le-cœur. Combien de temps pourrait-elle encore survivre, confrontée à la cruauté des montagnes ? Refuser l’entrée revenait à les laisser mourir seul face au gel. L’hospice le plus proche se trouvait facilement à trois jours de marche et espérer gravir Célestia relevait de la folie, tout particulièrement à cette époque de l’année. Ils étaient condamnés.

    Je vous assure que si ça ne dépendait que de moi... Elle jeta un regard erratique derrière elle afin d’inspecter le corridor. Je ne suis pas censé aller à l’encontre de mes directives. Mais peut-être que je peux faire une exception. Attendez-moi, je reviens.

    La porte du couvent se referma dans un râle et pendant une dizaine de minutes, elle resta close. Le silence parut interminable. Le temps se ralentit. Le vent déjà à charge commença à apporter une fine pluie. Mais ultimement, la demoiselle fit réapparaître son visage, l'expression adoucie.

    Il va falloir restez discret, c’est compris ? Nous n’avons plus de matelas disponible, mais je vais négocier pour les enfants et les anciens. Les adultes peuvent utiliser les bancs de la chapelle éventuellement. C’est le mieux que je puisse vous offrir pour le moment.

    La religieuse plissa ses paupières face à la pénombre nocturne. Pour la première fois, Neve s’adressait non pas au groupe, mais bien à leur meneur. Son regard dévala sur un géant facilement deux fois plus grand qu’elle et lorsque ses pupilles se bloquèrent sur le visage de l’individu, elle trembla. Ses cheveux jais recouvraient, comme de l'ancre sur du papier, des traits étonnamment fins. Il possédait une beauté qui contrastait avec sa forte carrure élancée. Ses muscles étaient bâtis aux affrontements et quelque chose à travers sa vue confirmait cela. Pourtant, la fae eut bien du mal à l’imaginer en véritable combattant. Il détenait une douceur et une fiabilité que la nonne n'avait que très rarement vu chez un homme. Les blessures qui parcourent sa peau grisâtre, encore récentes, affirmaient toutefois sa nature chevaleresque. Elle ne les avait pas manqués et se résolut dès lors à les cautériser ultérieurement. Enfin, telle une couronne d’épines trônant sur le haut de sa tête, des cornes perçaient son crâne. On aurait dit un sombre prince des enfers guidant le peuple. La fidèle avait jadis connut un oni dans son enfance. Celui-ci lui ressemblait trait pour trait.

    Je vous en prie, entrez. Poursuivit-elle, en ouvrant grand l'embouchure. Les blessés veuillez rester avec moi, les autres continués jusqu’au bout du couloir. Vous trouverez une collègue qui vous placera à un endroit pour la nuit. Il reste un peu de pain et de l'eau pour vous désaltérez. Il s'agit-la d'un repas modeste, j'en suis bien consciente, mais j'espère sincèrement qu'il vous conviendra tout de même.

    Neve savait que son geste lui retomberait dessus tôt ou tard. Sa mère supérieure ignorait tout de ses manigances. La religieuse n’avait évidemment rien dit à ses émérites et comptait sur la discrétion des autres sœurs. En échange, la fée s’occuperait personnellement des nouveaux arrivants, quitte à sacrifier sa santé. C'était là un prix si bas à payer contre l'espoir de sauver quelques vies des tourments du monde. À nouveau, elle fit face au colosse. Son imposante carrure intimidait sans trop de difficulté Neve. Mais, plus que cela, ce fut cette étrange sensation de le connaître qu'il la perturbait réellement. Finalement, elle pointa la petite fille endormie du bout de son doigt.

    Pauvre enfant... Elle semble transit de froid. Laissez-moi m'assurer qu'elle ne souffre pas. D'un signe de la main, elle guida les quelques blessés dans une salle chauffée au bois déjà rempli de patients. Déposez la prêt du feu, je vous prie. Je vais l'inspecter.

    Elle prit une grande inspiration puis étira ses bras. La nuit s'annonçait longue et forte en émotion.

    CENDRES
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    Invité
    Anonymous
  • Dim 12 Nov - 23:00
    Les fleurs du chaos
    Dante appréhendait énormément ce moment, parfaitement conscient de l'état des quelques survivants qui l'accompagnent et qui ont miraculeusement survécu jusqu'à maintenant. Poussés par l'espoir naïf de trouver un endroit épargné par la guerre sur cette terre en proie à l'apocalypse, où ils pourraient se réfugier suffisamment longtemps en attendant que la tempête passe. La vérité étant que ces pauvres âmes égarées ne survivront pas une nuit de plus dans ces conditions désastreuses. La faim, la soif, le froid, la fatigue. C'est un constat terrible mais réaliste et après tout le chemin parcouru pour arriver jusqu'ici, les mots de Neve font l'effet d'un coup de poignard et sont particulièrement difficiles à entendre. Le couvent n'est tout simplement plus capable d'accueillir de nouveaux réfugiés, les places et les ressources manquent cruellement dans cette période sombre qu'ils doivent traverser. Accepter plus de monde reviendrait à partager davantage les soins et les provisions pour subvenir aux besoins de tous le monde et ainsi mettre en péril le couvent et ses occupants. Refuser d'accueillir ces gens reviendrait à les comdamner à une morte certaine et Dante est incapable de faire des miracles. C'est un choix difficile qui s'impose à cette pauvre Neve et aucune des solutions qui s'offrent à elle n'est véritablement satisfaisante.

    Pourtant, lorsque tout espoir semblait perdu, la jeune religieuse mentionne la possibilité de faire une exception avant de rentrer se réfugier à l'intérieur du bâtiment. La porte claque et se referme devant le petit groupe de survivants sans qu'ils n'aient le temps de dire quoi que ce soit. Peuvent-ils se permettre d'attendre le retour de Neve et d'espérer à nouveau alors qu'il y a quelques secondes à peine, le ciel leur tombait sur la tête ? Ont-ils le choix ? Pas vraiment, de toute évidence. Ils n'ont nulle part où aller, le couvent est leur dernière chance. La jeune femme s'absente pendant une dizaine de minute et dans ce laps de temps, Dante à la responsabilité de rassurer tout le monde et de les convaincre de prendre leur mal en patience. Le moral des villageois est au plus bas mais les contestations sont peu nombreuses alors les familles tentent tant bien que mal de se réchauffer entre eux dans l'attente interminable d'un verdict final. Et enfin, au bout du suspens, la petite fae réapparait dans l'encadrement de la porte comme symboliquement entourée d'un halo de lumière, porteuse de bonnes nouvelles. Sur le moment, Dante a beaucoup de mal à cacher sa surprise et son soulagement, c'est tout simplement inespéré et il en vient à se demander ce qui a bien pu lui faire changer d'avis si soudainement ? Ses interrogations personnelles peuvent attendre.

    « C'est plus que suffisant, plus que ce que nous espérions. Merci beaucoup pour votre aide. »

    Il finit par se retourner vers les villageois qui, malgré les consignes de Neve, ont bien du mal à cacher leur joie. L'Oni s'écarte légèrement sur le côté et glisse son index sur ses lèvres pour leur intimer de rester silencieux pendant qu'ils se réfugient à l'intérieur du bâtiment. Comprenant par la même occasion que s'ils doivent faire preuve de discrétion, c'est sûrement parce qu'ils ne sont pas véritablement les bienvenus. Ceci dit, on verra plus tard pour les détails, déposant à nouveau son regard sur la silhouette de la Fae, acquiesçant de la tête lorsqu'elle désigne l'enfant qu'il tient dans ses bras. Dante emboîte le pas derrière Neve, se penchant en avant et baissant la tête pour ne pas heurter le haut de la porte et refermant celle-ci juste derrière lui en entrant dans le couvent. Soucieux de respecter les consignes et se faisant le plus discret possible, autant que peut l'être un oni de plus de deux mètres et taillé comme une armoire.

    Consterné de voir le nombre de réfugiés et de blessés déjà entassés dans la pièce chauffée et éclairée par une petite cheminée vers laquelle il se dirige immédiatement en posant un genoux au sol, puis le second avant de déposer délicatement la pauvre fillette à même le sol en essayant de ne pas la réveiller. Bien qu'elle ne porte aucunes traces de coups, de blessures ou de plaies ouvertes, celle-ci est exténuée par le voyage, la soif et la faim qui creusent son estomac un peu plus chaque jour. A présent, elle sera en sécurité entre les mains expertes de Neve, certainement bien plus qualifiée que lui pour procéder à un diagnostic et prodiguer des soins.

    « C'est une orpheline. Elle a perdu ses deux parents lors du pillage de son village par les troupes de l'Empire, il y a quelques jours. Elle n'a pas d'autre famille et nulle part où aller. »

    Malheureusement, ce sont souvent les innocents et les petits gens qui souffrent le plus des guerres et des conflits. Les hommes partent combattre, les femmes deviennent veuves, les enfants deviennent orphelins. Toute cette haine est-elle nécessaire ? Sommes-nous obligés d'en arriver à de telles extrémités ? Baigné depuis tout petit dans la foi des Huits, Dante veut croire en la cause divine, dans l'œuvre macabre et sanguinaire du retour des créateurs du Sekai, les bienfaits qui résulteront de leurs mésactions et du mal nécessaire qui servira à terme, un plus grand bien. Et puis, il serait bien hypocrite que de pointer uniquement les Titans du doigt car les crimes de guerre ne sont pas propre à un camp unique. Il en a lui-même été témoin à de trop nombreuses reprises.

    Il s'écarte pour faire un peu de place afin que Neve puisse examiner la fillette mais aussi ses prochains patients, ceux-ci sont nombreux. Trop pour une seule personne. Pris de curiosité, l'Oni tourne la tête en direction de la Fae en s'attardant un moment sur les traits délicats de son visage, ses deux iris écarlates qui trônent au milieu d'une peau de porcelaine et sur ses cheveux d'un blanc cendreux. Dans la pénombre de la nuit sur le pas de la porte du couvent, son apparence juvénile ne lui avait pas vraiment sauté aux yeux tant il se dégageait d'elle une certaine assurance et maturité dans l'intonation de la voix. Il est vrai que les apparences peuvent être trompeuses selon les races mais la vie de tous ces gens est une responsabilité bien trop lourde pour une seule personne, peu importe son âge.

    « Pourquoi avoir accepté de nous laisser entrer ? Vous disiez que vous ne pouviez pas accueillir plus de monde et je comprends pourquoi maintenant. Ce sont des bouches à nourrir supplémentaires. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ? »

    Plus il l'observe, plus il est pris d'une étrange sensation sans pour autant réussir à mettre le doigt dessus. Se sont-ils déjà rencontrés par le passé ? Ce n'est pas totalement impossible, c'est en tout cas l'impression que ça lui donne au fur et à mesure de la conversation. Si c'est bien le cas, où était-ce ? Et quand ? Rien de mesquin de sa part, Dante n'a jamais été très doué pour se souvenir des noms et des visages, c'est un de ses nombreux défauts. Il ne faut pas lui en tenir rigueur et avec un peu de chance, cela lui reviendra avec le temps si Neve ne vient pas lui rafraîchir la mémoire avant.

    « Merci, ma soeur. Je ne sais pas combien auraient survécu cette nuit, vous leur avez sauvé la vie. Je vous en suis reconnaissant. »

    Pas très longtemps, c'est certain. C'est à ce moment-là qu'il se rend compte que les présentations n'ont toujours pas été faites et qu'il va falloir y remédier rapidement.

    « Pardon, je ne connais toujours pas votre nom. Vous pouvez m'appeler Dante. Je ne suis pas médecin mais je sais prodiguer les premiers soins. Comment puis-je vous aider ? »

    CENDRES
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