La traversée avait été pour le moins éprouvante. Heureusement, une fois sur place, grâce à la diplomatie de quelques limiers, les choses s'étaient très vite mises en place. Les Limiers furent rapidement logés dans un ancien palais de Mael dont la grandeur et le luxe étaient à l’opposé du Razkaal. Si le confort était certes appréciable, Dactyle n'était pas certaine de s’y sentir à l'aise. Trop grand, trop lumineux, trop peuplé surtout. Mais après tout, les Spectres n'étaient pas là pour faire du tourisme. Surveiller les titans, la menace qu’ils représentent, et surtout, comment les contrer. Voilà la lourde tâche qu’incombait aux Spectres.  Et dont la Bête avait bien du mal à se défaire. C’est donc sans se faire prier qu’elle s’était jointe aux quelques spectres qui organisaient des duels dans la Cour intérieure de leur caserne improvisée.. Ces derniers lui rappelant ses entraînements passés au Razkaal. L’occasion également de se mesurer aux autres spectres et de découvrir de nouveaux styles de combats.Et .. socialiser dans la foulée sans avoir à trop discuter. Enfin la notion de socialisation selon dactyle était un concepte qui lui était propre.. Même si coller un pain à quelqu’un effectivement, factuellement ça rapproche.

Et en effet, après quelques rounds, de nombreux coups donnés.. et reçu, Dactyle mit fin à son  dernier duel en projetant son adversaire au sol, après lui avoir fauché les deux jambes, un classique. Satisfaite, défoulée et nettement plus détendue, elle s'éloigne de l’arène improvisée et se rapproche de deux limiers en pleine conversation. Puis marque une hésitation avant de retirer son masque lupin pour essuyer son front trempé de sueur. Même dans un endroit aussi lumineux, pouvoir ainsi retirer son masque de limier lui paraissait bien peu naturel.


- Et, c’est qui le type là bas ?

- Un reikois, il dit qu’il cherche le bureau de la Banshee.

Interpellée par la discussion, et légèrement irritée, la Bête soupire. Si elle non plus n’apprécie guère les tâches administratives nécessitant diplomatie et éloquence, Rowena étant sans doute l’une des plus douées en la matière. En revanche, Dactyle a le sens du devoir. Et se dévoue donc, à contre cœur pour aller s’occuper de leur invité à la place des deux tire aux flancs. Elle arrive donc vers le Reikois sans vraiment le regarder, en uniforme de limier, son masque à la ceinture et comment solennellement comme si elle récitait un discours mais .. la politesse en moins :

-Bonjour, excusez l’attente. Qu’est ce que je peux pour vous, Monsieur - sa voix crisse sur ces dernier mots alors qu’elle lève enfin les yeux sur son interlocuteur, qu’elle reconnaît immédiatement - Reys

Et pour cause, il est l’un de ses cauchemars. Son échec et sa négligence personnifiée. J’ai nommé, Tagar Reys, ni plus ni moins que le contrôleur royal du reike ! Menacé et menotté par erreur par la Bête quelques années plus tôt. Mais il n’avait jamais vu son visage si ?  peut être lui restait t’il une infime chance qu’il ne la reconnaisse pas après tout, l'espoir fait vivre.

Elle aurait dû s’en  douter, il était finalement plutôt logique de tomber sur un Reikois haut placé à Maël, notamment depuis que ces derniers occupaient la ville. Ce qui ne semblait pas du goût de tout le monde. Enfin, les Spectres étaient nourris logés aussi ils n’avaient rien à redire.Si elle avait déjà entendu à plusieurs reprises, mentionner le nom du contrôleur royal. Dactyle avait espéré ne jamais le croiser, et voilà qu’elle se retrouvait à devoir l’escorter jusqu’à Rowena. Super. Il faut dire que leur dernière rencontre était peu banale.. Et illustrait parfaitement l'excès de zèle dont la jeune limier avait pû faire preuve à ses débuts.

Enfin, il semble que le reikois soit là pour affaire, parfait. Il porte un feuillet de documents qu’il annonce devoir porter à Rowena. La louve n’est pas surprise. Après tout, Rowena n’est elle pas à l’origine de la création des Spectres ? Et cette dernière gérait la partie diplomatique et administrative d’une main de maître.

- Très bien. Je vais vous conduire à sa chambre, déclara t’elle sobrement

Si elle ne se perdait pas entre-temps biensûr. Si elle pouvait aisément se déplacer dans les ténèbres du Razkaal, les allées lumineuses de ce palais, c’était une autre paire de manches. Un peu comme dans l'hôtel de Justice ou elle avait rencontré le blond d’ailleurs. S’il ne semblait reconnaître la Bête au premier abord, cela ne saurait tarder et avec son masque à sa ceinture, autant jouer franc jeu et affronter ses erreurs. Même si en dépit de son statut il ne semblait pas être le couteau le plus affûté du tiroir. Dactyle n’était de toute façon pas vraiment douée de cette capacité fort utile en société, à savoir, le tact. Elle se racle néanmoins la gorge et déclare avec le plus  grand sérieux en évitant soigneusement de regarder son interlocuteur.

- En effet, Monsieur Reys. J’ai cassé la porte de votre chambre d'hôtel à Justice, avant de vous immobiliser et de vous menotter. Par erreur. Une regrettable méprise… Le véritable criminel a été arrêté peu de temps cela dit. Ajoute t’elle l’air de rien comme pour se dédouaner d’une partie de la responsabilité de cet incident


L’honnêteté a triomphé, l’incident est clos. Aussi Dactyle s’élance d’un pas décisif, militaire, dans le couloir principal.

- Bien maintenant suivez moi.

Alors si elle s'attendait à ça ! La réponse est pour le moins déconcertante. C’est probablement de l’ironie. C’est forcément de l’ironie.  Il ne pouvait pas être sérieux. Quoique, à y réfléchir, il n’avait pas tort. Suite à ce fâcheux incident, vécu par la traqueuse comme un échec cuisant. Elle avait appris à tempérer son instinct, et prendre le temps de recueillir un dossier complet de réelles preuves solides. Au lieu de se jeter sur la première mission qui passe, et de se retrouver à casser une porte, plaquer le type, au sol et se rendre compte, que c’était définitivement pas le bon gars.
 


- En effet

Si cet aveu de faiblesse lui coûte, vraiment. Mais Il est mérité. Et contre toute attente, le reikois ne semble en effet ne lui en tenir aucune rancune.
Non. Une réponse un peu dure. Il faut dire que la Bête comptais en réalité très peu voir, pas de proches. Si elle ressentait bien à l’égard de ses tuteurs une grande reconnaissance et un respect évident, du reste, la plupart de son entourage se constituait de ses collègues limiers. Des Spectres, pour la plupart.  Elle modéra alors son propos consciente de la nécessité de faire bonne impression auprès de leurs collaborateurs Reikois. Enfin, chacun gère l’éloignement comme il peut. Mais nous sommes des soldats, il faut savoir faire des sacrifices.  Et.. c’est pire. La réponse est froide, impersonnelle, quasi automatique.  Les Spectres ne peuvent se permettre de paraître faible aux yeux de leur collaborateurs. Et la Bête n’est pas un exemple de compassion, d’éloquence encore moins. Arrivant à un croisement, elle jette brièvement un regard à gauche, à droite. Les escaliers, ou sont ces foutus escaliers ?

- Merci. simple efficace et pas très aimable. de votre sollicitude, M reys. Ajoute t’elle d’un ton égale. La réussite de notre tâche sera une récompense suffisante.  Si nous pouvons épargner à la République et au Reike les calamités qui s’abattent ici.
Elle bifurqua soudainement à la jonction d’un couloir, suivant son intuition. De mémoire, la chambre de Rowena devait se trouver juste après cette porte. Dactyle espérait d'ailleurs ne pas l’interrompre en plein atelier macramé, ce qui aurait sans aucun doute mit un sacré coup au sérieux et au professionnalisme des Spectres que la brune avait vanté jusque là. Elle ouvrit cependant là porte sans la moindre retenue, bien trop pressée d’arrêter de jouer les guides touristiques.

- C’est ic-

NON non non définitivement pas. Mauvaise porte. Ladite porte s’ouvrit en effet sur une salle visiblement aménagée en salle d'entraînement, où se trouvent quelques Spectres. munis de cordes et menottes.. et attachés. Dans des positions toutes plus suggestives les unes que les autres.

- Mais Qu’est ce que -

Finalement, c’était pas si mal les ateliers macramé.

Dactyle  glissa un regard en direction du couloir,  seul échappatoire potentiel. Elle se voyait déjà refermer là porte, tracer sa route loin, très loin. Changer de vie, de nom, d’identité et carrément de pays s’il le fallait. Histoire d’être bien certaine d’oublier toutes traces de cet  incident.  Si seulement. Sauf que non. Car un Tagar, probablement interloqué et à raison, s’avance dans la pièce, scellant la porte ouverte à jamais. Et la crédibilité des Spectres avec.

Hésitant toujours à adopter sérieusement le plan de la fuite pour toujours et à jamais, Dactyle se maudit de ne pas avoir étudié le plan du palais plus en détail.  ça lui aurait évité bien des déconvenues certes. Mais enfin .. de toutes les portes de ce foutue bâtiment il avait fallut qu’elle tombe sur celle là.  Le cours d’entrave et contention de Rowena….en l’occurrence sans Rowena. Aussi scabreux que la scène le laissait paraitre, l’explication était tout à fait justifiable. Mais à quoi bon se justifier et expliquer en long large et en travers le propos de cet exercice ou, tourner les talons et se concentrer sur l’objectif, trouver Rowena. Et la maudire pour ses lumineuses idées. Mais ça,  viendrait seulement dans un second temps.

- Un …En effet. laconique, pour toute réponse  et oui encore un !  voilà tout ce qu’une Dactyle dépitée finit enfin par marmonner à l’attention de son invité.  “De toute évidence Non.  Continuons à cherchh- “ Avant d’embrailler rapidement pivotant vers la sortie, un regard appuyé en direction de Tagar.

Regard un peu trop appuyé peut être, puisque mal interprété. Très Mal.  

Un pas un arrière, les mains ouverte en direction de Tagar  :

- Non Non, c’est pas nécessai- -  

Et comme elle s’en doutait, la plupart de ses collègues tournèrent des regards interloqués dans sa direction, probablement mécontents d’avoir été dérangés. Et l’un d’eux lui jeta même une corde, qu’elle attrapa par réflexe.  Probablement un Spectre curieux de voir la Bête à l’œuvre… Sa réputation la précédait. Si la Banshee était un sorte de spécialiste des attaches et entraves en tout genre, et se battait mieux avec une simple corde que n’importe quel péquenaud avec une épée, et bien c’était loin d’être le cas de Dactyle. Qui était bien plus douée pour assommer les gens. Une méthode un poils plus radicale en somme. Le monde se passerait bien de cette démonstration.  Même sa légendaire impassibilité avait dû mal à résister à autant d’embarras. Elle qui pensait que sa première rencontre avec le reikois avait atteint l’apogée du malaise, elle était bien loin du compte.