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Citoyen de La République
Pancrace Dosian
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C'est pas que j'suis pressé, mais un peu quand même, donc si le gros con devant pouvait magner son cul, ça serait pas mal.
« Mais putain... »
Finalement, j'me décide à le bousculer malgré ses plus de deux mètres, et il commence à gueuler avant de s'arrêter net quand j'montre mon insigne et mon air hargneux, avec l'air de dire que j'ai pas le temps pour ces conneries, mais que si vraiment il fait un effort, j'peux lui trouver une place au poste. Il maugrée dans sa barbe histoire de pas passer pour un lâche, et je trace.
On a déjà perdu deux bonnes heures à trouver la piaule à Hortensia Soutray, alors on pourrait croire qu'on n'est pas à deux minutes près, et pourtant, ça peut s'avérer important dans l'affaire qui m'occupe. En tout cas, le commissaire, il a pas pris les nouvelles avec humour et bonhomie, ça, c'est certain. M'est avis que Mitch, il va passer quelques semaines à faire de l'administratif à la con et de la corvée de chiottes.
J'arrive enfin dans le bon quartier, plus que quelques rues avant de trouver, j'espère, notre témoin.
C'est que Rulio a salement déconné, ce coup-ci, le chef des As de Pique. D'habitude, quand un chef de gang ou de la mafia locale fait des p'tites bêtises, on lui tape sur les doigts, et on s'arrange pour pas faire désordre. C'est mieux pour pas que la bande parte en couille, c'est mieux pour nos poches, et c'est mieux pour le public qui voit pas à quel point c'est le dawa et s'en rend finalement assez peu compte.
Bon, évidemment, si c'était quelqu'un de vraiment important, un vrai de vrai ponte, voire un gars affilié au Syndicat, personne moufterait, ça rentrerait dans la catégorie non-élucidée l'air de rien et personne n'en parlerait plus. Et le préfet serait le premier à s'en assurer.
Mais là, Rulio, il a comme qui dirait planté la fille d'une sénatrice. Et elle a cassé sa pipe. Quand Mitch est arrivé sur les lieux du crime, y'avait Hortensia qu'avait assisté à la scène, et tout balancé. Elle, c'est un genre de poule de luxe, j'suppose. Mais ce con, il a pris la déposition et il s'est barré sans elle, sans que ses deux putain de neurones se touchent, et maintenant, d'une, faut qu'on retrouve le coupable, et de deuzio, qu'on retrouve la nana.
Sinon, ça va barder pour les chefs, et quand ça s'écharpe là-haut, ça finit toujours sur les grouillots comme nous, suivant cet adage très simple : la merde dévale la hiérarchie.
J'grimpe l'escalier à toute berzingue, et j'toque poliment à la porte. Aucun bruit si ce n'est celui des voisins. J'sens que je vais pas aimer ce que je vais trouver quand... Trêve de chichis, j'introduis la lame de mon couteau entre le montant et le battant, et j'donne un coup d'épaule pour ouvrir la caverne aux merveilles : trois pièces bien ordonnées, des fringues partout, soigneusement pliées ou exposées sur des ceintres et des porte-manteaux, les restes d'un vase brisé au sol avec sa plante qui va mourir, et deux chaises renversées. Pas de sang, à première vue, mais pas d'Hortensia non plus.
J'sens poindre la prise de tête.
Un examen rapide des lieux révèle pas grand-chose d'intéressant. Ca pourrait être une maladresse tout comme un enlèvement millimétré et sans désordre que ça serait pareil, mais quand j'utilise mon senseur magique, je sniffe quand même un début de piste. Magie, donc. A la réflexion, c'est pas si déconnant, étant donné les personnes impliquées : tous ont les moyens de payer quelqu'un de correct pour faire le nettoyage, et ici, correct, ça veut dire équipé pour maîtriser une pute qui se lave et la ranger dans un coin, de préférence pas six pieds sous terre, sinon j'vais avoir de sérieux problèmes.
J'me tourne vers le palier, l'esprit déjà occupé par la suite des événements, quand j'vois un grand échalas dedans, le genre pas du tout humain, et pas vraiment classique non plus. Plutôt style emplumé. En une fraction de seconde, j'ai mon gourdin dans la dextre, le surin dans l'autre. Mieux que l'épée pour le couloir.
« T'es qui, toi ? Tu connais Hortensia ? »
Citoyen du monde
Rêve
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"Oui, je la connais. Et toi aussi je t'ai connu, autrefois."
Du bec entrouvert, deux voix distinctes s'étaient échappées en un doux murmure. Laissant planer le mystère quant à sa véritable nature, l'être curieux demeura un instant immobile. Ses ailes immenses repliées dans le dos, la bête immense toisait son interlocuteur de ses iris noirs. Elle était si grande d'ailleurs qu'on peinait à croire qu'elle était parvenue à pénétrer dans la bâtisse et à s'y déplacer, ce sans attirer l'attention des passants de surcroît. Ce n'était d'ailleurs pas le cas, puisque c'était sous la forme d'un chien étrangement imposant qu'il avait suivi à la trace l'enquêteur. Il arborait désormais sa véritable apparence et observait non sans une certaine anxiété celui qui lui faisait face car ce dernier, loin de se montrer amical, faisait preuve à l'égard du Voyageur d'une hostilité certaine. Marchant à quatre pattes, la créature onirique effectua un pas en avant puis reprit la parole :
"Je crois que je partage ton objectif, rêveur. La femme que tu recherches a été enlevée et, tout comme toi, je me suis lancé à sa recherche."
Le Voyageur avait rencontré Hortensia tandis qu'il explorait la cité en quête de connaissances. Sous la forme d'une chouette, il s'était invité sur son balcon pour l'observer. Il était bien incapable de définir avec aisance ce qui avait attiré son attention chez cette demoiselle, mais il y avait quelque chose en elle qui provoquait une forme de fascination. A travers le carreau, il l'avait longuement épiée et avait cru distinguer dans ses faits et gestes une profonde tristesse ainsi qu'une volonté d'évolution voir même, de transformation. Une humaine insatisfaite, animée par ses rêves et désirs et qui, au jour le jour, survivait dans un océan de doutes et de souffrance grâce à l'espoir d'un lendemain meilleur. Une véritable rêveuse, privée d'amour et de soutien, chose que le prince des songes comptait bien arranger. Rêve était revenu, encore et encore, partageant silencieusement les nuits qu'elle passait à pleurer et boire jusqu'à trouver difficilement le sommeil.
Un soir, alors qu'elle noyait comme à son habitude son chagrin dans l'alcool, elle était parvenue à le remarquer. Loin d'être effrayée par la vue du gros volatile qui l'observait avec tant d'insistance, elle s'était contentée d'ouvrir la fenêtre et lui avait parlé. Sans savoir qu'il la comprenait, Hortensia confia à la créature qu'elle l'avait déjà aperçue. Bercée par le poison qui l'enivrait, elle lui annonça également que sa présence ne l'inquiétait pas, bien au contraire. Elle qui était entourée par les ténèbres se sentait rassurée d'avoir cette paire d'yeux luisants posée sur elle. Lorsqu'il se posait à sa fenêtre et qu'il la regardait, elle ressentait alors un étrange apaisement. Elle lui demanda s'il était véritablement une chouette et non pas un esprit protecteur, mais ce dernier resta cloisonné dans son mutisme. Elle se sentait bête de parler ainsi à un oiseau mais lui fit tout de même part de ses angoisses, de ses secrets, de toutes ces choses si terribles que lui imposaient sa vocation. Elle parla des hommes qui la malmenaient, de leurs mauvaises manières et de bien des horreurs encore. Plus important, Hortensia confia finalement qu'elle était seule, malgré les soirées mondaines auxquelles elle participait si régulièrement; et que cette solitude si poignante gagnait lentement du terrain, la privant progressivement de sa raison.
S'il en avait eu la force, il lui aurait donné des rêves merveilleux afin d'apaiser son cœur blessé. Aujourd'hui, malheureusement, il n'était capable que de l'écouter. Peut être qu'un jour, il se serait dévoilé à elle dans toute sa splendeur. Il s'y était résolu, mais craignait de l'effrayer en brisant la supercherie. De toute façon, elle n'était plus là désormais. A première vue, la seule personne capable de l'aider à retrouver sa petite rêveuse blessée se trouvait devant lui, mais cette dernière lui jetait un regard mauvais et portait en main ses armes. C'était donc avec subtilité qu'il allait falloir opérer.
"Je veux t'aider, crois-moi. Je suis... un ami."
Du bec entrouvert, deux voix distinctes s'étaient échappées en un doux murmure. Laissant planer le mystère quant à sa véritable nature, l'être curieux demeura un instant immobile. Ses ailes immenses repliées dans le dos, la bête immense toisait son interlocuteur de ses iris noirs. Elle était si grande d'ailleurs qu'on peinait à croire qu'elle était parvenue à pénétrer dans la bâtisse et à s'y déplacer, ce sans attirer l'attention des passants de surcroît. Ce n'était d'ailleurs pas le cas, puisque c'était sous la forme d'un chien étrangement imposant qu'il avait suivi à la trace l'enquêteur. Il arborait désormais sa véritable apparence et observait non sans une certaine anxiété celui qui lui faisait face car ce dernier, loin de se montrer amical, faisait preuve à l'égard du Voyageur d'une hostilité certaine. Marchant à quatre pattes, la créature onirique effectua un pas en avant puis reprit la parole :
"Je crois que je partage ton objectif, rêveur. La femme que tu recherches a été enlevée et, tout comme toi, je me suis lancé à sa recherche."
Le Voyageur avait rencontré Hortensia tandis qu'il explorait la cité en quête de connaissances. Sous la forme d'une chouette, il s'était invité sur son balcon pour l'observer. Il était bien incapable de définir avec aisance ce qui avait attiré son attention chez cette demoiselle, mais il y avait quelque chose en elle qui provoquait une forme de fascination. A travers le carreau, il l'avait longuement épiée et avait cru distinguer dans ses faits et gestes une profonde tristesse ainsi qu'une volonté d'évolution voir même, de transformation. Une humaine insatisfaite, animée par ses rêves et désirs et qui, au jour le jour, survivait dans un océan de doutes et de souffrance grâce à l'espoir d'un lendemain meilleur. Une véritable rêveuse, privée d'amour et de soutien, chose que le prince des songes comptait bien arranger. Rêve était revenu, encore et encore, partageant silencieusement les nuits qu'elle passait à pleurer et boire jusqu'à trouver difficilement le sommeil.
Un soir, alors qu'elle noyait comme à son habitude son chagrin dans l'alcool, elle était parvenue à le remarquer. Loin d'être effrayée par la vue du gros volatile qui l'observait avec tant d'insistance, elle s'était contentée d'ouvrir la fenêtre et lui avait parlé. Sans savoir qu'il la comprenait, Hortensia confia à la créature qu'elle l'avait déjà aperçue. Bercée par le poison qui l'enivrait, elle lui annonça également que sa présence ne l'inquiétait pas, bien au contraire. Elle qui était entourée par les ténèbres se sentait rassurée d'avoir cette paire d'yeux luisants posée sur elle. Lorsqu'il se posait à sa fenêtre et qu'il la regardait, elle ressentait alors un étrange apaisement. Elle lui demanda s'il était véritablement une chouette et non pas un esprit protecteur, mais ce dernier resta cloisonné dans son mutisme. Elle se sentait bête de parler ainsi à un oiseau mais lui fit tout de même part de ses angoisses, de ses secrets, de toutes ces choses si terribles que lui imposaient sa vocation. Elle parla des hommes qui la malmenaient, de leurs mauvaises manières et de bien des horreurs encore. Plus important, Hortensia confia finalement qu'elle était seule, malgré les soirées mondaines auxquelles elle participait si régulièrement; et que cette solitude si poignante gagnait lentement du terrain, la privant progressivement de sa raison.
S'il en avait eu la force, il lui aurait donné des rêves merveilleux afin d'apaiser son cœur blessé. Aujourd'hui, malheureusement, il n'était capable que de l'écouter. Peut être qu'un jour, il se serait dévoilé à elle dans toute sa splendeur. Il s'y était résolu, mais craignait de l'effrayer en brisant la supercherie. De toute façon, elle n'était plus là désormais. A première vue, la seule personne capable de l'aider à retrouver sa petite rêveuse blessée se trouvait devant lui, mais cette dernière lui jetait un regard mauvais et portait en main ses armes. C'était donc avec subtilité qu'il allait falloir opérer.
"Je veux t'aider, crois-moi. Je suis... un ami."
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Pancrace Dosian
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Putain, il m'a fait peur, l'autre emplumé. Persuadé que c'était un mafieu venu finir le travail, ou s'assurer que y'avait pas des fils qui traînaient. La forme imposante, clairement inhumaine, l'obscurité du palier... J'range le gourdin mais j'garde le poignard, des fois que. Il a eu beau s'être baissé, à quatre pattes, ça fait un mélange bizarre entre l'oiseau géant, un chien...
Les mots apaisants me font me demander si j'suis dans une illusion magique et si la prochaine étape, c'est la froide morsure d'une lame entre les côtes.
Mais nan, une forme de silence s'éternise, et rien ne se passe, donc j'commence à admettre qu'il va p'tet pas me tuer, me faire tuer, ou me picorer les yeux. Enfin, ça, ça reste à démontrer, si c'est un charognard. On dirait pas un hybride, donc j'suppose que c'est un genre de démon ou une créature magique. Ca le rend pas plus équilibré, juste plus inhabituel.
Ou alors c'est ce bon vieux Patoche qui fait une mauvaise blague en utilisant un sort de métamorphose.
« Pancrace, enchanté. Bon, tu sais que je cherche Hortensia, toi aussi visiblement. T'as un nom ? »
J'me décide finalement à ranger ma lame, mais j'garde la main à proximité. Si je devais canner, ça aurait eu lieu y'a un moment. J'avais pas grand-chose à part une ébauche de piste magique, à renifler péniblement, donc c'est p'tet le truc qui me manquait pour réussir. Au stade où j'en suis, de toute façon, autant faire feu de tout bois.
« Mettons-nous en route, il reste un semblant de piste à suivre. »
Le senseur magique a encore quelques restes, mais ça va pas durer des plombes. Ca se dissipe avec le temps, pas le vent, mais reste que sinon, tout l'univers serait saturé par la magie utilisée un peu partout depuis le temps. Quand on arrive dehors, j'jette un oeil en arrière, mais il a changé de forme pour prendre celle d'un gros chien bizarre. Etrange au point d'attirer un regard ou deux, mais pas davantage. J'ai l'impression que y'a que moi qui sent à quel point c'est pas normal, ou différent, en tout cas, maintenant.
« Du coup, ouais, tu la connais, tu saurais nous dire quelque chose d'utile à le retrouver ? Hé attends, t'as dit que tu me connaissais aussi, mais moi, j'suis certain que j'te remets pas... »
J'plisse les yeux, mais non, vraiment, si y'avait eu un truc pareil dans mes souvenirs, j'garantis que j'm'en serais souvenu, tout comme j'vais pas oublier de sitôt le monstre qui m'attendait sur le palier. Le chien, encore, à la limite, mais... non, vraiment pas.
J'dois avoir l'air sacrément fou, à parler à mon clébard dans la rue, ce qui explique que les gens fassent un écart en nous voyant. Soit ça, soit mon compagnon fait peur, mais connaissant mes confrères et consoeurs de Courage, c'est clairement la première option. Bah, l'opinion des connards qui se promènent, ça m'en touche une sans faire boucher l'autre.
La piste nous mène jusqu'à une demeure imposante sur un des bords de la ville, avec pas grand-monde aux alentours, dans un quartier résidentiel. C'a même l'air vide actuellement en matant les rares fenêtres pas obstruées par les volets ou les rideaux. Mais la piste ment pas, que j'crois.
« Euh, ben ? »
Citoyen du monde
Rêve
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A la fois soulagé et surpris par l'accalmie soudaine, Rêve observa silencieusement le rêveur lorsque ce dernier abaissa sa garde, ramenant armes aux fourreaux tout en adoptant une posture ainsi qu'une expression moins hostiles à son égard. Visiblement bien plus intéressé par l'accomplissement de sa tâche que par la compréhension de ce qu'était l'être qui lui faisait face, l'homme dénommé Pancrace se concentra sans perdre un instant sur le vif du sujet, chose qui contentait tout à fait le Voyageur. S'il lui était toujours plaisant de conter encore et encore les raisons de sa venue en ce monde, il avait aujourd'hui une tâche qui nécessitait davantage de célérité que de sérénité, il paraissait donc essentiel de ne pas s'attarder sur les détails et de se concentrer sur la quête à venir.
"Beaucoup m'ont nommé Rêve, mais le choix de l'appellation te revient."
Lorsque Pancrace décida qu'il était temps de reprendre les recherches, ayant accepté l'offre du Voyageur sans cérémonie, le concerné se métamorphosa sans un bruit pour reprendre l'apparence canine qui lui avait permis de se frayer un chemin jusqu'à la demeure d'Hortensia.
Gambadant tranquillement auprès de son nouveau collaborateur, la bête camouflée ne releva pas les regards insistants que leur duo atypique subissaient depuis leur sortie de la bâtisse.
"Je n'ai que peu d'information concernant Hortensia, mis à part qu'elle comptait bientôt quitter cette vie et probablement cette cité en quête d'un futur plus radieux. Ses préparatifs n'étaient pas terminés, je doute fort qu'elle ait décidé de tout abandonner du jour au lendemain."
Tranquillement, il se contentait de répondre par télépathie, transmettant des réponses qui se voulaient précises mais qui demeuraient nébuleuses. Puisqu'ils étaient sur la bonne route et que la perte de temps n'était plus une préoccupation, le fameux Pancrace s'autorisait enfin des parenthèses quant à la nature exacte de son partenaire incongru.
"Nous nous sommes côtoyés dans tes rêves, Pancrace, je sais que cela doit te sembler fou. Avant de m'aventurer dans le monde matériel, j'étais un veilleur, un gardien de vos songes. Je suis né de votre imaginaire, j'ai été façonné par les fantaisies extraordinaires que vous concevez en sommeillant. J'ai probablement partagé tes rêves à toi aussi, mais j'ai malheureusement perdu ces souvenirs précieux en m'extirpant du plan immatériel."
Soudainement mélancolique, il partagea mentalement son désarroi :
"Je suis désolé de t'avoir oublié. Tes rêves devaient avoir une valeur inestimable."
Cela, il n'en savait strictement rien. L'affirmation était abrupte, presque inconvenante en vue de la jeunesse apparente de leur relation perdue à jamais dans les abysses du Songe. Toutefois, le simple fait que Pancrace ait ainsi accepté de l'aider à lui rendre sa petite rêveuse, ce avec une diligence et un sérieux absolu, laissaient supposer que quelque chose d'extraordinaire se nichait aux confins de ce taciturne personnage. Rêve ne connaissait ni les motivations ni la fonction véritable de son compagnon, mais leur but commun lui suffisait amplement et le réconfortait, du moins pour le moment. Leur exploration de la ville, s'effectuant selon une piste que seule l'enquêteur pouvait suivre, les mena ultimement à un nouvel établissement tout aussi imposant que celui où résidait Hortensia.
Le chien releva la tête pour dévisager Pancrace qui peinait visiblement à comprendre les informations recueillies par son senseur. Après un instant d'hésitation, le canidé énorme s'avança dans la cour mais n'y trouva pas âme qui vive. Incapable pour l'heure de ressentir l'énergie magique des êtres autour de lui, il se contentait donc de se fier à ses yeux ambrés, sans grand succès malheureusement. Une analyse plus approfondie des fenêtres lui permit toutefois de distinguer vaguement les contours indécis d'une silhouette passant à la hâte derrière un voile de tissu. Sans prendre le risque d'aboyer pour faire part de sa découverte, le Voyageur transmit une fois encore ses pensées à son camarade :
"J'ai vu quelqu'un passer derrière l'un de ces carreaux, au second étage. Sais-tu qui pourrait s'en être pris à Hortensia ? J'ose espérer qu'elle est saine et sauve."
Prenant son courage à deux mains, Rêve fit quelques pas en direction de l'entrée de la bâtisse et fut surpris de croiser la route d'un homme qui passait justement l'épaisse porte de bois menant à l'extérieur. Aussitôt attendri par la vue d'un chien à l'allure si étonnante, l'inconnu ne perdit pas une seconde pour s'accroupir au niveau de l'animal, le gratifiant de caresses énergiques auxquelles ne répondit pas le canidé. Complètement retombé en enfance, l'homme était doté d'une apparence qui contrastait grandement avec une telle attitude, car outre le cuir épais qui constituait son armure, il portait à sa ceintures diverses armes au moins tout aussi dangereuses que celles employées par l'enquêteur.
"Est-il beau, celui-ci. Tu t'es paumé mon grand ? Un beau chien comme ça, tu vas pas me dire que t'as pas de maître hein ? Où qu'il est ton mai-maître, hein ?"
L'attention de l'étranger fut enfin détournée de la bête poilue lorsque, tout à fait derrière, ce fut au tour de Pancrace de se dévoiler. Sans devenir particulièrement sombre, l'attitude de l'inconnu se fit toutefois plus mesurée et il se redressa pour faire face au nouvel arrivant, le toisant avec insistance tout en s'adressant à lui :
"Bonjour. Vous êtes du coin, mon brave ? Je n'vous y ai jamais vu. Il est à vous, celui-ci ?"
L'empathie de Rêve étant d'origine surnaturelle, il crut distinguer en observant le personnage qu'une certaine tension l'habitait depuis que l'enquêteur s'était approché. Prête à agir, la bête demeura pourtant muette, consciencieuse au point de ne pas briser le déguisement malgré son envie brûlante de questionner l'étranger.
"Beaucoup m'ont nommé Rêve, mais le choix de l'appellation te revient."
Lorsque Pancrace décida qu'il était temps de reprendre les recherches, ayant accepté l'offre du Voyageur sans cérémonie, le concerné se métamorphosa sans un bruit pour reprendre l'apparence canine qui lui avait permis de se frayer un chemin jusqu'à la demeure d'Hortensia.
Gambadant tranquillement auprès de son nouveau collaborateur, la bête camouflée ne releva pas les regards insistants que leur duo atypique subissaient depuis leur sortie de la bâtisse.
"Je n'ai que peu d'information concernant Hortensia, mis à part qu'elle comptait bientôt quitter cette vie et probablement cette cité en quête d'un futur plus radieux. Ses préparatifs n'étaient pas terminés, je doute fort qu'elle ait décidé de tout abandonner du jour au lendemain."
Tranquillement, il se contentait de répondre par télépathie, transmettant des réponses qui se voulaient précises mais qui demeuraient nébuleuses. Puisqu'ils étaient sur la bonne route et que la perte de temps n'était plus une préoccupation, le fameux Pancrace s'autorisait enfin des parenthèses quant à la nature exacte de son partenaire incongru.
"Nous nous sommes côtoyés dans tes rêves, Pancrace, je sais que cela doit te sembler fou. Avant de m'aventurer dans le monde matériel, j'étais un veilleur, un gardien de vos songes. Je suis né de votre imaginaire, j'ai été façonné par les fantaisies extraordinaires que vous concevez en sommeillant. J'ai probablement partagé tes rêves à toi aussi, mais j'ai malheureusement perdu ces souvenirs précieux en m'extirpant du plan immatériel."
Soudainement mélancolique, il partagea mentalement son désarroi :
"Je suis désolé de t'avoir oublié. Tes rêves devaient avoir une valeur inestimable."
Cela, il n'en savait strictement rien. L'affirmation était abrupte, presque inconvenante en vue de la jeunesse apparente de leur relation perdue à jamais dans les abysses du Songe. Toutefois, le simple fait que Pancrace ait ainsi accepté de l'aider à lui rendre sa petite rêveuse, ce avec une diligence et un sérieux absolu, laissaient supposer que quelque chose d'extraordinaire se nichait aux confins de ce taciturne personnage. Rêve ne connaissait ni les motivations ni la fonction véritable de son compagnon, mais leur but commun lui suffisait amplement et le réconfortait, du moins pour le moment. Leur exploration de la ville, s'effectuant selon une piste que seule l'enquêteur pouvait suivre, les mena ultimement à un nouvel établissement tout aussi imposant que celui où résidait Hortensia.
Le chien releva la tête pour dévisager Pancrace qui peinait visiblement à comprendre les informations recueillies par son senseur. Après un instant d'hésitation, le canidé énorme s'avança dans la cour mais n'y trouva pas âme qui vive. Incapable pour l'heure de ressentir l'énergie magique des êtres autour de lui, il se contentait donc de se fier à ses yeux ambrés, sans grand succès malheureusement. Une analyse plus approfondie des fenêtres lui permit toutefois de distinguer vaguement les contours indécis d'une silhouette passant à la hâte derrière un voile de tissu. Sans prendre le risque d'aboyer pour faire part de sa découverte, le Voyageur transmit une fois encore ses pensées à son camarade :
"J'ai vu quelqu'un passer derrière l'un de ces carreaux, au second étage. Sais-tu qui pourrait s'en être pris à Hortensia ? J'ose espérer qu'elle est saine et sauve."
Prenant son courage à deux mains, Rêve fit quelques pas en direction de l'entrée de la bâtisse et fut surpris de croiser la route d'un homme qui passait justement l'épaisse porte de bois menant à l'extérieur. Aussitôt attendri par la vue d'un chien à l'allure si étonnante, l'inconnu ne perdit pas une seconde pour s'accroupir au niveau de l'animal, le gratifiant de caresses énergiques auxquelles ne répondit pas le canidé. Complètement retombé en enfance, l'homme était doté d'une apparence qui contrastait grandement avec une telle attitude, car outre le cuir épais qui constituait son armure, il portait à sa ceintures diverses armes au moins tout aussi dangereuses que celles employées par l'enquêteur.
"Est-il beau, celui-ci. Tu t'es paumé mon grand ? Un beau chien comme ça, tu vas pas me dire que t'as pas de maître hein ? Où qu'il est ton mai-maître, hein ?"
L'attention de l'étranger fut enfin détournée de la bête poilue lorsque, tout à fait derrière, ce fut au tour de Pancrace de se dévoiler. Sans devenir particulièrement sombre, l'attitude de l'inconnu se fit toutefois plus mesurée et il se redressa pour faire face au nouvel arrivant, le toisant avec insistance tout en s'adressant à lui :
"Bonjour. Vous êtes du coin, mon brave ? Je n'vous y ai jamais vu. Il est à vous, celui-ci ?"
L'empathie de Rêve étant d'origine surnaturelle, il crut distinguer en observant le personnage qu'une certaine tension l'habitait depuis que l'enquêteur s'était approché. Prête à agir, la bête demeura pourtant muette, consciencieuse au point de ne pas briser le déguisement malgré son envie brûlante de questionner l'étranger.
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Pancrace Dosian
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Alors qu'on marche dans la rue, vers notre destination, j'mâchouille les réponses à mes questions. Rêve, ce sera largement suffisant comme nom, j'vais pas m'faire chier à trouver quelque chose, genre le Pigeon, Moche ou Machin. Puis ça mettrait une sale ambiance, sans compter que c'est plus un emplumé maintenant, mais un clébard, donc on risque de rapidement s'y perdre dans les qualificatifs physiques.
Puis, suis-je vraiment une personne à juger les apparences et à en tirer des surnoms désagréables ?
Bien sûr que oui.
Quand je risque rien.
Et ça, j'peux pas l'assurer actuellement, donc dans le doute, vaut mieux filer droit.
« La majorité des poules, de luxe ou non, envisagent toutes de changer de vie dans un avenir plus ou moins proche. Y'a que celles qu'arrivent à toucher le haut du panier, genre sortir des bandes de mafieux et autres pour se maquer avec des politiciens, des riches de la SSG ou des acteurs, qui s'disent contentes de ce qu'elles font et essaient de transformer l'essai en se faisant des connaissances, des réseaux, et en investissant dans ce qui va bien. Parfois, elles y arrivent même, genre Régine, y'a une trentaine d'années. »
J'me dis que j'ai l'air bien con en parlant tout seul à un chien, vu que lui me transmet directement les informations qui vont bien par télépathie. Est-ce qu'il peut m'envoyer des cochonneries ou des mots désagréables ? P'tet le moment d'envisager une forme de protection mentale, à l'occasion. M'enfin, on verra si j'mets la pogne sur des bouquins ou un prof de magie, pasque là, c'est pas trop l'ambiance...
« Mouais, p'tet, pour les rêves. C'pas moi qui vais pouvoir te dire dans un sens ou l'autre, hein, j'vais me contenter de te croire sur parole. »
Ou pas, hein, mais y'a suffisamment de saloperies magiques qui se promènent pour que tout soit possible. J'espère juste que si c'est vrai, il se rappelle pas pour de vrai de mes rêves, pasque y'en avait des sacrément glauques ou honteux, que j'm'attache à effacer en tout cas provisoirement, des fois que ça se lise au passage. Puis, hein, c'pas comme si je contrôlais, au bout d'un moment.
« Une valeur inestimable, ça m'étonnerait : la majorité n'a aucun sens, si tant est que j'm'en souvienne. Et comme disait mamie, si j'ai oublié, ça devait pas être important. Bref. »
Il part se faire câliner par un type qui surveille manifestement la barraque, concierge ou garde, j'ai mon opinion sur la question à voir comme il est équipé, et il faut que j'avance à quelques pas pour qu'il remarque ma présence et s'tourne vers moi. J'me demande si j'aurais pas plutôt dû lui sauter dessus et le foutre sur le carreau, pasque de face, j'doute un peu que ce soit possible, en tout cas suffisamment vite. P'tet avec une attaque mentale... Mais nan, faut de la finesse, là.
« Ouais, il est à moi, mais vous bilez pas pour ça. Je le balade dans des coins différents, et le hasard nous a menés par ici, aujourd'hui. Fais le beau, Rêve, oh oui le beau chien... »
Heureusement qu'il joue le jeu, et j'prends un malin plaisir à lui faire jouer son rôle jusqu'au bout. Pas de raison que j'sois le seul à me faire chier, après tout.
« Bref, joli maison. Ca appartient à un noble, je suppose ?
- Non, pas du tout. En vrai, ça ne... »
Rêve donne un coup de tête à sa main, et lui arrache immédiatement un sourire.
« C'est Sieur Talos qui habite ici. Il est dans les affaires.
- Avec la SSG ?
- Pour le coup, je ne peux vous en dire davantage.
- Je comprends, aucun souci, c'était par simple curiosité. Bonne journée.
- Merci, vous aussi. »
J'm'éloigne de quelques pas et Rêve m'emboîte le pas en jappant, jusqu'à ce qu'on tourne le coin de la rue et qu'on continue de longer le beau manoir.
« P'tet qu'elle est en danger, ouais. Dans le doute, allons faire un tour. Tu peux y aller en oiseau ? Enfin, faut que j'y aille aussi. »
La muraille est pas bien haute, et un simple saut suffit à atteindre le haut puis se hisser. Les restes de senseur magique commencent à s'effacer, et le gars qu'a retourné la piaule d'Hortensia est passé par ici à coup sûr. De là à ce que ce soit sa maison, c'est autre chose, mais voilà. Et les affaires, vraiment... A ce compte-là, j'y suis aussi, alors, hé, entre collègues, quasiment, j'peux bien entrer.
Citoyen du monde
Rêve
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Après cette manœuvre évasive pleine de supercherie habile, Rêve sourit intérieurement à l'idée de voir cette improbable collaboration s'avérer si fructueuse. Il avait bien fait de tout miser sur ce curieux rêveur qui semblait animé par de bonnes intentions, malgré l'aura vaguement lugubre qui se dégageait de lui au travers de ses faits et gestes. S'il apparaissait désabusé, le prince des songes peinait à définir si ce Pancrace avait véritablement étouffé ses propres rêves au point de s'en dissocier ou s'il tentait simplement de lui donner cette impression. Désirait-il se montrer inaccessible car il avait des choses à dissimuler ? Pour l'heure, seules les actions parlaient, et il allait sans dire qu'ils semblaient tous deux œuvrer pour une cause similaire.
Après une brève exploration, le duo désormais isolé fut confronté à un premier obstacle, à savoir une humble barrière dont ils se défirent rapidement, l'un en escaladant et le second en se métamorphosant en corbeau en un clin d'œil. Ils contournent donc ce qui leur bloquait la route, mais Rêve savait qu'ils entraient désormais en territoire défendu, car c'était toujours pour protéger un lieu que les Hommes érigeaient telle barricade, aussi inefficaces fussent-elles.
Rêve semblait si rassuré par la présence de son compagnon qu'il en venait presque à éluder l'urgence de leur situation, mais les mots de Pancrace le ramenèrent aussitôt à la réalité. S'il n'était pas parvenu à suivre la trace le sa petite rêveuse blessée, il allait devoir faire ses preuves maintenant qu'ils touchaient au but. Hortensia était en danger, et l'Exilé comptait bien la tirer de ce mauvais pas pour voir ses rêves de liberté germer un beau jour. Malheureusement pour ceux qui se mettaient sur sa route, la chimère ne comptait pas faire de concession pour parvenir à ses fins. Ce fut donc ici qu'elle mit un terme à sa métamorphose, adoptant à nouveau sa véritable apparence pour faire face à de potentiels opposants.
Habituellement, le Voyageur se montrait à la fois doux et mesuré mais ce fut cette fois avec une inquiétante vivacité qu'il serpenta à quatre pattes jusqu'à une porte isolée qui semblait, de par sa forme pour le moins épurée, destinée davantage à quitter la bâtisse furtivement qu'à y entrer avec les honneurs. A une allure folle, il posa ses serres sur la poignée et ouvrit la porte d'un coup sec mais fut surpris de découvrir que cette dernière était gardée de l'intérieur par un homme portant un accoutrement et du matériel bien similaires à ceux de l'adorateur des animaux qu'ils avaient croisé de l'autre côté.
Surpris, mais nullement décontenancé au point d'en perdre ses réflexes, le monstre onirique fondit sur le gardien avant même que ce dernier n'ait le temps de crier, l'enfermant aussitôt dans une prison de plumes en repliant ses ailes gigantesques autour de lui. Il l'empoigna d'une patte par l'arrière de son col, le penchant de force en arrière tout en apposant sa seconde dextre sur la bouche de sa victime, étouffant ainsi toute tentative de hurlement. De ses deux voix, la créature s'exprime cette fois-ci oralement, fixant d'un air impérieux et menaçant le pauvre gaillard qu'elle tenait entre ses griffes.
"Où est-elle ?"
Et si les deux timbres qu'il empruntait habituellement détenaient la même intensité, c'était cette fois-ci la voix la plus grave et rauque qui l'emportait sur l'autre, trahissant la colère et l'angoisse qui animait aujourd'hui le Voyageur. On lui avait volé quelque chose de précieux et malgré sa bienveillance à l'égard des êtres conscients, il laissait enfin transparaître la cruauté qui se nichait en lui, justifiant son surnom de Cauchemar. Tant par effroi que par incompréhension, le garde eut un réflexe bien peu salvateur car il tenta maladroitement de porter une main à l'une des dagues qui ornaient ses sangles alors même qu'il voyait le faciès du volatile géant se transformer. L'expression illisible de la chouette se changea peu à peu en tout autre chose, les arabesques qui recouvraient son masque venant serpenter pour lui conférer une nouvelle silhouette. Dans les yeux du pauvre homme, le visage aux formes incompréhensibles ressemblait de plus en plus à un crâne aux arêtes bien définies et à la texture marbrée. Cette rencontre semblait pour lui synonyme de mort.
Il ne relâcha pas son arme pour autant et tenta maladroitement de la glisser hors de son fourreau, une menace à laquelle la créature répondit par une froide violence. Les serres s'enfoncèrent dans sa nuque au point de percer sa peau tandis qu'une magie obscure par nature s'insinua dans l'esprit du pauvre homme, le blessant mentalement avec une telle puissance qu'il vint mordre de douleur la main qui l'empêchait toujours de crier. Rêve ignora la souffrance, ses yeux immenses toujours rivés dans ceux de sa cible qui, désormais bien affaiblie, ne parvint pas à protéger son esprit de l'emprise qu'exerçait sur lui la bête infernale.
Rêve plongea dans son esprit et y découvrit quelques bribes de souvenirs passablement effacés. Des images et des sons, flous et confus certes, mais dans lesquels la voix implorante d'Hortensia fut entendue. Elle criait et se débattait et, dans son tourment, elle ne trouva aucune assistance. Ni de cet homme, ni d'aucun autre. La torture reprit, Rêve frappant mentalement celui qu'il avait désormais identifié comme véritable ennemi. Il ne s'arrêta que lorsque sa victime cessa complètement de se mouvoir, rendue apathique par les lésions cérébrales qu'avaient causé l'effroyable assaut.
"Ils l'ont prise, Pancrace. Ils l'ont prise avec eux et celui-ci était présent. Nous touchons au but."
Avec une douceur étrange qui contrastait avec la violence dont il venait de faire preuve, le Voyageur déposa gentiment le corps inanimé sur le sol du couloir, se tournant vers son camarade en quête de soutien.
Après une brève exploration, le duo désormais isolé fut confronté à un premier obstacle, à savoir une humble barrière dont ils se défirent rapidement, l'un en escaladant et le second en se métamorphosant en corbeau en un clin d'œil. Ils contournent donc ce qui leur bloquait la route, mais Rêve savait qu'ils entraient désormais en territoire défendu, car c'était toujours pour protéger un lieu que les Hommes érigeaient telle barricade, aussi inefficaces fussent-elles.
Rêve semblait si rassuré par la présence de son compagnon qu'il en venait presque à éluder l'urgence de leur situation, mais les mots de Pancrace le ramenèrent aussitôt à la réalité. S'il n'était pas parvenu à suivre la trace le sa petite rêveuse blessée, il allait devoir faire ses preuves maintenant qu'ils touchaient au but. Hortensia était en danger, et l'Exilé comptait bien la tirer de ce mauvais pas pour voir ses rêves de liberté germer un beau jour. Malheureusement pour ceux qui se mettaient sur sa route, la chimère ne comptait pas faire de concession pour parvenir à ses fins. Ce fut donc ici qu'elle mit un terme à sa métamorphose, adoptant à nouveau sa véritable apparence pour faire face à de potentiels opposants.
Habituellement, le Voyageur se montrait à la fois doux et mesuré mais ce fut cette fois avec une inquiétante vivacité qu'il serpenta à quatre pattes jusqu'à une porte isolée qui semblait, de par sa forme pour le moins épurée, destinée davantage à quitter la bâtisse furtivement qu'à y entrer avec les honneurs. A une allure folle, il posa ses serres sur la poignée et ouvrit la porte d'un coup sec mais fut surpris de découvrir que cette dernière était gardée de l'intérieur par un homme portant un accoutrement et du matériel bien similaires à ceux de l'adorateur des animaux qu'ils avaient croisé de l'autre côté.
Surpris, mais nullement décontenancé au point d'en perdre ses réflexes, le monstre onirique fondit sur le gardien avant même que ce dernier n'ait le temps de crier, l'enfermant aussitôt dans une prison de plumes en repliant ses ailes gigantesques autour de lui. Il l'empoigna d'une patte par l'arrière de son col, le penchant de force en arrière tout en apposant sa seconde dextre sur la bouche de sa victime, étouffant ainsi toute tentative de hurlement. De ses deux voix, la créature s'exprime cette fois-ci oralement, fixant d'un air impérieux et menaçant le pauvre gaillard qu'elle tenait entre ses griffes.
"Où est-elle ?"
Et si les deux timbres qu'il empruntait habituellement détenaient la même intensité, c'était cette fois-ci la voix la plus grave et rauque qui l'emportait sur l'autre, trahissant la colère et l'angoisse qui animait aujourd'hui le Voyageur. On lui avait volé quelque chose de précieux et malgré sa bienveillance à l'égard des êtres conscients, il laissait enfin transparaître la cruauté qui se nichait en lui, justifiant son surnom de Cauchemar. Tant par effroi que par incompréhension, le garde eut un réflexe bien peu salvateur car il tenta maladroitement de porter une main à l'une des dagues qui ornaient ses sangles alors même qu'il voyait le faciès du volatile géant se transformer. L'expression illisible de la chouette se changea peu à peu en tout autre chose, les arabesques qui recouvraient son masque venant serpenter pour lui conférer une nouvelle silhouette. Dans les yeux du pauvre homme, le visage aux formes incompréhensibles ressemblait de plus en plus à un crâne aux arêtes bien définies et à la texture marbrée. Cette rencontre semblait pour lui synonyme de mort.
Il ne relâcha pas son arme pour autant et tenta maladroitement de la glisser hors de son fourreau, une menace à laquelle la créature répondit par une froide violence. Les serres s'enfoncèrent dans sa nuque au point de percer sa peau tandis qu'une magie obscure par nature s'insinua dans l'esprit du pauvre homme, le blessant mentalement avec une telle puissance qu'il vint mordre de douleur la main qui l'empêchait toujours de crier. Rêve ignora la souffrance, ses yeux immenses toujours rivés dans ceux de sa cible qui, désormais bien affaiblie, ne parvint pas à protéger son esprit de l'emprise qu'exerçait sur lui la bête infernale.
Rêve plongea dans son esprit et y découvrit quelques bribes de souvenirs passablement effacés. Des images et des sons, flous et confus certes, mais dans lesquels la voix implorante d'Hortensia fut entendue. Elle criait et se débattait et, dans son tourment, elle ne trouva aucune assistance. Ni de cet homme, ni d'aucun autre. La torture reprit, Rêve frappant mentalement celui qu'il avait désormais identifié comme véritable ennemi. Il ne s'arrêta que lorsque sa victime cessa complètement de se mouvoir, rendue apathique par les lésions cérébrales qu'avaient causé l'effroyable assaut.
"Ils l'ont prise, Pancrace. Ils l'ont prise avec eux et celui-ci était présent. Nous touchons au but."
Avec une douceur étrange qui contrastait avec la violence dont il venait de faire preuve, le Voyageur déposa gentiment le corps inanimé sur le sol du couloir, se tournant vers son camarade en quête de soutien.
Citoyen de La République
Pancrace Dosian
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J'en ai vu, des trucs dégueus, depuis que j'suis officier républicain, personne pourra dire le contraire. Mais ça restait très... alors, humain, c'est pas le mot, pasque c'est le défilé des races, mais plutôt... ordinaire ? J'suppose que les machins vraiment énervés ont tendance à tomber chez les Limiers ou la Grande Armée Républicaine, et c'est pour ça qu'on est si bien chez les Officiers Républicains. On peut pas demander à des archimages de régler le problème du tavernier, ça n'aurait aucun sens, après tout.
Toujours est-il que la vision à laquelle j'viens d'avoir droit, j'y tenais pas particulièrement, et j'm'en serais bien passé, pour rester sur un alcoolo qui tabasse sa bourgeoise à coups de chaise. Ca, c'est du concret, un peu brut de décoffrage, mais quelque chose qu'on peut comprendre, au moins, pas... ça.
C'est que l'immense piaf à la forme un peu trouble qui semble dévorer l'âme d'un pauvre trouffion en lui vomissant de la magie directement dans la bouche, dans le genre, ça hante un peu, et si j'fais un cauchemar, j'espère que Rêve sera aux premières loges pour tourner ça un peu mieux, ou l'effacer, et pas juste bicher devant un bon vieux souvenir.
Vrai que j'sais pas trop ce qu'il bouffe, à bien y réfléchir. Ca se trouve, c'est ça, son repas. Après tout, j'ai pas connaissance de bestioles qu'ont jamais besoin de se nourrir, donc ça serait pas déconnant. On a déjà vu plus étrange, j'suppose, comme ce gars qui disait qu'il se nourrissait de la lumière du jour et de la pureté de l'air. Quand il est mort, on se demandait si c'était pasque l'air était pas pur, là où il était, ou s'il avait pas fait assez beau ces derniers jours.
Ou si c'était un gros mytho, hein, impossible d'en être totalement certain.
Mais j'suis tiré de mes considérations morbides quand mon compagnon surprise pose un rond-de-cuir catatonique par terre, et m'annonce que notre cible est bien passée par ici. L'a l'air un peu affecté par tout ça, genre grand sensible. Moi, j'me dis surtout que ça risque de castagner bientôt. J'observe celui qu'est au sol, et j'prends progressivement son apparence. Pour les fringues, j'fais à la va-vite, en ramassant sa ceinture et ses armes. Pour le reste, peu probable qu'ils fassent attention à la tenue, en tout cas je l'espère très fort.
« Vu que t'as pu regarder ses souvenirs, tu peux m'en dire un peu plus sur lui ? »
Maximilien est apparemment un sympathique type, ou en tout cas se voit comme tel, vu qu'il a un peu tendance à enlever des jeunes femmes innocentes et que tout le matos qui alourdit sa ceinture tient davantage du briseur de crânes et de genoux que du fleuriste, mais j'suppose qu'on peut toujours trouver une utilité agricole à un couteau de deux mains de long. Faut juste être créatif.
« On va voir si on touche au but, pour l'instant, j'ai plus de piste, pour le senseur magique, donc faut juste espérer qu'elle soit bien là-haut. »
Puis j'jette un regard au criminel allongé par terre.
« On dira qu'il est tombé au sol tout seul si on nous pose la question. »
C'est des choses qui arrivent.
Le manoir est immense, on l'avait déjà vu de l'extérieur. Ben de l'intérieur, c'est pareil : l'architecture a abandonné les corridors épurés et éclairés pour favoriser une suite de petits couloirs qui s'entremêlent de façon encore plus confuse qu'un labyrinthe, mais l'idée, c'est de réussir à atteindre le dernier étage, là où on pense la trouver. Ou, en tout cas, on trouvera le chef, et j'suis sûr que Rêve saura le convaincre, en lui vomissant de la magie dans la bouche si nécessaire, de nous aider.
On trouve finalement un escalier de service, dont les marches en bois grincent pas, sûrement pour éviter que les larbins dérangent leurs patrons pendant qu'ils font le ménage et apportent la bouffe. On monte jusqu'à une p'tite porte avec un judas par lequel on observe une pièce occupée par deux hommes en train de discuter avec un jeu de carte posé pas loin. Pas de doute possible, ça bosse dur, surtout celui qu'a les pieds sur la table et un bâillement au coin des lèvres.
Franchement, on pourrait y aller au bluff, après tout, j'ressemble comme deux gouttes d'eau à Maximilien, grâce à la métamorphose.
J'ouvre le battant, et j'leur adresse un sourire et un signe de la main.
« Bah alors, Max, t'es plus en bas ? »
Le coup de gourdin qui le cueille à la tempe constitue sûrement un élément de réponse intéressant, et son petit camarade ne manquerait pas de donner son avis s'il était pas au prise avec mon démon préféré, avant de finir aussi au sol, sans marque de sévice physique, contrairement au mien, très clairement contusionné au visage, avec du sang qui coule sur le tapis.
« Ouais, bon, perdons pas notre temps non plus. »
On fait irruption dans la salle suivante, un grand bureau avec une immense table en bois brut soigneusement verni, une belle bibliothèque pleine de bouquins à l'air précieux, un mini-bar qui me fait de l'oeil, surtout quand j'vois les trois premiers noms sur les bouteilles, mais pas un pélos.
C'est là que le plan résiste moins bien à la morsure de la réalité, faut bien l'admettre. On est en plein milieu du manoir de gens pas forcément hyper gentils, à la recherche d'une fille qu'est pas là, ou alors on sait pas où, et la personne qui pourrait nous renseigner est pas assis à son bureau, avec une plume à la main.
Moi, à part taper à nouveau sur les gars dehors jusqu'à ce qu'ils parlent, j'ai pas trop d'idée, en l'état.
« Euh, une suggestion ? »
Tant que c'est pas de dévorer l'âme des impies, je prends.
Citoyen du monde
Rêve
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Un bref instant après l'assaut surprise de Pancrace, un véritable ouragan de plumes noires pénétra dans la pièce à vive allure, bondissant tel un prédateur félin jusqu'à un meuble qui lui servit de premier support. La créature informe se projeta ensuite jusqu'au pauvre homme attablé qui n'eut le temps que de sentir la violente froideur d'un pic d'effroi qui escaladait son échine avant d'être propulsé à terre. Il voulut hurler, mais le son de son propre cri fut étouffé par un vrombissement sourd et terriblement puissant qui vint aussitôt emplir son esprit, brisant sa faculté de pensée et le poussant instantanément à un silence absolu. Dans un bafouillement incompréhensible, il perdit toute aptitude motrice et se crispa tel un insecte, ses membres contractés tant par la peur que par la douleur pure occasionnée par l'assaut mental de la bête chimérique.
Lorsque sa proie n'opposa plus la moindre résistance au delà des occasionnels tressaillements qui parcouraient son enveloppe meurtrie par l'obscure magie, Rêve se redressa avec une lenteur pleine d'élégance et se repositionna sur ses quatre pattes. Il accorda un regard appuyé à sa victime et, l'espace d'un bref instant, il considéra avec quelle sauvagerie barbare il s'était comporté aujourd'hui. Depuis son apparition sur le plan matériel, c'était bien la première fois qu'il se montrait aussi impitoyable et il craignait intérieurement que cette corruption ne gagne en influence au fil du temps, le changeant petit à petit en une créature instable, se nourrissant exclusivement de cette violence brûlante. Il ne fallait jamais rompre l'équilibre, mais les émotions si vives qu'il éprouvait depuis sa renaissance avaient de quoi le pousser vers une telle métamorphose.
Pancrace le rappela à la réalité en l'interpelant et le Voyageur lui accorda aussitôt son entière attention. Effectivement, il apparaissait désormais qu'une impasse se dressait face à eux. Loin d'être démoralisé cependant, Rêve accorda un énième regard au pauvre homme dont il avait brisé l'esprit et posa sa patte griffue sur son front, contact qui arracha d'ailleurs au concerné un cri sec, court et parfaitement inconscient, pur réflexe de sa psyché broyée. Le prince des songes tenta de lire les derniers souvenirs du rêveur blessé, mais l'expérience cauchemardesque qu'il venait de subir semblait avoir anéanti toute possibilité de récupération d'informations, car Rêve ne distingua que des images atroces nées de l'imaginaire et pas le moindre élément de réponse. Dans sa colère, il avait donc fauté. Se ressaisir devenait une véritable urgence, sans compter que le temps pressait.
Déçu, Rêve relâcha son emprise avec un dédain notable et glissa doucement jusqu'au second garde, lui aussi inconscient. Loin d'être perturbé par la vue de la tâche pourpre qui maculait désormais le sol, Rêve effectua une nouvelle manœuvre de lecture, cette fois-ci avec davantage de succès. Même si elle l'avait certainement amoché, l'attaque brutale de Pancrace avait au moins eu le mérite de ne pas réduire à néant la mémoire de sa victime. Ce qu'il découvrit en fouinant dans la tête de la crapule fut tout à fait surprenant mais surtout humiliant pour Rêve qui réalisa que, dans sa course à la violence, il en avait oublié jusqu'à ses propres enseignements.
"Nos yeux nous trahissent, comme toujours."
Il avait murmuré, davantage pour lui-même que pour Pancrace. Parmi les maigres bribes de mémoires que le Voyageur était parvenu à réunir, un élément particulièrement intéressant avait été relevé. La piste s'estompait à un moment bien malchanceux car, comme Rêve l'avait déjà établi, ils touchaient pourtant bel et bien au but. Le bureau était vide car celui qui s'y tenait habituellement venait tout juste de le quitter, mais cela ne signifiait nullement qu'il avait abandonné cette bâtisse. Rêve inspecta silencieusement la pièce, puis il pivota et retourna sur ses pas, faisant signe à Pancrace de le suivre :
"Viens, Pancrace. Nous ne sommes pas les seuls adeptes de l'art de l'illusion, ici."
Les choses se précisaient enfin et à la colère du Voyageur se joignait désormais une frustration coriace, car être ainsi floué convenait bien peu au maître des songes. Tout en retournant à l'entrée de la pièce, Rêve se redressa de toute sa hauteur et posa ses griffes sur l'un des murs, glissant sur la surface rigide tout en évoluant d'un pas mesuré. Il y avait parmi eux un illusionniste qui, dans une situation causée par un manque évident de temps, avait usé de ses talents pour créer une cachette artificielle au sein de l'établissement. Malheureusement pour lui, les talents de la bête onirique permettaient de voir clair dans le jeu de ce prestidigitateur. Là encore, il était nécessaire d'agir prestement car le bruit causé par la précédente altercation avait toutes les chances d'avoir révélé la présence des perturbateurs. A force d'essai; Rêve finit par mettre la main sur ce qu'il cherchait. Plus précisément, au travers de ce qu'il recherchait.
D'un seul coup, son bras allongé s'enfonça dans un mur de pierre sans la moindre résistance, les contours de son membre se perdant dans la pâleur du faux matériau et passant de l'autre côté de la muraille illusoire. D'un roucoulement, il attira l'attention de Pancrace sur cette étrangeté puis il ne se fit pas prier pour passer son visage à travers le voile irréel. De l'autre côté, Rêve releva en premier lieu que l'air était plus frais, ce qui impliquait donc que l'illusion soit suffisamment puissante pour inhiber le passage des courants, elle était donc active au delà de la vue. De toute évidence, celui ou celle qui avait mis en place un tel artifice ne souhaitait véritablement pas être dérangé par qui que ce soit.
Devant le Voyageur se trouvait un couloir d'une poignée de mètres qui se terminait en un nouvel escalier circulaire qui semblait s'enfoncer profondément dans la structure de la bâtisse, ce qui révélait une architecture bien plus complexe que ce que l'on pouvait supposer de l'extérieur. Furtivement, Rêve s'avança à pas de loup jusqu'aux premières marches et tenta d'écouter pour capter une trace de vie en dessous, il fut surpris d'entendre après quelques secondes d'attente quelques éclats de voix étouffés par la distance. Supposant que c'était là que se trouvait l'objet de leurs recherches, Rêve s'engagea dans les ombres sans prendre le temps de consulter son collaborateur. A mesure qu'il avançait, le gigantesque oiseau de proie entendait les voix se préciser, au point d'ailleurs de pouvoir établir qu'il y avait au moins deux hommes ainsi qu'une femme. La figure féminine s'exprimait d'ailleurs difficilement et malgré les épaisseurs de murs qui les séparait du duo, ses mots paraissaient entrecoupés de sanglots.
Une fois tout en bas, Rêve posa sa main sur l'épaisse porte de bois et d'acier qui se dressait devant eux. En l'absence de fenêtre, il était impossible de savoir s'ils se jetaient ou non dans une salle piégée. Malgré ses craintes et son sentiment d'urgence, Rêve choisit toutefois de faire preuve d'un peu plus de sagesse que précédemment en demandant à son compagnon son opinion sur la question de l'approche. Il pivota, faisant face à Pancrace qui se trouvait à quelques pas derrière lui et, malgré le calme qu'il tentait tant bien que mal de conserver, ses plumes ébouriffées trahissaient sa volonté d'en découdre au plus vite.
"Nous ferions peut-être mieux d'adopter une approche furtive, puisque tu es toi aussi capable de changer d'enveloppe à ta guise. Qu'en dis-tu ?"
Lorsque sa proie n'opposa plus la moindre résistance au delà des occasionnels tressaillements qui parcouraient son enveloppe meurtrie par l'obscure magie, Rêve se redressa avec une lenteur pleine d'élégance et se repositionna sur ses quatre pattes. Il accorda un regard appuyé à sa victime et, l'espace d'un bref instant, il considéra avec quelle sauvagerie barbare il s'était comporté aujourd'hui. Depuis son apparition sur le plan matériel, c'était bien la première fois qu'il se montrait aussi impitoyable et il craignait intérieurement que cette corruption ne gagne en influence au fil du temps, le changeant petit à petit en une créature instable, se nourrissant exclusivement de cette violence brûlante. Il ne fallait jamais rompre l'équilibre, mais les émotions si vives qu'il éprouvait depuis sa renaissance avaient de quoi le pousser vers une telle métamorphose.
Pancrace le rappela à la réalité en l'interpelant et le Voyageur lui accorda aussitôt son entière attention. Effectivement, il apparaissait désormais qu'une impasse se dressait face à eux. Loin d'être démoralisé cependant, Rêve accorda un énième regard au pauvre homme dont il avait brisé l'esprit et posa sa patte griffue sur son front, contact qui arracha d'ailleurs au concerné un cri sec, court et parfaitement inconscient, pur réflexe de sa psyché broyée. Le prince des songes tenta de lire les derniers souvenirs du rêveur blessé, mais l'expérience cauchemardesque qu'il venait de subir semblait avoir anéanti toute possibilité de récupération d'informations, car Rêve ne distingua que des images atroces nées de l'imaginaire et pas le moindre élément de réponse. Dans sa colère, il avait donc fauté. Se ressaisir devenait une véritable urgence, sans compter que le temps pressait.
Déçu, Rêve relâcha son emprise avec un dédain notable et glissa doucement jusqu'au second garde, lui aussi inconscient. Loin d'être perturbé par la vue de la tâche pourpre qui maculait désormais le sol, Rêve effectua une nouvelle manœuvre de lecture, cette fois-ci avec davantage de succès. Même si elle l'avait certainement amoché, l'attaque brutale de Pancrace avait au moins eu le mérite de ne pas réduire à néant la mémoire de sa victime. Ce qu'il découvrit en fouinant dans la tête de la crapule fut tout à fait surprenant mais surtout humiliant pour Rêve qui réalisa que, dans sa course à la violence, il en avait oublié jusqu'à ses propres enseignements.
"Nos yeux nous trahissent, comme toujours."
Il avait murmuré, davantage pour lui-même que pour Pancrace. Parmi les maigres bribes de mémoires que le Voyageur était parvenu à réunir, un élément particulièrement intéressant avait été relevé. La piste s'estompait à un moment bien malchanceux car, comme Rêve l'avait déjà établi, ils touchaient pourtant bel et bien au but. Le bureau était vide car celui qui s'y tenait habituellement venait tout juste de le quitter, mais cela ne signifiait nullement qu'il avait abandonné cette bâtisse. Rêve inspecta silencieusement la pièce, puis il pivota et retourna sur ses pas, faisant signe à Pancrace de le suivre :
"Viens, Pancrace. Nous ne sommes pas les seuls adeptes de l'art de l'illusion, ici."
Les choses se précisaient enfin et à la colère du Voyageur se joignait désormais une frustration coriace, car être ainsi floué convenait bien peu au maître des songes. Tout en retournant à l'entrée de la pièce, Rêve se redressa de toute sa hauteur et posa ses griffes sur l'un des murs, glissant sur la surface rigide tout en évoluant d'un pas mesuré. Il y avait parmi eux un illusionniste qui, dans une situation causée par un manque évident de temps, avait usé de ses talents pour créer une cachette artificielle au sein de l'établissement. Malheureusement pour lui, les talents de la bête onirique permettaient de voir clair dans le jeu de ce prestidigitateur. Là encore, il était nécessaire d'agir prestement car le bruit causé par la précédente altercation avait toutes les chances d'avoir révélé la présence des perturbateurs. A force d'essai; Rêve finit par mettre la main sur ce qu'il cherchait. Plus précisément, au travers de ce qu'il recherchait.
D'un seul coup, son bras allongé s'enfonça dans un mur de pierre sans la moindre résistance, les contours de son membre se perdant dans la pâleur du faux matériau et passant de l'autre côté de la muraille illusoire. D'un roucoulement, il attira l'attention de Pancrace sur cette étrangeté puis il ne se fit pas prier pour passer son visage à travers le voile irréel. De l'autre côté, Rêve releva en premier lieu que l'air était plus frais, ce qui impliquait donc que l'illusion soit suffisamment puissante pour inhiber le passage des courants, elle était donc active au delà de la vue. De toute évidence, celui ou celle qui avait mis en place un tel artifice ne souhaitait véritablement pas être dérangé par qui que ce soit.
Devant le Voyageur se trouvait un couloir d'une poignée de mètres qui se terminait en un nouvel escalier circulaire qui semblait s'enfoncer profondément dans la structure de la bâtisse, ce qui révélait une architecture bien plus complexe que ce que l'on pouvait supposer de l'extérieur. Furtivement, Rêve s'avança à pas de loup jusqu'aux premières marches et tenta d'écouter pour capter une trace de vie en dessous, il fut surpris d'entendre après quelques secondes d'attente quelques éclats de voix étouffés par la distance. Supposant que c'était là que se trouvait l'objet de leurs recherches, Rêve s'engagea dans les ombres sans prendre le temps de consulter son collaborateur. A mesure qu'il avançait, le gigantesque oiseau de proie entendait les voix se préciser, au point d'ailleurs de pouvoir établir qu'il y avait au moins deux hommes ainsi qu'une femme. La figure féminine s'exprimait d'ailleurs difficilement et malgré les épaisseurs de murs qui les séparait du duo, ses mots paraissaient entrecoupés de sanglots.
Une fois tout en bas, Rêve posa sa main sur l'épaisse porte de bois et d'acier qui se dressait devant eux. En l'absence de fenêtre, il était impossible de savoir s'ils se jetaient ou non dans une salle piégée. Malgré ses craintes et son sentiment d'urgence, Rêve choisit toutefois de faire preuve d'un peu plus de sagesse que précédemment en demandant à son compagnon son opinion sur la question de l'approche. Il pivota, faisant face à Pancrace qui se trouvait à quelques pas derrière lui et, malgré le calme qu'il tentait tant bien que mal de conserver, ses plumes ébouriffées trahissaient sa volonté d'en découdre au plus vite.
"Nous ferions peut-être mieux d'adopter une approche furtive, puisque tu es toi aussi capable de changer d'enveloppe à ta guise. Qu'en dis-tu ?"
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Pancrace Dosian
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J'avoue que j'aurais pas pensé à l'illusion. Moi, mon plan, c'était de rentrer la mine basse et la queue entre les jambes pour dire que la nana avait disparu, et qu'on la retrouverait sans doute jamais. Fallait juste essuyer le sale savon qui m'attendait, et les tâches pourries qu'on allait m'assigner, avec mon collègue, pour s'assurer qu'il me revienne pas à l'esprit de saloper le boulot.
Alors que c'était même pas ma faute, en plus, ce qui est assez dégueulasse quand on y pense.
Toujours est-il qu'au bout du petit couloir, on arrive à un genre de porte renforcée, qu'on ouvrira pas d'un coup de pied avant de savater tout le monde à l'intérieur. Mon démon de compagnie temporaire propose une approche subtile, alors que j'étais justement en train de me dire qu'il était temps d'y aller comme des boeufs pour sauver les meubles, surtout qu'on sait pas combien de temps la nana va rester en vie.
Eternel optimiste que je suis, je suppose que c'est celle qu'on cherche, et qu'ils l'ont pas encore tuée.
« Oui, bien sûr, j'allais justement suggérer d'essayer de faire ça en douceur,que j'mens sans sourciller. »
On prend la forme des deux grouillots du haut. J'ai pas d'autre idée, pasque se déguiser en mouche, ou en fourmi, c'est pas faisable, et qu'il faut quand même qu'on entre. J'prends une grande inspiration, j'toque brièvement à la porte, j'pousse la poignée et le battant. Coup de bol, c'est ouvert, et on fait irruption dans une salle meublée de tapis épais, quelques chaises et une grande table sur laquelle tout un tas de bordel est posé, parmi lequel quelques bouteilles.
Un genre de salle sécurisée pour se réfugier, avec de la bouffe et à boire, p'tet ?
Rulio, enfin, le gars que j'présume être Rulio, le chef des As de Pique et cause de toute cette affaire pour avoir buté la fille d'un sénateur, nous jette un regard qui oscille entre la méchanceté, la fatigue et la surprise. J'me serais contenté des deux derniers, à choisir, mais il m'a pas proposé. Avec lui, un petit type indéfinissable, quarantaine grisonnante, et j'ai pas besoin de regarder les colifichets accrochés à son armure de cuir pour capter que c'est un genre de mage.
« Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que vous fichez ici ?
- Désolé, chef ! C'est urgent !
- Quoi ?! Et comment vous avez passé l'illusion ? »
J'me tourne vers Rêve avec l'air interloqué.
« Quelle illusion ? On a juste vu un couloir qui menait ici de votre bureau. »
Il fronce ses gros sourcils bruns, le Rulio, et jette un regard à son magicien. Le gars hausse les épaules, l'air de dire que c'est pas ses oignons. J'en profite pour regarder Hortensia, qu'a l'arcade abîmée, un beau coquard et une contusion à la lèvre. Visiblement, la discussion est pas si civile que ça, mais ses vêtements sont présents et en bon état. On aurait pu s'attendre à tout, avec les As de Pique.
J'arrive pas à capter ce qu'il essaie de faire. Il aurait probablement mieux fait de la suriner et la balancer dans le port, mais on dirait qu'il essaie de la convaincre de revenir sur sa déposition. P'tet pour incriminer un chef de gang rival ? C'est dans ce genre de cas dangereux qu'il faut réussir à transformer le danger en chance, m'est avis, mais à voir son regard vague et le filet de bave qui coule sur son menton, ça se passe pas hyper bien.
Le rôle du magicien, p'tet, de lui jeter un sort pour qu'elle soit plus malléable.
« Peu importe, reprend Rulio. Que se passe-t-il ?
- C'est l'Office Républicain, ils sont à l'entrée et veulent vous parler ! Pour l'instant, ils patientent dans le vestibule, mais ça ne va peut-être pas durer...
- Je vois... Vous ne leur avez pas dit que j'étais en déplacement d'affaires ?
- Si, si ! Mais ils ont rien voulu entendre, ils ont dit qu'ils savaient que...
- Que ?
- Que vous seriez là et ce que vous aviez fait.
- Je. N'ai. Rien. Fait. C'est un putain de complot ! »
Ca, ça reste à voir mais c'est pas ce qu'Hortensia avait l'air de raconter. Est-ce que c'est le moment où on sort nos armes et on les fracasse ? Mais j'aime pas le regard du p'tit sorcier sur nous, y'a un côté qui schlingue, une impression de danger ou de menace. J'arrive même pas à savoir s'il est totalement humain ou s'il a du sang nain ou quoi.
« Bon, venez avec moi. Allons jeter un oeil à ces enculés d'officiers. »
Hé, ho, c'est quand même pas très gentil, ça.
Mais on lui emboîte le pas, et il fait signe à son magicien de continuer son taf. Il ferme la porte, et on remonte le couloir jusqu'à son bureau. Au moment où on doit entrer dans la pièce où on a tabassé les deux gars dont on a pris l'apparence, et dont l'un d'eux risque de jamais se réveiller comme avant, on lui tombe dessus, et on l'immobilise rapidement. Mon couteau lui fait comprendre assez nettement qu'il est p'tet pas temps de gueuler.
« Alors, c'est quoi ?
- C'moi, l'officier républicain. Venu chercher Hortensia. C'est quoi le délire avec l'autre au fond ?
- C'est pas moi qu'ai buté la fille du sénateur. La pute dit que oui, mais on pense qu'elle est sous le coup d'un sortilège, pour pas en démordre comme ça.
- Ou alors c'est la vérité. »
Il crache par terre.
« Ca serait pratique, hein ? »
J'suis plutôt d'accord.
Alors que c'était même pas ma faute, en plus, ce qui est assez dégueulasse quand on y pense.
Toujours est-il qu'au bout du petit couloir, on arrive à un genre de porte renforcée, qu'on ouvrira pas d'un coup de pied avant de savater tout le monde à l'intérieur. Mon démon de compagnie temporaire propose une approche subtile, alors que j'étais justement en train de me dire qu'il était temps d'y aller comme des boeufs pour sauver les meubles, surtout qu'on sait pas combien de temps la nana va rester en vie.
Eternel optimiste que je suis, je suppose que c'est celle qu'on cherche, et qu'ils l'ont pas encore tuée.
« Oui, bien sûr, j'allais justement suggérer d'essayer de faire ça en douceur,que j'mens sans sourciller. »
On prend la forme des deux grouillots du haut. J'ai pas d'autre idée, pasque se déguiser en mouche, ou en fourmi, c'est pas faisable, et qu'il faut quand même qu'on entre. J'prends une grande inspiration, j'toque brièvement à la porte, j'pousse la poignée et le battant. Coup de bol, c'est ouvert, et on fait irruption dans une salle meublée de tapis épais, quelques chaises et une grande table sur laquelle tout un tas de bordel est posé, parmi lequel quelques bouteilles.
Un genre de salle sécurisée pour se réfugier, avec de la bouffe et à boire, p'tet ?
Rulio, enfin, le gars que j'présume être Rulio, le chef des As de Pique et cause de toute cette affaire pour avoir buté la fille d'un sénateur, nous jette un regard qui oscille entre la méchanceté, la fatigue et la surprise. J'me serais contenté des deux derniers, à choisir, mais il m'a pas proposé. Avec lui, un petit type indéfinissable, quarantaine grisonnante, et j'ai pas besoin de regarder les colifichets accrochés à son armure de cuir pour capter que c'est un genre de mage.
« Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que vous fichez ici ?
- Désolé, chef ! C'est urgent !
- Quoi ?! Et comment vous avez passé l'illusion ? »
J'me tourne vers Rêve avec l'air interloqué.
« Quelle illusion ? On a juste vu un couloir qui menait ici de votre bureau. »
Il fronce ses gros sourcils bruns, le Rulio, et jette un regard à son magicien. Le gars hausse les épaules, l'air de dire que c'est pas ses oignons. J'en profite pour regarder Hortensia, qu'a l'arcade abîmée, un beau coquard et une contusion à la lèvre. Visiblement, la discussion est pas si civile que ça, mais ses vêtements sont présents et en bon état. On aurait pu s'attendre à tout, avec les As de Pique.
J'arrive pas à capter ce qu'il essaie de faire. Il aurait probablement mieux fait de la suriner et la balancer dans le port, mais on dirait qu'il essaie de la convaincre de revenir sur sa déposition. P'tet pour incriminer un chef de gang rival ? C'est dans ce genre de cas dangereux qu'il faut réussir à transformer le danger en chance, m'est avis, mais à voir son regard vague et le filet de bave qui coule sur son menton, ça se passe pas hyper bien.
Le rôle du magicien, p'tet, de lui jeter un sort pour qu'elle soit plus malléable.
« Peu importe, reprend Rulio. Que se passe-t-il ?
- C'est l'Office Républicain, ils sont à l'entrée et veulent vous parler ! Pour l'instant, ils patientent dans le vestibule, mais ça ne va peut-être pas durer...
- Je vois... Vous ne leur avez pas dit que j'étais en déplacement d'affaires ?
- Si, si ! Mais ils ont rien voulu entendre, ils ont dit qu'ils savaient que...
- Que ?
- Que vous seriez là et ce que vous aviez fait.
- Je. N'ai. Rien. Fait. C'est un putain de complot ! »
Ca, ça reste à voir mais c'est pas ce qu'Hortensia avait l'air de raconter. Est-ce que c'est le moment où on sort nos armes et on les fracasse ? Mais j'aime pas le regard du p'tit sorcier sur nous, y'a un côté qui schlingue, une impression de danger ou de menace. J'arrive même pas à savoir s'il est totalement humain ou s'il a du sang nain ou quoi.
« Bon, venez avec moi. Allons jeter un oeil à ces enculés d'officiers. »
Hé, ho, c'est quand même pas très gentil, ça.
Mais on lui emboîte le pas, et il fait signe à son magicien de continuer son taf. Il ferme la porte, et on remonte le couloir jusqu'à son bureau. Au moment où on doit entrer dans la pièce où on a tabassé les deux gars dont on a pris l'apparence, et dont l'un d'eux risque de jamais se réveiller comme avant, on lui tombe dessus, et on l'immobilise rapidement. Mon couteau lui fait comprendre assez nettement qu'il est p'tet pas temps de gueuler.
« Alors, c'est quoi ?
- C'moi, l'officier républicain. Venu chercher Hortensia. C'est quoi le délire avec l'autre au fond ?
- C'est pas moi qu'ai buté la fille du sénateur. La pute dit que oui, mais on pense qu'elle est sous le coup d'un sortilège, pour pas en démordre comme ça.
- Ou alors c'est la vérité. »
Il crache par terre.
« Ca serait pratique, hein ? »
J'suis plutôt d'accord.
Citoyen du monde
Rêve
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Malgré sa sagesse millénaire, la bête onirique perdait patience et sentit poindre, petit à petit, les prémices d'un nouvel accès de colère. Rêve s'était certes engagé dans cette quête en compagnie de Pancrace afin de l'assister dans son enquête mais le réel objectif du Voyageur ne concernait absolument pas la résolution de ce dossier dont il saisissait à peine les implications et encore moins les conséquences potentielle sur la société républicaine. Ce qui attirait son œil, derrière son déguisement parfait, était le traitement ignoble qu'avait reçue sa jeune protégée. Avec une intensité troublante, il dévisageait le malfrat à l'origine du calvaire d'Hortensia, comprenant sans mal que ce rêveur mal intentionné n'était autre que le supérieur hiérarchique des brigands qu'ils avaient vaincus précédemment.
La suite de l'interrogatoire de Pancrace se déroula directement dans le bureau du gaillard et lorsqu'il découvrit les corps inanimés de ses hommes de main, il se contenta de lever les yeux au ciel, indifférent à l'état désastreux de l'un d'entre eux. Les questions ne semblaient pas mener à une quelconque issue et encore moins à l'apparitions de remords apparents. Il y avait chez le personnage qui leur faisait face une froideur glaçante, ce dernier ayant apparemment choisi de s'abaisser à tous les vices afin de laver son nom auprès de la justice des Hommes. Malheureusement pour lui, Rêve officiait selon ses propres lois et ne risquait pas de s'encombrer de courtoisie, en vue de l'état désastreux de sa pauvre amie. D'un seul coup, sa silhouette d'emprunt s'allongea verticalement, coupant par stupeur le mafieux qui s'apprêtait à reprendre son discours malhonnête.
Le déguisement s'assombrit pour se recouvrir d'un épais duvet, le cou de la bête s'étira et ses membres anormalement longs reprirent peu à peu leur forme d'origine tandis que l'être chimérique s'avançait vers la crapule, la toisant d'un air menaçant tout en ajustant les derniers détails de sa transformation. Ses ailes colossales se déployèrent dans un claquement brutal, arrachant à leur interlocuteur un mouvement de recul qui vint trahir sa crainte quant à cette terrifiante créature qui se dressait désormais face à lui. Les yeux écarquillés, le voyou se replia jusqu'à la fenêtre de son bureau, s'aplatissant contre la vitre comme un chiot terrifié. Une patte terminées en serres affutées comme des dagues vint enjamber le bureau tout entier et se planta ensuite dans le mur, à quelques centimètres seulement du faciès de la proie. Balbutiant sous le poids de la terreur qui rendait ses pensées confuses, le brigand bredouilla :
"Qu'est... Qu'est ce que...c'est que ce..."
"Cela n'a aucune importance."
Dans un contexte tel que celui-ci, même Rêve perdait patience. D'un geste vif et précis, il vint flanquer sa main griffue sur la gorge de sa cible, la collant au mur avec force tout en usant de ses dons de lecture spirituelle afin d'obtenir quelques maigres informations quant à la réalité de la situation, mais rien d'exploitable ne lui vint. En revanche, il perçut de nombreuses images de la torture qu'avait subi Hortensia, chose qui ne manqua pas d'attiser la flamme de son courroux. Son emprise se resserra et, alors que sa victime étouffait, il fit une énième fois usage de sa sinistre magie afin de s'insinuer directement dans le crâne de sa victime, l'assénant d'attaques mentales suffisamment terribles pour lui arracher un grognement étouffé par la poigne mortellement puissante du Démon. Si c'était ainsi que les rêveurs obtenait leurs aveux, Rêve comptait bien se plier à leur tradition :
"Es-tu coupable de ce dont tu es accusé ?"
La bête relâcha brusquement le cou meurtri du voyou qui, aussitôt, laissa un cri achevé en sanglots lui échapper. Rêve n'était ni décontenancé, ni même surpris de voir le mafieux ainsi brisé par sa magie sordide, ayant déjà par le passé sculpté des cauchemars si abjects qu'il avait vu les plus fiers guerriers retourner en enfance, implorant la venue de leurs mères en pleurant à chaudes larmes. Aujourd'hui, pas une once de pitié n'apparaissait dans les yeux immenses de l'obscure créature qui s'était désormais saisie du menton de sa proie, lui pressant les joues en forçant son visage dans toutes les directions, cherchant dans la grimace affreuse des traces d'informations pouvant servir la cause de son allié du jour. De sa double-voix, le monstre s'exprima avec une cruelle autorité :
"Si tu mens, je le saurai. Si tu mens, je te tuerai."
Malgré l'effroi et la douleur, le chef de bande parvint à articuler entre deux reniflements :
"J'vous jure que je mens pas putain ! Par pitié, sortez d'ma tête ! J'vous en prie !"
Mais les griffes se refermèrent à nouveau en un étau cauchemardesque et, malgré les prières, l'infernale entité se fraya à nouveau un chemin dans l'esprit de sa proie, mordant son esprit avec sauvagerie tandis que sa victime, à bout de nerfs, griffait le papier-peint avec violence sous l'impact d'un tel assaut. Si le spectacle était atroce, Rêve demeurait quant à lui parfaitement neutre, jaugeant froidement le rêveur soumis à cette folle torture à la recherches de secrets qu'il n'avait aucun moyen de trouver avec certitude. Il y avait dans ces doutes la source d'une frustration que n'avait jamais ressenti le Démon auparavant et c'était justement ce sentiment, nouveau et incompris, qui le poussait à un tel sadisme.
Quelques secondes de plus, et la folie risquait fort de s'emparer du pauvre homme.
La suite de l'interrogatoire de Pancrace se déroula directement dans le bureau du gaillard et lorsqu'il découvrit les corps inanimés de ses hommes de main, il se contenta de lever les yeux au ciel, indifférent à l'état désastreux de l'un d'entre eux. Les questions ne semblaient pas mener à une quelconque issue et encore moins à l'apparitions de remords apparents. Il y avait chez le personnage qui leur faisait face une froideur glaçante, ce dernier ayant apparemment choisi de s'abaisser à tous les vices afin de laver son nom auprès de la justice des Hommes. Malheureusement pour lui, Rêve officiait selon ses propres lois et ne risquait pas de s'encombrer de courtoisie, en vue de l'état désastreux de sa pauvre amie. D'un seul coup, sa silhouette d'emprunt s'allongea verticalement, coupant par stupeur le mafieux qui s'apprêtait à reprendre son discours malhonnête.
Le déguisement s'assombrit pour se recouvrir d'un épais duvet, le cou de la bête s'étira et ses membres anormalement longs reprirent peu à peu leur forme d'origine tandis que l'être chimérique s'avançait vers la crapule, la toisant d'un air menaçant tout en ajustant les derniers détails de sa transformation. Ses ailes colossales se déployèrent dans un claquement brutal, arrachant à leur interlocuteur un mouvement de recul qui vint trahir sa crainte quant à cette terrifiante créature qui se dressait désormais face à lui. Les yeux écarquillés, le voyou se replia jusqu'à la fenêtre de son bureau, s'aplatissant contre la vitre comme un chiot terrifié. Une patte terminées en serres affutées comme des dagues vint enjamber le bureau tout entier et se planta ensuite dans le mur, à quelques centimètres seulement du faciès de la proie. Balbutiant sous le poids de la terreur qui rendait ses pensées confuses, le brigand bredouilla :
"Qu'est... Qu'est ce que...c'est que ce..."
"Cela n'a aucune importance."
Dans un contexte tel que celui-ci, même Rêve perdait patience. D'un geste vif et précis, il vint flanquer sa main griffue sur la gorge de sa cible, la collant au mur avec force tout en usant de ses dons de lecture spirituelle afin d'obtenir quelques maigres informations quant à la réalité de la situation, mais rien d'exploitable ne lui vint. En revanche, il perçut de nombreuses images de la torture qu'avait subi Hortensia, chose qui ne manqua pas d'attiser la flamme de son courroux. Son emprise se resserra et, alors que sa victime étouffait, il fit une énième fois usage de sa sinistre magie afin de s'insinuer directement dans le crâne de sa victime, l'assénant d'attaques mentales suffisamment terribles pour lui arracher un grognement étouffé par la poigne mortellement puissante du Démon. Si c'était ainsi que les rêveurs obtenait leurs aveux, Rêve comptait bien se plier à leur tradition :
"Es-tu coupable de ce dont tu es accusé ?"
La bête relâcha brusquement le cou meurtri du voyou qui, aussitôt, laissa un cri achevé en sanglots lui échapper. Rêve n'était ni décontenancé, ni même surpris de voir le mafieux ainsi brisé par sa magie sordide, ayant déjà par le passé sculpté des cauchemars si abjects qu'il avait vu les plus fiers guerriers retourner en enfance, implorant la venue de leurs mères en pleurant à chaudes larmes. Aujourd'hui, pas une once de pitié n'apparaissait dans les yeux immenses de l'obscure créature qui s'était désormais saisie du menton de sa proie, lui pressant les joues en forçant son visage dans toutes les directions, cherchant dans la grimace affreuse des traces d'informations pouvant servir la cause de son allié du jour. De sa double-voix, le monstre s'exprima avec une cruelle autorité :
"Si tu mens, je le saurai. Si tu mens, je te tuerai."
Malgré l'effroi et la douleur, le chef de bande parvint à articuler entre deux reniflements :
"J'vous jure que je mens pas putain ! Par pitié, sortez d'ma tête ! J'vous en prie !"
Mais les griffes se refermèrent à nouveau en un étau cauchemardesque et, malgré les prières, l'infernale entité se fraya à nouveau un chemin dans l'esprit de sa proie, mordant son esprit avec sauvagerie tandis que sa victime, à bout de nerfs, griffait le papier-peint avec violence sous l'impact d'un tel assaut. Si le spectacle était atroce, Rêve demeurait quant à lui parfaitement neutre, jaugeant froidement le rêveur soumis à cette folle torture à la recherches de secrets qu'il n'avait aucun moyen de trouver avec certitude. Il y avait dans ces doutes la source d'une frustration que n'avait jamais ressenti le Démon auparavant et c'était justement ce sentiment, nouveau et incompris, qui le poussait à un tel sadisme.
Quelques secondes de plus, et la folie risquait fort de s'emparer du pauvre homme.
Citoyen de La République
Pancrace Dosian
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« C’est pas moi ! C’est… pas… m… »
J’me réveille d’un coup de la fascination morbide que j’éprouvais à voir Cauchemar torturer l’esprit de notre coupable tout désigné, et j’me rends compte que ses ongles sont cassés ou arrachés contre le mur, laissant de longues traînées rouges sur le papier-peint guilleret. La bave se mélange à ses larmes et un peu d’écume mousse à la commissure de ses lèvres alors que ses yeux arrêtent de bouger, regardant fixement ceux du démon.
Putain, j’suis con.
D’une bourrade, j’écarte le monstre, et j’attrape Rulio par l’épaule avant qu’il se viande, pour le poser en position assise. Quelques petites baffes tentent sans grand succès de le ramener mais il est pas capable de baffouiller autre chose que des borborygmes amorphes. Et pour le coup, autant tout ce qui est démoniaque, j’m’y connais pas forcément le mieux, autant j’sais reconnaître les symptômes d’une attaque mentale, donc c’pas dit qu’il se remette tout de suite, voire jamais.
Et ça me fait bien chier.
« Bordel, mais comment on va faire pour le coller au trou et en procès s’il est transformé à l’état de légume ?! T’y as pensé, à ça ? »
Non, bien sûr qu’il y a pas pensé, c’est un démon des rêves, c’est moi l’officier républicain, c’était à moi de garder les pieds sur terre et de prendre en considération qu’il a annihilé l’esprit d’un larbin un peu plus tôt, et qu’il allait probablement recommencer dès qu’il trouverait quelqu’un d’autre. Pour ce que j’en sais, il se nourrit réellement de ça et se contente de coller au sillage de violence qui suit un enlèvement suivi de tortures scabreuses. Et si Rulio remonte pas à la surface, mon suspect se sera fait la malle au fond de son propre esprit. Faudra que j’justifie d’avoir dû l’abîmer, peut-être…
« Laisse tomber et refais pas ça, il reste le magicien, il reste lui. Il pourra nous dire. Puis ça se trouve, c’est même pas lui qui l’a butée, la fille du sénateur, comme il disait. Mais putain… »
J’ai la désagréable impression de me faire déborder par tout ce qui se passe, et j’me rends compte que faire irruption ici, c’était p’tet la meilleure utilisation du monstre que j’avais sous la main, dans le temps imparti, mais que maintenant, j’ai pas d’autre choix que continuer la fuite en avant jusqu’à trouver la solution et la lumière au bout du tunnel.
Y’a comme qui dirait un autre souci : on est toujours en territoire ennemi, avec le chef du gang sur les bras, et s’il est dans le coaltar actuellement, c’est pas dit que ça dure. S’il se réveille au mauvais moment, notre situation risque d’empirer considérablement. J’suis à deux doigts de me barrer par une fenêtre et dire que j’ai rien vu, rien entendu.
A la place, j’choppe Rulio par-dessous le bras, et j’le trimballe jusqu’à la salle cachée, suivi de Rêve. Un coup de godasse dans la porte l’ouvre, et j’balance le corps titubant en direction du mage, qui hausse un sourcil interrogateur en retirant les deux doigts qu’il avait posés sur le front d’Hortensia. Elle a un peu le même regard que le chef des As de Pique maintenant, et c’est clairement pas flatteur.
Puis j’cours sur le magicien mercenaire, bien décidé à le fracasser physiquement pour voir ce qu’il peut nous raconter.
La bulle d’eau solide qui me cueille au sternum me fait reconsidérer tout ça alors que j’roule au sol en crachant mes poumons et de la bile, et en essayant de reprendre mon souffle. Sous sa forme de piaf géant, le démon zigzague le long du mur, esquivant comme il peut les projectiles aqueux. J’lance sans grande précision ni conviction mon couteau vers l’adversaire, ce qui rompt suffisamment brièvement sa concentration pour que mon attaque mentale achève de le désarçonner. En me redressant à moitié, j’le fauche et on roule au sol, où il prend rapidement le dessus.
Son crochet suivi d’un coup de coude me fait voir une palanquée d’étoiles, et il faut l’intervention du démon pour l’immobiliser contre le mur. Il commence à cracher une incantation qui m’est vaguement familière, alors j’essaie de lui couper la respiration en l’attrapant à la gorge, mais la magie fait œuvre, et il disparaît dans un bruit blanc qui m’fait siffler les oreilles, me laissant juste un de ses colifichets en main.
Derrière, Hortensia déséquilibrée tombe sur le côté, juste à côté de Rulio qui glousse bêtement dans sa salive.
J’me donne dix secondes pour reprendre mon souffle et mes esprits, et une projection astrale au commissariat les prévient que j’ai besoin d’un coup de main par ici. On a verrouillé la porte derrière nous, et j’ouvre que quand les collègues débarquent pour embarquer tout ce petit monde. Ma déposition est toute prête, et tout pèse sur Rulio, même si je doute de plus en plus de sa culpabilité vu que tout semble flou pour Hortensia.
****
Quelques heures plus tard, la nuit est tombée, et quand j’ressors du poste, j’suis accueilli par une forme sombre sous l’arche d’une porte.
« Hé, Rêve. Prêt à reprendre la chasse ? »
J’montre le fétiche que j’ai récupéré plus tôt, marqué du symbole des Cloches d’Argent.
Citoyen du monde
Rêve
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Nappée d'encre, la silhouette confuse du Voyageur épousait les ténèbres à la perfection, se noyant dans une telle obscurité qu'on peinait fort à l'apercevoir. L'officier Républicain à l'œil avisé, toutefois, parvint sans mal à reconnaître son curieux compagnon derrière le rideau ténébreux. S'il en avait eu les moyens, un sourire se serait dessiné sur son visage immense mais, à défaut, ce fut sur un ton d'entendement plein de sympathie que la bête onirique répondit lorsqu'elle fut interpellée. Les quelques heures de repos qu'il s'était offert lui avaient permis de restaurer partiellement son énergie, assez en tout cas pour reprendre sa forme illusoire. D'un seul coup, le démon s'affaissa sur lui-même, prenant un instant l'apparence d'un épais drapée noir qui voleta jusqu'au sol avant de retrouver rapidement l'apparence du fidèle chien noir que le militaire connaissait déjà.
"Je suis prêt, Pancrace."
Durant l'absence de l'officier avec lequel il avait collaboré, Rêve avait songé longuement à ses précédents agissements car, malgré l'absence d'hostilité réelle de la part de son compagnon, le Voyageur avait bien ressenti qu'en de bien des égards, il avait fauté. Les impardonnables rêveurs qu'il avait froidement martyrisé ne méritaient pas moins que le sordide traitement qu'ils avaient reçu, toutefois Rêve comprenait désormais sans mal qu'en tant qu'accompagnateur, il avait sans doute outrepassé ses droits en agissant de la sorte. Naïf, instable et parfois colérique, il s'était pour ainsi dire comporté en véritable monstre et s'il ne regrettait pas ses actes, étant indifférent à la douleur de ses victimes, Rêve se sentait pour ainsi dire redevable. Sans lui, Hortensia n'aurait jamais été retrouvée.
Ne pas pouvoir conserver avec la jeune femme avait pour lui été un véritable crève-cœur. Profondément altéré par l'état dramatique de sa jeune amie qui ne savait même pas ce qu'il était réellement, il rêvait de pouvoir lui révéler enfin sa véritable nature. Elle avait été escortée jusqu'à la bâtisse où se trouvaient les compères de Pancrace et, bien qu'il fut étranger à leurs coutumes, le démon des songes comprenait que certaines démarches devaient être menées par les Hommes avant qu'il puisse, enfin, obtenir ce qu'il désirait. Une dette était une dette, néanmoins, aussi le prince exilé décréta que sa quête n'était pas tout à fait close.
Lorsque Pancrace lui tendit l'étrange accessoire qu'il avait déniché lors de l'altercation avec le mage évadé, Rêve se contenta de l'observer de ses grandes prunelles grises en approchant sa truffe, cherchant à comprendre ce que pouvait bien symboliser un tel objet. Pancrace lui expliqua ce qu'il représentait et, lorsque Rêve comprit les implications d'une telle révélation, il réalisa aussitôt qu'effectivement, ils étaient loin d'en avoir terminé. Malgré tout, un élément pour le moins perturbant lui vint et il en fit part aussitôt à son camarade :
"Ce Rulio... que j'ai blessé. Comment as-tu expliqué son état à tes pairs ?"
Ils se mirent en route, explorant les ruelles assombries de la grande cité tandis que Pancrace lui expliquait certains détails qui lui échappaient encore. Bien qu'étranger à la plupart des notions qu'avait précédemment évoqué l'officier, Rêve tentait de faire son possible afin de comprendre et de s'adapter à son nouvel environnement, tâchant de se montrer un peu plus efficace et moins entreprenant qu'il ne l'avait été durant leur dernière intervention. Pancrace communiquait peu et se plaignait encore moins mais, lorsqu'il avait été repoussé après avoir blessé le voyou, le Voyageur avait ressenti sans méprise à quel point il pouvait fauter, chose qu'il décida de faire savoir :
"Je ne reproduirai pas une telle erreur, cher rêveur. Sans toi, Hortensia ne serait plus, je n'oublierai pas à quel point tu t'es montré utile. Tu peux compter sur mon soutien dans ta quête."
Une question lui brûlait tout de même les lèvres, il s'empressa donc de la poser après avoir marqué une courte pause :
"Comment va-t-elle ?"
"Je suis prêt, Pancrace."
Durant l'absence de l'officier avec lequel il avait collaboré, Rêve avait songé longuement à ses précédents agissements car, malgré l'absence d'hostilité réelle de la part de son compagnon, le Voyageur avait bien ressenti qu'en de bien des égards, il avait fauté. Les impardonnables rêveurs qu'il avait froidement martyrisé ne méritaient pas moins que le sordide traitement qu'ils avaient reçu, toutefois Rêve comprenait désormais sans mal qu'en tant qu'accompagnateur, il avait sans doute outrepassé ses droits en agissant de la sorte. Naïf, instable et parfois colérique, il s'était pour ainsi dire comporté en véritable monstre et s'il ne regrettait pas ses actes, étant indifférent à la douleur de ses victimes, Rêve se sentait pour ainsi dire redevable. Sans lui, Hortensia n'aurait jamais été retrouvée.
Ne pas pouvoir conserver avec la jeune femme avait pour lui été un véritable crève-cœur. Profondément altéré par l'état dramatique de sa jeune amie qui ne savait même pas ce qu'il était réellement, il rêvait de pouvoir lui révéler enfin sa véritable nature. Elle avait été escortée jusqu'à la bâtisse où se trouvaient les compères de Pancrace et, bien qu'il fut étranger à leurs coutumes, le démon des songes comprenait que certaines démarches devaient être menées par les Hommes avant qu'il puisse, enfin, obtenir ce qu'il désirait. Une dette était une dette, néanmoins, aussi le prince exilé décréta que sa quête n'était pas tout à fait close.
Lorsque Pancrace lui tendit l'étrange accessoire qu'il avait déniché lors de l'altercation avec le mage évadé, Rêve se contenta de l'observer de ses grandes prunelles grises en approchant sa truffe, cherchant à comprendre ce que pouvait bien symboliser un tel objet. Pancrace lui expliqua ce qu'il représentait et, lorsque Rêve comprit les implications d'une telle révélation, il réalisa aussitôt qu'effectivement, ils étaient loin d'en avoir terminé. Malgré tout, un élément pour le moins perturbant lui vint et il en fit part aussitôt à son camarade :
"Ce Rulio... que j'ai blessé. Comment as-tu expliqué son état à tes pairs ?"
Ils se mirent en route, explorant les ruelles assombries de la grande cité tandis que Pancrace lui expliquait certains détails qui lui échappaient encore. Bien qu'étranger à la plupart des notions qu'avait précédemment évoqué l'officier, Rêve tentait de faire son possible afin de comprendre et de s'adapter à son nouvel environnement, tâchant de se montrer un peu plus efficace et moins entreprenant qu'il ne l'avait été durant leur dernière intervention. Pancrace communiquait peu et se plaignait encore moins mais, lorsqu'il avait été repoussé après avoir blessé le voyou, le Voyageur avait ressenti sans méprise à quel point il pouvait fauter, chose qu'il décida de faire savoir :
"Je ne reproduirai pas une telle erreur, cher rêveur. Sans toi, Hortensia ne serait plus, je n'oublierai pas à quel point tu t'es montré utile. Tu peux compter sur mon soutien dans ta quête."
Une question lui brûlait tout de même les lèvres, il s'empressa donc de la poser après avoir marqué une courte pause :
"Comment va-t-elle ?"
Citoyen de La République
Pancrace Dosian
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J’m’arrête quand il pose la question sur Rulio. Vrai que c’était une galère, ça. Il avait été salement amoché, et c’est pas dit qu’il retrouve un état normal un jour. En tout cas, avec la bave aux lèvres, il est pas trop apte à contester ma version des faits, ni même à se défendre. Le bon côté, c’est que les traces magiques qui restaient suite à la téléportation du sorcier-mercenaire ont pu être constatées par un autre Officier Républicain, et qu’elles sont assurément pas les miennes.
« J’ai expliqué qu’il s’était retrouvé coincé entre deux sorts, de l’autre et de moi, et qu’il avait mangé les deux de plein fouet. Du coup, l’attaque mentale et une autre magie non-identifiée, ça a suffi à la transformer en légume. Ça se trouve, il remontera à la surface, mais pour le moment, c’est pas ça. Le commissaire l’a mis dans un coin en attendant, des fois qu’on retrouve notre contractuel. Et si oui, on lui collera aussi ça dans les dents, histoire qu’il reste un peu plus à l’ombre, voire écope d’une promotion directe vers le Razkaal. Sait-on jamais. »
De toute façon, j’allais pas dire qu’un démon avait bouffé son âme au point qu’il restait qu’une enveloppe vide à peine capable de transformer la bouffe en merde et l’eau en bave, hein, donc y’avait pas trente-six solutions. Et pour le sous-fifre qui s’est jamais réveillé, là, j’ai mis ça sur le compte de l’investigation, et que j’avais entendu un appel à l’aide d’Hortensia, du coup, la situation justifiait une action rapide.
On fait ce qu’on peut. De toute façon, personne allait m’accuser d’avoir arrêté un chef de la mafia, surtout dans le contexte actuel. On a croisé le sénateur un peu plus tard, et il m’a gratifié d’un salut et un sourire reconnaissants, tout engoncé dans son costume. Plutôt bon pour la carrière, surtout que le commissaire l’a vu.
P’tet que j’serai pas de corvée de paperasse les prochaines semaines, même.
« Merci, tant qu’on évite de buter à tout va tout ce qu’on croise, coupable ou non, ça devrait le faire. En ce qui concerne Hortensia, physiquement rien de grave, quelques hématomes mais ça va pas beaucoup plus loin. Pour la partie mentale… on sait pas trop ce que le mage lui a fait, c’est un peu la partie difficile. Mais le sénateur a fait jouer de ses contacts, donc y’a des types de l’Académie Magic, et des experts indépendants, aussi, qui s’affairent depuis qu’elle est revenue à son chevet, donc elle devrait pas tarder à retrouver la pêche. »
Et, idéalement, à nous dire la vérité, si les soigneurs ont pas baratiné le grand chef. Mais à leur place, je le ferais pas, il avait l’air un peu tendu. Le besoin de vengeance, ça, ça rend un peu teigneux, surtout quand on est un puissant qu’a pas l’habitude d’avoir des problèmes. C’est plutôt pour les autres, après tout, les emmerdes.
« Il nous reste du coup notre piste des Cloches d’Argent. Ça serait faux de dire que c’est un gang, c’est plutôt un genre de Guilde ? Rien d’officiel, donc p’tet même une association. Ouais, c’est le meilleur terme. Ils collaborent et se partagent un nom et un pedigree pour se trouver des missions, rémunérées à prix d’or et pas d’argent, hein, vu les tarifs… »
J’ai un p’tit rire bref, alors même qu’on quitte le centre avec le commissariat pour arriver dans les beaux quartiers commerçants. C’est qu’ils traînent pas avec les gueux, et j’les comprends : à leur place, j’ferais pareil. Trop la flemme d’enjamber les clodos et de foutre des coups de pieds aux rats qui rôdent.
« Bref, bref bref. Ils ont la réputation de prendre tout ce qui existe de missions haut de gamme, des trucs qui nécessitent des pointures, donc y’a du mage de bataille, du guerrier balaise, du pisteur hors-pair, ce qu’on s’imagine, quoi. Là, on n’a pas dû tomber sur une de leurs têtes, ou alors leur réputation est salement gonflée, mais ouais, que du légal, normalement. C’est ce qui me fait dire que y’en a un qu’a décidé de baiser à côté des trous, ou alors qu’ils ont un volet d’activité plus libre, pasqu’enlever des nanas pour leur laver le cerveau, normalement, on est plutôt dans le genre criminel assumé. »
J’crache par terre en entrant dans une ruelle mal éclairée qui longe une grande bâtisse de trois étages, avec de la lumière à p’tet une fenêtre sur cinq, et une grande salle commune en bas. C’est là qu’ils crèchent, avec des effectifs variables suivant les saisons.
« Evidemment, on peut pas se pointer et dire qu’ils font des trucs pas nets, surtout si le chef de guilde était au courant et en faveur de la mission. Donc à partir de là, on va voir si notre loustic est dans le coin… ou pas. Puis on improvisera. »
J’agite le doigt en direction du clebs, avec les passants qui me jettent des regards discrets avant d’accélérer le pas.
« Donc pas de connerie, cette fois, hé ? »
Citoyen du monde
Rêve
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"C'est à tes directives que je me fierai, désormais."
Rêve était d'une part infiniment reconnaissant d'apprendre que les jours de sa douce protégée n'étaient pas en danger et il savait admettre que Pancrace évoluait dans ce monde avec plus d'aisance et de compréhension que lui, il semblait donc normal de le laisser diriger l'excursion. La bête onirique n'avait rien d'un démon vengeur mais estimait toutefois que l'annihilation de toute menace potentielle avait tout d'une solution adéquate, elle trouvait donc bien curieux de devoir se plier à ces machinations complexes visant à conserver l'ordre établi. C'était néanmoins sans effectuer la moindre remarque et sans même poser d'ennuyeuses questions que Rêve gambadait aux côtés de son camarade du jour avec lequel il avait l'impression, curieusement, d'avoir établi les bases d'un lien malgré les flagrantes différences qui les opposaient.
"Je sais que mes talents ne sont pas tout à fait à ton goût, mais n'oublie pas que je suis en mesure de faire admettre à ces mortels les vérités que tu souhaites entendre."
L'énorme canidé mimait avec une justesse singulière les attitudes ainsi que la gestuelle de l'enveloppe qu'il s'était attribué mais il y avait parfois, dans certains de ses mouvements, quelques détails notables brisant la crédibilité de son déguisement. Parfois, l'un de ses bonds joviaux paraissait trop aérien, comme si la gravité cessait temporairement d'exercer son emprise sur son corps. En d'autres occasions, le pelage noir arborait des reflets qui ne convenaient pas tout à fait à l'environnement. Voguant au gré de ses pensées secrètes, la créature semblait éprouver sans en avoir parfaitement conscience des difficultés à maintenir l'intégrité de son camouflage. Ses oreilles vinrent subitement se tendre et il se raidit, comme frappé par une idée, avant de s'interrompre brusquement dans sa marche.
"J'ai mal, Pancrace."
L'annonce attira inéluctablement l'attention de l'intéressé et ce dernier accorda un regard plein d'interrogation à son acolyte chimérique qui, malgré une mine tout à fait neutre, révélait par un fébrile tremblement de ses quatre pattes qu'effectivement, quelque chose clochait en lui. L'animal balaya la ruelle silencieuse de ses yeux violacés puis, d'un seul coup, une sorte de pulsion vint former autour de lui une orbe parfaite, perceptible un instant puis totalement invisible le suivant, ce dans un crépitement magique. Les tremblement s'estompèrent aussitôt et la créature, bien qu'interloquée, reprit ses esprits et articula à haute voix :
"Des rêveurs m'attaquent. Ils sont proches."
Les prunelles du chien se tournèrent vers les hauteurs, puis de chaque côté de la ruelle qu'ils avaient emprunté pour se rendre à leur destination. Il n'aperçut aucun assaillant mais Rêve savait précisément quel genre d'assaut il venait de subir car cette magie, aux origines aussi obscures que lui, était identique à la sienne. Une forme détournée de manipulation d'essence cauchemardesque, chose sont la bête mythique usait et abusait en de nombreuses occasions mais, lorsqu'une telle forme arcanique était employée contre elle, la créature avait tendance à le prendre relativement mal. En l'absence de témoins oculaires, Rêve sut qu'il était temps de se manifester sous une forme plus hostile que celle qu'il utilisait actuellement.
Les poils s'épaissirent petit à petit et, dans une série de craquements électriques, le démon Cauchemar se révéla dans son abjecte splendeur, entourant Pancrace tout en accomplissant sa sinistre transformation. Leurs assaillants se savaient menacés par l'enquête et, du fait de leurs craintes, ils avaient choisi d'agir de front plutôt que d'être frappés à revers. Malheureusement pour eux, la bête légendaire ainsi que son compère détenaient des atouts secrets et savaient se défendre. Le gardien ténébreux ouvrit ses ailes énormes dans un claquement et son visage de chouette s'ouvrit de façon surnaturelle, laissant entrevoir par endroits la silhouette d'une dentition monstrueuse et carnassière. De cette gueule diabolique, deux voix transformées par une excitation malsaine s'élevèrent :
"Vous avez choisi de mener votre assaut depuis les ombres. Ne me forcez pas à vous en extraire."
Le silence fut maintenu quelques secondes après la menace proférée par la bête démoniaque mais après ce bref instant de tension, une silhouette humanoïde vint se manifester au bout de la ruelle, bras tendus en guise de signe pacifique. L'homme, dissimulé sous une épaisse cape et portant un masque argenté, s'approcha du duo juste assez pour être à portée de voix et leur dit avec fermeté :
"J'vois que vous avez sorti votre monstre une deuxième fois, officier. On vient pas pour le tuer, mais pour causer avec vous."
Impassible malgré le spectacle terrifiant de l'être gigantesque qui se tenait derrière Pancrace, l'homme s'exprimait avec fermeté et assurance et même une once de moquerie tout à fait assumée. Il les savait encerclé et se sentait en confiance, apparemment. Ne sachant comment réagir et préférant se concentrer sur de potentiels opposants invisibles, Rêve observait les environs sans s'éloigner de son camarade. L'inconnu continua, toujours sans sourciller face au danger :
"Vous avez mis le doigt sur des choses qui vous dépassent, mon brave. Vous vous en prenez à plus costaud que vous. Que diriez-vous de négocier votre tranquillité, en échange de la nôtre ?"
Rêve était d'une part infiniment reconnaissant d'apprendre que les jours de sa douce protégée n'étaient pas en danger et il savait admettre que Pancrace évoluait dans ce monde avec plus d'aisance et de compréhension que lui, il semblait donc normal de le laisser diriger l'excursion. La bête onirique n'avait rien d'un démon vengeur mais estimait toutefois que l'annihilation de toute menace potentielle avait tout d'une solution adéquate, elle trouvait donc bien curieux de devoir se plier à ces machinations complexes visant à conserver l'ordre établi. C'était néanmoins sans effectuer la moindre remarque et sans même poser d'ennuyeuses questions que Rêve gambadait aux côtés de son camarade du jour avec lequel il avait l'impression, curieusement, d'avoir établi les bases d'un lien malgré les flagrantes différences qui les opposaient.
"Je sais que mes talents ne sont pas tout à fait à ton goût, mais n'oublie pas que je suis en mesure de faire admettre à ces mortels les vérités que tu souhaites entendre."
L'énorme canidé mimait avec une justesse singulière les attitudes ainsi que la gestuelle de l'enveloppe qu'il s'était attribué mais il y avait parfois, dans certains de ses mouvements, quelques détails notables brisant la crédibilité de son déguisement. Parfois, l'un de ses bonds joviaux paraissait trop aérien, comme si la gravité cessait temporairement d'exercer son emprise sur son corps. En d'autres occasions, le pelage noir arborait des reflets qui ne convenaient pas tout à fait à l'environnement. Voguant au gré de ses pensées secrètes, la créature semblait éprouver sans en avoir parfaitement conscience des difficultés à maintenir l'intégrité de son camouflage. Ses oreilles vinrent subitement se tendre et il se raidit, comme frappé par une idée, avant de s'interrompre brusquement dans sa marche.
"J'ai mal, Pancrace."
L'annonce attira inéluctablement l'attention de l'intéressé et ce dernier accorda un regard plein d'interrogation à son acolyte chimérique qui, malgré une mine tout à fait neutre, révélait par un fébrile tremblement de ses quatre pattes qu'effectivement, quelque chose clochait en lui. L'animal balaya la ruelle silencieuse de ses yeux violacés puis, d'un seul coup, une sorte de pulsion vint former autour de lui une orbe parfaite, perceptible un instant puis totalement invisible le suivant, ce dans un crépitement magique. Les tremblement s'estompèrent aussitôt et la créature, bien qu'interloquée, reprit ses esprits et articula à haute voix :
"Des rêveurs m'attaquent. Ils sont proches."
Les prunelles du chien se tournèrent vers les hauteurs, puis de chaque côté de la ruelle qu'ils avaient emprunté pour se rendre à leur destination. Il n'aperçut aucun assaillant mais Rêve savait précisément quel genre d'assaut il venait de subir car cette magie, aux origines aussi obscures que lui, était identique à la sienne. Une forme détournée de manipulation d'essence cauchemardesque, chose sont la bête mythique usait et abusait en de nombreuses occasions mais, lorsqu'une telle forme arcanique était employée contre elle, la créature avait tendance à le prendre relativement mal. En l'absence de témoins oculaires, Rêve sut qu'il était temps de se manifester sous une forme plus hostile que celle qu'il utilisait actuellement.
Les poils s'épaissirent petit à petit et, dans une série de craquements électriques, le démon Cauchemar se révéla dans son abjecte splendeur, entourant Pancrace tout en accomplissant sa sinistre transformation. Leurs assaillants se savaient menacés par l'enquête et, du fait de leurs craintes, ils avaient choisi d'agir de front plutôt que d'être frappés à revers. Malheureusement pour eux, la bête légendaire ainsi que son compère détenaient des atouts secrets et savaient se défendre. Le gardien ténébreux ouvrit ses ailes énormes dans un claquement et son visage de chouette s'ouvrit de façon surnaturelle, laissant entrevoir par endroits la silhouette d'une dentition monstrueuse et carnassière. De cette gueule diabolique, deux voix transformées par une excitation malsaine s'élevèrent :
"Vous avez choisi de mener votre assaut depuis les ombres. Ne me forcez pas à vous en extraire."
Le silence fut maintenu quelques secondes après la menace proférée par la bête démoniaque mais après ce bref instant de tension, une silhouette humanoïde vint se manifester au bout de la ruelle, bras tendus en guise de signe pacifique. L'homme, dissimulé sous une épaisse cape et portant un masque argenté, s'approcha du duo juste assez pour être à portée de voix et leur dit avec fermeté :
"J'vois que vous avez sorti votre monstre une deuxième fois, officier. On vient pas pour le tuer, mais pour causer avec vous."
Impassible malgré le spectacle terrifiant de l'être gigantesque qui se tenait derrière Pancrace, l'homme s'exprimait avec fermeté et assurance et même une once de moquerie tout à fait assumée. Il les savait encerclé et se sentait en confiance, apparemment. Ne sachant comment réagir et préférant se concentrer sur de potentiels opposants invisibles, Rêve observait les environs sans s'éloigner de son camarade. L'inconnu continua, toujours sans sourciller face au danger :
"Vous avez mis le doigt sur des choses qui vous dépassent, mon brave. Vous vous en prenez à plus costaud que vous. Que diriez-vous de négocier votre tranquillité, en échange de la nôtre ?"
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Pancrace Dosian
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Finalement, l'apparence de chien est pas si déconnante : il admet même suivre mes instructions pour la suite des événements. Et s'il voulait au début en priorité sauver Hortensia, il semblerait désormais que l'objectif soit de se venger de ceux qui lui ont fait du mal. J'prends soin de pas relever le point, des fois qu'il s'en rende compte et décide qu'il en a assez fait et qu'il peut se barrer pour retourner batifoler dans les pensées des somnolents.
L'est un peu violent et carrément dangereux, mais il m'a surtout été sacrément utile jusque-là, et j'suis à peu près certain que j'aurais pas retrouvé quoi que ce soit sans lui pour me filer un coup de main. Ou d'aile. Ou de patte. Enfin bref, seul.
« Nan mais ça, j'dis pas, c'est aussi pour ça que je me suis pas étendu sur ton rôle auprès des chefs : ça les aurait rendu nerveux, qu'un démon traîne autour de l'affaire, et c'était clairement pas le moment de les rendre chafouins. »
Faire intervenir un civil dans une affaire prioritaire de l'Office Républicain, toutes ces conneries de procédures qui s'assurent qu'on pète pas trop fort et que la population a pas à s'inquiéter qu'on fasse notre travail sans excès de... zèle. Quoiqu'à voir ce qu'on a laissé derrière nous, j'peux comprendre la raison d'être de ces règles.
Reste que si la première bouchée fournie au commissaire et au sénateur leur ont donné l'eau à la bouche, ils sont pas contre un peu plus d'assurance que le vrai coupable a été coffré, et le politicien qui m'a souri un peu plus tôt aurait bien voulu se mettre le magicien sous la dent aussi, histoire de nettoyer un peu tous les responsables du goût amer qu'il a en bouche après la mort de fifille.
Ca résoudra rien, mais ça calmera les autres et leur rappellera qu'ils ont beau s'élever de quelques centimètres au-dessus du reste du caniveau, c'est toujours dans les tours que leurs destins peuvent être décidés d'un claquement de doigt. Bref, du contrôle et de la vengeance, une histoire qui date du jour où un singe en a regardé un autre en lui disant que la grosse boule lumineuse avait dit que c'était lui le chef maintenant.
J'm'attendais pas vraiment à une embuscade. Jusqu'à présent, c'était nous qu'avions le temps d'avance qui nous permettait de les attraper avec les chausses au niveau des chevilles mais cet état de fait pouvait difficilement durer. C'est Rêve qui trinque et redevient l'horrible créature croisée à l'entrée d'un appartement dévasté, puis qui a bu l'âme d'un pauvre truand dont le crime principal était d'être au mauvais endroit au mauvais moment.
Du coup, quand le gars sort des ombres en levant les mains l'air de rien, pour proposer la paix, j'ai envie de dire qu'il se fout quand même un peu de notre gueule. Il attaque mon démon favori par surprise, et ensuite il dit qu'il veut qu'on soit poto, mais il se serait passé quoi si Rêve avait canné direct ? Il aurait dit ''pardon'' et m'aurait souhaité une bonne soirée ?
J'sais pas pourquoi, mais ça m'étonnerait fort.
J'garde le visage impénétrable, et j'attends l'offre. En temps normal, j'aurais signé tous les jours, mais le contexte hiérarchique et politique complique singulièrement les choses, j'dois bien l'admettre à mon corps défendant.
« J'suis pas contre discuter, ça propose quoi ? »
Rêve tourne sur lui-même, et un homme et une femme sortent derrière nous. Mon senseur magique capte un peu de magie des ombres, sûrement ce qu'ils ont utilisé pour se fondre dans les ténèbres de la ruelle. Pas de signe de magie sur la femme, par contre, si on considère que l'épée au manche fatigué par l'usure ne relève pas de l'occulte, tout comme ses épaules drôlement carrées et son nez cassé plusieurs fois, et mal remis.
« Moyennant finances, nous pouvons nous quitter en bons termes. Vous oubliez toute cette sombre affaire, et nous vous laissons partir sans... dommages regrettables.
- Ah. Des menaces, alors.
- Voyez plutôt cela comme un simple avertissement pour éviter le désordre. »
Ouais, des menaces, nous disions donc. Sa voix calme et profonde a quelque chose d'apaisant, alors j'peux pas m'empêcher de regarder si des émanations magiques ont pour objectif de jouer sur nos pensées ou nos émotions, mais même pas.
« Il n'y a aucune magie à l'oeuvre, je vous l'assure. »
Ah ben s'il détecte ça aussi...
« Le souci, c'est que le sénateur veut que tous les coupables trinquent... Et si le commissaire dit qu'on fait comme le monsieur il a dit, ben... »
Ouais, j'me défausse de toute responsabilité derrière mes chefs, surtout qu'ils sont pas là pour dire le contraire.
« Le mieux, ce serait encore de les convaincre qu'il n'y a plus rien à chercher, ou alors de nous donner le mage pour qu'il fasse quelques temps à l'ombre.
- Vous avez bien conscience que ce n'est pas possible ?
- Je croyais qu'on pouvait s'arranger...
- Certains points sont malheureusement non-négociables.
- Ah... On parle de combien, pour laisser tout ça derrière nous ? »
Il fait un signe de la main qui laisse peu de place à l'imagination, alors qu'il montre une bourse dont j'vois d'ici qu'elle est bien remplie.
« C'est d'accord. »
Je pense très très fort que faut pas se battre maintenant et qu'on peut toujours prendre la monnaie et revenir se battre un autre jour. J'espère juste que Rêve aura le mémo.
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