L'Exilée

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Pourquoi Lyra avait-elle décidé de lui donner la seconde chevalière des Leezen à cet instant précis ? Le comble de la chose était qu'il n'y avait guère de raison particulière. La Tovyr avait gardé la chevalière de sa mère sur elle dans l'espoir de la donner à Erwin un jour où l'autre, son frère Dirnann ne la méritant pas une seule seconde bien qu'il la convoita depuis le décès de leurs parents. Elle voulait la donner à son cousin et à personne d'autre, et bien qu'elle avait guetté le moment opportun pour la lui donner, son esprit calculateur avait là aussi pris le dessus. Lyra voulait user de cet objet hautement symbolique pour le jeune homme dans un instant où sa loyauté pourrait être mise à mal. Elle comptait la lui donner pour le récupérer, par ce geste qui ne manquait pas, comme escompté, de raffermir sa dévotion envers sa cousine.

Or, la Sénéchale avait usé de cet atout suite au battage à mort de Wessex, sachant pertinemment qu'Erwin - tout autant que Carnage, bien que pour des raisons différentes - était révulsé par ce déferlement de violence gratuite. Elle s'était dit que pour éclipser ce sombre moment, cette vision macabre de l'esprit de son cousin, elle allait jouer sur cette chevalière. Et cela eut pour effet de submerger le mercenaire d'une vague d'émotions mêlant fierté, dévotion et d'affection qui fit sourdre quelques larmes dans ses prunelles humides.

Lyra le regarda sans trop partager ses émotions, lui ayant donné la chevalière plus sur un coup de tête que sur un acte d'affection. Bien qu'il avait faillit perdre la vie en ce jour, sous ses yeux, ce n'était pas la première fois qu'une telle situation se présentait. Peut-être cherchait-elle simplement à raffermir le lien qui les unissait déjà, plus qu'à accroitre l'importance qu'il avait dans sa vie. De plus, cette chevalière familiale, ayant appartenue à Dame Inra Leezen n'était que la moins importante de la paire. Lyra portant en permanence la chevalière du chef de famille, héritée de Messire Aiseann Leezen, qui était la véritable marque de la maison.

La Tovyr leva alors sa main gauche dont le pouce arborait la chevalière d'or et d'onyx qui était celle du chef des Leezen. Celle en argent et obsidienne qu'elle lui avait donné n'avait pas le moindre pouvoir au sein de la maison. Elle le lui signifiait bien d'un ton monocorde, dissimulant astucieusement les émotions qui lui saisissaient pourtant son coeur de pierre.

- Je n'ai pas besoin de deux chevalières, j'ai déjà celle du maitre des Leezen. Celle que je te donnes n'est que celle du consort, sans véritable influence sur la Maison. Quant au pourquoi, je te la lègue juste pour te rappeler le sang qui coule dans tes veines, tant tu sembles l'oublier progressivement. Fit-elle en pinçant les lèvres.

Sur ces mots elle se détourna de son cousin pour aller pousser du pied le corps de Katharina Wessex dans l'abîme du terrarus, dévalant mollement la pente sableuse en laissant derrière un liseré écarlate. Ce ne fut que lorsque le cadavre encore chaud de l'elfe disparu dans la gueule du ver géant que la Sénéchale pivota de nouveau vers Erwin, afin de s'enquérir de son état. Il ne faudrait pas voir à ce qu'il tourne de l'œil sous le poids de l'émotion.

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L'Exilée

Feat. Lyra Leezen

Même si ce n’était que la bague du consort de la famille Leezen, c’était déjà un grand geste que venait de faire Lyra. Je voyais cela comme étant une alliance qui nous réunissait malgré les futures épreuves que nous pourrions avoir à affronter ensemble. Peut-être reconsidèrerais-je le fait de m’échapper du Reike pour aller trouver les pirates et pourquoi pas même, intégrer la prestigieuse armée reikoise pour me battre officiellement aux côtés de Lyra. Non, faut pas trop rêver non plus. Je laissais mes prunelles pourpres capter l’attention de mon interlocutrice, souriant légèrement. J’ignorais la moindre parole prononcée par Carnage, qui de toute façon, était certainement inutile au possible.

- Sans vouloir te manquer de respect Lyra, ni à toi, ni à nos ancêtres communs. Je n’en ai absolument rien à foutre de la dynastie Leezen, vraiment. Cette chevalière, elle représente toute autre chose pour moi. Le symbole que toi et moi sommes liés. Il marqua une légère pause, accentuant le sourire qui continuait de se dessiner sur son visage. Cependant, malgré mes paroles, je n’oublie pas que j’ai une part de moi qui appartient aux Leezen, Lyra. Même si j’ai tendance à la refouler, je ne l’oublierai pas, jamais.

Puis doucement, je glissai la chevalière sur l’annulaire de ma main gauche, puis je la regardai quelques instants, avant de reporter mon regard sur ma cousine, captant les perles obscures de cette dernière, à nouveau. Les sentiments que j’éprouvasse autrefois pour elle semblaient remonter petit-à-petit, mais, je ne pouvais pas. Je préférais les terrer au fond de mon âme, à jamais, plutôt que de devoir vivre comme ça.

- Tu le sais, Lyra. J’ai une loyauté éternelle envers toi. Simplement, je ne suis plus seul dans ma tête, dans mon esprit. Je le partage avec un démon qui parvient bien trop souvent à surpasser ma faiblesse. Non pas que j’ai peur pour toi, tu sauras de défendre et me tuer s’il le faut. Mais, si tu n’y arrives pas, alors j’ai peur pour ma liberté. Je ne porte pas le Reike dans mon cœur, tu le sais, mais j’aime cette Nation, ses magnifiques paysages tropicaux. Je ne veux pas perdre tout ça. Et j’ai encore cette histoire de Consul qui me recherche. C’est pour cela que je vais bientôt partir en mer, pour une durée encore indéterminée. Mais, cette bague, elle me fera penser à toi à chaque fois que je la regarderai.

La bombe était lâchée, je n’avais plus rien à dire. Je n’avais plus qu’à observer la réaction de Lyra face à cette information. Je ne savais pas comment elle le prendrait, mais certainement pas très bien, surtout après ce cadeau.

CENDRES

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Ce qu'Erwin lâcha eut l'effet d'une bombe pour Lyra, elle s'approcha de lui vivement, se perdant dans son regard.

- Tu veux partir... maintenant ? Que vas-tu faire en mer ? Qu'y-a-t-il de mieux là-bas qu'ici ? N'as-tu pas déjà trouvé ta place à mes côtés ? Pourquoi as-tu toujours besoin de courir derrière le renouveau ? Derrière quelque chose que, factuellement, tu ne pourras jamais atteindre ? Sentant qu'elle devenait désagréable, elle s'arrêta avec les questions éperdues, mais ne s'en départi pas pour autant. Est-ce que tu sais ce que j'ai fait pour toi ? Tu ignores que j'ai tenu le Berceau à distance tout ce temps, depuis que Carnage s'est révélé à toi. Tu ne sais rien, Erwin Staal. Les Gardiens venaient pour t'emmener avec eux, en l'an 0, craignant le pouvoir du Nevi'im. Je les ai convaincu que je pourrai le contrôler, que tu pourrais garder la main mise sur ton corps. Comment pourrais-je m'assurer que Carnage ne te dévore pas, si tu vagabonde par monts et par vaux ? Je pensais pouvoir te garder près de moi grâce à ce prétexte... ça aussi tu ne le sais pas, j'ai un démon en moi, nous sommes pareils. Tu l'as vu à l'instant avec Wessex, j'ai peur de ce que je peux faire, je redoute le jour où je ne pourrais plus me contrôler, moi non plus... Tu es la pierre qui ralentit ce torrent de violence. Ses yeux pétillaient. Ne me quittes pas. Pas maintenant, Erwin. Ce serai égotiste. Ne vas pas te perdre dans le vaste monde, si tu aimes tant Kyouji et sa région, son soleil éternel, son climat chaleureux et les gens qui y vivent, pourquoi partir ? Encore cette histoire de Consuls ? Combien de temps s'est écoulé depuis le dernier qui a croisé ta route ? Tu n'as pas à les craindre, et encore moins à vouloir les poursuivre à travers tout le Sekai, d'autres le font avec une efficacité bien supérieure, et des moyens plus efficaces. L'Oreille les surveille, le Vent les traque déjà, et même ces fichus Républicains sont prêts à leur tomber dessus ! Elle commençait à élever la voix. Et ce Consul N... Que la géante rouge le consume ! On le compisse, on s'en lave les mains de ses prétentions à la con ! Pour ce qu'il en est, il a déjà dû crever dans un lisier, tu n'en entendras surement plus jamais parler ! Tourne la page, passe à autre chose, Erwin ! Oublie-le ! Elle se rasséréna alors qu'une larme perla. Je t'en conjure, ne me quitte, ne me laisse pas, ne pars pas. Pas après tout ce que nous avons vécu. J'ai peur pour moi, je redoute le pire pour toi. Et même si tu m'assures que tu reviendras un jour, tu n'as aucune garantie à me donner, je ne pourrais jamais être certaine que je te reverrai bel et bien... Erwin, reste. Articula-t-elle en pivotant pour lui tourner le dos, craignant qu'il ne perçoive ses larmes.

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L'Exilée

Feat. Lyra Leezen

Je ne voulais pas la blesser ou quoi que ce soit d’autre. Et de toute façon, je ne pensais pas qu’une telle annonce puisse l’atteindre, quand bien même elle était forte.

- Ce n’est pas que je veux partir Lyra, c’est que je dois partir. Bien sûr, je me sens très bien à tes côtés, c’est même une vie que j’adorerais mener moi-même, mais, je ne suis pas seule. Tu oublies le Nevi’im qui habite dans mes pensées, qui est là, jour et nuit, qui ne me laisse pas une seule seconde de répit et qui, en plus de cela, est un être dangereux, pour moi comme pour ceux qui m’entourent. Je fis une légère pause, détournant le regard de celui de ma cousine. Rien n’est inatteignable, rien n’est perdu d’avance, Lyra. Il faut se battre, jusqu’au bout, quel qu’en soit le prix. Il faut toujours croire au destin, car c’est grâce à lui que nous en sommes là aujourd’hui. Tout en reportant mes prunelles dans les siennes, je laissais un léger soupir s’échapper de mon être, non pas, car j’étais saoulé par la situation, non, mais parce que je sentais bien que mon annonce l’avait atteint. Je n’ignore absolument pas tout cela, Lyra. Je t’en suis reconnaissant, tu le sais. Grâce à toi, je peux vagabonder où bon me semble sur le territoire Reikois. Mais, si un jour je dois être pris en chasse, eh bien, qu’il en soit ainsi, cela ne me pose pas le moindre problème. Je sens que je vais bientôt réussir à déceler cette force qui dort en moi, je sens que Carnage va bientôt se révéler à moi. Il ne me veut d’ailleurs aucun mal, car sans moi et mon sang, il ne peut plus vivre, tout simplement. C’est dans son intérêt que de me garder en vie, Lyra. Je fis une légère pause, soupirant une nouvelle fois. Cette personne que je viens de voir tabasser Wessex à mort, avant de simplement la laisser mourir dans la gueule de ce ver géant, ce n’était pas ma cousine. Je sais que tu as une éthique discutable, Lyra, mais pas à ce point-là. Une nouvelle pause. Aller en mer ne veut pas dire quitter définitivement Kyouji. Je reviendrai, une fois ma quête de savoir accompli. J’ai un engagement à tenir, de toute façon. Mais je ne pars pas éternellement, peut-être quelques mois tout au plus. Ne t’en fais pas, je ne serai jamais loin de toi, tu le sais. Je n’ai pas d’autre choix que d’affronter mon destin et, il ne se trouve pas ici, pas maintenant. Elle me faisait de la peine, je devais bien l’admettre. Mais aussi, c’était une femme sachant manipuler l’homme, je devais me méfier. Je n’étais même pas capable de savoir si ses paroles étaient vraies. Enfin, qu’importe, je m’approchais d’elle et, je déposais ma main sur son épaule. C’est inutile de continuer dans ce sens, Lyra. Ma décision est prise et je ne peux revenir en arrière. Une légère pause. Viens, rentrons, maintenant. Nous n’avons plus rien à faire ici.

CENDRES

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Un cri dans le lointain se fit entendre, probablement une perruche appelant son partenaire. Ces oiseaux chamarrés, écumants les cieux de Kyouji, ajoutaient à la région cette petite touche tropicale qu'Erwin chérissait tant. Et pourtant, si le jeune homme ne devait apprécier ces volatiles que pour leurs couleurs éclatantes et leurs cris mélodieux, Lyra les percevait tout autrement, probablement plus profondément. Ces oiseaux avaient la particularité unique de vivre en couple, et ce du stade d'oisillon jusqu'au trépas, volant par paire toute leur vie. Un phénomène échappait toujours aux ornithologues, était le cas où l'un des deux venait à mourir, l'autre se laissait automatiquement dépérir, ne se nourrissant pas jusqu'au trépas.

Lyra voyait en ces oiseaux un lien univoque avec Erwin, bien qu'ils n'aient rien d'un couple, ils ne s'étaient jamais réellement séparés en cinq ans, depuis la chute du royaume. En le voyant s'éloigner pour une durée indéterminée, sans garantie de retour, alors même qu'elle venait de lui offrir une des chevalières familiales dans l'espoir qu'il se ravise, Lyra vrilla. Face à son cousin borné, se justifiant tant bien que mal en invoquant le devoir et la contrition, Lyra ne put rester dans le même état d'esprit.

La larme qu'elle avait versée termina de s'écouler, elle ne serait point suivie par d'autres. Son visage s'affermit, ses traits se tirèrent imperceptiblement, tandis que son regard nébuleux se durcit subrepticement. Une mèche lui passa devant les yeux, alors que sa mine s'assombrissait à vue d'œil. Rien n'y ferait, cet alburostre ne changerait pas d'avis. Ce fut avec un ton tout autre que la Tovyr s'adressa pour la dernière fois à Erwin.

- Tel est donc ton choix. Et bien va, Erwin, va. Part là où tu voudras, mais nous ne rentrons pas ensemble. Lâcha-t-elle avant de sauter en selle. Que Carnage t'emportes, que le destin s'acharne sur votre maudit duo. Disparais où tu voudras, mais que je n'entende pas parler de toi tant que tu ne seras pas décidé à revenir pour de bon. Et si tu dois mourir, que ce ne soit pas pour rien au moins. Siffla-t-elle avec un fiel à peine dissimulé.

Et sur ces mots elle éperonna sa monture jusqu'au sang, la poussant à partir au gallot, filant comme le vent vers Kyouji, laissant Erwin, seul, sur cette dune. La prochaine fois que leurs chemins se croiseraient, leur relation en sera métamorphosée du tout au tout.

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