Après le premier exercice
Où ? Pas si loin de la roulotte d'Aryan, un jour de vol tout au plus. Mais je ne sais pas où je me trouve de façon plus précise. ça n'a pas d'importance. Le jour tombe et j'ai une pensée pour un lit moelleux mais ce soir, ça ne sera pas pour moi.
Contre mon ventre, les deux petites formes à la fourrure grise couinent à nouveau en se poussant l'un l'autre, ramenant à eux mon attention entière. Je porte ma main à leurs petites têtes dures, les grattouillant derrière les oreilles pour qu'ils se calment et arrête de se mordre l'un l'autre. Ils ont faim et ça les rend anxieux. Une léchouille. Je les dépose et prend le temps de la laisser se dégourdir leurs petites pattes en me roulant dans les aiguilles de pin à leur côté.
Ils sont encore un peu patauds mais ils sont déjà assez gros. Les tenir tous les deux dans mes bras n'est pas si simple sans qu'ils ne finissent par s'agiter... Et c'est encore pire en vol, raison pour laquelle j'ai fini par marcher pour leur permettre d'évacuer le stress.
Le plus taquin pose ses deux pattes sur ma joue et je me contorsionne de nouveau pour les lui mordiller, jouant avec les deux louveteaux qui sautillent et couinent d'excitation. Et après le jeu vient le moment de repartir sous leurs pleurnicheries... Parce qu'ils ont faim et que je ne peux rien leur donner. Pour éviter qu'ils ne s'épuise trop, je les soulève donc à nouveau et reprend ma marche sous les grandes branches des pins argentés. Le vent est clément aujourd'hui et m'a amener l'odeur d'une meute pas très loin. Elle suit une harde de chevreuils assez conséquentes et j'ai du déjà beaucoup voyager pour me rapprocher d'elle. Mais ça vaut le coup pour ces deux petites boules de poil.
Au détour d'une pente un peu plus marqué, négociant le dénivelé en m'accrochant aux troncs avec ma longue queue préhensile sans lâcher mes protégés, je débouche dans une clairière... Non. Une partie de la forêt qui a du être brûlée il y a un an ou deux. Le sol est moelleux, l'odeur d'humus gavé de cendre flotte dans l'air, et de jeunes pins pointent ça et là au milieu des buissons et des fougères.
De l'autre côté de l'espace dégagé, quelques chevreuils sont visibles, dévorant les jeunes plantes tendres. Ils ont bien levé la tête, mais je ne suis pas une grand menace et il suffit que je me mette en retrait sans avoir lâcher mes deux petits amis pour qu'ils ne partent pas en bondissant. Je recule pour me remettre un peu plus à couvert, inconsciente des autres yeux qui se trouvaient non loin. Tandis que j'observe, les oreilles pointées en avant, ma queue oscille doucement comme celle d'un chat curieux. Les griffes de mes pieds jouent avec le sol jusqu'à ce que je trouve un équilibre confortable à croupetons. Si les chevreuils sont là, les loups ne tarderont pas et ça c'est le plus important pour le moment.
CENDRES
crédits : 402
La forêt lui faisait du bien, mais même là, à un moment où elle aurait pu aller n’importe où dans le Sekai. Elle était revenue dans les terres dévastées, dans cette forêt qui avait enterré tant de ses amis. Elle errait entre les arbres, silencieuse, pour une fois, la louve était calme, ne lui faisant pas bouillir le sang constamment.
La naine s’avançait tranquillement sur le chemin, elle avait laissé sa monture dans un village proche pour essayer de rester réellement seule. Le soleil avait réchauffé sa peau durant la journée, mais la nuit arriverait bien assez vite et elle devrait trouver quelque chose à manger. Elle n’avait pas pris de provisions, enfin pas à manger. Son arc était lassé sur son sac, ballottant à chaque pas pendant que son carquois pendait à sa ceinture. Son ventre émit un léger gargouillement, il fallait qu’elle se mette à chasser. Elle s’adossa à un arbre, son sac à ses côtés, sa meilleure amie à la main, elle but une gorgée de sa liqueur et ferma les yeux. Elle hésita un instant sur sa méthode de chasse, soit à l’arc comme tout mortel et comme on lui avait appris, soit comme la louve qui se cachait en elle le voulait. Elle était seule, il ne devrait y avoir personne, cela la calmerait peut-être si la louve pouvait chasser sans compromis.
Elle ferma sa flasque et la plaça sur son sac, se redressa pour s’étirer de toute sa mi-hauteur, joignant les mains les pousser vers le haut. Quelques-unes de ses articulations craquèrent, comme si elle savait ce qui les attendaient. Après un dernier regard aux alentours pour chasser son appréhension, elle délaissa ses protections qu’elle posa avec son sac bientôt suivi par sa ceinture, sa tunique, ses bottes, et son pantalon. Elle resta là un moment, profitant des rayons du soleil sur peau pâle, elle aimait cette sensation qu’elle ne s’autorisait jamais, beaucoup trop pudique pour cela.
La naine mit fin à ce moment pour se mettre à genoux les mains sur les cuisses. Son esprit était tiraillé entre le fait de laisser faire la louve ou le fait de se rhabiller pour rester elle-même. Est-ce que ce moment de liberté ferait du bien à ses bas instincts ou au contraire, la louve ne se satisferait peut-être pas de cette chasse et Ersa resterait en second plan. Comme à chaque fois que ses idées la tiraient vers le bas, Ersa attrapa le récipient d’alcool pour le porter à ses lèvres. Un vent léger parcourut sa peau, offerte sans protection et déclencha un frisson. La chair de poule se forma sur son corps, elle reprit une gorgée et savoura la chaleur du breuvage se diffusant dans son corps. Elle reposa la flasque sur ses affaires, posa les mains sur ses tempes et souffla.
Un éclair traversa son esprit et une douleur explosa dans sa tête puis elle s’incrusta dans tout son corps, si intense et en même si lointaine, si omniprésente et en même temps si flou. Ersa avait l’impression que son crâne s’ouvrait en deux, alors que son corps chuté sur le tapis de mousse complètement désarticulé, tel un pantin dont on aurait coupé les fils, pris de convulsion pendant que ses membres s’allongèrent et que sa peau se déchirait pour laisser la place à son pelage tacheté. Sa chevelure rousse plaqua le long de son dos pour former la crinière et pour finir sa mâchoire se disloqua au moment où son crâne se fissurait pour laisser la place à la louve. Et enfin, son esprit fut envahi par une vague de froid, s’insinuant dans tous son esprit, brisant les liens qui la relié à son corps, ce n’était pas la sensation habituelle, normalement la louve prenait place dans un torrent de feu dans son esprit, là il n’y a eu que froid et grognement sourd.
La louve se redressa en vérifiant que toutes ses articulations avaient bien leurs places et s’étira au maximum, cherchant une odeur d’un repas à venir. La sensation était toujours aussi bizarre pour Ersa, depuis le début de la guerre, la louve avait développé sa conscience primitive et la jeune femme ne contrôlai plus son corps lors de ses moments.
La louve s’élança, abandonnant complètement les affaires de la naine, elle s’avançait rapidement, les pattes faisaient bruissait le tapis automnal. Les arbres défilaient au fur et à mesure qu’elle avançait, suivant l’odeur des proies. Plus la distance se réduisait, plus la louve diminuait son allure, adoptant l’attitude d’une chasseuse. Elle se glissa jusqu’à l’orée de la clairière ou paressé un troupeau de chevreuil, se sentant à l’abri des prédateurs habituel. Elle s’avança cachée derrière les arbres, et quand un des chevreuils leva la tête, d’abord dans une autre direction puis vers la louve, cela signa le début de la poursuite. Elle pris appui sur un troc s’élançant de toute sa vitesse, ne laissant pas le temps aux chevreuils de s’élancer à leurs tours, elle rattrapa assez vite la dernière bête du troupeau et bondit dessus, ses griffes se plantèrent dans les flancs du chevreuil qui émit un cri de douleur. Il s’affaissa sous le poids de la Lycaon qui en profita pour l’attaquer à la gorge.
Le sang de la proie inonde sa gueule, elle se replace pour replonger les crocs, mais quelque chose avait attiré son attention, elle releva la tête, la gueule toujours dégoulinantes de sang. Des piaillements, son regard tomba sur une femme à la peau rose et deux louveteaux. Ersa n’avait pas compris, mais la louve s’était redressée pour reculer comme pour les inviter à s’approcher. Avait-elle pitié de ses boules de poils où il y avait autre chose.
Au moins pour l’instant, Ersa avait oublié une partie de ses idées noires, elle était curieuse de ce que la louve ferait si l’inconnue avançait. C’était peut-être la première fois qu’elle n’était pas en colère.
Un parfum de plus en plus prononcé flottait dans le vent. Proie et prédateurs mêlées. Je sais que les chevreuils n'ont pas le nez aussi fin que le mien. Les loups ne leur sont pas encore perceptibles. Même pour les petites boules de poils que je porte, ils sont à peine perceptibles.
Puis soudain, le vent tourne. Il me souffle en plein visage une bouffée d'humanité, continuant son virage jusqu'à ce qu'elle ne soit plus perceptible. Mais le mal est fait. Je me tends et me redresse d'un coup. Le nez levé, les oreilles dressées, je me tourne dans la direction d'où venait l'odeur de cette... Hmmm... humaine. Le parfum persistait encore étrangement, comme si des affaires avaient été soudainement abandonnées avant que la créature elle-même ne parte. Un leur ? Un piège ? Est-ce une humaine qui chassait dans les environs ? Il faut dire qu'il n'y a pas beaucoup d'autres humains que des chasseurs, des cueilleurs ou des Draeidh pour se balader seuls ainsi dans les recoins éloignés des territoires de prédateurs dangereux.
Les louveteaux couinent et je m'agenouille avec eux, les laissant reprendre un peu contact avec la terre tout en observant les alentours, aux aguets. Au premier signe de mouvement, je les récupère et recule... Juste à temps pour voir une immense créature mi lupine mi bipède se jeter sur un chevreuil tout neuf et même pas malade.
D'instinct, pour mieux me faire comprendre, je saute devant les deux petits. Dans le mouvement, mon corps rosé se courbe et se ramolit. Une fourrure blanche aux reflets rosés s'extirpe de la métamorphose et en deux battements de cœur, me voilà louve. Mes pattes solidement plantées sur l'humus, penchée en avant pour protéger les deux petits, je regarde le monstre qui vient de déchirer le chevreuil à belle dent, mes yeux d'un rose fuchsia suivant chacun de ses mouvements.
Le plus jeune de mes deux protégés piaille et je le rabats d'un coup de patte vers son frère alors qu'il tente d'avancer pour voir un peu mieux ce qui produit toute cette agitation. A travers toute ma posture et jusqu'au moindre de mes mouvements, je lui expliquais clairement, de loup à loup malgré sa difformité, que je n'étais pas un danger et que je ne lui disputait en rien la dominance. Ce n'est qu'une fois parfaitement sûre qu'elle n'attend pas la première occasion de me croquer ou de croquer mes petits protégés que je m'approche, toujours sous forme de louve, les deux petits gris sur mes talons.
Prudente, pas à pas, je fais le tour de la proie tout en cadrant les deux jeunes, avant de m'approcher sans être directement trop près de la louve. Veut-elle nous laisser goûter ou montre-t-elle seulement sa proie pour mieux nous rabaisser ? Fébrile, je m'arrête à une distance respectable et lui fait également comprendre qu'une autre meute n'est pas loin... Elle ne porte pas la même odeur que celle que je suis depuis plusieurs heures à présent.
CENDRES
crédits : 402
La naine était absorbée par le ballet qui se déroulait devant elle, ne comprenant pas tout du comportement de la louve albinos alors que la lycan interprétait et répondait dans ce langage silencieux. L’animal ne s'approchait doucement, pas soumis, mais avec aucune trace d’agressivité. La lycan se recula encore d’un pas, balançant mollement la queue pour se montrer le plus neutre possible elle aussi. Une fois un peu plus de distance mise entre elles, laissant la place à l’albinos et à ses petits. Elle s’assit les pattes antérieures jointes entre les postérieurs et ouvrit légèrement la gueule, sans animosité, juste détendue, souhaitant presque s’effacé pour les louveteaux, si tentés qu’une louve de 2 m puisse être discrète.
Elle tourna la tête analysant les odeurs autour d’eux. Ersa ressentait le calme de ce qui était sa « bête intérieur », mais aussi un appel assez étrange, elle se concentra sur son esprit et se coupa de la louve.
- Partie Palais Mental:
- Une sensation de changement tout autour d’elle se créa, elle ouvrit les yeux sur un coin de forêt juste devant l’entrée d’une grotte fermé par une grande porte en bois. Il n’y avait pas de ciel, et pas réellement de sol. Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre ce qu’elle vouait n’était pas la réalité, mais sans savoir ce que c’était pour autant.
Elle avança jusqu’à la porte, poussa les vantaux massifs pour arriver sur un immense Hall directement taillé dans le flanc de la montagne. La forme était typiquement naine, cependant la pièce était séparée en deux, sur la gauche, il y avait plusieurs portes, encadrer par des torches allumées, alors qu’à droite, les portes déjà moins nombreuses, n’avait plus de support, le bois était marqué noirci et les ferronneries piquées par la rouille.
La jeune femme resta à l’entré quelques instants, baignait par le silence de plomb qui régnait. Elle essayait de s’imprégner de ce hall si familier, lui rappelant le mont ou elle avait grandi, mais en même temps inconnu. Enfin, elle se décida à avancer vers la porte de gauche la plus proche. Elle pose sa main sur la poignée de métal, une sensation de chaleur se diffusa dans sa paume, la porte s’ouvrit dans un sifflement. Elle resta sans voix, s’attendant à tout sauf à ce qui lui faisait face. Une immense galerie de tableaux, sauf que chaque tableau était une peinture mouvante.
Ersa s’approcha lentement du premier tableau, elle venait de se rendre compte qu’elle ne sentait plus ce que ressentait la Lycan, le premier tableau l’attira, mais la peinture n’était pas très claire. Ses doigts effleurèrent le cadre de bois noir, et la peinture s’éclaircit. La naine se figea devant la scène du tableau, le massacre des bûcherons. Un sentiment de tristesse lui envahit le cœur en repensant à cette journée qui avait dessiné le chemin de sa vie. Elle détourna le regard, sentant la peur et la tristesse l’envahir. Son regard tomba sur un autre tableau qui l’attira irrésistiblement. Elle étendit les doigts tremblant s’apprêtant à toucher le bois du cadre. Le flou de l’image se dissipa.
Cette chasse qui avait fait basculer sa vie. Le jour où elle avait dû abattre la seule personne qu’elle considérer comme plus qu’un ami, transformé en zombie par un nécromancien. Le jour où sa flasque dut devenue sa meilleure amie.
Les larmes inondèrent ses yeux, de tristesse, de colère, tout se bousculait dans sa tête. Elle se retourna et s’enfuit de la pièce consentant ses pires souvenirs. De retour dans le hall, elle prit quelques instants pour calmer ce retour d’émotion du passé assimilé que toute cette construction était l’image de son esprit. Elle fut baignée par un calme qui n’émanait pas d’elle. La naine était complétement perdue ne sachant pas quoi faire. Si une porte banale renfermait tous ses pires souvenirs, qu’est ce qui pouvait se cacher derrière les portes délabrées.
Elle s’approcha tremblant de tout son long, tiraillée entre sa peur et sa curiosité. La porte n’était pas fermée, la serrure brisée, elle attrapa doucement la poignée de métal froid. C’était comme si elle aspirait la chaleur de sa main. La porte était presque grippée, elle s’ouvrit difficilement grinçant à chaque centimètre. Une odeur bestiale mélangée à celle du thé de son enfance et un relent d’alcool de pomme. Elle avait franchi le seuil de la porte, avant de se figer, pétrifiée par la vision qui s’offrait a elle. La même galerie, mais sans éclairage, les murs ou devrait être fixée les tableaux étaient ravagés détruits, totalement recouvert de griffures profondes. Son regard n’arrivait pas à se détourner du pilier qui trônait au milieu de la salle, complètement rongé par les coups de griffes, ornait de menotte brillante brisées. Elle ne remarqua pas tout de suite les plantes et le liquide qui entourait le pilier, mais plus elle comprenait la scène plus elle était horrifiée par ce qu’elle avait sous les yeux.
Un rugissement résonna depuis le hall, la naine fut tirée de sa torpeur quand la porte derrière elle claqua contre le mur. La lumière qui passait par l’ouverture était découpée par une silhouette sombre. Les deux yeux brillants d’or perçaient les ténèbres de la pièce pour toiser la naine de toute sa hauteur. Elles se faisaient face, telles les deux faces d’une même pièce se voyant pour la première fois. Ersa était figée ne sachant pas du tout ce que pouvait lui faire la Lycan dans ce lieu. L’animal avança pendant qu’Ersa ne bougeait toujours pas, quand elle arriva à distance, elle posa sa patte sur l’épaule de la naine. Ses griffes s’enfoncèrent dans sa peau et au lieu de crier, Ersa fut complètement repoussé de ce lieu, perdant presque connaissance.
Au final, la Lycan n’avait quasiment pas bougé, s’étant juste recroquevillait un peu sur elle-même essayent de se mettre un peu plus en retrait, profitant de l’humeur des louveteaux pour s’adoucir elle-même. Ses yeux ne quittaient pas les deux jeunes et un sourire vint déformer son visage, elle était presque heureuse de pouvoir profiter de l’instant, elle ne venait à espérer que l'albinos lui ferait confiance pour pouvoir profiter encore un peu de tout cela.
La seule chose qui avait réellement changé était son regard d’or qui venait de se zébrer d’éclat émeraude.
Etrange dans sa gestuelle à cause de sa bipédie, la lycan n'en est pas moins compréhensible. C'est comme écouter quelqu'un avec un accent un peu fort. Certaines postures paraissent étranges, voir un peu amusante, mais dans l'ensemble ce qu'on veut communiquer passe sans soucis. Je m'approche donc et mastique, donnant la becquée aux petits trop jeunes pour manger seul de la nourriture solide. En vérité, avec une mère, ils seraient encore probablement allaités au moins en partie.
Près de nous, la lycan goûte l'air, profite, détendue. Une louve solitaire qui apprécie la compagnie d'une autre, ce n'est pas banale. Pas ce à quoi je suis habituée... Mais j'aime bien. Elle est gentille.
En vérité, je ne sens d'elle une envie simple de liberté, de course et de la proximité de mes petits gris. Après tout... Elle ou une meute, pour moi ça ne fait aucune différence pourvu qu'elle veuille bien prendre soin d'eux. Une fois nourris dans un concert de couinements impatients et une chorégraphie parfaitement chaotique de patounes se marchant l'un sur l'autre, je fais le tour de la carcasse, toujours prudente et aussi visuellement paisible que la louve-bipède. Amicale même. Elle nous a nourris et reste à l'affut de ce qu'il pourrait y avoir d'autre alentours. Elle est plus que simplement gentille, elle a un esprit de meute alors même qu'elle est solitaire. C'est la première fois que je le vois de façon si prononcé chez quelqu'un qui n'est pas en groupe lui-même.
Je m'approche encore un peu et l'un des deux trublion se jette sous mes pattes en un roulé-boulé ridicule. Du bout de la truffe, je m'assure que tout va bien et... Un frisson me remonte du bout de la queue au haut de la tête.
Je relève les yeux sur la louve-bipède, suspicieuse... ça vient d'elle... Elle est... terrifiée et paisible à la fois. Chez elle et en dehors. Equilibrée et extrême. Je ne comprends pas. Les oreilles pointées vers l'avant, la truffe haute, je hume, je renifle, je cherche... Mais il n'y a qu'une odeur ici. Une louve-bipède...
Soudain, ses yeux m'interpellent. Ils n'étaient pas comme ça tout à l'heure... Ils étaient dorés, j'en était sûr. Ils étaient plus bestiaux. Plus directes. Et ce sourire. Les loups ne souriaient pas comme ça.
Celui des deux louveteaux qui ne s'attaquait pas violement à ma patte avant s'était glissé sournoisement à quelques pas de moi, plus près d'elle. En m'en apercevant, mon regard fait plusieurs aller-retours entre l'étrange créature lupine et le petit.
... Elle n'a pas l'air agressive. Elle est de nouveau plus paisible. Mais elle n'est pas louve pour autant. Pas tout à fait.
Intriguée, je pousse le combattant du bout de la truffe vers notre hôte et m'assois devant elle, les oreilles dressées de curiosité, la tête penchée sur le côté. Le téméraire est presque sur elle à présent, sa petite queue frétillante. L'autre me colle, impressionné par la taille de la dame.
Qui est-elle ? Qu'est-elle ? Ma queue bat légèrement le sol en un rythme constant, soutenue par l'intérêt le plus vif. Elle est belle et forte... Et quelque part, je me demande si, comme moi, il n'y en a aucun autre comme elle.
CENDRES
crédits : 402
La lycaon n'avait pas bougé, regardait le spectacle des louveteaux. Elle ne s'était pas encore faite à cette liberté. Toute sa vie, elle n'avait connu que le combat par procuration. Insufflant sa rage et son instinct bestial dans les pensées de la naine, dont elle ne sentait presque plus la présence. Elle ne comprenant pas pourquoi aujourd'hui, elle n'était plus liée, même si cela faisait quelques années que sa liberté arrivait petit à petit. Aujourd'hui, cette liberté avait un goût divin, est ce que c'était la présence de l'albinos et des louveteaux ? Peut-être, au moins elle n'était pas seule. La louve les avait nourris prenant soin d'eux comme une mère alors qu'il était assez évidant qu'il n'y avait pas de lien de parenté. La louve ne comprenait pas, mais ne pouvait pas juger, les deux petits diables se relancèrent dans leur jeu de chaos.
La Lycaon avait remarqué l'inquiétude de l'Albinos, avait-elle senti la vague de sentiment ? Avait-elle eu un comportement agressif pendant ce passage ? Cela ne devrait pas lui causer de problème, mais elle ne savait pas comment se comporter de façon naturelle, et même si son origine était tellement différente. Un des petits s'était éloigné de sa protectrice, elle n'osa pas bouger dans un premier temps. L'albinos, l'autoriserait-elle à approcher le petit ? Elle chercha son regard pour obtenir son approbation, ne savait pas réellement quoi faire. La protectrice avait poussé le deuxième, donnant ainsi son accord. La lycaon se mit à bouger, doucement pour ne pas effrayer le petit qui était le plus proche, lui tendant sa patte pour qu'il puisse sentir son odeur. Une fois qu'il s'y était fait, avec un peu d'hésitation, la lycaon se baissa, amenant sa truffe à hauteur du louveteau et il lui sauta dessus les pattes en avant. Elle se redressa, surprise par sa réaction, mais se rabaissa pour tenter de jouer avec lui. Le bousculant gentiment de sa patte et de son nez. Le louveteau reculait avant de réattaquer sa patte au doigt trop long pour un loup.
Le jeu dura plusieurs minutes et le deuxième petit diable s'était joints au jeu plus timidement que le premier. Ils s'échangeaient des petits coups de pattes, se grimpaient dessus pour avoir l'attention de leur nouvelle partenaire de jeux. Quand l'odeur de la meute s'intensifia encore un peu, elle se figea, un des petits en avait profité pour lui sauter dessus et lui mordiller l'oreille. Elle l'avait reposé doucement avant de se redresser, stoppant le jeu qu'ils continuèrent entre eux quelques instants. Elle chercha d regard l'albinos, essayant de déchiffrer ses attentes. Peut-être que si elle était là c'était pour rejoindre la meute ? Peut-être que la présence de la Lycaon compliquerait les choses avec les vrais loups ? Elle aurait aimé avoir un autre moyen de communication pour exposer ses questions. Elle pourrait tout de même s'effacer, se retirer au bord de la clairière pour les laisser entre eux, mais rester à distance de bond au cas où cela tournerait mal. Elle était bien trop habitué au combat pour ignorer cette option, et l'albinos était la première à ne pas l'écarter pour ce qu'elle était.
Ils sont heureux. Tous. Et ça me fait tellement plaisir. J'inspire cette quiétude qui me nourrit et m'apaise. Après mes craintes, voilà qui prouve que je n'ai pas à avoir peur ce cette étrange dame louve. Elle fait attention à chaque geste, à l’orientation de ses griffes, à la force de ses coups. Elle prend soin d'eux tout en les laissant se défouler, eux qui ont du rester dans mes bras une grande partie du trajet, les pauvres.
L'odeur de la meute s'intensifie et l'une comme l'autre, nous levons le nez dans un changement de vent.
Les loups ne vont pas tarder... Mais très loin de vouloir qu'elle s'éloigne ou que les petits reviennent vers moi, je réfléchi à tout autre chose. Je ne connais pas ces loups. Ils sont des loups comme un peu partout, sûrement et il y a toujours une chance pour qu'ils n'aient ni le territoire ni la taille de meute suffisante pour s'occuper de deux petits supplémentaires. Les préférer à ce que j'ai sous les yeux reviendrait à lâcher la proie pour chasser l'ombre. Il faut que je sache si elle veut garder les petits ou non !
Mes yeux se posent sur elle et je recule de quelques pas sans attirer l'attention des louveteaux à ses pieds, me comportant comme si elle était leur mère et seule protectrice. J'ai bon espoir, elle semble bien aimé leur présence. Elle devrait aimer ne plus être seule ? Avec eux, elle pourrait être heureuse tout le temps comme elle l'est là, ce ne serait pas si mal. Même si elle pourrait ne pas aussi bien les nourrir ou les protéger qu'une louve habituelle, celle perspective ne me semble pas si mauvaise... Et les petits l'aiment bien, ce qui ne gâche rien.
CENDRES
crédits : 402
L'odeur s'intensifiait davantage à chaque minute, la lycaon ne savait toujours pas quoi faire, elle vit l'albinos immobile, comme pensive et la louve laissa ses pensées éloignées son attention. Discrètement, c'est l'albinos qui brisa le tabou, elle braqua son regard sur la louve difforme, scrutant la moindre de ses réactions et commença à reculer doucement pour s'effacer de la scène. La louve ne le remarqua pas tout de suite, un peu trop dans ses pensées. Enfin, elle plaça son regard dans celui de l'albinos qui avait reculé. L'esprit d'Ersa revenait peu à peu à son rôle de spectatrice impuissante, guidé par la surprise de la louve, par son pic de panique. Est-ce que l'albinos souhaitait lui confier les petits ? À elle qui n'était même pas une louve ? L'albinos non plus après tout.
Ce qui marqua l'esprit de la femme était l'instant de doute et de peur qui traversa l'esprit de la louve. De ne pas pouvoir s'en occuper, de perdre le contrôle et que son côté humain les abandonne. La peur de la louve trouva un écho dans celle d'Ersa qui avait peur de ne pas reprendre le dessus. Le sentiment évolua en désespoir pris entre l'envie de ne plus être prisonnière de son propre corps et en même temps la culpabilité de faire subir cela à la louve. Elle était impuissante pendant que la louve l'éloignait encore un peu.
La lycaon eut un mouvement de recul quand un des petits sauvageons heurta sa patte en finissant une culbute. Ce mouvement brusque fit peur au petit qui se rapprocha de son frère, et elle se redressa dans une position accroupie. Elle garda son regard dans celui de l'albinos en secouant lentement la tête de gauche à droite, dans un non bien trop humains. Une pointe de tristesse serrait son cœur de ne pas avoir le droit de choisi une vie comme celle-là.
Avant qu'une décision ne soit prise, du bruit s'élevait des buissons, le moment qu'elle avait redouté allait se présenter. Elle se recula d'un petit pas, restant à portée rapide des petits, mais pas assez proches, pour que les loups les identifient à elle.
La façon dont elle refuse me saute enfin aux yeux... D'une façon ou d'une autre elle est plus humaine que louve. D'instinct mon poil se hérisse et je jette un regard aux deux petits. Les humains sont traitres et imprévisibles. Elle ne leur a pas fait de mal jusque là, mais elle pourrait... Je sais qu'elle pourrait...
Et pourtant en croisant à nouveau son regard, j'ai la conviction profonde qu'elle ne le fera pas.
Les buissons frissonnent. Elle recule de quelques pas, tout comme moi. Les deux petits s’aperçoivent enfin qu'ils ne sont plus sous la garde de personne et relève la tête, inquiets. Un, deux, puis trois loups se font voir, agressif envers ces deux solitaires qui se trouvent sur leur territoire. Ils ne veulent pas de nous ! Nous ne devrions pas être là ! clame le mâle alpha par tous les pores de sa peau et tout le hérissement de sa fourrure, tête haute... Mais il n'attaquera pas une femelle, nous le savons tous.
Les petits couinent et trois paires d'oreilles se braquent sur eux, semblant enfin s'apercevoir de leur présence, curieux. Ils hument l'air, grattent le sol et finalement approchent un peu, circonspects. La louve des trois, surtout, donne un coup de truffe sur le flanc du plus téméraire qui couine de plus belle. D'instinct, il tente de retraiter vers moi... Non ! Non non, ils ne peuvent pas.
Hérissée, je m'abaisse, crocs aux clairs, prêt à croquer le morveux s'il s'approche encore d'un pas... et même si je sais que c'est ce qu'il faut pour lui, ça me fend le cœur de voir son air paniqué. Il ne comprend pas... Il ne comprendra jamais pourquoi. Il pleurniche en reculant et le couple de loup se place d'un bon au-dessus de lui, tandis que le troisième larron surveille l'autre étrange créature qui borde la clairière.
Voilà... C'est fait.
Ils les ont protéger une fois, ils ne les laisseront plus maintenant. Alors je détale à travers bois, un dernier regard pour l'étrange louve. J'aurais bien aimé savoir si elle était seule comme moi, même si c'est un peu un humaine finalement. Je ne peux pas rester mais peut-être nous retrouverons nous à l'odeur ?
Au bout d'à peine quelques foulées de toute façon, je reprend ma forme humaine. Je sors de leur territoire et m'arrête, essoufflée sur le bord d'une rivière. Assise sur la rive, les pieds dans l'eau, sous la forme d'une étrange elfe aux corne de diamant et à la queue préhensile, je serre mes bras autour de moi pour regarder la surface. C'est fait... Et pourtant je suis tout de même triste. Je devrais essayer de retrouver Aryan...
CENDRES
crédits : 402
Le moment, était venu, les petits se rendent compte de leurs abandons. Ils n'ont pas le temps de faire quoi que ce soit que trois loups sortent des buissons. Ils défendent leurs territoires, invitant les deux anomalies à disparaître.
Si elle avait pu, Ersa aurait retenu sa respiration. Elle ne voulait pas imaginer ce que ferait la louve face à cette agressivité. Contre toute attente, elle n'avait pas bougé, comme figée, non pas pour sa propre défense, mais pour celle des petites qui étaient au mile de la zone.
Leurs couinements attirent les trois vrais loups, qui s'approchent d'eux. La lycaon appréhendait, si la louve se faisait agressive, elle ne pourrait pas intervenir à temps. Mais la louve n'était pas humaine, elle ne cachait pas ses intentions et sa curiosité ne dissimulait rien d'autre que de la curiosité.
Le petit avait tenté de retrouver la protection de l'albinos, mais elle lui avait refusé par une agressivité nouvelle. Le petit qui avait tenté, s'était immobilisé complétement perdu avant de retourné vers son frère en couinant tristement. Deux loups se jettent au-dessus des petits, pour finalement les protéger. La louve difforme avait hésité à bouger, mais le troisième ne la lâchait pas du regard, s'apprêtant à réagir au mouvement de la difforme. L'albinos voulait les confier à d'autres, elle devait lui faire confiance vu qu'elle ne pouvait prendre soin d'eux. Ersa sentait la tristesse et la colère qui déchirait la louve.
Elle avait croisé le regard de l'albinos avant qu'elle ne disparaisse dans les buissons. La Lycaon en fit de même de son côté, galopant à quatre pattes entre les arbres, puis de repasser sur ses deux jambes. Elle n'était pas louve, la réaction de l'albinos lui avait confirmé et attrister, mais elle devrait faire avec. Une fois sortie de leur territoire, elle se laissa tomber contre un tronc, complétement perdu pas ce qu'elle venait de vivre. Elle laissa son esprit vagabondé quelques minutes et dans un souffle, elle décida de se retirer, au moins le temps de savoir ce qu'elle était.
La mer de "froid" se retira, ne laissant que du vide que l'esprit de la naine put combler assez rapidement. Aussitôt, les douleurs caractéristiques de la transformation des lycans. La laissant s'effondrer sur le tapis de feuilles mortes. Elle resta là, se recroquevilla en tremblant de froid et d'émotion. Elle avait encore du mal avec cette découverte, elle s'était trompée toute sa vie. Ce qu'on lui avait décrit comme un instant de combat, était en fait une personnalité à part entière. Elle s'était toujours trouvée chanceuse d'avoir un contrôle parfait de sa forme de louve. Elle avait entendu parler de ses lycans qui se transformer en perdant tout contrôle, laissant une rage sanguinaire tout consumée sur leur passage. Cela avait commencé à changer il y a quelques mois, chaque transformation était de plus en plus différente de la précédente. Mais pour la première fois, aujourd'hui, elle avait complètement perdu le contrôle, pas de rage comme ce qu'on lui avait dit, mais pour laisser la place à une autre. Prisonnière de son propre corps, avait vécu ce qu'avait vécu "l'autre" toutes ces années. Trop de choses se bousculaient dans sa tête, trop de questions, sur elle, sur l'albinos. Pour commencer, elle faudrait qu'elle essaie de se renseigner s'il y avait d'autre lycan a la double personnalité, si c'était peut-être un effet secondaire de son traitement d'enfance.
Elle se redressa, la chair de poule parcourait toute sa peau. Elle avait retrouvé ses affaires et s'était rééquipées rapidement. Elle s'installa en tailleur sur le sol, attrapant sa flasque pour la portée à ses lèvres. Il ne lui restait que son pendentif de serpent à replacer sur son cou, mais elle resta là à contempler les reflets du soleil sur les écailles d'argents. Ce cadeau, qui représentait le foyer qu'elle avait quitté après sa première transformation, est ce qu'elle en était encore digne. Elle était partie il y a plus de dix ans et n'y était jamais retourné. Parfois, elle avait croisé des nains du village quand elle avait fait des missions au mont Kazan. Demain, il le faudrait peut-être. Au lieu de s'en parer, elle referma sa main et le replaça dans une petite poche de cuir de son ceinturon. Il représentait encore trop de choses.
Pour le moment, elle retournerait au berceau en réfléchissant si elle en parlerait à ses supérieurs.
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum