Invité
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« Un peu plus sur la droite… Non, maintenant à gauche… Excusez-moi, est-ce que je pourrais le faire, pour vous montrer exactement ce que je veux dire ? ». Les bras croisés en dessous de sa poitrine, la Fae observait les artisans qui s'enchaînaient dans un capharnaüm total au sein de sa nouvelle acquisition : sa boutique de fleurs. Le choix du local avait été compliqué, d'autant plus lorsque les yeux de Melorn tout entier sont posés sur vous, emplis de jugement. Devenir la femme d'un ambassadeur n'était point aisé et si Dahlia se mettait des œillères pour ignorer les regards de certains érudits un peu trop insistants, elle ne pouvait nier l'angoisse qui la gagnait quand ils s'arrêtaient devant son nouvel établissement. Par miracle, elle parvenait à ne pas penser à son orphelinat à Liberty, ce premier édifice qu'elle avait possédé, à croire qu'elle était faite pour l'immobilier. Une moue dubitative sur le visage, elle frappa lentement de ses deux ailes en saisissant le pot d'orchidées entre ses mains pour le placer pile au milieu de l'étagère au-dessus du comptoir. Une fois redescendue, elle pencha la tête sur le côté, plaçant son menton entre son pouce et son index. Son premier réflexe aurait été de demander l'avis de son conjoint, néanmoins elle ne se voyait pas le déranger pour une telle futilité. De plus, elle connaissait déjà sa réponse. Tant que cela lui plaisait, il n'en avait cure.
« Parfait. N'y touchez pas, s'il vous plaît. Je vais faire quelques emplettes en ville, j'en ai pour une… petite heure, je dirais. Si vous avez besoin de moi, vous pouvez me contacter par télépathie. Je ne vous fermerai pas les portes de mon esprit, tâchez de ne pas en abuser. ». Plus autoritaire qu'elle l'aurait voulu, la Fae se comportait avec les artisans comme avec ses enfants. Une mauvaise habitude qui lui menait la vie dure, fort heureusement les domestiques s'étaient faits à sa manière : juste, tendre, maladroite, mais surtout très têtue. La persévérance était après tout une qualité, peu importe le domaine. Elle quitta la boutique, s'arrêtant sur le trottoir pour l'admirer quelques secondes. Des murs blancs comme la neige, quelques balcons recouverts de fleurs, une enseigne aux teintes rosées sur laquelle on pouvait lire « Fleurs de Mariette ». Un hommage à sa mère, celle qui lui avait tout appris sur la botanique, quand elle le pouvait encore… La Fae avala sa salive et se retourna enfin, se dirigeant vers les quartiers commerçants à pas lent, une nausée la saisissant aux tripes de temps à autre. Le mal du pays, sans doute…
Sa petite promenade se déroula sans accrocs, la jeune femme s'arrêtant parfois pour saluer quelques figures de Melorn qu'elle connaissait de loin. Le tout était d'apprendre à les connaître sans s'imposer, devenir naturelle dans ce décor qui après tout lui allait à merveilles. Dahlia aimait la cité elfique et cette dernière commençait à l'aimer en retour. Elle laissa ses pieds la guider jusqu'à un marché auquel elle pourrait se fournir en fruits frais, faisant une petite pause devant les étalages, accordant une attention toute particulière aux fraises qui lui faisaient de l'œil. Un sourire timide sur le visage, elle redressa la tête vers le commerçant et… S'arrêta net. Derrière lui, dans la ruelle adjacente, Dahlia venait d'apercevoir l'inexplicable. Bouche bée, incapable de justifier son état au marchand qui commençait à s'inquiéter de son silence, la Fae marmonna une excuse avant de s'éclipser, allant se cacher derrière la façade d'une maison. Avait-elle rêvé ? Était-ce… Une autre Fae? Son cœur tambourinait contre sa poitrine alors que l'inconnue passait à nouveau devant elle, ailes déployées. Ses yeux s'illuminèrent de bonheur, elle se mit à trépigner, contenir son impatience et son allégresse devenant un défi de chaque instant. Une Fae, évidemment ! Une autre qu'elle ! Sautant d'une cachette à une autre avec une discrétion toute relative, elle ne mettrait que peu de temps à se faire repérer, si ce n'était pas déjà le cas. Pourtant, Dahlia persistait à la suivre, excitée comme une enfant a l'idée d'ouvrir ses cadeaux de Noël. Si elle avait pu imaginer que Melorn lui réserverait autant de belles surprises, elle serait assurément venue plus tôt…
« Parfait. N'y touchez pas, s'il vous plaît. Je vais faire quelques emplettes en ville, j'en ai pour une… petite heure, je dirais. Si vous avez besoin de moi, vous pouvez me contacter par télépathie. Je ne vous fermerai pas les portes de mon esprit, tâchez de ne pas en abuser. ». Plus autoritaire qu'elle l'aurait voulu, la Fae se comportait avec les artisans comme avec ses enfants. Une mauvaise habitude qui lui menait la vie dure, fort heureusement les domestiques s'étaient faits à sa manière : juste, tendre, maladroite, mais surtout très têtue. La persévérance était après tout une qualité, peu importe le domaine. Elle quitta la boutique, s'arrêtant sur le trottoir pour l'admirer quelques secondes. Des murs blancs comme la neige, quelques balcons recouverts de fleurs, une enseigne aux teintes rosées sur laquelle on pouvait lire « Fleurs de Mariette ». Un hommage à sa mère, celle qui lui avait tout appris sur la botanique, quand elle le pouvait encore… La Fae avala sa salive et se retourna enfin, se dirigeant vers les quartiers commerçants à pas lent, une nausée la saisissant aux tripes de temps à autre. Le mal du pays, sans doute…
Sa petite promenade se déroula sans accrocs, la jeune femme s'arrêtant parfois pour saluer quelques figures de Melorn qu'elle connaissait de loin. Le tout était d'apprendre à les connaître sans s'imposer, devenir naturelle dans ce décor qui après tout lui allait à merveilles. Dahlia aimait la cité elfique et cette dernière commençait à l'aimer en retour. Elle laissa ses pieds la guider jusqu'à un marché auquel elle pourrait se fournir en fruits frais, faisant une petite pause devant les étalages, accordant une attention toute particulière aux fraises qui lui faisaient de l'œil. Un sourire timide sur le visage, elle redressa la tête vers le commerçant et… S'arrêta net. Derrière lui, dans la ruelle adjacente, Dahlia venait d'apercevoir l'inexplicable. Bouche bée, incapable de justifier son état au marchand qui commençait à s'inquiéter de son silence, la Fae marmonna une excuse avant de s'éclipser, allant se cacher derrière la façade d'une maison. Avait-elle rêvé ? Était-ce… Une autre Fae? Son cœur tambourinait contre sa poitrine alors que l'inconnue passait à nouveau devant elle, ailes déployées. Ses yeux s'illuminèrent de bonheur, elle se mit à trépigner, contenir son impatience et son allégresse devenant un défi de chaque instant. Une Fae, évidemment ! Une autre qu'elle ! Sautant d'une cachette à une autre avec une discrétion toute relative, elle ne mettrait que peu de temps à se faire repérer, si ce n'était pas déjà le cas. Pourtant, Dahlia persistait à la suivre, excitée comme une enfant a l'idée d'ouvrir ses cadeaux de Noël. Si elle avait pu imaginer que Melorn lui réserverait autant de belles surprises, elle serait assurément venue plus tôt…
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« Mais ça n’avance pas, c’est terrible. », tonna l’homme assis à côté de la Fae. « Allez, bougez-vous devant ! »
Visiblement de mauvaise humeur, il n’appréciait pas être coincé sur sa charrette au beau milieu de la rue et si Sélène comprenait sa frustration, elle demeurait plus patiente que lui. Elle tendit le cou, comme pour voir ce qui était à l’origine de ce blocage mais sa petite taille ne lui permettait pas de voir grand-chose. Comprenant qu’elle ne verrait rien depuis son siège, elle laissa cette tâche à son voisin qui, lui demandant de surveiller la carriole, était déjà descendu pour remonter la rue jusqu’à trouver l’origine du problème.
La jeune femme, par principe, jeta un oeil derrière elle pour s’assurer que la cargaison bâchée n’avait pas été touchée. Dans le cas contraire, elle n’aurait de toute façon pas été en position de repousser de potentiels voleurs mais au moins, personne ne lui reprocherait de ne pas avoir surveillé la marchandise. Il y en avait pour une petite fortune sous cette bâche. Des tissus et étoffes en tout genre, dont certaines en provenance directe de la République, ce qui ne devait pas courir les rues ici, à Melorn. L’homme à qui appartenait tout cela était un marchand s’étant marié dans la famille Lisianthus et s’il fallait le croire, il avait du flair pour se faire de l’argent. La Fae n’était pas proche de cet homme, bien que leur relation demeure amicale, mais avait décidé de l’accompagner lors de ce voyage ayant pour but d’écouler une cargaison de textile. L’art du commerce n’intéressait guère Sélène, qui préférait lire des ouvrages sur le sujet plutôt que d’y prendre part. D’ailleurs, elle n’était pas ici pour vendre quoi que ce soit, elle avait simplement l’occasion de profiter d’avoir des compagnons de voyage jusqu’à Melorn. Seule, elle n’aurait jamais tenté cela.
« Bon. Nous ne sommes pas près de bouger d’ici. »
Un long soupir accompagna cette constatation alors que l’homme reprenait sa place. Il expliqua qu’un autre chariot, plus loin dans la rue, était immobilisé suite à un essieu brisé. Des gens étaient déjà occupés à le décharger pour ensuite le déplacer mais dans l’immédiat, progresser plus loin était impossible… et à en juger par la file derrière, reculer n’allait pas être une partie de plaisir non plus.
« Je me permets de prendre les devants, dans ce cas. J’aimerais passer au marché avant qu’il ne soit trop tard et puisque je ne peux être d’aucune aide ici… Rejoignons-nous à l’auberge plus tard, d’accord ? »
Elle mit pied à terre en prenant garde à éviter une flaque de boue dans laquelle elle aurait détesté marcher et adressa un signe de main à son compagnon de voyage. Il devait de toute façon rencontrer des associés et clients potentiels, en plus de l’attente provoquée par cet essieu brisé. Sélène ne souhaitait pas subir cela pour le restant de la journée. Après toute cette route, elle ne désirait qu’une chose : se dégourdir les jambes et maintenant qu’elle était en ville, se balader seule ne l’inquiétait plus vraiment. Un dernier signe de main, et la voilà partie.
Melorn avait son charme mais il était rare que la jeune femme s’y rende. D’une part car cette cité était loin de tout mais aussi et surtout car elle n’avait que rarement l’occasion d’y aller. Des missions ici, elle en avait quelquefois mais cela demeurait exceptionnel. Sa présence ici aujourd’hui était due à un heureux hasard au cours duquel les astres s’étaient alignés. Entre un membre de sa famille qui devait s’y rendre et l’absence de travail pour elle, Sélène savait que c’était l’occasion où jamais de voyager jusqu’à Melorn en dehors de ses activités professionnelles.
Le pas léger, Sélène avançait à grandes enjambées dans les ruelles de la ville, ne s’arrêtant qu’à deux reprises afin de demander à un passant si elle se trouvait bien sur le bon chemin. D’aucuns auraient souligné qu’il lui suffisait de battre des ailes et de s’élever d’une dizaine de mètres pour avoir la réponse à sa question et ils auraient eu raison mais faire cela impliquait d’attirer inutilement l’attention sur elle. Elle ne passait déjà pas inaperçue avec ses ailes colorées… Au moins cela compensait sa petite taille ! Elle ne s’en plaignait pas au fond. Sa taille ne présentait pas que des avantages mais avec le temps, elle s’en était accommodée. Elle n’avait même plus mal au cou à force de lever la tête pour parler à ses interlocuteurs.
« Je vais vous prendre ceci. » annonça-t-elle après avoir salué un primeur et inspecté ses étals.
Dans sa main se trouvait une énorme orange. Elle était sucrée et juteuse. De ça, la jeune femme n’en doutait pas une seconde. Reconnaître d’un coup d'œil - et de doigt - la qualité d’un fruit était une seconde nature chez elle. Un talent qui ne lui servait pas beaucoup au quotidien, sinon à s’assurer de ne pas croquer dans une pomme farineuse par mégarde. Le simple souvenir de cette texture suffisait à la faire grimacer. Sélène tendit une pièce au marchand et lui souhaita une agréable journée avant de se remettre en route. Pas pressée pour un sou, elle prit le temps de faire le tour du marché, où chaque vendeur criait à qui voulait l’entendre qu’il avait les produits les plus frais et les plus savoureux de la région. Un postulat qui lui semblait difficile à croire, compte tenu de l’aspect qu’avaient certains des produits sur les étalages - et l’odeur ! Des gens mangeaient cela volontairement ? La demoiselle ailée évita soigneusement chaque stand où se vendait de la viande ou du poisson. Même si elle n’en consommait pas, quand le produit était frais ou cuit, cela ne la dérangeait pas mais l’odeur d’une truite pêchée la vieille ou encore d’un paleron faisandé au point de bleuir sur les extrémités, cela suffisait à lui retourner l’estomac. Elle décida de s’en tenir le plus loin possible, préférant inciser son orange du bout de l’ongle avant de glisser ce dernier entre l’écorce et la pulpe afin d’éplucher le fruit.
Elle croqua dans un premier quartier d’orange, savourant le jus sucré qui lui inondait la bouche. Se félicitant elle-même d’avoir aussi bien choisi son casse-croûte, Sélène dévora un second quartier sitôt le premier avalé. Le reste du fruit ne fit pas long long car, en quelques minutes, il ne restait que l’écorce par terre comme témoin. La gourmandise lui commandait de s’en procurer une deuxième et elle dût se faire violence pour demeurer raisonnable. Les doigts tout collants, la jeune femme s’assura que personne ne la regardait avant de lécher goûlument le jus restant, depuis la paume de sa main jusqu’au bout des doigts.
Personne, vraiment ?
La vérité était qu’elle avait depuis peu cette indicible sensation qu’elle était observée. Son instinct d’être faible en bas de la chaîne alimentaire, sûrement. Qu’on la regarde était normal, son apparence avait tendance à attirer les regards des gens qu’elle croisait mais aujourd’hui, c’était différent. Du calme. Sélène prit une grande inspiration. A se faire ainsi des films, elle finirait par se faire paniquer toute seule. Probablement un badaud un peu trop curieux ayant décidé de la dévisager avec insistance. Rien d’effrayant. Un regard jeté autour d’elle la rassura. Gratifiée d’un sourire poli par ceux dont elle croisait le regard, les autres citadins menaient leur vie sans déranger personne et surtout, sans se préoccuper d’elle.
Son soulagement fut de courte durée. A peine repartie, la sensation d’être l’objet d’une paire d’yeux inquisiteurs, ce qui lui noua l’estomac aussi tôt. Essayant tant bien que mal de garder la tête froide, la jeune femme sortit un minuscule miroir de poche dont l’utilité première était de s’assurer que son maquillage n’ait pas coulé. Ici, il servait à inspecter discrètement ce qui se trouvait derrière elle ou, en tout cas, à en avoir une idée globale. Difficile de voir clairement quoi que ce soit là-dedans mais elle était désormais presque certaine d’être suivie. Par qui et pourquoi, elle avait ses hypothèses et aucune ne l’enchantait.
Ne pas se comporter comme une proie. Elle savait devoir agir en accord avec ce principe. Courir et montrer qu’elle était terrifiée était le meilleur moyen pour que le pire scénario se réalise. Fuir en ayant l’air sereine, plus facile à dire qu’à faire mais avait-elle le choix ? Essayant tant bien que mal de ne pas se perdre, Sélène arpentait les rues de plus en plus désertes à mesure qu’elle s’éloignait du marché. Aurait-elle dû rester là-bas et attendre que l’autre se lasse ? Peut-être mais d’après son expérience, un endroit animé n’était pas synonyme de sécurité. En cas de vol ou d’agression, beaucoup préféraient détourner le regard et ne pas s’en mêler, de peur de représailles. Son compagnon de voyage demeurait sa meilleure chance et si Sélène avait une idée approximative de la direction à prendre, elle n’était pas certaine d’avoir tourné à gauche au bon moment. Ni maintenant, ni les trois fois d’avant.
Oh, qu’avait-elle fait pour mériter ça ? A deux doigts de sentir ses jambes défaillir, la Fae s’efforçait de continuer à poser un pied devant l’autre. Son cœur battait si fort qu’elle craignait que son poursuivant ne l’entende. Lui ou ses complices… Non, il devait être seul. Pas besoin d’être plusieurs pour s’occuper d’une demi-portion comme elle. Encore un petit effort. Un dernier virage à droite et elle rejoindrait la grande rue où le chariot était bloqué. Son salut.
Les dernières onces de couleurs quittèrent ses joues à l’instant où elle se rendit compte qu’elle n’était pas au bon endroit. Avait-elle pris un mauvais virage ? Sans doute. Le résultat était qu’elle se tenait dans un cul de sac formé par trois habitations en « U ». Il s’agissait vraiment du pire moment pour elle se perdre. Le souffle rendu court par la terreur, Sélène cessa toute réflexion et mit sa paire d’ailes irisées à contribution. Dans un vol maladroit qui ressemblait davantage à un saut, elle s’éleva jusque sur le toit de l’habitation la plus proche où elle se posa sans délicatesse, dérangeant un groupe de corneilles qui croassa en s’envolant. Si sa faible corpulence assura que les tuiles résistent à son poids, on ne pouvait pas en dire autant de sa cheville qui n’appréciait pas l'abrupt atterrissage. Paniquée, à bout de souffle et la jambe paralysée de douleur, Sélène n’était pas en mesure de fuir plus loin. Ainsi se fit-elle la plus petite possible, priant tous les dieux imaginables pour que personne ne l’ait vue ou entendue grimper là-haut.
Visiblement de mauvaise humeur, il n’appréciait pas être coincé sur sa charrette au beau milieu de la rue et si Sélène comprenait sa frustration, elle demeurait plus patiente que lui. Elle tendit le cou, comme pour voir ce qui était à l’origine de ce blocage mais sa petite taille ne lui permettait pas de voir grand-chose. Comprenant qu’elle ne verrait rien depuis son siège, elle laissa cette tâche à son voisin qui, lui demandant de surveiller la carriole, était déjà descendu pour remonter la rue jusqu’à trouver l’origine du problème.
La jeune femme, par principe, jeta un oeil derrière elle pour s’assurer que la cargaison bâchée n’avait pas été touchée. Dans le cas contraire, elle n’aurait de toute façon pas été en position de repousser de potentiels voleurs mais au moins, personne ne lui reprocherait de ne pas avoir surveillé la marchandise. Il y en avait pour une petite fortune sous cette bâche. Des tissus et étoffes en tout genre, dont certaines en provenance directe de la République, ce qui ne devait pas courir les rues ici, à Melorn. L’homme à qui appartenait tout cela était un marchand s’étant marié dans la famille Lisianthus et s’il fallait le croire, il avait du flair pour se faire de l’argent. La Fae n’était pas proche de cet homme, bien que leur relation demeure amicale, mais avait décidé de l’accompagner lors de ce voyage ayant pour but d’écouler une cargaison de textile. L’art du commerce n’intéressait guère Sélène, qui préférait lire des ouvrages sur le sujet plutôt que d’y prendre part. D’ailleurs, elle n’était pas ici pour vendre quoi que ce soit, elle avait simplement l’occasion de profiter d’avoir des compagnons de voyage jusqu’à Melorn. Seule, elle n’aurait jamais tenté cela.
« Bon. Nous ne sommes pas près de bouger d’ici. »
Un long soupir accompagna cette constatation alors que l’homme reprenait sa place. Il expliqua qu’un autre chariot, plus loin dans la rue, était immobilisé suite à un essieu brisé. Des gens étaient déjà occupés à le décharger pour ensuite le déplacer mais dans l’immédiat, progresser plus loin était impossible… et à en juger par la file derrière, reculer n’allait pas être une partie de plaisir non plus.
« Je me permets de prendre les devants, dans ce cas. J’aimerais passer au marché avant qu’il ne soit trop tard et puisque je ne peux être d’aucune aide ici… Rejoignons-nous à l’auberge plus tard, d’accord ? »
Elle mit pied à terre en prenant garde à éviter une flaque de boue dans laquelle elle aurait détesté marcher et adressa un signe de main à son compagnon de voyage. Il devait de toute façon rencontrer des associés et clients potentiels, en plus de l’attente provoquée par cet essieu brisé. Sélène ne souhaitait pas subir cela pour le restant de la journée. Après toute cette route, elle ne désirait qu’une chose : se dégourdir les jambes et maintenant qu’elle était en ville, se balader seule ne l’inquiétait plus vraiment. Un dernier signe de main, et la voilà partie.
Melorn avait son charme mais il était rare que la jeune femme s’y rende. D’une part car cette cité était loin de tout mais aussi et surtout car elle n’avait que rarement l’occasion d’y aller. Des missions ici, elle en avait quelquefois mais cela demeurait exceptionnel. Sa présence ici aujourd’hui était due à un heureux hasard au cours duquel les astres s’étaient alignés. Entre un membre de sa famille qui devait s’y rendre et l’absence de travail pour elle, Sélène savait que c’était l’occasion où jamais de voyager jusqu’à Melorn en dehors de ses activités professionnelles.
Le pas léger, Sélène avançait à grandes enjambées dans les ruelles de la ville, ne s’arrêtant qu’à deux reprises afin de demander à un passant si elle se trouvait bien sur le bon chemin. D’aucuns auraient souligné qu’il lui suffisait de battre des ailes et de s’élever d’une dizaine de mètres pour avoir la réponse à sa question et ils auraient eu raison mais faire cela impliquait d’attirer inutilement l’attention sur elle. Elle ne passait déjà pas inaperçue avec ses ailes colorées… Au moins cela compensait sa petite taille ! Elle ne s’en plaignait pas au fond. Sa taille ne présentait pas que des avantages mais avec le temps, elle s’en était accommodée. Elle n’avait même plus mal au cou à force de lever la tête pour parler à ses interlocuteurs.
« Je vais vous prendre ceci. » annonça-t-elle après avoir salué un primeur et inspecté ses étals.
Dans sa main se trouvait une énorme orange. Elle était sucrée et juteuse. De ça, la jeune femme n’en doutait pas une seconde. Reconnaître d’un coup d'œil - et de doigt - la qualité d’un fruit était une seconde nature chez elle. Un talent qui ne lui servait pas beaucoup au quotidien, sinon à s’assurer de ne pas croquer dans une pomme farineuse par mégarde. Le simple souvenir de cette texture suffisait à la faire grimacer. Sélène tendit une pièce au marchand et lui souhaita une agréable journée avant de se remettre en route. Pas pressée pour un sou, elle prit le temps de faire le tour du marché, où chaque vendeur criait à qui voulait l’entendre qu’il avait les produits les plus frais et les plus savoureux de la région. Un postulat qui lui semblait difficile à croire, compte tenu de l’aspect qu’avaient certains des produits sur les étalages - et l’odeur ! Des gens mangeaient cela volontairement ? La demoiselle ailée évita soigneusement chaque stand où se vendait de la viande ou du poisson. Même si elle n’en consommait pas, quand le produit était frais ou cuit, cela ne la dérangeait pas mais l’odeur d’une truite pêchée la vieille ou encore d’un paleron faisandé au point de bleuir sur les extrémités, cela suffisait à lui retourner l’estomac. Elle décida de s’en tenir le plus loin possible, préférant inciser son orange du bout de l’ongle avant de glisser ce dernier entre l’écorce et la pulpe afin d’éplucher le fruit.
Elle croqua dans un premier quartier d’orange, savourant le jus sucré qui lui inondait la bouche. Se félicitant elle-même d’avoir aussi bien choisi son casse-croûte, Sélène dévora un second quartier sitôt le premier avalé. Le reste du fruit ne fit pas long long car, en quelques minutes, il ne restait que l’écorce par terre comme témoin. La gourmandise lui commandait de s’en procurer une deuxième et elle dût se faire violence pour demeurer raisonnable. Les doigts tout collants, la jeune femme s’assura que personne ne la regardait avant de lécher goûlument le jus restant, depuis la paume de sa main jusqu’au bout des doigts.
Personne, vraiment ?
La vérité était qu’elle avait depuis peu cette indicible sensation qu’elle était observée. Son instinct d’être faible en bas de la chaîne alimentaire, sûrement. Qu’on la regarde était normal, son apparence avait tendance à attirer les regards des gens qu’elle croisait mais aujourd’hui, c’était différent. Du calme. Sélène prit une grande inspiration. A se faire ainsi des films, elle finirait par se faire paniquer toute seule. Probablement un badaud un peu trop curieux ayant décidé de la dévisager avec insistance. Rien d’effrayant. Un regard jeté autour d’elle la rassura. Gratifiée d’un sourire poli par ceux dont elle croisait le regard, les autres citadins menaient leur vie sans déranger personne et surtout, sans se préoccuper d’elle.
Son soulagement fut de courte durée. A peine repartie, la sensation d’être l’objet d’une paire d’yeux inquisiteurs, ce qui lui noua l’estomac aussi tôt. Essayant tant bien que mal de garder la tête froide, la jeune femme sortit un minuscule miroir de poche dont l’utilité première était de s’assurer que son maquillage n’ait pas coulé. Ici, il servait à inspecter discrètement ce qui se trouvait derrière elle ou, en tout cas, à en avoir une idée globale. Difficile de voir clairement quoi que ce soit là-dedans mais elle était désormais presque certaine d’être suivie. Par qui et pourquoi, elle avait ses hypothèses et aucune ne l’enchantait.
Ne pas se comporter comme une proie. Elle savait devoir agir en accord avec ce principe. Courir et montrer qu’elle était terrifiée était le meilleur moyen pour que le pire scénario se réalise. Fuir en ayant l’air sereine, plus facile à dire qu’à faire mais avait-elle le choix ? Essayant tant bien que mal de ne pas se perdre, Sélène arpentait les rues de plus en plus désertes à mesure qu’elle s’éloignait du marché. Aurait-elle dû rester là-bas et attendre que l’autre se lasse ? Peut-être mais d’après son expérience, un endroit animé n’était pas synonyme de sécurité. En cas de vol ou d’agression, beaucoup préféraient détourner le regard et ne pas s’en mêler, de peur de représailles. Son compagnon de voyage demeurait sa meilleure chance et si Sélène avait une idée approximative de la direction à prendre, elle n’était pas certaine d’avoir tourné à gauche au bon moment. Ni maintenant, ni les trois fois d’avant.
Oh, qu’avait-elle fait pour mériter ça ? A deux doigts de sentir ses jambes défaillir, la Fae s’efforçait de continuer à poser un pied devant l’autre. Son cœur battait si fort qu’elle craignait que son poursuivant ne l’entende. Lui ou ses complices… Non, il devait être seul. Pas besoin d’être plusieurs pour s’occuper d’une demi-portion comme elle. Encore un petit effort. Un dernier virage à droite et elle rejoindrait la grande rue où le chariot était bloqué. Son salut.
Les dernières onces de couleurs quittèrent ses joues à l’instant où elle se rendit compte qu’elle n’était pas au bon endroit. Avait-elle pris un mauvais virage ? Sans doute. Le résultat était qu’elle se tenait dans un cul de sac formé par trois habitations en « U ». Il s’agissait vraiment du pire moment pour elle se perdre. Le souffle rendu court par la terreur, Sélène cessa toute réflexion et mit sa paire d’ailes irisées à contribution. Dans un vol maladroit qui ressemblait davantage à un saut, elle s’éleva jusque sur le toit de l’habitation la plus proche où elle se posa sans délicatesse, dérangeant un groupe de corneilles qui croassa en s’envolant. Si sa faible corpulence assura que les tuiles résistent à son poids, on ne pouvait pas en dire autant de sa cheville qui n’appréciait pas l'abrupt atterrissage. Paniquée, à bout de souffle et la jambe paralysée de douleur, Sélène n’était pas en mesure de fuir plus loin. Ainsi se fit-elle la plus petite possible, priant tous les dieux imaginables pour que personne ne l’ait vue ou entendue grimper là-haut.
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Elle n'en croyait pas ses yeux. La bouche entrouverte, ses iris ambrés brillants de mille feux, Dahlia suivait chaque mouvement de sa congénère avec une fascination dévorante, ne pouvant se retenir de se dandiner sur ses deux jambes, battant des ailes parfois bruyamment dans un élan d'excitation. Plus de quatre cents ans à errer sur les terres du Sekai et pas une seule fois une Fae n'avait croisé son chemin, tout du moins, une qui s'affichait en tant que telle. D'un saut à l'autre, tremblante de bonheur, la jeune femme avançait avec une discrétion toute relative, la joie qui s'emparait de ses membres l'empêchant de mener à bien sa mission. Aveuglée par sa propre allégresse, elle fut tout à fait incapable de saisir la panique qui montait chez celle qui l'admirait, de capter la signification de ses virages soudains, de ce miroir qu'elle avait sorti de sa poche durant un temps anormalement long. Elle ne voyait que le potentiel d'en apprendre plus sur sa race, sur ses origines, sur les traditions et les mystères qui entouraient sa naissance. Durant un bref instant, la fleuriste en avait presque oublié qu'elle se trouvait en face d'un autre être vivant, se laissant porter par cette obsession malsaine, sans comprendre que son comportement en plus d'être anormal s'avérait très dangereux.
Un pas après l'autre, dansant au milieu de la foule qui s'acharnait à lui gâcher la vue, Dahlia poursuivait sa traque, ne perdant sa trace que durant quelques secondes avant de la retrouver. Fort heureusement pour elle, la demoiselle détonnait dans le décor blanc et lumineux de Melorn, aussi, il n'était guère compliqué de la suivre. Le souffle court, une main sur son ventre légèrement rebondi par la grossesse qui commençait à être complexe à cacher, elle s'arrêta au beau milieu d'une ruelle en constatant que la Fae ne s'y trouvait plus. Elle tourna sur elle-même, pourtant persuadée d'avoir vu la silhouette de la jeune femme s'éclipser dans ce dédale d'habitations, se demandant intimement si elle n'était pas tout simplement rentrée chez elle. Un long soupir s'échappa de l'entre ouverture de ses lèvres et sa main se glissa dans sa chevelure dorée qu'elle envoya valser en arrière, essuyant les quelques gouttes de sueur qui perlaient sur son front. La déception commença à la gagner quand elle entendit des corneilles s'agiter juste au-dessus de sa tête. Une moue interrogative sur le visage, les lèvres légèrement pincées, elle attendit quelques secondes, pesant le pour et le contre de monter sur les toits pour avoir une vision panoramique de la cité et peut-être retrouver la jeune femme qui hantait déjà ses rêves. Donnant une impulsion sur ses ailes, elle monta jusqu'aux gouttières avant de s'y accrocher médiocrement et de grimper, souhaitant économiser son vol autant que faire se peut. Une fois à peu près stable sur ses pieds, elle se mit à parcourir le paysage avant de s'arrêter net sur la présence de la Fae non loin.
Sans réfléchir, elle s'envola jusqu'à l'autre toit avant de s'accroupir aux côtés de l'inconnue à la chevelure brune, constatant qu'elle la dépassait bien d'une vingtaine de centimètres. Ses yeux s'arrêtèrent sur ses magnifiques ailes et elle dut faire preuve d'une force inouïe pour se retenir de les toucher, se concentrant sur la belle qui semblait souffrir. « Vous… Vous allez bien ? J'espère que je ne vous ai pas fait peur, je… j'ai entendu du bruit sur les toits et… ». Elle avala sa salive, consciente des mensonges qu'elle était en train de déblatérer, avant de soupirer. « Je m'appelle Dahlia, j'aurais dû commencer par là, je suis terriblement confuse… ». Ses ailes s'agitèrent dans son dos, témoignant autant de sa peur que de son excitation. Dahlia approcha sa main de l'entorse de la demoiselle, cessant son mouvement à quelques centimètres de sa peau. « Est-ce que je peux ? ». Son regard se posa sur sa cheville qui gonflait à vue d'œil et elle y posa délicatement ses doigts, laissant une délicate fraîcheur apaiser les maux de sa congénère. Rouge de honte, la Fae bégayait, incapable d'avancer un mot devant l'autre tandis que sa magie faisait l'effet d'un anti-inflammatoire. « Je… je suis sincèrement désolée, je… si vous l'acceptez, j'aimerais vous aider à descendre de ce toit afin de trouver une aide plus concrète. J'ai peur que vous ne vous soyez blessée et que mes pouvoirs ne suffisent pas à calmer la douleur. ». Elle lui tendit sa main libre, essayant de contenir tant bien que mal son envie débordante d'en apprendre plus sur sa personne. Son interlocutrice était vulnérable, à ce titre le moindre faux pas lui assurerait une fuite ou pire, une mauvaise impression gravée dans son esprit. « Entre… Entre Faes, il faut se serrer les coudes, n'est-ce… n'est-ce pas ?... »
Un pas après l'autre, dansant au milieu de la foule qui s'acharnait à lui gâcher la vue, Dahlia poursuivait sa traque, ne perdant sa trace que durant quelques secondes avant de la retrouver. Fort heureusement pour elle, la demoiselle détonnait dans le décor blanc et lumineux de Melorn, aussi, il n'était guère compliqué de la suivre. Le souffle court, une main sur son ventre légèrement rebondi par la grossesse qui commençait à être complexe à cacher, elle s'arrêta au beau milieu d'une ruelle en constatant que la Fae ne s'y trouvait plus. Elle tourna sur elle-même, pourtant persuadée d'avoir vu la silhouette de la jeune femme s'éclipser dans ce dédale d'habitations, se demandant intimement si elle n'était pas tout simplement rentrée chez elle. Un long soupir s'échappa de l'entre ouverture de ses lèvres et sa main se glissa dans sa chevelure dorée qu'elle envoya valser en arrière, essuyant les quelques gouttes de sueur qui perlaient sur son front. La déception commença à la gagner quand elle entendit des corneilles s'agiter juste au-dessus de sa tête. Une moue interrogative sur le visage, les lèvres légèrement pincées, elle attendit quelques secondes, pesant le pour et le contre de monter sur les toits pour avoir une vision panoramique de la cité et peut-être retrouver la jeune femme qui hantait déjà ses rêves. Donnant une impulsion sur ses ailes, elle monta jusqu'aux gouttières avant de s'y accrocher médiocrement et de grimper, souhaitant économiser son vol autant que faire se peut. Une fois à peu près stable sur ses pieds, elle se mit à parcourir le paysage avant de s'arrêter net sur la présence de la Fae non loin.
Sans réfléchir, elle s'envola jusqu'à l'autre toit avant de s'accroupir aux côtés de l'inconnue à la chevelure brune, constatant qu'elle la dépassait bien d'une vingtaine de centimètres. Ses yeux s'arrêtèrent sur ses magnifiques ailes et elle dut faire preuve d'une force inouïe pour se retenir de les toucher, se concentrant sur la belle qui semblait souffrir. « Vous… Vous allez bien ? J'espère que je ne vous ai pas fait peur, je… j'ai entendu du bruit sur les toits et… ». Elle avala sa salive, consciente des mensonges qu'elle était en train de déblatérer, avant de soupirer. « Je m'appelle Dahlia, j'aurais dû commencer par là, je suis terriblement confuse… ». Ses ailes s'agitèrent dans son dos, témoignant autant de sa peur que de son excitation. Dahlia approcha sa main de l'entorse de la demoiselle, cessant son mouvement à quelques centimètres de sa peau. « Est-ce que je peux ? ». Son regard se posa sur sa cheville qui gonflait à vue d'œil et elle y posa délicatement ses doigts, laissant une délicate fraîcheur apaiser les maux de sa congénère. Rouge de honte, la Fae bégayait, incapable d'avancer un mot devant l'autre tandis que sa magie faisait l'effet d'un anti-inflammatoire. « Je… je suis sincèrement désolée, je… si vous l'acceptez, j'aimerais vous aider à descendre de ce toit afin de trouver une aide plus concrète. J'ai peur que vous ne vous soyez blessée et que mes pouvoirs ne suffisent pas à calmer la douleur. ». Elle lui tendit sa main libre, essayant de contenir tant bien que mal son envie débordante d'en apprendre plus sur sa personne. Son interlocutrice était vulnérable, à ce titre le moindre faux pas lui assurerait une fuite ou pire, une mauvaise impression gravée dans son esprit. « Entre… Entre Faes, il faut se serrer les coudes, n'est-ce… n'est-ce pas ?... »
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