Et voilà que le feu lui tombe dessus sans crier gare.

Tensai n'a pas le temps de comprendre. Il ne s'attend tout simplement pas à ce qu'une des façades de l'auberge lui tombe dessus alors qu'il encourage son épouse à reprendre leur périple ensemble. Un crépitement plus fort est le seul avertissement qui le pousse à se retourner, à comprendre le danger aussi. Le mur en feu s'écroule sur eux. Il n'y a pas le temps de réfléchir, dans de telles circonstances. Il s'agit de survivre ou d'être tué. Tout seul, peut-être que Tensai aurait eu le temps d'esquiver... Mais il pense à son âme soeur. Ayshara n'est pas aussi vive que lui, elle n'aura pas le temps de réagir à la menace. Alors, sans la prévenir, sans dire un mot, il la pousse avec raideur pour que son épouse soit en sécurité. Il a le temps de se dire qu'elle ne devrait pas être touchée par les flammes. Et puis...

Puis, le guerrier meurt.  Le silence semble d'ailleurs s'installer un court moment dans les environs, comme si c'était un moment tragique - ou solennel - dans tout le Sekai. Même les zombies de s'approchent pas de la zone. Peut-être pour respecter l'hébètement d'Ayshara ? Car elle aura certainement le temps de comprendre lorsqu'elle verra l'auberge détruite et juste le feu rugir devant elle. Elle aura beau appelé, personne ne lui répondra. Elle aura beau prier,  la Lune se taira. Après tout, que peut-on face à la mort ?

L'âme de Tensai est censé quitter son corps, sauf qu'il a fait une heureuse découverte au début de cette apocalypse. Une plume de phénix, qui s'active à la mort de son porteur. Une douce lueur l'enveloppe, avant de s'estomper progressivement. Il n'aura pas de mal à se relever, car le mur s'est brisé à l'impact et seul quelques débris se trouvent encore sur sa dépouille. En revanche, il a l'impression d'être passé dans un rouleau compresseur, et par les Astres, qu'est-ce qu'il a mal. Pourtant, il arrive encore à bouger.

Et à prononcer un nom alors qu'il tente tant bien que mal de se relever pour aller jusqu'à une zone qui n'est pas ravagée par le feu.

- Ayshara...

Accrochée à la main de Neera qui était venue saisir la sienne comme la dernière ancre qui la rattachait à la vie, Rim papillonna des yeux dans la clarté pâle du jour sitôt qu’elles débouchèrent dehors. Préoccupée par la fumée, les cris et les râles d’agonie – et aussi disons-le sa propre survie, elle n’avait pas pu assister aux derniers instants héroïques du sacré beau gosse qui les avait accueillis. Elle ne se leurra guère cependant sur la fatalité de son sort, comprenant qu’il ne sortirait jamais de la cabane en feu après quelques secondes passées. Son esprit fut en revanche fort heureusement distrait du nouveau maquillage dernière génération de Liz par l’arrivée impromptue d’un nouveau personnage, un individu qu’elle appréciait grandement dans son existence antérieure.


Elle n’ajouta pas qu’elle était ravie de le voir dans ce décor d’apocalypse. Cela aurait probablement sonné étrange lorsqu’elle se tenait arrimée au bras de Neera avec la dégaine d’un caniche sorti trop tôt du feu : ébouriffée, noire de suie et de crasse, plus hagarde qu’un vieux échappé de l’asile. Et puis, ils avaient de plus en plus de difficulté à s’entendre avec le raffut que faisait la horde de zombies à la poursuite de Jean et Léo. N’était-ce d’ailleurs pas là une tentative d’assassinat de la part de Jean, que d’avoir entrainé une innocente jeune femme avec lui ?


Elle avait toujours eu de la suite dans les idées. Rim s’ébroua pour se forcer à sortir de sa torpeur, recouvrant sa combativité. Elle devait faire sa part dans ce groupe si elle voulait que ses amis survivent. Peut-être que les détendre aiderait un tantinet… ?


Son regard glissa sur Stadzank. Le silence s’attarda.


En lieu et place de tuer un zombie par son humour -elle n’était de toute évidence pas suffisamment drakyn pour que cette astuce fonctionne-, la terre préféra plutôt se déchirer en deux dans un terrible craquellement grondeur, envoyant valser végétation et êtres vivants culs par-dessus tête dans un abime sans fond. Sans fond ? Non. Pas si elle en croyait les beuglements d’une armée de morts vivants affamés dont les griffes raclaient déjà la roche dans l’espoir de saisir deux ou trois survivants perdus.


Rim avait d’ores et déjà bondi en arrière, esquivant de peu un bras qui tentait de la saisir. Un bras humain, se fit-elle la réflexion juste avant de reconnaitre l’un des étudiants qui accompagnait Neera. Encore vivant. Le pauvre bougre glissait lentement vers l’inexorable, tentant bon gré mal gré de s’accrocher à la jambe de Rim. Le regard de l’ambassadrice s’obscurcit d’une froideur animale tandis qu’elle plaquait sa botte contre le visage effrayé de son agresseur.


Sa semelle enfonça la tête du pauvre bougre qui chuta immédiatement de la falaise nouvellement créée, sombrant dans le marasme obscur de la foule de zombies grouillant en contre-bas. Pardon Neera. Mais il fallait bien occuper leurs indésirables visiteurs le temps que leur groupe trouve refuge ailleurs !

Edit après le dé : Si ce gain de temps fut tout à fait profitable pour permettre aux autres de reculer, Rim n’avait toutefois pas eu l'occasion de voir arriver le deuxième étudiant sur sa droite, poursuivi par un zombie. Ils se heurtèrent avec la violence de deux personnes paraplégiques parfaitement surprises de se découvrir chacun sur leur route, suspendus au-dessus du vide dans une sorte de ralenti très esthétique. S’il sombra dans le précipice, Rim s’effondra à genoux, son regard étonné découvrant la lame d’un coutelas accidentellement bien enfoncé dans son ventre.

Et elle se mit à courir. Encore. Et encore.

Dans un rythme fou, Violette tentait d'échapper au feu, aux morts, et à présent au sol qui s'était mis à trembler. Tout autour d'elle semblait vouloir sa fin. Tout semblait vouloir se déchainer. D'un côté, cela était logique. Une fin du monde s'accompagnait rarement de soirées libidineuses où les gobelines aimant la chair et l'argent pouvaient se la couler douce tout en profitant d'individus aussi séduisants qu'agréables.

Alors, la petite furie balayait son sac à main devant elle comme une fronde violente tout en hurlant. Au diable la discrétion, au diable les effets de style. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était finir par tomber sur quelqu'un. Retrouver des "semblables" qui l'aideraient à affronter cette folie. Ou à périr à leurs côtés. Lars était mort. La femme poisson avait été changée en saumon fumé pour elle. Et Violette, à cause d'eux, vivait la pire chose qu'elle pouvait subir.

Elle était seule.

Sur ses joues coulaient de grandes perles transparantes qui venaient creuser de grands traits de sel sur sa peau verdâtre. Sa respiration sifflait, ses poumons s'embrasant sous l'effort continu et sous les volutes de fumées qui lacéraient le fond de sa gorge. Ses muscles tiraient, ses articulations lui faisaient mal. Mais elle ne s'arrêtait pas. Son salut dépendait de sa course. Et de sa volonté pourtant en morceaux.

Est-ce qu'elle finirait par trouver quelqu'un et se sauver? Probablement pas. Est-ce qu'elle périrait dans l'indifférence générale? Probablement. Mais elle se devait d'essayer. Pour Lardon. Pour Takhys. Pour tous les membres de la foire de la Lune Rouge qui avaient quitté ce monde. Au final, elle n'était pas seule. Car toute sa mémoire était emplie d'êtres importants.

Il restait seulement à savoir si elle conserverait ces souvenirs, ou bien finirait par rejoindre les autres défunts... Surtout que, déjà, le sol tremblait de nouveau sous ses pieds, ouvrant un gouffre gigantesque duquel sortaient des nuées de morts vivants.

Je veux bien admettre que la mort de Liz, survenue deux fois dans les dix dernières minutes, m'a quelque peu chamboulée, et même, que j'ai légèrement les mains qui tremblent. Mais j'ai du mal à croire que ça me mette dans cet état-là, où même la terre semble vibrer et s'écarter sous mes pieds. Ah, mais, c'est vraiment le cas, en fait. Ils font quoi, en fait, les titans ? Ils ont réuni tous les survivants de leur apocalypse dans la même forêt et ils s'acharnent chacun leur tour pour les tuer, c'est ça ? Ils ont prévu de nous remplacer par des races supérieures ? J'espère qu'elles n'aimeront pas autant la guerre que nous. Mais c'est pas pour autant qu'on va se laisser faire, hein ? Neera, armée de la deuxième poêle à frire, a proposé une collaboration, et je trouve que c'est une judicieuse idée. On va cramer du mort-vivant, hors de question de les laisser s'en sortir si facilement. Et si les titans veulent du spectacle, on va leur en donner. Hein Rim, on va leur en donner ? Je me tourne vers ma rousse préférée, qui est en train de pousser un poids mort dans la crevasse. Bien joué. Je reconnais là ma compagne d'infortune. Notre survie passe avant le reste. Mais pas quand il y a un débile qui court comme un poulet sans tête avec un couteau entre les mains.

Occupée que je suis à fracasser des crânes à coups de poêle enflammée, je n'ai pas le temps de réagir. Quand bien même je l'aurais eu, qu'aurais-je donc fait ? Impossible d'empêcher la stupidité. Et quand le bon parti nommé Stadzank pousse ma Rim dans le précipice pour occuper les zombies, je pourrais le tuer sur place. Si je n'étais pas aux prises avec la horde dirigée par un espèce de zombie berger, avec son bâton dont il se sert pour donner des ordres sous forme de grognements. Peut-être plutôt un chef d'orchestre qu'un berger. Une vocation ratée, probablement. Un peu comme celle du Jean, là-bas, qui court devant une autre horde. Beau comme il est, il ne devrait pas être mort depuis longtemps, lui ? A la place de ma douce Rim, dont il a osé se moquer, par exemple ? Hum. Il a sûrement un atout. Oh, je sais. Il doit être débile. Les zombies aiment les intellos, lui il est probablement tellement bête qu'il les attire moins.

N'empêche, j'ai envie de tout cramer. Et ça tombe bien, je suis armée pour. Ma dernière alliée, c'est cette Neera, qui avait l'air attachée à Rim. Soit.

« Neera, si on veut s'en sortir, en mémoire de Rim et de Liz, il n'y a pas cent cinquante solutions... faut se servir des autres survivants pour retarder les zombies, et fuir. »

Le premier qui passe à portée de ma poêle, il va voir ce que ça fait, d'emmerder Ayna et de tuer ses copines. C'est parti pour la révolution féminine.

Edit suite au dé : En position de combat, je fais quand même gaffe où je marche, je voudrais pas me casser la gueule dans un trou. Mais les titans doivent apprécier ma fureur, où alors j'ai juste une chance inouïe, parce que les hordes des sous-sols font remonter une sorte de toile élastique, retenue par des ressorts, que je m'empresse de dégager de là après avoir écrasé le crâne des deux premiers zombies qui le retenait. Un... trampoline ? Parfait. Je vais tous les cramer. Tous les trucider. ET JE VAIS VOLER PAR DESSUS VOS MORTS !!! Wiiiiiii...