Invité
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Tendrement, tout doucement. Les doigts courent sur la lame large, effleurent le métal éclatant. Le feu brûle au loin, un reflet fait briller ses yeux un instant. Rouges, sanglants. La peau devient bleue, les doigts ne cessent leur chemin éternel. Ils aiment la sensation glacée sur l’épiderme froid. Ils aiment la perfection des volumes. Ils s’arrêtent au manche. Il est finement travaillé, les détails se font sentir. Un travail professionnel, un art oublié auquel l’on ne s’intéresse que trop peu. Blesser, tuer magnifiquement. Hodur connaît son propre destin. La jeunesse le caresse encore, mais l’issue est fatale. Un jour, lointain peut-être, l’une de ses armes lui ôtera la vie. Il ne veut mourir autrement que par ses propres créations. Peut-être tiendra-t-il lui-même la trancheuse. Peut-être réclamera-t-il à un être aimé de l’aide, trop lâche pour en finir par ses propres moyens. Le sang perle sur le bout du doigt. Il s’est coupé. Ce n’est pas grave. Le liquide glisse entre ses lèvres et il repose délicatement sa chérie. Une épée forgée le jour-même, une épée qui rejoindra des rangs furieux mais des rangs illustres. Il touche parfois du bout de l’ongle ces milieux qu’il ne connaît pas et dans lesquels il n’est pas le bienvenu. Hodur n’est plus « n’importe qui », mais ces appellations grotesques agacent le cœur fermé et lui font baisser le nez. Grand Maître Forgeron. Lui, un simple élémentaire, un gamin un peu âgé, un peu étrange, celui qui ne parle pas beaucoup, ou que l’on ne comprend pas. L’Impératrice est superbe. Son palpitant est magnifique. Il voudrait la revoir, la remercier encore d’une poésie chantante.
Mais une commande est arrivée il y a une poignée de jours. Hodur ne met plus le nez dehors. Jusqu’à minuit, parfois, il s’énerve sur ses passions. Le fer prend forme entre ses mains glaciales. Il est battu, modelé à sa guise. Il n’est pas laissé tranquille jusqu’à ce que la perfection personnelle du forgeron ne soit atteinte. Et cela dure, cela prend longtemps, longuement il reste le nez au-dessus des flammes, la sueur coulant le long de son visage. Élémentaire de glace, comme feus ses parents. Feue sa mère. Univers étrange dans lequel il est tombé lorsqu’il était petit. Le feu blesse et fait fondre les barrières de son cœur. Les plaies sont encore ouvertes. Pourront-elles se refermer, laissant la peau éclater de ses lueurs bleutées ?
Hodur souffle les bougies. La porte lourde est refermée. Il a laissé un mot aux personnes travaillant pour lui, s’occupant de son ménage, de ses repas. Il ne sera pas là, ce soir. Comme souvent, comme toujours. Il s’aère la tête, il fuit les contacts sociaux par d’autres, encore plus proches et étouffants. Le ventre gargouille, l’homme caresse le chanfrein d’un animal majestueux. La selle est posée, fermement attachée. Il monte, la jambe passe de l’autre côté, il se met en route. Il pourrait se balader sobrement à pied, mais les décisions ne sont pas toujours excellentes. Une auberge l’attend au loin. Les kilomètres sont avalés. Le cheval trotte dans les rues de la ville, il hennit lorsqu’il croise un congénère, la queue s’agite et frappe les jambes du cavalier. Ils s’arrêtent, soudain, et l’homme chute de son plein gré. Il attache la bride pour éviter une fuite malheureuse – c’est que cet animal a coûté cher, et qu’il l’aime tendrement –, pénètre dans l’établissement. Malgré l’heure tardive, les clients fêtent la fin de la journée de travail, et éventuellement la journée de repos qui suivra. Ce n’est pas le cas de l’élémentaire. Demain, il sera à la forge, fidèle au poste.
Il a trouvé une table un peu à l’écart. Le tenancier s’est approché, l’universitaire a pointé du doigt les délices qui feront son repas du soir. Une boisson l’accompagnera. De l’alcool. Fin et fruité. Ce n’est pas douloureux au fond de la gorge. Hodur observe la vie qui bruisse, les rires et les discussions animées. Il ne fait pas partie de ce monde. Il est l’étranger qu’on ne regarde pas vraiment. Ici, personne ne le connaît, et ses responsabilités s’envole. Le dos cogne contre le dossier de la chaise. Il tente de se détendre, de se mettre à l’aise. Ce n’est point aisé. La boisson arrive promptement. Il hoche la tête. Le tenancier le connaît, il a apprivoisé ses silences polis, timides et malheureux. Hodur laisse ses lèvres partir à la rencontre de ce corps étranger. Le liquide coule dans son gosier. Soif. Il avait soif.
Mais une commande est arrivée il y a une poignée de jours. Hodur ne met plus le nez dehors. Jusqu’à minuit, parfois, il s’énerve sur ses passions. Le fer prend forme entre ses mains glaciales. Il est battu, modelé à sa guise. Il n’est pas laissé tranquille jusqu’à ce que la perfection personnelle du forgeron ne soit atteinte. Et cela dure, cela prend longtemps, longuement il reste le nez au-dessus des flammes, la sueur coulant le long de son visage. Élémentaire de glace, comme feus ses parents. Feue sa mère. Univers étrange dans lequel il est tombé lorsqu’il était petit. Le feu blesse et fait fondre les barrières de son cœur. Les plaies sont encore ouvertes. Pourront-elles se refermer, laissant la peau éclater de ses lueurs bleutées ?
Hodur souffle les bougies. La porte lourde est refermée. Il a laissé un mot aux personnes travaillant pour lui, s’occupant de son ménage, de ses repas. Il ne sera pas là, ce soir. Comme souvent, comme toujours. Il s’aère la tête, il fuit les contacts sociaux par d’autres, encore plus proches et étouffants. Le ventre gargouille, l’homme caresse le chanfrein d’un animal majestueux. La selle est posée, fermement attachée. Il monte, la jambe passe de l’autre côté, il se met en route. Il pourrait se balader sobrement à pied, mais les décisions ne sont pas toujours excellentes. Une auberge l’attend au loin. Les kilomètres sont avalés. Le cheval trotte dans les rues de la ville, il hennit lorsqu’il croise un congénère, la queue s’agite et frappe les jambes du cavalier. Ils s’arrêtent, soudain, et l’homme chute de son plein gré. Il attache la bride pour éviter une fuite malheureuse – c’est que cet animal a coûté cher, et qu’il l’aime tendrement –, pénètre dans l’établissement. Malgré l’heure tardive, les clients fêtent la fin de la journée de travail, et éventuellement la journée de repos qui suivra. Ce n’est pas le cas de l’élémentaire. Demain, il sera à la forge, fidèle au poste.
Il a trouvé une table un peu à l’écart. Le tenancier s’est approché, l’universitaire a pointé du doigt les délices qui feront son repas du soir. Une boisson l’accompagnera. De l’alcool. Fin et fruité. Ce n’est pas douloureux au fond de la gorge. Hodur observe la vie qui bruisse, les rires et les discussions animées. Il ne fait pas partie de ce monde. Il est l’étranger qu’on ne regarde pas vraiment. Ici, personne ne le connaît, et ses responsabilités s’envole. Le dos cogne contre le dossier de la chaise. Il tente de se détendre, de se mettre à l’aise. Ce n’est point aisé. La boisson arrive promptement. Il hoche la tête. Le tenancier le connaît, il a apprivoisé ses silences polis, timides et malheureux. Hodur laisse ses lèvres partir à la rencontre de ce corps étranger. Le liquide coule dans son gosier. Soif. Il avait soif.
Citoyen du Reike
Dimitri Chagry
Messages : 308
crédits : 3157
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Info personnage
Race: Ombra
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Chaotique neutre
Rang: C
La ville de Taisen était chargée en énergie. De mauvais souvenirs venaient à la porte de son esprit. Il n’avait réussi à les chasser qu’après de longues heures de chasse.
Entouré et accompagné, ils avaient été trois chasseurs et deux mages sur cette expédition loin de la capitale. Passer des journées dans le bruit et l’effusion déplaisait à Dimitri, mais ses missions n’étaient pas faites que de chasses nocturnes entourés de solitudes et de ténèbres. Nouvel arrivant, ses supérieurs ne lui laissaient pas de choix. Son aisance au cœur de la nuit n’était pas valable pour aller travailler seul épisodiquement. Il devait faire ses preuves. En y repensant, l’une de ses missions en binôme lui avait valu de sacrés problèmes. Depuis, il avait été contraint de se faire accompagner comme un mioche… Il se sentait affecté, mais cela ne l’empêchait pas de dormir. Actuellement, le seul problème étant la compagnie constante du vacarme, de chant, et de voix.
La brutalité écrasante du soleil la journée l’avait exténué. Le groupe arrivait au bout de leur mission et la capture de plusieurs Terrarus dans la jungle avait été fructueuse. Les bêtes n’étaient pas agressives mais pouvaient le devenir si elles se sentaient acculées. Dimitri trouvait ces vers géants particulièrement jolis à regarder. Il avait la sensation que les yeux manquants de la créature étaient partout sur sa peau. Les dents marquaient sa bouche par centaine selon la taille de la bête. Elles laissaient une odeur de putréfaction s’échapper de celle-ci chaque fois qu’elle ouvrait la gueule. La créature n’était pas au goût de tous. Les commentaires allaient de bon train sur l’odeur repoussante de la créature et son manque de charme. Dimitri trouvait que ces hommes n’avaient aucun goût. Les Terrarus étaient particulièrement important pour nettoyer les zones. Il évitait la propagation de maladie. Ce qui, étant donné les récents évènements, n’était pas à négliger. Cette sensation d’être sans cesse observée par les bêtes enfermées dans une boîte de fer était agréable à ressentir et il perdait beaucoup de temps à essayer de les rassurer en passant le doigt entre les barreaux.
Deux larges mains vinrent s’écraser sur ses épaules, il sursauta et sentit son doigt de tordre avec élégance... Les deux terrarus à l’intérieur s’agitèrent et se cognèrent contre les parois. Faudrait pas que tu te les fasses bouffer ! L’homme se mit à rire, alors que la voix d’un soigneur venait le faire taire pour respecter la quiétude des créatures. Enfermées elles n’étaient déjà pas à l’aise… Tu m’étonnes. Mais avec des rires gras à côté, le stress pourrait les tuer. Un rappel à l’ordre plus tard, encore heureux il n’y avait que l’humain qui posait problème dans le groupe. Les autres étaient à peu près équilibrés.
Les terrarus étaient des créatures sensibles. Et il préférait les terrarus à la compagnie de ses congénères… Enfin, congénère était un grand mot. Il paraissait bien humain, mais dévoiler les chemins dorés sur son épiderme pouvait faire douter. Ouais bon ça va ! ‘Peux pas rigoler un peu ici. Elles vont pas sécher demain, ces terrarus sont en bonne santé ! Dimitri lui envoya son plus beau regard affligé avant de lui siffler : Si j’avais perdu mon doigt, j’aurais coupé le tien cette nuit enfoiré. Un doigt pour un doigt. Tout en poésie. Il savait que les terrarus n'étaient pas naturellement agressives. Pour autant, il savait qu'une créature sauvage en cage pouvait se montrer imprévisible.
Sa remarque ne plaît pas beaucoup à Zar qui commence à s’enflammer avant de se faire calmer par Nikk toujours dans les parages à veiller sur le bien-être des terrarus.
Ce soir, il n’avait aucune envie de manger avec le groupe. Il se moquait de ce que cette fuite vers l’avant pourrait créer. Plus d’emmerdes. Des petits commentaires. Mais Zar et lui ça passait pas. Il avait fait suffisamment d’efforts la semaine. Dès le lendemain, ils rentreraient tous en cœur à la capitale, feraient leur rapport et repartiraient séparément. Il pourrait bien ne pas faire preuve de camaraderie une soirée. Il se perdit de longues heures dans les rues de la ville. Très animé le soir, le bruit du métal était partout. Des rires aussi. Dimitri pointa à nouveau son nez à l’auberge trois heures plus tard, et se rendit compte que son groupe était quasiment au complet à leur table habituel. Ça se marrait bien, et ça sentait surtout fort cette odeur qu’il avait bien du mal à apprécier.
Dimitri prenait son repas directement au bar après une discussion avec l’aubergiste sur sa boisson. L’assiette fumante lui brûlait la main, la chope d’eau dans l’autre. Il pivotait son corps en direction de la salle et balaya tous les endroits possibles pour manger. Il cherchait quelqu’un qui avait l’air chiant à mourir ou de dangereux et solitaire ou de près à partir ou de silencieux. Un ou une timide au regard fuyant faisait l’affaire. Aucun de ces profils ne correspondaient à ce qui pourrait le satisfaire ce soir. Manger debout serait dangereux, il tenait à ne rien gaspiller de son assiette. Les gens n'arrêtaient pas de se lever, de balancer des trucs à leur voisin de table. Manger debout donc, serait stupide et dangereux. Il entendit distinctement Zar l’interpeller, mais il fit de son mieux pour regarder de l’autre côté et continuer son examen de la pièce. L’auberge avait suffisamment de recoin pour permettre à des tables isolées d’élire domicile.
Puis enfin, il tomba sur le profil presque idéal. Solitaire, silencieux. Il avait trouvé sa table. Peu de choix s’offrait à lui. L’observation du paysage depuis cinq bonnes minutes lui permettaient d’évaluer tous les cas de figure. La plupart des tables n’était pas un bon choix. Il avait besoin d’un minimum de stimuli. Dimitri avait eu sa dose de socialisation de la journée. Dimitri s’avança donc vers la table d’un homme à la peau bleu violette. Il l'effleura du regard puis s'installa sans demander vraiment l'avis de l'homme. Il n'avait aucune envi d'aller s'asseoir ailleurs. Tu permets. L'assiette fut posé en face d'une chaise alors que le raclement signifiait qu'elle avait été tiré. Il s'y installait avec un sentiment solide d'être au bon endroit, ou du moins au moins pire. Les voix s'atténuaient un peu ici et ne lui vrillaient pas l'esprit. Il mangea une première bouchée d'une viande rouge baignant dans une sauce brune. Il n'avait même pas demandé ce que c'était. Du gibier sans doute, vu le goût de la viande. Il but de son haut, car sa choppe de bière en était pleine. Son interlocuteur avait une apparence fragile mais son aura était solide. T'as l'air triste et fatigué. T'as perdu ton Kokot de compagnie ou c'est juste toi tous les jours ? Les mots s'enchaînaient, alors qu'il continuait de manger avec beaucoup d'avidité. Il avait la dalle après une journée dehors à suer sous le soleil. Il se rappela soudainement qu'il n'avait pas dit bonjour. L'impatience de devoir fuir la table de ses collègues y était surement pour quelque chose. Il était bien trop tard pour les salutations.
Les mots restaient en travers de sa gorge et il dû tousser un peu pour en faire passer certains. Son regard gris se levait en direction de l'homme à la posture noble et au très androgyne avant de dire : Merci de m'autoriser à rester à cette table. Après ces brèves excuses, lui l'entendait comme ça, il continua de découper et manger sans se gêner. Toutes les autres tables étaient pleines d'imbéciles. Il n'y avait que cet être bleu à l'air tranquille et arrogant. Appelle-moi Dimitri même si ça m'arrangerait qu'on ne cause pas beaucoup. Parce que sinon il n'aurait pas posé son cul ici. Il n'avait aucune idée dans quoi il s'était lancé. L'être vivant était peut être sinistre et aurait envi de lui trancher la gorge après avoir vu sa manière détestable de détruire un repas de qualité en quelques minutes.
Entouré et accompagné, ils avaient été trois chasseurs et deux mages sur cette expédition loin de la capitale. Passer des journées dans le bruit et l’effusion déplaisait à Dimitri, mais ses missions n’étaient pas faites que de chasses nocturnes entourés de solitudes et de ténèbres. Nouvel arrivant, ses supérieurs ne lui laissaient pas de choix. Son aisance au cœur de la nuit n’était pas valable pour aller travailler seul épisodiquement. Il devait faire ses preuves. En y repensant, l’une de ses missions en binôme lui avait valu de sacrés problèmes. Depuis, il avait été contraint de se faire accompagner comme un mioche… Il se sentait affecté, mais cela ne l’empêchait pas de dormir. Actuellement, le seul problème étant la compagnie constante du vacarme, de chant, et de voix.
La brutalité écrasante du soleil la journée l’avait exténué. Le groupe arrivait au bout de leur mission et la capture de plusieurs Terrarus dans la jungle avait été fructueuse. Les bêtes n’étaient pas agressives mais pouvaient le devenir si elles se sentaient acculées. Dimitri trouvait ces vers géants particulièrement jolis à regarder. Il avait la sensation que les yeux manquants de la créature étaient partout sur sa peau. Les dents marquaient sa bouche par centaine selon la taille de la bête. Elles laissaient une odeur de putréfaction s’échapper de celle-ci chaque fois qu’elle ouvrait la gueule. La créature n’était pas au goût de tous. Les commentaires allaient de bon train sur l’odeur repoussante de la créature et son manque de charme. Dimitri trouvait que ces hommes n’avaient aucun goût. Les Terrarus étaient particulièrement important pour nettoyer les zones. Il évitait la propagation de maladie. Ce qui, étant donné les récents évènements, n’était pas à négliger. Cette sensation d’être sans cesse observée par les bêtes enfermées dans une boîte de fer était agréable à ressentir et il perdait beaucoup de temps à essayer de les rassurer en passant le doigt entre les barreaux.
Deux larges mains vinrent s’écraser sur ses épaules, il sursauta et sentit son doigt de tordre avec élégance... Les deux terrarus à l’intérieur s’agitèrent et se cognèrent contre les parois. Faudrait pas que tu te les fasses bouffer ! L’homme se mit à rire, alors que la voix d’un soigneur venait le faire taire pour respecter la quiétude des créatures. Enfermées elles n’étaient déjà pas à l’aise… Tu m’étonnes. Mais avec des rires gras à côté, le stress pourrait les tuer. Un rappel à l’ordre plus tard, encore heureux il n’y avait que l’humain qui posait problème dans le groupe. Les autres étaient à peu près équilibrés.
Les terrarus étaient des créatures sensibles. Et il préférait les terrarus à la compagnie de ses congénères… Enfin, congénère était un grand mot. Il paraissait bien humain, mais dévoiler les chemins dorés sur son épiderme pouvait faire douter. Ouais bon ça va ! ‘Peux pas rigoler un peu ici. Elles vont pas sécher demain, ces terrarus sont en bonne santé ! Dimitri lui envoya son plus beau regard affligé avant de lui siffler : Si j’avais perdu mon doigt, j’aurais coupé le tien cette nuit enfoiré. Un doigt pour un doigt. Tout en poésie. Il savait que les terrarus n'étaient pas naturellement agressives. Pour autant, il savait qu'une créature sauvage en cage pouvait se montrer imprévisible.
Sa remarque ne plaît pas beaucoup à Zar qui commence à s’enflammer avant de se faire calmer par Nikk toujours dans les parages à veiller sur le bien-être des terrarus.
Ce soir, il n’avait aucune envie de manger avec le groupe. Il se moquait de ce que cette fuite vers l’avant pourrait créer. Plus d’emmerdes. Des petits commentaires. Mais Zar et lui ça passait pas. Il avait fait suffisamment d’efforts la semaine. Dès le lendemain, ils rentreraient tous en cœur à la capitale, feraient leur rapport et repartiraient séparément. Il pourrait bien ne pas faire preuve de camaraderie une soirée. Il se perdit de longues heures dans les rues de la ville. Très animé le soir, le bruit du métal était partout. Des rires aussi. Dimitri pointa à nouveau son nez à l’auberge trois heures plus tard, et se rendit compte que son groupe était quasiment au complet à leur table habituel. Ça se marrait bien, et ça sentait surtout fort cette odeur qu’il avait bien du mal à apprécier.
Dimitri prenait son repas directement au bar après une discussion avec l’aubergiste sur sa boisson. L’assiette fumante lui brûlait la main, la chope d’eau dans l’autre. Il pivotait son corps en direction de la salle et balaya tous les endroits possibles pour manger. Il cherchait quelqu’un qui avait l’air chiant à mourir ou de dangereux et solitaire ou de près à partir ou de silencieux. Un ou une timide au regard fuyant faisait l’affaire. Aucun de ces profils ne correspondaient à ce qui pourrait le satisfaire ce soir. Manger debout serait dangereux, il tenait à ne rien gaspiller de son assiette. Les gens n'arrêtaient pas de se lever, de balancer des trucs à leur voisin de table. Manger debout donc, serait stupide et dangereux. Il entendit distinctement Zar l’interpeller, mais il fit de son mieux pour regarder de l’autre côté et continuer son examen de la pièce. L’auberge avait suffisamment de recoin pour permettre à des tables isolées d’élire domicile.
Puis enfin, il tomba sur le profil presque idéal. Solitaire, silencieux. Il avait trouvé sa table. Peu de choix s’offrait à lui. L’observation du paysage depuis cinq bonnes minutes lui permettaient d’évaluer tous les cas de figure. La plupart des tables n’était pas un bon choix. Il avait besoin d’un minimum de stimuli. Dimitri avait eu sa dose de socialisation de la journée. Dimitri s’avança donc vers la table d’un homme à la peau bleu violette. Il l'effleura du regard puis s'installa sans demander vraiment l'avis de l'homme. Il n'avait aucune envi d'aller s'asseoir ailleurs. Tu permets. L'assiette fut posé en face d'une chaise alors que le raclement signifiait qu'elle avait été tiré. Il s'y installait avec un sentiment solide d'être au bon endroit, ou du moins au moins pire. Les voix s'atténuaient un peu ici et ne lui vrillaient pas l'esprit. Il mangea une première bouchée d'une viande rouge baignant dans une sauce brune. Il n'avait même pas demandé ce que c'était. Du gibier sans doute, vu le goût de la viande. Il but de son haut, car sa choppe de bière en était pleine. Son interlocuteur avait une apparence fragile mais son aura était solide. T'as l'air triste et fatigué. T'as perdu ton Kokot de compagnie ou c'est juste toi tous les jours ? Les mots s'enchaînaient, alors qu'il continuait de manger avec beaucoup d'avidité. Il avait la dalle après une journée dehors à suer sous le soleil. Il se rappela soudainement qu'il n'avait pas dit bonjour. L'impatience de devoir fuir la table de ses collègues y était surement pour quelque chose. Il était bien trop tard pour les salutations.
Les mots restaient en travers de sa gorge et il dû tousser un peu pour en faire passer certains. Son regard gris se levait en direction de l'homme à la posture noble et au très androgyne avant de dire : Merci de m'autoriser à rester à cette table. Après ces brèves excuses, lui l'entendait comme ça, il continua de découper et manger sans se gêner. Toutes les autres tables étaient pleines d'imbéciles. Il n'y avait que cet être bleu à l'air tranquille et arrogant. Appelle-moi Dimitri même si ça m'arrangerait qu'on ne cause pas beaucoup. Parce que sinon il n'aurait pas posé son cul ici. Il n'avait aucune idée dans quoi il s'était lancé. L'être vivant était peut être sinistre et aurait envi de lui trancher la gorge après avoir vu sa manière détestable de détruire un repas de qualité en quelques minutes.
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Quand on attend, quand on patiente, les minutes qui défilent semblent rire de nous. Une seconde en avant, cinq secondes en arrière. Mais qu’attend Hodur, au juste ? Simplement le repas commandé ? Ou autre chose, de plus spirituel ? L’homme ne le sait pas lui-même. Comme des gouttes de pluie qui tombent sur son visage, quelque chose qui viendrait le percuter, lui arracher un sourire. Allons, cela est impossible. Hodur ne sourit pas. Jamais. Ça fait presque mal d’être heureux. Il n’a pas l’habitude. Il suit le chemin qu’il s’est tracé, il n’en déborde jamais, ne cueille pas la fleur rosée qui semblait charmante un peu plus loin. Pourtant, le long de la route, il y a des maisons, des auberges, des gens à rencontrer, simplement s’arrêter, ouvrir la bouche, susurrer une salutation. Non, non, ce n’est point raisonnable. Travailler, se complaire dans ces journées remplies qui ne lui laissent pas de répit. Hodur a du travail, beaucoup. Il ne peut s’octroyer trop de repos. Parfois, il travaille même la nuit couchée, grince des dents en espérant trouver une auberge ouverte pour ensuite se sustenter, ou file à ses cuisines pleurer après des restes, une pomme oubliée sur le plan de travail. Il ne réveille pas ceux qui s’occupent de lui, respect élémentaire… pour un élémentaire. Son père, par le passé, ne se gênait pas. C’étaient alors toujours des esclaves sous leurs ordres. Quelle ignominie. Le gamin bleu a beau aimer ses deux parents, regretter les moments où ils étaient tous ensemble, il doit bien avouer qu’il y avait des moments où tout ne roulait pas, des comportements discutables. Mais où est donc passé l’amour du prochain ? L’amour, tout court ?
Hodur laisse son regard vagabonder dans la pièce pleine de monde. Des âmes partout, qu’il ne connaît pas, qu’il ne connaîtra jamais. Des couples tendres autour d’une chope de bière, des groupes de travailleurs aguerris qui profitent de cette fin de journée et parlent fort. L’un d’eux attire son attention, mais bientôt, c’est une présence bien réelle, tangible qui réveille ses sens. Un homme, tout à fait inconnu, le sort de ses pensées et de son imagination, alors que la poésie allait quitter ses doigts et courir sur le papier qui jamais ne quitte l’homme aux cheveux noirs. Une familiarité, et il s’assoit. Hodur ne dit pas un mot, observe simplement. N’a-t-il pas l’air étrange, assis tout seul à sa table à attendre sa douce nourriture alors que tous les autres rectangles de bois sont pris d’assaut par les esprits qui s’échauffent ? Certainement. Mais où est le mal de vouloir un peu de calme, un peu de tendresse avec soi-même à défaut d’en trouver ailleurs ? Hodur n’est pas un grand bavard, et il est seul. Comment auraient réagi les personnes près desquelles il se serait assis sans un mot, avec son alcool et ses papiers ? Créateur de malaises, il ne se serait bientôt plus occupé d’eux et de leurs états d’âme. L’homme qui vient à lui a une voix, de son côté. Il a remarqué l’air contrit du jeune élémentaire, et l’interroge à ce sujet. Hodur de nouveau ne dit rien. Que répondre ? Qu’il n’est pas tout à fait heureux dans sa vie ? Allons, à un parfait inconnu, c’est grotesque. Et surtout… Hodur sait. Son éducation est ainsi. Les mots ne sont pas choisis par hasard. Ils s’envolent dans les cieux de l’auberge et se rencontrent, puis s’aiment. On le regarde étrangement, on fronce les sourcils, et l’on se détourne. « Bizarre » dit-on à son sujet. Ces mots ne sont point agréables. Mais il se raccroche à sa poésie, quelle importance que quelques idiots ne le comprennent pas ! L’inconnu mange avec vigueur et Hodur sent son ventre se tordre. Son repas ne devrait plus tarder. Il est impatient à l’idée de le découvrir, de laisser ses crocs le pénétrer, engloutir l’assiette en entier, quoique plus lentement, profiter, savourer. Mais le tenancier semble occupé ailleurs, et les silences ont assez duré. L’élémentaire cherche ses mots, parce qu’il n’est pas certain qu’il y ait besoin de discuter, ne vient-on pas de lui dire que ce n’était pas nécessaire ? L’esprit est comme embrumé.
Et l’aubergiste de sourire à l’entente de ces mots, rares et désirés. Il apporte le repas d’Hodur, le pose devant son minois à la langue bien pendue. Ce dernier hoche simplement la tête, pour ne pas remercier longuement – ce qui arrive, lorsqu’il est véritablement de bonne humeur. Les senteurs viennent titiller ses narines, il a l’eau à la bouche.
Hodur laisse son regard vagabonder dans la pièce pleine de monde. Des âmes partout, qu’il ne connaît pas, qu’il ne connaîtra jamais. Des couples tendres autour d’une chope de bière, des groupes de travailleurs aguerris qui profitent de cette fin de journée et parlent fort. L’un d’eux attire son attention, mais bientôt, c’est une présence bien réelle, tangible qui réveille ses sens. Un homme, tout à fait inconnu, le sort de ses pensées et de son imagination, alors que la poésie allait quitter ses doigts et courir sur le papier qui jamais ne quitte l’homme aux cheveux noirs. Une familiarité, et il s’assoit. Hodur ne dit pas un mot, observe simplement. N’a-t-il pas l’air étrange, assis tout seul à sa table à attendre sa douce nourriture alors que tous les autres rectangles de bois sont pris d’assaut par les esprits qui s’échauffent ? Certainement. Mais où est le mal de vouloir un peu de calme, un peu de tendresse avec soi-même à défaut d’en trouver ailleurs ? Hodur n’est pas un grand bavard, et il est seul. Comment auraient réagi les personnes près desquelles il se serait assis sans un mot, avec son alcool et ses papiers ? Créateur de malaises, il ne se serait bientôt plus occupé d’eux et de leurs états d’âme. L’homme qui vient à lui a une voix, de son côté. Il a remarqué l’air contrit du jeune élémentaire, et l’interroge à ce sujet. Hodur de nouveau ne dit rien. Que répondre ? Qu’il n’est pas tout à fait heureux dans sa vie ? Allons, à un parfait inconnu, c’est grotesque. Et surtout… Hodur sait. Son éducation est ainsi. Les mots ne sont pas choisis par hasard. Ils s’envolent dans les cieux de l’auberge et se rencontrent, puis s’aiment. On le regarde étrangement, on fronce les sourcils, et l’on se détourne. « Bizarre » dit-on à son sujet. Ces mots ne sont point agréables. Mais il se raccroche à sa poésie, quelle importance que quelques idiots ne le comprennent pas ! L’inconnu mange avec vigueur et Hodur sent son ventre se tordre. Son repas ne devrait plus tarder. Il est impatient à l’idée de le découvrir, de laisser ses crocs le pénétrer, engloutir l’assiette en entier, quoique plus lentement, profiter, savourer. Mais le tenancier semble occupé ailleurs, et les silences ont assez duré. L’élémentaire cherche ses mots, parce qu’il n’est pas certain qu’il y ait besoin de discuter, ne vient-on pas de lui dire que ce n’était pas nécessaire ? L’esprit est comme embrumé.
Je ne suis pas mécontent d’avoir quelqu’un à ma table, jeune homme.
Je vous remercie de vous soucier de mon état, vous n’êtes point économe.
Je suis ainsi, le visage fermé, les yeux dans le vide, l’esprit ailleurs.
Mais ça ne m’empêche point de vivre, d’ailleurs.
Je me nomme Hodur, je suis forgeron lorsque mes doigts le décident.
Un métier qui n’est pas aisé, j’en suis lucide.
Je vous remercie de vous soucier de mon état, vous n’êtes point économe.
Je suis ainsi, le visage fermé, les yeux dans le vide, l’esprit ailleurs.
Mais ça ne m’empêche point de vivre, d’ailleurs.
Je me nomme Hodur, je suis forgeron lorsque mes doigts le décident.
Un métier qui n’est pas aisé, j’en suis lucide.
Et l’aubergiste de sourire à l’entente de ces mots, rares et désirés. Il apporte le repas d’Hodur, le pose devant son minois à la langue bien pendue. Ce dernier hoche simplement la tête, pour ne pas remercier longuement – ce qui arrive, lorsqu’il est véritablement de bonne humeur. Les senteurs viennent titiller ses narines, il a l’eau à la bouche.
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