EHPAD des Mimosa, la Forêt


Un son de picotis frénétique provoque le froncement des sourcils de Zelevas dans son sommeil, et après avoir enchaîné les grimaces de déconfort, le vieillard finit par ouvrir les yeux péniblement en grommelant. Lorsqu’il se relève dans son lit, la pie qui toquait à la fenêtre prend peur et s’enfuit, l’ex-Sénateur s’installe en position assise pour enfiler ses souliers à l’aide d’un chausse-pieds et se prépare pour la première épreuve du matin: se mettre debout pour la première fois de la journée. Afin de réussir à braver cette première aventure il affrontera de nombreux adversaires sans pitiés, notamment ses genoux, ses hanches et son dos, il attaque déjà en se penchant en avant ce qui lui arrache un gémissement plaintif tandis qu’il prend appuis sur la table de nuit, putain il avait oublié que ses lombaires seraient également de la partie! Il tend sa main libre d’abord vers ses vertèbres endolories, puis vers son arme secrète, la fierté du Projet Paladium: son déambulateur FRN fabriqué par le Docteur.

Une fois la bataille remportée, Zelevas sait bien que la guerre n’est pas gagnée pour autant, il va lui falloir gagner les toilettes au rez-de-chaussée s’il veut soulager sa vessie gonflée au réveil, il n’a peut-être plus toute la verve qu’il avait durant son âge d’or en politique mais il a encore suffisamment de classe pour ne pas se faire dessus. Il sort donc de sa chambre, toujours en chemise de nuit et en souliers, mais immédiatement il se rend compte que quelque chose cloche: le personnel de l’EHPAD n’est nul part en vue, d’habitude il y aurait forcément des sages femmes par ci par là à cette heure ci pour passer dans les chambres et réveiller les lève tard mais là le couloir de l’étage est étrangement désert. Zelevas sent l’excitation le gagner, quelque chose de nouveau est entrain de lui arriver, qu’importe ce que ça pouvait bien être, tant que ça le divertissait du train train routinier pétanque-apéro-dodo c’était déjà ça de gagné! Galvanisé par la réalisation, il va tout de suite prévenir son camarade de chambrée et partenaire de crime en traversant le couloir pour arriver deux portes plus loin à la 666. Il frappe à la porte et attend une réponse qui ne vient malheureusement pas. Peut-être est-il toujours entrain de dormir? se dit Zelevas. La main sur la poignée, il ouvre donc la porte et rentre sans se faire prier.

”Malazach, tu es là? Il se passe quelque chose de bizarre… Mal?”

Son ami est debout, face à la fenêtre, il ne le voit que de dos. Quelque chose cloche. Il est… étrange. Malazach ne dit rien et Zelevas s’approche un petit peu de lui, tendant une main lentement vers l’épaule de son camarade pour lui signifier sa présence qu’il n’a visiblement pas remarqué. Il ne s’en offusque pas, il ne sait plus exactement quel âge l’ange a mais il n’est pas étonnant qu’il soit un peu dur de la feuille aussi. Lorsque le Fraternitas fait grincer une planche du parquet en avançant, Malazach se retourne, il lui manque un oeil, une grand plaie béante éventre son visage en deux, comme déchiré par des marques de dent et de nombreuses griffures parsèment son corps. Sa gorge à ciel ouvert déploie un son guttural et rauque qu’une voix humaine ne pourrait pas produire, et le tein de sa peau est étrangement blafard.

”Une quatrième forme?” s’exclame le vieillard surpris. ”Ce n’était pas assez simple avec trois?”

Malazach tend les bras vers l’avant et commence à tituber dans sa direction avec des mains avides, il pousse un cri lugubre et claque des dents.

”Quoi qu’est-ce qu’il y a? Tu n’es pas content? Bah tu pourras aller te faire foutre alors, je vais aller m’amuser san-” Mais avant qu’il puisse terminer sa phrase, le cardinal diviniste attrape violemment l’homme politique. ”Tu veux te battre? On ne me la fait pas à moi, j’ai été Limier du Razkaal pendant 6 ans.” fit Zelevas avant de décocher un formidable crochet du déambulateur à l’ange déchu.

Le vieillard furibond de la réaction inattendue de son ami s’en retourne vers le couloir, s’arrête au cadre de la porte pour inspecter le chapeau de paille accroché sur un porte manteau à l’entrée et en l’enfilant, il se regarde vers la pauvre chose qui git sur le sol entrain de péniblement ramper vers lui puis lui dit d’un ton fort colère:

”Tu peux rester dans ta chambre tout seul pauvre con, et en plus, je prend ton chapeau!”

La porte fait un bruit sec en claquant.

”Bon sang, je n’ai plus mon déambulateur du coup, qu’est-ce que j’ai d'autre sous la main?” fait le vieil homme en fouillant autour de lui.