Une dragonne au milieu de l'orage

Nora, Liberty, Juillet 5 (Enfin)

Cela faisait longtemps qu'elle n'était pas venue en république. Elle n'était pas revenue depuis qu'elle s'était réunie avec Ersa. Tout cela lui semblait si loin désormais. Un an était passé, plusieurs aventures. La peste obscure, ce cauchemar du chant des ronces. Beaucoup d'aventure étrange qui avait retourné sa façon de penser.

Pendant ses quelques mois, elle avait essayé de voir si elle pouvait arrêter de la subir. Revenir sur quelque chose qui la faisait avancer. Peut-être qu'aujourd'hui, elle devait voir si ce qui lui manquait se trouvait en République. Mais comment trouver quelque chose qui manque quand on as aucune idée de ce que l'on cherche. Elle ne savait pas, mais elle comptait profiter de cette mission hors territoire pour s'y intéresser. Un éclair la ramena à la réalité. Elle avait laissé Muinin au régiment, la bête lui en voulait encore de l'avoir abandonné deux semaines au début de l'année. C'était un détail, le chariot roulait sur les parés, se faisant ballotter par les saccades du chemin. Son regard se posa sur la ville qui se présentait à elle. De grandes rues, parcoururent de ruine. Comme si un titan avait décidé de visiter l'endroit. Pour le peu qu'elle s'intéressait à ce pays. Au moins, cela évita qu'elle n'attire les regards. Elle la naine aux cheveux de feu qui avait traîné sa carcasse en mauvaise compagnie ici. Sans armure, juste en habit simple recouvert par une cape qu'elle maintenait fermée. Le seul équipement qui sortait de l'ordinaire était son ceinturon, ou on retrouvé son carquois rempli de différentes flèches, sa paire de dagues et étonnement son arc. L'arme était débandée et formait un "C" qu'elle se passait autour de la taille.

Le chariot s'arrêta et la chasseuse entendit la voix du cochet.

- Allez, place du marché. Tout le monde descend.

La naine souriait à cette phrase, elle était seule sous la bâche, seule dans sa vie. Mais pas seule dans sa tête.

(- Pourquoi, je t'ai accompagné ?

- Parce que tu m'aimes

- Mouais.

- Parce que toi aussi, il te manque quelque chose. )

La naine descendit du chariot. Et comme un rappel que ce pays n'était pas le sien. Son premier pas à Liberty se fit dans une flaque d'eau, éclaboussant son pantalon. La louve grogna, enfilant sa capuche pour se protéger de l'eau avant de s'avancer dans ce marché déserté autant par les clients que les marchands. Seul ce qui bordait la place, avec une boutique fixe et une façade qui s'ouvrait était présent. Comme une vieille habitude elle commença à déambuler pour voir si des produits l'intéresser. Des armes, des bijoux. Surtout trouver une bonne affaire et essayer de s'entendre des nouvelles du coin.

Pendant qu'elle furetait entre les échoppes où elle ne trouvait rien d'intéressant. Le peu d'habitant qu'elle croisait ne parlait que de la reconstruction suite au passage de Kayo. Finalement, il y avait bien eu le passage d'un titan. C'est un autre détail qui attira son attention. Une silhouette massive qu'elle croisait trop régulièrement pour n'être qu'une coïncidence. Elle se mit à accélérer le pas, changer une où deux fois de direction pour vérifier qu'il la suivait bien.

Et ce fut le cas, Nora se mit à réfléchir. Elle pouvait le semer, mais elle ne saurait pas pourquoi il la suivait. Se retourner et le confronter, mais il pourrait fuir où être tout simplement plus fort qu'elle.

Non, la solution était plus simple et se présenter dans une simple auberge Nora s'y dirigea et juste avant d'entrer, se clona, Ersa fit disparaître sa cape. La porte s'ouvrit sur seulement une naine. Ersa rejoignit un coin sombre sous couvert de son invisibilité pendant que Nora attirait l'attention. Retirant sa cape dégoulinante, la louve la laissa à l'entrée avant de se diriger vers le comptoir, grimper sur un tabouret.

Elle s'attendait à voir une humaine, comme dans quasiment tous les établissements de ce pays. Mais elle découvrit une Drakyn qui devait attirer le regard de nombreux hommes.

- Ma vie est guidée par les Drakyn, c'est pas possible.

Elle avait presque murmuré ses mots, plus pour elle que pour la géante rousse.

- Bonjour. Pour commencer, mettez deux bières, je sens que je vais avoir de la visite.

Elle savait pourquoi elle était là. Enfin officiellement. Voir l'effet de la corruption sur la faune de la république.

- La reconstruction à l'air de bien avancée ? Cela doit vous faire du passage ?

La naine poussa une des bières devant un siège vide pour son poursuivant.

- Je venais voir si la corruption qui ronge le monde touchait aussi votre coin, vous avez vu des choses pas normales ces derniers temps ?

La naine sortit un étui à cigare de sa poche pour le poser sur le comptoir, ses pieds battaient lentement le vide, pendant que son pantalon brun, noirci par l'humidité séché. Seule sa tunique noire, légèrement ouverte avait échappé à l'orage qui continuait de gronder à l'extérieur. Elle sortit un des petits cigares pour l'humidifier et l'allumer. Pendant qu'elle était là pourquoi ne pas poser la question qui lui brûlait les lèvres et qu'Ersa ne puisse pas l'empêcher de le dire.

- Est-ce que vous connaissez Kieran Ryven ? J'aimerais savoir où le trouver.

Elle se rendait compte que c'était un peu absurde, qu'elle posait la question surtout parce que c'était un Drakyn. Et avec un peu de chance. Les Drakyns avaient monté un club à Liberty.

La ville se remettait doucement des dégâts subis quelques mois auparavant. Elle avait été noyée sous une telle quantité d’eau qu’il y aurait eu de quoi remplir le lac REBIRTH une deuxième fois. L’ambiance en ville revenait doucement mais sûrement avec le début de la reconstruction des infrastructures, et il y en avait bien besoin après tout le chaos que le passage de cette eau avait provoqué.

Dans ce malheur, l’auberge avait été, par on ne sait quel miracle, épargnée. Les quatre murs avaient tenu bon et le toit, hormis quelques tuiles, avait résisté tout aussi bien. Comme quoi, on ne mettra pas l’auberge du Mouton Frisé à terre de si tôt. C’est donc en toute logique qu’elle fut rapidement remise sur pied et les réserves remplies du mieux que le permettait la situation actuelle de la ville de Liberty.

Et comme si on n'avait pas eu assez d’eau pour toute une vie, la pluie, voire l’orage, grondait aujourd’hui. Comme un rappel que la ville restait malgré tout encore très fragile à la suite de cet événement.

Pour une fois, je remplaçais "Pop" au comptoir ; il avait à faire dans la réserve d’alcool et je devais y rester le temps qu’il termine et revienne prendre sa place. Pendant ce temps, dans la salle, Abby s’occupait de servir les tables et Molly, comme toujours, s’occupait de la cuisine… Rien d’anormal, une soirée comme tant d'autres.

La salle était relativement pleine et l’ambiance plutôt calme, avec quelques éclats de rire ici et là. Là aussi, rien d’inhabituel… La routine, encore et toujours la même routine.

À moitié avachi sur le comptoir, la tête posée sur mes mains, je m’ennuyais ferme. C’était tellement le calme plat que l’idée de m’ouvrir une bouteille pour passer le temps commençait à prendre un peu trop de place dans ma tête. Je lâchai un long soupir et ma queue battait l’air mollement alors que je regardais intensément la pompe à bière devant moi.

- Il ne m’en voudra pas si je n’en bois qu’une seule…?

Me redressant doucement, j’attrape une chope et commence à me servir de cette mousse qui, à défaut de me faire passer le temps plus vite, m’occupera au moins les mains le temps de l’apprécier. Enfin, c’était le plan initial. Je n’ai pas le temps de finir de remplir mon verre qu’un nouvel arrivant débarque... Ou plutôt, UNE nouvelle arrivante. Rousse, de petite taille, je vais finir par croire que tous les nains sont roux et que je suis liée à cette race comme une puce à un chien.

Comme si trois nains ne suffisaient pas à l’auberge avec la famille propriétaire du Mouton Frisé.

- Ça roule, la naine ! Et je peux savoir qui tu es ? Ou bien tu connais la famille qui gère l’établissement ? J’imagine qu’entre nains vous vous connaissez tous.

Je lui sers son premier verre, qui aurait dû être le mien, avant de commencer à verser le deuxième.

- Oui, ça avance gentiment. Le monde ça va, ça vient, et quand il pleut comme aujourd’hui, ça va moyen. Les gens ont eu tellement d’eau pour une vie.

Je ricane avant de lui passer sa deuxième chope, qu’elle pose à côté d’elle. Visiblement, cette naine attend quelqu’un. Je me penche en posant mes bras sur le comptoir et ma tête dessus.

- La corruption ? Non, hormis le raz-de-marée, je n’ai rien vu de spécial jusqu’à présent.

La pluie continuait de tomber intensément, un éclair éclata, suivi peu après par le grondement du tonnerre. Quel temps de merde, sérieusement. Je fais une moue fatiguée, autant à cause de ma journée que de ce temps qui me déprime un peu. Mon regard se reporte sur la naine, et je vois qu’elle commence à sortir de quoi fumer un cigare. Là aussi, je vais finir par croire que tous les nains fument. Puis, un nom, que je connais très bien, sort de ses lèvres, ce qui me fait lever la tête et hausser un sourcil.

- Kieran ? Oui, je le connais, même bien. Tu lui veux quoi à ce grand Tokage ?

Je plante mes yeux dorés dans les siens, cherchant à comprendre les intentions de la rouquine en face de moi. Ce n’est pas tous les jours qu’on me demande après ce grand bonhomme.

Allongé là dans l'herbe, je regardais ce collier, le détaillant de mes cyans qui voulant revoir celle qui me l'avait offert avant de partir. Le vide de son absence, toujours un peu plus pesant à force que de voir des lunes se succéder dans ce ciel que je contemplais à travers ce bijou,laissait un trou béant que je ne parvenais à combler qu'en tentant de la chercher. Une détermination propre à mon espèce et qui n'était pas prête à s'atténuer, les années n'étant rien comparé à cette peur de la perdre à tout jamais.

-J'espère que tu n'es pas l'une d'entre elles.

Murmurais-je en regardant les constellations à travers ce pendentif qui ne trouverait peut-être jamais l'autre partie, incomplet pour le restant de sa vie comme la mienne s'il lui était arrivé quelque chose. Un destin que je ne pouvais envisager, pas avant d'avoir pu lui dire ce que j'avais sur le coeur. Belle de Nuit me souffla dessus à l'approche d'un homme,me redressant en remerciant ma jument d'une tape amicale sur son encolure,elle qui m'avait accompagnée si loin pour retrouver ma gardienne. Une fois debout, un homme tenant en laisse un chien que j'avais engagé vint vers moi, prêt à répéter ce que nous avions fait des centaines de fois auparavant à des endroits différents.

Je posais les petites chaussures qu'Ersa avait oublié dans ma chambre le soir où elle avait disparu sur le sol qu'elle avait foulé il y a peu d'après la réaction du canidé qui pour la première fois, fila avec assurance dans une direction. Pris d'un élan d'espoir, je grimpais sur Belle de Nuit avec le chauve, suivant le chien qui m'amena plus à l'Est,en direction de Liberty.

***

-Foul'camp ! Reviens ici !

Mes bottes avaient rencontré le sol, aidant le petit bonhomme à faire de même en l'attrapant pour le déposer. Nous nous étions arrêté devant une taverne, ma monture et celui qui attirait les puces ayant besoin de repos. Le maitre chien parti sans demander son reste dans l'établissement pour y déguster une bière pendant que je demandais en donnant la pièce, à un écuyer de bien vouloir prendre soin de ma jument. C'est alors qu'une petite silhouette discrète me fit tourner la tête,dans tous les sens du terme. Doutant sous ce ciel orageux, qu'il s'agissait bien d'elle, je la regardais s'éloigner, les éclairs venants des cieux tonnants pour que cesse d'hésiter.

Je courais dans sa direction et par je ne sais quelle magie, elle se volatilisa au détour d'un bâtiment, comme à la célébration du retour de l'expédition que j'avais participé avant de rejoindre Brak. Je courais dans tous les sens, ne parvenant à la trouver sans toutefois baisser les bras. Je continuais mes recherches des heures durant,décidant d'aller dans la direction qu'elle semblait avoir suivie quand je l'avais aperçus. Fort de mes nouveaux pouvoirs, je m'envolais dans les airs après que des arcs électriques écarlates apparurent dans mon dos en soulevant ma cape de cette même teinte, filant vers Liberty en délaissant ma monture et l'humain, certain que pour une fois,je ne me trompais pas.

***

À plusieurs reprises, je crus la revoir, ne prenant ni le temps de manger ou de dormir, ne pouvant laisser échapper cette chance de la retrouver, de lui dire à quel point je l'aimais. La pluie me brouilla la vue à maintes reprises, suivant plus tard une charrette, mon seul phare pour ne pas me perdre dans l'intempérie alors qu'a son tour, elle semblait disparaitre par moment tant la distance et ce rideau de larmes tentaient de m'empêcher d'atteindre mon objectif. Je voyais en cela un ultime test des Astres qui voulait voir si j'avais une volonté suffisante pour qu'ils m'accordent la seule chose que je désirais de tout le sekai.

J'atterris à côté de ce qui m'avait permis de trouver une placette désertée, mes cyans scrutant les alentours en l'apercevant enfin, celle qui pouvait être une illusion. Je m'élançais à ses trousses quand même et fut vite semé par cette dernière, tournant en rond en courant avant de la voir passer la porte d'une auberge portant un nom qui m'aurait fait sourire dans un autre contexte. Je m'arrêtais, reprenant mon souffle, serrant les poings,déterminé.

Une dragonne au milieu de l'orage 1722839391-oig3-2

L'espoir prenait parfois différentes formes en s'immisçant insidieusement en nous, créant des mirages comme toutes ces fois où j'avais cru voir la gardienne au détour d'une ruelle, sans jamais ne serait-ce, approché aussi près de l'un d'eux qu'en ce jour pluvieux. L'eau ruisselait contre mon armure noire et dorée, grinçant à chacun de mes pas avec une peur qui persistait. Avais-je encore pourchassé une ombre ou la mauvaise personne? Je ne pouvais être sûr de rien sauf qu'en franchissant cette porte, je pourrais enfin savoir si la déception allait de nouveau rendre mes lendemains plus pesants.

La porte grinça quand je la poussais, le parquet se plaignant de mon poids dès que je pénétrais dans cette auberge plutôt accueillante, jusqu'à ce qu'un éclair zèbre le ciel en projetant mon ombre dans la pièce, mes cornes frottant légèrement sous l'encadrement de la porte par manque de vigilance. Mes cyans repérèrent de suite celle à la chevelure rousse ayant l'exacte proportion qu'avait celle que j'aimais,comprenant qu'elle fumait en voyant les volutes au-dessus d'elle. Elle était assise et en l'entendant discuter avec une drakyn qui se trouver de l'autre côté du comptoir, mon coeur vacilla.

-...

J'avais reconnu sa voix, m'avançant doucement d'elle sans paraitre brusque ou menaçant, en gardant le silence. Lorsque je fus assez proche, je tendis mon bras vers elle sans faire attention à la discussion qu'elle avait avec ma semblable, approchant ma main tremblante de ses mèches qui n'avaient jamais été aussi belles qu'auprès de ce fameux soir près du feu. Je m'arrêtais avant de les toucher, tant je le fus en cet instant, mon visage s'assombrissant par tout ce que j'avais contenu au fond de moi.

Une douleur liée à un bonheur qu'elle m'avait retirée en partant,ne sachant comment faire face à ce qu'il se passait. J' eus l'impression un bref instant, que je n'étais pas dans la réalité. Celle-ci me rattrapa quand le ciel au-dessus de nous gronda pour me réveiller,relevant mon regard vers celle qui était encore de dos. J'avais tellement pensé à essayer de la retrouver que je n'avais pas réfléchi à quel seraient mes premiers mots, mes premiers gestes lorsque tout cela aurait pris fin.

Quand je vis la bière à l'emplacement libre à côté d'elle,j'eus l'impression qu'elle avait été servi pour moi, m'approchant du tabouret afin d'y prendre place à défaut d'être capable de la prendre dans mes bras. Je n'osais la regarder, écartant cette boisson du revers de ma main en regardant la drakyn, après un moment d'absence:

-Bonjour.Vous pouvez récupérer ceci. Je ne tiens pas à boire le moindre alcool.

Tout ceci rimait à rien. Pourquoi m'aurait elle commandé ça alors qu'elle savait que je ne buvais pas ? Comment je comptais lui faire parvenir tout ce que je ressentais et lui faire comprendre que je ne voulais plus que l'on soit séparée, même si elle avait peur de me blesser ? Le chaos,l'urgence de lui dire tous ces mots me fit perdre le contrôle,me tournant vers elle pour enlever son cigare de ses lèvres pour que je puisse l'embrasser sans détour. Sans vérifier non plus si c'était Ersa ou la louve qui était en face de moi. Quand je m'en aperçus en voyant la couleur de ses yeux, je me reculais soudainement en la lâchant,lui disant désorienté:

-Excuse moi, je croyais que c'était Ersa qui avait ....pris place Puis j'ajoutais avec sincèrité:-Je suis si heureux que tu ailles bien...

Message 2

Encore une fois, elle était réduite à être n'importe quelle naine. Nora en avait presque marre de cette taille réduite. Elle préférait définitivement n'être qu'une rouquine parmi d'autres.

- Je ne suis qu'une voyageuse un peu perdue. Et non, je ne connais pas la famille d'ici. On va dire que le nom de l'auberge aura éveillé ma faim.

Le sourire de la louve fendait son visage.

- Je peux connaître tous les nains si cela m'offre une bière. Et puis tous les Drakyns de la république se connaissent, j'imagine.

La Drakyn lui confirma que tout reprenait son cours, même si cette question était plus pour savoir où elle mettait les pieds que par empathie avec les gens de la ville. Peut-être aussi pour savoir si elle avait une chance de trouver celui qu'elle cherchait.

- Il parait pourtant que l'eau est source de vie.

La louve ricana et regarde la jeune femme se pencher. Deux femmes, deux races, et pourtant deux rousses au regard d'or. Nora nota par contre l'absence de corruption dans ce coin du monde.

- Je n'irais pas jusqu'à dire que vous avez de la chance, mais cela aurait put être pire.

La naine avait commencé à savourer son tabac. Pendant que l'autre rousse avait l'air au bout de sa vie. Mais le nom que Nora balança eu l'air de la réveiller. Nora explosa de rire au surnom du Drakyn, réduit à être un simpe lézard apprivoisé. Elle but une gorgée de sa bière. Reposant le cigare aux coins de ses lèvres.

- Je n'aurais pas pensé à l'appelé comme ça. Même si notre première rencontre a eu lieu sur une plage, et a fini à l'eau.

Elle tira sur son cigare, son sourire sauvage sur les lèvres et son regard soutenant celui de la demi-dragonne.

- Je veux juste lui parler. Je ne sais pas s'il me considère encore comme une amie. Enfin, en espérant qu'il soit toujours entier, car il a l'air de toujours se mettre dans des situations pas possibles. Si ça se trouve, des marins l'on embarquer sur le bateau pour se guider ton Tokage.

Elle souffla un long filet de fumée par le nez, peut être pour faire le dragon face à une de leur descendante. Repensant a leur rencontre, au bateau qui avait emmené Kieran loin des iles paradisiaques, et elle ne put que sourire en imaginant tout de suite un autre visage du limier. Sans que le reste de l'aventure ne lui fassent perdre son sourire.

- Au pire, pas besoin de faire le filtre. Passe-lui juste un message. Dit lui que Nora veut lui parler de la hyène.

Kieran devrait comprendre ce qui tracassait la louve, même si cela n'était pas vraiment la vérité, mais il ne connaissait pas son problème de mémoire, ni son souci de double personnalité. En vrai, qui le savait Alaric, Qwellaana, Myriem, Kirarin. Est-ce qu'il y en avait beaucoup d'autres ? Et pendant qu'elle réfléchissait, la voix de la chasseuse résonna dans sa tête. Parfois elle maudissait leurs esprit d'avoir développer ce don, n'offrant plus de limite a leur chamaillerie.

(T'es encore en train de le chercher ?

- Non, de le trouver. Je suis sûr qu'il est lié d'une façon ou d'une autre à ce qu'il te manque. Des souvenirs ne sont pas nets avec lui.

- Mouais. Tu veux encore les bras d'un Drakyn. T'as qu'à essayer avec la rousse tiens.

- Pas bête. Le regard de Nora se porta sur Vanay. Mais je te rappelle qu'on n'est pas ici pour juste boire un coup.)

Ersa restait tapis dans un coin de la pièce surveillant autant sa jumelle que la porte. Un instant, elle hésita à bander son arc. Mais abandonna l'idée. Ses mains tapotaient les manches de ses dagues.

Au bout de quelques instants, la porte grinça, le plancher aussi. Annonçant l'arrivée de celui qu'elles attendaient. Encore un Drakyn, si leur destin n'était pas lié à cette race, il avait un sacré sens de l'humour.

(Tiens, c'est encore un Drakyn. Peut-être que tu devrais tenter ta chance.)

La chasseuse surveilla le nouvel arrivant, s'approchant en même temps que lui, toujours sous couvert de son invisibilité. Sortant sa lame du fourreau quand il tendit son bras. Aucun de ses gestes ne trahissait de l'agressivité. C'était même l'inverse, le genre que l'on faisait pour attraper une illusion. Elle lui laissa le bénéfice du doute. Elle eut l'impression d'avoir eu raison.

Il s'installa à côte de sa jumelle, et elle resta juste derrière lui, prête à lui sauter dessus. Mais il resta silencieux, enfin un temps. Ses premiers mots furent pour l'autre écailleuse. Poussant la bière, ce qui étonna assez Nora. Une bière gratuite refusée.

Mais la louve n'était pas au bout des surprises, l'homme lui ôta le cigare des lèvres et avant qu'elle puissent les ouvrir pour se plaindre, il les scella avec les siennes. Le baiser d'un inconnu, un baiser qui transmettait bien plus qu'une simple envie charnelle, quelque chose qu'au final, même Kieran ne lui avait pas donné. Elle lui avait répondu, très léger, emporté parce que transmettait l'homme. Sans comprendre au final. Puis, comme un amant pris sur le fait, il coupa court, se reculant et la laissant ainsi. Elle attrapa sa choppe, hésitante à boire une nouvelle gorgée, voulant garder un peu le goût de ce baiser. Mais elle en but une, essuya le dépôt de mousse, gardant un léger sourire

- C'est une façon de dire bonjour chez les Drakyn ? C'est plutôt agréable, ça change.

Et ses yeux s'écarquillèrent en réalisant un détail. Il savait qu'elle n'était pas Ersa, ne savait pas que c'était Nora. C'était étrange. Ça, elle était sûre, personne ne le savait. Un autre test de l'empire ? Autre chose ? Ses traits se durcirent.

- Qui es-tu ? Que sais-tu sur cette Ersa ? Elle n'est p...

(laisse tomber.)

Le tabouret à la droite du Drakyn s'approcha du comptoir. Un tintement métallique se fit entendre. En premier lieu, la dague apparut posée sur le bois du comptoir. Puis c'est Ersa toute entière qui apparut sur le tabouret vêtue comme sa jumelle, en fait, tout ce qui les trahissaient étaient leur différence de coiffure, Ersa les aillant gardés court. Leurs yeux, l'émeraude pour la chasseuse, l'Or pour la louve.

Lui ne le savait pas, mais savait qu'elles étaient deux.

Ersa se pencha pour attraper la bière qu'il avait repoussé, ne lui jetant pas un regard. Elle attrapa le cigare qu'il tenait toujours et tira dessus. La fumée s'échappa de son nez. LA chasseuse lança d'une voix dure, légèrement moduler par le reste de fumée qui s'échappait de ses lèvres.

- D'une, je déteste être suivi. Mais maintenant, que tu es là, vas-y. Qui es-tu et que me veux tu ?

Elle but une gorgée, ses émeraudes toujours posées sur les rangées de bouteilles du fond. Il se retrouvait encadré par deux naines qui se ressemblaient, mais en même temps, complètement différent.

(Soit pas trop dure. Il embrasse vraiment bien.)

Un large sourire s’invite sur mon visage en voyant la petite rousse éclater de rire devant le surnom que je donne à ce géant bleu. J’aime bien ce sobriquet, ça a le mérite d’adoucir ses traits et de faire passer plus facilement son allure imposante et son air sérieux… Surtout auprès des personnes qui n’ont pas l’habitude de rencontrer des Drakyns.

- Disons simplement que ça lui colle bien à la peau.

Je pouffe de rire en écoutant la naine et en imaginant Kieran, captif, servant de boussole en mer, attaché au sommet d’un mât de bateau. Je ne suis même pas sûre que le mât tiendrait, vu son poids. Courageux ou fou est celui qui aurait envie de mettre ce Drakyn de mauvaise humeur.

- Le Tokage comme boussole, je veux bien voir ça.

Je finis par m’affaisser une nouvelle fois, continuant de rire, la tête posée sur mes bras croisés.

- Ne t’en fais pas, si un jour je le recroise, je passerai le message.

Et comme les astres ont un sacré sens de l’humour, la porte de l’auberge finit par s’ouvrir d’un coup, laissant apparaître la carrure imposante d’un Drakyn qui, non aidé par l’orage, jette un froid dans toute la salle principale de l’auberge. Regards, têtes tournées, murmures… Tout le monde, ou presque, se tourne vers le géant cornu. Mes yeux roulent ; depuis le temps que je travaille dans cet établissement, je suis toujours étonnée de voir à quel point un rien peut chambouler une ambiance.

Je finis par me redresser et afficher l’un des plus beaux sourires que je puisse faire dans ce genre de situation, saluant de la main cet inconnu, bien obligée de faire mine de le connaître pour calmer la nervosité ambiante.

- Ravie de revoir ta bouille, le Champa ! T’as fait forte impression, mon grand ! Maintenant, dépêche-toi de prendre une place, tu fais peur aux clients !

Un lapin blanc avec une corne… ça semble correspondre, non ? Dans tous les cas, l’accueillir de cette manière me permet au moins de radoucir un peu l’ambiance et de détendre la clientèle déjà présente, à défaut de la rendre plus joviale.

Il finit par s’installer au comptoir, à la place où cette chope l’attendait patiemment, me confirmant par la même occasion qu’il était bien l’invité de cette demi-portion rousse. Chope qu’il repoussera dans ma direction.

- Pas besoin de me le dire deux fois !

Pendant que l’un se précipite pour embrasser l’autre, ma main se fait voler la chope par la copie, presque conforme, de la demi-portion, ce qui me fait hausser un sourcil et pencher légèrement la tête.

- Ils sont rares, les gens qui arrivent sous mon nez sans que je m’en aperçoive, la naine.

Posant mes coudes sur le comptoir et ma tête sur mes mains jointes, j’observe tour à tour les trois compères que j’ai en face de moi, un léger sourire amical, presque taquin, sur le visage.

- Et si vous me disiez ce qu’une équipe aussi... hétéroclite que vous trois fait dans une auberge aussi humble que celle-ci ?

Mon regard finit par se planter dans celui du Drakyn, et mon sourire s’élargit avant que je ne finisse par rire en imaginant comment une si petite race pourrait faire quoi que ce soit avec un Drakyn.

- En tout cas, ce que je comprends, c’est qu’au moins deux des trois sont intimes. À moins que ce ne soit une manière bien particulière de se saluer dans ta famille, mon grand ?

Je finis par me redresser de toute ma petite hauteur de femme dragonne.

- Enchanté, moi c’est Vanay et vous trois ?

La louve - à défaut de connaitre son prénom- Ne m'avait ni repousser ni eut la moindre réaction violente à mon encontre alors que je l'avais embrassé en transmettant ce que le temps ne serait jamais parvenu à atténuer. Elle parut seulement surprise,le rendant simplement, sans que cet échange transmette l'harmonie qui nous unissait il y a de nombreuses lunes de ça. En même temps, il était adressé à Ersa non? Mais j'eus un drôle de sentiment, comme si quelque chose me gêné dans cette pensée que je préférais abandonner,ayant déjà du mal à croire qu'elle se trouvait là,à mes côtés.

Cherchant d'abord à porter sa boisson à sa bouche qu'elle tenait toujours dans sa main, je la regardais, constatant qu'elle avait repris à boire tout en essayant de plaisanter sur ma façon de la ''saluer''. Je ne comprenais tout bonnement pas pourquoi elle disait cela,car nous étions en couple. Ni qu'elle s'adresse à moi en parlant de ma race. La même que celle qui était derrière le comptoir d'ailleurs.Ses écailles étaient bien plus visibles que les miennes par leur jolie teinte vives, autant que cette sensation blessante. Celle liée à cette distance que je ressentais entre l'ancienne gardienne et moi.

Je gardais le silence, ne pensant pas qu'il était important que je m'attarde dessus, contrairement à ce qu'elle dit avec un drôle d'air. Celui de la méfiance. Je me demandais à quoi elle jouait, pourquoi elle me traitait comme un inconnu qui l'importunait en prononçant son nom. Elle ne finit pas sa phrase et le bruit du tabouret me fit tourner la tête. Il avait bougé, ensuite une petite dague se matérialisa sur le comptoir et enfn ,Ersa elle-même.

Je les regardais tour à tour, en grattant l'une de mes cornes, pensant sur le coup que la fatigue m'avait joué un tour. Pas le meilleur. Je pus apercevoir ces émeraudes qui m'avaient tant manqué sans pouvoir m'y accrocher, la bière qui m'était offerte à la base ayant eu cette chance de les contempler. De les refléter, me donnant l'étrange sensation que je n'étais pas le bienvenu, la laissant prendre le cigare sans parvenir à capter son regard qu'elle refusait de poser sur moi,tandis que les volutes de fumée s'échappant de ses lèvres qui me traitaient en étranger:

-Je n'ai fait qu'honorer cette promesse que tu m'as demandé de faire Ersa et je ne comprends pas à quoi tu joues là.

La fatigue parlait un peu, la tristesse de ne toujours pas pouvoir la prendre dans mes bras aussi. Mes cyans se détournèrent vers la drakyn qui nous avait écouté en marquant un peu son étonnement quant à la discrétion de celle qui avait voulu bien daigner à nous rejoindre. Elle nous avez posé une question concernant ce lien qui nous unissait, me fixant ensuite pour en nous faire part de sa vision sur ce qu'il se passait entre nous trois, avec une certaine familiarité. Elle l'avait été aussi quand j'étais entré maintenant que j'y pensais,réfléchissant un bref instant avant de reprendre calmement :

-En effet,vous avez bien deviné. Nous ne sommes pas inconnus comme pourraient laisser croire ces deux jeunes femmes. Je regardais ma semblable de petite taille se lever en se présentant. Je décidais de faire de même en inclinant légèrement ma tête pour présenter des excuses et les raisons qui m'avaient mené ici:-Ravi de vous rencontrer Vanay. Veuillez me pardonner pour mon entrée quelque peu ...déplaisante pour votre clientèle. Je peux me montrer parfois un peu rustre quand je suis préoccupé. Cela faisait un moment que j'étais à leur recherche. Un sourire à peine perceptible se dessina sur mon visage fatigué en me remémorant du surnom qu'elle m'avait donné sans que cela ne m'ait offusqué :-Le champa devant vous se nomme Arkanon. J'ébouriffais mes cheveux trempés pour évacuer un peu des gouttelettes,ces tensions que j'avais accumulé pour retrouver ma gardienne qui ne l'était plus ,reprenant:-Vous auriez pu trouver une créature avec deux cornes. Plaisantais-je,disant ensuite avec une certaine tristesse que je préférais éviter de partager en agrandissant mon sourire :-Il me semble surtout que c'est la façon que l'on salue sa bien-aimée.Non ?Je regardais Ersa avec insistance, la questionnant par cet échange de regards sur les raisons qui la poussait à dire le contraire.Je fis pivoter ma tête vers la louve,ne les ayants jamais vus séparés ainsi:- Écoutez, je ne sais pas ce qui se passe ni pourquoi vous vous comportez comme ça avec moi mais, sachez que je ne vous laisserai pas tomber et que je suis prêt à vous aider même si...Je regardais celle avec les orbes rappelant la jungle, pas seulement qu'en peinture:-Tu as peur de me faire du mal.

Puisqu'elles ne semblaient pas me fuir, pour le moment du moins, je me disais qu'il vaudrait mieux que je mange,ne me rappelant plus à quel moment je l'avais fait. Entrainé par l'enthousiasme, le bonheur d'avoir enfin trouvé une piste concrète, j'avais négligé mon repos et le reste. Je sortis des pièces, trop même mais je n'avais que faire de la somme en ce moment même, continuant à éparpiller des perles venues du ciel au moindre de mes geste, complétement trempé:

-Pourriez-vous me servir de l'eau et quelque chose à manger s'il vous plait Vanay? Bien sur,pour elles aussi si elles le souhaitent.

Message 3

La Drakyn restait dans le jeu, imaginant Kieran comme simple outil de navigation. C'était assez drôle, il devait y avoir des outils plus simples d'utilisation. Mais cet instant de légèreté fut interrompu par l'arrivé du nouveau venu. Au final un autre Drakyn, un nouveau pic entre sœurs. Ils semblent se connaître avant cette surprise. Cette salutation à lui.

La serveuse s'étonne quand la bière lui échappe. Et Ersa répondit d'un ton beaucoup plus las que celui de Nora.

- Tu n'as peut-être pas l'habitude de regarder aussi bas.

La naine avait demandé la raison au champa qu'il l'avait poussé à l'embrasser. Il avança une promesse qu'elle ne se souvenait plus. Ersa laissait son regard sur la bière, essayant de se plonger dans ses souvenirs. Comme à chaque fois qu'elle cherchait un peu trop loin, une légère douleur se faisait sentir dans sa tête. Elle arrêta assez vite, se disant qu'elle n'aurait pas pu oublier.

- En quoi est ce un jeu de vouloir savoir pourquoi tu me suis ?

- Et, elle ne sait pas jouer.

Les jumelles burent une gorgée et le cigare repassa dans les mains de Nora. La dragonne fit preuve de curiosité, autant cela renfrogna Ersa, autant Nora voulut participer à la discussion. Le blanc affirma à nouveau qu'ils se connaissaient, sans que cela ne réveille quoi que ce soit.

Si, un détail. Sa voix, elle ressemblait à celle qu'elle avait entendue le jour de ce cauchemar. Avec celle de l'autre Drakyn. Les deux voix qui l'avaient empêché de succomber à l'engeance.

Ersa buvait une nouvelle gorgée, quand il se présenta. Ces quelques syllabes réveillèrent quelque chose en elle. Un mal de crâne. Elle posa son verre brusquement, posant ses mains sur ses tempes en grimaçant. Elle se repris assez rapidement, mais tourna enfin la tête pour le détailler. Penchant sa tête, en répétant ses mots tous bas.

- Bien-aimée ?...

Cela devenait bizarre, il avouait l'avoir survit longtemps, qu'elle était sa bien-aimée. Mais rien de tout ça ne lui disait quelque chose, même d'avoir eu quelqu'un dans sa vie à part cette elfe qui n'avait fait qu'un bref passage. Elle qui avait été si seule, comment pourrait elle oublié quelque chose dans ce genre. Elle retourna se concentrer sur sa bière. Essayant de se rappeler cette période de sa vie.

- En quoi aurais-je peur de te faire du mal ? Alors que rien de ce que tu avances ne me dit quelque chose, que malgré ce que tu dis, je ne te connais pas.

Il n'y avait aucune agressivité dans ses mots, juste des paroles lancées par une personne lassées de sa propre vie.

La louve souffla un long nuage de fumée.

- Ma sœur est parfois désagréable. Souvent en fait.

Le sourire de Nora s'agrandissait à chaque instant pendant que sa jumelle la foudroyé du regard.

- Pour répondre à la question. Moi, c'est Nora, pendant que la désagréable, c'est Ersa. On ne crachera pas sur un truc à manger. Surtout offert par un be... (Ta gueule!).

Ersa frappa du poing sur le comptoir pour faire taire la louve, serrant la mâchoire à cause de la douleur dans sa tête. Rehaussée par la pensée de la louve. Elle but une gorgée en fermant les yeux, avant de les poser sur le Drakyn.

- Nora, tout n'est pas un putain de jeu. J'imagine que te demander ce que je suis réellement, enfin ce qu'elle est inutile si tu me cherches de puis si longtemps.

Ersa désigna la jumelle du menton. Personne ne savait qui était réellement Nora. Seul Alaric, lui seul savait que Nora n'était pas sa sœur, mais Arkanon avait vu la différence entre elles.

- Ce n'est pas un jeu, mais la Kot- Kot pose mieux les questions. Au moins, elle as des réponses.

Ersa reprit le cigare, tira une bouffée. Elle voyait qu'elle blessait cet inconnu, mais ce n'était qu'un inconnu, au mieux. Au pire, un pervers qui la suivait depuis longtemps. Mais étrangement, cela la touchait plus que cela n'aurait due. Depuis un moment, sa vie n'était que successions de cauchemars, de ce sentiment d'être perdue, une inconnue envers elle-même. Elle posa les coudes sur le comptoir et le front sur les mains.

- Nora, je t'emmerde.

- Je sais. Mais y a un truc qui cloche dans ce qu'il dit. (Et j'essaie de ne plus frapper sans raison, être civilisé quoi.)

La louve bat une gorgée avant de reprendre. Nora n'était qu'une jeune curieuse qui voulait savoir ce que leur trouvait ce Drakyn. Ersa essayait de démêler ce qui la tiraillé, prise entre l'envie de savoir ce qui les liaient et de disparaître sous la pluie. Nora se figea en reconnaissant un détail. Elle avait aperçu un bout de l'encre qui ornait l'arrière de son oreille.

- Qu'est-ce que le berceau nous veut ? Nous humilier et nous chasser ne leur ont pas suffit.?

C'était peut-être ça ce lien qui leur échappait. Dans cette prison qui lui avait tout retiré. À ses mots, le mal de crâne d'Ersa s'amplifia. Repenser à cette période, à la période qui était floue chez elle, la faisait souffrir. La fumée continuait de s'envoler, comme si elle essayait que ce soit sa douleur qui s'envole lentement.

Si l’orage grondait toujours à l’extérieur et continuait à déverser des litres d’eau sur la ville, l’ambiance dans la taverne avait au moins le mérite d’avoir retrouvé un semblant de normalité, même si la présence du cornu ne laissait pas la clientèle totalement indifférente.

- Rustre… C’est peu de le dire, tu ferais presque concurrence à ma petite Molly.

Je souris et finis par essuyer les quelques gouttelettes que le grand cornu avait fait tomber sur mon comptoir en s’emmêlant les cheveux avant de reprendre en riant doucement, tout en pointant du nez les ivoires de son crâne.

- Tu sais, les autres bestioles que je connais et qui possèdent deux cornes ne sont pas connues pour être bienveillantes. Donc, si je ne veux pas faire fuir la clientèle de l’auberge, j’ai tout intérêt à te donner un surnom un peu ridicule.

Sans compter la réputation de brute épaisse qui nous colle à la peau, ce qui fait reculer presque immédiatement d’au moins un pas ceux qui nous croisent et qui n’ont pas l’habitude de nous côtoyer. Sur ce point-là, j’ai la chance d’être la naine de cette race et de ne pas ressembler à une armoire en bois massif, contrairement à beaucoup d’entre nous. Plutôt utile quand on travaille dans une auberge.

- Et puis, estime-toi heureux, c’est plutôt mignon comme animal, un Champa.

Cherchant du regard où se trouve Abby, la serveuse naine, j’écoute les jumelles se chamailler avant d’interpeller ma collègue d’un signe de la main et de lui indiquer, toujours de la main, la quantité de ce qu’elle doit m’apporter.

- Abby ! Trois plats de charcuterie, s'il te plaît !

- Ça marche, la grosse !

- La grosse ?!

Je fronce le nez et relève la tête, vexée autant par la pique de la serveuse que par le surnom que m’a donné l’une des jumelles. Je tourne alors ma tête dans sa direction.

- La Kot-Kot ?!

Mon regard finit par se poser sur le Drakyn, toujours aussi outrée par le surnom que je viens de recevoir.

- Et tu sors avec des gens qui nous comparent à de la volaille ?! Tu parles d’un goût !

Je finis par plonger mes mains sous le bar, en sortir un verre et une bouteille de cognac, avant de la déboucher et verse le liquide sous les yeux de la jumelle Ersa et de lui adresser un petit sourire amical avant de reprendre ma conversation.

- T’es peut-être de mauvaise humeur, mais tu es au moins plus polie que ta sœur ! Pour la peine, je t’offre ce verre.

Et avant même que Nora ne puisse lâcher un commentaire, je la regarde du coin de l’œil, reprenant ma moue vexée.

- Et ne t’avise pas d’y toucher ou je te cuis surplace ! Saleté !

Soufflant du nez, je fais un pas en arrière, me redresse et croise les bras sur ma poitrine. L’orage bat toujours son plein, et plus le temps passe, plus l’ambiance de l’auberge revient à la normale, les clients finissant par oublier l’arrivée en fanfare du cornu devant moi. Je scrute un peu autour de moi et remarque l’arrivée de la mini-serveuse qui m’apporte les assiettes de charcuterie et un pichet d’eau, que je dépose sous le nez de mes clients.

- Bon, si je récapitule un peu toute cette histoire : Ersa, tu es venue en République pour retrouver Kieran, à qui je veillerai à transmettre ton message si je le croise.

Je me redresse une nouvelle fois et croise de nouveau les bras sur ma poitrine, les observant tour à tour.

- Ensuite, Arkanon, tu cherchais ta bien-aimée, mais tu te trompes de cible quand tu embrasses ce qui, entre nous, n’est franchement pas très malin. Et pour finir, Nora, tu es, si j’ai bien compris, la fameuse bien-aimée, mais pas très ravie de la situation, vu la tête que tu fais.

Je finis par hausser un sourcil, en penchant la tête sur le côté, et viens poser mes poings sur les hanches.

- Et dans ce joyeux bordel, il y a le berceau qui vous concerne tous les trois ? J’ai tout bon ? Eh bien, si j’avais su que le Reike me collerait autant à la peau… j’aurais pris ma journée et serais partie plus loin.

À ce niveau, le monde n’est pas simplement petit… il a juste décidé de me rappeler continuellement mes origines.

-Je vous l'accorde, c'est plutôt un bon compromis de m'avoir appelé ainsi. Comprenez qu'il faut bien que je marque mon mécontentement,c'est un animal en bas de la chaine alimentaire tout de même.

Dis-je avec un léger sourire à la dragonne qui avait plutôt bien défendu son point de vue, ne pensant pas qu'une autre créature aurait pu mieux convenir en réalité, me demandant qui pouvais être cette fameuse Molly. Je jetais un regard dans la salle, sans vraiment chercher puis je revins sur Ersa qui n'en démordait pas, me demandant pourquoi elle prendrait cela comme un jeu alors qu'elle ne comprenait pas pourquoi je la suivais. Mes cyans se posèrent sur la louve, que je voyais sous un nouveau jour, gardant un certain humour dont je doutais qu'il ait la place ici.

Chose que lui reprocha l'ancienne gardienne après avoir repris mes mots concernant notre lien, qu'elle me montre son incompréhension sur le fait qu'elle aurait pu avoir peur de me faire du mal. Sa soeur se présenta ensuite sous le nom de Nora en débutant une phrase qu'elle ne put finir à cause de l'intervention de celle au regard d'émeraude. Je les regardais tour à tour, incrédule par ce que venais de commenter la louve, par ce bruit soudain qui mit un blanc tout en montrant qu'elle avait mal au crâne il semblerait.

Vanay nous commanda de quoi manger, recevant une réponse peu convenable, hormis si elle parlait de ses deux collines qui devaient attirer les regards. Abby était vraisemblablement jalouse des jolies formes de sa collégue ,que j'avais fini par fixer inconsciemment sans m'en rendre compte,reportant mon attention son expression outrée concernant le nouveau surnom que lui avait donné Nora. Je grattais l'arrière de l'une de mes cornes à son commentaire, lui disant avec un air désolé:

-Elle a tendance à donner des surnoms de fleur normalement.Je trouve que ça vous va bi...enfin,je veux dire que c'est pas étonnant d'elle.

Ersa me fixa,comprenant qu'elle n'était pas une inconnue pour moi et que cela ne servirait à rien qu'elle me questionne concernant leur nature. J'acquiesçais avec ma tête, perplexe qu'elle insinue toujours ne pas me connaitre, ayant l'étrange sensation qu'il y avait une part de vérité. Un sentiment si dérangeant que je le refusais, car cela voudrait dire que rien nous rattachés. Que rien ne s'était passé aussi.

J'écoutais ensuite en silence les soeurs qui débattaient, Nora trouvant que cette histoire était bizarre et elle avait raison,ne préférant pas les couper pendant qu'elles exposaient leur drôle de penser. Un détail fit réagir celle aux yeux dorés, décrivant ce tatouage qu'elle possédait autrefois. Je posais mes mains sur ma tête, les coudes sur le comptoir, ne voyant pas où elle voulait en venir tout en me demandant ce que je leur voulais à toutes les deux. La seule chose que je désirais, c'était de retrouver cet amour, qu'elles me refusaient avec des paroles insensées.

J'étais perdu, éreinté car trop de choses m'échappaient là d'un seul coup. Heureusement, Vanay fit un topo la situation, en énonçant le prénom d'un Drakyn que j'avais rencontré il y a des années de cela. Un ami que j'avais cru avoir perdu et qui soudain,ne l'était plus. J'avais relevé ma tête,surpris, ne la coupant cependant pas dans son élan, me demandant ce que leur voulaient les jumelles, une pointe de tristesse enserrant mon coeur. Car elles n'avaient pas voulu me retrouver contrairement au dragon bleu si c'était bien celui que je pensais.

Je ne savais pas la nature de leur relation mais plus Vanay expliqua la situation en s'emmêlant les pinceaux au niveau des noms, plus mon visage s'assombrissait. Elle avait appuyé sans le vouloir sur ce qui faisait mal, mis en évidence qu'une nouvelle fois, je ne comptais pas dans ce tableau ,comme ces portraits de famille ou je n'y étais jamais représenté alors que désormais, j'étais le seul Ikhilisho debout. Le seul à penser aussi que toute cette mauvaise fois des jumelles cachait une autre réalité.

-Je ne suis pas venu en gardien du Berceau,juste en tant que drakyn.

Lançais je de façon détaché, car c'est ce qu'elles me faisaient comprendre, que j'étais un simple écailleux à leurs yeux. En pensant à celui que j'étais persuadé d'avoir perdu, n'ayant trouvé que des débris, des cratères enflammés là où il vivait normalement, je soupirais. Il avait été une si grande perte qui cela me paraissait irréelle de pouvoir revoir un jour. Je pris une longue inspiration, désirant tirer les choses au clair:

- Kieran Ryven est en vie... tu le cherchais.Dis-je avec un sourire triste, si heureux d'apprendre qu'il était en vie, alors que durant tout ce temps, j'avais fleuri l'endroit où nous nous étions si souvent entrainés ensemble. Il était le genre de personne qui marquait à jamais,qu'il était impossible à effacer qu'importe la peine qui ne suivrait plus ces souvenirs désormais.Lasse de me voiler la face,je continuais. -Tu m'as donc quitté pour aller avec lui. Plutot que me le dire en face, tu as préféré partir pour me protéger soi-disant puis là maintenant, tu fais semblant de ne pas me connaitre en espérant que je vais te croire...c'est bien ça Ersa? Nora?

Je les regardais, me sentant tellement mal, pas à ma place. Je soulevais sous mon armure le pendentif qu'elle m'avait offert avant de partir,ne comprenant pas pourquoi elle me l'aurait donné si tout ce que j'avais dit était vrai. Je le regardais, lui qui m'avait accompagné sur tous ces chemins où j'avais eu l'espoir de la retrouver.Mais pas de cette façon, pas en devenant celui qui serait laissé de côté pour être oublié. Une fois de plus, je ressentis ma médiocrité me peser, une certaine colère émergeait.

Message 4

Les jumelles s'embrouillaient, se chamaillaient, prenant la vie à leur façon. Ersa trop sérieuse, Nora surement pas assez. Elle n'avait pas réagi à cet adjectif, rustre, parfois cela lui allait bien. Surtout en ce jour où rien n'allait. Ersa qui c'était fait embarquer dans une histoire par sa sœur. Cet étranger qui la suivait et tout ceci n'était que le début.

La drakyns réagit à son nouveau surnom, ne l'appréciant guère et pris à partie, c'est l'autre géant qui répondit avec une soit disant habitude qu'avait la naine. La Kokot servit un verre à Ersa et menaça la louve de ne pas y toucher. Ce qui fit rire la rousse.

- J'aurais pas pu tomber mieux alors. Rouge qui crache des flammes, colérique, et draconique. Parfait non ?

Et au final, la tavernière voulut récapituler la situation en s'emmêlant complètement. Ersa regardait le verre de liqueur, préférant boire sa bière pour le moment. Elle ne desserra pas la mâchoire. Devant cette situation qui était de pire en pire. Le gardien annonça être là pour des raisons personnelles. Est-ce que c'était rassurant ? Pas vraiment.

- Je ne comprends rien.

Il fut étonné que Kieran soit en vie, mais tous les drakyns se connaissait en fait. Ersa remarqua la souffrance d'Arkanon, et cela sera légèrement son cœur. Cela n'aurait pas dû la toucher. Elle ne le connaissait pas, enfin, elle le pensait, mais lui la connaissait et il souffrait de l'aimer.

Elle ne comprenait pas, comment aurait, elle put oublier ?

Ersa se redressa en même temps que Nora, mais c'est Ersa qui explosa finalement.

- Mais Merde !! Tout ce que j'ai à voir dans cette putain d'histoire, c'est de l'accompagner dans sa quête a la con qui ne mènera nulle part.

La chasseuse s'était vite concentré sur son verre pour essayer de retrouver un semblant de calme.

- C'est elle qui a... Enfin qui cherche Kieran.

- Et je veux juste voir éclaircir un detail, remettre l'histoire en place. Il n'y a rien.

Ersa soupira et repris d'un air plus là.

- Je ne cours après personne, je n'ai personne... Je crois... Je ne sais plus en fait, je ne sais pas ce qu'il m'ont retiré... Mais je n'ai plus le dr....

- Ersa ! L'hydre ! À trois têtes.

Les jumelles se crispèrent, entamèrent un mouvement de recul. Les yeux écarquillés d'Ersa tombèrent sur l'épaulière du géant. L'hydre à trois têtes qui la poursuivait dans ses cauchemars. Comment avait elle pu passer a côté, comme de sa carrure de grand chevalier à cornes, celui qu'elle avait vu avant de prendre un coup de hache pendant ce cauchemar qu'avait été le chant des ronces. Elle cligna des yeux plusieurs fois voyant le début de son geste, voyant le collier sortir du tissu, mais son crâne vrilla sous la douleur, prêt à imploser.

Sa main glissa sur le comptoir, mais ses doigts tremblant, laissèrent tomber l'arme dans un tintement particulier avant que ses paumes ne viennent presser ses tempes. Ses dents grinçaient sous la pression. Comme si elle allait se transformer. Mais c'était juste l'effet de la douleur.

- Où... As...-Tu... Eu... Ce collier ?

Les mots sortaient difficilement d'entre ses mâchoires raides.

- C'est sensé... Être un bijou... De famille.

Ersa attrapa son collier qui se cachait sous sa tunique. Celui qui l'avait toujours accompagné, enfin, elle croyait. Ses doigts tremblants prirent le bijou, le retirant de son cou pour le tendre vers celui du Drakyn. Étonnement, les deux vagues s'emboitèrent parfaitement, reformant un triangle parfait. Le I de la partie d'Ersa disparut dans l'assemblage. Ne laissant que trois lettres

E

A

I

Une dragonne au milieu de l'orage 8rig

Lien pour le rp du collier (Voir contenue de la bourse)

Le bijou se mit à vibrer, les larmes prisonnières du verre à s'illuminer, une de bleu, l'autre de rouge. Avant que chaque partie ne prenne vie. Un côté de feu, l'autre d'eau. Les yeux d'Ersa s'ouvrirent, tombant dans les cyans de ceux d'Arkanon. Peut-être verrait-il tout ce qui les traversaient à cette explosion de souvenir. De la joie. De la tristesse. De la honte. De la peur. Son index effleura la forme du Triangle. Énonçant chaque lettre à son passage.

- E rsa ... A rkanon... I khilosho.

Le regard de la chasseuse s'était embué, déversant ses larmes, ainsi qu'une traînée de sang de sa narine. Résultat de ce barrage psychologique qui venait de céder. La succession de souvenirs qui défilaient, la rencontre au camp, le baiser couper par Nora, la jungle, l'explosion de sentiment et de plaisir sous la pluie, c'est quelques semaines à passer ensemble, l'explosion de Nora dans son esprit. La lettre et ce collier. Sa fuite. Il y a bientôt deux ans.

Et il ne l'avait pas abandonné.

Elle retira la main comme si le bijou magique l'avait brulé. Puis sans crier gare, elle s'essuya le visage, étalant le sang qui coulé, frappa le comptoir, renversant son verre quasiment vide en y déposant quelque gouttes de son sang. Puis sauta de son tabouret. Nora n'avait pas bougé où presque. Son expression, c'était figé, laissant paraître la tristesse au lieu de sa fierté habituelle, traversé par la douleur de ce rappel de cette mauvaise période, maquillé de la même trainé rougeâtre.

- Je suis désolé... Je ne peux p...

La chasseuse s'enfuit par la porte de l'établissement. Nora, ressentant sa détresse, attrapa le bras d'Arkanon, le forçant à la regarder.

- Laisse-lui un peu de temps, s'il te plait, elle ne s'enfuira pas. Elle as juste besoin d'un peu de temps. Je vais t'expliquer pourquoi elle a réagi comme ça.

La louve prit une nouvelle gorgée de sa bière.

- Je ne sais pas par où commençait en fait. Elle as juste besoin d'accepter ce que j'ai fait, elle se rappel de toi. Maintenant. Quand elle c'est enfui après t'avoir laissé cette lettre, parce que je prenais trop de place. Et bah, peu de temps après. On a découvert que l'on pouvait se cloner. Je l'ai abandonné pour venir en République loin d'elle. Loin de toi, loin de vous.

La louve but une nouvelle gorgée de son verre. Le regard emplit d'une tristesse qui n'était pas totalement la sienne.

- Ce qui n'a pas marché, vu que quand elle est rentrée. Elle n'a pas pu venir te voir, qu'elle a été mutée, sa mémoire modifiée et... Vous deux, effacés

Elle avait tiré un cigare qu'elle alluma.

- Cela fait deux ans qu'elle se sent incomplète, sans savoir pourquoi, ni comment faire pour ne plus l'être.

Nora tira sur son cigare.

- Pendant ce temps, je courrais en République pour découvrir la vie. Ses joies, ses peines. Et dans ce périple, j'ai rencontré Kieran. Avant ce soir, j'étais persuadé qu'il était une pièce importante du puzzle pour nous, pour ce sentiment d'incomplet. Je me rends compte que je cherchais autre chose. Je m'en rends compte aujourd'hui. Je m'étais perdu dans une voie qui n'était pas la mienne, et il m'a aidé à en sortir. Je voulais aussi quelqu'un qui me regardait comme tu la regardais, comme tu m'as regardé la première fois, malgré ce que je t'avais fait.

Elle renifla avant de sourire tristement.

- Mais je ne suis pas Ersa, et Kieran n'est pas toi. Nous ne pouvions pas construire ce que je vous ai empêché de faire.

La louve soupira.

- Sa dépression m'a libéré, je l'ai détesté d'avoir été faible. Pour au final détruire tout ce qui aurait pu la rendre forte. Sans m'en rendre compte. Sans le vouloir. Et là, maintenant que l'on se souvient de tout. Elle doit le digérer.

D'un côté, la louve exprimait rapidement ce que ressentait Ersa. Elle qui n'avait pas de tri à faire. En vérité, elle n'avait qu'un an et demi de souvenirs réelle, et tout cela ne la concerné pas vraiment. La seule chose qui la concerné était le fait d'avoir détruit tout ce qu'Ersa avait fini par construire. Ce qu'elle avait voulu a la base, ce jour ou elle avait voulut la tuer.

Mais ce n'était plus le cas.

****

Ersa ne s'était pas enfuie bien loin. Elle était juste sortie de l'auberge, s'asseyant près de l'entrée, le dos contre le mur. Sous la pluie, comme si elle pouvait laver ce qu'elle avait fait, laver les remords qu'elle ressentait, et le fait d'avoir trahi celui qu'elle aimée, celui qui l'avait cherché pendant si longtemps. Comment pourrait-il lui pardonner, après l'avoir fait souffrir si longtemps et à ce moment ? Mais avait elle le droit d'espérer quelque chose après la promesse qu'elle avait faite a Nora ?

Une dragonne au milieu de l'orage 1v0o

D’un coup, l’ambiance entre les trois énergumènes devant moi était devenue explosive et déprimante, comme dans ces livres où tout se dévoile soudainement, permettant aux lecteurs et aux protagonistes de comprendre enfin le sens du mystère ou de la quête, selon les points de vue de chacun.

Je soupire longuement, rattrapant de justesse le verre qui passe à deux doigts de créer, lui aussi, une grande histoire d’amour avec le plancher de l’auberge et de se briser en morceau et de déverser tout son contenu sur le sol. À défaut, c’est le comptoir qui receuille le liquide ambré que je m’empresse d’essuyer avant que celui-ci ne s’étale trop. Je finis par m’adresser au Drakyn tout en continuant de nettoyer les quelques gouttes de sang provenant du nez de la naine, sortie de l’auberge pour aller je ne sais où.

- Si ça peut te rassurer, Kieran ne t’a sûrement pas donné signe de vie probablement à cause de son emploi du temps, qui doit être sacrément chargé. C’est un bon gars, et je doute qu’il t’ait lâchement ignorée ou jetée comme si tu étais un vieux mouchoir.

M’approchant de la naine restante et lui attrapant le menton, je viens essuyer le sang qui coule de son nez tout en continuant de parler au Drakyn.

- C’est plus probable qu’il n’ait simplement pas eu le temps de le faire. Si je le recroise, je peux lui dire que tu le cherches. Du moins, si tu le souhaites.

Je marque une pause, profitant de ce moment pour jeter un coup d’œil par la fenêtre donnant sur l’extérieur. Constatant, par la même occasion, que l’orage continue de déverser son eau froide sur toute la ville avant de reprendre, en plongeant mes pupilles d’ambre dans les saphirs du Drakyn.

- Contrairement à Ers… Nora ? Bref ! Contrairement à elle, je te conseillerais plutôt de la rejoindre et de la laisser parler sans la couper. Et si, au contraire, elle est silencieuse, assieds-toi à côté d’elle et ne dis rien. Sois simplement à l’écoute de ce qui lui pèse sur le cœur.

Je finis par faire signe à ma collègue qui tiens le service en salle lui indiquant de se diriger vers moi de la main.

- Si tu y vas, tu lui montreras au moins que tu lui donnes une chance de s’expliquer… et de partager son ressenti. Tu pourras ensuite lui confier le tien… au lieu de faire des suppositions.

Habituellement, j’aurais tendance à ajouter une couche pour que les romances qui se déroulent sous mes yeux tournent au vinaigre, que je puisse me régaler de voir les disputes de couple qui en découlent et en rire allégrement… Mais voir ce pauvre Drakyn aussi perdu me fait bien plus de peine que prévue.

Je soupire une nouvelle fois avant que ma petite Abby ne finisse par me rejoindre, ramassant au passage la lame qu’Ersa avait laissée derrière elle.

- Qu’est-ce que tu me veux encore, la grosse ? D’ailleurs, t’as perdu ça !

Je roule des yeux, ignorant sa pique, et lui réponds pendant que la naine dépose la lame sur le comptoirs et vient poser ses poings sur ses hanches.

- Tu peux m’apporter une serviette de bain ? Juste de quoi sécher des cheveux ?

- Et pourquoi je ferais ça ?

D’un ton relativement sec, je lui réponds en pointant l’escalier de pierre menant à l’étage.

- Pose pas de questions et bouge-toi le gras, la vachette !

- Très bien, t’énerve pas comme ça !

Je finis par me retourner, plongeant mon regard dans celui de Nora pendant que ma naine s’affaire à la tâche que je lui ai confiée.

- Quant à toi, tu ne devras pas interagir pour le moment. Avec ce que tu nous as déjà dévoilé, tu as fait assez de bêtises comme ça.

Je sors un verre du comptoir ainsi que la même bouteille de cognac que précédemment pour sa sœur jumelle.

- Tu auras toi aussi ton moment pour t’expliquer, mais pour l’instant, il va falloir patienter un peu.

Je finis par lui sourire tendrement avant de verser le liquide dans la verre et de le poser devant elle, dans un geste amicale.

-Autrement, est-ce que l’un de vous pourrait reprendre cette arme ? Ce n’est pas que je n’en veux pas, mais je n’en ai pas vraiment l’utilité.

Je dis cela en pointant la dague qu’Abby m’a rapportée. C’est surtout une tentative un peu maladroite de détendre l’atmosphère avec une pointe d’humour qui n’en est pas vraiment une.

D'abord, Ersa laissa éclater sa colère. En repoussant ma conclusion sans pour autant la nier complétement tandis que Nora, elle qui était véritablement concerné par ce drakyn, semblait avoir juste une affaire à régler. Cela ne m'avait en rien rassuré,les regardant prendre tour à tour la parole, confirmer qu'elles se rappelaient de rien et que quelqu'un ou quelque chose leur avait retiré ce qu'elles ne parvenaient à se remémorer.Avaient-elles dit la vérité quand elles avaient sous-entendu qu'elles ne se souvenaient pas de moi finalement?

Ce fut une pièce de mon armure qui éveilla l'intérêt louve, pour combler ce puzzle trop flou pour je le visualise contrairement à leur réaction. Celles que beaucoup avaient en me voyant, en sachant mon nom bien souvent suivi de ma réputation de maudit. Je n'avais pas besoin de demandé aux autres de me laisser passer car en général, ils réagissaient comme le faisaient les jumelles qui avaient l'air d'avoir vu un cauchemar à la place du drakyn qui se tenait devant elles.

Puis ce fut le pendentif qui déclencha une série de questions, de douleurs visible sur le visage d'Ersa qui se crispa,peinant à sortir ces quelques mots et l'autre moitié du collier qu'elle enleva de son cou. Un bijou que je n'avais vu qu'incomplet comme je l'étais. Elle se rapprocha de moi, pour les assembler, la laissant faire tout en me murant dans un silence que je n'arrivais à briser. Mes cyans fixèrent ces deux parties qui semblaient revivre une fois réunis, alors que je ressentais le contraire après avoir retrouvé l'ancienne gardienne.

Les lueurs s'animèrent, sans révéler ce que voulait dire ces lettres, captant le flot d'émotion qui traversa ces émeraudes qui ne me regardaient plus de façon neutre.Mais que se passait-il juste ? Je regardais son doigt me donner enfin une réponse, qui me fit mal à l'intérieur. Car cela m'avait touché, n'ayant jamais soupçonné que je c'étaient nos initiales. Une évidence que j'avais écarté inconsciemment,ne pensant pas assez compter pour elle après qu'elle m'ait laissé seul au Berceau.

Je regardais ces diamants rouler sur ses joues que je n'osais plus approcher de mes mains de peur d'être rejeté. J'aurais voulu les essuyer avec toutes ces incertitudes qui me traversaient . Elles qui ne faisaient que s'étaler à chaque fois qu'Ersa ou Nora parlaient, le visage de l'ancienne gardienne représentant ce fait. Elle se dirigea vers la porte en s'excusant, me rappelant encore et toujours ce qu'elle avait fait il y a presque deux années de cela.

J'allais me lever, de peur qu'elle ne parte définitivement mais Nora me retint,m'assurant qu'elle ne ferait rien de tel. Avant qu'elle poursuive, ce fut Vanay qui voulut me rassurer que Kieran ne m'avait certainement pas contacté car il n'avait pas eu le temps. Tout le monde savait qu'il fallait des années pour écrire trois lignes,lever son derrière d'écailleux et remettre une putain de lettre à un messager. Je n'avais pas osé regarder la drakyn qui avait voulu bien faire en me disant cela. Elle avait eu raison sur un point au moins:Il ne m'avait pas vu comme un déchet car il aurait eu la politesse de me jeter.Quand on n'était rien par contre, l'ignorance était la seule chose que l'on pouvait recueillir.

Je me rassis, prêt à entendre les explications que j'espérais pouvoir éclaircir et apaiser cet orage qui ne faisait pas qu'obscurcir le ciel. Ce fut en partie le cas, comprenant qu'elles avaient fini par se séparer grâce au clonage. Par leur différend qui les avait poussés à s'éloigner l'une de l'autre et pas seulement. Car en partant du Berceau, sa mémoire avait été effacé pour des raisons de sécurité je devinais.

Je m'étais contenté d'écouter,de tenter de me mettre à leur place,sans qu'un gout amer ne quitte mes lèvres restées closes. Elle buvait sa bière, fumait en me racontant rapidement ce moment qu'elle avait partagé avec Kieran, qui avait eu au moins le temps,d'après ce que j'avais compris, de s'occuper d'elle. Mais pas une seule fois il n'en avait pris pour cet Ikhilosho que tout le monde ne cessait décidément de fuir. Comme quoi, pour le peu de fois où j'avais cru compter pour quelqu'un,cette personne avait fini par me laisser tomber.

Nora finit par reposer toute la faute sur elle,sans que je ne me détache de l'idée qu'elle n'avait pas été l'unique fautive dans cette histoire. C'était plus complexe, écoutant les conseils de la drakyn me disant qu'il valait mieux que j'écoute ce qu'Ersa avait d'en tirer des conclusions hâtives. De toute manière,je n'arrivais pas à parler,ni à exprimer quoi que ce soit. Je restais spectateur de leurs interactions, m'arrêtant dès mon premier pas en direction de la porte quand j'entendis que Vanay voulut resservir un verre à Nora.

Je me tournais brusquement,pris le cigare que tenait Nora et l'enfonçais dans le cognac en regardant avec insistance Vanay. Pas pour lui faire peur, juste pour lui faire comprendre que je préférais autant qu'elle évite de faire boire Nora,car ce n'était pas le moment. Je devrais surement lui parler et si elle venait à être ivre, je n'en aurais pas la possibilité. Ce n'était pas comme si elle n'avait pas déjà eu des problèmes d'alcool auparavant. Je pris l'arme et me dirigeais à l'extérieur,la pluie n'ayant pas baissé en intensité. La douleur sous ma cage thoracique non plus.

Je fixais Ersa, sans faire attention à ce qui, il y a plus d'un ans, nous avait accompagné plus haut dans le ciel. Je m'assis, gardant une certaine distance entre l'ancienne gardienne et moi, mon regard se perdant devant ces lames d'eau qui faisaient bourdonner les toits, en frappant la boue tout en gorgeant l'air d'humidité. Mes yeux se plantèrent vers l'arme que je tenais entre mes mains, la faisant tourner lentement sans savoir quoi faire d'autre qu'attendre. Patienter et laisser Ersa s'exprimer à défaut de pouvoir le faire.

Message 5

Nora s'était livrée, en partie, et cela n'avait pas aidé. La Drakyn avait essayé de prendre la défense de Kieran. Et malgré tout, cela n'eut pas l'air d'aider Arkanon à comprendre, juste à se sentir rejeter, un peu plus. Pouvait-elle lui en vouloir. Elle le regarda se lever, commence à partir pendant que Vanay servait un verre à la louve. Elle était restée silencieuse jusqu'à ce que le géant revienne pour écraser le cigare. Nora ouvrit la bouche pour se plaindre, mais se stoppa.

- Ce n'est pas raisonnable. Arkanon à raison.

Nora le regarda partir, l'air triste. Elle avait l'impression de tout avoir fait foiré.

(- Il arrive pour te voir. Ne joue pas à la conne... Oublie cette promesse. Oublie la. On se débrouillera)

Elle avait fermé les yeux instants, se passant la manche sous le nez au cas où. Puis son regard se posa sur la Drakyn.

- Ersa à eut quelques problèmes avec l'alcool. Et je pense que nous retrouver dans une taverne à boire ne doit pas aider.

Elle récupéra sa bière la faisant tournoyer dans son verre.

- Je crois que ce sera mon seul verre aujourd'hui.

Elle regarda autour d'elle.

- Je ne sais pas s'il aura envie de m'écouter. Je ne lui pas fait bonne impression pour notre première fois. Enfin, ce n'est pas moi qu'il cherchait.

Son regard ne se lassait pas des vagues qui se dessinaient dans la fin de la boisson. Pendant un moment, elle se demandait si cela aurait changé quelque chose si elle n'avait pas autant agi sans réfléchir. Elle ne le saurait jamais.

*******

La pluie ne cessait de tomber, cela refroidissait son cœur, mais ne lavait pas son âme pour autant. Elle essayait de refaire cette année et demie. Maintenant, que toutes les pièces étaient en place, elle se dégoûtait. Pas seulement Nora. Mais comment avait elle put l'oublier, comment son corps qui se doutait du manège, avait il put essayer de passer à autre chose.

Maintenant, qu'elle se rappelait, elle aurait préféré oublier le reste.

Le message télépathique de sa sœur arriva. Accompagné du bruit de la porte et de l'orage. Elle était tressée jusqu'aux as, mais ne bougeait pas. Elle s'était attendues à entendre à nouveau sa voix, sa douleur celle qu'elle lui avait infligée. Mais rien ne vint, juste le fondement du tonnerre lointain et le bruit incessant de la pluie.

- J'aurais préféré être la seule à souffrir. Tu ne mérites pas ça.

Elle s'arrêta pour renifler.

- Je sais que cela n'arrangera rien, mais je suis tellement désolé. Tu as fait tout ce que tu pouvais pour que j'aille mieux, et je n'ai su te le rendre. J'ai disparu et jamais, je ne pourrais jamais imaginer ce que tu as dû vivre.

Elle tourna la tête pour le regarder, même si elle devait l'impression d'être un chien abandonné.

- Pendant tout ce temps, tu n'as pas abandonné. Pendant que je me satisfaisais de ce qu'on m'avait laissé.

Elle frissonna un instant.

- Je me dégoute. Nora a dû t'expliquer les grandes lignes. Je peux t'expliquer pourquoi j'ai disparu. En fait, Nora, la louve est là depuis toujours. Mais ne s'était jamais pu se manifester à cause du traitement que j'ai subi. Et quand, elle l'a fait, bah, tu l'as vécu en même temps que moi. Mais il y a eu une autre étape, celle du clonage. J'avais dit à Nora qu'elle était libre, qu'elle pouvait vivre sa vie sans que je n'interfère. Ce qu'elle a fait 6 mois, avant que notre santé se dégrade et nous forces à nous réunir. Je lui ai promis de la laisser vivre et j'ai arrêté de chercher ce qui me manquait. J'aurais dû continuer à chercher.

Elle s’était mise à pleurer sans que cela ne se voie vraiment, ses larmes noyées par l’eau de la pluie.

- Je ne sais même pas quoi dire, tellement cela doit te faire souffrir. Tellement je m’en veux.

Son regard avait fuit celui d’Arkanon, un instant, pour tomber à nouveau sur l’épaulière.

- Si, peut être ça. Nous n’avons pas eu peur de toi, tout à l’heure, de ce que tu as toujours vécu. Mais d’un fantôme qui nous suit. Le berceau n’a pas réussi à tout effacer de toi. Depuis tout ce temps, parfois, que ce soit en rêve ou des hallucinations, je voyais un grand chevalier noir cornu qui me surveillait, menaçant par sa carrure et son silence, aujourd’hui, je me dis que ce n’était pas pour ça. Et pour l’hydre, bah, c’est un peu pareil, elle apparaissait toujours dans les pires moments, me donnant une autre force pour faire face. Et j’avais décidé de la marquer.

Elle se releva, lui présenta son dos en relevant le tissu trempé. Laissant découvrir ou était son tatouage du berceau il y a un an. Mais à la place se trouvais une autre encre. La représentation d’une hydre à trois têtes. L’hydre verte et la rouge qui se faisait face, la dorée.

Rappel tatouage:

- C’est Nora qui a fait le dessin, elle n'avait jamais su m’expliquer le choix du rouge mais trouver ça juste évident. Maintenant, j’ai l’impression de comprendre.

Elle baissa sa tunique pour faire face à nouveau au Drakyn, croisant les mains devant son vent, ne sachant plus vraiment quoi faire. Elle fit un pas en direction d’Arkanon, mais se figea. Est-ce qu’il voudrait encore d’elle, qu’il ne restait pas juste pour cette promesse qu’il ne lui avait fait par ce même temps ?

Un éclair puissant déchira le ciel, éclairant parfaitement l’auberge et faisant sursauter la chasseuse.

- S’il te plait, dis moi ce que tu as sur le cœur, libère toi. Et s'il n’y a que cette promesse qui te retient, tu n’es pas obligé. Tu as bien… Elle éternua. Je t’ai déjà fait assez souffrir.

Du Drakyn qui avait l’air relativement ouvert et sympathique, celui que je surnommais « Champa », était devenu moins aimable que les portes d’une geôle. Plus un mot ne sortait de ses lèvres, et même son expression avait complètement changé, passant d’un sourire aimable à une expression que j’assimile à de la colère. Et si ce n’est pas de la colère, alors je n’aimerais pas voir ce que c’est vraiment.

Il s’était redressé, prêt à partir, et, alors que j’avais à peine eu le temps de servir le verre de cognac à Nora, il se retourna, attrapa son cigare, l’écrasa dans le verre et reprit sa route en sortant de l’auberge pour, je l’espère, rejoindre Ersa. L’action me surprend et me laisse pantoise quelques secondes avant que je ne fronce le nez.

- Et n'oublie pas de desserrer les dents ! Ça aide pour parler !

Je souffle pour moi-même avant de poser mes yeux sur la naine restante.

- Raisonnable ou non, je n’aime pas le gâchis ! Et ça, c’en est un !

Que je peste toute seule. Visiblement, l’univers tout entier a décidé de m’empêcher de toucher ne serait-ce qu’à un petit verre d’alcool en cette soirée. Quand même les astres se liguent pour m’en empêcher, c’est vraiment que je devrais m’arrêter… Mais je suis irrécupérable sur ce point, beaucoup trop ancrée dans mon sang pour que ça s’arrête sur un claquement de doigts… Et ça a même tendance à me jouer des tours.

Je soupire doucement avant de regarder la jumelle qui est restée avec moi, reprenant un ton amical pour tenter de la rassurer du mieux que je peux.

- Effectivement, ce n’était pas la meilleure des idées si elle a tendance à tomber dedans aussi facilement que tu l'insinues.

D’une main douce, je viens lui tapoter la tête, un sourire se dessinant sur mes lèvres.

- Mais des erreurs, on en fait tous et on en fera encore tout au long de notre vie. La question est de savoir si tu as appris de ces erreurs, si tu as tenté ou vas tenter de devenir meilleure, ou si tu vas juste rester là, sans bouger, plantée comme un pot de fleurs, et tourner en rond dans la même fange jusqu’à la fin de ta vie.

Je me fais interrompre par la mienne de naine, qui me coupe dans ma conversation en même temps qu’elle dépose le linge que je lui ai réclamé.

- Et des erreurs, crois-moi, elle en connaît tout un rayon !

- Abby ! S’il te plaît !

- De la plus idiote à la plus dangereuse ! Une vraie quiche quand elle s’y mettait ! Un enfer !

Je me pince l’arête du nez. Même si ce qu’elle dit est vrai, ça me pique dans l’égo, rappelant à ma mémoire certaines situations qui auraient pu aisément être évitées et d’autres qui auraient vraiment pu me coûter la vie. Tandis que la naine continue sur un ton plus doux.

- Mais elle s’est calmée, du moins, elle est devenue plus réfléchie et fonce moins tête baissée.

Je ne peux pas m’empêcher de sourire pendant qu’elle tapote légèrement mon dos avant de repartir faire le service dans la salle.

- Merci, Abby.

Posant la tête sur mes mains jointes et les coudes sur le comptoir, mon regard se perd dans les veines du bois de la porte d’entrée de l’auberge.

- Comme je te l’ai dit, tu as fait des erreurs… Vous avez toutes les deux fait des erreurs et, maintenant, ce n’est pas à vous de dire s’il doit vous pardonner ou non. Il lui faudra peut-être du temps, tout comme il aurait tout à fait le droit de couper court à tout ça.

Je garde volontairement quelques secondes de silence avant de reprendre.

- C’est dans le droit de la personne qui s’est sentie blessée de pouvoir accorder ou non son pardon.

Je tourne doucement la tête dans sa direction, observant ses réactions. Elle a l’air déjà tellement abattue, mais ce n’est pas dans son intérêt que je lui fasse croire que tout ira forcément bien.

- Et cela même si ça vous blesse profondément en retour…

La vie n’est qu’une succession de leçons qu’on décide ou non d’apprendre. Certains mettent plus de temps… D’autres préfèrent continuer à buter dessus, ne voulant pas accepter une certaine forme de vérité.

Oui,comme l'avait dit Vanay, il allait falloir que je desserre les dents. Pas qu'un peu. Mais d'abord,j'écoutais celle qui semblait regretter son choix et de m'avoir blessé au passage. Elle m'expliqua le pourquoi du comment de sa décision,qui nous avait mené à aujourd'hui,sous cette pluie qui me paraissait tellement loin comparé à peine qui me percutait,comme ses mots qui ne cherchaient pas à tout l'excuser totalement. Je voyais bien qu'elle essayait d'être la plus transparente,jusqu'à me montrer son dos pour me révéler ce dont je ne me doutais pas

-Les hydres...

Je posais ma main dessus,me rendant compte qu'elle avait essayé de se souvenir,qu'elle n'avait pas simplement fui ce qui changeait beaucoup de choses.Je retirais ma dextre quand elle laissa le tissu trempé se coller de nouveau à son épiderme, plantant mon regard dans le sien, perdu par ces sentiments contradictoires qui m'assaillaient de toute part. Destabilisée, je me tournais, serrant des poings en ne sachant pas quoi penser, dire là tout de suite.

-...

Qu'est-ce qui est le plus important au fond ? Me questionnais-je. Tout savoir en détail, ou délaisser ce qui pouvait faire mal et passer à côté de ce que je souhaitais vraiment? Son histoire avec Kieran n'était pas claire, celle de ma famille non plus. Pourtant, je ne les avais pas condamnés dès le départ, décidé d'en finir avec alors qu'ils me faisaient vivre dans l'angoisse d'être maudit. Mais étais-je capable de tout pardonner, voiler une partie qui pourrait à jamais tout briser ?

-Ersa.

Je me tournais pour lui faire face, les traits moins tirés. Depuis aussi loin que je m'en souvienne, les Astres ne m'avaient accordé que peu de bonheur dans toute cette douleur. Vallait elle la peine qu'elle continue? Ou était-ce une ultime épreuve que les étoiles dressaient devant moi, pour ouvrir mes cyans sur ce qui comptait vraiment ici-bas ? Une part de moi était en colère, mais pas contre elle je crois. Ne valait-il pas que toute cette histoire se termine une fois pour toutes ?Je pris une longue inspiration avant de lui dire enfin:

-Ce n'est pas pour la promesse que j'ai continué à te chercher. C'est pour que te ramener avec m...chez nous. Je pris une autre inspiration, poursuivant. -C'est à mon tour de t'en demander deux. D'abord,je ne veux rien savoir de ce qui s'est passé durant tout ce temps, car ça n'a aucune importance à mes yeux. J'attrapais ses mains:-Et je te demande de ne plus jamais fuir à ton tour d'accord? Affrontons dès maintenant nos lendemains ensembles, qu'il y est un orage ou non. Je t'aime.

Je lui souris, confiant pour notre futur, qui ne sera pas entaché par ce détour qui n'était rien contrairement à ce que je ressentais là avec elle. Je toquais à la porte de l'auberge, espérant que Vanay comprendrait que c'est pour elle puis je posais une bourse remplie de pièce sur une caisse à côté,en guise de remerciement. Car elle avait permis de détendre l'atmosphère, d'y voir plus clair aussi. Je portais Ersa dans mes bras puis je m'envolais dans ce ciel qui me paraissait moins gris maintenant,la pluie laissant place un peu plus tard au soleil,au bonheur qui je ne laisserais pas s'échapper cette fois-ci.