J'avais continuer de travailler comme je le faisais chaque jour. J'avais fait le tour de tous les employés du chantier mais aussi de leurs familles quand celles ci étaient présentes pour m'assurer qu'ils étaient tous en bonne santé. En temps normal c'était quelque chose d'important à mes yeux mais avec la Peste qui sévissait à Mael c'était devenu vital.  Après la rencontre du serviteur de Puantrus en janvier et la découverte que certains chats procuraient une protection temporaire contre la maladie dans le sens ou cela ne la soignait pas mais ralentissait les effets, j'avais récupéré un mâle et une femelle et cette dernière était maintenant en chaleur, j'espérais qu'elle ait une portée dans les semaines à venir, cela pourrait aider les gens. Mais pour le coup personne ne semblait atteint de ce mal, nous avions eu un cas mais il était parti à Mael directement se mettre en quarantaine, soucieux de préserver les siens.

Malgré tout mon travail n'avançait pas comme je le souhaitais, mes pensées n'étaient pas ici, rivées sur ma tâche, elles étaient sur mon ancien navire dans la cabine dans laquelle j'avais été enfermée plusieurs semaines. Sans réfléchir mes doigts massaient mes poignets, seuls vestiges de cette époque, je n'avais pas fait disparaitre les cicatrices de mon échec, celui d'avoir renoncé à me battre en tentant de mettre fin à mes jours, ces deux cicatrices étaient un rappel de ne plus jamais abandonner ou renoncer.

La journée touchait à sa fin et je ne doutais pas un seul instant qu'Eren et le capitaine puissent trouver un terrain d'entente tant sur les travaux que les délais et les coûts, Eren voulait réparer ce navire je l'avais vu dans son regard et il le ferait. J'avais demandé aux deux cuisinières du chantier de bien vouloir préparer un plat plus conséquent qu'à l'ordinaire pour que je puisse diner avec le capitaine. Elle m'avaient assuré que nous aurions de fait du poisson frais grillé et des légumes, ce qui me convenait parfaitement. Je n'avais pas d'alcool à proposer parce que nous n'en buvions pas hormis en de très rares exceptions et avec la plus grande des parcimonies.

Quand la nuit tombait, j'entendis dans le bureau d'à côté les deux hommes enfin sortir, personne ne vint de suite, Eren finit par me prévenir que le Capitaine était parti se préparer qu'il me rejoignait dans un moment. Je remerciais le vieil artisan et je pris moi même le temps de me rafraîchir. Il y avait une armoire dans mon bureau contenant des habits de rechange, simples mais propres. Je troquais ma tenue sobre du jour pour une robe de velours vert qui n'était plus de prime jeunesse, elle datait de l'avant guerre et n'était plus à la mode mais elle était chaude et même si le velours par endroit était un peu élimé elle restait de belle facture.

Tenue du soir:

Une table avait été dressée dans mon bureau pour deux et j'avais eu la surprise de voir une bouteille d'alcool déposé dessus, un cadeau d'une famille, une sorte de cidre réalisé à l'automne, peu alcoolisé mais qui sortirait de l'eau. Les cuisinières avaient aussi pris le temps de préparer des simples bouchées aux légumes cuites au four afin d'accompagner le cidre et d'attendre que les poissons ne soient prêts.

J'ouvris donc mon bureau au capitaine et je l'accueillis en exécutant une révérence polie.

- Soyez le bienvenue Capitaine. Je pense que vous avez réussi à trouver un terrain d'entente avec Mestre Eren, je ne l'ai pas entendu hurler de frustration après votre départ.

D'un geste de main je le conviais à entrer, mon bureau n'était chauffé que par un brasero installé pour la soirée, en journée je me passais de ce genre de choses, mis près de la table et des fauteuils il nous permettrait de ne pas avoir froid et de pouvoir profiter du repas. La pièce toujours rangée à la limite de maniaquerie était éclairée par des lampes à huile.

- Installez vous je vous prie Capitaine. Je... Puis-je vous appeler par votre nom monsieur? Cela me semblerait moins compliquer pour une soirée informelle. Vous pouvez m'appeler Myriem si vous le souhaitez  bien entendu nous sommes dans des chantiers navals en pleine campagne loin de toute cour ou l'apparat compte plus que tout et dans laquelle je n'ai pas grandi non plus.

Je le laissais s'installer et m'approchais de la table à mon tour.

- Je pensais ne pouvoir vous proposer que de l'eau pour ce repas improvisé mais on m'a généreusement confié une bouteille de cidre, en voulez vous un verre?

Nous étions majoritairement divinistes et l'alcool, la perte de contrôle étaient des choses prohibées comme de bien nombreuses autres.

Message 8

La porte fut ouverte par la Dame de Boktor en personne. Après tout, c'était son bureau, là où il avait été invité à souper en sa présence, donc il ne fut nullement surpris qu'elle soit venue l'accueillir personnellement. On aurait pu s'attendre qu'une dame de sa qualité ait eu un membre de son personnel pour assurer ce genre de tâches. Mais elle avait montré qu'elle n'était pas femme de sa condition, à tout laisser faire par les autres, bien décidé à être présente et à participer à ce qui touchait à ses chantiers navals... donc par cela même, à agir d'elle-même pour les actes les plus simples. Et de prime, le demi-elfe avait saisi qu'à cette invitation, il y avait des points qu'elle souhaitait avec lui, qui ne concernait qu'elle. Donc, aucune oreille non concernée ne pouvait être présente.

À sa référence, il s'était dignement incliné. Il apprécia la couleur du velours de sa robe, des plus élégantes dans sa simplicité. Les teintes des atours n'étaient pas sans lui rappeler la couleur de certaines baies coralliennes des Îles Paradisiaques. La jeune femme appréciait la mer et en allait jusqu'à porter certaines de ses plus belles couleurs, quand l'élément liquide salin était dans ses moments les plus sereins sous un magnifique ciel bleu et ensoleillé.

''Je vous remercie, Ma Dame. Mestre Eren s'est montré pointilleux, mais nous avons effectivement trouvé un terrain d'entente. Vous auriez dû voir son regard pétillé à chaque avancée qui allait en sa faveur... "

Le Maître Charpentier s'était montré aussi caractériel qu'un cachalot dès sa venue en face de sa personne, mais indéniablement, Altarus avait consenti à faire un effort de son côté, ayant découvert très rapidement qu'un maître charpentier de valeur comme Eren méritait d'en mettre un peu le prix. Le Cetus méritait le meilleur pour demeurer en parfait état en même temps. Un capitaine qui tenait à la qualité de son navire, comme le vieux borgne, ne lésinait pas à être mettre un peu de sa poche. En plus, son équipage pouvait se détendre un peu à terre, sans manquer de se prendre la tête avec des croquants du coin, qu'on trouve d'ordinaire dans un port de grande ville portuaire. Ici, à l'arsenal, l'occasion de pleinement se reposer ne leur fera pas de mal, en respectant les gens travaillant et habitants les parages bien entendu. Il ne serait pas étonnant que quelques-uns de ses hommes viennent à faire quelques petites emplettes d'ailleurs.

Répondant au geste d'invitation, il n'eut qu'à faire quelques pas pour franchir le pas de la porte. Au premier coup d'oeil, il put constater l'ordre impeccable de la pièce. L'éclairage par les lampes à huile n'était pas sans lui rappeler la lueur des lanternes de sa gamine. Le seul brasero permettait d'avoir une température idéal, ni trop chaude, ni trop froide. Il ne manquait plus que de sentir la mer soulever le mancher pour se croire à bord d'un grand vaisseau.

"Vous avez raison. Nous n'avons personne à impressionner en terme de convenance. Nul soucis à ce que vous me nommiez Altarus. Nul besoin d'y mettre Monsieur devant... Hum. Pardonnez moi d'avance si je viens à employer le terme Dame devant votre nom Myriem... "

Il prit place et suivit de son seul oeil la jeune femme l'imiter pendant qu'elle lui proposa un verre de cidre qui avait été proposé à son insu pour l'occasion. Ce breuvage aura le mérite de pas être trop alcoolisé, ce qui sera parfait pour le demi-elfe.

"Je ne serai pas surpris que Maître Eren aura veillé à vous aider à parfaire votre invitation... il semble avoir des surprises jusqu'au bout. Je ne saurai refusé ce verre. Est-ce un cidre produite dans la région ? "

Le cidre était une boisson simple, mais il appréciait les saveurs sucrées, voir légèrement piquante. Si jamais celui-ci plaisait à ses papilles, peut être pourra-il acquérir une ou deux bouteilles pour parfaire le choix des breuvages qu'il se réservait à borde de son brick.

"Précedemment, Chère Myriem, vous avez émis le souhait d'avoir des informations sur certains forbans... et éventuellement d'avoir de l'aide. J'ai pris le temps d'y réfléchir. Si l'aide implique de partir à la chasse de certains de ces individus, il est fort possible que certains méritont toute mon attention, ayant un prétexte des plus jusitifiés de faire cesser leurs vils manigances. "

Ce ne serait pas la première fois en deux siècles qu'il aurait fait couler certains malveillants qui s'étaient prétendus pirates.

"Je suis donc toute ouie...."

Je ne pus que sourire en songeant combien Altarus était dans le vrai en disant que Eren était quelqu'un de pointilleux. Je me savais méticuleuse, voire maniaque en bien des circonstances mais j'avais trouvé une perle rare qui était en ce domaine devenu mon maitre à penser.

- Il n'a pas le triomphe modeste soyons honnêtes mais c'est bien un défaut que l'on peut accepter quand son possesseur est talentueux. Nul doute que votre navire sortira de nos chantiers parfaitement réparé et prêt à aborder de nouveau les flots tumultueux des océans.


Je laissais mon invité entrer dans mon bureau et prendre place, la porte refermée derrière lui.

- Si je me plie au jeu et que je parviens à vous appeler Altarus je n'ai pas le moindre doute vous parviendrez à me nommer Myriem. Quand aux convenances je vous sens parfaitement bien éduqué et nous savons que la comédie ne nous servira ni à l'un ni à l'autre. Je pourrais pourtant jouer les nobles évaporée, j'ai une éducation parfaitement adaptée pour suivre un peu tous les rôles qu'on associe avec des jeunes femmes nobles.


Après avoir servi le verre de cidre je le lui tendis et m'en servis un aussi avant de m'asseoir face à lui.

- A l'ouest de Mael s'étendent encore de vastes vergers non détruits par la guerre , ils produisent du cidre depuis plusieurs générations. C'est une région un peu moins froide mais aujourd'hui il y a encore des hordes de morts vivants venants de Sancta qui y trainent et il est plus difficile de s'en procurer ou d'en assurer le commerce tout simplement et certains de mes employés viennent de cette région.


Bon j'avais bien goûté à divers vins durant mon séjour en République et peut-être en avais-je abusé une fois, ce qui avait certes permis de faire sauter mes inhibitions et mes appréhensions mais d'un autre côté je ne contrôlais plus tout à la perfection non plus et ce manque de contrôle avait un côté parfaitement effrayant quand j'y réfléchissais.

Je servis nos assiettes afin que nous puissions discuter tout en mangeant et buvant, calmement. Mon ventre faisait des drôles de bruits, se tordait, j'avais toujours cette foutue peur qui montait en moi.

- Sous l'emprise de la colère je pourrai vous dire que je veux voir ce scélérat pendu haut et court. Je ne connais pas son équipage pour tout avouer j'ai passé le temps de ma captivité enfermée dans ma propre cabine. Je n'ai vu qu'un homme, Bart, un demi orc qui faisait une dizaine de centimètres de plus que moi au bas mot, c'était le cambusier il me portait les repas. Il avait une particularité, il n'avait qu'un seul croc, l'autre probablement perdu lors d'une rixe. Je ne saurais dire son âge, mais il ne me semblait pas être vieux, dans la force de l'âge probablement? Et il y avait Kirig, Drakyn fier, imbu de sa personne, bien plus grand que moi évidemment, des griffes acérées, des cornes bleues comme le ciel clair d'été, des yeux identiques et des cheveux blancs comme la neige. Magnifique dirons certaines personnes mais moisi de l'intérieur. Il faisait commerce d'esclaves. Mon équipage a été vendu lors de divers arrêts. Il partait pour Kaizoku et j'imagine qu'il comptait m'y vendre aussi mais je me suis enfuie avant.


Le souvenir était encore vif dans mon esprit, et mon regard brillait d'une colère qui ne me quittait pas quand je pensais à lui.

- Je peux payer pour des informations, savoir si il est encore en vie déjà, si mon navire a été vendu, coulé par les fonds, si il écume toujours les mers avec. En réalité j'aimerais d'abord pouvoir recueillir des informations sur ses méfaits actuels, sa vie, ses habitudes. Et... ensuite le chasser, le traquer, lui faire perdre tout espoir de fuite et le réduire à néant... Pas très diviniste comme pensée je vous le concède mais parfois il y a des exceptions pour confirmer les règles et il est l'exception de ma bienveillance.


Je pris une bouchée aux légumes et la mangeais tout en réfléchissant avant de rajouter, me souvenant d'un détail d'importance dans le fond.

- Je pense qu'il a son... repère sur une île , il avait une carte des iles paradisiaques, assez étrange et ancienne mais une d'elle était cochée, cela faisait un dessin particulier, je suis certaine que je pourrais retrouver si je voyais une carte... c'était à l'est de la première des grandes îles, entre les trois en réalité, mais il y avait tellement d'iles dessinées sur sa carte...


Message 9

"Jouer sur les faux semblants ne serait que perte de temps en effet. Par contre, je ne doute pas que vous soyez plus habile et polyvante que moi pour ce qui est de naviguer entre plusieurs milieux, pour apparaître sous l'image de la femme que vous souhaitez être... Vous devez être redoutable à ce jeu là, chère Myriem..."

Certains automatismes verbaux pouvaient être difficiles à réfréner, même à la demande d'une Dame telle que Myriem. Pourtant, le borgne sut s'y plier sans faire trop d'efforts, qui exprimait sa facilité à le nommer simplement par son nom, sans la moindre difficulté. C'était presque à prendre comme un défi. En même temps, pourquoi cela serait-il difficile ? Son navire connaîtra l'excellence des réparations dans les mains du Maître Eren, les tensions précédentes s'étaient étiolées et il était dans le bureau de la Dame, prêt à converser en sa compagnie pour voir comment contribuer à résoudre son dilemme qui la blessait intérieurement depuis sa rencontre avec le forban Drakyn, dénommé Kirig. 

Il prit le verre de cidre que lui tendait son hôtesse, tout en la remerciant pour un léger hochement de tête, tout en écoutant l'origine de ce cidre. 

"Un cidre qui demande à affronter les dangers mortifiés de ces contrées pour qu'il puisse se trouver aujourd'hui sur votre table. Je saurai le savourer à sa juste valeur."

Il devait être frustrant de ne pas pouvoir exploiter à son plein potentiel des vergers productifs, à cause de la présence de morts-vivants qui rendaient tout travail trop risqué pour la vie d'ouvriers ou de cultivateurs, pour juste exporter du cidre. C'était un dilemme cruel pour des personnes comme Myriem ou lui, qui comptaient sur le commerce ; la jeune femme plus que le pirate, c'était certain. Il porta le verre à ses lèvres pour y tremper déjà les lèvres. La force sucrée des pommes fut la première qui lui envahisse la langue, avant de percevoir sa saveur pétillante et finement alcoolisée. Il n'y avait pas à dire, ce cidre était excellent. 

Puis, Myriem servit les assiettes, tout en se lançant dans le sujet qui lui tenait très à cœur, apportant certains éléments à sa douloureuse mésaventure. Le demi-elfe l'écouta avec grande attention. Il eut bien plus de détails cette fois que le simple nom de Kirig qui lui avait évoqué quelque chose précédemment, pendant qu'ils étaient sur le pont du brick. Toujours silencieux, il nota mentalement tout ce que Myriem arrivait à se rappeler. Il prit une petite bouchée de légumes croquants, savourant leur goût simple et parfaitement cuisiné. Il avait imité Myriem, pour ne pas la perturber dans son récit. Après qu'elle eut avalé sa part, elle se remémora un détail important : le repère du fourbe drakyn. 

"J'ai une carte des Îles Paradisiaques à bord du Cetus. Je veille à ce que mes cartes soient le plus à jour possible. Peut-être, saurez-vous retrouver l'île que vous avez vue sur la plus ancienne. La forme pourrait être légèrement différente, mais la position en dit déjà beaucoup. Bon nombre des îlots qui composent l'archipel n'intéressent guère de monde, voir pas du tout, à cause de forts courants ou par la présence d'écueils rocheux. "

Lui-même avait choisi son repaire sur une île très difficile, accessible d'accès pour qui ne connaissait pas le cheminement exact pour la rejoindre et pénétrer dans sa crique souterraine.

"Le demi-orc... si c'est bien celui que vous avez déjà, avec son croc unique, alors il a sombré. Lors d'une de mes traversées, il a osé tenter l'abordage. Je me rappelle l'état déplorable de son navire... Donc, s'il était à bord de son épave, c'est qu'il n'était plus dans l'équipage de Kirig. Kirig... ça fait un moment que je n'ai plus entendu ce nom à Kaizoku. Soit, il a décidé de naviguer hors de ses eaux, ou alors il se fait discret. "

Il reprit son verre, l'amenant à lui. 

"Vous dites que votre désir de le faire souffrir n'est pas très diviniste... votre esprit est encore empli de colère après tout ce qu'il vous a fait subir. Vous aspirez à la paix, à retrouver la sérénité en vue… Vous réclamez justice. Ce sont des sentiments humains. Vous avez besoin de les laisser s'exprimer, comme un exutoire. Quand viendra le moment de vous confronter à Kirig, vous saurez possiblement comment agir alors... "

S'ils le retrouvaient bien entendu. Il but une nouvelle gorgée de cidre, puis reprit. 

"Pour démarrer les recherches, je suggère d'aller directement à son repère. Si nous le trouvons et que son repère comporte des traces récentes d'activités, alors cela pourra confirmer qu'il est encore actif sur les mers..... si c'est l'inverse, nous pourrons creuser auprès des locaux des îles alentours..."

Les paroles du Capitaine me firent sourire franchement en réalité.

- Disons qu'on nous enseigne à changer de rôle et de posture selon nos interlocuteurs et que j'ai toujours été une élève attentive aux leçons données quelles qu'elles fussent. Et très jeune j'ai préféré aux côtés du prêtre du culte à aider nos gens plutôt qu'à rester oisive et jouer les mijaurées.

Cela me replongeait dans un passé qui me semblait venir d'une autre vie. En songeant à cela j'observais plus avant mon interlocuteur, il était tellement éloigné des clichés que nous avions concernant les

- Et vous Capitaine par quelles eaux avez vous vogué pour être si bien éduqué et à cent lieues des habituelles représentations que nous avons des forbans marins?

J'avais bu une nouvelle gorgée de cidre en souriant, amusée à l'idée de peut-être avoir la chance d'en apprendre plus sur cet homme surprenant. Plongeant ensuite mon regard dans la coupe que je tenais en main un instant

- Shoumeï n'est certes plus, mort, enterré, enfoui sous les cendres des combats livrés contre Kazgoth ou Xo"Rath mais son peuple vit encore et espère pouvoir connaître un lendemain meilleur, alors poursuivre nos traditions, même en risquant nos vies et un mince prix à payer dans le fond. Dans nos coeurs vit toujours cette flamme de voir renaître l'ancien temps ou d'en voir émerger un nouveau.

Les assiettes se vidaient avec l'appétit et l'instant présent. Nos discussions se poursuivaient dans un calme apparent.
J'avais acquiescé à la mention des cartes tout en grimaçant malgré tout.

- Je crains de n'avoir guère d'informations, je n'ai vu les îles et certains détails que... depuis l'intérieur de ma cabine, enfin celle du Capitaine... Je ne sortais pas, j'étais confinée à attendre sagement le retour de ce... monstre !

Comme toujours ce simple souvenir, cette évocation faisait monter en moi des bouffées de colère dont je n'étais pas capable de me libérer, sa mort seule pourrait peut-être m'en défaire mais était-ce seulement une certitude?
L'idée que le demi orc soit mort m'ennuyait en réalité cela faisait une piste disparue de plus.

- Je ne le pleurerai pas et je pourrai même vous remercier pour sa disparition si ce n'est... qu'il n'est de fait plus ici pour nous fournir la moindre information. Si cela se trouve Kayio a emporté dans les fonds marins cette ordure de Kirig, mais j'aimerais en avoir la certitude et pas seulement une vague espérance. J'ai la meilleure des raison pour craindre ce genre de choses pour tout avouer Capitaine.

Le plan semblait bon, trouver son repaire pour débuter et remonter sa trace ensuite. Mais je ne pouvais sillonner les mers comme bon me semblait, je ne bougerai que si on trouvait sa trace en réalité.

- Capitaine... Je vais vous confier ma plus grande crainte et le pourquoi de tout cela. Kirig ne doit pas vivre parce que je ne veux qu'il vienne un jour sans bruit et ne me vole la seule chose qui me fait me lever chaque matin.

J'avais espéré terminé mon assiette mais je m'étais moi même coupée l'appétit. Je relevais mon regard d'améthyste pour le planter dans l'oeil de mon interlocuteur.

- J'ai peur qu'il n'enlève mon fils Capitaine... son fils.


Message 11

"L'assiduité semble apparaître comme une qualité innée, que vous avez su cultiver très tôt et que vous continuez de perfectionner. Rajouté à ce que j'ai déjà constaté en votre personne... Il aurait été des plus intéressants de nous croiser lors de négociations commerciales. Je suis certain que vous n'auriez pas lâché le morceau tant que vous ne m'auriez pas soumis à accepter vos conditions "

Est-ce que ce fut un léger sourire qui marqua le coin de ses lèvres ? Ce fut infime, avant que le verre qu'il y porta face disparaisse cette marque d'amusement. Pour le Capitaine, Myriem était loin d'avoir dévoilé tout l'aspect de sa personnalité. Laisser une brume de mystère épargnerait de trop remuer certains passages de son existence, qu'elle avait concédé à narrer dans cette conversation. Lui qui était un parfait étranger, qui n'avait pas dissimulé d'être un pirate, elle s'était ouverte à lui... Alors que lui-même n'étalait guère l'histoire de sa propre vie. Myriem avait-elle sciemment abordé cette approche ? Il en doutait. Les émotions avaient été très franches, très douloureuses pour celles qu'elle n'avait pas refoulées. 

Il reposa son verre sur la table. 

"A Kaizoku, il y a quelques anciennes familles, qui ont veillé à sauvegarder certaines valeurs pour se démarquer de la stupidité de bien des pirates. Mes lointains aïeux elfiques sont venus s'installer sur l'Île, il y a des centaines d'années, pour faire fructifier leurs affaires commerciales, tout en veillant à demeurer digne, avec un certain niveau de prestance et d'exigence. J'ai été éduqué dans certains préceptes de la bourgeoisie et quelques autres domaines, pendant que lentement, je découvrais le monde de la mer. La piraterie n'apporte pas tout. Pour voir ses fiers et robustes navires défier les écumes de la mer, il faut quelque chose de plus que de simples retours financiers. Le pillage en mer n'apporte pas cela... et puis la langue limitée de mes pairs manque de charme à mes oreilles ..."

En même temps, on ne pouvait demander à des singes de savoir causer philosophie. Tous les pirates n'étaient pas des benêts, quelques-uns suivaient la même voie qu'Altarus, pour une forme de piraterie plus... noble, distinguée, avec un peu de panache. 

Myriem aborda brièvement Shoumeï, ne manquant pas de louer la force de son peuple à vouloir perdurer dans leur mode de vie. C'était une bonne chose, même si cela ne devait pas être facile à vivre, avec le Reike et la République qui avaient leurs propres visions du monde et de comment il "tournait" Un jour peut-être Shoumeï sortira de ses cendres... L'humaine ne sera plus là pour assister à sa possible renaissance. Une nation détruite, si elle luttait pour rester à la surface, pouvaient mettre plusieurs générations à croître un minima. Ne rajouta-t-il donc rien à cette part-là de la conversation. 

Ils terminèrent sereinement le contenu de leurs assiettes. Altarus était satisfait d'être rassasié. Cela changeait de ses repas basiques pris à bord. Myriem parut un peu désappointée de ne pas apporter plus de détails à la demande du Capitaine, malgré la douleur que cela raviva en elle. 

"Je comprends. Je vous en demandais déjà beaucoup. Des informations sur ce qu'il est devenu existent. Il suffit juste de savoir où les trouver. Même si elles sont fragmentaires. Quand bien même Kaiyo aurait fait sombrer son navire, une épave met des années à se dégrader dans les fonds marins. "

Son seul œil bleu-gris se plissa quand la dame lui fit part de sa plus grande crainte, de pourquoi elle avait besoin de savoir si le pirate Kirig était encore en vie. S'il respirait encore, il pourrait prendre sa revanche sur Myriem et lui voler son fils, son enfant, son bien le plus précieux. 

"Votre crainte est justifiée. Dès que mon navire pourra reprendre la mer, je veillerai à jouer de mes contacts à Kaizoku et aux Îles paradisiaques pour entamer les recherches. Et quand bien qu'il se serait exilé dans les terres polaires du Grand Nord ou au Reike, il n'échappera pas à votre justice. Dès que j'aurai la suffisance d'informations, je vous en informerai... pour l'occire de vos mains s'il était encore en vie... ou de trouver une preuve de sa définitive disparation. "

Il eut quelques secondes de réflexions silencieuses avant de reprendre. 

Malheureusement, cela demandera du temps...Je ne vous garantis pas de vous remonter l'avancée de cette recherche avant des semaines... "[/b]