Président de La République
Falconi Genova
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Files Rouges
TOUR 1
Le passé finit toujours par nous rattraper, n’est-ce pas?
Quand il le fait c’est toujours lors d’un jour comme les autres, le matin Vanay Vyldrithe s’était levée comme tout les jours, elle avait avalé un petit-déjeuner sommaire comme tout les jours, et elle avait commencé à préparer quelques kilos de pâtes pour avancer la cuisine. Comme tout les jours.
Les clients avaient commencé à rentrer au Mouton Frisé et un service plus que routinier avait débuté, Adelbert était passé sans rentrer pour jeter un coup d’oeil à l’intérieur s’il apercevait la petite Rosie, Monsieur Nob était rentré et s’était assis sans même commander, sachant bien qu’Abby connaissait son choix dès qu’il passait la porte, la routine. Comme tout les jours.
Tenir une auberge, quand on finit par connaître sa clientèle régulière c’est souvent un peu rébarbatif, mais heureusement il y a toujours les petites nouveautés quotidiennes qui viennent chambouler un peu le train-train habituel, et aujourd’hui c’était toute un groupe de jeunes hommes et femmes de races aussi diverses que variées qui se présentaient à la porte du Mouton Frisé et avaient donné un peu d’animation à la monotonie de la serveuse écarlate. Le brouhaha des jeunes gens, leurs mines enjouées et l’agitation qu’ils apportaient instantanément était la bienvenue dans l’établissement autrement plus morne en ce début de service, la salle principale rendue complète s’était soudainement transformée en un havre de rires, d’éclats de joie et de taquineries estudiantines qui replongeaient Vanay dans les bons moments de son cursus à Drakstrang. Des souvenirs d’autant plus réminiscents qu’entre les races cosmopolites, le fort accent reikois et les bribes de conversations qu’échangeaient les étudiants, l’expatriée comprit bien vite que la trentaine de jeunes adultes étaient des étudiants de l’université reikoise venus en échange scolaire à MAGIC, l’Université la plus prestigieuse de Liberty et peut-être même du Sekaï attirait souvent des clients dans la ville, mais toute une classe c’était bien une première. Pour la Drakyn, tout souvenir de Drakstrang était souvent accompagné d’une amertume toute particulière et de pensées plus sombres, mais aujourd’hui l’ambiance était très différente.
Les boissons coulaient à flot, la fougue des étudiants et l’ambiance bon enfant qui régnait dans la salle était salement contagieuse et il n’en fallut pas plus pour mettre un sourire sur les lèvres de Vyldrithe à son tour, gagnée malgré elle par les gamineries tantôt mesquines des uns ou les blagues plus franches des autres. Ses yeux dorés se promènent sur les visages jovials, appréciant les farandoles de couleurs qui rigolent ensemble à la table, un spectacle nostalgique qui est bien rare en République, mais au Reike c’était chose commune que de voir attablé le bleu des onis, le vert des gobelins, les tons pâles de certains elfes côtoyer les peaux plus chatoyantes des nains et des hommes entre les bizarreries des hybrides.
Elle s’en souvient très bien, à quelle vitesse elle avait perdue son sourire quand elle l’avait vue. Une Drakyn aussi, assise à un coin de la tablée, Vanay l’avait observé avec des yeux grands ouverts, sa peau écailleuse qui s’accentuait de reflets orangés presque ambrés sur les épaules, ses deux grandes cornes incurvées qui remontaient presque en tour complet derrière sa tête, sa grande chevelure rouge. Certes elles se ressemblaient un peu, vite fait de loin, de là à dire qu’on aurait pu les confondre il fallait être aveugle ou s’appeler Perrine, mais ce n’était pas la quelconque vague ressemblance physique qui interpellait autant la serveuse du Mouton Frisé, c’était sa posture. Cette gamine encore plus jeune que Vanay était là, aux côtés de tout ces jeunes enjoués qui appréciaient leurs pseudo vacances et leur voyage scolaire loin des règles draconiques du Reike, ils riaient tous, ils se laissaient emportés par le sens de la fête, ils vivaient leur jeunesse en la croquant à pleines dents.
Mais pas elle.
Elle était ratatinée dans un coin de banquette, à regarder un point fixe sur la table devant elle, silencieuse, calme, isolée. Impossible de ne pas se voir elle-même, dix ans plus tôt, à arrêter de vivre parce que quelqu’un obnubilait ses pensées et pas dans le bon sens, et si un frisson avait parcouru le dos de Vanay à ce moment là ça n’avait pas forcément voulu signifier le pire, après tout cette jeune femme draconique avait un gabarit de crevette et elle pouvait sûrement manquer de confiance en soi pour expliquer son attitude introvertie, peut-être qu’elle avait reçue une mauvaise nouvelle tantôt, ou peut-être qu’elle était simplement quelqu’un de réservé. À la voir ainsi assise, muette sans que personne de son groupe ne lui adresse la parole, le sang de la serveuse n’avait fait qu’un tour, profitant qu’elle n’ait pour l’instant aucune consommation devant elle, Vanay s’était approchée de la jeune fille et lui avait demandé si elle pouvait lui offrir quelque chose à boire, et la Drakyn capucine avait levé les yeux de surprise vers Vyldrithe, comme si elle avait de la peine à croire qu’on ait pu lui parler. Elle s’était mise à bafouiller, son teint orangé avait tiré un peu plus sur le rouge d’embarras et avec des gestes confus de ses mains elle s’était excusé de n’avoir pas demandé de boisson avec un maigre sourire de politesse. Difficile aussi pour Vanay de ne pas la trouver attendrissante cette petite, ni de ne pas lui rendre son sourire avec un peu plus de compassion et un soulagement bienvenue. C’est seulement quand elle l’a vu sur son poignet gauche planqué entre ses cuisses que la serveuse écarquille grand les yeux, tentant tout aussi difficilement de faire comme si de rien n’était en gardant son rictus maintenant forcé sur ses lèvres. Les yeux verts de la petite étudiante suivent ceux dorés de la serveuse, descendent jusqu’à sa propre main enterrée entre ses jambes, et elle relève la tête avec un inconfort visible en essayant de déchiffrer le regard de Vanay. La gamine la scrute un instant, tout s’enchaîne si vite, le croisement des regards, la soudaine réalisation, qu’elle lui ressemble, qu’elles se ressemblent, qu’elle est horrifiée en l’ayant vu, que l’étudiante se rend compte qu’elle l’a vu, que si la serveuse réagit de la sorte en le voyant accroché à son poignet alors…
Le regard de l’étudiante s’est écarquillé à son tour, sa bouche s’était tordu subtilement d’une expression indéchiffrable, la petite Drakyn avait jeté un coup d’oeil alarmé à ses camarades qui ne semblaient pas remarquer ce qu’il se passait, elle se retourna vers Vanay et lui coupa la parole d’une voix tremblante alors que les mâchoires de Vyldrithe s’entrouvraient déjà, et elle lui avait demandé les toilettes. Prise de court, la serveuse du Mouton Frisé les lui avait indiquées, et elle a regardé l’étudiante s’éclipser presque en courant jusqu’aux sanitaires.
Les coïncidences ça existe, mais parfois, elles n’en sont pas. Son attitude renfermée, ses gestes retenus comme si elle avait peur de trop bouger, d’attirer l’attention sur elle, ses épaules avachies et sa tête enfoncée, l’impression qui transpire par tout les pores de sa peau qu’elle ne fait pas partie de son groupe, qu’elle est là sans l’être, le silence mutique dans lequel elle est parce que même quand elle est ici, elle est là bas avec lui. La ressemblance. Vanay n’avait pas su quoi faire sur le moment, tout était trop soudain, trop brusque, sorti de nul part, elle se demandait ce qu’elle devait faire, si même elle devait faire quelque chose, si oui quoi? En parler? Dire quelque chose? Que, quoi, comment? La salive était dure à avaler dans sa gorge serrée, Vany s’était remise à vaquer aux autres tables, passant de temps en temps pour regarder si l’étudiante en question était revenue à sa place, la serveuse s’arrête en passant et regarde le siège vide. Ce qui l’énerve d’autant plus c’est l’indifférence de ses camarades qui continuent de rire, manger et boire, comme si c’était normal que leur copine s’absente aussi longtemps, comme s’ils ont juste accepté qu’elle est comme ça et c’est tout. Et si ça se trouve c’est tout oui, si ça se trouve ça n’a rien à voir, mais… les yeux de Vanay fixent la chaise, la tête baissée pour réfléchir, elle avait ensuite prédit ce qui allait suivre avant même d’entendre le cri horrifié d’Abby dans la salle, elle l’a su, Vanay l’a su dès qu’elle a remarqué le couteau manquant à la place de l’adolescente.
Le cadre de la porte des toilettes était noir de monde, les gens avaient tout de suite accouru et c’était la grande Drakyn de deux mètres qui avait joué des coudes pour être au premier rang. Le plancher des chiottes était un peu usé, il avait pleins de marques noires là où les cuirs des bottes raclaient contre son vieux bois, il y avait des taches plus sombres dues aux clients les moins propres, des taches plus claires à cause des noeuds dans le bois et à force d’y passer le balais et le savon, il n’était pas parfait et Pop disait tout le temps qu’il fallait le refaire, mais c’était rattrapable. Par contre aucune quantité de vinaigre et de levure n’allaient faire partir la quantité horrifiante de sang qui coulait depuis la porte des cabines des femmes. Quand Vanay avait fait un pas de plus pour tirer sur la poignée, elle avait attrapé le haut de la porte bloquée depuis l’intérieur, tiré un coup sec, et le cadavre de l’étudiante, appuyé contre la porte, était venu tout seul s’effondrer à ses pieds. Dans toutes les sales histoires, y’a un fil rouge, comme les filins de sang qui s’écoulent des veines ouvertes de la gamine, le ruban de soie vert à son poignet virant lentement au vermeil sous les yeux de Vanay.
À genoux avec une brosse dans une main, de l’eau chaude et du vinaigre dans un seau, la Drakyn du Mouton Frisé attaque le bois pour essayer de faire partir la flaque noire qui tache le plancher. À l’extérieur des toilettes elle entend la voix de Molly qui discute sûrement avec Pop, mais Vanay n’écoute pas, ses pensées sont ailleurs. Le passé finit toujours par la rattraper et elle avait cru pouvoir mettre sa tête dans le sable, faire l’autruche, ça avait bien marché pour elle, mais pour la piote dont elle détache le sang du plancher, beaucoup moins. Ses dents serrées, ses mains appuyant si fort sur la brosse qu’elle en tord les poils, Vanay ressasse encore et encore la scène d’hier. Entre sa tentative de sauver la gosse, son échec subséquent, l’entrevue avec les Officiers Républicains pour la déposition, ses propres émotions, son insomnie de cette nuit et les souvenirs qui la hantent, ses sourcils n’ont pas cessé de froncer depuis vingt-quatre heures. Quand le bruit de la porte d’entrée interrompt les nains et qu’une troisième voix se mêlent en panique à la conversation, c’est là que la Drakyn y prête attention, et c’est avec une incrédulité première puis une confusion seconde que la serveuse écoute Nob, faire irruption dans le salon avec un air paniqué:
”Vany! Dis moi que c’est pas vrai ce qu’ils disent, sur toi, mon fils est dans l’Office il m’a dit que tu trempes dans de sales histoires!”
”Quoi?!? Mais Nob c’est absurde enfin, Vany ne fer-”
”Ils ont dit que les Limiers allaient venir la coffrer! C’est pas rien ça quand même! Vany! C’est vrai?”
Quand on est Limier on aime bien les coïncidences, parce que souvent elles n’en sont pas.
Ça fait presque trois semaines que Vermine piétine sur cette enquête à la con, ses avancées sont minimes, des noms qui ne mènent à rien, des indices après des indices qui la font avancer à reculons pour se rendre compte qu’elle fait fausse route depuis plusieurs jours, comme quoi les criminels sont jamais aussi investis dans leur métier et jamais aussi précautionneux pour couvrir leurs traces que quand il faut trafiquer des mineures hein. Gros dégueulasses. Pourtant cette affaire de réseau de pédophiles qui faisaient passer des enfants de tout âges du Reike à la République c’est pas un mince fait-diver, douze disparitions suspectes l’année dernière dans l’Empire, à peu près le même nombre chaque année précédente, ciblant des jeunes filles de toutes les races entre plus ou moins la puberté et la majorité. Si le cas est venu jusqu’aux oreilles de l’Office c’est vraiment juste parce qu’on a retrouvé récemment trois des victimes mortes dans une grange de la campagne aux alentours de Liberty, et si le cas est passé des mains de l’Office à celles du Razkaal c’est vraiment juste parce qu’une des gosse en question était la fille d’un petit seigneur reikois. Pour éviter l’incident diplomatique fallait donc enterrer le scandale, et ça Vermine l’avait bien enterré. Trois coups de pelle après les avoir suffisamment défigurer pour qu’on ne les reconnaisse plus, trois coups de plus pour les mettre six pieds sous terre et on en entendrait plus jamais parler, par contre le Razkaal voulait démanteler cette merde et coffrer les fumiers pour éviter que ça se répète, et c’est là que les emmerdes avaient commencé, mais c’est aussi là qu’une aubaine était tombée dans la bouche morte de Vermine comme du pain béni.
La Limier avait pu remonter la trace d’un réseau appelé les Bourgeons de Rose, ça correspondait pas vraiment à quoi que ce soit dans la caboche de Vermine en coloc avec seize fois elle-même mais ça avait eu le mérite de la mener à d’autres indices en lui faisant ‘interroger’ des mecs louches et interroger des mecs plus sympa, les victimes étaient passées au Reike sous prétexte de contrat d’apprentissage -ce qui n’avait pas manqué récemment avec a reconstruction de Liberty-, d’échanges scolaires qui devenaient des mutations d’établissement -combine classique des étudiants pour venir habiter la République-, ou de rejoindre un fameux oncle ou tante républicain -qui n’existe souvent pas- pour venir étudier chez lui. Là le réseau des Bourgeons de Roses ou plus exactement leurs passeurs avaient craché un morceau à la Limier en lui avouant qu’un arrivage spécial devait bientôt être réceptionné en ville, donc la liche avait tôt fait de se radiner à la capitale même. En général ils évitent les universités trop prestigieuses parce que ça attire trop le regard, c’est pour ça qu’en passant dans un des Commissariats de Liberty, Vermine n’avait pas immédiatement prêté attention à la conversation entre deux Officiers à une table. MAGIC et Drakstrang c’est pas vraiment des terrains de chasses très permis pour la pègre, mais c’est vrai qu’avec les évènements du Voile Rouge l’année dernière au campus de Kyouji et la disparition de la Dame à MAGIC, ça laisse une certaine marge de manoeuvre. N’est-ce pas?
Alors en entendant qu’une étudiante reikoise en transit à Liberty s’était suicidée dans les chiottes d’une auberge, Vermine s’y était reprise à deux fois avant de s’intéresser un peu plus à la déposition, et puis les pièces de puzzle avaient commencé à tomber en place. Une auberge, avec des chambres et tout le bordel, idéal pour un peu d’intimité s’il faut, et comme par hasard il se trouve que la serveuse de cette auberge est une ex-reikoise, expat’ d’avant même la guerre civile… bizarre.
”Bizarre. Bizarre n’est-ce pas? Vraiment étrange ce qu’il se passe.”
Et comme par hasard, cette même reikoise s’est amourachée d’un des Prévôts du Razkaal, ça en ferait tient, une bonne source d’information pour à tout hasard, échapper à une enquête. Ce qui est vraiment une pure coïncidence c’est que ce traffic remonte vraisemblablement à une dizaine d’année aussi, qu’il provienne du Reike, qu’il touche des étudiants et que… de ce que Vermine sait, la pétasse du patron elle a aussi fait Drakstrang. Ce serait bizarre que d’un seul coup un réseau qui a fait son truc dans son coin sans jamais se faire cramer commette soudainement une erreur aussi grosse que laisser traîner trois cadavres dans une grange, comme si d’un seul coup le réseau avait plus autant les coudées franches qu’avant. Comme si un Prévôt s’intéressait peut-être subitement à une de leur membres.
”Va-nay. Va-nay. Va-nay. Va-nay. Va-nay. Va-nay.”
Vermine se fiche un peu qu’on se foute de sa gueule, elle rira bien en retour quand ses détracteurs mortels retourneront à la poussière d’ici trente quarante ans, mais ce qu’elle n’aime pas c’est déjà qu’on la prenne pour une conne, de un, et de deux qu’on pense pouvoir berner les Limiers aussi facilement qu’avec une paire de nibards et un joli fessier. Trop en confiance Vanay, trop moqueuse, trop Madame Toute Permise juste parce qu’elle fait des calins au chibre du Prévôt avec sa glotte…
”Oh la menteuse, et elle est pas amoureuse, la menteuse! Menteuse! Menteuse! Menteuse! Menteuse! Menteuse!”
Une étudiante qui se flingue comme ça, une reikoise qui fait faux-cul, des flèches qui pointent vers MAGIC et Drakstrang, trois cadavres dans une grange et un réseau qui panique sans raison, un patron qui voit pas plus loin que le bout de son c…coeur. Si Vermine en parle à Kieran elle est sûre que sa tête serve de presse-papier sur son bureau pour le restant de son année de Prévôt, mais là ça fait beaucoup de coïncidences, et si elle sait que le Prévôt Ryven n’osera jamais enquêter là dessus alors c’est elle qui le fera.
À commencer par aller “interroger” la vache rousse.
- OBJECTIFS & PRÉCISIONS:
- Objectifs Vanay:
Fuir: 0/1
Préparer des affaires: 0/1
Enquêter sur la gosse: 0%
OU
Confronter Vermine: 0/1
Objectifs Vermine:
Coffrer Vanay: 0/1
Enquêter sur les Bourgeons de Rose: 0%
Précisions:
— Il n’y a pas de date limite pour ce tour.
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