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¬ 26 septembre de l'an 3,
Un peu plus tôt dans la matinée, Genryusai jeta un œil à son planning de la journée, comme à son habitude. Il savait qu'en début d’après midi, il allait rencontrer Tagar Reys le nouveau ministre, plus exactement le « Cœur » du Reike.
Alors qu'il revint d'un repas partagé avec le Roi, le vieil homme ne perdit pas de temps et se plongea dans sa paperasse pour avancer certains sujets complexes. Le millénaire n'appréciait guère être assis et préférait largement travailler debout : pour cela il avait un pupitre qu'il utilisait comme bureau. Grattant quelques lettres sur un parchemin destiné à l'Université de Drakstrang, Genryusai fut arraché de ses pensées par un « toc » à la porte.
Le Vice-Roi afficha une légère surprise sur son visage, les sourcils froncés.
— Qui peut bien me déranger à cette heure ? Se demandait-il.
En réalité, il avait complètement oublié son rendez-vous, non pas par irrespect mais surtout à cause des nombreuses problématiques de la récente guerre qui le travaille. Le vieil homme, à cause de son âge très avancé, avait beaucoup plus de mal à digérer les évènements en comparaison de sa jeunesse.
— Entrez.
Il replongea son regard sur le papyrus et fit de nouveau danser la plume noirâtre, en attendant l'entrée du perturbateur.
— Hm, il ne faut pas oublier... Et puis... Marmonnait-il dans sa longue barbe blanche.
Du coin d’œil, il aperçut le jeune homme proche. Il déposa le bout de plume dans l'encrier et saisit sa canne en bois qui reposait sur le pied du pupitre : il prit appui dessus et s'approcha de l'inconnu de toute sa prestance. Il porte un uniforme assez spécifique à sa stature : un kimono noir avec, par dessus, une veste légère blanche qu'il porte comme une cape. Finalement, ses yeux bruns perçants rencontrèrent ceux bleutés de l'homme pale. De sa voix sèche connue, Genryusai ouvre le dialogue.
— Que cherches-tu jeune homme ? Que fais-tu ici ?
La vieillesse et la sénilité étaient réellement l'une de ses plus grandes faiblesses.
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— Tagar Reys ? Marmonna le vieil homme, cherchant au fond de sa mémoire.
Son esprit s'éclaira aussitôt et se rappela qu'il avait bien rendez-vous ce jour avec cette personne. Comment avait-il pu oublier une chose d'aussi majeur ? Genryusai se reprit et saisit la main de son interlocuteur, le visage sérieux, sans un sourire.
— Mon esprit me joue des tours, veuillez excuser ce vieil homme pour cet oubli. Il retire sa main. Laissez-moi me présenter : je suis Genryusai, Vice-Roi du Reike. Suivez-moi, allons nous installer dans un endroit plus propice pour converser.
La « Voix » propose au « Coeur » de le suivre à travers le bureau. Il traverse l'allée des bouquins où de chaque côté se situe de longues rangées emplit d'encyclopédies, d'ouvrages sur la magie, le combat, des thèses et bien d'autres trouvailles intéressantes. Pendant la marche, Genryusai poursuit la conversation.
— Vous avez été promu depuis quelques semaines déjà me semble-t-il, n'est-ce pas ? Il jette un œil à Tagar, légèrement en contrebas, qui marche à ses côtés. Avec vos yeux neufs, avez-vous déjà observé de potentielles améliorations à apporter ? On dit qu'un nouveau est souvent candide et que son point de vue n'est pas biaisé par les mauvaises habitudes. Vous avez donc un potentiel non négligeable au sein du Royaume, vous en êtes conscient jeune homme ?
Le millénaire ne perd pas une seconde et cherche à cerner cet homme qui s'est retrouvé à cette position élevée au Reike. Son côté pédagogue à l'ancienne reprend le dessus, il veut mesurer les capacités de cette jeune génération qui prend peu à peu le pouvoir à travers le large désert reikois. Après la guerre, il ne pouvait se permettre de garder les cancres et encore moins des personnes dangereuses pour le couple et l'enfant. La marche à travers l'allée se termine sur un petit coin proche d'une cheminée, entourée de bois et de... Livres. Oui, toujours et encore plus de livres. On remarque aussi quelques tableaux, ici et là, de prestigieuses personnalités à travers les siècles.
— Prenez place.
Genryusai désigne du doigt l'un des canapés rougeâtres et reste en station debout, les deux mains sur sa canne.
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A la première excuse du jeune ministre, Genryusai lui jette un regard, légèrement déçu, et de répondre du tac au tac.
— Ministre Reys, il n'y a rien à excuser. Votre poste impose des responsabilités, par conséquent votre planning ne fera que s'alourdir avec le temps. Le vieil homme donne une tape à l'épaule du jeune homme comme pour lui souhaiter du courage pour la suite. Quant à mes connaissances, je n'ai pas la science infuse, en particulier avec les récents changements et la nouvelles génération : tout est à réapprendre.
L'invité s'installe dans un des canapés et, surprit par la station debout du millénaire, le questionne. Genryusai fait un signe de tête positif, les deux mains posées sur le sommet de sa canne atypique.
— Ne vous en faites pas pour moi, si j'en ressens le besoin, je prendrais place.
Beaucoup se laissent duper par l'âge du combattant pourtant, il est le dernier homme à sous-estimer. En soit, c'est plutôt bon signe : paraître faible aux yeux de tous est meilleur pour surprendre aux moments opportuns. Pendant qu'il répondait au nouveau conseiller, il l'observait : Tagar cherchait du regard une chose manquante sur la table basse. Genryusai avait l'habitude des entretiens et sentait plus ou moins ce qu'aurait souhaité ce ministre. Pour autant, il n'en ferait rien. Ils n'étaient pas ici pour faire ami-ami mais pour échanger sur des sujets importants.
En parlant de « sujets importants », le Cœur ouvre la voie en exprimant son idée d'innovation. Les yeux bruns du Demi-Titan sont plantés dans ceux de son interlocuteur. Ce serait effectivement bénéfique pour l'avenir du Reike : développer la créativité des reikois tout en leur donnant la possibilité de se dépasser, physiquement ET intellectuellement, cela n'ajouterai que de la plus-value au Royaume. Le Vice-Roi écouta attentivement, sans broncher, avant de prendre la parole à son tour.
— Voilà qui est intéressant « Grand Argentier »... Je suis positivement surpris de voir avec quelle vitesse vous vous êtes accaparé votre rôle. Gardant sa position immobile, il poursuit. Pour fédérer un maximum de personnes autour d'une idée ou d'un sujet, il faut que cela soit gagnant-gagnant sinon le concept ne durera qu'un temps avant de s'estomper. Généralement, un peuple a besoin de choses concrètes et assez rapidement. Notre peuple ne vit malheureusement pas des siècles, encore moins des millénaires, pour pouvoir profiter d'un gain dans un avenir proche, sans compter les nombreuses victimes de la guerre. L'état psychologique de nos hommes et femmes n'est donc pas en faveur à une idée sur le long terme...
Un silence s'impose, laissant quelques secondes de réflexion à l'Ancien.
— Voyons donc plus concrètement ce que l'on peut faire : le but est de rassembler autant de monde que nécessaire autour de l'innovation. Bien. Genryusai fait quelques pas ici et là, capté par ses pensées. Nous pouvons proposer une rémunération financière pour chaque idée qui apporte une réelle plus-value à la nation, c'est-à-dire qui touche le plus de monde tout en étant le moins cher à réaliser. Nous pouvons aussi jouer la carte des avantages sociaux pour intéresser les plus pauvres, ils verront dans cette opportunité une occasion de se soustraire de leur condition.
Le Vice-Roi se tait de nouveau, reprenant sa place tout en fixant longuement le jeune Reys.
— Mais la chose la plus importante : la reconnaissance. Celui ou celle qui décrochera une innovation intéressante, sera reconnu par la nation même et donc par le couple royal. N'est-ce pas intéressant pour rallier des individus autour d'un tel projet ?
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Sans le couper une seule fois, Genryusai écoutait attentivement les réponses du jeune conseiller. Malgré son jeune âge, on pouvait clairement voir dans ses yeux qu'il avait une multitude d'idées pour mener ses plans à bien. Sans oublier que les projets serviront au peuple, ils deviendront un outil à haut potentiel pour la nation reikoise. Le soleil à l'extérieur descend petit à petit de son zénith, créant un chemin de lumière traversant les carreaux de la fenêtre pour se poser sur la peau blanchâtre de l'homme à la longue barbe.
Soudain, lorsque Tagar prononça les mots « libres-penseurs », le front et les sourcils du vieillard se froncèrent laissant apparaitre les nombreux traits de rides. Une petite tension électrique se créa dans l'air, assez pour que le conseiller assit le ressente. Si jusqu'à maintenant le fait de vouloir guider le peuple pour qu'il puisse s'améliorer était une idée intéressante et viable, ici Genryusai n'était pas d'accord. Loin de là. Serrant un peu plus sa canne dans sa main, il s'avance d'un seul pas, encore loin du jeune homme et pourtant c'est comme s'il était tout proche de par sa stature.
— Conseiller Reys, amorce-t-il en laissant un silence de quelques secondes. Je me dois de vous rappeler une chose primordiale en tant que la « Main de l'Empereur » : notre but premier est la sauvegarde de notre nation. Et qui dit sauvegarde, dit tenir d'une main ferme le peuple pour qu'il ne s'agite pas au moindre pet de travers.
Le millénaire pivote légèrement de profil et regarde la fenêtre un peu plus loin, face au canapé de Tagar.
— Conseiller, savez-vous pourquoi les guerres existent ? Question rhétorique, le vieil homme reprend aussitôt. A cause de cette libre-pensée qui ne fait que nous séparer. Nous avons tous assister à la chute de Shoumei, ce peuple totalement absurde qui n'a cessé de se diviser lors des siècles passées et nous en voyons aujourd'hui le résultat : une terre poussiéreuse.
Genryusai regarde de nouveau son interlocuteur.
— Alors oui, nous ferons le nécessaire pour que notre peuple devienne meilleur, se perfectionne, innove : oui voilà, une ère d'innovation reikoise. Néanmois, son regard est plus menaçant encore, l'ère de la libre-pensée ne doit jamais être mis en avant, est-ce bien clair Grand Argentier Reys ?
Pendant un millième de seconde, l'aura du vieil homme créée un mirage chaud autour de lui, comme s'il allait exploser ici-même. Aussitôt, le mirage chaud disparait, la neutralité du millénaire reprend place sur son visage.
— Faisons en sorte que notre peuple vive dans de bonnes conditions et sous la protection de nos empereurs.
Est-ce la peur de voir son peuple se désintégrer comme l'a été Shoumei ? Ou est-ce la sénilité d'un vieillard qui ne cesse de croitre ? Pourtant, son discours n'était pas totalement faux : la libre-pensée n'a jamais apporté une plus-value à un peuple, seulement de la division. Au plus profond de son être, Genryusai souhaitait simplement veiller sur son peuple, le protéger, peut-être même le surprotéger. Ajouter de nouvelles blessures de guerre sur d'anciennes et voilà le produit de tout ceci : un être qui n'en peut plus de perdre des êtres chers et se met à agir de cette façon. Il est leur grand-père, leur père à tous et il se doit d'être sévère. Pour le bien de ses enfants. Pour le bien de son Reike.
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L'homme face à Genryusai savait manier les mots, plus qu'il n'y paraissait. Intérieurement, le vieil homme était plutôt satisfait d'entrevoir ce type de qualité chez la jeune génération. Ce Conseiller n'avait pas volé sa place comme certains le feraient en usant de la réputation de leur famille ou de leur argent.
La tension dissipée, le millénaire affiche un très léger rictus au coin des lèvres, tout juste visible par le Grand Argentier. Il pouvait lâcher un peu de leste avec lui : son rôle ne lui a pas été confié par des personnes lambdas, on parle tout de même des Empereurs de la nation reikoise, ceux qui gouvernent d'une main de fer. Genryusai n'était là que pour jauger, prendre la température sur le terrain et polir les nouvelles têtes pour qu'ils puissent prendre la relève face à n'importe quelle situation.
Le Demi-Titan, gardant l'oreille attentive aux paroles prononcées par Tagar, s'approche du divan libre en face de son interlocuteur. Il dépose sa canne contre l'accoudoir et s'assoit, s'enfonçant légèrement. Son regard naturellement sévère reste planté dans celui bleuté du jeune homme. La flatterie ne lui fait ni chaud, ni froid, chose d'ailleurs qu'il n'apprécie pas spécialement.
— Vous avez mon soutien pour le projet. Comme dit plus tôt, il s'agit d'une stratégie intéressante pour le futur du Reike. Il plonge sa main dans sa longue barbe pour la caresser tout du long et continu. Avez-vous déjà travaillé votre présentation ? Si oui, planifions un prochain rendez-vous pour que vous puissiez me détailler votre plan d'action. Si non, dans ce cas je peux me libérer du temps pour que l'on puisse créer la présentation ensemble, peut-être même inviter quelques collaborateurs du métier qui pourraient nous apporter quelques pistes. Le regard du Vice-Roi glisse sur la table basse disposée entre eux. Qu'en dites-vous Grand Argentier Reys ?
Genryusai se décolle du sofa, rapprochant une de ses mains sous la table pour en extirper un livre assez épais et le dépose sur la surface du meuble. Il s'agit de son "agenda" qui le suit depuis quelques années. Il place sa paume sur le dessus de l'ouvrage et déploie une infime partie de son élément feu qui entre en résonnance avec l'agenda : celui-ci réagit et, comme s'il prenait vie, s'ouvre sur la dernière page. De même, il sort une plume noirâtre de la tranche du livre, réagissant elle aussi à sa magie entre ses doigts.
— Hm, dit-il en parcourant les dernières informations notées. Dans tous les cas, nous pourrions nous entretenir de nouveau le mois prochain... Plutôt vers la fin de mois.
Genryusai lève son regard mi-clos dans celui de Tagar en attendant sa ou ses réponses.
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L'homme des finances semble heureux de ce premier échange. Il faut dire que beaucoup approchent l'ancêtre avec une certaine appréhension à cause de son statut et pourtant, malgré sa réputation d'homme sévère, Genryusai possède de nombreuses qualités humaines. Il suffit simplement de savoir comment l'approcher, chose qui n'est pas donnée à tout le monde évidemment.
— Très bien, dans ce cas faisons le nécessaire pour que les actions à venir soient bien ficelées et ainsi éviter de potentiels dégâts futur.
Plume en main, les deux conseillers se mettent d'accord sur une date : l'aîné note quelques détails de cette prochaine entrevue et referme l'ouvrage qui se scelle aussitôt. Il dépose la plume sur la table et reprend une position plus confortable sur le divan tout en écoutant la suite des propos du jeune homme.
Plus les minutes défilaient et plus le vieil homme semblait un brin apprécier ce Tagar Reys, ou plutôt ses diverses idées. Voilà bien des années qu'il n'avait pas eu affaire à une telle boule de motivation.
— Hm, je vois, rétorqua le millénaire. Avant de poursuivre la discussion, j'aimerai vous poser une question : avez-vous une estimation du nombre d'esclaves qui souhaiteraient être leur propre patron ? Il laisse un temps de réflexion au Conseiller, puis reprends aussitôt. Si je ne m'abuse, la réforme concernant les esclavagistes n'est que très récente. Pour la grande majorité, l'armée est devenu leur maison et donc leur situation financière n'est plus critique. Vous savez qu'il y a tout un travail de fond qui a été mis en place pour équilibrer les revenus et que chacun puisse vivre décemment. C'est l'une de nos forces au Reike. J'en conviens que certains réussissent à gagner encore mieux leur vie, généralement les nobles qui possèdent des terres ou des affaires ici et là et pour ceux-là, ils n'ont pas volé leur pain. Le Vice-Roi tousse légerement, le visage moqueur. Enfin, pour la plupart : ceux qui transgressent, eux, nous leur préparons de jolies cachots. Dans ma vision des choses, le type de banque que vous proposez ne fera qu'aggraver la situation des plus pauvres, hors nous souhaitons faire l'inverse pour assurer un avenir à notre nation. Genryusai marque une nouvelle pause, le regard s'évade sur une carte du Sekai accrochée au mur. Votre idée de banque me rappelle celle des républicains : les prêts existent pour appauvrir et non s'enrichir. Nous ne voulons pas leur ressembler, encore moins avec la démonstration honteuse durant la guerre et même bien avant cela.
L'ancien savait qu'il pouvait trouver des idées intéressantes du côté de la République, néanmoins celle-ci rentrait en contradiction avec la vision de Ses Majestés et de la vision du futur de la nation reikoise.
— Cependant, je comprends votre raisonnement. Nous pouvons chercher d'autres alternatives pour ce type de cas.
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