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    Sixte V. Amala
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  • Dim 26 Nov - 19:25
    Sixte était en train de se balancer d’un pied sur l’autre, virevoltant autant que les armes de son ennemi l’y obligeait. Elle alternait le poids de son corps sur un pied puis sur l’autre, se fendant d’une révérence vers l’avant lorsque des griffes firent vibrer l’air. La lumière blafarde peinait à éclairer l’entièreté de la pièce, même avec de bons yeux, le combat n’était pas aisé. Sans parler de son adversaire qui la dominait sans peine aussi bien de taille que de poids. Heureusement Sixte lui était supérieure en vitesse, tant qu’il ne lui mettrait pas la main dessus elle pouvait espérer au pire le retarder au mieux le mettre hors d’état de nuire. Sans le tuer. Sixte grinça à cette pensée ; plus facile à dire qu’à faire. Comme pour lui donner raison, une explosion assourdissante retentit dans la pièce presque vide. Comme un seul homme, son adversaire et elle se tournèrent en direction du bruit.

    La scène était hilarante, accablante aussi.

    Bouche bée, Sixte observait Pancrace le séant ancré dans le sol et l’air quelque peu hébété. Si la question du “comment” lui traversa l’esprit, elle ne trouva qu’une réponse partielle et poisseuse dégoulinant du plafond -qu’il n’y avait d’ailleurs plus-, qui maculait le visage ainsi que les vêtements du jeune homme. L’air sembla se suspendre un instant où ils levèrent tous le nez puis la voix nasillarde de l’une des créatures s'éleva, lançant à nouveau les hostilités. D’un bon elle rejoignit Pancrace, glissant à ses côtés pour le relever, jaugeant son état tant qu’ils le pouvaient encore.

    - On est dans la merde. Lui souffla-t-elle après que son regard l’eut partiellement parcouru et qu’elle fut assurée qu’il n’était pas en train de se vider de son sang. Elle écouta les battements de son cœur, qui seraient également un bon indice en cas d’hémorragie. Rien d’anormal ne lui parvint. - Ça serait sympa que tes gars se bougent le cul. Son ton était maussade mais pas moins que le regard irrité que Pancrace lui lança. Preuve qu’il était encore suffisamment en forme pour tenir debout et sans doute pour se battre.

    Face à eux, l’étrange association avait pris ses marques. Le lycanthrope était déjà campé sur ses postérieurs quand le gobenain au couteau était  en train de lorgner les jambes de Pancrace. Seule la seconde créature, un peu plus petite que son compatriote, se tenait légèrement en retrait. “Pas un guerrier.” Songea la demi-elfe. “Un mage, fais chier”. Si elle l’avait entraperçue lors de la précédente altercation, elle n’avait pas mesuré à quel point il pourrait les mettre en porte-à-faux. Tant et si bien que ce fut Pancrace le premier qui détecta une nouvelle salve d’attaque et la poussa de la trajectoire d’une myriade de clous qui vinrent se planter dans le mur derrière l’endroit où elle se trouvait quelques secondes avant. Ce fut là la fin de la trêve tacite qui s’était maintenue jusqu’ici. Contrairement à ce qu’avait attendu Sixte, ce ne fut pas le loup-garou qui se jeta sur elle mais l’un des gobenains, soutenu par son mage. Le loup, quant à lui, se fit un plaisir d’approcher de Pancrace avec un sourire sardonique, se moquant dans ses mots autant que dans son attitude. Des signaux d'alarme s’allumèrent dans l’esprit de Sixte.

    Elle fut la première à lancer un coup d’estoc de sa dague, laquelle déchira la peau verdâtre sur la clavicule de son adversaire qui piailla de douleur. A son tour, il s’élança dans sa direction et elle le dévia avec le plat de sa lame puis avant que le mage n’ait eu le temps de riposter à son tour, elle le priva de sa magie. La créature hurla de colère mais Sixte ne sut jamais s’il voulu se jeter sur elle car avant qu’il n’ait le temps de réagir un vacarme tonitruant retentit sur le pont puis dans les escaliers et enfin la porte, qui s’était refermé durant l’altercation, s’ouvrit avec perte et fracas pour laisser apparaître des officiers. L’instinct de Sixte prit un instant le dessus et comme les deux gobenains, elle recula prête à prendre ses jambes à son cou.

    Les hommes restèrent un coi une poignée de seconde, sans doute n'était-ce pas à cela qu'ils s'attendaient, puis soudainement ils se mirent en mouvement comme un seul homme. Sans doute à la vue de leur Capitaine au prise avec le loup, Sixte ne savait dire. Ce qu'elle savait en revanche c'est que tout pouvait rapidement tourner au vinaigre pour elle. Si elle ne tenait pas à fuir en sautant par la fenêtre, l'idée de se faire mettre sous les barreaux ne la tentait pas non plus. Ne lui restait plus qu'à faire confiance à Pancrace une fois de plus et espérait qu'il eut prévenu ses hommes. Si non... Elle aurait le temps de voir. Ainsi, elle continua d'absorber la magie du mage et prit pour cible le gobenain restant.  
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    Pancrace Dosian
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  • Mar 28 Nov - 17:30

    Putain, les renforts arrivent enfin.

    J’leur jette un regard noir, avec Sixte à côté de moi, face au duo restant de gobenains, et au lycan désormais solitaire, vu que son fiston a connu un sort peu enviable. Si l’elfe gère le mage vert, on devrait pouvoir s’en sortir pour mettre la main sur le loup-garou et s’assurer qu’il s’enfuit pas ni ne passe l’arme à gauche. Puis on aura deux chances pour le dernier groupe. J’espère juste que ça nous permettra d’avoir les informations dont on a besoin pour finir d’élucider cette sombre affaire.

    « Faut les capturer ! Que j’rappelle »

    Les collègues sortent leurs matraques et s’approchent. Y’a que Fifi et Surin qui sont là, mais les autres arrivent aussi, j’en doute pas trop. Juste que personne se dit que Krueger et Gégé seront là les premiers.

    « Bordel, c’était l’office, grogne le lupin. »

    A son regard fuyant, j’me rends compte qu’il commence à jauger les voies de sortie : trous dans la carcasse de l’épave, fenêtres, encadrement de porte. Mais les deuxièmes sont trop étroites pour sa forme massive, et la troisième est actuellement bouchée par mes renforts. Puis la pochette est toujours au sol, momentanément oubliée alors que l’équilibre des forces en présence vacille et se réorganise. En notre faveur, c’est important de le préciser. Le projectile magique s’écrase contre son torse, et le fait reculer d’un pas, plus puissant que le précédent qui n’avait rien donné.

    J’pourrais refaire la même qu’au gobenain, si j’étais certain qu’il y survivrait.

    Dans le doute, j’préfère revenir à quelque chose d’un peu plus artisanal, surtout que Sixte bloque la magie de la saloperie verte avec son absorption magique, qui bloque d’ailleurs en partie mon senseur. Ça fait pas spécialement mes affaires, mais j’saurais m’démerder, va.

    Le loup-garou fait un brusque pas en direction de Fifi, puis change de direction pour foncer sur moi, toutes griffes dehors. Surin le suit de près, couteau en main, et lui taillade les jarrets alors que j’me réfugie derrière le bureau du capitaine. Ses griffes laissent quatre profonds sillons dans le bois bouffé par le sel. Ça donne une bonne idée du sort qui m’attendrait si d’aventure, il m’attrapait. On fout un coup de pied dans le meuble en même temps pour déséquilibrer l’autre, mais j’dois bien admettre qu’il est plus balaise que moi, alors j’recule en déséquilibre jusqu’au mur arrière de l’épave, avec le bureau à un mètre de mois.

    Le monstre se retourne sur Surin et s’apprête à lui faire sa fête, mais Fifi est arrivée entre-temps, et d’une botte à l’épée, dévie le bras du lycan tout en l’entaillant profondément. On se moque tous de Fifi, qu’on appelle aussi souvent le Bleu, mais reste qu’il touche sacrément sa bosse à l’épée, et que physiquement et athlétiquement, on dirait pas, mais il est clairement dans une autre catégorie que nous. Et sans magie, j’ai vérifié, à un moment, par curiosité.

    Chacun ses talents, hé.

    Les projectiles magiques vont pour moitié dans le crâne du loup-garou, et pour moitié vers le gobenain guerrier. Le léger ajustement de leur trajectoire une fois leur cible identifiée rend l’esquive malaisée, et Sixte en profite pour planter son poignard dans le ventre maigre de son adversaire de corps à corps, avant de l’enfoncer dans le sol d’un coup de talon bien senti. Malgré ses pouvoirs de régénération, il arrive pas à rassembler la force de le retirer, et ça lui laisse le répit nécessaire pour tourner toute son attention vers le dernier machin vert restant.

    De notre côté, le lycan commence à souffler et s’énerver de pas parvenir à percer la défense de Fifi, surtout avec Surin qui reste soigneusement à distance, sauf quand il peut darder dans son espace vital et glisser quelques attaques, systématiquement sournoises et handicapantes. A force, le cuir épais du monstre humanoïde est parsemé d’entailles, de coupures, et ça saigne quand même, donc on exclut pas qu’il fatigue un jour, de préférence aujourd’hui.

    La pochette s’envole brusquement en direction du dernier gobenain, mais Sixte accélère brusquement, et se retrouve à côté de lui, couteau pointé sur sa jugulaire, et sa télékinésie disparaît comme un brin de fumée quand l’absorption magique fait son œuvre.

    « J’me rends, j’me rends ! Qu’il piaille. »

    Toute l’attention se tourne vers le loup-garou, qui voit la sortie toujours bouchée et trois officiers républicains qui ont que ça à faire que de s’occuper de lui, avec la magie qui s’accumule visiblement entre mes mains. Il lève les siennes.

    « Je ne pensais pas que l’office s’alliait avec des criminels.
    - Y’a que vous comme criminels ici, que j’lâche.
    - Et elle ?
    - Un stratagème. »

    Je hausse les épaules, et Fifi approche avec des fers pour attacher les poignets épais, et ses chevilles aussi. On le garde à l’œil, mais il regarde plutôt le corps de son descendant, avec lequel il est pas près de repartir en rapine. Sa posture se voûte sensiblement jusqu’à ce qu’il se laisse tomber par terre, ce qui nous facilite au demeurant la tâche pour passer la corde autour des rares meubles encore cloués aux murs. Et, une fois qu’on a décroché le gobenain combattant et qu’on s’est assuré qu’il allait pas nous canner entre les pattes, puis qu’on l’a collé au mur avec ses copains, on s’époussète les mains.

    « Alors, cette pochette de documents. Pourquoi, pour qui, et pour quand ? »

    Franchement, si on a la réponse à tout ça, on sera bien.
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    Sixte V. Amala
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  • Ven 1 Déc - 22:50
    Sixte arpentait la pièce avec un calme de surface. Les officiers républicains la mettaient mal à l’aise. Elle pouvait sentir leurs yeux fixer son dos dès qu’elle ne les regardaient plus. L’un d’entre eux ne faisait même pas mine de regarder ailleurs quand elle se retournait et cela l’agaçait prodigieusement. Curiosité ou hostilité ? La jeune femme était bien en peine d’en trouver la réponse mais en raison de son statut et du leur, elle supposa rapidement qu’ils n'éprouvaient aucune sympathie envers elle et la réciproque était tout aussi vraie. Intérieurement elle ne put s’empêcher de maudire leur plan, à Pancrace et elle. Maintenant qu’elle regardait les trois pauvres créatures ligotées de part et d’autres de la pièce, ainsi que les cadavres plus ou moins complets autour d’eux, elle songea que leur entreprise était bien plus périlleuse qu’elle ne s’y attendait. Évidemment, elle n’avait pas espéré récupérer cette pochette en un claquement de doigt, il aurait fallu être sot pour cela, mais elle avait espéré que celui -ou celle- qui l’avait doublé se serait présenté. Or, elle doutait que ni l’un, ni l’autre groupe ne soit mêlé à cette affaire. Pourtant, ils étaient là.

    Sixte passa en revu les maigres informations qu’ils possédaient. Rien ne semblait s’imbriquer. La description physique ne collait à aucun des suspect ici présent, même les gobenains ne pouvaient faire l’affaire. Au-delà de leur peau verdâtre, ils étaient bien trop petits et cela même en s’aidant de la magie. Sans parler des cheveux blonds ; les deux survivants avaient chacun une tignasse noire et rêche comme de la paille. Le loup quant à lui dominait l’elfe d’au moins deux têtes. S’il était aussi agile qu’elle, il était certain qu’il aurait difficilement pu être aussi discret au vu de sa carrure. Et, Sixte fronça le nez en passant près de lui, vu son odeur de chien humide elle l’aurait sans doute sentit. Alors malgré le peu de renseignements qu’ils détenaient, elle était convaincue que ces trois-là étaient au mieux des sous-fifres, au pire des mercenaires qui avaient eu vent de quelques informations et avaient espéré un peu d’or facile. Ce qui, dans ce cas, était un échec.

    Pancrace avait déjà commencé à poser des questions, qui restaient sans réponses. L’agitation ne cessait de gagner Sixte à mesure que le silence demeurait. Elle n’aimait pas cet endroit, elle n’aimait pas les soldats qui lui donnaient l’impression d’être prise au piège et surtout elle n’aimait pas être sur un bateau même échoué. Malgré son naturel calme et patient son pas s’accéléra alors que ses yeux observaient chaque détail, chaque particule d’information qu’elle pouvait glaner sur les visages que l’officier était en train de confronter. Rien. Le loup devenu homme était plus proche du légume ; la tête ballante et les yeux vides fixés sur la dépouille de son garçon face contre terre, il semblait parfaitement hermétique aux mots qui franchissaient les lèvres de l’officier, quand il sévit, cela n’eut pas plus d’effet.

    - Peut-être que tu t’en prends à la mauvaise personne. Souffla Sixte contre la nuque de Pancrace après s’être glissé dans son dos.  Pour illustrer ses paroles, elle tourna les talons en direction du cadavre de la plus jeune de leur victime. Les yeux des gobenains la suivaient sans qu’ils n’osent ouvrir la bouche, espérant surement qu’on les oublie encore un moment. Ceux du patriarche, eux, brillèrent d’une lueur étrange alors qu’il relevait la tête pour la première fois depuis que les officiers lui avaient passé les fers.

    - Non. Gronda-t-il.
    - Si.

    Sixte s’approcha du corps et lui releva la tête en empoignant son épaisse tignasse.

    - C’était un beau garçon. Sa voix était aussi froide qu’un hiver rigoureux.
    - Sale chienne ! Cracha le loup.  

    Loin de se formaliser, elle poursuivit.

    - Je crois qu’il vous a posé une question.
    - Je n’ai rien à vous dire !

    Sans plus de cérémonie, Sixte saisit sa dague et d’un mouvement leste trancha une oreille qui retomba dans un “splotch” écœurant.

    - Si je dois le rendre méconnaissable, ça ne me dérange pas.

    La seule réponse fut un hurlement de colère et de douleur. Celle de Sixte fut un sourire sanguinolent sur la gorge du corps sans vie. Même mort, du sang s’échappa de la plaie qui se voulait fine et régulière. La créature tira sur ses cordes. Une estafilade, profonde cette fois, déchira la joue du macabé. La lame s’approcha de l'œil grand ouvert.

    - La prochaine fois, le prévint-elle, ce seront les deux yeux.
    - Ça suffit. Je ne sais rien. Je… J’ai juste entendu ceux-là. Il désigna d’un coup de tête les gobenains. - Parler d’une “elle”. Qui les a envoyés ici. Moi… Nous on voulait juste… Un grondement guttural, douloureux, lui échappa et il se tut quelques instants. - On a rien à voir avec ça.

    S'il était comédien, il était très bon. Sixte pouvait lire sans peine le chagrin sur son visage et la lueur vacillante dans son regard ; celle des regrets. La mission de trop. Celles a laquelle ils n'auraient pas du s'essayer. Sans doute se revoyait-il dans un passé qui n'existait pas, s'abstenir de venir jusqu'ici. Mais tout ceci était vain car son fils gisait maintenant sur le sol sale d'un vieux navire pourrissant. Au moins, Sixte lui accorda-t-elle le bénéfice du doute. Ne restait plus qu'à voir si ce qu'il disait était vrai. Ses doigts, dont les phalanges avaient blanchies, lâchèrent leur prise sur  la tête  qui retomba dans un bruit sourd sur le sol. En quelques enjambées elle revint au centre de la pièce et se baissa pour ramasser la fausse pochette puis ses pas la ramenèrent du côté de Pancrace.

    - A toi l’honneur.

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  • Dim 10 Déc - 13:59

    Les derniers officiers se sont finalement radinés.

    Quand ils ont vu ma gueule et le regard que je leur ai lancé, ils ont regardé leurs godillots et se sont affairés à attacher tout le monde et s’assurer que personne fasse de connerie. J’ai lâché qu’un grognement et j’suis retourné sur le pont, puis j’me suis laissé glisser le long de la coque jusqu’à arriver aux mares d’eau sale et salée qui parsèment les alentours. C’est pas très propre, mais toujours plus que moi, et le parfum ‘’tripaille de gobenain’’ fait rêver personne. J’me débarbouille comme je peux tout en gardant un oeil sur l’environnement de l’épage, mais plus personne vient.

    Ça peut autant être pasque personne vient jamais ici, que pasqu’une escouade d’officiers républicains vient de patauger partout et faire chier tout le monde en gueulant et en lançant des flèches enflammées. C’est le genre d’événements auxquels on s’attend pas forcément quand on squatte les bas-quartiers et les ruines de la ville, et desquels on préfère rester loin. Surtout quand on se retrouve à magouiller ou crécher ici. On n’est pas trop sur du petit artisan travailleur et débrouillard.

    Marginalement moins cradingue, j’vais pour retrouver les autres, et c’est Sixte qui prend la main pour le début de l’interrogatoire, pendant qu’on surveille tout ce beau monde.

    « Belle méthode, souffle Surin.
    - Ouais, puis souiller les cadavres, finalement, ça blesse personne de réel, abonde Gégé.
    - Sauf si c’est une liche, corrige Fifi.
    - T’en as déjà croisé ?
    - Jamais.
    - Ca se trouve, elles ressentent pas la douleur.
    - Faudra essayer. »

    On hoche la tête devant ce morceau de sagesse populaire. Moi, tant qu’on a des résultats, j’suis prêt à accepter beaucoup de choses. C’est ce qu’on apprend pendant nos longues études. On apprend aussi que si le prévenu arrive au tribunal avec les deux yeux au beurre noir en boîtant et qu’il peut pas respirer sans faire un sifflement suspect, la défense risque de mettre en cause la qualité des aveux du coupable, surtout si y’a un peu de sang sur le parchemin. C’est pour ça qu’on développe des trésors d’inventivité et qu’on apprend les endroits du corps avec lesquels convaincre sans tout casser. Et tout comme le renforcement musculaire renforce le cerveau, ce célèbre muscle qui soulève régulièrement des altères, les dégâts psychologiques sont souvent plus efficaces que les autres pour obtenir une confession en bonne et due forme.

    Bref, Sixte travaille bien, et toute la bande est impressionnée par sa créativité, surtout quand ça nous sort la réponse dont on a besoin, et qu’on braque tous nos regards sur les deux gobenains qui, surpris par le brusque changement d’attention et l’intensité qu’on y met, commencent déjà à bafouiller. Suite à son invitation, j’m’avance d’un pas.

    « Manque de bol, on peut pas faire la même avec le dernier membre de votre trio, rapport à son état actuel. »

    J’pointe les quelques taches qui restent au sol et au plafond. La menace est assez claire pour pas avoir besoin d’être verbalisée.

    « Honnêtement, attaque sur capitaine des officiers républicains, tentative de vol avec voies de fait, refus d’obtempérer... Je dois pouvoir être un peu créatif en plus dans le procès verbal de l’interpellation et charger un peu plus la mule. »

    Ils restent la bouche soigneusement fermée, avec un pli têtu. Après le bâton, la carotte.

    « L’autre possibilité, évidemment, c’est que tout ça n’était qu’un malentendu, et que vous avez voulu communiquer des informations capitales aux officiers républicains afin de les aider à faire la lumière sur une difficile enquête. Mais que vous avez été attaqués, par exemple, par un duo de loup-garou. »

    Le grognement de l’animal s’interrompt quand Surin le pointe de son couteau.

    « Bien entendu, on va être obligé de vous coffrer quelques temps pour une broutille, sinon vous allez avoir des soucis, sauf si vous préférez en profiter pour déménager, auquel une bourse pour vous remercier des informations fournies serait naturellement prévue. Moi, j’ai pas de préférence, parce que pile tu perds, face je gagne. Vous avez une minute. »

    On s’éloigne de quelques pas pour les laisser faire leurs messes basses, et j’adresse un clin d’oeil à Sixte. S’ils nous donnent au moins le blase et où trouver leur commanditaire, on pourrait remonter un petit peu la piste, et peut-être trouver quelque chose qui mènerait potentiellement au coupable réel de toute cette sombre affaire. Le gobenain mage finit par hocher la tête.

    « On veut une inculpation courte, quelques semaines, pas à la prison de Bois-Gardé.
    - Des connaissances là-bas ? »

    Il grimace.

    « Oui, et pas les bonnes. C’est bon ?
    - Ca me va, on bricolera un truc aux petits oignons. Et le loup ?
    - On peut choisir ?
    - Ouais. »

    Ils échangent un long regard, et j’sens que quelque chose passe sans forcément réussir à identifier précisément quoi.

    « Quelques semaines de plus que nous, dans une autre prison, toujours pas Bois-Gardé.
    - Hm, ouais, ça se tient. Tout le monde est content ? »

    Comme ça a l’air, on enchaîne.

    « Alors, le commanditaire ?
    - Elle souhaitait récupérer la pochette. Nous n’avons pas demandé pourquoi.
    - Logique jusque-là.
    - On est passé par un intermédiaire, mais il parle toujours trop.
    - Ouais ?
    - Oui. Il s’agit de Fleur Arnanka. Vous connaissez ?
    - Nan, du tout. »

    J’regarde mes petits camarades, et Sixte, mais ça évoque rien à personne.

    « C’est une cadre de la Banque des Chaînes de Courage. Niveau moyen-haut, à vue de nez ? Je ne comprends jamais rien à leurs titres. Elle a un bureau dans leur bâtiment, et un immense appartement dans la ville haute.
    - Ah.
    - Du coup, c’est bon ?
    - Ouais. Par contre, si c’est de l’intox, on est bien d’accord que vous risquez une mutation à Bois-Gardé et un allongement de peine.
    - ... C’est un peu tard pour les menaces.
    - C’en était pas une, c’était un simple état de fait. »

    J’fais un signe de la main pour qu’on embarque tout ça, puis j’m’écarte de quelques mètres avec Sixte.

    « On continue ? »

    C’est qu’on s’amuse tant.
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  • Dim 10 Déc - 23:11
    Sixte avait fui au fond de la cabine dès que l’occasion s’était présentée. Toujours trop à l’étroit, l’idée d’avoir un public ne lui plaisait guère quand bien même ils avaient l’air tout à fait satisfait de ses méthodes. Ce qui en disait long sur le genre d’officiers qu’ils étaient ; de ceux qui n’allaient pas la coffrer au premier regard mais à qui elle aurait tort de faire confiance. Alors elle ne les perdit pas de vue, aucun d’entre eux. Une fois que son dos eut trouvé sa place le long du bois humide et poisseux, elle croisa les bras sur sa poitrine, venant caresser du bout des doigts les couteaux de jet accrochés à la lanière en cuir sur son bicep. Il faudrait qu’elle songe à récupérer ceux qu’elle avait envoyé valdinguer aux quatre coins de la pièce mais pour l’heure il y avait bien plus intéressant ; Pancrace était en train d’obtenir ce pourquoi ils étaient venus.

    Cela semblait simple comme bonjour. Le jeune homme était parfaitement dans son élément, utilisant des leviers auxquels Sixte n’aurait pas songé pour parvenir à ses fins et changeant son fusil d’épaule avec aisance lorsqu’il constatait que les réponses n’étaient pas celles escomptées. Un sourire, fugace, fit frémir le coin de ses lèvres lorsqu’il lui adressa un clin d'œil après avoir donné le coup de grâce aux gobenains. Même elle savait que la partie était terminée, ils avaient bien trop à perdre en mentant alors qu’ils se voyaient offrir une porte de sortie sur un plateau d’argent s’ils accordaient les informations qu’ils voulaient. Également, supposa-t-elle, leur commanditaire n’était peut-être pas aussi dangereux que ce qu’elle se l’était imaginé. Elle ne lisait aucune crainte sur leurs visages, pas plus que dans leurs regards, ni maintenant, ni quand ils daignèrent enfin leur livrer ce qu’ils savaient.

    Sixte les écouta attentivement. Le nom de Fleur Arnanka ne lui disait rien, mais celui de la banque des chaînes la fit atrocement grimacer et quand Pancrace se tint à nouveau à ses côtés elle lui glissa un regard incertain.

    - Oui. S’entendit-elle toutefois lui répondre d’une voix calme qui ne l’était qu’en surface. Elle qui avait toujours vécue de petits larcins se voyait de plus en plus souvent emportée dans les méandres tortueux des hautes sphères de la république et même si sa peau frissonnait déjà, enivrée par la mission à venir, elle savait mieux que personne dans quel merdier elle était en train de mettre les pieds. Celui-ci était peut-être le moins profond. - J’arrive. Pendant un bref instant Sixte retourna récupérer ses affaires éparpillées de ci et de là puis quand elle eut terminé elle sortit sur le pont où Pancrace l’attendait déjà, ses hommes escortant leurs trois prisonniers. Ses yeux se baissèrent machinalement sur l’étendue vaseuse où ils allaient devoir patauger et un rictus de dégoût s’imprima sur son visage alors que son esprit vogua un instant auprès d’Althéa et son immonde odeur iodée.  - Nous devrions y aller. La marée monte et je ne tiens pas à devoir nager. Il faisait suffisamment froid comme ça et elle ne tenait pas à ce que Pancrace découvre aujourd’hui à quel point l’eau la terrifiait. Ni jamais d’ailleurs.

    A la suite des autres, elle se laissa glisser dans l’interstice qui menait à la cale et atterrit dans l’eau jusqu’aux chevilles. Exactement comme elle l’avait prédit, la marée était en train de monter. Sans pouvoir s’en empêcher, Sixte se mit à pester tout bas et elle ne s’arrêta pas jusqu’à ce qu’ils aient rejoint la terre ferme. Une épaisse couche de terre humide recouvrait ses bottes déjà bien crottées lors de son premier passage. L’envie de trouver une chambre pour se laver et se changer lui effleura l’esprit. L’idée était alléchante. Mais il lui suffit de lever le nez vers le ciel pour voir que la courbe de la lune avait déjà bien progressée et si, comme elle le supposait, Pancrace voulait agir cette nuit, l'heure n’était pas à la toilette.

    - Si tu veux qu'on règle ça ce soir, va falloir qu’on se bouge. Retrouve moi à l’angle de la troisième avenue dans la ville haute dans une heure. Je saurais où vit cette Fleur Arnanka et comment entrer. Puis elle tourna les talons après avoir rabattu sa capuche sur son visage mais juste avant que sa silhouette ne fut noyée dans l’ombre, elle se retourna. - Merci, Pancrace. La seconde suivante, elle s’était volatilisée.

    Sixte était perdue dans ses pensées tandis que ses pieds couraient sans se fatiguer sur les hauts toits de la cité. Elle se laissa glisser le long d’une gouttière et rebondit avec légèreté sur un balcon avant de sauter sur un autre puis d'atterrir en silence sur le sol pavé. A cette heure les ruelles étaient désertes et le peu de gens qu’elle croisait préféraient regarder leurs pieds plutôt qu’elle. Se faufilant dans une ruelle plus exigu que les autres, elle toqua fermement à une porte en bois qui s’ouvrit avant qu’elle n’ait atteint les trois coups.

    - Tu viens toujours à des heures indues.
    - Fleur Arnanka.
    - Celle de la banque des chaînes ?
    - Elle-même.

    La créature au visage rubicond soupira avant de se masser les tempes.

    - Tu fais chier.

    Sixte l’observa, incrédule. Sa question mourut dans sa gorge ; son instinct lui soufflait de s’enfuir. Maintenant. A peine le temps d’activer sa vitesse et de se retourner qu’un violent coup lui faucha la jambe envoyant son corps basculer vers l’arrière. Elle s’attendait à sentir le sol lui heurter le dos violemment mais ce fut une main féroce qui agrippa sa tresse et sa jumelle qui lui écrasa violemment quelque chose sur le nez et les lèvres. Elle fut bien incapable de dire qu’elle était la substance mais toujours est-il qu’elle s’endormit sans avoir le temps de comprendre ce qui était en train de lui arriver.

    Quand Sixte reprit ses esprits, elle était ligotée comme un fagot, roulée en boule sur le sol et l’impression d’avoir bu plus de vin qu’elle ne l’aurait dû. Le monde tanguait sous son corps alors qu’elle plissait les yeux dans une vaine tentative de stabiliser l’étrange spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Elle se trouvait au centre d’une pièce qui aurait aussi bien pu être un salon qu’une bibliothèque -pas une salle de torture en tout cas-, entourée de livres jusqu’aux plafonds, de peintures plus couteuses les unes que les autres et surtout de canapés sur lesquels elle aurait payés cher pour passer rien qu’une nuit. La lumière, forte, lui brûlait les yeux et elle ne vit pas la femme de haute stature qui se tenait dans un coin de la pièce qui l’observait comme si d’elfe, elle était devenue crottin. Ce ne fut que lorsqu’elle parla que Sixte avisa de sa présence.

    - Vous n’avez pas dormi longtemps.
    - Je suis insomniaque. Persifla Sixte tout en se tortillant pour se redresser, sans grands résultats.
    - Tant mieux. Votre camarade ne devrait pas tarder à nous rejoindre.
    - Qui êtes-vous ? Demanda-t-elle alors qu’elle était certaine de la réponse. La femme se fendit d’un sourire entendu et ne répondit pas. Ce n’était pas nécessaire. - Comment ? Oui, comment avait-elle pu la cueillir aussi facilement ? Et comment avait-elle su pour Pancrace ? Dans l’angle de la pièce une petite silhouette trapue se dégagea de l’ombre, découvrant deux yeux luisants que Sixte ne connaissait que trop bien. - Toi… Fulmina-t-elle. Car il lui aurait fallu être aveugle pour ne pas reconnaître son informateur.

    - Allons, allons, ma chère. Coupa Fleur d’une voix habituée à calmer des clients mécontents. - Vous aurez tout le temps de vous mettre en colère quand nous serons au complet. Et tandis qu’elle terminait sa phrase, un bâillon vint clore les lèvres retroussées par la colère de Sixte.  

    Fais chier.
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  • Jeu 14 Déc - 19:16

    J’efface le sourire qui éclairait mon visage en regardant Sixte disparaître dans les ombres, et avant de me retourner vers les membres de mon escouade, qu’ont juste droit à ma mine fatiguée. A nos pieds, ligotés pas trop méchamment, les deux gobenains et le loup-garou attendent la suite des événements, tandis que Krueger se coltine le cadavre du fils. Ça lui apprendra à arriver le dernier quand on sonne le rassemblement des troupes. Et ça l’encouragerait p’tet à moins bouffer et à courir davantage. On peut rêver.

    « Pour la suite, j’vous laisse ramener tout ça au commissariat. J’vais faire un saut vite fait chez moi, et officiellement, ça s’arrête ici pour l’instant. On se revoit pour le service de demain midi, avec potentiellement du nouveau ou de quoi clôturer l’enquête.
    - Capitaine, on les met en cellule ?
    - Du coup, ouais. Celles du fond, et qu’ils discutent pas entre eux. Ça évitera les emmerdes par la suite. Pour le rapport, mettez le standard, comme on a dit. »

    Fifi esquisse un salut vague, et les autres se donnent même pas cette peine. J’leur en tiens pas rigueur, il est tard, et si j’étais pas dans l’énergie de l’action et du plaisir d’avancer, j’ferais comme eux et j’irais me pieuter. J’les laisse sur un dernier signe de la tête, et j’file chez moi : l’uniforme d’officier républicain pour aller faire des trucs pas nets en rapport avec la Banque des Chaînes, c’est pas forcément conseillé. Puis j’ai une heure pour me débarbouiller pour de vrai, et retrouver Sixte à l’angle de la troisième.

    Donc j’vire le costume pour mettre des vêtements qui pourraient être ceux de n’importe qui, surmontés d’une veste en cuir qui fera largement l’affaire pour arrêter un coup de surin. J’garde pas l’épée courte non plus, privilégiant un couteau, et c’est tant pis pour la matraque, trop identifiable et associée aux gardiens de la paix. J’la remplace par un autre poignard. On en a jamais assez, de toute façon, comme le dit la sagesse populaire.

    Une cape courte avec une capuche complète la panoplie, et c’est avec le plaisir d’être propre que j’reprends le pavé des rues, jusqu’à arriver à la troisième avenue. Là, j’me pose au coin, adossé au mur, et j’essaie de deviner par où ma collègue du moment va arriver. J’ressens p’tet un brin de culpabilité à pas avoir joué franc-jeu pour la pochette de feutre gris, et d’avoir caché que j’cherchais les mêmes documents qu’elle. Mais d’un autre côté, j’vois pas trop ce que j’pouvais faire d’autre. J’veux dire, on cherche la même chose, et ça semble diablement incompatible.

    J’lève les yeux vers les étoiles pour essayer de deviner l’heure. Elle est en retard. Elle a dû rencontrer un p’tit souci pour récupérer les informations, j’suppose. J’m’écarte du mur pour faire quelques pas, taper mes semelles contre le sol pour m’assurer que j’gèle pas des pieds et que la circulation se fait bien. Un tour du coin entre les avenues me ramène rapidement à mon point de départ, et j’pousse un soupir.

    Le coup de talon que j’prends à l’arrière du genou m’envoie au sol, et j’roule avec l’inertie dans l’espoir de me relever quelques mètres plus loin. Le géant qui m’attend me cueille d’un coup de pied dans les côtes, et j’tombe sur le côté avec un borborygme de douleur. J’essaie d’ajuster mes vision pour voir par où fuir, reprendre mes esprits. Mais quelqu’un que j’suppose être le premier assaillant se jette sur moi, m’immobilise, rapidement assisté par son grand camarade. J’vois juste un faciès rouge et écailleux, avant qu’on me plaque un linge humide sur l’ensemble du visage, par une main large comme un jambon. J’retiens difficilement mon souffle, mais un coup de poing dans le plexus me fait inspirer profondément, et les bords de ma vision s’obscurcissent.

    ****

    Un choc sourd me réveille, et la capuche que j’ai sur la tête est retirée sans ménagement, me laissant la moitié basse du visage maculé de bave. J’cligne des yeux pour essayer de refaire le point, aveuglé par les lumières qui m’entourent, jusqu’à distinguer une forme ligotée comme moi juste à côté, et un large fauteuil dans lequel une femme immense trône fièrement. A côté d’elle, une p’tite saloperie rougeaude nous regarde en se frottant les mains.

    J’crache sur le tapis, par principe, et pour retirer le sale goût que j’ai en bouche. Ça énerve visiblement la personne que j’suppose être Arnanka.

    A côté, Sixte secoue la tête. J’essaie de lui faire un clin d’oeil, mais j’ai encore un peu de mal à contrôler tous mes muscles, donc j’dois plutôt ressembler à un hibou coincé dehors au zénith, mais ça n’a pas d’importance.

    « T’inquiète, tout se déroule comme prévu, que j’essaie de dire. »

    Enfin, ça sera le cas dès que j’aurai trouvé ce qui est prévu. Pour l’instant, c’est encore un peu flou dans ma tête, que j’suis très occupé à essayer de remettre à l’endroit. En tout cas, la magie est toujours là, donc une incantation pourrait nous sortir des lieux si je me souviens comment faire une téléportation et que je risque pas de nous coincer dans un mur.

    Mais ça serait dommage de pas profiter de la situation pour obtenir des informations, après tout, vu qu’on est là pour ça.

    « Agnoneuh, nel euh blan ?
    - Pardon ? »

    La diction d’Arnanka est impeccable, contrairement à la mienne. J’fais tourner ma langue dans ma bouche, pour tâcher de perdre la sensation diablement pâteuse, et j’recrache à nouveau. J’adore être horripilant.

    « Alo, quel est le blan ? Blan. Plan. »

    Elle secoue la tête, la mine dépitée. Oui, bon, je fais ce que je peux, c’est pas bien de droguer les gens. Mais, surtout, je me demande vers quoi elle tend. L’air de rien, j’suis officier républicain, et sans vouloir avoir l’air désagréable, personne se formalisera de retrouver Sixte à flotter dans l’eau du port. Moi, ça risque de ruer un peu plus dans les brancards. A moins d’avoir des contacts en haut li... ?

    Et merde.
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  • Dim 17 Déc - 23:13
    Sixte avait longuement lutté contre l’endormissement mais la drogue la rendait somnolente. Elle oscillait entre éveil et sommeil, entre réalité et rêverie. Par moment elle était Sixte allongée sur un tapis de soie, nauséeuse et pâteuse, à d'autres elle était Sixte à Melorn cachée derrière un rideau de dentelle et parfois elle était la Sixte qui avait vécu dans le Reike. Ses traits se durcissaient par intermittence alors que ses yeux roulaient sous ses paupières, s’entrouvrant les quelques fois où elle reprenait connaissance. Fleur avait migré du fond de la pièce jusqu’au fauteuil en face duquel elle avait été jetée et l’observait avec un mélange d'intérêt et de dégoût. Mais elle prit grand soin de ne pas lui adresser la parole, ni d'émettre le moindre son. Sans aucun stimulus il était presque impossible à l’elfe de rester éveillée. Mais lorsque c’était le cas, son regard cherchait celui rubicond du traître et lorsqu’ils se croisaient, le bleu de ses iris s'enflammait comme un feu de glace.

    Qu’il se fut écoulé une minute, une heure ou même une journée, Sixte ne se sentait pas mieux. Cependant son esprit tendait à s'apaiser et ses songes la portait de moins en moins loin dans ses souvenirs. Petit à petit elle pu même se remettre à penser de manière cohérente. Plus ou moins. Suffisamment en tout cas pour s’inquiéter pour Pancrace. Il ne faisait aucun doute qu’il était le “camarade” dont avait parlé Fleur. Quant à son arrivée, Sixte espérait que contrairement à elle, il eut été plus dégourdit. Il était officier, peut-être hésiteraient-ils avant de s’en prendre à lui ? Avec un peu de chance, l’humain avait d’autres cartes dans sa manche. Si elle n'estimait pas son espèce, lui avait déjà prouvé qu’il était malin et suffisamment sournois pour qu’elle place quelques espoirs en lui.  Cependant, une question ne cessait de la tarauder : Comment avaient-ils su ? Avant ce soir, ils ne s’étaient vu qu’en de rares occasions. Elle n’avait parlé à personne de leur association de ces derniers jours et personne ne savait qu’elle était sur la piste de cette pochette. Du moins.. Son esprit se tourna vers le petit informateur chez qui elle avait frappé le lendemain du vol. Le même qui l’avait piégé ce soir. Qui d’autre ? Mais avant qu’elle ne puisse réfléchir davantage, la porte s’ouvrit avec fracas et la masse d’un corps lourd tomba près d’elle. Elle sut.

    Le bâillon ornait toujours sa bouche lorsqu’elle se tourna vers Pancrace qui n’avait pas fière allure. Au moins était-il vivant et entier, ce qui était un soulagement en soi. Même si elle eut préféré le savoir dehors, libre de lancer un avis de recherche ou au moins de lui sauver la mise peu importe la façon. Hélas, il était à ses pieds et tout aussi bien garrotté, si ce n’était mieux. Son esprit par contre avait un parfait - a quelque détails près - contrôle de la situation, au contraire de sa langue qui peinait vraisemblablement à articuler. Ce qui était l’exact inverse de Sixte dont seule les pensées semblaient gourdes.

    - Le plan ? Demanda Fleur d’une voix suave après avoir dardé son regard perçant sur les crachats de Pancrace.  Sixte quant à elle hésitait à se satisfaire de la voir agacée ou à trouver Pancrace aussi agaçant qu’elle. - Il n’y a pas de plan. Poursuivit-elle. - Mon cher Mhug est mes yeux et mes oreilles. Sixte leva les yeux, ses pupilles dilatées au possible par la drogue ne lui permettaient pas de voir sans flou mais elle pouvait aisément reconnaître son propre informateur. S’il était évident qu’un nain de sa trempe mangeait à tous les rateliers, elle ne s’était pas attendu à ce genre de râtelier. - Vous avez attiré son attention. Et donc la mienne.

    Sixte s’agita, marmonnant à travers son bâillon des mots incompréhensibles. Après un silence aussi lourd qu’une chape de plomb, Arnanka agita la main et un garde lourdaud libéra sa bouche avant de la redresser d’une main. Le monde tanga autour d’elle ; il lui sembla que ses yeux roulaient dans leur orbites à la manière d’une bille dans un entonnoir. Ils cillèrent doucement plusieurs fois avant qu’enfin le monde ne se fixe réellement.

    - Que voulez-vous ?
    Gronda Sixte.
    - Ce que vous avez. J’aurais pu le prendre depuis longtemps à vrai dire. Un sourire fendit le visage de  Fleur. - Pendant que vous dormiez sagement, sur mon tapis, comme un chien. La jeune femme ne s’offusqua pas de la remarque, si ça ne tenait qu’à elle, elle se serait d’ors et déjà roulée en boule dans un coin pour récupérer la multitude d’heure de sommeil qu’elle avait abandonné durant trois siècles. Hélas son instinct de survie l’obligeait à rester éveillée.

    - Pourquoi nous enlever ? Demanda-t-elle après que la femme se soit enfin levé du fauteuil pour rejoindre un bureau dont la bougie était l’une des seules sources de lumière dans la pièce. - Voler aurait été plus simple.

    - Parce que je ne voulais pas laisser de traces, ni de témoins. De plus, si vous êtes là c'est que les autres ont échoués. Cohérent, pensa Sixte, mais un brin inquiétant.

    Faisant écho à ses pensées, Fleur tendit la main vers sa besace qu’elle vida prudemment. Elle en extirpa des objets sans valeur allant d’outils de crochetage au petit couteau en passant par quelques bandages, elle y trouva également quelques pièces abandonnées depuis longtemps. Intérieurement Sixte se félicita d’avoir retiré ses effets plus personnel bien que ses yeux hagards lorgnèrent la dague de son frère, elle aussi posée sur le bureau. Peu importe la façon dont elle s’y prendrait, elle la récupérerait. Mais pour l’heure, elle avait plus important à régler et pour cause, Arnanka venait de tomber sur sa fausse pochette et ses traits étaient déjà en train de se déformer de fureur.

    Sixte n’était pas craintive, elle n’était pas douillette non plus. Cependant, lorsque les yeux clairs de la cadre de la banque des chaînes s’enflammèrent en découvrant le leurre de piètre qualité, elle cilla. Instinctivement ses yeux se tournèrent vers Pancrace et soufflèrent silencieusement : “Ca aussi c’était prévu ?”.  

    Fleur était une créature qui portait bien son nom. Intemporelle, il était impossible de lui donner un âge et elle était dotée d’un visage d’une grande beauté ainsi que d’une grâce que l’elfe aurait pu lui envier si seulement la colère ne la rendait pas si laide. Mais au-delà de la laideur de ses traits défigurés, ce fut la violence de la gifle qui lui coupa le souffle et manqua de l'assommer. La main délicate d’Arnanka était encore en l’air, tenant fermement le fragment de bois. Elle avait agit avec tellement de célérité et de soudaineté qu’elle ne put rien faire d’autre qu’encaisser péniblement.

    - Où est la vraie pochette ? OU EST-ELLE ! Elle projeta  le morceau de bois contre un mur, faisant vibrer un tableau qui se décrocha et tomba bruyamment, le cadre fendu puis jeta son dévolue sur Sixte en l’attrapant par le col. - Donnez la moi ou je vous tue ! Je vous tue tous les deux ! Je vous arracherais les ongles doigt par doigt s’il le faut ! Fleur semblait prise de folie. Celle de la peur, persifla l’elfe intérieurement, oui, elle empeste la peur.  Incontrôlablement, elle se mit à sourire. Achevant de fendre la pommette qui avait été abîmé par la gifle quelques minutes auparavant. - Pourquoi ris-tu ? Tu as lu les documents n’est-ce pas ? Tu sais ce qui est inscrit à l’intérieur ? Les phalanges de Fleur avaient virés au blanc et elle tenait son visage si près de celui de Sixte qu’elle aurait presque pu l’embrasser. - Si la banque des chaînes apprend ce que j’ai fais…Ce que nous avons fait. Je suis perdue. Rosti le savait. Ce chien avait tout prévu. Éructa-t-elle en se mettant à faire les cent pas après avoir repoussé une Sixte déjà peu vaillante.

    L’elfe se laissa choir comme une poupée de chiffon. Sa tête lui faisait mal et elle était presque sûre que sa lèvre était fendue, le goût du fer sur sa langue était un bon indice. A l’heure actuelle, elle aurait payé cher pour être n’importe où ailleurs qu’ici. Hélas elle était là, Fleur semblait en proie à une crainte dévorante et Pancrace… Maintenant, remarqua-t-elle, elle était toute proche de lui. Que ce fut la gifle ou Arnanka elle-même, l’une ou l’autre l’avait suffisamment rapproché de l’officier pour qu’elle puisse le toucher, et par chance personne ne semblait leur prêter attention, trop obnubilé qu’ils étaient par la crise de nerf de la propriétaire des lieux. Roulant à grands peines sur le côté, les doigts de Sixte tâtonnèrent un moment avant de trouver ceux de Pancrace mais quand ce fut le cas, elle les agrippa fermement puis fit glisser les siens le long de sa paume avant de poursuivre sur son poignet et enfin, les cordes. Elle tira dessus pour lui intimer de se rapprocher.

    Ses doigts s’activèrent pour tenter de desserrer les liens. Sixte pria tous les dieux qu’elle eut connu que personne ne les remarques.

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    Pancrace Dosian
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  • Jeu 28 Déc - 11:18

    Fallait s’y attendre, Arnanka est furieuse en voyant qu’on n’a pas vraiment la pochette. Elle est vraiment, vraiment pas contente, et ça occulte pas le fait qu’elle ait dit un peu plus tôt qu’elle voulait pas laisser de traces. Moi, quand, j’entends ça, je l’associé à un corps lesté au fond du port, ou une tombe profonde dans la forêt. Autant dire, rien de bien réjouissant. Quelque part, je suis content que ce soit Sixte qui prenne les baffes, à ma place. Ça me fait ça de moins à supporter. Reste que ça nous sort pas de là.

    Les choses changent quand Sixte commence à triturer mes liens, et la donne peut brusquement changer, parce qu’entre une mercenaire et un officier républicain, et une nobliaute de la Banque des Chaînes et son informateur nain, normalement, y’a pas match. Le risque, c’est la magie de Fleur, sachant que la nôtre a de bonnes chances d’être un peu capricieuse le temps qu’on se remette de nos émotions.

    Du coup, l’idée, c’est p’tet de gagner du temps, si l’autre veut bien nous en donner. Prise dans sa panique, elle lâche des informations précieuses, et ça va p’tet nous aider un peu, mais il reste toujours un point pour lequel j’ai aucune réponse. Si c’est pas elle non plus qui a dérobé la pochette, alors qui ? Bordel, ça me file mal à la tête rien que d’y penser. Y’a sûrement un parti de plus dans l’affaire, et faudrait finir de l’élucider.

    M’enfin, la priorité, c’est de se sortir de là.

    « Vous avez raison, Fleur Arnanka, cette pochette n’est pas la vraie. Il s’agissait d’un leurre pour attirer les gens qui souhaiteraient la dérober. Et j’aime autant vous dire que le plan a parfaitement réussi. »

    Son attention braquée sur moi, j’arbore un sourire bravache qui doit me donner l’air sacrément con, le visage maculé de bave. J’me retiens de cracher encore. Elle est déjà au bout du rouleau, j’voudrais bien éviter de ressembler à un steak tartare façon Sixte.

    « Et vous n’avez qu’une seule façon de vous en sortir, à ce stade, pas vrai ?
    - Je peux vous faire parler. Je saurai être inventive et vous me direz tout, siffle-t-elle.
    - Peut-être. Mais le dirons-nous suffisamment vite ? Les officiers républicains remonteront-ils la piste jusqu’ici ? La disparition d’un capitaine n’a rien d’anodin... »

    Enfin, j’espère. Mais d’expérience, quand il arrive quelque chose à un ou une collègue, on se plie en quatre pour le retrouver et faire payer ceux qui auraient fauté. Il va sans dire que le coupable finit rarement en prison. Faut bien qu’on montre les dents parfois, sinon c’est nous qui nous faisons bouffer. C’est ça aussi, la jungle de la rue. Le sourire que j’lui adresse alors n’a rien de drôle, plutôt ambiance taillé à la serpe. J’espère que j’présente une apparence suffisamment crédible.

    Au bout d’une minute à nous contempler sans rien dire, alors que son expression oscille entre la colère, la peur et la réflexion, c’est l’informateur qui reprend la parole.

    « Ils pourraient être en train de mentir. Rien n’indique qu’ils ont réellement la pochette. »

    Merde, quelqu’un qui a un cerveau. J’suppose que Sixte est venu lui demander des informations, et qu’il raccorde les morceaux qu’il a. C’est son métier, après tout. Est-ce qu’on pourrait lui vendre ça comme un moyen de piéger, comme sur l’épave échouée ? Ca, pour le coup, c’en était bien un, mais pour la vraie pochette, effectivement, la demie-elfe ne l’avait pas.

    « Peut-être aussi qu’on n’a pas tous les deux les mêmes informations. Elle, c’est juste une mercenaire qui trempe régulièrement du mauvais côté de la loi, alors que j’suis capitaine des officiers républicains. On mélange pas les torchons et les serviettes en soie.
    - C’est plutôt la Banque des Chaînes et la SSG, les serviettes en soie. Tout au plus êtes-vous un mouchoir en coton. »

    Ah bah sympa, l’ambiance.

    Mais mes mots ont fait mouche, et Arnanka tourne toute son attention vers moi, redevient impériale même si on sent dans sa raideur qu’elle est sous tension.

    « Parlez.
    - Au décès de Rosti, il y avait effectivement une pochette en feutre gris dans ses affaires. Vous n’êtes pas sans savoir qu’elle contenait tout un tas d’informations importantes.
    - Oui, oui. La pochette ? Où est-elle ? Qui l’a en sa possession ?
    - Nous avions évidemment que la pochette attisait les convoitises de tout un tas de gens plus ou moins recommandables. Et comme sa mort était mystérieuse, l’objectif de l’office était de s’assurer que personne ne l’avait... aidé à sauter le pas. »

    J’improvise, j’improvise, mais je commence à tomber à court d’idées.

    « Une Sénatrice, dont je ne connais pas le nom, a contacté ma hiérarchie pour ordonner qu’on procède ainsi.
    - Et la pochette ? Les documents ? Les avez-vous vu ?
    - Franchement... Vraiment pas... »

    J’écarte les bras, et je me masse les poignets pour rétablir la circulation. Pendant qu’on discutait, Sixte est venue à bout des liens. L’informateur s’agite, mais l’attaque mentale le cloue au sol, et j’tourne mon attention vers Arnanka, qui encaisse paisiblement mon assaut magique.

    « Il faudra faire mieux que ça, officier. Qui est la sénatrice ? A-t-elle la pochette en sa possession ?
    - Je l’ai juste vue de loin... »

    Un projectile magique pas piqué des hannetons prend forme au creux de ma paume, pendant que je me baisse pour défaire les liens de Sixte.

    « De taille moyenne, cheveux sombres, humaine de gabarit... »

    Une description qui, somme toute, pourrait s’appliquer à n’importe qui. De toute façon, je sais même pas si y’a une sénatrice qui correspond à cette description. Mais Fleur cherche furieusement l’identité de la coupable fictive, et moi je cherche furieusement comment on va finir par sortir de là.

    Et où pourrait être cette putain de pochette.
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    Sixte V. Amala
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  • Lun 1 Jan - 18:29
    “Foutus liens de merde” Beugla l’esprit de Sixte alors ques ses doigts agiles ne cessaient de s’agiter. La discrétion l’obligeant à limiter ses mouvements au strict minimum, elle eut l’impression que ce manège durait des heures. Heureusement Pancrace était un beau parleur, suffisamment doué pour débiter une quantité d’âneries à faire frémir les plus grands politiciens de République. Il était même tellement bon qu’arrivé au moment où la pochette revint sur la table, elle hésita. Et si, tout ce qu’il disait n’était pas un mensonge ? Et si finalement, cette pochette, il la voulait autant qu’elle ? Le doute qui avait commencé à se taire quand il avait fait montre d’une certaine loyauté à bord de l’Ouranos -notamment en ne la laissant pas en tête à tête avec ses adversaires - revint avec une force si souveraine qu’elle hésita, un bref instant, à poursuivre son labeur. Hélas ils n’avaient d’autres choix que celui-là. Toutefois, elle s’était fait un plaisir de serrer sans douceur la corde autour de ses poignets quand il l’eut comparé à un torchon. “Connard.” avait sifflé son esprit avant qu’elle ne s’attache à nouveau à le détacher.

    Une chose était certaine, ceux qui les avaient menottées étaient soit extrêmement doués avec les nœuds, soit dotés d’une magie dont elle ignorait l’existence. Bientôt, la corde avait tellement frotté contre la pulpe de ses doigts qu’elle peinait à en distinguer les différents entrelacs. De plus, elle n’avait pas encore pris le temps de se régénérer et sa tête lui faisait un mal de chien. Un tambour battait ses tempes au rythme régulier de son cœur, faisant pulser la plaie sur sa pommette mais également sa lèvre fendue qui ne cessait de saigner abondamment sur son menton. Aux termes de l’histoire de Pancrace, Sixte était enfin venu à bout de ses liens. Un soupir de soulagement franchit la barrière de ses lèvres avant qu’un “splotch” dégoûtant  ne vienne lui indiquer qu’elle avait posé la tête dans la petite flaque de sang poisseux. “Génial.”

    - Dieux que ça fait du bien. Jura Sixte quand ses mains furent enfin libres. Tandis qu’elle parlait ses plaies se refermèrent pour ne laisser rien d’autres que de fines estafilades rouges et boursouflées et sa céphalée s'apaisa légèrement. Suffisamment en tout cas pour lui permettre de la remiser dans un coin de son esprit et de se relever sans vaciller. Elle massa ses poignets endoloris tout en lançant des regards suspicieux aussi bien à Pancrace qu’à Arnanka qui voyait visiblement leur libération d’un bien mauvais œil - à juste titre- puisqu’elle s’était peu à peu retendu comme la corde d’un arc.

    Cette affaire commençait à devenir sérieusement compliquée. Plus ils creusaient profondément et plus rien ne semblait coller. Fleur aurait dû être le point final de toute cette histoire Hélas, ce n’était visiblement pas le cas et il y avait apparemment un quatrième maillon à cette chaîne qui n’en finissait pas. Quant à savoir lequel… Par tous les enfers pourquoi, diantre, avait-elle accepté cette mission? Elle se le demandait encore quand elle se mit à retracer toutes leurs informations. D’abord c’était un fantôme qui n’avait laissé presque aucune trace de son passage, qui avait su jouer au jeu du chat et de la souris sans que Sixte ne le remarque. Ensuite il avait été informé de sa petite association avec Pancrace, du piège qui avait été tendu et peut-être même de la pochette factice… Ce qui aurait expliqué que Fleur leur mette la main dessus dans l’optique de s’en débarrasser. A qui ce genre de machination pourraient-elles profiter ?  Les yeux de la demi-ange se braquèrent brusquement sur Mhug. Encore à terre, il avait eu le souffle coupé par l’attaque précédente et haletait de douleur. Sixte dont les appuies étaient loin d’être parfait se faufila aux côtés de son camarade d’infortune.

    - J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Murmura-t-elle. - La bonne c’est que je pense avoir trouvé notre coupable. Pancrace était intelligent, s’il n’était pas parvenue lui-même à cette conclusion, il lui suffisait de suivre son regard pour en comprendre la nature. - La mauvaise c’est qu’on risque de devoir se débarrasser d’Arnanka quand même.

    Fleur était observatrice mais aussi maligne. Suivant le regard de Sixte, elle observa longuement son petit informateur. Puis peu à peu les pièces du puzzle s’imbriquèrent dans son esprit et ses yeux s’illuminèrent de la même lueur de compréhension qui avait traversé les siens.  - Mhug… Sa voix avait le velouté du poison ; même Sixte ne put retenir un frisson - Mhug… Tu n’aurais pas oublié de me dire quelque chose. La créature dont le souffle erratique tendait à s'apaiser se releva péniblement.

    - Non Madame, je… Ses iris firent des allers et retours entre Fleur, le duo improbable de Pancrace et Sixte et les fenêtres qui donnaient sur la rue en contrebas. - Qu’aurais-je bien pu oublier… ? Je vous suis entièrement dévoué Dame Arnanka.

    Sixte elle-même aurait pu se laisser prendre si seulement Mhug n’était pas la cause de sa présence ici.
    Voyant que l’attention qu’on lui portait était moindre et comptant sur Pancrace pour faire diversion, elle entreprit de s’approcher du bureau sur lequel se trouvait ses effets personnels.

    Fleur était entièrement tournée vers son fair-valoir qui se ratatinait à chaque pas de la femme dans sa direction.  

    - Je commence à comprendre pourquoi tu insistais autant pour les voir morts plutôt qu’interrogés.

    “Une belle soirée, finalement”. Sixte continuait de progresser aussi discrètement qu’elle le pouvait vers ses affaires.

    Mhug ressemblait à un chien prêt à se mettre sur le dos dans une position de soumission quand brusquement il se redressa dans un soupir las.

    - Et si vous aviez obéi, nous en aurions déjà fini avec cette histoire !  Explosa-t-il. - C’était pourtant simple ! Vous les tuiez, je rentrais chez moi et il ne me restait plus qu’à vendre cette maudite pochette pour un paquet d’or ! J’aurais été riche et vous auriez bien fini par retrouver votre paperasse merdique ! Quand vous auriez compris tout ça, j’aurais déjà quitté la ville depuis belle lurette.

    Fleur sembla surprise pendant un bref instant puis ses traits se tordirent de colère, la rendant plus laide que jamais.

    - Je vous paie cher pour faire votre travail Mhug ! Et vous me trahissez ! Vous allez payer.
    - Pas suffisamment. Cracha le nain. - N’y comptez pas. Ni une, ni deux, il s’élança les bras en croix devant le visage et fracassa une fenêtre avant d'atterrir lourdement en roulé boulé sur le sol pavé de la ruelle quelques mètres au-dessous.

    D’une certaine manière, Sixte comprenait. Elle aurait fait la même chose dans sa situation. Surtout vu la capacité d’Arnanka à être toujours à côté de ses pompes. Elle paraissait si facile à berner. D’ailleurs, durant tout cet échange, la jeune demi-ange avait largement eu le temps de récupérer ses effets personnels et sans crier gare, elle s’élança à la suite du nain par la fenêtre. Malheureusement, la drogue avait remisé sa grâce au placard et elle chuta lourdement sur le sol, sa cheville se tordant brièvement mais suffisamment douloureusement pour lui arracher un gémissement proche du cri.

    Sixte était certaine de savoir où Mhug allait se rendre, elle le connaissait depuis suffisamment longtemps pour savoir qu’il n’y avait qu’un seul endroit où il se sentait et se savait en sécurité ; chez lui. Alors elle oublia son articulation endoloris -autant que possible-  et se remit à courir sans un regard ni pour Fleur, ni pour Pancrace.
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  • Mar 2 Jan - 14:29

    J’aurais dû percuter plus vite.

    Après tout, y’a qu’une seule personne qui a choisi qui aurait la tâche de trouver la pochette. Une seule personne qui a eu l’information par Arnanka. Une seule personne qui a su ensuite qu’on cherchait à mettre la main sur la membre de la Banque des Chaînes. Dis comme ça, ça semble logique et évident, et pourtant, on est tous passé à côté avec la désinvolture et la nonchalance propre aux grands de ce monde qui ignorent les sous-fifres qui larbinent sans relâche en-dessous.

    Autant c’est pas surprenant de la part de Fleur, autant pour Sixte et surtout pour moi, c’est un peu plus inhabituel. J’veux dire, c’est souvent la concierge ou le majordome qu’a tué, et si c’est pas eux, ils interviennent d’une façon ou d’une autre, avec cette caractéristique essentielle des serviteurs : leur statut les rend quasiment invisibles aux yeux de leurs employeurs. Et ces derniers ont une fâcheuse tendance à l’oublier.

    Quand Mhug s’enfuit et que Sixte saute à sa poursuite, j’me retrouve à fixer Arnanka dans le blanc des yeux. J’ai toujours ma magie au creux des mains, et la sienne prend doucement forme aussi, j’le sens avec le senseur. J’lève les mains, paumes vers elle, et j’laisse le sort disparaître petit à petit, donc elle fait de même.

    « Il semblerait que nous nous soyions tous fait avoir par le petit monstre.
    - Ouais. Reste à savoir comment on va sortir de là. J’donne pas cher de sa peau, poursuivi par Sixte après l’avoir trompée.
    - Vous me rapporterez donc la pochette dès lors que vous l’aurez en votre possession, et je vous laisserai la vie sauve. »

    Elle se redresse, me regarde avec la mine régalienne. Ah, on en est donc à ce moment de la discussion. Elle redrape son foulard sur son épaule, et profite de sa haute taille d’elfe pour me prendre de haut. Je vais pas mentir, c’est davantage impressionnant quand c’est un oni, un drakyn ou un orc, avec des bras comme deux fois mes cuisses. Pas que les autres races soient moins intimidantes quand elles ont du pouvoir, comme Arnanka semble en avoir.

    J’me racle la gorge.

    « Y’a comme un souci. Vous avez des choses à cacher, et c’est probablement nous qui allons les avoir.
    - Vous ne m’avez pas bien comprise.
    - C’est vous qui comprenez pas bien la situation. Vous êtes importante au sein de la Banque des Chaînes. Est-ce que ça vous rend plus puissante qu’un sénateur ou deux ? »

    Le lourd silence qui plane répond à la question.

    « C ‘est bien ce qu’il me semblait.
    - Alors quoi ? Lâche-t-elle, amère. »

    J’suis interloqué, alors que son visage se renfrogne et se replie sur lui-même. Vrai qu’elle avait dit que si ses affaires avec Rosti ressortaient, elle risquait gros. Surtout si ça tombait dans les mains de la mauvaise personne, et j’peux pas assurer que j’travaille, par l’intermédiaire de mes chefs, pour ceux qui voudraient la faire tomber ou la faire chanter. D’un autre côté, c’est un peu chacun sa merde, il serait temps de s’en rappeler.

    « J’sais pas, démerdez-vous. »

    Elle fait un geste vers la fenêtre.

    « Je ne vais pas vous ouvrir la porte. Sautez, comme votre collègue.
    - Avant, je vais prendre une assurance. »

    J’m’approche, et elle lève les mains pour m’éloigner, mais j’attrape un de ses longs cheveux entre deux doigts, et j’le casse d’un geste vif.

    « S’il venait à nous arriver quelque chose, on tombera pas seul. Juste pour m’assurer que vous tenterez pas de vous venger par la suite. Et on verra si on peut vous sortir de la pochette. Ça dépend des documents, j’peux rien promettre. »

    J’ai dit ça sans y réfléchir, ni sans y croire réellement. J’veux juste couvrir mes arrières au maximum, et être certain qu’elle va pas vouloir me la mettre à l’envers. Du coup, j’culpabilise presque quand son visage s’illumine et qu’elle lâche un ‘’merci’’ gêné dans un souffle un peu court. Ouais ben j’ai pas promis et p’tet que j’me donnerai même pas cette peine. Et si c’est des bidules financiers, de toute façon, j’vais rien y comprendre non plus.

    Il reste plus qu’à gérer la dernière trahison possible de toute cette sombre histoire : celle de Sixte. Elle s’est barrée derrière Mhug, mais elle devait elle aussi se procurer la pochette. Autant dire qu’elle avait jamais l’intention de me la donner une fois en sa possession, et que si j’la veux, va encore falloir que j’y travaille. Sur le principe, ça me fait chier, mais c’est comme ça, le boulot : on choisit pas.

    Une téléportation m’amène en bas, dans la rue, et un coup d’oeil montre Arnanka qui me regarde partir. Si j’pouvais éviter de m’embrouiller avec tout le monde... J’ferme les mirettes, j’imagine la signature en mana de la demie-elfe, et j’repère la position de la mercenaire en ville, accompagnée de Mhug. Visiblement, elle lui a mis la main dessus, vu qu’ils ont l’air côte à côte. Ils sont pas tout près, donc j’trotte en m’tenant les côtes. Putain, j’ai mal, en fait.

    A quelques dizaines de mètres, j’passe juste la tête par le coin de la rue pour regarder où ils en sont. Dilemme. J’me montre ou j’me contente de les suivre pour voir ce qui se passe ? D’un autre côté, est-ce que je suis capable de rattraper Sixte ? La réponse est évidemment non. Fais chier.

    « Hé, bien joué pour avoir rattrapé la petite merde. Elle nous amène à la pochette ? »

    Le plus dur reste à venir, je crois bien.
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  • Mer 3 Jan - 9:38
    Si on avait un jour dit à Sixte que poursuivre un nain serait une tâche compliquée, elle n’y aurait pas cru. D’un autre côté, si comme elle pensait, c’était bien Mhug qui l’avait précédé dans le vol de la pochette alors il était normal qu’elle peine autant à la suivre. Bien plus agile que sa silhouette cubique ne le laissait présager, il se déplaçait avec une aisance presque surnaturelle. Sa cheville douloureuse n’aidait pas Sixte à suivre la cadence et si elle ne claudiquait pas pour éviter de perdre un temps précieux, chaque pas était un véritable supplice. Elle espérait que sa régénération viendrait à bout de sa blessure, mais hélas au bout d’une centaine de mètres il fut clair qu’elle ne s’en débarrasserait pas aussi facilement.

    Leur course poursuite fut assez brève mais pas moins intense, le plus gros avantage qu’avait Sixte sur Mhug était d’être le chasseur et non la proie. Si le nain était plus agile que ses pairs, il n’était pas plus malin et il ne fit aucun doute quant à sa destination. Alors plutôt que d’essayer de le rattraper, elle vira dans la ruelle opposée à celle où il s’engagea. Tout comme elle, il connaissait parfaitement Courage et ses petites ruelles exiguës. Toutefois, plus qu’un véritable truand, Mhug était un informateur sans le sous qui cherchait déséspéréement à tirer son épingle dans le vaste jeu de dames dans lequel il s’était engagé. Aussi, les chemins détournés lui étaient parfaitement étranger. Un avantage que l’elfe n’était pas prête à négliger. Remontant dans la ruelle étroite, elle grimpa le long d’une gouttière, se glissa par une fenêtre, traversa une pièce vide puis emprunta l’escalier miteux qui se trouvait dans un coin. Il craqua bruyamment sous son poids mais ne céda pas. Une fois le porte enfoncée d’un bon coup d’épaule, Sixte sortie sur un toit tout aussi abandonné que le reste du bâtiment. Elle longea le parapet puis se hissa dessus avant de se mettre à déambuler péniblement sur un pont de fortune qui reliait une seconde bâtisse. C’était, en temps normal, un raccourci mais avec une cheville en moins ça ne l’était peut-être plus tellement.

    Au prix d’un effort conséquent elle arriva sur le toit en face. Au lieu de poursuivre son avancée en hauteur, comme elle se plaisait à le faire. Elle replongea dans les entrailles du bâtiment, dévala l’escalier jusqu’en bas puis actionna une trappe qui la mena encore plus profondément dans le ventre de la vieille bâtisse. Elle progressa le dos courbé, dans un dédale de couloirs terreux et aussi sombre qu’une nuit sans lune. Heureusement, elle connaissait le chemin. Il lui suffit de laisser ses doigts courir sur la roche du mur durant quelques mètres pour tomber sur l’échelle qui la mena à une nouvelle trappe qu’elle repoussa. La sortie donnait dans une rue peu fréquentée à cette heure de la nuit. Les lumières faisaient danser des ombres sur les murs et le silence était si total que malgré toute l’agilité dont Mhug pu faire preuve, elle l’entendit arriver deux minutes avant qu’il ne soit là. Ce qui lui laissa largement le temps de s’extirper de son trou mais aussi de cueillir le nain d’une grande droite en plein visage lorsqu’il tourna pour entrer dans la ruelle où elle se trouvait. Il n’émit aucun son pas même un gémissement mais termina sa course en rouler bouler sur le sol. Trainant un peu la patte, Sixte remonta à ses côtés et pressa en douceur sa dague contre la glotte du nain.

    - La pochette. Maintenant. Et je te laisserai peut-être filer. Son regard indiquait tout le contraire et le bleu azurin brûlait d’une flamme vengeresse. Le nain hésita quelques secondes puis poussa un long soupir.

    - Bien… Très bien. Autant que ce soit toi plutôt que cette garce d’Arnanka.
    - Tu disais pas ça quand tu nous a livrés à elle.

    Il haussa les épaules tout en se relevant précautionneusement pour ne pas se couper sur la lame qui suivait la ligne de se gorge sans jamais quitter sa peau.

    - Les affaires sont ce qu’elles sont. Tu le sais bien.
    - Peut-être.
    - Et t’aurais fait la même chose si nos places avaient été inversées.
    - Sans doute.
    - Alors pourquoi tu me regardes comme ça ?
    - T’aurais mieux fait de pas te louper Mhug. Moi je t’aurais pas loupé. C’est ça la différence.

    Le nain leva ses yeux creux et parut subitement épuisé.

    - Probablement. M’enfin. Vient, c’est à la maison.

    Mhug disait vrai. Ce qu’elle cherchait était sous son nez depuis le début.
    Le nain et les siens vivaient dans les soubassements d’un bâtiment gigantesque. L’endroit pouvait même s’apparenter à une cave et il fallait descendre une petite volée de marche pour atteindre le seuil de la porte. L’elfe et son prisonnier étaient sur le point d’entrer quand une silhouette se découpa dans le contre-jour de la lumière diaphane des éclairages publics.

    - Exactement. On en voit enfin le bout. Vient. Invita-t-elle Pancrace tout en se demandant, dans son for intérieur, s' il n’aurait pas mieux valu l’éloigner tout de suite. Mais il était trop tard et ils s'engagèrent l’un derrière l’autre dans le petit escalier, la dague de Sixte reposant maintenant dans le creux des reins de son otage. - Ta femme et tes enfants ? Sa voix était basse, pour ne pas éveiller l’attention.

    - Partis. Je dois les rejoindre sur la route. Je devais. Dit-il amèrement.
    - Donne-moi la pochette, qu’on en finisse.

    Mhug maugréa dans sa barbe et avança au travers de la pièce. C’était un endroit exigu, bas de plafond où un homme pouvait aisément se sentir à l’étroit. Ce n’était pas le cas de Sixte mais à peu de chose près. Tout était propre, parfaitement ordonné, suffisamment pour la pousser à croire au départ récent de son épouse et ses petits. De toute manière, elle n’avait pas l’intention de vérifier l’information ; elle ne se vengeait qu’en de rares occasions sur les membres de la famille de ses cibles. Même si Mhug méritait une correction, elle n’était pas de cette nature là. Ce dernier se planta d’ailleurs devant une armoire en bois brut, il l’ouvrit et retira plusieurs étages d’assiettes creuses, plates et à dessert. Puis il tâtonna un bon moment sur le fond avant qu’un “clac” ne retentisse dans la pièce. Il jura une ou deux fois, peut-être trois mais quand il recula. Il y avait dans sa main une pochette en feutre noir.

    Sixte franchit la distance qui les séparait à une vitesse fulgurante, qu’elle regretta amèrement quand sa cheville se rappela à son bon souvenir. Elle grimaça brièvement mais l'appât du gain et surtout l’espoir d’en finir enfin avec tout cela était plus fort encore. Mais avant de crier victoire, elle ouvrit la pochette, feuilleta les documents et enfin s’autorisa un sourire triomphant.

    - Va-t’en Mhug. Avant que je change d’avis.

    Le nain déguerpit sans demander son reste. Dès que la porte se referma derrière lui, Sixte combla la distance entre elle et Pancrace en quelques enjambées. Son sourire n’était pas retombé et même ses yeux vinrent se planter dans ceux mordorés qui lui faisaient face.

    - On l’a Pan ! J’y croyais plus ! Elle laissa échapper un rire franc, soulagé.
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  • Mer 17 Jan - 19:47

    Elle est quand même bien gentille de laisser Mhug partir. C’aurait été moi, j’t’aurais foutu ça au trou, dans un endroit assez peu accueillant, histoire d’être sûr qu’il passe un moment détestable. Mais bon, j’ai plutôt la réputation d’être assez hargneux et vindicatif, y’a probablement un lien. Puis bon, il dit qu’il va disparaître avec sa famille, mais rien n’indique que ce soit vrai, alors même qu’il a déjà essayé de nous faire tuer à plusieurs reprises. Nan, vraiment, lui, vaut mieux pas qu’il remette les pieds à Courage. J’laisserai un mot ou deux à des contacts et informateurs, s’il repointe sa vieille trogne, de lui faire comprendre que j’avais assez peu goûté la plaisanterie.

    Si les gens comme lui commencent à prendre l’habitude de s’en prendre aux officiers républicains, c’est le début de la fin.

    Mais la pochette est en notre possession, enfin, la vraie, de ce que Sixte a pu consulter. Elle peut encore me réserver un coup de Jarnac, mais pour l’instant, j’me laisse juste envahir par la joie d’être enfin arrivé à peu près au bout des choses et, surtout, par son rire communicatif, que j’accompagne du mien. Et, comme elle s’est rapprochée, j’la prends dans mes bras et j’la fais tourner une fois en l’air avant de la reposer au sol.

    « Enfin, putain ! J’ai cru qu’on y arriverait jamais. »

    J’me mords l’intérieur de la joue, j’regarde en coin. Trop de façons de récupérer mon dû, et la chose qu’on cherche tous les deux. J’peux même demander gentiment, c’est même pas dit que ça foire : après tout, elle avait été missionnée spécialement pour retrouver la pochette, mais par qui ? Si c’était par l’intermédiaire de Mhug, la vérité, c’est qu’elle en a plus besoin. Alors que moi, j’ai toujours mes commissaires et leurs politiciens à eux sur le cul. Si c’est quelqu’un d’autre, faudra un perdant, et entre une mercenaire sans attaches et quasiment immortelle, et un simple officier républicain membre du maillage territorial, j’ai clairement davantage à perdre.

    Et j’aime pas perdre.

    « Je connais une taverne qui sert toute la nuit, bouffe et alcool, ça te dit ? C’est pas très loin d’ici. »

    Le Tabouret Ivre fait partie de ces endroits qui s’arrêtent jamais vraiment de vivre. C’est tenu par une vieille d’une main de fer, qu’était déjà vieille y’a plus de dix ans, et ça n’a pas changé depuis, au point que j’ai l’impression qu’elle a même pas pris une ride. Pourtant, elle a tout de l’humaine, adore l’agitation de sa propriété, et quand j’discute avec les autres, ils disent qu’ils l’ont toujours connu comme ça. Au point qu’on se demande si elle aurait pas gobé une potion d’immortalité, ou si y’aurait pas un genre de malédiction vampire dans le coin. Certains disaient que c’était une liche, mais c’est pas l’impression que j’ai. Après, sait-on jamais vraiment ?

    Reste que les prix sont plus qu’abordables, que l’ambiance est toujours bonne, et que, comme on est en semaine et qu’on approche de la fin de la nuit, on n’aura pas de mal à trouver une place assise dans les alcôves qui parsèment tout un côté de la grande salle. J’salue le videur, un drakyn à la mine fatiguée qui nous jauge avant de nous introduire, et j’prends comme une baffe par la chaleur et le bruit d’une bande d’étudiants qui finissent leur soirée et sont complètement déchirés.

    « Manger un bout nous fera du bien, entre les affrontements et l’enlèvement par Arnanka. J’me suis occupé d’elle, au fait, elle devrait pas faire de débordement. Et j’nous ai préparé une assurance au cas, donc si elle te pose problème, hésite pas à me faire signe. »

    J’ai encore ses cheveux dans ma poche de poitrine, j’les rangerai soigneusement dans un coin caché d’ici quelques semaines. En attendant, j’les garde sur moi, pour pouvoir y faire quelque chose à la première incartade. P’tet que j’signalerai aussi informellement le bousin aux chefs, histoire d’être certain qu’elle vienne pas nous chier dans les bottes, par désespoir. Y’a aussi des bons côtés à bosser pour d’autres, après tout.

    Le hachis parmentier qui arrive devant nous, avec l’alcool de notre choix, me remonte déjà le moral, et j’attaque vivement la gamelle. Ça fait quasiment une journée complète que j’suis debout, et avec l’adrénaline qui commence à redescendre, j’dois retenir un baillement, surtout avec la température. J’desserre un peu ma veste et ma chemise.

    J’peux pas m’empêcher de regarder fréquemment en direction du sac où Sixte a rangé la pochette, alors j’me distrais en regardant ses yeux, et la manière qu’elle a de se jeter sur la nourriture. Pas facile, d’être mercenaire, en ce moment, j’suppose. Surtout si Mirelda continue à renforcer l’armée, l’utilisation de tiers plus chers va devenir de plus en plus rare ? Enfin, p’tet, hein, pour ce que j’en sais.

    « Tu prévois quoi, ensuite ? Et fais-toi plaisir, c’est moi qui régale. »

    Ca va que c’est pas si cher et que j’vais pas tarder à toucher un bonus pour une nouvelle affaire brillamment élucidée.
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  • Sam 20 Jan - 18:24
    - Un peu que ça me dit ! Lança Sixte avec un sourire féroce. C’était peu de le dire ; elle mourait de faim. Peut-être était-ce un contre coup de la drogue qu’ils avaient été forcés de respirer ou était-ce simplement son corps qui se rappelait à son bon souvenir, dans tous les cas elle rêvait de prendre un bon repas. De plus elle commençait à avoir sérieusement froid,  même l’étreinte incongrue de Pancrace n’y avait rien changé. Cela faisait longtemps maintenant qu’ils n’avaient pas fermé l’œil, l’un comme l’autre et même si elle avait l’habitude de veiller autant que de faire des crises d'insomnie, la nuit avait été éprouvante. En plus d’un repas chaud, elle n’aurait pas refusé un lit douillet au pied d’un feu puissant et chaleureux. Mais pour l’heure elle se contenterait d’un repas et d’arroser le tout pour fêter la fin de cette mission infernale. Elle n’aurait bientôt plus qu’à déposer cette maudite pochette chez son employeur, empocher l’argent et disparaître jusqu’à ce qu’on ait de nouveau besoin d’elle. Sans compter que la somme qui l’attendait était suffisamment rondelette pour la mettre à l'abri quelque temps. Régler une ou deux dettes aussi.

    L’adrénaline quittait peu à peu son corps et laissait place à une lassitude qui lui semblait infinie. Aussi, le trajet jusqu’au Tabouret Ivre lui parut interminable. Elle était déjà venue ici, mais ne connaissait guère la tenancière ni les lieux. Elle ne restait jamais longtemps au même endroit et mettait un point d’honneur à se fondre dans la masse autant que faire se pouvait. Ce qui lui permettait de revenir plusieurs fois au même endroit sans se faire repérer. Comme ce soir, ou elle entra à la suite de Pancrace  en regardant fixement devant elle, l'œil presque vitreux ; elle n’avait de toute façon pas l’énergie de faire autre chose.

    Sixte se laissa tomber sur le banc aux côtés de Pancrace et étira ses jambes sur le siège d’en face, sa tête vint reposer sur le dossier de l'assise puis elle soupira bruyamment.

    - Si elle déborde trop, je peux l’en empêcher  une bonne fois pour toute si jamais. Pas partisanne du meurtre, elle pouvait toutefois faire une exception pour cette garce d’Arnanka dont la gifle raisonnait encore dans sa tête plusieurs heures après. - Mais je te fais confiance. Elle n’avait surtout aucune envie de devoir étriper Fleur. Pas ce soir en tout cas. - J’te savais pas aussi prévoyant, capitaine Dosian. Un sourire fendit son visage. - Ou fourbe. Dépend du point de vue.

    Plus que la chaleur ou même les bouteilles d’alcool qui atterrirent devant elle, ce fut le plat principal qui attira toute son attention. Son estomac gronda bruyamment et elle ne se fit absolument pas prier pour se servir et engloutir son repas comme si c’était le premier depuis cent ans. Elle avala tout rond sa dernière cuillère avant de se servir un verre pour faire descendre le tout. Etrangement son corps semblait avoir récupérer un peu d’énergie, elle se sentait moins harassée.

    - T’es vachement généreux en ce moment, remarqua-t-elle, - T’as un truc à te faire pardonner ? Elle rit légèrement. La dernière fois, elle ne lui avait pas franchement laissé le choix, en abandonnant la table alors qu'il s'y trouvait encore. Cependant, elle n’allait pas s’en plaindre. A l’heure actuelle sa bourse était probablement plus pleine que la sienne. Elle se renversa à nouveau sur le dossier du banc avant de faire rouler sa tête sur le côté et d'observer le profil de Pancrace. - Va savoir. Il faudrait sûrement que je me précipite chez celui qui m’a payé pour cette pochette, que je m’excuse platement pour le bordel et que je négocie intelligemment un prix plus élevé pour la lui remettre… Elle admira l’angle carré de sa mâchoire, ses lèvres malicieuses et pendant un instant son regard doré que la lueur des bougies semblait enflammer puis s’en détourna pour attraper le sac qu’elle déposa sur ses genoux. - Mais d’un autre côté, est-il à quelques heures près ? Elle posait la question aussi bien à Pancrace qu’elle ne se la posait à elle. - Et je serais pas contre un peu de tranquillité avant de devoir jouer les marchands de tapis.  Se redressant, elle posa son sac à ses pieds et se saisit de son verre qu’elle vida d’une traite avant de se resservir. - Je prendrais probablement une chambre ici. Son regard glissa jusqu’à celui de Pancrace ; qu’il l'interprète comme bon lui semblait et elle s’en détourna. - Et toi ?

    L’aube ne tarderait pas à poindre et ses hommes devaient probablement se demander où était passé leur capitaine. Ce qui serait une question légitime, aussi celle de Sixte était formulé plus par politesse que véritable intérêt. Jusqu’à ce qu’une seconde ne lui vienne à l’esprit.

    - Qu’est-ce que tu vas raconter au reste de l'office ? Je les vois mal se contenter d’un simple “c’était un nain, qui finalement s’est tiré” ou “Les grands de la banque des chaînes ont merdés”. Alors comment vas-tu te sortir de là ? Elle se tourna une fois de plus dans sa direction.
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  • Sam 3 Fév - 12:03

    Elle se jette sur la bouffe comme la misère sur le pauvre monde. Ou comme le pauvre monde sur la bouffe. Y’a pas à dire, Sixte a de l’appétit et un sacré coup de fourchette. Le hasard de l’organisation du plan de table fait qu’on est côte à côte, et j’sens son épaule, son coude, sa cuisse contre mon corps. La chaleur est bienvenue, de manière spécifique pasqu’on a quand même passé une journée interminable et une sale nuit qui aurait pu mal tourner, et de manière générale parce que c’est toujours agréable.

    « Ca devrait le faire pour Fleur. De toute façon, je glisserai un mot au sénateur et il s’arrangera pour limiter son pouvoir de nuisance. Et sinon, une malédiction mettra un point que j’espère final sans aller jusqu’au meurtre. Ça serait vraiment... peu savoureux. »

    Que des gens meurent, ça arrive, et j’suis bien placé pour le savoir : j’vois mon lot de cadavres régulièrement, ce qui est un peu logique quand on est officier républicain, sans même parler de la GAR, encore que j’y ai pas fait la guerre. J’ai une image fugace de Kaizoku qui me traverse l’esprit, et j’retiens pas une grimace. Un vrai charnier. Paraît que des cadavres sont remontés jusqu’au port pendant des semaines, après ça, au fur et à mesure qu’ils se délitaient dans l’eau, le ventre gonflé de gaz, et se libéraient des débris qui les retenaient au fond.

    Bien content de pas avoir rempilé pour la reconstruction.

    « Un truc à me faire pardonner ? Non, pas que je sache. »

    Pas encore, en tout cas, mais ça va venir, je sens. Surtout quand le sac arrive sur mes genoux. Mon cerveau part dans deux directions en même temps, et si on dit qu’à courir deux lièvres à la fois, on en attrape aucun, y’en a un qui semble disposer à attendre quelques heures.

    « Ouais, on n’est pas pressé, si ? Surtout après une suite pareille d’événements. Faut p’tet même mieux laisser la poussière retomber un peu, s’assurer que ça va pas déclencher une panique soudaine chez tous ceux qui pourraient vouloir la pochette, et ils avaient l’air d’être nombreux. »

    Une excuse comme une autre pour justifier un peu de repos. J’pourrais dire que la chaleur et la nourriture commencent à m’endormir, mais j’ai une autre forme d’énergie nerrveuse qui me prend. J’accroche les yeux bleus de Sixte, j’me demande si c’est une invitation. Hé, ça coûte rien de s’incruster si y’a moyen. Au pire, j’ouvrirai une boutique de jardinerie et j’y vendrai mes râteaux.

    « Je pensais aussi à une chambre en particulier, ici. »

    Je lui adresse mon plus beau sourire, pour cacher une éventuelle rougeur aux joues, avant d’embrayer sur la question suivante, venue rapidement à la suite, comme pour couper court au sujet et à ses possibles conséquences. Mais c’est vrai que j’ai prévenu l’office que je m’occupais de tout, et qu’on referait le point dans la matinée. Connaissant la planification, la majorité reprendra pas le service avant l’après-midi, ce qui laisse quelques heures supplémentaires pour s’occuper de tout. J’pourrais envoyer un garçon prévenir que tout va bien contre une piécette, ou transmettre un message par projection astrale, mais est-ce vraiment nécessaire ? Ils vont pas s’inquiéter, de toute façon, pas avant le soir si j’pointe pas le bout de mon nez, et avec la pochette sur les genoux et Sixte contre moi, l’anxiété chronique des commissaires me paraît pas peser bien lourd dans la balance.

    « J’sais pas, j’trouverai bien un truc. P’tet qu’on chargera un des cadavres, histoire que personne aille fouiller de trop près dans les méandres du truc. Ou alors j’balance tout sur le nain, ça lui fera les pieds. De toute façon, il est parti, et j’l’avais dans le pif. Il nous a salement mené en bateau, et j’ai pas la moindre envie qu’il se dise qu’il peut s’en prendre aux officiers républicains et s’en sortir. J’verrai. »

    C’est bien le cadet de mes soucis pour l’instant, aussi, faut bien le dire. Autour de nous, les gens sont plutôt en train d’avaler un thé, avec du pain frais et du beurre de baratte, avec un morceau de fromage plus ou moins fait. Ceux qui ont commencé plus tôt, au milieu de la nuit, sont plutôt en train d’avaler une bière, un verre de vin rouge rude et costaud, avec du pâté ou du ragoût, comme nous. Tous les rythmes sont là, et à celui où on s’est jeté sur nos gamelles, ces dernières sont vides.

    J’me décale jusqu’à me relever, sac en main. Pas trop envie de lâcher la pochette.

    « J’t’accompagne jusqu’à ta chambre ? »

    La proposition est claire, comme ça. Et si elle dit non, j’me casse avec mon trésor, ça lui fera les pieds.
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  • Mar 6 Fév - 22:45

    Sixte essaya de se souvenir la dernière fois que quelqu’un avait partagé ses draps ainsi que son intimité et ne s’en souvint pas. Loin d’être un enfant de cœur, elle avait autrefois eu son lot d'aventures. Elle avait eut l’espace de plusieurs centaines d’années pour s’ébattre et apprendre les frontières de ses désirs, pour jouir des corps parfait au travers de tous les Sekaï, gouter aux plaisir parfois singuliers qu’ils renfermaient et pour se baigner dans la débauche d’un monde qui ne rêvait que de la voir s’y noyer. Pourtant depuis plusieurs années maintenant, elle n’avait plus pris d’amant. Par désintérêt, songea-t-elle. Mais peut-être aussi par crainte ; elle avait pris ses distances, tranchant brusquement les liens qui la liaient à ceux qu’elle avait auparavant appréciés. La demi-elfe n’était guère encline à l’introspection ; elle savait que ce qu’elle y trouverait ne lui plairait pas.

    - Ce serait dommage que je me perde. Répondit-elle, sarcastique, dans un sourire. Cependant, ses pas ne la menèrent pas vers le comptoir ni même l’escalier qui montait vers les chambres mais vers l’homme qui se tenait encore débout tout près d’elle. En une enjambée, elle franchit la distance qui les séparait et glissa ses doigts le long de son avant bras. Sa peau était lisse et chaude, mais elle ne se laissa pas prendre et poursuivit sa caresse jusqu’à rencontrer ses doigts rugueux à qui elle déroba son propre sac. - Je peux encore porter mes affaires. Elle était si proche de lui qu’il aurait suffit d’une inspiration pour que leurs poitrines se touchent. A la place elle tourna les talons et se dirigea vers la tavernière qui, aux termes d’un bref échange, lui remit une petite clé.

    Le Tabouret Ivre avait le mérite de ne pas faire partie de ces établissements glauques et encrassés qu’il était pourtant si aisé de trouver dès lors qu’on s'éloignait du centre ville. Il semblait également dépourvu des prostituées que l’on trouvait d’habitude dans un recoin d’escalier et qui tentaient presque à coup sûr de vous inviter dans un coin discret moyennant quelques pièces. Non, ici, une fois l’étage atteint, ils ne trouvèrent rien d’autre qu’un second escalier et un corridor où s'alignait une rangée de portes considérable. Chacune doté d’une plaque de cuivre estampillée d’un numéro. Sixte, le nez en l’air, jouait avec ses clés tout en cherchant sa chambre.

    - Mhug est un connard. Dit-elle, brisant le silence des lieux. - Mais il est sacrément malin. Elle ne pouvait empêcher son timbre coléreux de faire vibrer sa voix. - Si tu veux mon avis, d’ici le levé du soleil il aura trouvé un moyen de quitter la république. Si ce n’est pas déjà fait. Rester risquerait de coûter trop cher à sa famille et il n’est pas assez bête pour s’y essayer. Du moins elle l’espérait pour lui car si ce n’était pas elle, c’était Fleur qui se mettrait à sa recherche et quoi qu’elle puisse en dire, c’était une femme puissance bien que partiellement dérangée. Tant qu’il serait sur son territoire, il ne serait jamais en paix. - Si j’étais à sa place, c’est ce que je ferais. Songea-t-elle à voix haute avant de s’arrêter devant une porte. -  Treize. Sa clé glissa dans la serrure, un cliquetis retentit, le verrou claqua et la porte s’ouvrit sans un bruit.

    La pièce n’avait rien d’extraordinaire, ce n’était pas une auberge luxueuse mais Sixte constata avec bonheur que le matelas n’était pas fait de paille et qu’un feu brûlait déjà dans l’âtre de la cheminée. La pièce était chaude, accueillante et une lucarne permettait à la lumière de la lune de darder sa faible lueur sur les lattes du plancher. Sixte ne se fit pas prier et entra. Dans un coin, non loin du foyer, était entreposée une table et des chaises où elle se délesta de son sac.

    - Entre. Une invitation, rien de plus ni de moins, pendant ce temps elle s’attacha à défaire ses canons d’avant-bras qui rejoignirent rapidement son sac, suivit de près par le plastron qui recouvrait son torse. Ce ne fut que lorsqu’elle fut libérée de son carcan de cuir qu’elle se rendit compte à quel point elle était crispée. A moins que cette sensation ne soit dû qu’à la présence de l’humain derrière elle ? Le silence lui sembla subitement aussi lourd qu’une chape de plomb qui n’était plus trahie que par la rumeur discrète du rez-de-chaussée et les craquements irréguliers des bûches dans le feu. Sixte avait la sensation que la pièce elle-même retenait son souffle.

    La jeune elfe ne se souvint pas d’avoir franchit la distance qui la séparait de Pancrace pourtant, la seconde suivante elle sentait son souffle heurter son visage mais aussi la chaleur qui émanait de lui et faisait écho à celle qui était peu à peu en train d’embraser son propre corps. Son regard accrocha le sien, le temps d’une hésitation et peut-être d’une question silencieuse, puis elle écrasa ses lèvres contre les siennes dans un étrange mélange de réticence et d’avidité.
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